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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 11 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui à 9 h 01 (HE), pour étudier le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 1er novembre 2023 et certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les cartes placées sur leur table pour prendre connaissance des lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.

[Français]

Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.

[Traduction]

Merci à tous pour votre coopération.

Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent sur sencanada.ca.

[Français]

Je m’appelle Claude Carignan, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Bonjour. Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.

Le sénateur Gignac : Bonjour. Clément Gignac, de la division de Kennebec, au Québec.

La sénatrice Moncion : Bonjour. Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le sénateur Dalphond : Bonjour. Pierre J. Dalphond, division De Lorimier, au Québec.

Le sénateur Loffreda : Bonjour et bienvenue. Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Bonjour, je m’appelle Kim Pate. Je vous souhaite la bienvenue. Je vis ici, sur le territoire non cédé des Algonquins Anishinaabeg.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ross : Bonjour, Krista Ross, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Smith : Larry Smith, Québec.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, nous entamons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Bien que le comité ait tenu plusieurs réunions sur la teneur de ce projet de loi depuis février 2024, nous sommes maintenant saisis du projet de loi lui-même, qui a été modifié par la Chambre des communes tout récemment. Pour discuter de ces amendements, nous sommes heureux d’accueillir Lindsay Gwyer, directrice générale, Législation, Division de la législation de l’impôt, ministère des Finances Canada. Bienvenue. Nous accueillons également Samir Chhabra, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Martin Simard, directeur principal, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, et Ian Disend, analyste principal, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Nous allons commencer par une courte introduction de cinq à sept minutes.

Lindsay Gwyer, directrice générale, Législation, Division de la législation de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président, et merci de m’avoir invitée ici aujourd’hui.

[Traduction]

Je suis directrice générale, Législation, Division de la législation de l’impôt au ministère des Finances du Canada, et je suis ici pour répondre aux questions sur l’amendement apporté à l’article 28 de la partie 1 du projet de loi relatif à la déduction des dividendes reçus.

La déduction des dividendes reçus est une déduction prévue par la Loi de l’impôt sur le revenu qui permet généralement aux sociétés de déduire les dividendes reçus sur les actions d’autres sociétés canadiennes. Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé que la Loi de l’impôt sur le revenu serait modifiée de façon à ce que les institutions financières ne puissent pas bénéficier de la déduction des dividendes reçus lorsque ces dividendes sont tirés d’actions de leur portefeuille. Le projet de loi C-59 met en œuvre cet amendement.

Un amendement a été déposé à la Chambre qui modifierait cette mesure afin de prévoir une large exemption pour les compagnies d’assurance. Selon l’amendement modifié, la déduction des dividendes reçus ne serait pas refusée dans les cas où le dividende est reçu par une compagnie d’assurance sur des actions qu’elle détient directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une fiducie de fonds commun de placement, si les actions ou les unités de la fiducie de fonds commun de placement sont détenues dans le cadre d’une activité d’assurance.

Je me ferai un plaisir de répondre à d’autres questions ou de fournir d’autres explications au sujet de cet amendement.

[Français]

Le président : Merci.

Samir Chhabra, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je vais parler du projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, et mettre l’accent sur les changements importants qui ont été apportés pour mener à bien une réforme significative de notre droit de la concurrence afin d’encourager l’innovation et de faire baisser les prix pour les Canadiens. Plus précisément, je parlerai de l’un des changements apportés au projet de loi depuis votre étude préalable du projet de loi.

[Français]

Les délibérations sur ce projet de loi au sein du Comité des finances ont en effet été marquées par un soutien collectif à un certain nombre de modifications. Celles-ci visaient essentiellement à répondre aux préoccupations soulevées par certaines parties prenantes ainsi qu’à des recommandations formulées par le commissaire de la concurrence. Les amendements adoptés en comité portent notamment sur l’examen des fusions, la protection des consommateurs et l’écoblanchiment.

[Traduction]

J’aimerais d’abord parler des trois ajustements apportés à l’examen des fusions, qui est souvent considéré comme la première ligne de défense dans le droit de la concurrence.

Premièrement, les mesures correctives prises par les tribunaux en cas de fusions anticoncurrentielles sont désormais conçues de manière à éliminer tout préjudice concurrentiel plutôt que d’inverser le degré de préjudice qui rend la diminution ou la prévention de la concurrence significative.

Deuxièmement, une nouvelle présomption structurelle a été créée pour traiter les fusions entraînant une augmentation significative de la concentration du marché comme des fusions anticoncurrentielles, sauf preuve du contraire. Les parties à ces fusions devront donc prouver de manière proactive que l’entente proposée ne nuira pas à la concurrence. En substance, cette mesure renverse le fardeau de la preuve.

Le troisième changement complète cet examen des fusions. Le Tribunal de la concurrence pourra désormais examiner les changements apportés aux parts de marché ou à la concentration à titre de facteurs pertinents de l’évaluation des fusions, et non seulement les effets de ces changements. Cette disposition s’appliquera même lorsqu’une fusion ne déclenchera pas la nouvelle présomption structurelle.

[Français]

Les membres du comité se sont également montrés très intéressés par le renforcement de la protection des consommateurs. Tout d’abord, des précisions ont été apportées aux différentes dispositions de la Loi sur la concurrence relativement aux prix partiels, afin de garantir que seuls les montants imposés par la loi directement à l’acheteur du produit, comme les taxes sur les ventes, puissent être exclus du prix affiché initialement.

Ensuite, le comité a déterminé que les vendeurs annonçant des prix réduits devraient désormais prouver l’authenticité du prix régulier. Concrètement, cela signifie que les vendeurs offrant des rabais devront être prêts à présenter sur demande une liste de leurs prix passés au Bureau de la concurrence. En ce qui concerne la réparation, le comité a apporté quelques précisions pour s’assurer que le champ d’application des dispositions était suffisamment large pour couvrir les principaux types de refus auxquels font face les réparateurs.

[Traduction]

Enfin, en ce qui concerne les allégations environnementales douteuses, ce que l’on appelle l’écoblanchiment, la loi exigera désormais que les personnes qui formulent des allégations environnementales au sujet de leur entreprise ou de leurs activités commerciales — et pas seulement au sujet de leurs produits — étayent ces allégations au moyen d’une justification adéquate et appropriée, conformément à une méthodologie internationalement reconnue.

En conclusion, il convient de noter qu’aucune modification n’a été apportée à des parties importantes du projet de loi initial, y compris les cadres proposés pour l’examen des collaborations entre concurrents, les nouvelles mesures visant à faciliter l’application par des parties privées devant le Tribunal de la concurrence, ainsi que plusieurs autres modifications visant à mieux habiliter le commissaire de la concurrence à préserver et à promouvoir la concurrence.

Mes collègues et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall va poser la première question. Nous disposerons de quatre minutes chacun, car la discussion avec ce groupe de témoins s’achèvera à 10 heures.

La sénatrice Marshall : Je vais commencer par Innovation, Sciences et Développement économique. Avez-vous reçu des réponses des parties prenantes? Nous en avons reçu beaucoup, et je pense qu’une seule de ces réponses était positive et que toutes les autres étaient négatives. J’aimerais savoir quels types de réponses vous avez reçues de la part des parties prenantes.

Maintenant que ces changements ont été apportés de façon unilatérale, comment s’intègrent-ils au processus de consultation? Les amendements suscitent de nombreuses inquiétudes.

M. Chhabra : Merci, madame la sénatrice, pour cette question. Ces dernières semaines, un certain nombre de parties prenantes du secteur, en particulier des intervenants du secteur, ont effectivement exprimé des inquiétudes au sujet des amendements relatifs à l’écoblanchiment qui ont été adoptés au sein du comité de la Chambre. Ils s’inquiètent de la mise en œuvre de cette approche, de la manière dont elle se concrétiserait et du type de répercussions qu’elle aurait.

Jusqu’à présent, nous avons répondu que le bureau mènera un processus d’orientation, qui comprend généralement des consultations, qui contribueront à définir les choses. Comme je l’ai mentionné dans mes remarques préliminaires, nous ne disposons pas d’une définition exacte de ce qui constitue des méthodologies internationalement reconnues, et je m’attends donc à ce que le bureau prendra le temps de définir ce qu’il jugera être une méthodologie internationalement reconnue dans ce contexte.

En ce qui concerne la consultation, le gouvernement a entrepris d’importantes consultations dans le cadre desquelles il a recueilli la contribution de près de 500 Canadiens et entreprises sur une période d’environ six mois et tenu un certain nombre de tables rondes nationales dans tout le pays. La modification adoptée par le comité de la Chambre pour ajuster les dispositions relatives à l’écoblanchiment des activités commerciales n’a pas été étudiée de manière significative dans le cadre de cette consultation.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

J’ai une brève question à poser à Mme Gwyer. En ce qui concerne les modifications apportées à la Loi sur l’impôt sur le revenu... j’imagine que certaines personnes sont satisfaites et d’autres non, mais quelle est l’incidence de ces modifications sur les recettes fiscales? Est-elle significative?

Mme Gwyer : L’amendement profite aux compagnies d’assurance et, indirectement, aux personnes qui achètent des produits d’assurance. Nous pensons que les compagnies d’assurance sont satisfaites de l’amendement. Les recettes sont de l’ordre de 100 à 115 millions de dollars par an, ce qui correspond à la réduction des recettes qui auraient été tirées de la mesure telle qu’elle figurait à l’origine dans le projet de loi C-59.

La sénatrice Marshall : Les parties prenantes ont-elles été consultées, étant donné que l’amendement favorise certaines d’entre elles, mais que la législation initiale continuera d’en affecter d’autre? Il semble maintenant qu’il y a maintenant une injustice. Les parties prenantes qui ne bénéficieront pas de cet avantage ont-elles été consultées?

Mme Gwyer : Le changement a été annoncé dans le budget de 2023 et, depuis lors, nous avons mené de nombreuses consultations, principalement auprès des parties prenantes. Ce changement s’applique aux institutions financières, c’est-à-dire principalement aux banques et aux compagnies d’assurance. Le ministère a recueilli leur avis au sujet de cette mesure. Cet amendement est une décision du gouvernement, mais il reflète les commentaires reçus, en particulier de la part des compagnies d’assurance, au cours de l’année écoulée et les répercussions que...

La sénatrice Marshall : Mais pas des banques?

Mme Gwyer : Nous avons entendu les banques et elles nous ont fait part de leurs commentaires dans le cadre de la consultation, mais l’amendement ne touche pas les banques.

La sénatrice Marshall : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence. Ma première question concerne l’amendement sur l’écoblanchiment. Plusieurs intervenants ont communiqué avec nous pour nous indiquer que la nécessité de prouver la performance environnementale d’un produit sur la base d’une méthodologie internationalement reconnue est un critère trop flou et mal défini.

Est-il possible de régler le problème à l’aide d’un avis d’interprétation qui permettrait d’offrir plus de certitude aux acteurs de l’industrie? C’est ma première question.

Martin Simard, directeur principal, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci pour la question. J’aimerais répéter ce que mon collègue a dit. Typiquement, lorsqu’il y a un changement à la Loi sur la concurrence, de nouveaux termes sont introduits. Le Bureau de la concurrence mène des consultations et développe ce qu’on appelle des lignes directrices. Ce que ça dit, c’est voici comment le bureau va interpréter la nouvelle loi et comment lui va la mettre en œuvre. C’est typiquement la prochaine étape, ce que vous suggérez. Les consultations en vue de définir le terme se retrouveront dans les lignes directrices de l’application de la loi du Bureau de la concurrence.

Le sénateur Forest : Si on enlevait les mots « méthodologie internationalement reconnue », est-ce que cela pourrait être un compromis acceptable, ou est-ce que cela viderait de sens la proposition d’amendement?

M. Simard : C’est un choix de mots qui a été fait par des députés de la Chambre des communes. On se sent peut-être un peu mal placé pour se mettre dans leurs souliers. Nous étions présents dans la salle lorsqu’ils l’ont présenté. Selon ce que je comprends, ils cherchaient un compromis pour obtenir un bon niveau de preuves. Ils se sont entendus sur les mots « méthodologie reconnue internationalement ». Est-ce trop? Pas assez? Cette question revient aux législateurs. Le concept vise à inclure des normes solides dans la loi et à le définir par des lignes directrices et par la pratique, car le Tribunal de la concurrence devra se prononcer par la suite. De plus, s’il y a appel, la jurisprudence établira le contour de ces nouveaux mots.

Le sénateur Forest : Je ne vous demande pas de juger les propos du législateur, mais comme votre expertise et votre responsabilité première sont justement d’éclairer le législateur dans les prises de décisions, à votre point de vue, est-ce que ce pourrait être un compromis acceptable?

M. Chhabra : Merci encore pour la question. C’est difficile de dire si c’est un compromis raisonnable. C’est clair qu’il y a beaucoup de parties prenantes qui viennent des systèmes, des cours de justice, par exemple, et qui ont noté l’importance de prendre des mesures contre l’écoblanchiment. L’élément spécifique, ici, c’est l’inclusion des marques — en anglais, on dit « branding ».

[Traduction]

L’image de marque. L’ensemble de la marque plutôt que des produits particuliers. Dès que l’on commence à parler d’image de marque, on se trouve immédiatement dans une zone grise, si je puis dire. Il ne s’agit pas d’un produit au sujet duquel on peut effectuer des tests particuliers, mais d’allégations environnementales générales, d’allégations générales relatives à la marque, comme lorsque l’on parle des « céréales préférées des Canadiens ». Lorsque l’on pénètre dans cet espace, on se trouve immédiatement dans une zone grise.

Nous pensons que certaines parties prenantes de l’industrie s’inquiètent à juste titre de ce que cela signifiera. Nous savons également que les groupes de défense de l’environnement ont exprimé un point de vue très fort, et ont déclaré que l’on ne portait pas suffisamment d’attention à la nature des allégations faites de manière générale par certaines entreprises au sujet de leur marque et de leurs activités. C’est la zone grise dans laquelle nous nous trouvons.

Comme nous l’avons souligné plus tôt, nous devrons notamment voir quelles seront les lignes directrices du bureau sur cette question et comment le tribunal traitera les premières affaires au moyen de ce système, comment cette jurisprudence se développera et influera sur la manière dont nous pensons à ces choses de manière pratique.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci beaucoup.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. J’aimerais poursuivre la discussion qui a été commencée par la sénatrice Marshall sur le traitement des dividendes. Pourriez-vous expliquer cet élément? Vous connaissez cela. Pourquoi ne pas l’avoir exclu au départ des compagnies d’assurance? Là, c’est exclu. J’ai travaillé à la fois pour les banques et les compagnies d’assurance. Cela laisse une drôle d’impression, cet amendement de dernière minute.

Qu’est-ce qui vous a amenés à ne pas exclure les compagnies d’assurance dès le départ? Je crois que c’est un député libéral membre du gouvernement qui l’a proposé. Je suis surpris de voir que cela n’avait pas été exclu au départ. Quel est le raisonnement derrière tout cela? Pourquoi devrait-on accepter cet amendement maintenant?

Mme Gwyer : Je vous remercie de la question.

[Traduction]

Cet amendement a effectivement été présenté par le gouvernement. Lorsque la mesure a été introduite dans le budget de 2023, nous avons reçu un grand nombre de commentaires, en particulier de la part des banques et des compagnies d’assurance. Au cours de cette consultation, l’un des changements apportés au projet de loi C-59 a été d’exclure les actions privilégiées imposables. Cette décision a été prise sur la base des commentaires reçus des banques et des compagnies d’assurance, qui estimaient que les actions privilégiées imposables ne devaient pas être soumises à cette mesure. Cette mesure était censée répondre à certaines des préoccupations des compagnies d’assurance en particulier, et aux inquiétudes qu’elles ont exprimées concernant les produits d’assurance-vie, et le fait que, pour plusieurs produits d’assurance-vie, l’impôt supplémentaire qu’elles auraient à payer sur ces dividendes se répercuterait directement sur les clients.

On nous a dit que cette mesure aurait pour effet d’augmenter le coût des produits d’assurance-vie ou de réduire leur rendement pour les clients. Après le dépôt du projet de loi C-59, on nous a dit que l’amendement apporté aux actions privilégiées imposables n’apporterait pas une réponse suffisante à ces préoccupations. Le gouvernement a poursuivi ses consultations et a finalement décidé d’exclure la plupart des dividendes perçus par les compagnies d’assurance.

Le sénateur Gignac : Je vous remercie. Étant donné que vous êtes indépendante de la politique, vous estimez qu’il s’agit d’une exclusion à faire, car ce n’était pas le cas au départ. Est-ce quelque chose qui pourrait se produire parce que les assurances-vie sont liées à des contrats? Cette exclusion est-elle justifiée de votre point de vue?

Mme Gwyer : C’est un choix qui a été fait par le gouvernement, et je ne peux donc parler que des considérations des parties prenantes, qui ont fourni beaucoup de renseignements qui ont amené le gouvernement à conclure qu’il était justifié de traiter les compagnies d’assurances différemment des autres institutions financières et donc d’introduire cet amendement visant à les exclure.

Le sénateur Gignac : Merci.

Le sénateur Smith : J’ai une question à poser à Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Le monde des affaires a demandé que cet amendement soit retiré et que le gouvernement entreprenne une consultation de fond sur la voie à suivre ou — à tout le moins — qu’il reporte la date d’entrée en vigueur jusqu’à ce que les normes méthodologiques internationales aient été approuvées. Quelle est la position du gouvernement fédéral à cet égard?

M. Chhabra : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai dit plus tôt, un certain nombre d’organismes ont mentionné la pratique générale de l’écoblanchiment et le fait que la Loi sur la concurrence du Canada devait en faire plus dans ce domaine. S’il est vrai que l’amendement a été adopté par le comité de la Chambre pour étendre cette application aux marques ou aux allégations générales relatives aux entreprises ou aux activités commerciales et pour faire des déclarations plus précises sur la restauration de l’environnement et les causes sociales et écologiques du changement climatique, il est vrai que ces éléments particuliers n’ont pas été bien traités ou traités en profondeur dans les engagements précédents.

D’un point de vue directionnel, il y a eu clairement suffisamment d’intérêt et de preuves pour déterminer que l’on n’accorde pas beaucoup de force ou d’attention aux éléments liés à la commercialisation trompeuse de la Loi sur la concurrence et à la manière dont ils s’appliqueraient aux questions environnementales. Cela dit, je tiens à préciser que la commercialisation trompeuse — le fait de formuler sciemment de fausses allégations — a toujours été illégale en vertu de la Loi sur la concurrence. Sur le plan pénal, si vous faites sciemment une fausse allégation, il s’agit d’une disposition pénale. Sur le plan civil, il est illégal de faire une telle allégation sans savoir au préalable qu’elle est fausse.

Cela dit, un certain nombre d’organisations ont clairement souligné que nous n’en faisions pas assez pour garantir une gestion équitable du marché en veillant à ce que les organisations ne puissent pas faire des allégations n’ayant pas été correctement justifiées ou testées. En ce qui concerne les produits — comme je l’ai souligné tout à l’heure — il s’agit d’un exercice plus simple et plus direct à entreprendre dans le cas d’une marque ou d’une entreprise. Cette approche est complexe. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, le gouvernement est conscient que certaines formulations pourraient créer une certaine incertitude, mais il est également convaincu que le Bureau de la concurrence pourra remédier à ce problème en publiant des orientations et grâce à la jurisprudence.

Le sénateur Smith : La date d’entrée en vigueur hâtive suscite également des inquiétudes. Celle-ci ne donnera pas le temps aux entreprises d’ajuster ou de réviser leurs allégations une fois que ces dispositions auront été adoptées. Pourquoi la date d’entrée en vigueur n’a-t-elle pas été reportée pour permettre aux entreprises de se conformer aux exigences et d’ajuster leurs allégations?

M. Simard : S’il est vrai que cette disposition entrera en vigueur dès l’approbation royale, la date d’entrée en vigueur pour les recours privés est fixée à un an, ce qui constitue l’une des préoccupations des entreprises, car il s’agit d’un monde nouveau pour elles. Ce n’est pas seulement le gouvernement ou l’organisme public chargé de l’application de la loi, le Bureau de la concurrence, mais un acteur privé pourrait agir de manière stratégique. Cette partie est reportée d’un an, ce qui devrait laisser du temps pour la mise en place de lignes directrices.

Dans l’intervalle, c’est le Bureau de la concurrence qui est aux commandes. Il s’agit d’un organisme public qui doit agir dans l’intérêt du public. Il ne s’agit pas d’une entreprise qui cherche à nuire à d’autres. Son but est d’assurer la conformité. Il dispose d’ailleurs d’un service chargé d’éduquer les entreprises et de veiller à ce qu’elles respectent la loi. Les poursuites et les procédures judiciaires ne sont qu’une solution de dernier recours visant à garantir le respect de la loi.

Pendant la première année, c’est le Bureau qui sera aux commandes. On s’est également inquiété du fait que, même si les recours privés n’entreront en vigueur qu’un an plus tard, quelqu’un pourrait essayer d’intenter une action rétroactive. Le projet de loi propose une autre mesure de protection, à savoir un test lié à l’intérêt public. Là encore, un organisme public — le tribunal — déterminerait si l’affaire est fondée. S’il s’agit d’une affaire rétroactive et d’une procédure visant à nuire à une entreprise, la barre est haute pour dire qu’il est dans l’intérêt public d’engager cette procédure.

La sénatrice Kingston : Ma question s’adresse à Mme Gwyer. C’est une question que je n’ai pas eu l’occasion de poser la dernière fois et qui concerne le vapotage. Combien d’argent sera récupéré auprès des industries du vapotage en particulier, et ce montant couvrira-t-il les coûts que vous avez engagés? Je crois qu’il s’agissait de 66 millions de dollars. Cette question concerne le tabac et le vapotage, mais je m’intéresse davantage à la partie liée au vapotage.

Mme Gwyer : Désolée, sénatrice, je ne peux pas parler de cette mesure. Il serait préférable de poser cette question à l’un de mes collègues, mais je vais vérifier si nous pouvons vous transmettre ces renseignements.

La sénatrice Kingston : Je vous remercie. Je vais donc passer mon tour.

La sénatrice Ross : Merci et bonjour. Comme l’a mentionné la sénatrice Marshall, nous avons reçu de nombreuses communications de la part de diverses associations d’entreprises. J’aimerais vous lire quelques phrases qui m’ont frappée et vous demander votre avis à leur sujet :

Ces derniers amendements au projet de loi C-59 marqueraient un changement radical par rapport à la politique de concurrence traditionnelle et aux pratiques exemplaires internationales. Il convient de souligner qu’un amendement vise à codifier les présomptions structurelles dans les examens de fusions en reprenant le libellé des lignes directrices américaines de 2023 sur les fusions, lignes directrices qui ont été largement critiquées, qui n’ont pas été adoptées par un tribunal et qui ne font donc pas partie de la législation américaine actuelle. Le Canada va plus loin que l’approche américaine en ajoutant des présomptions à sa loi sur la concurrence. Au lieu de juger les fusions en fonction d’une analyse rigoureuse de leurs effets probables sur la concurrence, ce changement permettra de bloquer les fusions en se fondant uniquement sur des règles empiriques simplistes, même si un examen plus sophistiqué sur le plan économique donnait à penser qu’il accroîtrait la concurrence au profit des consommateurs et de l’économie.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de cette affirmation.

M. Chhabra : Merci pour cette question, sénatrice. Pour bien y répondre, nous devons examiner la situation du Canada au cours des dernières années, ainsi que les pratiques exemplaires internationales. De l’avis général, le Canada a pris beaucoup de retard par rapport aux pratiques exemplaires dans ce domaine au cours des dernières années. L’approche du Canada faisait que le tribunal ne pouvait même pas tenir compte des parts de marché pour déterminer si une fusion était susceptible de nuire à la concurrence. Le gouvernement a proposé, dans le cadre du projet de loi C-59, d’inverser cette situation et de permettre au tribunal d’entreprendre une analyse de ces questions sur la base des parts de marché. Le comité a voulu aller plus loin et a adopté certains libellés des lignes directrices américaines sur les fusions basées sur l’indice Herfindahl-Hirschman, qui mesure le degré de concentration et établit une présomption structurelle.

Dans le paragraphe que vous avez lu, il est indiqué qu’une fusion pourrait être bloquée simplement sur la base de cet indice ou du degré de concentration. La présomption structurelle a pour effet d’inverser le fardeau de la preuve. Ainsi, au lieu que le Bureau de la concurrence doive prouver qu’une fusion aurait des effets anticoncurrentiels, le fardeau de la preuve sera inversé si l’on détermine que la fusion génèrerait un degré important de concentration. Ce sont maintenant les entreprises qui cherchent à réaliser la fusion qui doivent convaincre le gouvernement ou le tribunal de la pertinence des effets positifs potentiels et des avantages potentiels pour les consommateurs.

Bien sûr, il existe des scénarios dans lesquels deux entreprises pourraient fusionner pour atteindre un degré de concentration assez important, disons 40 %, mais si elles sont en concurrence avec une entreprise de plus grande taille et qu’elles seront désormais mieux armées pour rivaliser dans cet espace, offrir des services plus innovants et disposer d’une base de coûts plus faible qu’elles pourront ensuite répercuter sur les consommateurs, cela pourrait en fait être favorable à la concurrence. Cela dépend de la dynamique globale du marché, de la taille et de la concentration des acteurs concernés. D’une certaine manière, le point que vous avez soulevé et ce qui est dit dans le paragraphe que vous avez lu sont tout à fait exacts. Nous devons effectuer une analyse dynamique qui doit comprendre un certain nombre de facteurs de l’économie ou de ce marché particulier. Mais le but ici n’est pas d’imposer une interdiction pure et simple, mais d’inverser le fardeau de la preuve.

La sénatrice Ross : Je comprends cette distinction. Beaucoup de ces groupes d’entreprises nous disent que ce changement aura un effet dissuasif sur la conclusion d’accords. Qu’en pensez-vous?

M. Chhabra : C’est un argument assez raisonnable. Le contre-argument serait que le Canada, selon les mesures internationales, est trop laxiste dans l’application de ses règles anticoncurrence depuis des décennies et a permis une concentration en oligopoles dans un certain nombre de secteurs qui ont réduit la concurrence et notre compétitivité, et dont certains experts et lecteurs jugent qu’ils ont également une incidence négative sur notre productivité. Je suis donc tout à fait d’accord. Je pense que l’on peut qualifier les changements figurant dans le projet de loi C-56 — qui a reçu la sanction royale en décembre 2023 — et dans le projet de loi C-59, de changement générationnel pour nos lois sur la concurrence.

La question est de savoir si un changement générationnel était nécessaire. Je pense que la plupart des experts, et la plupart des Canadiens qui ont participé à notre consultation, semblaient indiquer qu’un changement significatif était nécessaire.

La sénatrice Ross : Merci beaucoup.

La sénatrice Pate : Merci à nos témoins. Mes premières questions s’adressent à vous, madame Gwyer. Je vous remercie d’avoir souligné que l’amendement apporté entraînera une perte d’impôts de 100 à 115 millions de dollars.

J’aimerais savoir quelles autres mesures le ministère a envisagées, outre cet amendement, et en particulier si des mesures ont été prises pour effectuer des évaluations, et déterminer comment nous pourrions encore obliger les compagnies d’assurances concernées à payer leur juste part tout en les empêchant de répercuter le coût de ces mesures fiscales sur leurs clients ou sur les assurés, plutôt que de simplement exonérer les compagnies d’assurances?

Mme Gwyer : Nous avons effectivement envisagé différentes options et, en fin de compte, c’est le gouvernement qui a pris cette décision. Nous avons envisagé différentes possibilités et fourni différents conseils.

Nous avons examiné différentes façons dont vous pourriez accorder des exemptions plus ciblées, ce qui est difficile à accomplir étant donné la façon dont les compagnies d’assurances et les produits sont structurés. Cette exemption a été jugée appropriée. Elle exige que les actions soient détenues dans le cadre d’une activité d’assurance, ce qui constitue une règle anti-évitement.

Dans le contexte d’un groupe de sociétés, cela empêcherait une compagnie d’assurances de détenir délibérément des actions qui ne sont pas liées aux activités de cette entreprise d’assurances. Cette règle est destinée à doter cette exemption de certaines garanties.

La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit également un certain nombre d’autres règles anti-évitement particulières qui traitent de la déduction pour les dividendes reçus. Dans la première loi d’exécution du budget de 2023, je crois, une modification a été apportée pour gérer certaines transactions de couverture. Dans le budget de 2024, un autre amendement a été annoncé pour gérer certains autres types de transactions synthétiques.

Ces modifications s’appliquent également aux compagnies d’assurances. Ils visent à mettre en place des garanties relatives à la déduction pour les dividendes reçus et à faire en sorte que cette déduction ne puisse pas être utilisée de façon abusive. Cet amendement constituait une modification plus générale qui concernait précisément les institutions financières, mais ces garanties existent toujours et, comme cela a été annoncé dans le budget de 2024, ces garanties restent en place et continueront d’être élargies afin que les compagnies d’assurances y soient assujetties.

La sénatrice Pate : Je vous remercie de votre réponse. Pour répondre à la question d’un collègue, vous avez cité l’exemple de coûts refilés aux titulaires d’une police d’assurance-vie. Je suis curieuse de savoir si vous avez envisagé d’expliquer clairement que cela n’est pas autorisé. Je vous remercie d’avoir signalé d’autres mesures qui pourraient être prises, mais il faut être plus clair à ce sujet et veiller à ce que les assurés sachent qu’une mesure sera prise pour les protéger.

Mme Gwyer : Au cours de l’élaboration de ces amendements, nous réfléchissons aux possibilités de ce genre. Je ne suis pas une experte en ce qui concerne tous les types de produits particuliers qui existent, mais je crois savoir qu’au moins pour certains d’entre eux, ce que l’on appelle un « dividende » est versé aux titulaires de polices et que ce dividende rend compte des profits après impôts liés aux polices. Je pense qu’il est prévu dans ces contrats qu’ils reçoivent simplement des profits après impôts.

Dans d’autres cas, ces profits sont intégrés dans les cotisations, et c’est la concurrence ordinaire et éventuellement les restrictions qui déterminent si une entreprise peut les intégrer dans ses cotisations. Mais d’un point de vue fiscal, il est difficile d’empêcher une entreprise de refiler ses coûts fiscaux à ses clients lorsqu’ils sont intégrés dans ses cotisations. Ce n’est pas vraiment une mesure qu’il serait possible de prendre par l’intermédiaire de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[Français]

Le président : La prochaine question vient de la marraine du projet de loi, la sénatrice Moncion.

La sénatrice Moncion : J’aimerais changer de sujet et vous amener à l’article 244, qui concerne le refus de vendre. J’aimerais que vous nous expliquiez comment les consommateurs vont bénéficier de cet amendement. Je vais le lire en anglais.

[Traduction]

L’amendement C-59 élargit la disposition de l’article 75 de la Loi sur la concurrence qui concerne le refus de vendre, afin d’y inclure le refus de fournir des moyens de diagnostic ou de réparation, à l’exception des secrets commerciaux. Il prévoit également une ordonnance corrective supplémentaire dont les demandeurs privés peuvent se prévaloir, à savoir le versement d’une somme d’argent aux personnes touchées par le comportement visé par l’article, et définit les conditions que le tribunal peut prendre en considération avant de rendre une ordonnance de paiement.

Cet amendement a été proposé par l’Association des industries de l’automobile du Canada et l’entreprise LKQ. Ils ont fait valoir que l’ordonnance corrective prévue au paragraphe 75(1) pourrait être trop restrictive pour inclure le marché des pièces de rechange, puisqu’elle pourrait seulement permettre aux tribunaux de forcer un fabricant à accepter une personne comme client. Cet amendement préciserait que le tribunal peut obliger le fabricant à donner cet accès à n’importe quelle personne.

Cette modification n’est pas susceptible de donner des résultats, car la disposition, dans sa forme actuelle, n’est déclenchée que lorsque le refus a considérablement touché les activités de la personne à accepter comme client ou l’a empêchée d’exercer ses activités, un critère qui subit une légère modification dans le projet de loi C-59, mais qui continue à se rapporter aux effets sur les activités. Il est clair que, dans ce cas, le client est une autre entreprise et non un client final. Néanmoins, il n’est pas préjudiciable de clarifier davantage le texte de loi.

J’aimerais comprendre les effets que cet amendement aura sur les clients et sur les entreprises qui veulent avoir accès à vos moyens de réparation.

M. Chhabra : Je vous remercie de nouveau de votre question.

Votre évaluation de la situation, tel que vous l’avez lue, est tout à fait exacte selon notre point de vue. Dans le cas présent, le client est en fait l’atelier de réparation secondaire, par exemple. Les modifications apportées à la disposition sont de nature à clarifier les choses plutôt qu’à modifier substantiellement le cadre général. L’enjeu du droit à la réparation est une question importante dans un certain nombre de différents contextes au Canada ces jours-ci, y compris dans le cadre de deux projets de loi d’initiative parlementaire dont le Sénat est saisi à l’heure actuelle, c’est-à-dire les projets de loi C-244 et C-294, qui cherchent à apporter des modifications à la Loi sur le droit d’auteur pour faire en sorte que les Canadiens aient la possibilité de faire réparer leurs appareils d’une manière qui n’est pas bloquée par la Loi sur le droit d’auteur.

De même, il s’agit d’un enjeu qui a fait son entrée dans les conversations et dans la Loi sur la concurrence, en particulier dans les dispositions relatives au refus de vendre, pour garantir que les entreprises sont adéquatement incitées à ne pas refuser, de manière anticoncurrentielle, de travailler avec un atelier de réparation qui ne fait pas partie de leur réseau de concessionnaires, par exemple. Voilà un exemple qui serait évoqué couramment.

Les changements proposés dans le projet de loi C-59 apportent des précisions et garantissent une incitation adéquate et une protection contre la capacité des entreprises à privilégier un réseau étroit de fournisseurs de services. Au lieu de cela, les entreprises seraient obligées d’offrir à d’autres organisations, entreprises et petits ateliers de réparation la possibilité d’intervenir et de fournir ces services.

La sénatrice Moncion : Si ces informations ne sont pas offertes gratuitement, il faudra que les petits ateliers de réparation qui souhaitent y avoir accès s’adressent aux tribunaux pour les obtenir auprès de concessionnaires plus importants qui ne voudront pas les divulguer.

M. Chhabra : La formulation a été clarifiée afin de garantir que l’ordonnance corrective consiste à mettre à leur disposition les moyens de diagnostic ou de réparation dans un délai déterminé, ou de préciser les conditions que le tribunal imposerait.

Nous avons vu que la définition des moyens de diagnostic ou de réparation avait été élargie afin d’inclure l’entretien et l’étalonnage; cette modification a été apportée pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’omission ou de lacune involontaire qui limiterait de manière inappropriée l’éventail des raisons pour lesquelles vous pourriez avoir besoin d’avoir accès à certains moyens de diagnostic ou documents. C’est essentiellement ce qui est proposé dans le projet de loi actuel.

La sénatrice Moncion : Un refus de la part de certains fournisseurs devra être géré par les tribunaux, à moins que je ne comprenne pas la mesure législative.

M. Simard : Oui, cela figure dans la Loi sur la concurrence. Le cadre d’application de la Loi sur la concurrence s’applique.

Le premier appel serait adressé au Bureau de la concurrence. Voulez-vous vous charger de cette affaire? Peut-être que le fait d’appeler le Bureau de la concurrence entraînera un changement dans les pratiques commerciales.

Les grandes entreprises examinent également le projet de loi. Lorsqu’une nouvelle version de la Loi sur la concurrence est mise en place, tous les avocats passent en revue les contrats de licence ou les accords et recommandent à leurs clients les mesures qu’ils doivent prendre pour se conformer à la loi. C’est là la première étape du processus.

Ensuite, quelqu’un appelle le Bureau de la concurrence, qui peut décider de se saisir de l’affaire. De plus, il est maintenant possible d’intenter des poursuites privées. En dernier recours, l’atelier de réparation, peut-être en collaboration avec d’autres propriétaires d’entreprises, prend l’affaire en main.

La loi sera plus claire, ce qui devrait influer sur les comportements. Nous disposons d’un organisme public chargé de faire respecter la loi, c’est-à-dire le Bureau de la concurrence, et il est maintenant possible d’intenter des poursuites privées.

[Français]

La sénatrice Moncion : Cela peut prendre des années; par exemple, un concessionnaire automobile qui a ses propres systèmes de diagnostic ne voudra pas nécessairement donner cela.

M. Simard : Ils ont une association.

La sénatrice Moncion : Je comprends le processus.

M. Simard : Il y a des normes dans l’industrie. Je pense qu’il y a un débat actuellement dans l’industrie, et ils ont un code de conduite. Est-ce que le code doit être modernisé? Cela fera partie des conversations pour en arriver à des solutions d’ensemble.

La sénatrice Moncion : Merci.

Le sénateur Dalphond : Je vais revenir sur l’écoblanchiment; c’est un sujet qui préoccupe beaucoup d’entreprises qui ont écrit aux membres du Comité sénatorial permanent des finances.

Vous avez mentionné plus tôt — cela justifie ma préoccupation — qu’il n’y a pas eu de consultation préalable; c’est un amendement qui a été déposé par un député au comité et qui a été adopté, donc il n’y a pas eu de consultation préalable. Ce qui est proposé, c’est qu’on utilise une méthode internationalement reconnue. Une des préoccupations qui ont été soulevées est la suivante : n’est-ce pas un danger pour la créativité et l’innovation? En effet, ceux qui seront les premiers ne seront pas conformes à une norme internationale; ils seront les premiers à faire quelque chose qui n’avait pas été fait avant.

Je pense surtout aux alumineries au Québec et au projet ELYSIS, dans lequel près de 200 millions de dollars ont été investis par le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, Rio Tinto et Alcoa pour faire de la production d’aluminium sans émettre de gaz à effet de serre, ou du moins en réduisant considérablement les émissions. Les compagnies impliquées vont utiliser cette technologie et faire du marketing; elles ont investi dans ce projet. Pourquoi faudrait-il qu’on soit conforme à des normes internationales qui n’existent pas? On arrive avec quelque chose de nouveau, et en plus, il s’agit d’un projet qui est approuvé et subventionné par le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec.

M. Simard : C’est une excellente question; merci de l’avoir posée. Je pense que cela va au cœur des préoccupations des entreprises.

Ce sont de nouveaux termes, « méthodologie reconnue internationalement »; c’est vraiment de cette façon qu’on le comprend. Si on regarde l’histoire de cette disposition, il y a des précédents. Quand on fait une affirmation sur la performance d’un produit, on dit par exemple : « Mon savon lave plus blanc »; cela fait longtemps, conformément à la Loi sur la concurrence, qu’on doit faire des tests, et on doit être prêt à donner des preuves au commissaire de la concurrence s’il vient frapper à la porte pour nous demander ce qui nous permet d’affirmer que le produit atteint tel objectif de performance. Cela fait longtemps qu’on doit faire des tests pour les produits et il y a une jurisprudence. Un bon test peut être reproduit et il y a des normes basées sur la science et révisées par les pairs. Il y a tout un corpus qui existe pour expliquer ce qu’est un test solide.

Maintenant, on fait évoluer le test pour une notion plus générale, qui est d’offrir des preuves. C’est une entreprise verte, là on s’éloigne du produit et de quelque chose qui peut être testé en laboratoire pour quelque chose de plus générique. Donc, on passe du mot « test » au mot « preuve ». Il y a tout un travail pour déterminer ce que sera une preuve adéquate. La disposition traite de l’écoblanchiment; une preuve adéquate avec une méthodologie adéquate, c’est donc dans le contexte de combattre l’écoblanchiment. Le commissaire de la concurrence et le tribunal, c’est comme cela qu’ils vont penser. Si on a des entreprises innovantes qui peuvent prouver grâce à des tests... Quand je parle de méthodologie reconnue internationalement, certains ont utilisé la science pour prouver qu’il y a des bénéfices environnementaux, donc je pense que ce sera très difficile de dire qu’il s’agit d’écoblanchiment. Il y a des preuves.

Le sénateur Dalphond : Même s’il n’y a pas de méthodologie internationale?

M. Simard : Cela dépend de la manière dont on interprète l’expression « méthodologie internationale ». Est-ce qu’on parle seulement des pratiques exemplaires généralement reconnues pour justifier une affirmation, ou est-ce qu’on en fait une interprétation très textuelle si on dit que cela prend une ISO 999? Cela dépend du sens où l’on va...

Le sénateur Dalphond : Je m’excuse de vous interrompre, mais le temps file.

Pour guider les entreprises, est-ce qu’on va s’assurer que, d’ici un an — qui est la période où on ne peut pas être poursuivi, mais on a un renversement du fardeau de la preuve —, les règles du jeu seront assez claires, que le Bureau de la concurrence publiera un projet de directives, consultera et mettra tout cela en place à l’intérieur d’une année? Est-ce que le gouvernement peut s’assurer que ce sera fait, ou le Bureau de la concurrence peut-il faire cela à son rythme?

M. Simard : Le bureau est indépendant; je ne peux pas m’engager au nom du bureau. Je peux me baser sur le passé. La dernière fois qu’on a fait des changements à la Loi sur la concurrence, c’était avec le projet de loi C-19 en 2022, et ils ont complété le processus à l’intérieur d’un an. Ils ont été capables de proposer une ébauche, de consulter sur l’ébauche, et c’est arrivé un mois avant l’entrée en vigueur des dispositions. La dernière fois, ils ont été capables de le faire. C’était au sujet de la fixation des salaires, les dispositions devaient entrer en vigueur au bout d’un an et ils ont été capables de compléter le processus.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Ma question porte sur l’article 28 de la partie 1. Cet amendement a suscité un certain nombre de questions, mais juste pour confirmer la situation, est-ce que seules les compagnies d’assurances qui proposent des polices d’assurance-vie sont visées par cet amendement?

Mme Gwyer : Toutes les compagnies d’assurances sont visées.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Toutes les compagnies d’assurances sont visées.

Ma question suivante porte sur l’indication de prix partiel qui est abordée à l’article 234. Quels sont les effets pratiques de la suppression des mots « à l’acquéreur du produit visé aux paragraphes (1) à (3) » dans la section relative à l’indication de prix partiel? Quels sont les effets pratiques de cet amendement?

M. Chhabra : Je vous remercie beaucoup de cette question. L’éclaircissement apporté au sujet de l’indication de prix partiel visait à garantir l’harmonisation entre les dispositions relatives au commerce standard et les dispositions relatives au commerce électronique, et à préciser les montants qui peuvent être exclus du prix initial, c’est-à-dire ceux qui sont imposés à l’acheteur d’un produit en vertu du droit fédéral ou du droit provincial. L’harmonisation vise, essentiellement, à garantir que le régime est uniforme pour les achats effectués en ligne et les achats effectués en magasin.

Il s’agit d’un amendement relativement mineur, qui appartient davantage à la catégorie des amendements de régie interne ou des modifications techniques. Nous ne nous attendons pas à ce que la modification ait une incidence majeure. Elle apporte des précisions pour éviter que certaines entreprises ne tentent d’imposer des frais supplémentaires.

Par exemple, le gouvernement a pris une décision politique qui a haussé les prix que je paie pour les marchandises qui traversent la frontière. Je vais maintenir mon prix à un certain niveau et appliquer ce supplément d’une manière qui pourrait être trompeuse pour le client.

Cette approche tente de préciser qu’il s’agit uniquement de frais imposés par un gouvernement au point de vente. Par exemple, les taxes ou les frais de recyclage imposés en Ontario dans le cadre de l’achat d’un appareil électronique pourraient être imposés à la caisse au lieu d’être intégrés dans le prix initial.

La sénatrice MacAdam : Je vous remercie de votre réponse.

Le sénateur Loffreda : C’est bon de vous revoir tous à nouveau. Soyez les bienvenus.

Ma question porte sur l’amendement à l’article 236 du projet de loi C-59.

Pourriez-vous nous en dire davantage à propos des changements particuliers qui sont proposés par l’amendement à l’article 236 du projet de loi C-59 à la Loi sur la concurrence? Plus précisément, quelle est l’incidence de ces modifications sur la définition des « indications trompeuses » pour le public et sur les critères d’examen du Tribunal de la concurrence?

Si nous en avons le temps, pourriez-vous donner des exemples d’indications trompeuses pour le public qui pourraient donner lieu à un examen par le Tribunal de la concurrence en vertu de l’alinéa 74.01(1)b.1) modifié ou du nouvel alinéa 74.01(1)b.2)? Si nous en avons le temps, pourriez-vous expliquer plus en détail pourquoi vous estimez que ces modifications étaient nécessaires?

M. Chhabra : Je vous remercie de cette question, sénateur. En ce qui concerne l’écoblanchiment, les exigences ont été mises à jour et rajustées de telle sorte que les produits doivent avoir été mis à l’épreuve de manière adéquate avant de pouvoir faire des déclarations concernant leurs avantages environnementaux. Ces avantages ont été élargis afin d’inclure la restauration de l’environnement et l’atténuation des effets environnementaux, sociaux et écologiques, au lieu de la seule atténuation des effets des changements climatiques.

En outre, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, les personnes qui font des déclarations sur les avantages environnementaux d’une entreprise ou de ses activités, de façon plus générale, doivent également disposer de justifications adéquates et appropriées pour le faire, des justifications doivent respecter une méthodologie reconnue à l’échelle internationale.

Comme je l’ai souligné précédemment, le gouvernement a reçu un certain nombre de recommandations à la suite de consultations avec un certain nombre d’organisations environnementales, lesquelles ont souligné que, même si la Loi sur la concurrence prévoit des dispositions pour contrer les indications trompeuses ou les allégations d’écoblanchiment en général, elles ne sont peut-être pas assez précises ou ciblées pour permettre au bureau d’intenter des poursuites en se fondant sur ces dispositions. Ces rajustements ont donc été apportés, et ils ont, bien sûr, fait l’objet d’un suivi effectué par un comité qui a insisté sur ce point, en particulier en ce qui concerne les allégations plus générales concernant les entreprises ou les activités commerciales.

Je demanderai à mon collègue d’intervenir également pour apporter plus de précisions à propos de ces questions.

M. Simard : Une question complémentaire pourrait peut-être nous aider.

Le sénateur Loffreda : Pourriez-vous nous donner un exemple de cas où des indications trompeuses pour le public pourraient amener le Tribunal de la concurrence à procéder à un examen?

Ian Disend, analyste principal, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Ces amendements ne modifient pas la nature de ce qui constitue une indication fausse ou trompeuse. Par exemple, si une personne prétend que son produit est bénéfique pour l’environnement, alors que ce n’est pas vrai, cela peut déjà faire l’objet d’un examen. Le commissaire à la concurrence peut saisir le Tribunal de la concurrence ou des tribunaux ordinaires de l’affaire pour obtenir une ordonnance corrective, qui pourrait consister à émettre un avis indiquant que cette allégation n’est pas vraie ou à payer une sanction administrative pécuniaire.

Ces amendements exigeraient qu’une étape supplémentaire soit franchie avant de pouvoir faire une déclaration environnementale. S’il s’avère, par exemple, qu’une personne n’a pas franchi cette étape — elle a fait une déclaration environnementale, qui a été contestée, et elle n’est pas en mesure de fournir la preuve qu’elle a tenté de la justifier à l’avance —, la même procédure judiciaire s’appliquerait. Là encore, l’affaire serait portée devant le Tribunal de la concurrence ou le système judiciaire et, s’il s’avérait que la personne n’avait pas entrepris ce travail de mise à l’épreuve ou de justification, une ordonnance corrective du même genre pourrait être rendue.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre réponse.

[Français]

Le président : Je voudrais être clair sur la question des dividendes pour les compagnies d’assurance pour les fonds de placement. Beaucoup de personnes vont utiliser le véhicule de la fiducie ou de la police d’assurance pour faire de l’investissement. Ce n’est pas juste un véhicule d’assurance, mais aussi un véhicule de placement. Le fait qu’on donne un privilège, entre guillemets, aux fiducies émises dans le cadre d’une police d’assurance par une compagnie d’assurance par opposition à un fonds de placement fidélité ou autre de ce monde ne crée-t-il pas un avantage particulier, comparativement aux autres fiducies ou aux autres véhicules de fonds de placement?

[Traduction]

Mme Gwyer : La règle actuelle ne s’applique qu’aux dividendes reçus par des sociétés, et ne concerne donc que les sociétés. L’amendement mettrait fin à l’interdiction de déduire les dividendes à laquelle les sociétés sont assujetties; il empêcherait cette interdiction de s’appliquer aux compagnies d’assurances si elles ont reçu les dividendes dans le cadre de leurs activités.

Les compagnies doivent détenir les actions directement. Une règle de l’amendement stipule qu’elles peuvent recevoir les dividendes par l’intermédiaire d’une fiducie de fonds communs de placement.

Je ne suis pas sûre que cela répond partiellement à votre question. En général, la déduction des dividendes reçus n’est pertinente que dans le contexte des sociétés, pour commencer.

[Français]

Le président : Mon autre question est un peu technique. Elle vient de l’Association du Barreau canadien, qui en a un peu contre la définition du terme « indice de concentration » prévu au paragraphe 249(4). On nous recommande de la réviser, car le sens qui est donné n’a pas réellement d’application pratique et on s’éloigne de ce qui se passe aux États-Unis. Pouvez-vous nous expliquer votre position par opposition à celle de l’Association du Barreau canadien?

M. Simard : Oui, je peux répondre à cela. Ils nous ont contactés aussi. Je pense que c’est une question de rédaction juridique. Dans le texte de loi, on parle à la fois des marchés en amont et en aval, si vous voulez. Dans la formulation, c’est un peu différent des États-Unis où ils ne font pas cette précision, mais notre interprétation, c’est que la signification est la même. On peut avoir un monopole d’un côté ou un monopsone de l’autre. C’est écrit au long dans le projet de loi C-59 tel qu’il a été modifié, alors que dans les lignes directrices aux États-Unis, c’est écrit de façon courte.

Notre compréhension et la compréhension générale dans tous les débats parlementaires, c’est que cela a été proposé par le commissaire de la concurrence; c’est sa propre formulation et il l’a écrite dans le style de la loi canadienne. Il est clair que son intention — il a été transparent à ce sujet — était d’imiter les lignes directrices aux États-Unis. Selon nous, l’intention du législateur est assez claire : il s’agit de faire comme aux États-Unis. C’est juste écrit différemment parce que notre loi est écrite différemment.

Le président : Donc, les tribunaux pourront lire votre affirmation dans le cadre de l’interprétation. Merci.

Le sénateur Gignac : En 2022, un groupe d’experts a produit une feuille de route traitant des étapes pour une publication de taxonomie. On attend toujours après cela et le ministre de l’Environnement n’a toujours rien dévoilé. Parmi les avantages, il y aura celui d’exiger des sociétés émettrices à s’engager à publier un plan et des cibles et à s’assurer de divulguer l’information liée au climat et à la transition crédible et verte. Le problème, avec cet amendement ajouté à la dernière minute, c’est qu’il y a bien des compagnies qui vont y penser à deux fois avant de dévoiler quoi que ce soit. Comme le sénateur Dalphond l’a mentionné, le point peut même être le suivant, et je vais le dire en anglais.

[Traduction]

Cette préoccupation est exacerbée par l’amendement supplémentaire qui a été proposé en vue d’élargir les droits privés d’action aux actions en vertu de l’article 74.

[Français]

Nous sommes la Chambre du second examen attentif, donc il y aurait peut-être lieu d’y penser à deux fois avant d’ajouter cet élément.

Monsieur Simard, est-ce qu’on ne mettrait pas la charrue devant les bœufs en faisant cela à ce stade-ci, alors qu’on attend encore les lignes directrices sur la taxonomie?

M. Simard : Je crois que votre question est au sujet de la taxonomie. Il y a d’autres initiatives, comme sur le logo du recyclage, par exemple, et sur le moment où l’on peut utiliser le robot du recyclage. Il y a une initiative par rapport à ce qu’on appelle la divulgation d’informations financières liées au climat pour les entreprises sur le volume des émissions de gaz à effet de serre. Tout cela est constamment en mouvement. Il y a eu des initiatives par le passé et il y en aura d’autres à l’avenir.

Je crois que la Loi sur la concurrence est une loi-cadre sur le marché qui est basée sur des principes; tout cela est évolutif. Donc, ce que le Bureau de la concurrence et les tribunaux vont considérer comme étant une preuve adéquate évoluera dans le temps. Je crois qu’il existait un monde avant la taxonomie et ce que l’on considérait comme adéquat avant la taxonomie. Quand la taxonomie arrive, cela contribue à savoir ce qui est considéré comme reconnu et adéquat.

Il y aura toujours de nouvelles normes, alors je ne sais pas si c’est une question d’attendre cet élément en particulier avant de modifier la Loi sur la concurrence. Je pense qu’il faut surtout s’assurer que ce qui est adéquat comme preuve est pris en considération et que c’est un concept évolutif.

Le président : Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions. Madame Gwyer, je pense que vous avez un engagement envers la sénatrice Kingston pour produire certains détails. Sans vouloir vous bousculer, on doit faire l’étude article par article demain, donc je ne vous demanderai pas l’impossible.

Mme Gwyer : Je ne suis pas sûre, mais je peux demander à mes collègues de vous donner une réponse.

Le président : Merci beaucoup; ce serait apprécié que vous le fassiez avant qu’on procède à l’étude article par article.

Nous poursuivons notre étude sur le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Pour discuter des amendements adoptés à la Chambre des communes, nous sommes heureux d’accueillir parmi nous aujourd’hui des représentants de la Chambre de commerce du Canada, soit Bryan Detchou, directeur principal, Ressources naturelles, environnement et durabilité, et Liam MacDonald, directeur, Politiques et relations gouvernementales.

Je crois comprendre que vous allez partager vos remarques. Vous avez de quatre à cinq minutes pour le faire et par la suite, vous répondrez aux questions des sénateurs. Merci.

Bryan Detchou, directeur principal, Ressources naturelles, environnement et durabilité, Chambre de commerce du Canada : Merci, honorables sénateurs.

[Traduction]

Honorables sénateurs, au nom de la Chambre de commerce du Canada, de nos 400 chambres de commerce et d’environ 200 000 entreprises des quatre coins du pays, je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de participer à la discussion d’aujourd’hui, pendant que le comité examine la version modifiée du projet de loi C-59.

Nous avons eu le plaisir de présenter nos points de vue au Comité sénatorial des finances nationales le 20 mars et au comité des finances de la Chambre des communes le 11 avril, pendant qu’ils étudiaient le projet de loi C-59.

Comme vous le savez, nous avions alors exprimé des inquiétudes quant à la nature rétroactive de la taxe sur les services numériques proposée, ainsi qu’aux changements importants apportés à la Loi sur la concurrence. Cependant, le mardi 30 avril, au cours de l’étude article par article du projet de loi C-59 menée par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, nous avons été surpris et déçus de constater que de nouvelles modifications importantes de la Loi sur la concurrence avaient été adoptées sans avertissement préalable et sans consulter les entreprises de toutes tailles qui seront touchées par ces modifications.

Nous pensons que les changements proposés auront un effet négatif à long terme sur l’économie et qu’ils doivent être étudiés et débattus à fond par le Parlement, et examinés attentivement par les fonctionnaires et les juristes du gouvernement. Il est essentiel de bien comprendre les conséquences imprévues du projet de loi.

Liam MacDonald, directeur, Politiques et relations gouvernementales, Chambre de commerce du Canada : Le projet de loi C-59 est le deuxième texte législatif en quelques mois qui modifiera la Loi sur la concurrence. Il contient également la deuxième série de propositions qui ont été introduites sans avertissement, modifiées de manière substantielle à la dernière minute, et qui ont ensuite été adoptées par le Parlement sans presque aucun débat. Cette approche fragmentaire et improvisée de la réforme de nos lois sur la concurrence se traduit par de mauvais choix de politique publique qui auront des répercussions négatives sur les Canadiens. Après tout, la Loi sur la concurrence s’applique à toutes les entreprises canadiennes et constitue l’une des politiques d’encadrement du marché les plus importantes du Canada.

Un amendement au projet de loi C-59 propose d’ajouter des présomptions structurelles pour l’examen des fusions, conformes à celles énoncées dans les lignes directrices sur les fusions de 2023 de la Federal Trade Commission des États-Unis. Comme nous l’avons fait remarquer lors de notre première comparution devant le comité sur le projet de loi C-59, il ne s’agit que de lignes directrices. Elles n’ont pas force de loi et n’ont pas été reconnues par les tribunaux américains, qui continuent de s’appuyer sur des principes antitrust bien établis et fondés sur les incidences.

Ces lignes directrices ont également été largement critiquées par les experts en concurrence. Un article publié par l’American Bar Association les qualifie d’« anachroniques, constituant un repli marqué sur des approches écartées depuis longtemps et des positions juridiques rejetées ». Par ailleurs, les amendements introduisent des termes et des chiffres qui ne sont pas conformes aux lignes directrices, intitulées Fusions — Lignes directrices pour l’application de la loi, et aux pratiques du Bureau de la concurrence.

Si ce comité ne retire pas les nouveaux amendements, nous avons inclus une proposition de formulation dans notre mémoire afin de garantir, au minimum, que la loi canadienne reste compatible avec les lignes directrices et les définitions canadiennes en matière d’application de la loi.

Depuis les années 1970, les experts antitrust s’accordent à dire que les mesures de la structure du marché, comme l’indice Herfindal-Hirschman, ne disent pas grand-chose sur les conditions de concurrence, car le pouvoir de marché est un résultat, et non un déterminant immuable de la concurrence dans un secteur ou sur un marché. De nombreuses entreprises acquièrent un pouvoir de marché précisément parce qu’elles opéraient sur des marchés hautement concurrentiels et qu’elles étaient en mesure de surpasser leurs rivaux.

L’allègement de la charge de la preuve pour l’application de la loi est une mauvaise solution au fait qu’il est difficile de prouver un préjudice concurrentiel sur les marchés dynamiques d’aujourd’hui. Ce changement amènera à prendre des mesures d’application de la loi contre des comportements inoffensifs ou proconcurrentiels que les lois sur la concurrence sont censées protéger.

M. Detchou : Enfin, nous aimerions aborder la nouvelle formulation sur les pratiques commerciales trompeuses en ce qui concerne les déclarations environnementales. La Chambre de commerce du Canada et ses membres se sont engagés à décarboniser notre économie en poursuivant des objectifs communs de carboneutralité. Nous nous opposons fermement à tout effort visant à tromper les consommateurs ou à faire de l’écoblanchiment dans la poursuite de ces objectifs. Cependant, nous pensons que les amendements proposés sont excessivement larges et représentent un changement significatif par rapport au champ d’application traditionnel du droit de la concurrence.

Nos membres, dans toute leur diversité, s’inquiètent à juste titre de l’incertitude introduite par la nouvelle norme, intrinsèquement vague. Cette norme pourrait avoir un impact sur toute société faisant des déclarations publiques ou des garanties concernant les questions d’environnement et de changement climatique. Nous vous demandons avec insistance d’examiner attentivement la recommandation du commissaire à la concurrence de retirer complètement cet amendement.

La décarbonisation de l’économie canadienne est à la fois l’un des plus grands défis et l’une des plus belles occasions de notre époque. Les gouvernements doivent travailler en collaboration avec les entreprises pour stimuler l’innovation nécessaire à la réalisation de nos objectifs ambitieux en matière de climat. Dans ce contexte, nous recommandons au Sénat de retirer du projet de loi C-59 l’amendement qui modifie l’alinéa 74.01(1)b.2) de la Loi sur la concurrence et de s’engager avec le monde des affaires et d’autres parties prenantes à déterminer une voie à suivre qui empêche les fausses déclarations sans créer d’incertitude ou de fardeau bureaucratique supplémentaire pour les entreprises.

En conclusion, les milieux d’affaires canadiens reconnaissent la nécessité de moderniser la Loi sur la concurrence, vieille de plusieurs décennies, afin de s’assurer qu’elle reste pertinente dans une économie qui évolue rapidement. Toutefois, les dernières modifications proposées auront pour effet d’éloigner le Canada des meilleures pratiques internationales, d’augmenter les coûts de mise en conformité avec la réglementation, y compris pour les PME, et de réduire fort probablement la concurrence au lieu de l’accroître. Merci, sénateurs.

[Français]

Le président : Merci beaucoup de votre présentation.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je remercie beaucoup les témoins d’être présents aujourd’hui. Je comprends vos préoccupations et celles de vos membres. Toutefois, comme je suis réaliste, je ne pense pas que ces amendements vont changer. Je pense que la version que vous voyez sera la version finale ou presque.

Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé des répercussions que cela aurait sur vos membres et sur l’ensemble de l’économie. Je sais que beaucoup de gens craignent que les investissements au Canada diminuent, que la productivité baisse et que d’autres choses de ce genre se produisent. Pourriez-vous préciser vos préoccupations concernant l’ensemble de l’économie? Je vous pose la question parce que je pense que ces amendements resteront en place. Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce à quoi vous vous attendez?

M. Detchou : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Tout d’abord, en ce qui concerne l’amendement, nous serons très déçus s’il reste dans le projet de loi dans sa forme actuelle. Nous avons proposé un libellé que nous pouvons fournir aux sénateurs pour remplacer le libellé de l’amendement, surtout la partie sur l’écoblanchiment, qui pourrait limiter les conséquences involontaires potentielles. Voilà pour votre premier point.

En ce qui concerne votre deuxième point, pour ce qui est de l’objectif du Canada de réduire les émissions ou d’atteindre des objectifs de carboneutralité, nous avons vu le gouvernement faire des investissements importants dans un certain nombre de domaines différents. À titre d’exemple, nous avons vu le gouvernement investir des milliards de dollars pour attirer la chaîne d’approvisionnement de batteries de véhicules électriques au Canada. Dans les budgets suivants, nous avons vu le gouvernement s’engager à investir des milliards de dollars dans les crédits d’impôt à l’investissement. Il fait tout cela parce qu’il reconnaît que le Canada est dans une course mondiale et essaie de prendre la tête du peloton.

Dans cet amendement sur l’écoblanchiment, le gouvernement essaie d’être très ambitieux. Il demande également à l’industrie d’être très ambitieuse. Avec l’amendement actuel, le gouvernement fait en sorte qu’il est très difficile pour les entreprises d’être ambitieuses et d’appuyer ses objectifs. En fin de compte, si les entreprises ne sont plus en mesure de faire des déclarations et commencent à fournir des prévisions très prudentes parce qu’elles ont peur de passer plus de temps à se battre devant les tribunaux qu’à développer leurs produits et à innover, c’est autant d’investissements qui quittent le Canada pour d’autres marchés. Telle est ma réponse, sénatrice.

La sénatrice Marshall : Vous représentez des milliers d’entreprises et vous dites que ces entreprises ont communiqué avec vous. Donnez-nous une idée de l’ampleur des préoccupations qui vous ont été exprimées. Est-ce seulement une douzaine d’entreprises qui ont communiqué avec vous ou est-ce un nombre beaucoup plus important que cela?

M. Detchou : Sénatrice, je peux vous dire que depuis l’adoption de l’amendement, j’ai reçu un très grand nombre de courriels de la part des membres et d’appels de partout au Canada. Je pense que l’on croit que c’est simplement le secteur de l’énergie qui est touché par cet amendement, mais rien n’est plus faux. Choisissez un secteur et vous constaterez qu’il est touché par cet amendement.

Nous avons reçu des appels de chambres de commerce de tout le pays et de membres de tous les secteurs dans tout le pays. C’est quelque chose que je veux vraiment que les sénateurs comprennent. L’amendement a peut-être été conçu pour toucher un seul secteur, mais il a des répercussions sur l’ensemble de l’économie canadienne.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci d’être parmi nous aujourd’hui. J’aurais une question d’entrée de jeu. La position de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante est souvent fondée sur des sondages effectués auprès de ses membres. Vous avez mentionné que plus de 200 000 entreprises étaient membres de la Chambre de commerce. Votre position vient-elle de l’exécutif, ou s’appuie-t-elle sur des sondages effectués auprès de l’ensemble de vos membres?

[Traduction]

M. Detchou : Je vous remercie de votre question, sénatrice. En ce qui concerne la Chambre de commerce du Canada, notre force réside dans nos membres. Notre force réside dans les entreprises qui sont membres de notre organisation, mais aussi dans les entreprises qui ne sont pas nécessairement membres, car nous avons aussi les forces de nos réseaux, comme les chambres de commerce régionales, provinciales et locales. Pour ce qui est de la manière dont nous définissons nos positions, nous nous adressons évidemment à nos membres de tout le pays, et nous sommes une organisation fondée sur le consensus. Nous tenons compte de l’avis de nos membres et c’est ainsi que nous prenons nos décisions.

Lorsque nous parlons — et je pense que c’est l’une des forces de la Chambre de commerce du Canada et ce qui lui donne sa crédibilité — vous savez que nous prenons le pouls des entreprises.

[Français]

Le sénateur Forest : J’ai une question concernant les rabais authentiques, par rapport à l’enjeu visant à établir le prix habituel des produits pour mesurer si un rabais offert est réel. Dans votre mémoire, vous déplorez le fait que l’on imposerait une charge aux entreprises pour qu’elles prouvent que les rabais qu’elles offrent sont authentiques en cas de contestation par le Bureau de la concurrence. Pouvez-vous nous expliquer cela ou nous donner des exemples pour illustrer la complexité de l’acte qui vise à conserver une liste de prix?

M. MacDonald : Je vous remercie de votre question. On peut imaginer que ce peut être assez difficile pour de petites et moyennes entreprises. Si on pense aux entreprises en région, par exemple, qui sont très petites, elles n’ont peut-être pas nécessairement tous les systèmes informatiques nécessaires pour suivre les prix et le volume des produits qu’elles ont vendus, si le Bureau de la concurrence leur demande de prouver que leurs rabais sont effectivement réels. L’enjeu important, c’est que le fardeau de la preuve repose sur les entreprises; s’il y a une accusation et qu’elles n’ont pas toutes les données ou la liste de prix et les quantités vendues pour fournir une preuve, elles vont perdre leur affaire. Le Bureau de la concurrence a déjà le pouvoir d’ordonner la production d’informations concernant le prix et la quantité vendue, par exemple, ce qui n’est pas un défi pour les grandes entreprises. Ce changement crée plus de difficultés pour les petites entreprises. Cela peut être très exigeant de suivre tous les prix et tout le volume pour tous les produits.

Le sénateur Forest : Cela prend beaucoup d’efforts pour peu de résultats pour les consommateurs?

M. MacDonald : Exactement.

Le sénateur Forest : Merci.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Je suis d’accord avec votre position sur l’amendement apporté à la dernière minute sur l’écoblanchiment; cela n’avait pas lieu d’être.

Je vais aborder un autre sujet. Vous avez dit dans vos propos d’ouverture... On a parlé de la taxe numérique et il y a un élément de rétroactivité de trois ans à cet effet. Normalement, il ne devrait pas y avoir de rétroactivité sur aucune taxe, mais l’argument du gouvernement, c’est que cela avait été mentionné dans une déclaration. Les entreprises devaient savoir que cela pourrait arriver éventuellement. Or, trouvez-vous que l’argument est valable? Quels sont les impacts? Je ne suis pas certain que des compagnies ont collecté ou facturé des montants aux consommateurs dans les trois dernières années. Si vous allez sur Expedia et que vous avez fait un voyage, je ne pense pas que la compagnie vous avait facturé des frais pour cela. Est-ce que l’argument est valable?

M. MacDonald : Merci pour la question; je vais tenter d’y répondre. Je ne suis pas un expert de ce dossier, mais vous avez raison : nous croyons que ce n’est pas raisonnable de demander aux entreprises de payer des taxes pour les années passées, lorsque cela ne s’appliquait pas. On est dans une situation où il pourrait s’écouler trois ou quatre ans avant que cette mesure entre en vigueur. Cela peut créer un fardeau très lourd pour les entreprises.

Notre relation avec les États-Unis représente un autre élément. Ils ont été très clairs : ils sont contre ces mesures. Dans les prochaines années, on entrera dans la renégociation de notre accord de libre-échange. De plus, il y a des principes qui ont été établis par l’OCDE et le G20 et le fait que le Canada aille seul de l’avant va vraiment à l’encontre de cela. Comme vous l’avez noté, il pourrait y avoir des effets. On pense que cela affecte seulement les grandes entreprises, mais cela peut aussi avoir des répercussions sur les PME. Je pense à un petit hôtel en région, par exemple, qui affiche justement des informations sur Expedia ou des plateformes de ce genre. Les coûts vont se rendre aux petites entreprises.

Le sénateur Gignac : La chambre de commerce américaine, qu’on appelle en anglais U.S. Chamber of Commerce, a pris position là-dessus, et je crois même que Mme Nellie Liang, la secrétaire au Trésor, a mentionné devant un comité des finances du Congrès que les États-Unis sont prêts à poser des actions et à contester cette décision du Canada. Est-ce que je me trompe?

M. MacDonald : Vous avez raison; c’est ce que nous comprenons également. Ils ont été très clairs sur le fait qu’ils vont agir. Nous, ce qu’on fait avec cette taxe, c’est de briser le moule. Nous sommes les premiers à le faire et nous le faisons seuls. Il y a des normes qui sont en train d’être établies à l’échelle internationale et je pense que c’est préférable que nous suivions ces normes, plutôt que d’aller de l’avant tout seuls. Cela va entraîner des réactions de la part des États-Unis qui ne bénéficieront pas aux Canadiens.

Le sénateur Gignac : Donc, c’est une question à surveiller et c’est un contentieux supplémentaire.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Bienvenue, messieurs. En ce qui concerne les amendements dont vous avez parlé ici, je me demande si vous avez connaissance de dispositions au libellé semblable dans d’autres pays. Vous avez mentionné d’autres pays, mais pourriez-vous être plus précis? En outre, vous avez fait remarquer que l’économie canadienne avait été touchée. J’aimerais savoir quels seraient les effets négatifs sur les sociétés énergétiques. Deux petites questions.

M. Detchou : Merci, sénateur. À ma connaissance, il n’y a pas d’autre pays qui utilise ce libellé précis. C’est certainement le cas pour ce qui est du renversement du fardeau de la preuve et de la méthode reconnue à l’échelle internationale. Ce ne sont pas des termes que nous avons déjà vus. Ils sont très vagues. Je ne sais pas exactement d’où ils ont été tirés. Voilà pour votre première question.

Pour répondre à votre deuxième question, les effets sur cet intérêt sont les mêmes que ceux sur les sociétés de toutes les autres industries au Canada. L’amendement empêche les sociétés d’être ambitieuses. Il les oblige à être beaucoup plus prudentes dans un certain nombre de leurs déclarations afin d’éviter de devenir les victimes des actions stratégiques de certains groupes. Au bout du compte, il empêche le Canada de réaliser des progrès dans la bonne direction par rapport aux objectifs climatiques. Je tiens à rappeler que la position de la Chambre de commerce et de tous nos membres est que nous sommes opposés à l’écoblanchiment. Je tiens à ce que cela soit clair. Je veux qu’il n’y ait aucune confusion à ce sujet, mais les conséquences de cette pratique sont considérables.

Le sénateur Smith : Comment les autres sociétés énergétiques luttent-elles contre l’écoblanchiment?

M. Detchou : C’est une très bonne question, sénateur. C’est un problème auquel de nombreux pays tentent de s’attaquer et, à mon avis, la seule façon de le faire de manière appropriée et adéquate consiste à mener des consultations en bonne et due forme auprès des entreprises. Je pense que cela n’a pas été fait au Canada. Je conseille à tout autre pays qui tente de s’attaquer à ce problème très grave de consulter sérieusement les entreprises. C’est ce que je conseille et je dirais que cela n’a pas été fait au Canada.

Comme vous l’avez vu, cet amendement a été inclus à la toute dernière minute. Nous n’avons pas eu le temps de le voir et c’est pour cette raison que nous sommes très reconnaissants d’être ici, devant ce comité, et de pouvoir nous adresser aux sénateurs de cette Chambre du second examen objectif dans l’espoir que nous puissions avoir une conversation appropriée sur les conséquences de cet amendement.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup.

M. Detchou : Merci, sénateur.

La sénatrice Ross : Cette question s’adresse à vous deux. À votre avis, qu’entend-on par « méthode reconnue à l’échelle internationale »? Quel terme serait acceptable? Comment pourrait-on assurer la clarté si l’objectif est d’éviter les fausses déclarations?

M. Detchou : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Tout d’abord, en ce qui concerne notre interprétation d’une méthode reconnue à l’échelle internationale, il s’agit malheureusement d’un terme vague et cette imprécision est une préoccupation majeure. Le droit n’est pas un domaine où l’imprécision est appréciée. Je sais qu’il y a un certain nombre de juristes dans cette salle qui peuvent comprendre cette affirmation.

Nous devons comprendre que beaucoup des technologies nécessaires pour réduire les émissions sont nouvelles, n’ont pas été déployées à l’échelle à laquelle nous aimerions les déployer dans les années à venir et ne suivent pas de méthodes reconnues à l’échelle internationale. Il se peut que certaines d’entre elles le fassent. Certaines suivent des méthodes reconnues à l’échelle nationale. Certaines peuvent varier d’une province à l’autre, d’un État à l’autre ou d’une région à l’autre. Il n’existe actuellement aucune méthode reconnue à l’échelle internationale. C’est là notre principale préoccupation.

Pourriez-vous répéter la deuxième question, s’il vous plaît?

La sénatrice Ross : Selon vous, quelle terminologie serait acceptable? Si l’objectif est d’éviter les fausses affirmations, comment peut-on préciser les critères?

M. Detchou : Notre option préférée est de retirer cet amendement. Toutefois, si le comité estime que ce n’est pas possible, nous avons une proposition d’amendement, que je vais vous lire. Vous noterez que, dans l’amendement, la partie relative à la « méthode reconnue à l’échelle internationale » a été supprimée. La disposition sur l’inversion du fardeau de la preuve a également été supprimée. Je vais lire l’amendement. Je serai heureux de le fournir par écrit à la greffière et au comité. Il se lit comme suit :

Article b.2) ou bien des indications sur les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques si les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important.

Il s’agit d’un libellé avec lequel le milieu des affaires peut composer. Je tiens à insister de nouveau sur ce point. Madame la sénatrice, étant donné que vous avez travaillé pour des chambres de commerce de votre région, vous savez peut-être que nous nous opposons à l’écoblanchiment. Nous pensons qu’aucun de nos membres ne devrait faire une telle chose. Voilà le libellé que nous proposons. Je serais heureux de fournir cet amendement au comité.

La sénatrice Ross : Croyez-vous que cet article empêchera absolument les petites et moyennes entreprises, ou PME, ou les grandes entreprises de faire des affirmations ou, pire encore, qu’à cause de lui, elles choisiront de ne pas être des chefs de file en matière de performance environnementale si elles n’utilisent plus ces affirmations pour obtenir un avantage concurrentiel?

M. Detchou : Oui. Je sais que je dois répondre rapidement.

Oui, madame la sénatrice. L’article a une incidence sur les entreprises de toutes tailles, dans tous les secteurs et partout au pays. Malheureusement, je pense effectivement que c’est l’incidence que l’article aura, qu’il s’agisse de grandes entreprises qui ne veulent pas consacrer autant de fonds à leur équipe juridique et de conformité qu’à leur équipe d’innovation.

Nous avons parlé des difficultés du Canada en matière d’innovation et de productivité. Ces difficultés s’expliquent en partie par le fait que les entreprises consacrent leur temps à développer leur équipe juridique et de conformité plutôt que leur équipe d’innovation. Comme vous le savez, les PME n’ont pas les ressources nécessaires pour se livrer à ce genre de pratiques. Elles n’ont pas les ressources nécessaires pour s’engager dans une longue procédure judiciaire. L’article aurait une incidence sur tout le monde. Merci, madame la sénatrice.

Le président : Nous aimons les réponses rapides.

La sénatrice Pate : J’ai deux questions à poser.

Lors de votre comparution au sujet du projet de loi C-56, des questions ont été soulevées pour savoir si les mesures concernant la concurrence dans le projet de loi C-56 auraient l’effet désiré, à savoir réduire le prix des aliments.

Depuis que le projet de loi C-56 a été mis en œuvre, je suis curieuse de savoir si vous avez des données à nous fournir concernant son incidence sur le coût des aliments et d’autres produits essentiels, en particulier pour les personnes vivant dans la pauvreté et celles qui peinent à se nourrir et à se loger.

À la page 2 de la lettre que nous avons reçue de la Chambre de commerce, vous indiquez que les amendements feront augmenter le coût de la mise en conformité à la réglementation. Le gouvernement a soulevé des préoccupations semblables quand Don Davies a présenté cet amendement. Sa réponse a été de vous demander des données.

Je suis curieuse de savoir si vous avez été en mesure de fournir des données sur l’incidence de ces dispositions. En outre, selon vous, quelle incidence concrète et directe ces dispositions auront-elles sur votre capacité concurrentielle ou celle de vos membres?

M. MacDonald : Je vous remercie de votre question.

Pour répondre à la première question, qui porte sur le prix des aliments, non, malheureusement, je ne crois pas que la Chambre de commerce dispose de données précises à ce sujet. De nombreuses personnes suivent de près l’évolution du prix des aliments; il a baissé. Cependant, j’insiste sur le fait que, selon moi, cette baisse n’a pas grand-chose à voir avec les mesures concernant la concurrence du projet de loi C-56. Maintenant que la pandémie est suffisamment loin derrière nous, on commence à observer que certaines pressions structurelles diminuent. Le prix des aliments diminue.

Dans la grande majorité des cas, ou en général, je ne crois pas que les politiques de concurrence soient un outil efficace pour faire baisser les prix à la consommation, ce qui est un point de vue que nous avons exprimé à l’époque. Nous ne pensons pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec les changements apportés par le projet de loi C-56.

En ce qui concerne le deuxième point, malheureusement, ces données seraient difficiles à obtenir. Il s’agit d’un amendement relativement nouveau. Nous ne disposons pas de données à ce sujet. Cependant, la préoccupation est réelle. Il est assez facile de comprendre qu’il pourrait être assez difficile pour une PME d’assumer ce fardeau.

Je vous remercie de votre question.

La sénatrice Pate : Que proposeriez-vous dans ce cas? Parce que, le statu quo, c’est que le Bureau de la concurrence doit exiger à l’entreprise de produire des documents pour prouver la fausseté des informations.

M. MacDonald : Notre position, c’est qu’il s’agit d’une norme suffisante parce que la plupart des grandes entreprises recueillent ces données de toute façon. Si la crainte concerne ce qu’elles font, alors je ne pense pas qu’il y ait de problème.

Le problème est de tenter d’établir un équilibre entre le coût de la mise en conformité à la réglementation et la facilité de mise en application. Ce changement fait pencher la balance trop loin d’un côté.

La sénatrice Pate : Êtes-vous en train de dire qu’il n’y a pas de problème d’écoblanchiment de la part des entreprises?

M. MacDonald : Un problème d’écoblanchiment? Toutes mes excuses.

M. Detchou : La question portait-elle sur l’écoblanchiment?

La sénatrice Pate : Je parle de façon générale de certaines pratiques publicitaires, mais aussi de l’écoblanchiment. Je considère qu’il s’agit d’une tendance dans le cas présent et qu’il faut s’assurer que les entreprises ne font pas de publicité mensongère ou de fausses affirmations.

M. MacDonald : La partie sur les rabais.

M. Detchou : Certes, en ce qui concerne l’écoblanchiment, il existe déjà des mécanismes permettant aux acteurs privés ou au Bureau de la concurrence de poursuivre les entreprises qui, selon eux, ont fait des allégations trompeuses ou fausses. Ce n’est pas un problème.

La préoccupation majeure est l’amendement et le libellé concernant la méthode reconnue à l’échelle internationale. Ce libellé est très préoccupant.

[Français]

La sénatrice Moncion : Puisque vous reconnaissez que le projet de loi C-59 et les récentes modifications de la Chambre des communes apportent des changements importants à la Loi sur la concurrence, pourriez-vous nous indiquer les meilleures pratiques pour la mise en œuvre de certaines de ces nouvelles dispositions? De quel type d’encadrement et de directives les entreprises auraient-elles besoin de la part du gouvernement et du Bureau de la concurrence après l’adoption du projet de loi, s’il est adopté tel que proposé?

M. MacDonald : Merci pour la question.

Il y a eu des changements à la loi depuis 2022. Je ne peux pas nommer toutes les meilleures pratiques internationales que l’on suit ou non. Notre préoccupation, c’est qu’on fait un changement radical par rapport aux normes qui étaient établies depuis plusieurs décennies sans vraiment de preuve. Il manque de raisonnement pour appuyer ces changements. Si on va de l’avant avec toutes les directives que le Bureau de la concurrence peut donner en consultation avec les entreprises, il est certain que cela aidera. Cependant, on fera un changement radical par rapport à des normes établies depuis longtemps.

La sénatrice Moncion : Vous parlez d’un changement radical de normes qui datent de plusieurs années. Tout ce qui est proposé actuellement dans le projet de loi a été revu par un grand nombre d’experts. Ce n’est pas ce qui est proposé dans le projet de loi actuel qui change, à part le fardeau de la preuve. Ce fardeau tombe sur le dos des entreprises plutôt que sur le Bureau de la concurrence. Je vous entends parler des anciennes normes qui sont dépassées depuis longtemps. Je m’attendais à une meilleure position de votre part sur une question comme celle-là, puisque vous êtes jeunes, en ce qui concerne l’environnement et les changements que l’on doit faire éventuellement.

Je ne veux pas mettre de mots dans votre bouche, mais je vous demanderais de répondre à ma question.

[Traduction]

M. Detchou : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je suis heureux que vous ayez souligné ma jeunesse, même si je n’ai plus de cheveux. Je vous en suis très reconnaissant.

Je suis un enfant du millénaire, sénatrice, et la protection de l’environnement est l’une de mes principales préoccupations. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’occupe mon poste actuel à la Chambre de commerce. C’est une question que je prends très au sérieux et, quand je discute avec mes membres, je sais que c’est une question qu’ils prennent également très au sérieux.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que, dans la course mondiale pour réduire les émissions, le Canada a un rôle majeur à jouer. Beaucoup de nos membres et moi-même sommes tout à fait d’accord avec ce point. Le Canada a un rôle énorme à jouer. Qu’il s’agisse de l’abondance de nos ressources naturelles, de l’amélioration de nos relations avec les communautés autochtones, de notre main-d’œuvre ou de nos établissements d’enseignement, le Canada a un rôle incroyable à jouer.

Ce que nous voulons, c’est que les entreprises canadiennes, les ressources naturelles et les innovations contribuent à réduire non seulement les émissions nationales, mais aussi les émissions mondiales.

Pour répondre à la question sur l’écoblanchiment, nous ne voulons certainement pas que nos membres fassent une telle chose. Ce n’est pas quelque chose que nous appuyons. Comme vous l’avez dit, en tant qu’enfants du millénaire, c’est quelque chose qui préoccupe beaucoup de gens de mon âge, ainsi que les générations qui ont suivi la mienne.

Ce que nous disons, c’est que, dans sa forme actuelle, l’amendement empêchera les entreprises canadiennes de faire le travail qui aidera le Canada à atteindre ses objectifs de carboneutralité.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ce que vous me dites, c’est que ce qui est dans le projet de loi à l’heure actuelle n’est pas bon, ce qui avait été mis auparavant... Donc, la seule chose qui n’est pas adéquate pour le moment, c’est l’amendement, et non pas le langage qui est déjà dans le projet de loi?

M. Detchou : C’est bien cela.

La sénatrice Moncion : Merci.

Le sénateur Dalphond : Je vais enchaîner sur ce dont parlait la sénatrice Moncion. Je regarde dans le projet de loi l’article sur l’écoblanchiment. Vous n’étiez peut-être pas là un peu plus tôt, mais j’ai des préoccupations, comme plusieurs personnes autour de la table, sur ce que veut dire une « méthode reconnue à l’échelle internationale ». Je comprends que c’est un amendement sur lequel ni vous ni aucune entreprise mentionnée dans la lettre que vous nous avez envoyée n’avez été consultés. Vous suggérez de le supprimer, et vous nous avez suggéré une modification au texte qui enlèverait non seulement cette partie, mais aussi le renversement du fardeau de la preuve.

Vous ne nous proposez pas de modifier le texte de l’alinéa 236(1)b.1), mais de l’alinéa 236(1)b.2), alors que le texte de l’alinéa 236(1)b.1) concerne spécifiquement les produits, et non pas les activités de l’entreprise. Il y a un renversement du fardeau de la preuve. Pourquoi acceptez-vous le renversement du fardeau sur les produits, mais pas sur les activités de l’entreprise?

[Traduction]

M. Detchou : C’est une bonne question, sénateur, et nous l’examinerons de notre côté, puis nous vous fournirons une réponse par écrit.

Je peux dire au comité que, quand on parle d’activités commerciales, il est question d’objectifs que les entreprises se fixent. Prenons par exemple le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Il n’existe aucune méthode reconnue à l’échelle internationale pour une entreprise qui affirme qu’elle croit que son grand projet de 7 milliards de dollars permettra de réduire d’une quantité X les émissions dans l’air. Cette méthode n’existe pas.

Chose certaine, quand on examine les nombreux projets que l’on souhaite réaliser, on constate qu’on n’a jamais réalisé de projets de l’ampleur de ceux que les entreprises espèrent maintenant s’engager à réaliser. Par exemple, le projet d’Alliance nouvelles voies, dans l’Ouest, représente 16,2 milliards de dollars. S’il est mené à bien, il s’agira du plus grand ou du deuxième plus grand projet de captage et d’utilisation du carbone au monde. Il n’existe pas de méthode reconnue à l’échelle internationale pour ce genre de projet. Si on affirme qu’un tel projet réduira les émissions de 90 000 tonnes, mais qu’il entraîne seulement une réduction de 70 000 tonnes, est-ce trompeur? S’agit-il d’une indication trompeuse?

Le sénateur Dalphond : Je comprends cette préoccupation, mais, ce que je crains, c’est que vous voulez aussi supprimer les mots « dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications », ce qui signifie l’entreprise qui réalise le grand projet de captage du carbone. Le projet ne permet pas de réduire les émissions, mais il en capte une partie.

M. Detchou : C’est exact.

Le sénateur Dalphond : Dans ce cas, pourquoi devrions-nous supprimer la disposition concernant l’inversion du fardeau de la preuve alors que vous n’êtes pas opposé à son maintien en ce qui concerne les indications relatives aux produits? Seriez-vous d’accord pour que nous supprimions simplement les mots « au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » et que nous conservions la disposition concernant l’inversion du fardeau de la preuve?

M. Detchou : C’est quelque chose que nous pouvons examiner, et c’est pourquoi nous croyons qu’il devrait y avoir de vastes consultations auprès des entreprises. Nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour discuter avec le gouvernement de cet amendement. C’est le genre de conversations que nous aurions aimé avoir eues, sénateur.

À mon avis, l’inversion du fardeau de la preuve alourdit le fardeau des entreprises. C’est notre position, mais nous pouvons certainement en discuter. Je pense que le rôle du comité...

Le sénateur Dalphond : L’inversion du fardeau de la preuve découle du fait que c’est vous qui choisissez de fournir des indications. Vous n’êtes pas obligé d’en fournir. Cependant, je veux que les entreprises fournissent des indications. Je veux qu’elles fassent connaître ce qu’elles font pour améliorer l’environnement. Toutefois, j’aimerais qu’elles soient capables d’étayer leurs affirmations, alors peut-être que l’inversion du fardeau de la preuve est une bonne chose.

M. Detchou : Sénateur, j’espère que les entreprises qui font ce genre d’affirmations s’appuient toujours sur des données scientifiques et des faits. Je pense que toutes les entreprises — en tout cas, celles qui sont membres de notre Chambre de commerce — qui seraient prêtes à faire ce genre d’affirmations s’appuient sur des données probantes, et non des informations sorties de nulle part. Elles savent également que, si elles font de fausses affirmations, elles s’exposent à des recours juridiques. Ce système existe déjà, alors nous n’avons pas d’inquiétude à ce sujet.

Je pense que la principale préoccupation concerne le nouvel amendement et ce qu’il signifierait pour toute entreprise, quel que soit le secteur, qui fait une affirmation et qui tente d’aider le gouvernement à atteindre ses objectifs de réduction des émissions. Il est certain que, de mon vivant — encore une fois, sénateur, on a mentionné mon âge —, le Canada n’a atteint aucun de ses objectifs de réduction des émissions, et nous, le milieu des affaires, tentons d’aider le Canada, d’aider le pays, à atteindre ses objectifs de 2030 et de 2050.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre présence. Le fait que vous représentez 200 000 entreprises de partout au Canada est impressionnant.

Comme vous, nous sommes tous contre l’écoblanchiment. Je ne sais pas si vous avez les données, mais je serais curieux de savoir combien d’entreprises ont été reconnues coupables d’avoir fait des déclarations trompeuses au sujet de leurs produits écologiques. À quel point ce phénomène est-il répandu, et pourquoi pensez-vous qu’il s’agit d’une source de préoccupation? Nous savons tous pourquoi c’est une source de préoccupation, mais est-ce parce que ce phénomène est particulièrement courant au Canada par rapport à ce que l’on voit dans d’autres pays? Pourquoi cherchons-nous à prendre les devants? Vous avez mentionné que la mesure que nous étudions — notre amendement — est vague par rapport à ce qu’on trouve dans d’autres pays.

Vous avez répondu à mon autre question, à savoir si, selon vous, ces amendements, compte tenu de leur caractère vague et des incertitudes qu’ils entraînent, ne feraient que décourager les entreprises d’entreprendre des projets qui seraient bons pour l’environnement. Vous pouvez préciser votre réponse si vous le désirez, mais à la base, vous avez répondu par l’affirmative. Donc, je crois que c’était strictement politique et à courte vue? Tous les partis veulent être considérés comme des défenseurs de l’environnement. Vous avez formulé quelques déclarations audacieuses concernant les répercussions sur les Canadiens et, au final, les effets négatifs sur l’économie. Pouvez-vous nous préciser comment, au-delà de l’environnement, cela aurait une incidence négative sur les Canadiens?

Cela fait beaucoup à aborder en seulement trois ou quatre minutes, mais c’est une question importante.

M. Detchou : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, vous avez demandé combien d’entreprises ont été reconnues coupables de pratiques trompeuses. Je n’ai pas ces données, mais c’est certainement quelque chose...

Le sénateur Loffreda : Est-ce une source de préoccupation parce qu’il s’agit d’une tendance croissante? Quelle est la tendance? Bien sûr, je comprends que vous n’avez pas les chiffres exacts, mais avez-vous l’impression que de plus en plus d’entreprises adoptent cette pratique?

M. Detchou : À l’échelle mondiale, il y a assurément une tendance à la hausse. Je sais qu’il s’agit d’un phénomène que plusieurs organismes internationaux — comme les Nations unies, par exemple — cherchent à combattre. Alors que tous les pays cherchent à réduire leurs émissions, il ne fait aucun doute que de plus en plus d’entreprises et de secteurs établissent des cibles climatiques ou environnementales. Je pense que le fait que de plus en plus d’entreprises se lancent dans cette voie fait en sorte qu’il y a aussi de plus en plus d’entreprises parmi celles qui adoptaient déjà des pratiques trompeuses qui étendent ces pratiques trompeuses au domaine de l’environnement.

Il s’agit peut-être d’une tendance à la hausse à l’échelle mondiale, mais je n’ai aucune donnée suggérant que c’est le cas au Canada. Je crois toutefois que nous devrions prendre cette question au sérieux, parce que si les entreprises font de fausses déclarations, lorsque nous arriverons à 2030 ou 2050 sans atteindre nos objectifs, nous serons tous là à nous regarder les uns les autres et à nous demander pourquoi personne n’a atteint ses objectifs. Or, la raison serait alors que tous ces chiffres n’étaient que du vent. Ce n’est certainement pas ce que nous voulons.

Pour répondre à votre dernière question, nous ne pouvons pas créer un régime qui empêche les entreprises d’innover. Encore une fois, je souligne qu’un certain nombre de technologies que nous devrons utiliser pour réduire nos émissions n’ont jamais été employées avant ou n’ont pas été déployées à l’échelle à laquelle nous avons besoin de les déployer.

Il faut comprendre qu’en tant que nation, en tant que communauté internationale, nous allons prendre certains risques. Nous allons faire quelques paris et mettre à l’essai de nouvelles technologies. C’est ainsi qu’on innove. Les projets ne fonctionneront pas tous à la perfection et certains n’auront pas les effets escomptés, mais nous déploierons plusieurs technologies différentes pour tenter de modifier les comportements des consommateurs, réduire nos émissions et rendre notre économie plus verte.

Le sénateur Loffreda : Pourquoi ne pas changer les comportements de vos 200 000 entreprises afin qu’elles adoptent plutôt une stratégie visant à tempérer les promesses et dépasser les attentes? Serait-ce la solution à privilégier? Je peux vous assurer dès maintenant que l’amendement ne sera pas modifié. Peu importe nos efforts, il ne sera pas modifié. Voilà la réalité. Pourquoi ne pas tempérer les promesses et dépasser les attentes? Est-ce que ce serait une solution?

M. Detchou : Je ne suis pas certain que tempérer les promesses et dépasser les attentes soit nécessairement la bonne stratégie à adopter.

Le sénateur Loffreda : C’est peut-être la raison pour laquelle les amendements ont été proposés? Peut-être que oui ou peut-être que non?

M. Detchou : Je ne suis pas certain. Je ne sais pas trop comment on en est arrivé à proposer cet amendement, sénateur.

Le sénateur Carignan : Je ne suis pas certain. C’est une bonne réponse. Sénatrice MacAdam, vous pouvez poser la prochaine question.

La sénatrice MacAdam : Je vous remercie de votre présence. Nous avons récemment entendu parler, dans le secteur de l’automobile, d’un renforcement des mesures de protection contre le terrorisme applicables à l’importation de véhicules électriques chinois à faible coût, notamment aux États-Unis et dans l’Union européenne. Je crois comprendre que c’est quelque chose que le Canada envisage également.

Dans quelle mesure approuvez-vous l’application de nouveaux droits de douane visant à protéger le secteur automobile canadien — un secteur vulnérable — au détriment d’une concurrence accrue qui, grâce à l’arrivée sur le marché de véhicules électriques à faible coût, favoriserait les Canadiens et contribuerait à l’atteinte des cibles climatiques du Canada? Il s’agit d’une question plus générale, mais j’aimerais connaître votre position à ce sujet.

M. Detchou : Sur la question des droits de douane, sénatrice, l’annonce faite par les États-Unis est relativement récente. Les consultations avec nos membres sont toujours en cours et nous travaillons à comprendre toute l’étendue des répercussions que cette décision pourrait avoir au Canada.

Je crois comprendre que le gouvernement se penche aussi sur cette question, alors je n’ai pas nécessairement de réponse ou d’avis à vous donner sur la question des droits de douane. Cela dit, il s’agit assurément d’une question que nous surveillons de près, car elle est très importante pour nous.

Comme nous l’avons vu au cours des dernières semaines ou des derniers mois, le gouvernement cherche à faire du Canada un important producteur de véhicules électriques et de batteries pour véhicules électriques. Des milliards de dollars ont été investis dans ce secteur à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons fait des investissements considérables dans ce domaine, alors c’est certainement quelque chose que nous devons prendre au sérieux et surveiller, car cela aura une incidence sur les investissements faits par le gouvernement, sur les milliers d’emplois attendus, ainsi que sur les milliers ou plutôt les milliards de dollars que l’on prévoit que ce secteur ajoutera au PIB du Canada. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

La sénatrice MacAdam : C’est bon, je vous remercie.

La sénatrice Kingston : J’aimerais revenir sur un point que le sénateur Loffreda a abordé, à savoir que vous vous opposez au renversement du fardeau de la preuve. En répondant à l’une des questions — je ne sais plus si c’était le sénateur Loffreda ou un autre collègue qui l’a posée —, vous avez déclaré que toutes les initiatives menées par les entreprises sont fondées sur la science. Je n’arrive vraiment pas à me ranger derrière cette affirmation. Pourriez-vous expliquer pourquoi le renversement du fardeau de la preuve est un problème pour vos membres?

M. Detchou : Je vous remercie de votre question, sénatrice. À mon avis, la question du renversement du fardeau de la preuve est liée à la question des méthodes reconnues à l’échelle mondiale. Ces deux questions sont liées.

Encore une fois, je tiens à souligner que nous avions demandé au comité de retirer cet amendement, car nous croyons qu’il aura certaines conséquences négatives imprévues.

Ce que je disais, c’est que nos membres, lorsqu’ils font des allégations, ce ne sont pas des choses qu’ils sortent d’un chapeau. Ces allégations s’appuient généralement sur des données scientifiques bien étayées. Voilà sur quoi ils s’appuient pour produire leurs allégations.

Si ces allégations sont considérées comme étant fausses ou trompeuses, il existe déjà des recours juridiques pour y remédier. Il y a déjà des mécanismes en place pour contester ces allégations. Voilà notre position.

Je crois avoir déjà assez bien expliqué ce que ferait cet amendement. Il empêcherait les entreprises de formuler des allégations et de contribuer à la réduction des émissions que l’on souhaite voir se concrétiser au pays.

La sénatrice Kingston : Même si elles pouvaient prouver, grâce à des études bénéficiant d’un consensus général, que ce qu’elles tentent d’accomplir s’appuie bel et bien sur des données probantes?

M. Detchou : Quand on parle d’une augmentation de la bureaucratie pour les entreprises, l’un des principaux problèmes est que le processus ne se limite pas à la transmission de documents. Il ne s’agit pas simplement d’envoyer un document PDF par courriel et puis c’est tout.

On parle plutôt du fait que les entreprises devront embaucher ou élargir leur équipe juridique. On parle du fait que les entreprises devront consacrer du temps et des ressources pour se défendre devant les tribunaux et prouver leurs allégations. Tout ce processus constitue un fardeau supplémentaire pour les entreprises et, qu’il s’agisse d’une petite, moyenne ou grande entreprise, ce n’est pas pour cela qu’elles font des affaires. Elles ne veulent pas avoir à consacrer autant de temps et de ressources à se défendre devant les tribunaux alors qu’elles pourraient être en train d’innover et faire ce pour quoi elles existent.

Il s’agit d’un point sur lequel nous voulons insister. En raison de cet amendement, ces entreprises risquent maintenant d’être ciblées par des recours juridiques intentés pour des motifs stratégiques, ce qu’elles veulent éviter à tout prix.

La sénatrice Kingston : Mon autre question s’adresserait au sénateur Loffreda, mais je ne pense pas que c’est ce que je suis censée faire ici.

[Français]

Le président : Cela peut se faire à la Chambre.

Vous êtes d’accord pour qu’il y ait de nouvelles normes pour éviter l’écoblanchiment et que les entreprises qui allèguent des bienfaits écologiques soient en mesure de le prouver, mais le gros problème, c’est la norme qui est fixée?

[Traduction]

M. Detchou : Sénateur, c’est ce qui nous préoccupe le plus. Dans sa forme actuelle, l’amendement est beaucoup trop vague, ce qui aura des conséquences non désirées.

On nous dit maintenant qu’une fois le projet de loi adopté, il y aura peut-être de nouvelles consultations, mais rien ne garantit que le ministère ou le bureau prendra alors la bonne décision. Nous ne connaissons pas le libellé final, ce qui crée un climat d’incertitude et incite les entreprises à aller investir ailleurs.

[Français]

Le président : Votre autre préoccupation avait trait à la question de conserver les prix. Je ne comprends pas qu’une entreprise ne conserverait pas les prix pendant une certaine période, même une petite entreprise, avec tous les moyens et les logiciels de comptabilité qui existent. J’essaie de trouver un exemple où cela pourrait devenir complexe. Celui qui me vient, ce sont les fameux prix d’hôtel en fonction de l’heure, du moment de la réservation et du taux de réservation.

Les prix peuvent fluctuer rapidement. Donc, il faut conserver ces informations dans une banque de données pendant une certaine période, mais je pense que cela se fait de toute façon. Je comprends donc mal cette inquiétude.

M. MacDonald : Je peux répondre à la question. C’est sûr qu’il y a des préoccupations pour certaines entreprises, mais honnêtement, ce n’est pas notre plus grande préoccupation en ce qui concerne les changements qui ont été apportés à la Loi sur la concurrence.

Le président : Je comprends ce que vous voulez dire.

M. MacDonald : Il y a un risque; ce n’est pas notre plus grande préoccupation, mais pour certaines entreprises...

Le président : Je vous remercie.

Cela conclut notre réunion. Je remercie les témoins et toute l’équipe qui travaille à nous soutenir, dont notre greffière, nos analystes et les interprètes.

Avant de terminer, je voudrais rappeler aux sénateurs et sénatrices que notre prochaine réunion aura lieu cet après-midi, à 14 h 30, pour continuer notre étude sur la teneur complète du projet de loi C-69.

(La séance est levée.)

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