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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 22 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

Le président : Avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et autres participants qui assistent à cette réunion en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son. Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.

Dans la mesure du possible, veuillez vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.

Je vous remercie de votre collaboration.

Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices, de même qu’à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca. Je m’appelle Claude Carignan. Je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Bonsoir. Éric Forest, de la division sénatoriale du Golfe, au Québec.

Le sénateur Gignac : Bonsoir. Clément Gignac, du Québec.

Le sénateur Dalphond : Bonsoir. Pierre Dalphond, division De Lorimier — un des grands patriotes qu’on a célébrés lundi —, du Québec.

Le sénateur Loffreda : Bonsoir et bienvenue, monsieur Giroux. Zac, c’est un plaisir de vous revoir. Je suis Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis ici, sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

La sénatrice Kingston : Je vous souhaite la bienvenue. Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ross : Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, nous entamons aujourd’hui notre étude de la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, qui a été renvoyé à ce comité par le Sénat du Canada le 9 mai 2024.

Nous sommes heureux d’accueillir un témoin que nous apprécions beaucoup, qui vient souvent nous rendre visite et avec qui nous apprenons énormément. Il s’agit de M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget. M. Giroux est accompagné de Zac Vrhovsek, analyste.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous aurez cinq à sept minutes pour vos remarques liminaires, après quoi nous passerons à la période des questions des sénateurs.

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui. Nous sommes heureux d’être ici pour parler du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril dernier.

Je suis accompagné aujourd’hui de Zac Vrhovsek, analyste économique. Il s’agit de sa première comparution devant un comité parlementaire. Je suis donc sûr que vous serez sympathiques et accueillants avec lui.

Mon mandat comme directeur parlementaire du budget, tel qu’il est défini par la Loi sur le Parlement du Canada, est de fournir aux parlementaires des analyses indépendantes et non partisanes afin de les aider à remplir leur rôle constitutionnel, qui consiste à demander des comptes au gouvernement.

À cette fin, mon bureau a publié le 30 avril 2024 une analyse qui fait ressortir les faits saillants du budget de 2024. Dans ce budget, le gouvernement a annoncé 61,2 milliards de dollars en nouvelles dépenses qui ont été partiellement compensées par 21,9 milliards de dollars de mesures d’accroissement des revenus. Sur une base nette, les nouvelles mesures réduisent le solde budgétaire du gouvernement de 39,3 milliards de dollars entre 2023-2024 et 2028-2029.

[Traduction]

Mon bureau a également publié des estimations des coûts sur des mesures prévues dans le budget de 2024, y compris sur le refus de déductions fiscales pour la location à court terme, les fiducies collectives des employés, la bonification du crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et, ce matin, la déduction pour amortissement accéléré pour les nouveaux logements admissibles destinés à la location.

Au cours des prochaines semaines, mon bureau publiera une analyse plus approfondie des mesures annoncées dans le budget de 2024, y compris l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, les crédits d’impôt à l’investissement pour l’énergie propre, la réduction des impôts pour les entrepreneurs et une mise à jour sur l’impôt minimum de remplacement. Ces analyses visent à fournir aux parlementaires des renseignements importants sur des questions clés afin d’orienter les discussions sur la conjoncture économique et financière du pays.

M. Vrhovsek et moi serons ravis de répondre à vos questions sur notre analyse du budget de 2024 ou sur d’autres travaux effectués par mon bureau. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre présence pour amorcer notre étude du projet de loi C-69.

Dans le projet de loi C-69, comme on l’indique à la partie 1f) du préambule, le gouvernement bonifie l’aide aux salles de presse au moyen de deux mesures : premièrement, l’augmentation du plafond des dépenses de main-d’œuvre par employé de salle de presse admissible de 55 000 $ à 85 000 $, et deuxièmement, l’augmentation temporaire du taux de crédit d’impôt de 25 % à 35 % pour une période de quatre ans.

J’entends beaucoup parler de l’iniquité de cette aide, puisque les médias électroniques en sont exclus. Pourtant, en région, les radios et la télévision produisent des nouvelles, écrivent du contenu et jouent un rôle important par rapport à la santé démocratique de nos communautés. Comprenez-vous la stratégie du gouvernement de limiter cette aide aux médias écrits? A-t-on une idée du coût que cela pourrait représenter si on étendait cette aide aux médias électroniques?

M. Giroux : C’est une question pertinente; par contre, cela relève d’une décision du gouvernement, qui a décidé de favoriser un certain secteur. C’est donc en toute connaissance de cause que le gouvernement a choisi de favoriser les journalistes de la presse écrite, et non pas ceux de la télévision, par exemple.

Je n’ai pas d’idée précise du coût que cela pourrait engendrer d’étendre cette mesure à la télévision, par exemple, mais je ne crois pas que cela doublerait ou augmenterait de façon très importante le coût de la mesure, étant donné que le créneau est quand même assez bien défini en ce qui concerne les journalistes ou le salaire admissible — et le crédit d’impôt aussi est tout de même bien circonscrit. Donc, on pourrait certainement penser que ce serait moins du double du coût de la mesure actuelle.

Le sénateur Forest : La taxe sur les logements sous-utilisés est une mesure importante, compte tenu de la situation actuelle. La section 3 de la partie 3 apporte des modifications au Règlement sur la taxe sur les logements sous-utilisés. En avril, vous aviez produit un rapport pour estimer les recettes tirées de cette taxe sur les logements. Vous évaluez les revenus générés grâce à cette taxe à 693 millions de dollars sur une période de cinq ans. Est-ce que vos estimations tenaient compte des mesures annoncées dans le projet de loi C-69?

M. Giroux : Je ne crois pas, parce qu’au moment de publier, le budget n’était pas encore déposé; donc, on n’aurait pas pu inclure les dispositions qui figurent dans le projet de loi d’exécution du budget.

Le sénateur Forest : Pensez-vous que cela peut modifier substantiellement les estimations que vous aviez faites?

M. Giroux : C’est difficile à dire, car on ne s’est pas penché sur cette question en détail. Il faudrait examiner plus attentivement les mesures du projet de loi C-69. C’est quelque chose que l’on pourrait considérer si le comité voulait que l’on se penche sur la possible interaction entre les mesures du projet de loi C-69 et nos estimations de coûts qui ont été déposées précédemment.

Le sénateur Forest : Selon vous, étant donné que l’objectif ultime est de remettre sur le marché des logements locatifs qui sont gelés ou retirés du marché, croyez-vous que cette mesure peut être efficace actuellement?

M. Giroux : Il est certain qu’aussitôt qu’on allège le fardeau fiscal pour la construction ou la conversion d’un logement, cela facilite son entrée sur le marché. Est-ce que ce sera un facteur déterminant? Il est probable que ce ne sera pas le facteur le plus important, parce que le facteur le plus important, c’est la construction de nouvelles unités.

Donc, si on enlève une taxe comme la TPS sur la construction de logements locatifs, ou si on impose des taxes sur les logements sous-utilisés, cela contribue à ramener des unités sur le marché locatif, mais la construction est évidemment la mesure la plus importante. Comme on le sait, dans le secteur de la construction, il y a d’autres mesures qui bloquent la disponibilité, comme la rareté de la main-d’œuvre dans certains secteurs. Cette mesure va aider, mais ce ne sera probablement pas la mesure qui va renverser la tendance.

Le sénateur Forest : Si j’ai bien compris vos remarques liminaires, dans le budget, les dépenses ont augmenté de 71,8 milliards de dollars comparativement à une augmentation des revenus de 21,8 milliards de dollars. Donc, l’écart du déficit, si je fais un calcul rapide, est de 50 milliards de dollars de plus. Est-ce que les nouvelles mesures qui n’ont pas encore été annoncées — il y a certaines mesures liées à des revenus et dépenses qui seront annoncées dans les prochaines semaines — vont augmenter encore plus l’écart entre l’équilibre de nos revenus et de nos dépenses?

M. Giroux : Vous faites probablement référence au taux d’inclusion du gain en capital dont les détails ne sont pas tous connus; les prévisions budgétaires incluent ces mesures de revenu. À moins que les dispositions législatives changent de façon significative, l’essence même de la mesure qui a été annoncée dans le budget ne devrait pas avoir un impact important sur les prévisions budgétaires.

Là où on risque d’avoir des surprises, c’est dans les mesures relatives aux dépenses. Le gouvernement, par exemple, peut, pour toutes sortes de raisons, ne pas être en mesure de déposer ou de dépenser au rythme prévu dans le budget; dans ce cas, cela réduirait un peu le déficit.

Le sénateur Forest : Merci beaucoup.

Le président : Je vais maintenant céder la parole au parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre présence, messieurs Giroux et Vrhovsek.

Monsieur Giroux, je vais citer votre rapport. Je suis en train d’examiner l’ancrage budgétaire en ce qui concerne le budget. Les niveaux d’endettement sont élevés partout dans le monde, et pas seulement au Canada, par rapport à ce qu’ils étaient avant la pandémie. On s’inquiète non seulement de la dette publique, mais aussi de la dette des ménages canadiens. La dette, comme nous le disions dans mon ancienne vie de banquier, mange trois repas par jour : le déjeuner, le dîner et un gros souper.

Je cite votre rapport :

Dans le budget de 2024, le gouvernement prétendait « demeurer fidèle à ses objectifs budgétaires et à son point d’ancrage budgétaire, à savoir réduire le ratio de la dette fédérale au PIB à moyen terme ». Selon les perspectives présentées dans le budget de 2024, le ratio de la dette fédérale au PIB devrait augmenter, demeurant au-dessus de son niveau de 41,7 % en 2022-2023 pendant deux ans, avant de diminuer graduellement à moyen terme pour atteindre 39,0 % en 2028-2029.

Selon l’hypothèse du statu quo, c’est-à-dire sans mesures supplémentaires et compte tenu des résultats économiques possibles entourant les perspectives du secteur privé, nous estimons que la probabilité que le ratio de la dette fédérale au PIB en 2028-2029 soit inférieur à son niveau de 2022-2023, à savoir 41,7 %, est de 72 %.

Je m’interroge sur la probabilité de 72 %. Comment a-t-on calculé ce pourcentage? Pourquoi pas 99 % ou 55 %? À quel point est-on certain que ces niveaux seront atteints? Les Canadiens seraient rassurés si le niveau était inférieur à celui 2022-2023 d’ici quelques années. Dans quelle mesure pouvez-vous rassurer les Canadiens comme moi que nous atteindrons cet objectif?

M. Giroux : Les mots les plus importants dans le passage du rapport qui a été cité sont « selon l’hypothèse du statu quo », donc sans nouvelles mesures. Si le gouvernement va de l’avant avec les choix budgétaires énoncés dans le budget, nous pouvons arriver à la probabilité que le ratio de la dette fédérale au PIB en 2028-2029 soit inférieur à 41,7 % en utilisant ce que les économétriciens appellent la simulation de Monte-Carlo. Cette méthode consiste à appliquer les données à un modèle pour expliquer ou simuler les conditions économiques dans divers scénarios qui se sont produits au fil du temps, par exemple un brusque mouvement inattendu à la hausse ou à la baisse de la croissance, de l’inflation, ou des taux d’intérêt, ou encore des chocs liés au commerce ou au chômage comme ceux vécus ces dernières années.

On cherche donc à savoir ce qui se passerait si ces divers scénarios se reproduisaient, à l’exclusion d’événements tels qu’une pandémie, pour des raisons évidentes. En faisant des centaines ou des milliers de simulations sur divers scénarios, on observe que dans 72 % des scénarios possibles, le ratio de la dette fédérale au PIB en 2028-2029 sera inférieur à 41,7 %.

Le sénateur Loffreda : C’est donc en appliquant cette méthode scientifique qui a fait ses preuves que l’on arrive à une probabilité de 72 %?

M. Giroux : Ce sont des modèles mathématiques. Certains diront que les économistes ne sont pas des scientifiques, mais les résultats sont issus de modèles éprouvés. Ils ne sont pas nouveaux et reposent sur les comportements passés de facteurs économiques et sur les conditions économiques au Canada et à l’échelle internationale.

Le sénateur Loffreda : Je ne retrouve pas les graphiques que vous avez présentés. Pouvez-vous faire une comparaison entre le niveau d’endettement du Canada et celui des pays du G7, du G20, et de l’OCDE? C’est très inquiétant. Partout, on parle de dette et d’inflation; elle semble sous contrôle, croisons-nous les doigts. Chapeau à la Banque du Canada pour l’avoir contrôlée. Pourra-t-on maintenir ce niveau d’endettement? Comment se compare le Canada à d’autres pays? Que pensez-vous de la loi d’exécution du budget?

M. Giroux : Nous évaluons la viabilité de la dette fédérale chaque année, généralement en été. La dernière évaluation a eu lieu en juillet 2023; la prochaine aura lieu cet été, mais le travail a déjà commencé. Bien sûr, la dernière évaluation a eu lieu avant le dépôt du budget de 2024. Nous avons conclu qu’en supposant le maintien des politiques actuelles, la dette fédérale était viable pour les 75 prochaines années.

Le sénateur Loffreda : 75 ans?

M. Giroux : Oui, pour les 75 prochaines années.

Le sénateur Loffreda : J’espère être toujours ici.

M. Giroux : Moi aussi, mais mon épouse pense peut-être autrement. Je n’en dirai pas plus puisqu’elle est peut-être à l’écoute.

Qu’arriverait-il aux finances publiques si nous ne faisions rien pendant 75 ans, avec le vieillissement de la population, les hypothèses démographiques, la productivité, les taux d’intérêt et le reste? Notre conclusion, en date de juillet 2023, est que les finances du gouvernement fédéral, et celles de la plupart des provinces et des territoires, seraient viables à long terme.

Quelle était l’autre question? Ah, oui, vous m’avez demandé de faire des comparaisons.

Le sénateur Loffreda : Me reste-t-il du temps?

[Français]

Le président : Vous êtes le parrain, donc oui.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays en ce qui a trait au niveau d’endettement? Faisons-nous totalement fausse route? Tous les pays ont dépensé pendant la pandémie, y compris le Canada. On l’entend partout. Hier soir, je voulais regarder les nouvelles et je me disais que nous devions avoir une chaîne qui diffuse de bonnes nouvelles, mais ce n’est pas le cas. Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays?

M. Giroux : La meilleure chaîne de nouvelles est celle des délibérations du Comité sénatorial des finances nationales.

Le sénateur Loffreda : En effet. C’est pourquoi on m’a accordé plus de temps ce soir.

M. Giroux : Le Canada se compare assez favorablement aux autres pays du G7 au chapitre du ratio de la dette au PIB. Il se classe probablement au premier ou au deuxième rang des pays les moins endettés par rapport au PIB. Par rapport à d’autres groupes de comparaison tels que le G20, nous nous situons à nouveau dans le meilleur quartile, c’est-à-dire dans la dernière proportion de 25 % pour ce qui est du niveau d’endettement par rapport à l’économie. Nous sommes en bonne position, et cela est dû en grande partie aux fonds de pension publics — RPC et RRQ — qui sont partiellement capitalisés au préalable, ce que la plupart des autres pays n’ont pas. Ils ont des obligations sans avoir les mêmes actifs que nous.

Le sénateur Loffreda : Nous sommes donc en bonne position par rapport à eux? Nous sommes les premiers de la classe?

M. Giroux : Certainement dans les deux ou trois premiers rangs.

Le sénateur Loffreda : Les deux ou trois premiers rangs.

M. Giroux : Les quelques premiers rangs.

Le sénateur Loffreda : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Bien que le Sénat soit indépendant, je vais faire la contrepartie de mon collègue pour traiter d’un volet peut-être un peu moins reluisant de nos finances publiques. Dans le budget de 2022 et les projections financières, le gouvernement disait que la taille des dépenses publiques en pourcentage du PIB passerait de 15,8 % à 15 %. Deux ans plus tard, lorsqu’on regarde les dépenses de l’État en pourcentage du PIB, nous ne sommes pas à 15 %, mais bien à 16 %. Une proportion de 1 % du PIB équivaut à 30 milliards de plus en erreur de prévision. Ce qui me préoccupe davantage, c’est que cela ne vient ni des transferts aux provinces ni des transferts aux particuliers, mais des dépenses de fonctionnement. À l’époque, le budget de 2022 disait qu’on passerait de 7,5 % à 6,6 % du PIB. Or, le pourcentage n’a pas du tout baissé; il est resté à 7,5 %, ce qui équivaut manifestement à une erreur de projection.

Pouvez-vous me rassurer sur le fait que le gouvernement contrôle et gère bien ses dépenses? Comme dans le secteur privé, nous contrôlons nos dépenses et pas nécessairement nos recettes, à moins d’augmenter les impôts.

M. Giroux : J’aimerais vous rassurer sur ce point. Au cours des exercices budgétaires consécutifs, on voit que le gouvernement dépose des prévisions de dépenses. Par exemple, dans le budget de 2022 et la mise à jour économique de 2022, on voit que la trajectoire augmente. À chaque exercice budgétaire pour une année donnée, on dépense toujours un peu plus que prévu.

On le voit aussi dans les prévisions de dépenses en personnel au sein des ministères. Ils prévoient toujours d’atteindre un pic pour ce qui est du nombre d’employés, suivi d’une réduction l’année prochaine. Or, l’année prochaine n’arrive jamais. La réduction de la taille de la fonction publique, selon les plans des ministères, est toujours repoussée à l’année prochaine, peu importe l’année à laquelle on se trouve. C’est un peu comme quelqu’un qui voudrait se mettre au régime, mais toujours l’année prochaine ou le mois prochain; or, le mois prochain n’est pas encore arrivé.

Vous faites référence à une erreur de prévision. Je pense que c’est plutôt un scénario assez délibéré d’avoir une certaine taille pour l’État, et c’est probablement la conséquence de certains choix politiques de livrer de nouveaux programmes ou d’étendre les programmes existants, plutôt qu’une simple erreur.

Le sénateur Gignac : Je vous ramène à l’étude que vous avez publiée sur le budget de 2024 et les enjeux pour les parlementaires. Le tableau 5 sur l’examen des dépenses est intéressant — et je vais demander au président une certaine flexibilité, puisque le préambule de ma question risque d’être long.

Le président : Ce n’est pas une critique, mais...

Le sénateur Gignac : La sénatrice Marshall étant absente, je me sens le devoir d’être un peu plus critique ce soir.

En fait, si on regarde votre tableau 5, dans le budget de 2022, vous parlez de « réduire les dépenses prévues », car on pensait avoir une économie de 3 milliards de dollars. Un peu plus loin, on parle d’un « examen des politiques stratégiques », qu’on n’a pas vu encore; on pensait économiser 9 milliards de dollars. Bref, je suis rendu à environ 25 milliards de dollars. Il y a une colonne à côté; pouvez-vous faire le bilan de ce qui a été annoncé et des résultats obtenus à ce stade-ci?

M. Giroux : Il y a eu plusieurs exercices de réduction ou de réaffectation de dépenses annoncées au fil des ans. Le seul exercice pour lequel on a des résultats concrets, c’est le budget de 2022, qui visait à réduire les dépenses prévues dans le contexte d’une relance plus forte. Le gouvernement s’était engagé à réduire certaines dépenses de 2023-2024 à 2026-2027, mais plutôt que de faire cela, il est allé une année en arrière. Les dépenses avaient été moins élevées en 2021-2022, donc on a utilisé ces dépenses plus faibles pour déclarer qu’on avait réussi à réduire les dépenses qui devaient se produire à l’avenir. Pour le reste, il y a eu beaucoup d’annonces, mais on n’a pas encore obtenu énormément de résultats concrets.

Le gouvernement semble plus enclin à réaffecter les dépenses de certains secteurs vers d’autres secteurs — par exemple, une réduction des frais de déplacement ou des recours aux consultants pour financer partiellement d’autres dépenses —, mais nous n’avons pas vu de réductions des dépenses. De vraies réductions agrégées sur le plan macroéconomique, il n’y en a pas.

Le sénateur Gignac : Merci pour ce que vous faites; vous nous éclairez beaucoup.

Le gouvernement a sans doute eu raison, lors de la pandémie, d’intervenir comme il l’a fait; j’ai encouragé cela et cela nous a évité une grosse récession, mais depuis deux ans, je suis plus inquiet.

Seriez-vous en mesure d’éclairer le comité et de faire une comparaison internationale par rapport aux dépenses de fonctionnement de l’État? Mon collègue le sénateur Loffreda a raison : on est pas mal des premiers de classe sur le plan de l’endettement. C’est la vitesse des dépenses de fonctionnement qui m’inquiète. Pourrait-on comparer en pourcentage la taille de l’économie, et surtout l’évolution des dépenses de fonctionnement de l’État au Canada, comparativement aux autres sphères de compétence depuis la pandémie? Vous verrez ce que vous pourrez produire à cet effet pour nous rassurer sur le fait que l’on contrôle toujours les dépenses.

M. Giroux : C’est quelque chose qu’on pourrait faire si le comité décidait de nous le demander formellement au moyen d’une motion. Par contre, je dois mentionner que les résultats d’une comparaison internationale pourraient donner des conclusions qui ne sont pas aussi intéressantes ou utiles qu’on pourrait le croire, parce que différents pays ont évidemment différentes préférences en matière de services publics et différentes structures organisationnelles. Le Canada étant une fédération, il est difficile de comparer les dépenses de fonctionnement du pays à celles d’États unitaires comme la France ou le Royaume-Uni.

Le sénateur Gignac : On pourrait peut-être voir auprès des provinces et consolider ce qui serait moins éclairant. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Je vous remercie de votre présence parmi nous, monsieur Giroux.

Nous avons beaucoup parlé des examens des dépenses, des économies, de la réduction de l’utilisation des services professionnels et de la promesse du gouvernement de réduire le coût et la taille de la fonction publique, qui ne cesse de s’étendre. Dans votre rapport, vous avez indiqué que la réduction prévue du nombre d’équivalents temps plein, ou ETP, est d’environ 5 000 au cours des prochaines années. Il s’agit d’un changement par rapport aux pratiques récentes, mais le budget comprend de nombreux nouveaux programmes qui obligeraient probablement les ministères à embaucher davantage de personnel. Cela vous préoccupe-t-il? On a l’impression d’un jeu de ping-pong où l’on coupe des choses un jour et où l’on en rajoute le lendemain en raison des nouveaux programmes que l’on met en place. Quelle évaluation faites-vous du fait que le gouvernement promet de réduire la taille de la fonction publique tout en annonçant de nouveaux programmes?

M. Giroux : Ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe en soi. Augmenter la taille de la fonction publique ou les dépenses constitue un choix et c’est tout à fait dans les prérogatives du gouvernement. Ce n’est pas ce qui me préoccupe. Ce qui me préoccupe, c’est lorsque le gouvernement déclare qu’il réduira le nombre de fonctionnaires de 5 000 sur quatre ans, par attrition, et que, dans le même temps, nous constatons que le budget comporte de nombreuses initiatives qui nécessiteront davantage de fonctionnaires. Je trouve qu’il est très difficile de concilier ces deux éléments.

Il ne sera pas possible d’augmenter le nombre d’ETP pour fournir tous ces nouveaux services tout en réduisant la taille de la fonction publique, à moins qu’il n’y ait une réaffectation massive de certaines ressources vers ces nouveaux secteurs. Par exemple, pour augmenter la capacité des centres d’appel de l’ARC à répondre au volume croissant d’appels, il faut des personnes qui décrocheront le téléphone. À moins de réduire considérablement les ressources de certains secteurs pour les réaffecter aux nouveaux domaines de dépenses, il est impossible d’y parvenir tout en réduisant le nombre d’ETP de 5 000.

Cinq mille personnes, c’est très peu. Il ne faut pas quatre ans pour réduire le nombre de fonctionnaires de 5 000.

Le sénateur Smith : Si je vous ai posé la question, c’est en partie parce qu’il semble y avoir une certaine incohérence dans l’exécution effective par le gouvernement.

Le Canada dispose d’un programme de productivité de longue date, qui est bien connu. Le budget de 2024 prévoit des milliards de dollars de dépenses visant à stimuler la productivité. Cela comprend des crédits à l’investissement dans le secteur des véhicules électriques, des investissements dans les biocarburants et des milliards de dollars pour la recherche sur l’intelligence artificielle. Sur la base de votre examen du budget, êtes-vous convaincu que les annonces du gouvernement contribueront réellement à la croissance de la productivité?

M. Giroux : Les annonces concernant l’intelligence artificielle et l’augmentation, par exemple, des bourses d’entretien, des bourses d’études et de l’argent destiné aux doctorants, par exemple, sont une bonne étape supplémentaire vers l’augmentation de la productivité et de la compétitivité de l’économie canadienne, mais il s’agit d’une question beaucoup plus vaste que ces domaines sélectionnés. Il s’agit de l’investissement des entreprises, qui est plus faible au Canada que dans de nombreux autres pays, malgré les efforts déployés par le gouvernement, malgré les avantages fiscaux comme ceux offerts pour la recherche scientifique et le développement expérimental, la RSDE, malgré le crédit d’impôt, qui est très généreux par rapport aux normes internationales, et malgré toutes les autres aides fiscales. Malgré tout cela, les investissements des entreprises ne sont pas au niveau de ceux que les pays pairs voient chez eux. C’est un bon premier pas ou un pas supplémentaire, mais nous avons besoin d’autre chose — et je ne sais pas ce que c’est — pour stimuler l’investissement des entreprises dans la productivité.

Le sénateur Smith : Voilà qui m’amène à la prochaine question que j’avais à vous poser. Ce qui n’est pas inclus dans la loi d’exécution du budget, c’est l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, ce qui est à venir, selon le gouvernement. Bien des observateurs ont dit que cette modification fiscale va à l’encontre des efforts que déploie le gouvernement pour stimuler la productivité. Que pensez-vous de l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital qu’il propose? En quoi ce changement a-t-il une incidence sur l’investissement et nuit-il à la productivité?

M. Giroux : Dans l’absolu, si l’on augmente le taux d’inclusion des gains en capital dans le revenu d’une personne, on penserait normalement que cela nuirait quelque peu à l’investissement. Cependant, d’autres mesures accompagnent l’augmentation du taux d’inclusion. Par exemple, l’exonération cumulative des gains en capital des propriétaires de petites entreprises passe de moins de 1 million de dollars à 1 250 000 $. Des entrepreneurs canadiens bénéficient d’une nouvelle exonération cumulative des gains en capital de 2 millions de dollars, qui sera supprimée progressivement. Il y a le taux d’inclusion de 50 % pour les gains en capital de 250 000 $. Cette annonce comporte de nombreuses cibles mouvantes qui font qu’il est difficile d’évaluer avec certitude les répercussions globales sur la situation de l’investissement des entreprises au pays.

Pour les grandes entreprises, les répercussions seront négatives. Or, pour les petits investisseurs, on ne sait pas encore très bien quelles seront les répercussions nettes de l’augmentation du taux d’inclusion et de l’inclusion de l’exonération cumulative des gains en capital.

Le sénateur Smith : Devrions-nous chercher à aider à la fois les petits et les grands investisseurs? Qu’est-ce qui va renforcer notre économie à long terme? Est-ce que ce seront les petites organisations en croissance ou les moyennes organisations en croissance? C’est bien d’aider les petits entrepreneurs, ce que nous souhaitons tous, mais nous avons besoin d’économies d’échelle pour pouvoir soutenir la concurrence sur la scène internationale.

M. Giroux : Idéalement, il faut les deux. Il faut des conditions qui favorisent la création de nouvelles entreprises, mais qui leur donnent aussi l’espace, les outils et les incitatifs qui leur permettent de croître, afin qu’elles ne restent pas petites ou qu’elles ne restent pas petites dans l’espoir d’être achetées par de gros joueurs. Nous avons besoin d’un environnement propice à la création d’entreprises et à leur croissance jusqu’à des niveaux qui en feront des multinationales.

Le sénateur Smith : Merci.

La sénatrice Ross : Parmi les éléments de votre rapport qui ont attiré mon attention, il y a la phrase suivante :

En 2023-2024, de nouvelles mesures d’un montant de 1,8 milliard de dollars n’ont pas encore été annoncées pour un exercice financier déjà terminé.

Ce sont donc 2 milliards que nous ne pouvons pas expliquer, et cela semble vraiment aller à l’encontre du principe de transparence financière. Je sais que vous avez dit que nous pouvions interroger le gouvernement à ce sujet ou demander des précisions, mais qu’en pensez-vous? Qu’en pense votre bureau? Comment voyez-vous les choses?

M. Giroux : Il est difficile de rapprocher cela et la transparence. On peut l’expliquer dans une certaine mesure s’il s’agit de montants qui ont été prévus pour des réclamations juridiques ou un règlement dont le processus était bien avancé que l’on pouvait comptabiliser dans l’exercice qui s’est terminé le 31 mars, ce qui est une question de comptabilité. Je suis sûr que la vérificatrice générale peut mieux l’expliquer que moi, mais cela semble tout de même un montant élevé pour quelque chose qui s’est produit dans le passé. Il y a des situations où cela peut se justifier, mais je serai très curieux de voir ce que les comptes publics révéleront au sujet de ce montant de 1,8 milliard de dollars lorsqu’ils seront déposés, vraisemblablement à l’automne.

La sénatrice Ross : Après coup.

M. Giroux : Oui.

La sénatrice Ross : Quelques observations ou questions ont déjà été formulées au sujet du tableau 5 et nous avons déjà parlé de la partie qui porte sur la réduction des dépenses en services de consultation, en services professionnels et en déplacements. Nous avons également reçu des représentants de divers ministères, à qui nous avons posé des questions précises à ce sujet. Étant donné que seulement 500 millions de dollars d’économies ont été réalisés sur la cible de 7,1 milliards, quelles sont vos perspectives à ce sujet et que pensez-vous des progrès réalisés? Que va-t-il se passer, selon vous?

M. Giroux : Il ne s’agit pas d’un montant trop contraignant de réduction des dépenses. Quand on sait que les dépenses globales du gouvernement fédéral s’élèvent à 500 milliards de dollars et que les dépenses de fonctionnement dépassent largement les 100 milliards de dollars, le fait de réduire ces dépenses d’un demi-milliard de dollars en un an et d’augmenter modestement ces réductions au fil du temps n’est pas très contraignant ni très ambitieux. C’est quelque chose d’assez facilement réalisable, à mon avis. C’est un bon premier pas vers la réduction des secteurs de dépenses que le gouvernement voulait réduire, mais ce n’est pas un projet très ambitieux. Ce n’est pas de l’austérité, et ce n’est certainement pas des compressions.

La sénatrice Ross : Est-ce quelque chose que le gouvernement essaie de faire comprendre aux Canadiens, plutôt que d’une véritable mesure d’austérité, comme vous dites? Ce sont des choses visibles.

M. Giroux : En examinant les chiffres et en les mettant en contexte avec le niveau global des dépenses dans ces secteurs, on répond à cette question. J’approuverais probablement la façon dont vous décrivez la situation.

La sénatrice Pate : Je vous remercie de votre présence ici.

Comme vous l’avez mentionné, vous avez publié un rapport ce matin intitulé Dépenses fédérales en matière d’itinérance. Votre bureau a indiqué dans ce rapport que la meilleure preuve disponible était que l’itinérance a augmenté malgré le programme Vers un chez-soi du gouvernement fédéral et que, par conséquent, le programme n’est pas en voie d’atteindre ses objectifs en matière de réduction de l’itinérance. En fait, vous allez plus loin et vous dites que le nombre de sans-abri chroniques a augmenté de 38 % par rapport à 2018 et que le nombre de personnes qui vivent dans des lieux extérieurs a augmenté de 88 %. Le rapport fait état qu’une réduction de 50 % de l’itinérance chronique nécessiterait 3,5 milliards de dollars additionnels par année, soit une multiplication par sept du financement par rapport à la moyenne actuelle de la Stratégie nationale pour le logement.

À mon bureau, j’ai un groupe de stagiaires formidables, et nous avons cherché, mais n’avons pas pu trouver, des mesures particulières concernant directement l’itinérance dans le projet de loi C-69. Y a-t-il des mesures prévues dans ce projet de loi qui nous ont échappé ou qui, selon vous, permettraient de s’attaquer sérieusement à l’itinérance? Comment conciliez-vous votre recommandation de verser 3,5 milliards de dollars supplémentaires par an pour réduire l’itinérance avec la proposition du gouvernement fédéral d’augmenter les dépenses pour le programme Vers un chez-soi de seulement 1,3 milliard de dollars supplémentaires sur quatre ans, comme indiqué dans le budget de 2024?

M. Giroux : Sénatrice, je ne pense pas que vous ayez raté quoi que ce soit dans le projet de loi C-69. Je n’ai vu aucune mesure précise visant à lutter contre l’itinérance. Je viens de demander à M. Vrhovsek s’il se rappelle avoir vu des mesures, si bien que nous sommes trois qui n’en n’avons pas vu. Il y en a peut-être, parce que le projet de loi C-69 compte 686 pages, alors je m’excuse si c’est le cas.

Je tiens à préciser que lorsque nous disons qu’il faudrait 3,5 milliards de dollars pour réduire de 50 % l’itinérance chronique, ce n’est pas une recommandation. C’est juste un fait, et c’est basé sur le dénombrement des sans-abri du gouvernement du Canada. Il s’agit de leurs chiffres et du dénombrement des sans-abri ou des gens proches de l’itinérance. C’est une longue réponse à votre question précise.

La sénatrice Pate : En ce qui concerne les fonds alloués, avez-vous des estimations de l’augmentation du nombre de sans-abri chroniques qui pourrait en résulter?

M. Giroux : Non, nous n’en avons pas. Nous avons des chiffres. Infrastructure Canada a mené une enquête sur le nombre de sans-abri et de sans-abri chroniques en 2018, puis entre 2020 et 2022, mais je ne pense pas que nous disposions de prévisions qui ont été publiées.

La sénatrice Pate : Le gouvernement a présenté l’interdiction des déductions fiscales pour les locations à court terme non conformes comme une mesure susceptible de contribuer à la mise à disposition d’un parc de logements supplémentaire. Votre équipe a estimé que la mesure augmenterait les recettes de l’impôt sur le revenu d’environ 170 millions de dollars sur cinq ans, mais n’a pas abordé la question de savoir si cela contribuerait à remettre des maisons et des appartements sur le marché. Pouvez-vous nous faire part de conclusions à ce sujet qui pourraient nous être utiles?

M. Giroux : Pour estimer cette mesure, nous avons dû nous appuyer sur des microdonnées accessibles au public et nous avons également examiné des mesures semblables qui ont été mises en œuvre dans d’autres instances. Vous avez raison de dire que nous n’avons pas examiné le nombre d’unités qui pourraient être remises sur le marché. Je vais devoir revenir en arrière et voir si les données que nous avons utilisées contiennent des indications sur le nombre d’unités qui seront remises sur le marché ou qui l’ont été dans des instances qui ont mis en œuvre une mesure semblable.

La sénatrice Pate : Lorsque vous le ferez, pourriez-vous examiner si certains groupes démographiques, tels que les propriétaires à faible revenu ou ceux qui vivent dans des régions très touristiques, seraient particulièrement touchés, et comment la mesure pourrait avoir une incidence sur les propriétaires à faible revenu qui utilisent des locations à court terme pour arrondir leurs revenus?

M. Giroux : Si cela fait partie des données que nous avons, nous serons ravis de les fournir.

[Français]

Le sénateur Dalphond : C’est toujours un plaisir de vous avoir parmi nous, monsieur Giroux. J’ai quelques questions.

Dans votre évaluation du budget, est-ce que vous tenez compte des recouvrements anticipés des mesures d’urgence? Des témoins qui ont témoigné au comité nous ont appris qu’il y avait 800 000 dossiers qui avaient été ciblés pour révision, qu’un peu plus de 500 000 dossiers avaient fait l’objet d’une révision et qu’il y avait 5 milliards de dollars en réclamations potentielles. S’il reste encore 300 000 dossiers, j’ai demandé si cela voulait dire qu’il y avait environ 8 milliards de dollars qui étaient possiblement recouvrables, ce qui équivaut au montant de l’intérêt sur la dette en une année. Les témoins nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas nous donner de chiffres précis, parce qu’on va négocier, il y aura des avenants, il y aura des réductions de prix et on pourra être libéré de la dette si l’on paie un certain montant. Finalement, on n’a jamais su ce que cela voulait dire. Il y a un potentiel de 8 milliards de dollars, mais qu’est-ce que cela veut dire en théorie? Est-ce que vous tenez compte de cela dans votre évaluation des revenus?

M. Giroux : Dans la mesure où le gouvernement nous transmet ses propres prévisions en matière de recouvrement de ces aides d’urgence qui ont été versées, oui, on en tient compte. Mais lorsque le gouvernement ne peut pas les estimer, on ne peut pas en tenir compte, parce que, évidemment, cela dépend beaucoup de la capacité du gouvernement à recouvrer effectivement les sommes qui lui sont dues. Plusieurs de ces entreprises ou personnes peuvent avoir fait faillite, donc il est difficile pour nous d’estimer le potentiel de recouvrement si le gouvernement ne nous fournit pas les chiffres.

Le sénateur Dalphond : Pour ce qui est de l’Agence du revenu du Canada, elle ne vous a pas fourni de détails sur les prévisions de recouvrement?

M. Giroux : À ma connaissance, non, mais si c’est le cas, je serai heureux de corriger cela.

Le président : Si vous me le permettez, on a reçu, dans les dernières heures, la réponse à votre question. J’avais aussi ajouté la question sur les entreprises, le nombre de faillites et tout cela. On a reçu tous les chiffres précis. C’est probablement dans votre boîte de courriels.

Le sénateur Dalphond : On vous en transmettra peut-être une copie, monsieur Giroux, parce qu’il y a peut-être des développements de ce côté.

Une autre mesure de transparence que vous avez suggérée à la fin de votre document, c’est d’avoir une date fixe pour le budget. On a maintenant des dates fixes pour les élections. Cela veut dire quelque chose, mais cela peut être contourné. Est-ce qu’il existe des modèles parlementaires à la britannique — au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande ou en Australie — où l’on a des budgets à date fixe?

M. Giroux : Il y a des administrations où le gouvernement est contraint — leur nom ou la juridiction m’échappe, mais je pourrai certainement vous revenir là-dessus — de déposer des budgets, peut-être pas à date fixe, mais à tout le moins dans une fenêtre assez limitée. Cela facilite le dépôt des crédits principaux et le Budget principal des dépenses. Il y a d’autres administrations où le budget doit être déposé en même temps que les crédits budgétaires, ce qui fait en sorte qu’il y a une limite législative quant au moment où le budget doit être déposé. Je crois que l’Australie fonctionne avec un modèle semblable, où le budget et les crédits budgétaires sont déposés en même temps, mais je devrai confirmer cette information.

Le sénateur Dalphond : C’est intéressant, mais cela veut dire que, en même temps, la fin de l’année financière est toujours à la fin de mars. Il faudrait donc que le budget soit toujours avant la fin de mars, même pendant une période difficile où l’on attend encore un mois ou deux pour voir comment l’économie va progresser. J’imagine qu’il y a des dispositions dans ces régimes où un budget supplémentaire est prévu ou complémentaire en tout temps?

M. Giroux : Oui, le gouvernement a toujours la possibilité de déposer un énoncé économique et budgétaire. Le gouvernement le fait de toute façon à l’automne, mais même si le gouvernement ne le fait pas, il peut toujours annoncer de nouvelles initiatives en dehors du véhicule du budget. Le gouvernement dispose de beaucoup de flexibilité quant à l’annonce de son cadre budgétaire ou de nouvelles mesures de revenus ou de dépenses.

Le sénateur Dalphond : Au sujet des mesures non annoncées, faites-vous un suivi quelques années plus tard pour voir ce qu’on n’avait pas annoncé ou ce qu’on avait gardé confidentiel? Par exemple, l’année dernière, on a réglé la question des réclamations des Autochtones devant le Tribunal des droits de la personne. Il y a eu beaucoup de discussions et, à un moment donné, il y a eu un règlement qui n’a pas été accepté. Après, il y a eu d’autres négociations et un règlement a été conclu.

Est-ce que vous avez pu constater par la suite, après coup, si le montant qu’on a payé avait été estimé dans ces ordres? Est-ce qu’on n’avait rien émis ou est-ce qu’on avait émis un montant beaucoup plus élevé ou moindre? J’ai posé des questions aux fonctionnaires précédemment et ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas nous donner les chiffres de leurs prévisions, parce que les gens avec qui ils négocient sauraient à peu près quelle est leur limite. Par contre, la plupart des compagnies qui ont des réclamations ont un élément appelé « litige » et ils y mettent un montant estimé à peu près. Les compagnies sont capables de le faire, mais le gouvernement ne semble pas en mesure de le faire.

M. Giroux : Le gouvernement le fait, mais il le fait dans une très grosse enveloppe. Les mesures non annoncées font partie de ce gros montant. On est donc capable de réconcilier certaines des mesures non annoncées avec les annonces qui sont éventuellement faites, mais il reste toujours une composante inconnue, étant donné qu’il y a ce passif ou cette réserve pour les poursuites en suspens ou les montants que le gouvernement s’attend à devoir payer. On peut faire une réconciliation quand il y a des éléments qui finissent par être déclarés, mais on n’a jamais une réconciliation parfaite, étant donné ce désir — ou ce besoin, je dirais —, dans certains cas, de garder les sommes confidentielles. C’est quelque chose qui évolue tout le temps, donc c’est très difficile de mettre le doigt dessus, parce que le gouvernement est sujet à des milliers de réclamations chaque année. C’est une tâche quasi impossible pour un petit bureau comme le nôtre.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Sur ce thème de la transparence, il y a plusieurs références dans votre rapport sur le budget de 2024 concernant la transparence des plans de dépenses du gouvernement et leur état d’avancement, notamment l’absence d’un document central de suivi accessible au public et la difficulté de suivre les dépenses annoncées précédemment qui ont été réaffectées. Vous avez recommandé que le Parlement envisage d’adopter un nouveau cadre législatif ou administratif pour accroître la transparence pour les parlementaires et le public, y compris la possibilité de fixer la date du budget plus tôt dans l’année, ce qui a été mentionné. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet. À votre avis, quelle serait une bonne solution pour accroître la transparence? Le suivi serait-il difficile à mettre en œuvre, et pourquoi y a-t-il un tel manque de transparence?

M. Giroux : En ce qui concerne le suivi des dépenses du gouvernement et de la réduction et de la réaffectation des dépenses, ce ne serait pas très difficile parce que c’est quelque chose que j’ai fait dans ma carrière lorsque j’étais dans la fonction publique. C’est une feuille de calcul Excel — parfois une feuille de calcul Excel glorifiée — qui nécessite une mise à jour constante, mais c’est réalisable sur une feuille de calcul Excel. Ce n’est pas sorcier, et des gens modestes comme moi l’ont fait. Je suis certain que les personnes plus intelligentes qui m’ont succédé dans la fonction publique peuvent le faire plus facilement.

La possibilité de le faire existe, mais c’est probablement la volonté qui fait défaut. Si vous pouvez constater que nous avons réduit les dépenses dans ce secteur pour le réaffecter là, alors cela révèle que certains secteurs de dépenses ne sont pas une priorité pour le gouvernement en place, ce qui peut être pénible à entendre pour certains. Cela peut causer des problèmes de communications et nécessite évidemment des explications. Il peut être difficile de faire preuve d’une ouverture et d’une transparence complète lorsqu’on annonce que l’on a réduit les dépenses dans certains secteurs pour les réaffecter à d’autres.

La sénatrice MacAdam : Je sais qu’on le fait, car dans les états financiers vérifiés consolidés, on compare les dépenses avec le budget, si bien que le Bureau du vérificateur général du Canada le fait assurément chaque année. Il a accès à beaucoup plus de renseignements que les parlementaires et le public. Je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est possible. C’est juste extrêmement complexe pour le Canadien moyen ou le parlementaire moyen.

Les normes comptables du secteur public mettent l’accent sur la dette nette, comme dans l’état de la situation financière du gouvernement dans les états financiers consolidés des Comptes publics du Canada. Lorsque nous discutons de ces cibles budgétaires, nous parlons du ratio dette-PIB. Le gouvernement a-t-il une cible budgétaire du ratio dette nette-PIB, et si ce n’est pas le cas, pourquoi?

M. Giroux : Je pense qu’il a une cible budgétaire de son ratio dette nette-PIB, et c’est une réduction au fil du temps du ratio dette-PIB. Il ne vise pas le niveau absolu de la dette, mais plutôt la dette par rapport à la taille de l’économie. La réduction du ratio de la dette-PIB peut être réalisée en réduisant le niveau absolu de la dette ou en s’appuyant sur une économie en expansion et en croissance. C’est ce qui devrait se produire aujourd’hui et dans les années à venir. Avec une économie en croissance, même si la dette augmente, si elle augmente moins rapidement que l’économie, le ratio dette-PIB diminue.

L’autre cible budgétaire du gouvernement est un déficit par rapport à la taille de l’économie de 1 % ou moins en 2026-2027 et par la suite. D’après le budget, on s’attend à ce que le déficit atteigne 0,9 % du PIB, ce qui est très proche de la cible budgétaire de ne pas dépasser 1 %. Cela ne laisse qu’une marge de manœuvre de 0,1 % aux finances publiques d’ici deux ans.

La sénatrice MacAdam : Mais vous parlez de la dette nette par rapport au PIB plutôt que de la dette totale.

M. Giroux : Oui.

La sénatrice MacAdam : Après avoir pris en considération les actifs des comptes de pension de retraite et les autres espèces et quasi-espèces, cela réduirait la dette totale?

M. Giroux : Oui.

La sénatrice MacAdam : Et l’intégrer à la dette nette.

M. Giroux : La cible budgétaire du gouvernement est la dette nette du gouvernement, sans compter les actifs du RPC ou du RRQ. Ce n’est pas la dette nette — pas selon le FMI ou l’OCDE. C’est la dette nette du Canada sur une base consolidée, mais sans inclure les actifs des régimes de retraite.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Merci.

La sénatrice Kingston : Merci à vous deux d’être ici et de ce que vous avez mis dans notre boîte aux lettres cet après-midi — vos dépenses fédérales en matière d’itinérance. C’est ce sur quoi je vous poserai des questions.

Vous avez dit que l’itinérance chronique a augmenté de 38 % par rapport à 2018 et que le nombre de personnes vivant dans des lieux extérieurs a également augmenté de 88 %. À un autre endroit dans votre document, vous dites qu’il y a eu une hausse de 17 % des personnes dans les refuges, mais cela laisse un déficit d’environ 17 ou 18 % de personnes qui dorment là où elles le peuvent. Ce sont ces personnes qui m’intéressent particulièrement, car j’ai été proche du terrain, pour ainsi dire, avec des personnes dans cette situation au cours des dernières années.

Mes questions portent sur ce que la sénatrice Pate avait dit sur les fonds nécessaires, mais également la façon dont ils sont dépensés. J’aimerais entendre votre opinion sur quelques points.

Les fonds du programme Vers un chez-soi sont passés d’Emploi et Développement social Canada à Infrastructure Canada. En tant que personne proche du terrain, comme je l’ai dit, il semble qu’à ce moment-là, il y a eu un léger changement de priorités, de flexibilité ou de tout ce que vous voulez l’appeler dans la manière dont ces fonds ont été dépensés. Je dis cela parce qu’Emploi et Développement social Canada aurait tendance à se concentrer peut-être plus sur le soutien nécessaire aux personnes dont je viens de parler, celles qui sont en situation d’itinérance chronique, qui dorment là où elles le peuvent et qui souffrent fort probablement de nombreux problèmes de santé mentale et de toxicomanie.

Vous parlez beaucoup dans votre document de revenir au projet Chez soi, la partie de cette initiative qui a été mise en œuvre dans ma province, le Nouveau-Brunswick, et de son efficacité. Il a bien fonctionné, et il a démontré que, avec les soutiens appropriés, les gens pouvaient être logés et conserver leur logement alors qu’ils ne le pouvaient pas auparavant.

Étant donné qu’Infrastructure Canada est maintenant impliqué, et étant donné — à mon avis, du moins, et j’espère demander le vôtre — la nécessité d’une certaine intégration entre l’argent dépensé pour la santé mentale et la toxicomanie provenant d’un autre ministère, les fonds du programme Vers un chez-soi semblent toucher de nombreux ministères différents, y compris les Services aux Autochtones. Le gouvernement parle des pratiques exemplaires qui sont utilisées pour l’intégration des services d’aide au logement, de même que les services cliniques pour aider les gens à surmonter leurs problèmes de santé mentale et de toxicomanie et de la nécessité d’un travail de sensibilisation, parce que beaucoup de gens qui dorment là où ils peuvent ne vont pas venir vous voir. Comment cet argent — c’est une hausse, et c’est formidable — arrive-t-il là où il doit aller pour aider les personnes qui sont à la limite de l’itinérance — les sans-abri chroniques et les personnes en difficulté?

M. Giroux : C’est une question très intéressante pour de nombreuses raisons. Quand nous avons commencé ce travail, j’ai été surpris de découvrir que le gouvernement fédéral verse une part minoritaire de tous les fonds dépensés au pays pour lutter contre l’itinérance — 7 %, 15 %. Cette part a augmenté, mais elle est encore assez faible, ce qui m’a surpris à tout le moins.

Je pense que la manière dont ces fonds viennent en aide à ceux dans le besoin, c’est dans le cadre de partenariats avec les provinces, les territoires et les organisations communautaires qui offrent ce service. Je ne connais pas assez bien les détails et la façon dont les programmes sont offerts.

Vous avez notamment mentionné la transition d’EDSC à Infrastructure Canada, ce qui peut avoir des conséquences. Le transfert d’un programme aux objectifs éminemment sociaux d’un ministère social habitué à gérer les enjeux sociaux tels que l’itinérance et les handicaps à un ministère qui met l’accent sur l’infrastructure et les répercussions économiques peut avoir des effets négatifs sur la prestation si la culture du nouveau ministère ne s’adapte pas parfaitement à cette nouvelle réalité. Je ne dis pas que c’est le cas ici, mais il y a toujours un risque, lorsque l’on transfère un programme d’une institution à une autre, de perdre cette sensibilité que l’on s’attend à retrouver.

La sénatrice Kingston : Lorsque les accords sur la santé sont conclus, les provinces et le gouvernement fédéral décident des critères relatifs à la manière dont l’argent doit être dépensé ou aux objectifs à atteindre. Ici, il semble que le gouvernement fédéral verse de l’argent, mais pas autant dans la plupart des cas que le gouvernement provincial ou les municipalités à certains endroits comme Toronto. Comment parvenir à ce type de négociation où il y a des gens à la table, pas seulement de la bonne volonté, des suppléments ou ce genre de choses? En avons-nous discuté? Cela fait-il partie de l’obligation de rendre des comptes sur la façon dont l’argent est dépensé?

M. Giroux : Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question. Nous avons examiné le nombre de sans-abri ou ceux à risque de devenir sans-abri qui reçoivent de l’aide de ce programme et le nombre de sans-abri chroniques. Nous n’avons pas réfléchi à l’avenir. Nous n’avons pas demandé de détails au ministère ou au ministre à ce sujet, mais j’espère que le ministre sera en mesure d’expliquer comment il négocie avec les provinces et les fournisseurs de services pour garantir les meilleurs résultats possibles. Je n’ai pas de détails à ce sujet.

La sénatrice Kingston : Je vous remercie.

[Français]

Le président : J’aurais deux petites questions. Vous avez mentionné plus tôt, en réponse à une question du sénateur Loffreda, que, dans le calcul de la dette, on ne tenait pas compte au Canada des obligations liées aux fonds de pension. Par exemple, dans la fonction publique, c’est le Régime de retraite de la fonction publique, et toute cette partie relative à tout engagement futur est couverte par ce régime. Ai-je bien compris, ou les pensions du Canada, c’est la même chose?

Si on compare le Canada aux autres pays qui n’ont pas ces obligations, qui ne les ont pas mises dans des fonds de pension externes, cela crée une difficulté de comparaison concernant le ratio de la dette nette par rapport au PIB. Est-ce que j’ai mal compris?

M. Giroux : Comme président du comité, vous ne pouvez pas avoir mal compris; c’est moi qui me suis mal exprimé. Ce que je voulais dire, c’est que les obligations liées au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec pour lesquelles on a mis des fonds de côté sont des pensions offertes à l’ensemble des citoyens sur une base de contributions, alors que beaucoup d’autres pays ont encore un système de paiement à l’utilisation.

En ce qui concerne les obligations en vertu des régimes de retraite des employés, donc les fonctionnaires, les parlementaires, et cetera, la dette et les obligations sont bien reconnues dans les comptes publics. Donc, il y a une dette pour le service qui précède l’année 2000 et il y a des actifs correspondants pour les services depuis l’an 2000. Pour cela, c’est bien pris en compte dans la dette fédérale.

Le président : Merci; je voulais être certain d’avoir bien compris.

La deuxième question que j’avais pour vous concerne le fait que le projet de loi prolonge la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens jusqu’en 2027. Avez-vous réétudié cette application dans la loi et son effet sur la crise du logement? Autrement dit, est-ce que ce n’est pas une fausse bonne idée d’interdire à des non-résidents d’acheter des propriétés? Étant donné qu’on a 500 000 nouveaux immigrants par année, s’ils ne peuvent pas acheter une résidence, ils sont obligés de louer un appartement, mais il n’y a pas de logements disponibles, donc cela crée une crise du logement. De plus, il y a moins de constructions, parce que l’acheteur étranger qui va acheter cinq ou six condos, c’est le taux qui manque au constructeur et au développeur pour monter leur projet et en construire 150. Donc, on empêche 10 personnes d’acheter, mais on en empêche 140 de se construire, ce qui entraîne un effet pervers. Avez-vous étudié cet effet sur l’impact du prix du logement et la crise actuelle?

M. Giroux : On a examiné la mesure lorsqu’elle a été initialement annoncée, mais on n’a pas estimé son impact et les coûts. À la lecture de la mesure, puis en se basant sur des discussions qu’on a eues à l’interne, il y a beaucoup d’exemptions et d’exceptions. Donc, on est arrivé à la conclusion que cette mesure serait contraignante pour quelques non-résidents, mais il y a toute de même certaines possibilités d’acquérir des propriétés par des non-résidents. Par conséquent, on est arrivé à la conclusion que la mesure n’aurait pas énormément de mordant. Cependant, il est possible qu’il y ait des cas comme ceux que vous avez mentionnés où il y aurait des impacts négatifs sur le marché de l’habitation. En résumé, on n’a pas considéré attentivement la question.

Le président : Je vais m’inscrire pour la deuxième ronde.

Le sénateur Forest : J’aimerais faire suite au commentaire de la sénatrice Kingston, qui est fort pertinent.

Actuellement, c’est un geste incompréhensible de transférer une mesure sociale à Infrastructure Canada. Dans tout le phénomène des problèmes de société que nous avons, il y a des intervenants dont on ne parle pas souvent, mais qui assument une large part de ces problèmes et qui y sont confrontés au quotidien : ce sont les municipalités. Dans un tel contexte, on ne voit pas vraiment de lien, parce que c’est une responsabilité qui est assumée particulièrement par les provinces et les territoires, mais qui se vit à l’échelle municipale. Il n’y a vraiment pas de lien, il n’y a rien qui est prévu actuellement. Je n’arrive pas à m’expliquer cette orientation, visant à transférer une mesure sociale à Infrastructure Canada.

M. Giroux : Sans me faire l’avocat du diable ou tenter de donner une explication, je crois que les programmes visant à combattre l’itinérance ont une composante liée au logement, étant donné que le logement est désormais une responsabilité d’Infrastructure Canada désormais. Le gouvernement a probablement pensé que cela avait du sens — étant donné que l’itinérance est très étroitement liée à l’absence de logement, cela va sans dire. Donc, il y a probablement eu une connexion et on a essayé de transférer les programmes qui visent à faciliter l’accès au logement; que ce soit les programmes destinés aux gens qui veulent accéder à la propriété ou aux gens qui sont à la rue, on a voulu les mettre ensemble.

En faisant cela, on a peut-être perdu un peu de sensibilité à l’égard de clientèles qui sont très différentes — entre un couple qui veut acheter sa première propriété et une personne qui se retrouve à la rue sans logis. Il est fort possible que cette culture ait été transférée au sein du ministère.

J’ai souvent dit que même si on n’a pas les organigrammes les plus solides, si on a les bonnes personnes, on arrive quand même à de très bons résultats.

Le sénateur Forest : Souvent, les projets d’initiative de construction de logements sociaux sont portés par les municipalités ou les organismes sans but lucratif, donc le premier intervenant qui est contacté est la municipalité. Par la suite, les municipalités vont s’en occuper. On va voir ce que cela portera comme fruits, mais dans la problématique du sans-abrisme, il y a le logement, bien entendu, mais il y a beaucoup d’autres éléments et facteurs dont on doit tenir compte; c’est un peu un raccourci de réduire ce problème au logement uniquement.

Ce que je trouve inquiétant, c’est que lorsqu’on regarde la fonction publique — on en a parlé plus tôt —, il y a une augmentation de plus de 100 000 fonctionnaires depuis le début du mandat de ce gouvernement. Il y a de graves problèmes au sein de plusieurs programmes. On peut penser notamment à ArriveCAN, aux passeports, à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, à Phénix. On utilise de plus en plus de consultants et on arrive difficilement à livrer nos programmes. Est-ce que c’est une tendance qui semble diminuer ou s’accentuer?

J’aurais une question complémentaire. On va bientôt délaisser le système de paie Phénix — chat échaudé craint l’eau froide —, mais le nouveau système de paie que l’on va mettre en place a-t-il été testé? Je n’ai pas trouvé dans le budget les coûts d’installation de ce nouveau programme. J’espère qu’on ne s’embarque pas dans une aventure aussi désastreuse que Phénix ou ArriveCAN.

M. Giroux : Votre commentaire sur la taille de la fonction publique est une question d’intérêt pour nous, évidemment, parce que l’on considère la question régulièrement quand les budgets sont déposés, quand le Budget principal des dépenses est déposé, quand les plans ministériels sont déposés; il y a une tendance qui se dégage — j’y ai fait allusion plus tôt —, et c’est que, chaque fois qu’on voit les plans ministériels en agrégé, ils prévoient tous une baisse de leurs effectifs l’année suivante. Rendu à l’année suivante, il y a eu une hausse, mais ils continuent de prévoir une baisse pour l’année suivante. Donc, est-ce que cette tendance va se rompre? Est-ce qu’on va arriver à un point d’inflexion? On le saura uniquement lorsqu’on l’aura passé.

Le sénateur Forest : Ce sera peut-être l’an prochain.

M. Giroux : C’est ce que je peux dire là-dessus, parce que ce qu’on voit dans le budget suggère plutôt un accroissement de la taille de la fonction publique.

Quant à votre question concernant Phénix, je sais qu’il y a eu beaucoup d’argent investi dans les systèmes de paie. Donc, le coût du nouveau système est probablement inclus dans les mesures qui ont déjà été annoncées pour moderniser la paie. Je n’ai pas les détails, mais cela dit, avec l’expérience que l’on a avec Phénix, j’ai bon espoir que ce sera mieux avec le nouveau système, parce que la barre a été mise assez basse pour commencer. Donc, on ne peut que s’améliorer. Je vais m’arrêter ici.

Le sénateur Forest : Espérons que Phénix ne renaisse pas de ses cendres.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : La dette de 1,4 billion de dollars du Canada sera refinancée aux taux d’intérêt élevés actuels. Je suis certain que vous avez étudié la question en profondeur, car je fais référence à votre rapport du plan de dépenses du gouvernement daté du 7 mars 2024, où vous énoncez les dépenses : coûts de fonctionnement et d’immobilisations du gouvernement, 119,7 milliards de dollars, 26,6 % des dépenses, prestations aux aînés, 81,1 milliards de dollars, Transfert canadien en matière de santé, 52,1 milliards de dollars, et l’intérêt sur la dette publique à l’époque était de 46,5 milliards de dollars, ce qui est près de 10,4 %. J’aimerais peut-être savoir si ces 10,4 % correspondent historiquement aux dépenses.

Plus important encore, ma question est la suivante : pourquoi les obligations à long terme n’ont-elles pas été émises quand les taux d’intérêt étaient beaucoup plus bas? Près du tiers de notre dette sera renouvelé : 414 milliards de dollars sur 1,4 billion de dollars. Pourquoi une si grande partie de la dette est passée par des obligations à court terme pendant la pandémie? Le taux d’intérêt était de 0,25 %.

Beaucoup d’amis, si je peux dire maintenant — et c’est tout ce que je fais, et j’essaie d’être un bon sénateur —, m’appelaient et me demandaient ce qu’ils devaient faire, « Taux fixe à long terme ou court terme? ». Je leur répondais que le taux était à presque 0 %. Le risque est très faible. Les avantages semblent être très élevés à ce stade-ci. Je leur disais d’opter pour le taux à long terme. Ils me rappellent tous pour me remercier.

Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas fait la même chose? Le taux est à 5 % maintenant. Il y a un engouement pour les obligations à long terme lorsque le taux est à 0,25 % sur le marché, mais est-il normal de conserver le tiers? En fin de compte, il y a de nombreuses façons créatives de contourner le problème. Pourquoi n’y avons-nous pas réfléchi davantage? Vous avez dit être indépendant, et je suis indépendant, et nous essayons d’économiser de l’argent pour les Canadiens. Je pense que l’intérêt s’élèvera à 54 milliards de dollars cette année — ce sera le cas, comme vous le prévoyez. D’ici la fin de la décennie, il s’élèvera à 64,3 milliards de dollars. Pourquoi n’a-t-on pas agi plus tôt lorsque les taux d’intérêt étaient très bas?

M. Giroux : C’est une question intéressante, et elle a été soulevée il y a de nombreuses années par les hauts fonctionnaires pour qui j’ai travaillé lorsque le même enjeu est survenu. Je me souviens d’avoir eu une séance d’information exhaustive à l’époque par les fonctionnaires du ministère des Finances du Canada.

Dans un tel cas, la question est souvent liée à la liquidité du marché. Je pense que le gouvernement a émis ces dernières années une importante quantité d’obligations à long terme alors que les taux d’intérêt étaient bas, mais lorsque les taux d’intérêt sont bas, l’achat de ces obligations de haute qualité suscite peu d’intérêt dans le marché, parce que...

Le sénateur Loffreda : Nous avons la cote AAA.

M. Giroux : Oui, mais avec un taux de 0,5 % ou 0,75 %, le marché des obligations du gouvernement du Canada à 10 ou 30 ans n’est pas illimité. Les acheteurs savent aussi qu’il est très risqué de bloquer un taux de 1 % sur 30 ans. Il y a des acheteurs, mais l’appétit pour ces obligations n’est pas infini. Je ne dis pas que ce que le gouvernement a fait est exactement le bon montant, au cent près, mais c’est une mise en garde qu’il importe de garder à l’esprit. L’appétit pour les obligations à long terme est limité, quel que soit l’émetteur. À l’époque, en 2020-2021 et 2021-2022, le gouvernement empruntait massivement.

Ce dont je me souviens de l’autre partie des explications détaillées des fonctionnaires du ministère des Finances, c’est que sur une longue période, emprunter à court terme est très souvent une stratégie avantageuse, car en moyenne, on finit par payer des taux d’intérêt légèrement inférieurs. Évidemment, il y aura des hauts et des bas...

Le sénateur Loffreda : Emprunter à long terme a un prix, évidemment.

M. Giroux : Oui, c’est ça.

Lorsqu’on l’explique avec des chiffres et des données historiques, avoir une combinaison appropriée de long terme et de court terme au lieu d’avoir seulement du long terme — en tenant compte de la capacité d’absorption du marché — est très logique.

Le sénateur Loffreda : Si je regarde l’échéance moyenne, elle est de 6,9 ans, ce qui est comparable aux autres pays cotés AAA. C’est ce que j’ai lu, n’est-ce pas? Cela semble peu, 6,9 ans. Je n’ai pas toujours besoin de le dire, mais selon mon expérience, même avec des entrepreneurs ordinaires, 6,9 ans, ce n’est pas vraiment du très long terme. Ce que je veux dire, la période est parfois plus longue pour les prêts pour matériel. Pourquoi ne pas faire de même pour des milliards de dollars afin d’augmenter cette moyenne? Pourquoi 6,9 ans?

Qu’a-t-on fait, historiquement? Les autres pays font-ils la même chose? La prime n’aurait pas été si élevée, à court comme à long terme, lorsque les taux d’intérêt étaient très bas. Si l’on regarde la prime aujourd’hui, on constate que ce que nous payons est élevé.

M. Giroux : Oui. Est-ce que les 6,9 ans sont l’échéance moyenne optimale? Je l’ignore. À ce moment-ci, cela ne semble pas le cas, car les taux d’intérêt ont augmenté ces dernières années et, en comparaison, ils sont élevés. Le temps le dira.

[Français]

Le président : La question était longue, mais c’est bon.

Le sénateur Gignac : Monsieur Giroux, j’aime bien votre titre, Budget 2024 : enjeux pour les parlementaires. Le projet de loi d’exécution du budget que j’ai devant moi, pour les milliers de gens qui nous regardent, a au-delà de 600 pages. On fait une étude préalable du projet de loi C-59, qui n’a pas encore été adopté à la Chambre des communes et qui compte 550 pages. Bref, avec votre expérience de suivi des finances publiques, est-ce déjà arrivé par le passé d’avoir une telle congestion? On est encore en train de régler la question du projet de loi d’exécution du budget de l’automne dernier, qu’on a étudié ce printemps et qui n’est pas encore adopté à l’autre endroit, mais qu’on doit adopter dans les prochaines semaines. On sait que la marge de manœuvre des sénateurs pour modifier un projet de loi du budget est limitée à un point tel que la ministre des Finances va venir nous parler des deux projets de loi, C-59 et C-69, dans les prochaines semaines.

Est-ce déjà arrivé que tout cela se passe en même temps? Vous suivez les finances publiques depuis 15 ou 20 ans.

M. Giroux : Je n’aime pas vous corriger, sénateur, mais cela fait plus longtemps que 15 ou 20 ans que je suis la question. C’est sûrement déjà arrivé, mais ce n’est certainement pas fréquent. Habituellement, il y a un ou deux projets de loi d’exécution pour un même budget, et ils sont consécutifs et non concurrents. Le fait d’avoir deux projets de loi d’exécution pour deux budgets différents est inhabituel. Je ne serais pas surpris que ce soit déjà arrivé dans l’histoire récente, parce qu’il y a différents scénarios qui se sont produits au fil des ans, comme des élections ou l’abrogation du Parlement pour différentes raisons.

Le sénateur Gignac : Je vous pose la question, parce que premièrement, il y a des sections dans ces projets de loi qui n’ont pas d’implication financière, mais qui en ont pour les marchés financiers ou les institutions financières. D’ailleurs, au Comité des banques et du commerce, on a analysé des sections complètes qui vont avoir un impact. On parle notamment du système bancaire ouvert. C’est beaucoup d’éléments à digérer en peu de temps. On n’a pas encore de détails en ce qui a trait à la taxation sur le gain en capital. C’est 19 milliards sur cinq ans et 6 milliards dans la prochaine année. On ne sait pas quand les détails seront connus, mais on sait que cela entrera en vigueur le 25 juin prochain.

On ne change pas souvent le taux d’inclusion sur le gain en capital. C’est arrivé une seule fois depuis 1972, sous le gouvernement Mulroney, quand Michael Wilson, le ministre des Finances, l’avait annoncé. À l’époque, il l’avait annoncé six mois à l’avance dans le cadre d’un livre blanc. Cette fois-ci, ce n’est même pas deux mois à l’avance. Qu’en pensez-vous?

M. Giroux : L’opinion que j’ai déjà exprimée sur l’annonce avec le délai de deux mois, c’est que je trouvais que c’était un peu surprenant que ce soit si long. L’historique du gain en capital et son taux d’inclusion ne sont pas des sujets aussi familiers pour moi. Cela me semble étonnant d’annoncer une augmentation du taux d’inclusion deux mois à l’avance. Dans une perspective d’équité, de justice et d’augmentation des revenus, cela permet aux gens d’arranger leurs affaires pour éviter le taux d’inclusion supérieur. À ce moment-là, je n’étais pas au courant du précédent où l’on avait annoncé six mois à l’avance un changement du taux d’inclusion de gain en capital.

Le sénateur Gignac : Chaque fois qu’un projet de loi d’exécution du budget est présenté, vous publiez un rapport ou une étude. Est-ce que vous allez le faire également dans ce cas-ci? Si jamais nous devons adopter cette mesure avant le 25 juin, vous serez assez bousculé pour nous éclairer. Ce que j’ai remarqué, c’est que le tiers des recettes prévues pour les cinq prochaines années, soit 19,5 milliards de dollars, est dans la première année d’application. Il y a des hypothèses sur le comportement des gens, comme certains qui liquideraient leur portefeuille pour ne pas payer plus d’impôts — quoique, dans le secteur immobilier, bonne chance pour vendre un immeuble de six logements à l’intérieur de 45 jours. Avez-vous prévu de publier une étude lorsque le projet de loi sera déposé?

M. Giroux : On a demandé les renseignements pertinents à l’Agence du revenu du Canada pour être en mesure d’estimer de façon indépendante les revenus générés par l’accroissement du taux d’inclusion du gain en capital.

Cela dépendra de la rapidité avec laquelle nous aurons les données dont nous avons besoin et leur niveau de précision et de raffinement. C’est notre intention de vous fournir une analyse, ou à tout le moins une estimation de coût de cette mesure.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Est-ce que vous vous amusez, monsieur Giroux?

M. Giroux : Oui.

Le sénateur Smith : Très bien. Excellent.

Dans votre rapport sur la déduction pour amortissement accéléré pour les nouveaux projets d’immeubles de logements locatifs, vous estimez que 241 000 nouveaux logements locatifs seront construits sur une période de cinq ans à un coût total légèrement inférieur à 1,9 milliard de dollars. Pouvez-vous parler brièvement de votre estimation? Quelle sera la répartition de ces logements locatifs au pays? Bien entendu, quelques-uns de mes collègues ont parlé des logements locatifs et des personnes défavorisées. Pouvez-vous parler, de façon générale, de la répartition de ces logements locatifs à l’échelle du pays? Est-ce une politique efficace pour favoriser la construction de logements? Quels sont les risques liés au programme? Des taux d’intérêt plus élevés? Je me demande ce que vous en pensez.

M. Giroux : Sénateur, comme je ne veux pas être égoïste, je vais laisser M. Vrhovsek s’amuser aussi.

Zac Vrhovsek, analyste, Bureau du directeur parlementaire du budget : Votre première question porte sur la méthode utilisée pour l’estimation à l’échelle régionale. Les plus grandes provinces ont été examinées séparément, tandis que les plus petites provinces, pour lesquelles il n’y a pas autant de données, ont été regroupées. Par exemple, le Manitoba et la Saskatchewan forment les Prairies, et les provinces de l’Atlantique ont été regroupées. Je peux vous dire que la majorité des logements seront construits dans les grandes provinces, soit la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec, qui ont déjà de solides marchés de logements construits pour la location. On constate toutefois une forte augmentation de la construction de logements locatifs dans les six principales régions du Canada.

Le sénateur Smith : Il y a d’importants programmes dans le Nord, où les besoins sont considérables. Il m’est apparu évident, lorsque j’y suis allé avec un autre comité l’année dernière, qu’il faut faire quelque chose. N’est-ce pas inclus dans les principaux marchés? Que faisons-nous dans le cas de certains marchés moins privilégiés?

M. Vrhovsek : Pour les centres de plus petite taille, nous manquions malheureusement de données pour faire une estimation raisonnablement précise du nombre de logements qui seront construits. Malheureusement, cela exclut les territoires, qui sont un marché relativement petit, en général. Par conséquent, cela n’aura probablement pas une grande incidence sur le nombre total de logements qui seront construits. Malheureusement, cela ne nous permet pas d’avoir une bonne idée du nombre de logements qui seront construits dans les territoires.

Le sénateur Smith : Revenons aux grands marchés. Comment cela sera-t-il mis en œuvre et quel est le calendrier d’acquisition?

M. Vrhovsek : Premièrement, pour être admissible, la construction doit commencer au plus tôt à la date du budget et se terminer avant 2036. Aux fins de l’estimation, j’ai utilisé un calendrier de construction fondé sur des données américaines modifiées sur le temps de construction des logements locatifs. On constate que le programme prend de l’ampleur assez lentement. Il commence à seulement 2 millions de dollars pour le premier exercice, puis il s’accélère rapidement. Cela s’explique en partie par l’accélération du nombre de logements locatifs qui seront construits au Canada, et par le fait que les premiers logements admissibles sont ceux dont la construction a commencé plus récemment ou après la date du budget.

Le sénateur Smith : Pour moi, lorsqu’on parle de 2036, une lumière rouge s’allume. Cela veut-il dire qu’il existe réellement un plan, ou qu’il existe un plan fondé sur l’espoir dont la réalisation dépend de facteurs inconnus? Quels sont les facteurs de risque quant à sa concrétisation?

M. Vrhovsek : C’est un mécanisme basé sur le marché. Ce n’est pas le gouvernement qui décide de construire un certain nombre de logements. Il s’agit d’une mesure qui vise à réduire, pour les investisseurs, le coût de l’investissement dans des logements expressément destinés au marché locatif. Les conditions du marché pourraient avoir une incidence considérable sur le nombre prévu de logements locatifs. L’évolution des conditions du marché, par exemple une baisse des taux d’intérêt, pourrait rendre plus rentable la construction de logements destinés au marché locatif, poussant ainsi la construction de tels logements à la hausse. D’un autre côté, une baisse des loyers à l’échelle nationale pourrait décourager la construction de logements locatifs.

Le sénateur Smith : Est-ce que ce serait un véritable partenariat que vous devriez mettre en œuvre à l’échelle des provinces, des villes et des municipalités du pays?

M. Vrhovsek : Cela relèverait principalement des municipalités, qui doivent autoriser la construction de logements locatifs. Il y a un lien avec d’autres mesures, notamment le Fonds pour accélérer la construction de logements, qui incite les municipalités à permettre la construction de logements de grande taille, en particulier à proximité des transports en commun. Cependant, outre pour autoriser les investisseurs ou les promoteurs à construire ces logements locatifs, cela n’exige pas une interaction directe avec les provinces ou les municipalités.

Le sénateur Smith : Si je vous demandais de me dire la probabilité que cela connaisse du succès, que diriez-vous?

M. Vrhovsek : Cela aura très probablement un effet. Au cours des cinq dernières années, la construction de logements destinés au marché locatif a connu une augmentation rapide, et rien ne laisse entrevoir que cela changera. Une étude récente de la SCHL a démontré qu’il est très rentable d’investir dans des logements destinés au marché locatif. Il est fort probable que les investisseurs continueront d’investir dans ce secteur tant que ce sera rentable. On observera probablement une hausse continue de la construction de logements locatifs au Canada.

La sénatrice Ross : Monsieur Vrhovsek, je dois d’abord dire que pour votre première comparution en compagnie du directeur parlementaire du budget, vous semblez beaucoup moins nerveux que je l’étais la première fois que je lui ai posé des questions. C’est bien pour vous.

Je suis préoccupée par le nouveau taux d’inclusion des gains en capital, tel que proposé dans le budget, à savoir l’augmentation du taux d’inclusion à 67 % sur les gains en capital supérieurs à 250 000 $. Je suis ravie d’apprendre que vous examinez la question et que vous ferez un rapport. Je pense qu’il y a beaucoup de contradictions dans les messages à ce sujet. Selon ce que j’ai lu, cela touchera seulement 0,13 % des personnes les plus riches, alors que l’on accorde aux entrepreneurs, parallèlement, 1,7 milliard de dollars en allègements fiscaux.

Beaucoup d’entrepreneurs sont des sociétés et des fiducies, et ils seront touchés par cette mesure. Selon bon nombre des rapports que j’ai lus, cela entraînera des taux marginaux d’imposition parmi les plus élevés au monde. Les petites entreprises sont le moteur de l’économie, et en général, ces entrepreneurs ne sont pas considérés comme les plus riches au pays. Un avocat m’a remis une liste dans laquelle on indique que pratiquement tous les entrepreneurs-électriciens, entrepreneurs en plomberie, agents d’assurance indépendants, agents immobiliers, médecins, agriculteurs et ingénieurs — et tout entrepreneur exposé à une responsabilité potentielle dans le cadre de ses activités — ont une société de portefeuille, comme conseillé, pour se mettre à l’abri de toute réclamation de responsabilité.

Beaucoup d’entrepreneurs m’ont parlé de l’incidence que cela aura sur eux. J’aimerais avoir votre point de vue sur cette incidence et sur les messages qui sont véhiculés. Que penseriez-vous de certaines idées, par exemple un montant annuel au lieu d’un montant à vie, ou d’une date d’évaluation? J’ai lu qu’on a fait quelque chose du genre en 1971. Il y a eu une date d’évaluation, puis la loi est entrée en vigueur, de sorte que les gains en capital jusqu’à une date précise étaient admissibles.

M. Giroux : Cela s’est également produit en 1994, lorsque le taux d’inclusion ou d’imposition des gains en capital a été modifié.

Il est difficile d’évaluer l’impact global net sans avoir nos propres données ni avoir reçu les données appropriées et pertinentes de l’ARC. Comme je l’ai expliqué plus tôt, le taux d’inclusion des gains en capital augmente, ce qui aura un effet négatif sur les grandes sociétés qui réalisent des gains en capital. Parallèlement, l’exonération cumulative des gains en capital pour les petites entreprises est augmentée. Les petites entreprises bénéficient d’une exonération de 1,25 million de dollars sur leurs gains en capital, comparativement au montant actuel d’un peu moins de 1 million de dollars. Les entrepreneurs bénéficieront progressivement d’une exonération supplémentaire de 2 millions de dollars sur les gains en capital. Pour les particuliers, cela demeure inchangé : seulement la moitié de la première tranche de 250 000 $ de gains en capital est incluse dans le revenu. Il y a beaucoup de cibles mouvantes. L’impact général n’est pas clair. Ce qui est clair, c’est que les grandes entreprises ou les personnes qui réalisent d’importants gains en capital paieront plus, mais sur le plan quantitatif, l’incidence sera négligeable faible, voire nulle, pour la grande majorité. Par contre, pour ceux qui constateront un effet, ce sera un effet considérable.

Quant aux 0,13 % des contribuables qui seront touchés, il m’est impossible de me prononcer davantage sans avoir vu nos chiffres et sans savoir s’il s’agira du même groupe année après année ou s’il s’agira de groupes différents qui apparaîtront en raison de gains en capital ponctuels et qui sont frappés par ce taux plus élevé, mais une fois dans la vie. Tout cela pour dire qu’il est trop tôt pour que je puisse en dire plus à ce sujet.

La sénatrice Ross : Beaucoup de propriétaires de petites entreprises ont l’impression qu’ils vont perdre une bonne partie de leur épargne-retraite en raison de cette mesure, et ils sont très inquiets. L’inconnu pourrait aussi y être pour quelque chose. Pour beaucoup de propriétaires de petites entreprises, cela semble tout simplement punitif.

M. Giroux : Dans l’ensemble, ils devront probablement payer plus d’impôts, même en tenant compte de l’exonération à vie des gains en capital pour les propriétaires de petites entreprises...

La sénatrice Ross : Il y a un écart important par rapport à ces 250 000 $. C’est considérable, et c’est là que beaucoup d’entre eux se retrouveront.

M. Giroux : Je pense à l’exonération cumulative des gains en capital, au montant de 1,25 million de dollars. Lors de la vente, ceux qui ont des entreprises rentables devront composer avec un taux d’inclusion des gains en capital plus élevé qu’actuellement, même en tenant compte de l’exemption.

La sénatrice Ross : Concernant les propos du sénateur Gignac au sujet du court délai pour faire une transaction d’ici le 25 juin, j’ajouterais que c’est presque impossible. Je vous remercie.

La sénatrice Pate : Au sujet de la taxe sur les logements sous-utilisés, j’aimerais savoir ce que vous pensez des affirmations de la ministre selon lesquelles l’assouplissement des restrictions et des pénalités vise à favoriser le respect de la taxe de 1 %, les mesures actuelles de promotion de la conformité sont fondées sur l’autodéclaration, et l’envoi de fonds sur les sites Web du gouvernement et de l’ARC sera efficace. Selon vous, est-ce la mesure la plus efficace pour promouvoir la conformité à la taxe sur les logements sous-utilisés, ou y a-t-il des moyens plus efficaces?

J’aimerais savoir si vous êtes à l’aise de parler de ce qui semble être une fonction contradictoire du projet de loi d’exécution du budget de 2024, étant donné que l’on vise à la fois à réduire les restrictions pour ceux qui ont d’importantes ressources et qui dominent le marché du logement, mais que l’on prétend également créer des logements abordables pour les Canadiens qui n’ont pas les moyens d’acheter une maison. Pour moi, il n’est pas évident que ces dispositions aboutiront à ces résultats, mais comme vous êtes beaucoup plus intelligent que moi, vous pourriez peut-être nous éclairer.

M. Giroux : Ne présumez pas de cela, sénatrice.

Concernant l’assouplissement des restrictions dans le but d’accroître la conformité, cela arrive généralement lorsque les mesures de conformité initiales sont trop restrictives ou trop lourdes, ou lorsque le coût de gestion de telles dispositions est trop élevé, et je pense que c’est le cas pour la taxe sur les logements sous-utilisés. Personnellement, je ne trouvais pas les dispositions et les mesures de conformité trop lourdes lorsque je les ai vues pour la première fois, mais leur gestion était peut-être plus difficile que l’ARC l’avait prévu, et c’est pourquoi elle les assouplit. Je n’ai pas eu à faire une déclaration en vertu de cette disposition, évidemment. Par conséquent, je ne suis pas bien placé pour dire si elle était trop restrictive. D’après ce que j’ai lu et selon notre évaluation, l’imposition de ces restrictions pour la taxe sur les logements sous-utilisés ne semblait pas être une contrainte excessive. L’assouplissement de ces mesures de conformité me surprend. Ce n’est pas quelque chose que l’on fait pour accroître la conformité. On le fait pour faciliter l’administration ou la conformité, mais pour ce qui est d’accroître la conformité, je ne suis pas sûr que je l’aurais exprimé ainsi.

Quant à l’autre aspect de votre question, je ne suis pas en mesure de faire des commentaires, malheureusement. Je dois creuser davantage la question.

La sénatrice Pate : D’accord. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dalphond : J’aimerais poursuivre sur les questions posées par plusieurs collègues sur les annonces anticipées de modification des règles d’imposition à partir de juin. Le sénateur Gignac a fait référence à l’annonce que le ministre Wilson avait faite sur certaines mesures en 1987, dont la première partie est entrée en vigueur le 1er janvier 1988 et la deuxième, en 1990.

Il y a trois ou quatre ans, un projet de loi privé a modifié l’exemption de gains en capital en ce qui concerne le transfert intergénérationnel. Dans les jours qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi, le gouvernement a annoncé qu’il allait changer les règles, car il y a eu des débats importants, particulièrement au Sénat. On trouvait les règles assez généreuses ou propices à l’abus. Le gouvernement a tout de suite annoncé qu’il allait faire quelque chose, mais cela a pris deux ans. Cela s’est produit récemment, dans le budget de l’an dernier.

Vous avez dit que c’était difficile de prévoir les comportements et qu’on jouait à la boule de cristal. Est-ce qu’on peut regarder l’historique de ces deux mesures pour voir s’il y a eu certains comportements, ou si, ultimement, peu de gens ont bénéficié du transfert intergénérationnel et il n’y a pas vraiment eu d’impact?

M. Giroux : Il y a certainement des données qui pourraient nous être utiles pour corroborer ou infirmer la thèse selon laquelle les gens modifient leur comportement lors de l’annonce de certaines mesures, mais ce n’est pas quelque chose que nous avons considéré encore.

Par contre, nous avons considéré d’autres aspects du système fiscal pour déterminer s’il y a un effet comportemental, comme le fait que les petites entreprises sont assujetties à un taux de taxation plus faible que les grandes entreprises. On arrive à la conclusion que plus d’entreprises se situent juste en bas de la limite pour être assujetties au taux d’imposition des grandes entreprises que ne le suggérerait une distribution normale. On appelle cela un coude, ou un kink en anglais. On voit que la distribution est brisée. Cela suggère que les gens s’agglutinent juste en bas du seuil auquel ils seraient assujettis. Cela suggère, en effet, qu’il y a une modification du comportement pour répondre aux signaux envoyés par le régime fiscal. C’est l’exemple le plus proche de ce qui nous préoccupe, mais nous n’avons pas considéré les changements historiques de 1988 et 1990; pas encore.

Le sénateur Dalphond : Avec les changements intergénérationnels, on vise une catégorie particulière, comme les gens qui ont des bureaux d’assurance, les courtiers, les avocats et les comptables dans de petits bureaux. Ils pouvaient faire des flips que d’autres ne pouvaient pas le faire. Lorsqu’on leur a donné cette permission, est-ce qu’ils s’en sont prévalus, ou leur comportement n’a pas changé? Ici, on a le gain en capital pour la propriété privée, comme l’immeuble de six logis dont on parlait plus tôt. Ce ne sont pas des multinationales. Ce sont des individus qui ont un patrimoine d’une certaine valeur, mais celle-ci n’est pas très grande par rapport à la richesse nationale. C’est ce qu’on avait également pour les pêcheurs, les fermiers et les petits professionnels.

Le président : Merci pour la question.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Dans votre rapport budgétaire d’avril 2024, vous avez indiqué que de 2024-2025 à 2028-2029, le déficit budgétaire rajusté du DPB a augmenté en moyenne de 4,5 milliards de dollars, en grande partie en raison de la baisse des recettes provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. À votre avis, quels sont les principaux facteurs à l’origine de cette baisse des recettes fiscales et quelles mesures de relance économique sont nécessaires pour placer le Canada sur une trajectoire de croissance plus forte?

M. Giroux : La baisse des recettes est liée en bonne partie à de belles surprises lors de la publication des données réelles en fin d’exercice. Les recettes du gouvernement ont été plus élevées que nous ne l’avions prévu. Cela s’est produit à quelques reprises ces dernières années du côté des sociétés. Dans le rapport, nous indiquons que notre propre déficit est plus élevé, car nous n’avions pas prévu les importantes recettes de l’impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers. Du côté des sociétés, il s’agit d’une situation récurrente qui remonte bien avant la pandémie, tant au fédéral qu’au provincial. Du côté de l’impôt sur le revenu des particuliers, cela découle en grande partie d’une inflation plus élevée que prévu, ce qui a gonflé ou augmenté les recettes fiscales et entraîné une augmentation plus importante que prévu des recettes au titre de l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers.

La sénatrice MacAdam : Merci.

La sénatrice Kingston : J’ai une question sur le régime d’assurance médicaments. Lorsque je regarde la première phase, il semble y avoir une multitude de contraceptifs, mais pour le contrôle du diabète, même s’il est indiqué qu’il existe d’autres médicaments souvent utilisés en combinaison par les patients atteints de diabète de type 2, les seuls qui sont énumérés dans le tableau que je vois sont l’insuline et la metformine. La personne qui est atteinte de diabète de type 2, par exemple, peut prendre deux ou trois autres médicaments seulement pour sa glycémie, mais en plus de cela, il lui est demandé de contrôler son hypertension, son cholestérol, etc. Je sais que vous avez probablement estimé certains de ces coûts. Ces médicaments ont-ils aussi été pris en compte par rapport à la première phase?

M. Giroux : À ma connaissance, non. Les contraceptifs et les médicaments exclusivement contre le diabète ont été pris en compte, mais pas les médicaments associés ou étroitement liés, ou les médicaments contre des maladies souvent associées au diabète, comme l’hypertension artérielle, le cholestérol ou les problèmes cardiaques. Cela couvre uniquement les médicaments contre le diabète. Selon notre compréhension, voilà la portée de la phase initiale. Cela se limite strictement au diabète et aux contraceptifs.

La sénatrice Kingston : Avez-vous une boule de cristal quant à la suite des choses?

M. Giroux : Non. Si j’avais une boule de cristal, je serais beaucoup plus riche que je le suis.

La sénatrice Kingston : Je vous remercie.

[Français]

Le président : Ma question porte sur votre budget et sur celui d’autres agents du Parlement. On commence à entendre des agents du Parlement se plaindre de leur budget, et parfois même de la réduction de leur budget, alors que la taille de l’État augmente. Plus il y a de programmes, plus il y a d’agences et plus votre travail est exigeant. D’abord, avez-vous un budget suffisant pour faire votre travail? Deuxièmement, avez-vous noté que le budget des bureaux des agents du Parlement, particulièrement ceux qui ont le mandat de demander des comptes au gouvernement, que ce soit le commissaire à l’environnement, la commissaire à l’accès à l’information ou la commissaire à l’intégrité, n’augmente pas au même rythme que les dépenses du gouvernement?

M. Giroux : Concernant la première partie de votre question sur le budget de mon bureau, il semble être suffisant pour l’instant. J’ai eu une modeste augmentation de 2 % cette année et l’année précédente, qui semble largement suffisante pour m’acquitter de mon mandat. Évidemment, si j’avais des ressources infinies, j’aurais beaucoup plus de rapports à produire, mais je crois que les ressources actuelles me permettent de bien livrer la marchandise pour bien remplir mon mandat, même si je dois malheureusement décliner certaines demandes qui sont parfois hors de mon mandat, mais pas toujours. Mon budget semble adéquat pour l’instant.

Le budget des autres agents du Parlement est très régulièrement un sujet de préoccupation parmi mes collègues. Je sais que certains et certaines d’entre eux et elles ne semblent pas avoir un budget adéquat. Certains autres sont dans la même situation que moi et leur budget semble suffire à couvrir leurs besoins. C’est quelque chose qui varie beaucoup d’un organisme à l’autre. Donc, je ne peux pas me prononcer ou donner un qualificatif sur l’ensemble des autres agents du Parlement. Ma situation est relativement bonne, mais elle varie de bonne à beaucoup moins bonne chez mes autres collègues agents du Parlement.

Le président : Avez-vous une liste de ceux dont la situation est beaucoup moins bonne et qui sont à risque de ne pas être en mesure de s’acquitter de leur mandat convenablement, conformément aux fins pour lesquelles nous voulons qu’ils agissent?

M. Giroux : Je crois que la commissaire à l’information, Mme Maynard, a rendu sa situation assez claire quand elle a dit que ses besoins étaient beaucoup plus grands que les ressources dont elle dispose.

Concernant les autres agents du Parlement, je n’ai pas entendu parler de grandes préoccupations, mais je vous le dis sous toute réserve, parce que je n’ai pas mis le nez dans chacun de leur budget individuellement, évidemment. Je me base sur ce que j’ai vu dans les médias et sur des discussions qui datent déjà de plusieurs mois.

Le président : Votre mandat se termine l’an prochain. On présume qu’il y a de fortes chances de voir des élections l’an prochain. Une partie de votre mandat vise à évaluer les engagements électoraux. Cela risque de coïncider avec la campagne électorale et la fin de votre mandat. Avez-vous commencé à vous pencher sur cette problématique ou à votre capacité de livrer votre mandat, étant donné une coïncidence ou une concomitance entre la fin de votre mandat et le déclenchement probable d’une campagne électorale?

M. Giroux : Oui; c’est quelque chose qui me préoccupe beaucoup, évidemment, parce que, en raison des élections à date fixe, l’élection se tiendrait à la fin du mois d’octobre 2025. Mon bureau a pour mandat d’estimer les coûts des mesures électorales à la demande des partis 120 jours avant — donc une période qui commence 120 jours ou quatre mois avant les élections. La fin de juin serait donc le début de la période des estimations de coûts des promesses électorales des partis. Mon mandat se termine au tout début du mois de septembre 2025. Mon mandat va prendre fin à mi-chemin environ de la campagne électorale. Après mon départ, si le gouvernement ne renouvelle pas mon mandat, il appartiendra à mon successeur ou à ma successeure de prendre le relais.

Le président : Il y a un enjeu potentiel entourant la capacité de bien rendre le service, compte tenu de la concomitance de la fin de mandat avec le début de la campagne électorale?

M. Giroux : En mon absence, l’équipe pourrait quand même fournir une bonne qualité de service. La question serait plutôt la continuité dans le leadership si le gouvernement décidait de me remplacer par quelqu’un d’autre à ce moment-là.

Le sénateur Forest : Votre mandat est-il renouvelable?

M. Giroux : Renouvelable jusqu’à un maximum de sept années supplémentaires.

Le président : C’est un enjeu.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Ma question porte sur la loi d’exécution du budget, que je parraine avec plaisir, comme vous le savez. Ce soir, bon nombre de questions ont porté sur des mesures précises, mais il est tard et j’aimerais terminer par une question d’ordre général. Tous les experts ont un avis — favorable ou défavorable — sur la question, et je dis toujours que le jugement est plus important que l’opinion. Je suis certain que vous avez fait un examen approfondi et que votre jugement est fondé sur des recherches, des faits et des connaissances. J’aimerais avoir votre avis sur ce budget précis. S’il y a lieu, quelle mesure vous préoccupe le plus? Quelles mesures accueillez-vous favorablement, le cas échéant? Selon vous, le budget appuiera-t-il bien notre économie?

M. Giroux : La question est probablement injuste, mais vous connaissant, je sais qu’il n’y a là aucune malice, sénateur. Je ne me prononcerai pas sur le budget dans son ensemble. Les opinions abondent.

Il y a des mesures que je trouve bonnes, sachant que la faiblesse de la productivité est l’un des défis de l’économie canadienne. Je pense que les investissements dans l’intelligence artificielle sont une mesure qui est la bienvenue dans le budget, du point de vue de la productivité. C’est une mesure parmi d’autres. D’autres mesures visent à renforcer la capacité de recherche et la productivité en général.

Je suis un peu plus préoccupé par d’autres mesures, par exemple les détails sur les réductions des dépenses ou les réaffectations. Il y a un élément qui m’a laissé perplexe, soit l’affectation de 1 milliard de dollars à Services publics et Approvisionnement Canada pour réduire la superficie d’espace de bureau. Je ne comprends peut-être pas, mais l’on donne 1 milliard de dollars à un ministère pour qu’il puisse vendre des biens immobiliers. Je devrai probablement examiner cela de plus près.

Le sénateur Loffreda : Dans l’ensemble, pensez-vous que cela appuiera bien notre économie? Vous avez dit que vous ne vouliez pas donner une opinion générale, mais tous les experts semblent en avoir une.

M. Giroux : Il se fait tard, alors je vais m’arrêter là.

[Français]

Le président : Sur cette note, merci à M. Giroux et à M. Vrhovsek pour leur témoignage. Je ne suis pas certain que vous ayez pris des engagements de nous envoyer des notes supplémentaires, mais si c’est le cas, veuillez les faire parvenir à la greffière avant la fin de la journée du mercredi 5 juin 2024.

Je voudrais rappeler aux sénateurs et sénatrices que notre prochaine réunion aura lieu le 28 mai, à 9 heures, pour continuer notre étude sur le projet de loi C-69.

Merci à tous. Je veux remercier toute l’équipe de soutien, les interprètes, l’ensemble de l’équipe qui facilite notre travail.

Cela dit, à la prochaine.

(La séance est levée.)

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