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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 18 septembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bon après-midi, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m’appelle Ratna Omidvar, je suis une sénatrice de l’Ontario et je suis présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Avant de commencer, je demanderai à tous les sénateurs et aux autres participants présents dans la salle de consulter les fiches sur la table qui expliquent comment éviter des effets Larsen. Veillez à tout le temps tenir vos oreillettes éloignées de tous les microphones. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, posez-la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci de votre collaboration.

Nous entamons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments. Avant de commencer, j’inviterai les sénateurs présents dans la salle à se présenter brièvement, en commençant par la vice-présidente du comité.

La sénatrice Cordy : Soyez les bienvenus au comité et au Sénat. Je m’appelle Jane Cordy et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Kingston : Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.

La sénatrice Osler : Flordeliz Gigi Osler, du Manitoba.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur Brazeau : Patrick Brazeau, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Senior : Paulette Senior, de l’Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Monsieur le ministre, comme vous le voyez, ce projet de loi suscite beaucoup d’intérêt. Je vous remercie de votre présence aujourd’hui et du temps que vous nous consacrez. Nous accueillons, évidemment, l’honorable Mark Holland, ministre de la Santé, et des représentants de Santé Canada; à savoir : Michelle Boudreau, sous-ministre adjointe déléguée, Direction de la politique de la santé; et Daniel MacDonald, directeur général, Bureau des stratégies de gestion des produits pharmaceutiques, Direction de la politique de la santé. Je vous remercie tous d’être des nôtres aujourd’hui.

Monsieur le ministre, nous commencerons par vos observations préliminaires, pour lesquelles vous disposerez de cinq minutes, puis mes collègues vous poseront des questions. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Mark Holland, c.p., député, ministre de la Santé : Merci beaucoup, madame la présidente. C’est un grand plaisir d’être ici avec vous et mes collègues au sujet d’un projet de loi essentiel pour notre pays. C’est un sujet assurément compliqué et délicat. Cependant, il est temps de faire une grande amélioration de la qualité des soins de santé partout au pays.

[Traduction]

Il s’inscrit dans une série d’initiatives —sur lesquelles je ne m’attarderai pas, n’ayant que cinq minutes, mais je pense qu’il est important de le resituer. Nous étions conscients avant la pandémie que notre système de santé était soumis à rude épreuve, mais nous n’avons pas examiné nombre des tensions qu’il subissait de façon aussi approfondie que nous l’aurions dû en tant que société. Comme tous les pays, quand nous avons été aux prises avec la pandémie, il est devenu très évident que notre système de santé présentait beaucoup de problèmes auxquels il n’était pas apporté de solution et qui font qu’il est à présent en crise, avec l’épuisement professionnel, les lendemains de pandémie et les listes d’attente. Nous devons passer d’un système qui réagit aux situations de crise — qui attend que les personnes soient malades pour les prendre en charge — à un système qui repose sur la prévention, les soins et des mesures pour éviter des maladies.

Nous savons que 70 % des maladies chroniques sont évitables, et que la majeure partie de patients qui remplissent nos hôpitaux et nos salles d’attente ne devraient pas s’y trouver pour commencer, ce qui est d’une importance cruciale non seulement du point de vue des coûts, mais aussi du point de vue de l’équité. Nous devons faire en sorte d’arriver à ce qu’il y ait non seulement un accès équitable aux soins, mais aussi des résultats plus équitables.

Nous faisons beaucoup de choses sur ce front. Nous avons signé des accords avec toutes les provinces et tous les territoires pour travailler de concert et vieillir dans la dignité. Cela fait partie de l’investissement de 200 milliards de dollars dans les soins de santé que le gouvernement fédéral consent sur les 10 prochaines années. Nous faisons ce que nous faisons dans les soins dentaires, et il ne s’agit pas seulement, au fond, de santé générale, mais aussi de santé primaire. Quand j’entends dire que nous avons une crise des soins primaires, alors pourquoi s’inquiéter des soins dentaires, je réponds que c’est parce que c’est un élément très important de ces soins. Plus de 650 000 Canadiens dans le pays bénéficient de ce service. Aujourd’hui, plus de 80 % des professionnels de la santé buccodentaire participent au programme.

Nous menons des travaux tout à fait essentiels à la Chambre — et j’espère que le texte vous sera bientôt transmis — sur l’interopérabilité et les données. Nous savons que les données sauvent des vies — il est essentiel de pouvoir partager l’information, de simplifier les processus et de faire en sorte que les professionnels ne travaillent pas avec des systèmes obsolètes.

Nous faisons également un travail très important en ce qui concerne les titres de compétence étrangers, notamment, mais je suis ici aujourd’hui pour parler de l’assurance médicaments. Souvent, les gens se découragent — c’est trop; la tâche est impossible; ne touchez pas à ce dossier — ou ils disent de se lancer pour arriver à une situation parfaite où nous sommes exactement là où nous voulons être et où tous les problèmes sont réglés. En ce qui concerne les soins de santé dans ce pays, nous savons que nos progrès sont itératifs. Nous avons déjà beaucoup fait en tant que gouvernement. Je pense à l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, par exemple. En coordonnant nos achats de médicaments, nous économisons plus de 4 milliards de dollars par an. Il reste beaucoup à faire en matière d’achats groupés.

Cependant, ce projet de loi est essentiel pour vraiment franchir une étape critique afin de montrer ce qu’il est possible de faire en ayant un accès universel à payeur unique pour un certain nombre de médicaments.

Nous parlons beaucoup à partir d’hypothèses — et si ceci ou si cela — et nous parlons de beaucoup de modèles théoriques. Ce projet n’est pas théorique. Il est bien réel. Mesdames et messieurs, si j’ai pensé qu’il était si important d’avoir un protocole d’entente avec la Colombie-Britannique, c’était notamment pour aider le Sénat — parce que je sais qu’il y avait beaucoup de questions — et pour montrer à quoi cela ressemblerait. J’ai entre autres expliqué que les médicaments contre le diabète et les contraceptifs — et la liste de médicaments que vous voyez est un addenda à ce projet de loi — sont un début, pas une fin, autrement dit un plancher, pas un plafond. Dans le cas du protocole d’entente avec la Colombie-Britannique, par exemple, vous voyez que l’on ajoute — dans l’annonce que nous avons faite au B.C. Women’s Hospital & Health Centre — l’hormonothérapie de la ménopause et les médicaments qui s’y rapportent. De plus, le gouvernement de la Colombie-Britannique se déclare tout à fait ouvert à élargir la liste de médicaments au-delà de ce qu’elle contient actuellement.

Le projet de loi donne la latitude de conclure ces ententes avec les provinces et de s’en servir comme point de départ pour faire plus.

J’en resterai peut-être là, madame la présidente, car j’ai conscience que le temps passe. Nous devons mettre en place ce régime pour montrer qu’il fonctionne et qu’il améliore les choses. Prenons, par exemple, le diabète. Il coûte au pays environ 30 milliards de dollars par an. Il y a tellement de médecins qui me disent qu’ils prescrivent un médicament à leurs patients, mais qu’ils n’ont pas les moyens de l’acheter, et quand ils reviennent en consultation, leur état s’est nettement dégradé et ils sont bien plus malades, ce qui coûte beaucoup plus cher au système.

En instaurant ce régime, en l’évaluant et en recueillant des données, on dissipera en grande partie les craintes et on montrera ce qu’il est possible de faire quand les patients obtiennent les médicaments dont ils ont besoin. C’est une étape concrète dans la direction dans laquelle nous devons aller en tant que pays pour faire en sorte que les Canadiens puissent se procurer les médicaments dont ils ont besoin.

Madame la présidente, je vous remercie de ce temps de parole. Je répondrai volontiers aux questions des sénateurs.

La présidente : Je vous remercie, monsieur le ministre. Les questions ne manquent pas, loin de là.

Permettez-moi de saisir l’occasion pour accueillir au comité le sénateur Boudreau du Nouveau-Brunswick.

Chers collègues, vous disposerez de quatre minutes par question et réponse.

La sénatrice Cordy : J’ai pensé, en regardant autour de la table, que nous disposerions de peu de temps. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence.

Vous avez parlé du programme de soins dentaires. Je prendrai donc quelques instants pour vous dire que j’ai reçu beaucoup de commentaires de Néo-Écossais à son sujet. Je sais qu’il a d’abord été dit que la participation n’était pas extraordinaire, mais à présent, elle est de 80 %, ce qui est phénoménal pour un programme fédéral ou pour n’importe quel programme. Les commentaires sont très positifs. Un grand merci, donc, pour votre travail dans ce domaine.

Ma question au sujet du projet de loi C-64 concerne le comité d’experts et sa composition. Dans un article d’opinion, Matthew Herder, qui est professeur de droit et de médecine à l’Université Dalhousie à Halifax — et qui comparaît demain devant le comité — explique que le gouvernement doit séparer nettement les intérêts de l’industrie pharmaceutique et le comité d’experts proposé dans le projet de loi C-64. La Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers a exprimé la même préoccupation.

Comment pensez-vous que l’on gérera les conflits d’intérêts des membres? Le comité doit être compétent, mais le public ne doit pas avoir l’impression que ses membres ont des conflits d’intérêts.

M. Holland : Je vous remercie, sénatrice.

Premièrement, je suis d’accord avec vous en ce qui concerne les soins dentaires. Il en ira plus ou moins de même avec tout. Si des choses n’ont pas été faites avant, c’est parce qu’elles sont difficiles à mettre en place. En effet, beaucoup de gens disaient que pas plus de 20 % des dentistes adhéreraient au programme. Il a fallu beaucoup de conversations et il a fallu instaurer la confiance pour arriver à 80 % de participation. Le processus sera également itératif avec l’assurance médicaments.

En ce qui concerne le comité d’experts, ses membres seront, comme vous le savez, nommés conjointement par deux partis politiques — qui proposeront tous deux des noms. Ils devront aussi s’entendre sur le choix du président. J’entends bien faire en sorte qu’il n’y ait pas l’ombre de conflits d’intérêts au comité d’experts. Il est essentiel que nos concitoyens le voient comme un groupe d’experts dont la seule et unique préoccupation est de faire en sorte que nous ayons des médicaments pour la population de la manière la plus efficace qui soit et dans l’intérêt des Canadiens.

Nous avons eu de très bonnes conversations à ce sujet avec le NPD, qui, dans ce cas, sera le parti avec lequel nous sélectionnerons les membres de ce comité. Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait de problème de conflit d’intérêts. Ce n’est pas ce que nous cherchons.

La sénatrice Cordy : Monsieur le ministre, pouvez-vous aussi garantir une représentation équitable de l’ensemble du pays? Je viens de la Nouvelle-Écosse et je constate souvent que les comités nationaux ont tendance à être centrés sur l’Ontario et le Québec. Veillerez-vous à ce que tout le pays soit représenté?

M. Holland : Certainement, sénatrice.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie.

La présidente : La sénatrice Seidman, porte-parole de l’opposition pour le projet de loi, vous posera maintenant ses questions.

La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence.

Le projet de loi C-64 déclare qu’il créera un régime public d’assurance médicaments universel à payeur unique offrant une couverture au premier dollar qui remplacera la couverture de l’assurance privée des Canadiens. Cependant, quels que soient les critères ou la convention, ce n’est pas ce que ces termes veulent dire.

Par exemple, le rapport Hoskins de 2019, commandé par le gouvernement libéral, emploie ces termes pour décrire un régime dans lequel les régimes d’assurance privés disparaîtraient progressivement. Les désaccords sont nombreux parmi les tenants et les détracteurs de cette approche, mais il semble que tout le monde s’entende sur le fait que l’utilisation de cette terminologie crée une confusion inutile.

Monsieur le ministre, si vous ne comptez pas créer un régime à payeur unique entièrement public, vous engagez-vous à modifier ce projet de loi afin qu’il reflète fidèlement vos déclarations publiques concernant la création d’un programme qui comble les lacunes, ce qui est le cas du projet pilote à l’Île-du-Prince-Édouard?

M. Holland : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Nous ne couvrons pas tous les produits pharmaceutiques, mais une gamme réduite. Ce que nous avons dit est important, car les assurances sont en mesure de couvrir beaucoup plus que nous dans les premiers temps de ce régime — les Canadiens pourront choisir une assurance privée ou un modèle universel à payeur unique. J’imagine que les personnes dont la quote-part est élevée, par exemple, ou même de 10 ou 15 %, choisiront probablement d’utiliser le modèle universel à payeur unique.

Quant à l’idée que des personnes ne seraient plus couvertes, je ne pense pas que ce sera le cas. Les Canadiens ont un choix. Ils peuvent utiliser leur régime d’assurance existant dont ils ont besoin, parce qu’ils auront besoin de bien plus que ce qui est couvert dans le cadre de ce projet de loi, ou ils peuvent opter pour — si vous voulez avoir une idée de ce à quoi le système ressemblera, voyez ce qui ressort du protocole d’entente en Colombie-Britannique, c’est-à-dire que le patient ne paie pas. Pour ce qui est de l’expérience du patient, une quote-part peut constituer un obstacle important. Pour beaucoup de gens, une quote-part sur les médicaments contre le diabète fait la différence entre...

La sénatrice Seidman : Je ne voudrais pas vous interrompre ou me montrer impolie, mais je ne dispose que de quatre minutes.

Pensez-vous vraiment que les assureurs privés maintiendront leurs régimes privés pour les 97 % de Canadiens qui ont une assurance privée si le gouvernement fédéral offre de payer entièrement les médicaments contre le diabète et les contraceptifs? Croyez-vous vraiment que les assureurs privés continueront de nous couvrir — je parle de 97 % des Canadiens?

M. Holland : Ce que je dis, sénatrice, c’est que dans l’exemple où quelqu’un choisit d’utiliser son assurance ou pas, l’assurance couvre beaucoup plus que ce que nous couvrons. Quelqu’un qui fait ce choix utilisera-t-il son assureur ou le modèle universel à payeur unique? Cela n’a pas beaucoup d’importance, car le résultat sera le même pour cette personne...

La sénatrice Seidman : Encore une fois, je ne voudrais pas me montrer impolie, mais il se peut que cette personne n’ait pas le choix parce que son assureur lui dira peut-être qu’il ne peut plus l’assurer et lui conseillera de s’adresser à la province ou au gouvernement fédéral.

Voilà le problème. Vous dites que j’ai, personnellement, par exemple, une assurance privée et que j’ai le choix de rester avec mon assureur privé ou de passer à l’assureur public, autrement dit au gouvernement fédéral et à l’arrangement provincial. Cependant, il se peut que l’assureur privé ne veuille plus me couvrir. En fait, l’assurance-médicaments risque de déclencher un processus de perte progressive de l’assurance privée.

M. Holland : L’idée, en l’occurrence, est de faire en sorte que si quelqu’un a besoin, par exemple, de metformine, ce qui suit est possible : un des régimes parmi les centaines qui existent dit qu’il ne couvre pas la metformine de ce type parce qu’elle fait partie du régime public, la personne continuera d’être couverte par le régime public. La personne restera assurée, ce qui est, selon moi, l’idée. Dans le paradigme actuel, environ un quart des patients diabétiques mentionnent le coût comme obstacle important les empêchant d’avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin. Autrement dit, nous avons environ 250 000 personnes qui ne se procurent pas nécessairement les médicaments dont elles ont besoin parce que leur prix est inabordable pour elles. L’assurance-médicaments mettra fin à ce problème. C’est une bonne chose. Qu’elles soient couvertes ou pas...

La présidente : Chers collègues, je suis certaine que nous reviendrons à cette question. Nous devons poursuivre.

La sénatrice Osler : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. J’ai deux questions.

Dans son rapport, le rapport Hoskins, le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments recommande de suivre le modèle de la Loi canadienne sur la santé, mais rien n’est précisé dans le projet de loi C-64 pour garantir que les ententes bilatérales entre le gouvernement du Canada et les provinces et territoires seront uniformes et qu’il y aura une harmonisation du régime national d’assurance-médicaments.

Premièrement, pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de ne pas inclure de critères clairs dans le projet de loi C-64, comme les critères de programme sur l’universalité, l’accessibilité et l’administration publique, qui figurent dans la Loi canadienne sur la santé?

Deuxièmement, le gouvernement compte-t-il appliquer une politique de la nation la plus favorisée à tout achat futur de médicaments couverts dans le cadre d’un régime national d’assurance-médicaments? Comme vous le savez, dans ce type d’approche, les régimes d’assurance-médicaments privés bénéficieraient des mêmes rabais que les régimes publics. Si la réponse est oui, comment une politique de la nation la plus favorisée évitera-t-elle une augmentation des prix dans les régimes publics et privés, car c’est ce qui est arrivé quand le Québec a essayé cette méthode. Les prix n’ont pas baissé dans cette province et ils ont augmenté ailleurs.

M. Holland : Je vous remercie, sénatrice.

Premièrement, nous devons absolument travailler avec le secteur privé. Quand je parle avec l’industrie pharmaceutique ou les assureurs, il est beaucoup question de participation aux achats groupés et de trouver des moyens de travailler ensemble pour faire baisser les coûts. Nous sommes prêts à examiner tout modèle qui va dans ce sens et pas le contraire.

La collaboration, les achats groupés et travailler ensemble ouvrent, à mon avis, quantité de possibilités de faire baisser les coûts et pas le contraire.

En ce qui concerne — je suis désolé, quelle était votre première question?

La sénatrice Osler : Des critères dans le projet de loi C-64 semblables à ceux de la Loi canadienne sur la santé en ce qui a trait à l’administration publique et à l’universalité.

M. Holland : Il est très important — et je le dis depuis le début — de souligner qu’il s’agit de quelque chose que proposons pour montrer comment ce régime fonctionnera. Nous constituons un comité d’experts, dont les membres vont être nommés, qui examinera les répercussions financières et réfléchira à la façon d’en tenir ensuite compte dans un modèle universel à payeur unique — et je crois que nous devons bien veiller à dire que nous procédons par étapes et évaluons les résultats. C’est ce que nous faisons, évaluer et voir comment cela fonctionne. Je vous promets — en fait, le protocole d’entente avec la Colombie-Britannique en ait la preuve écrite — que nous cherchons un modèle universel à payeur unique pour cet accord.

Ensuite, pour ce qui est de la situation future, il nous faut notamment démontrer —avant d’annoncer au marché ce que le gouvernement fédéral va faire — que nous savons comment le régime fonctionnera, comment il sera financé et ce qu’il adviendra du modèle existant. Le comité est d’ailleurs très centré sur cet aspect dans ses travaux.

Il ne s’agit pas d’être restrictif, mais de reconnaître que ce processus est itératif.

La sénatrice Osler : Pour reprendre votre analogie, le projet de loi C-64 bâtit un plancher. Je crains, toutefois, que le plancher soit inégal entre les provinces et les territoires. Il se peut qu’il y ait des trous dedans parce que chaque province et chaque territoire aura sa propre entente. Au moins, avec la Loi canadienne sur la santé, ces principes sont inscrits dans le droit fédéral.

Que me répondez-vous au sujet de la politique de la nation la plus favorisée —peut-être oui ou non?

M. Holland : Je ne me prononcerai pas à ce sujet.

Je dirai, une fois de plus, que nous examinons très soigneusement les évaluations, les données et l’expérience d’autres endroits en ce qui concerne les mesures que nous pouvons prendre pour réduire le coût des médicaments et ne pas l’augmenter. Il est certain qu’il est très logique de collaborer et de faire, par exemple, des achats groupés. Je ne parlerai de rien d’autre en dehors de cela, si ce n’est pour dire que nous n’allons pas nous lancer dans quelque chose dont les données montrent que ce sera inefficace.

Je n’aime pas les planchers inégaux — ils ne sont pas sûrs —, mais je dirai notamment à propos de ce plancher-ci qu’il établit que nous ne devons pas aller en deçà de ce point. Ce que nous constatons en Colombie-Britannique montre qu’il est possible de faire plus. Je pense que c’est une bonne chose et il me semble que nous sommes d’accord à cet égard. J’étais ravi. En fait, je parlais avec des médecins à la B.C. Women’s Hospital & Health Centre de l’importance de l’hormonothérapie de la ménopause, tout comme de l’accès à ces médicaments, et de ce que cela veut dire pour...

La présidente : Je suis désolée, mais je dois être juste avec mes collègues. Je dois donc vous interrompre.

M. Holland : C’est votre rôle et je le respecte.

La sénatrice Moodie : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Vous avez mentionné le protocole d’entente avec la Colombie-Britannique et l’assurance-médicaments en prévision de l’adoption de ce projet de loi. Quelles sont les conséquences de cette entente, en particulier pour les autres provinces et les territoires qui vont maintenant s’aligner pour conclure des ententes? Quels enseignements avez-vous tirés de ce processus, pour la suite, qui pourrait changer, selon vous, à quoi ressemblera le régime, ou pourrait amener à ajouter des éléments?

M. Holland : Je vous remercie, sénatrice. C’est une excellente question.

Premièrement, ce processus montre que nous pouvons faire plus. En outre, nous n’allons pas punir les dirigeants. Certaines provinces agissent déjà dans ces domaines et l’argent investi par le gouvernement fédéral crée un transfert de fonds. Nous n’allons pas prendre de sanctions. Nous allons travailler ensemble, en harmonie, pour faire plus et aller plus loin.

J’ai pensé qu’il était très approprié que la Colombie-Britannique — et c’était sa décision — choisisse l’hormonothérapie de la ménopause parce que cela concerne la santé des femmes qui est au cœur de ce que nous faisons en matière de contraceptifs et qui est très symbiotique, cela dit.

Quels enseignements peut-on en tirer pour les autres provinces? C’est une occasion de faire plus et de se montrer plus ambitieux. C’est la première chose. Ensuite, c’est aussi pour nous l’occasion de montrer dans la liste des médicaments contre le diabète et la liste des contraceptifs qu’il est possible de faire plus. Ce n’est pas parce que nous avons cette liste que nous nous en tiendrons là, mais elle garantit que nous établissons une base, un plancher à partir duquel bâtir et faire plus. Il se peut que certaines provinces aient d’autres besoins et qu’il faille en tenir compte en se fondant sur leur profil d’utilisation des médicaments.

Enfin, ce protocole d’entente montre vraiment que c’est possible. Proposer ce projet de loi montre que ce n’est pas — on entend dire, entre autres critiques, que ce ne sont que des paroles et qu’il ne se passera rien en réalité ou que nous n’allons pas concrétiser ce projet. On nous disait cela au sujet des soins dentaires. Il faut montrer des choses concrètes aux gens. C’est pourquoi il ne s’est rien passé avant en ce qui concerne l’assurance-médicaments, car il faut commencer quelque part. Tout le monde dit qu’il commencera ici ou là.

Je ne dis pas que c’est parfait, mais cela nous donne un point de départ pour gravir la montagne qui nous attend. Si nous ne commençons pas à gravir cette montagne, nous n’atteindrons jamais le sommet.

La sénatrice Moodie : Des chercheurs et des experts ont proposé à la plupart d’entre nous, je crois, des modifications à ce projet de loi. Pourquoi devrions-nous modifier ce projet de loi?

M. Holland : Je respecte infiniment votre chambre, et vous avez un rôle très important à jouer dans l’examen des projets de loi et la proposition d’amendements. C’est un peu différent avec ce texte, car son équilibre est millimétré. Il s’agit, de loin — et j’ai pris part à quantité de tâches complexes — de la tâche la plus difficile à laquelle j’ai jamais participé. Chaque syllabe et chaque mot de ce projet de loi ont été débattus et discutés. C’est le résultat d’une très importante collaboration. Ce n’est pas un parti, mais deux, aux points de vue très différents, qui ont réussi à trouver un terrain d’entente.

Je reconnais volontiers que le texte est imparfait, mais en l’occurrence, nous devons faire très attention à ne pas laisser le mieux être l’ennemi du bien. Nous n’avons pas beaucoup de temps. En réalité, ses détracteurs reprocheront au projet de loi de n’être qu’élucubrations. Par conséquent, si nous passons beaucoup de temps à reformuler pour essayer d’arriver à un texte parfait, les Canadiens auront l’impression que le reproche selon lequel ce ne sont qu’élucubrations est fondé parce qu’ils n’obtiendront pas de médicaments et ne verront pas d’amélioration à leur vie.

Je m’arrêterai là, madame la présidente, car je sais que j’ai tendance à beaucoup parler, mais je crains que l’on regarde ce projet de loi, que l’on voie combien il a été difficile à négocier et combien il a été difficile ne serait-ce que d’arriver là où nous sommes, et que quelqu’un dise que l’on ne retouchera plus à ce dossier. J’estime que nous avons l’occasion d’agir.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci d’être avec nous, monsieur le ministre. Je vais poser deux questions qui, je crois, sont brèves.

J’ai compris que la mise en place du projet de loi C-64 devrait se faire environ 18 mois après le vote. Est-ce exact? S’il est adopté, la mise en place se fera dans 18 mois environ?

M. Holland : Oui.

La sénatrice Mégie : Le Québec a travaillé sur le régime public d’assurance médicaments qui a été adopté en juin 1996, et le premier médicament a été livré aux gens le 1er janvier 1997. On parle donc d’environ six mois. De plus, le régime couvrait 8 000 médicaments. N’y aurait-il pas moyen de travailler à raccourcir le délai, afin que les Canadiens puissent commencer à en bénéficier plus tôt?

M. Holland : Je ne suis pas sûr de comprendre la question, mais je peux essayer d’y répondre.

Il est possible de signer une entente avec chaque province et territoire presque immédiatement après l’adoption du projet de loi par le Sénat.

Il est possible pour le Québec et les autres provinces, après qu’une entente a été signée, de commencer la distribution des médicaments. Il n’y a aucun problème avec cela. Cependant, ce n’est pas facile de négocier une entente avec le Québec; c’est clair. Il y a un système qui existe. Il est important de travailler avec la province de Québec et de respecter ses compétences. La question de la disponibilité des médicaments n’est pas un problème.

La sénatrice Mégie : Merci. Ma deuxième question est la suivante : le projet de loi C-64 a-t-il fait l’objet d’une analyse comparative entre les sexes plus?

M. Holland : Oui, c’est le cas.

La sénatrice Mégie : L’a-t-on reçue? D’accord.

[Traduction]

Le sénateur Brazeau : Monsieur le ministre, comme vous le savez, le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire de fournir aux Premières Nations des services de santé non assurés. Pouvez-vous expliquer plus en détail en quoi ce projet de loi peut entraver lesdits services de santé non assurés, les compléter ou n’avoir aucun effet sur eux?

M. Holland : Merci, sénateur. C’est une question très importante.

Concernant les services de santé non assurés, je vous donne ma parole que jamais ce gouvernement ne permettra que les autres Canadiens aient accès à un service qui n’est pas offert aux Premières Nations. Je peux vous affirmer que nous sommes déterminés à maintenir à tout le moins les normes existantes.

Par exemple, les médicaments couverts par le Programme des services de santé non assurés sont plus diversifiés et plus nombreux que ceux qui le seraient par le régime proposé. Il ne nous viendrait jamais à l’idée de proposer une mesure qui aurait pour effet de restreindre cette couverture.

En fait, je dirais même que pour les soins dentaires, les efforts que nous avons déployés pour améliorer l’administration et faciliter les relations avec les fournisseurs ont permis d’élargir l’offre de services aux Premières Nations dans le cadre du Programme des services de santé non assurés. C’est donc tout le contraire… J’y vois une occasion d’améliorer les soins.

Le sénateur Brazeau : Selon vous, il n’existe aucun risque que les membres des Premières Nations soient assis entre deux chaises en matière de santé. Les Indiens et les terres qui leur sont réservées sont de compétence fédérale. Les soins de santé sont de compétence provinciale. Ne pensez-vous pas qu’il existe un risque que ce projet de loi place les Premières Nations entre deux chaises?

M. Holland : Non, pas ce projet de loi.

Je suis conscient des obstacles qui empêchent les membres des Premières Nations d’obtenir les médicaments dont ils ont besoin, malgré la mise en place du Programme des services de santé non assurés, et nous devons poursuivre notre travail pour corriger les lacunes.

Entre autres choses, j’ai participé à un nombre incalculable de rencontres trilatérales de nation à nation un peu partout au pays, et j’ai eu des discussions concernant les solutions à ces lacunes.

Ces services sont fournis par Services aux Autochtones Canada — ou par le gouvernement provincial dans certains cas —, mais, à titre de ministre fédéral de la Santé, je dois participer à ces discussions pour comprendre comment nous pouvons collaborer pour apporter les meilleures solutions à ces lacunes.

Rien dans ce projet de loi n’a pour effet de réduire la couverture offerte aux membres des Premières Nations. En fait, les enseignements et les leçons que nous tirerons en élargissant les programmes publics pourraient avoir un impact positif sur le Programme des services de santé non assurés.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bienvenue, monsieur le ministre. Mes questions concernent les ententes avec les provinces, considérant les champs de compétence de l’un et de l’autre. Vous avez parlé de flexibilité en donnant l’exemple de la Colombie-Britannique. Qu’arrive-t-il si une province décide de ne pas participer à ce programme? Une pleine compensation financière lui sera-t-elle versée? Quelles sont les conditions qui seraient rattachées à cette compensation financière? Dans le projet de loi, rien ne montre la flexibilité dont vous parlez. J’aimerais mieux comprendre quelle est la part de flexibilité qui existe sur la question de la non‑adhésion à ce programme pour une province.

M. Holland : Merci beaucoup. C’est un bon point. Il est possible qu’une province dise non, merci, et évite de participer à ce programme. J’ai eu des conversations avec tous mes homologues provinciaux et territoriaux, et il est évident qu’il y a beaucoup d’intérêt. Il y a des questions qui se posent concernant les compétences.

Cependant, il est évident que dans le projet de loi les conditions sont universelles : que ce soit un payeur unique, que les personnes ne paient pas pour les médicaments et qu’il y ait un minimum de médicaments disponibles pour le diabète et des contraceptifs. À l’extérieur de cela, il y a des flexibilités. Il y a un bon esprit de collaboration.

Le sénateur Cormier : Si je comprends bien, par rapport à la liste des médicaments, vous avez parlé d’un plancher. Il y a des médicaments qui vont s’ajouter à cette liste?

M. Holland : Oui.

Le sénateur Cormier : Est-ce que cette flexibilité pourrait signifier qu’une province pourra omettre d’inclure les fameux médicaments que vous allez ajouter à la liste?

M. Holland : Oui, absolument; il est possible d’ajouter à la liste, et c’est évident en Colombie-Britannique. J’espère que ce sera le cas. Je ne suis pas certain que le même médicament sera disponible dans chaque province, par exemple l’hormonothérapie pour la ménopause. J’espère que le médicament sera disponible partout au pays, mais cela ne figure pas dans le projet de loi. C’est un médicament vraiment important, mais peut-être qu’une autre province jugera prioritaire d’en ajouter un autre.

Le sénateur Cormier : Vous essayez de créer quelque chose d’uniforme à l’échelle des provinces en ciblant ces deux médicaments, mais vous offrez en même temps une immense flexibilité qui fait qu’elles peuvent omettre ces médicaments?

M. Holland : Absolument. Il y a un équilibre et il y a une même couverture minimum des médicaments pour le diabète et pour les contraceptifs. À l’extérieur de cela, il y a une possibilité d’ajouter des choses. Il est possible pour une province de poser des gestes afin d’améliorer la qualité des services disponibles, non pas uniquement avec les médicaments. Prenons l’exemple de la santé des femmes. Ce n’est pas nécessairement une augmentation du nombre de médicaments. Il est possible qu’une province veuille ajouter d’autres actions, mais il y a un minimum pour les médicaments pour le diabète et pour les contraceptifs. C’est la base pour les provinces et les territoires.

Le sénateur Cormier : Merci.

La sénatrice Petitclerc : Merci d’être avec nous aujourd’hui pour nous aider à procéder à l’étude de ce projet de loi qui, on le sait, est très important.

Ma question porte sur le processus.

J’ai eu l’occasion d’avoir des conversations sur cette question dans mon entourage avec des gens du milieu médical, comme des médecins. On m’a beaucoup demandé pourquoi on commençait par le diabète et la contraception et quel a été le processus. On est parvenu à choisir une base, donc je comprends qu’on y va par étape et que ces étapes se feront à l’échelle nationale, mais aussi par provinces.

Premièrement, quels ont été les lignes directrices ou les critères pour décider de commencer par ces deux-là, la contraception et le diabète?

Deuxièmement, est-ce que les provinces ont des critères? Je vais vous donner un exemple. Quelqu’un me demandait, par exemple : est-ce qu’on choisit des médicaments qui vont couvrir des maladies qui touchent un grand nombre de Canadiens, ou est-ce qu’on va y aller avec des médicaments permettant de soigner des maladies rares, qui sont très, très chers, ce qui fait que les personnes se retrouvent dans une situation de très grande vulnérabilité?

J’essaie de comprendre le processus.

M. Holland : C’est une bonne question.

D’abord, il était important de commencer à un endroit et de faire un choix et cela, c’était vraiment difficile. Pour moi, le diabète, c’est quelque chose qui touche beaucoup d’autres types de maladies. Si quelqu’un ne gère pas sa condition, il y aura des conséquences qui entraîneront d’autres maladies. C’est le premier point.

Ensuite, les coûts pour traiter le diabète partout au pays sont absolument extraordinaires. Chaque année, cela augmente beaucoup. C’est vraiment un indicateur des conditions de santé partout au pays, la capacité à gérer efficacement le diabète.

Enfin, sur la question de la contraception, j’ai beaucoup parlé de cela, car on a besoin d’avoir une conversation sur le sexe en général. Cela crée beaucoup de problèmes sur le plan de la santé mentale pour les personnes qui évitent ces conversations parce qu’elles sont difficiles. Ce n’est pas acceptable pour moi qu’une personne n’ait pas la liberté sur son corps; pas du tout.

[Traduction]

C’est une déclaration sur le genre de pays que nous sommes. Dans notre pays, une femme peut choisir quand, si et comment elle va mettre un enfant au monde, et une personne défavorisée dispose de la même liberté de choix pour son propre corps qu’une autre qui a de l’argent. C’est extrêmement important, au même titre que le dialogue sur la santé sexuelle.

[Français]

Après cela, je crois qu’on peut ajouter d’autres éléments, peut‑être plus de médicaments essentiels. À mon avis, c’est une bonne occasion d’avoir une conversation particulière dans certains domaines, de poser beaucoup d’actions et d’augmenter la qualité de l’information et des connaissances sur certains sujets.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Merci de votre présence, monsieur le ministre.

Aux fins du compte rendu, j’aimerais que vous nous expliquiez l’analyse qu’a faite le gouvernement pour déterminer quels groupes de population sont les plus pénalisés par le manque d’accès aux médicaments sur ordonnance. J’aimerais que ce soit consigné au compte rendu.

Ensuite, compte tenu de cela et de votre décision — au sujet de ces deux groupes de médicaments sur ordonnance —, quelles sont les retombées attendues pour ces groupes de population?

M. Holland : C’est une excellente question.

Je vais renchérir sur la réponse que j’ai donnée au sujet du diabète. Nous savons qu’au Canada, les taux de diabète sont démesurément élevés dans certains groupes de population vulnérables. Les impacts du diabète sont souvent aggravés par le manque d’accès à la nourriture et aux ressources, et d’autres facteurs socioéconomiques peuvent empirer la situation. Une injustice s’ajoute à une autre quand une personne qui n’a pas accès à de la nourriture de qualité ou à des soins de première ligne réguliers développe un diabète et ne peut pas obtenir de médicaments.

La sénatrice Bernard : Quels sont les groupes identifiés par le gouvernement?

M. Holland : Nous savons que les taux de diabète sont particulièrement élevés parmi les Canadiens d’origine sud‑asiatique, les Canadiens noirs et les Autochtones. Ces groupes sont touchés de manière disproportionnée par le diabète.

Le statut socioéconomique que j’ai évoqué a aussi un impact démesuré dans ces groupes, et c’est aussi le cas pour les contraceptifs. Les contraceptifs oraux sont moins efficaces que le stérilet. Souvent, une personne démunie n’a pas le choix de recourir à une solution moins efficace de contrôle des naissances, ce qui peut conduire à une grossesse non désirée. C’est le risque quand une personne n’a pas les moyens ou la liberté de choisir ce qu’elle veut faire.

Le deuxième volet de votre question est très important. Quelles seront les retombées? J’ai été chef de la direction de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. Investir de façon judicieuse dans la prévention contribue à une société meilleure et plus en santé. On ne peut pas savoir dans combien de temps et quand exactement. Mais si les gens n’ont pas accès aux médicaments dont ils ont besoin, ils sont encore plus malades et cela nous coûte très, très cher.

L’amélioration de quelque chose qui est intangible — même si nous le savons quand ils obtiennent leurs médicaments — va nous permettre de donner une preuve précise des économies réalisées. Nous aurons ces chiffres après la mise en œuvre.

Je vais donner un exemple rapide. Le volet de la contraception est déjà offert en Colombie-Britannique. Les contraceptifs étaient déjà couverts dans cette province et, après une année seulement, les économies réalisées avaient dépassé les coûts d’administration du programme. Je m’attends à ce que nous obtenions les mêmes résultats, mais pour le prouver, il faut aller de l’avant.

Beaucoup d’opposants ne veulent pas que ce soit prouvé parce qu’ils ont peur de ce que cela signifierait. Personne ne devrait avoir peur que des gens obtiennent les médicaments dont ils ont besoin et vivent dans une société où tout le monde reçoit des soins adéquats.

La sénatrice Dasko : Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureuse de vous voir.

J’aimerais revenir à la question soulevée précédemment sur la différence entre un régime à payeur unique et un autre à payeurs multiples.

Vous utilisez le terme « à payeur unique », mais vous reconnaissez en même temps que ce n’est pas vraiment le cas. Le gouvernement ne paie pas la totalité des médicaments des deux groupes visés. Les assureurs privés en paient une partie. Je sais que la question peut paraître simpliste, mais qu’en est-il au juste? Est-ce que c’est une combinaison des deux? Vous parlez de payeur unique, mais il s’agit plutôt d’un régime à payeurs multiples.

M. Holland : Dans les années 1960, quand le système de santé publique a vu le jour au Canada, il aurait fallu y inclure les médicaments. Ce n’est pas le cas. Toutes sortes d’infrastructures connexes ont été mises en place. Pour faire le pont entre ce qui existe actuellement et ce qui est projeté, il faudra procéder par itérations. Beaucoup de discussions vont être nécessaires. Il va y avoir plusieurs élections. Les gens vont mettre leur grain de sel.

La question porte sur le modèle universel à payeur unique. En termes simples, c’est un modèle qui permet à quelqu’un de se présenter à un endroit pour se procurer des contraceptifs ou des médicaments contre le diabète sans avoir à remplir de formulaire ou à débourser quoi que ce soit. Il lui suffit de se présenter quelque part pour obtenir le médicament. C’est ce que nous proposons. Il y aura une période d’évaluation. Des régimes privés d’assurance vont exister en parallèle, de même que le modèle mixte de l’Île-du-Prince-Édouard dont nous avons parlé. Un comité va se pencher sur l’avenir du modèle universel à payeur unique. Pour l’instant, nous ne pouvons pas nous téléporter et voyager à la vitesse de la lumière. Nous devons partir de la situation actuelle pour aller vers quelque chose de différent.

La sénatrice Dasko : D’accord, mais chaque système a des conséquences sur le plan des coûts.

M. Holland : Effectivement.

La sénatrice Dasko : Les coûts de votre régime sont ceux d’un modèle mixte. Par exemple, les assureurs privés vont payer 80 % des coûts des médicaments visés, et vous allez payer les 20 % restants. Est-ce que c’est exact?

M. Holland : Non. Je dois faire une précision importante. Quand nous avons établi les coûts des projets de loi, nous avons prévu un transfert pour ces médicaments. Nous en avons tenu compte dans l’établissement des coûts. Ils auraient été moindres si ce paramètre n’avait pas été pris en compte. Les coûts ont été établis en tenant compte de cette possibilité, pour les motifs que je viens d’énoncer. Une personne pourra toujours souscrire une assurance, mais dans ce cas, elle n’aurait plus à payer la quote‑part de 20 % pour un médicament comme la metformine. Pour cette raison, les gens vont probablement opter pour le régime public.

Nous avons tenu compte de la possibilité que les gens fassent ces choix dans l’établissement des coûts.

La sénatrice Dasko : Oui, mais vous avez prévu une réduction de la couverture offerte par les assureurs privés. Dans votre modèle, vous supposez qu’une partie des coûts qui sont actuellement payés par les assureurs ne sera plus couverte par le système.

M. Holland : Il y aura une répartition des coûts parce que des gens vont choisir le régime public plutôt que le régime d’assurance qui continuera de leur être accessible. Ce que j’essaie d’expliquer, et c’est fondamental, c’est que les gens vont continuer d’avoir le choix entre ces deux possibilités.

La sénatrice Dasko : C’est d’argent dont je vous parle.

M. Holland : Oui, et nous en avons tenu compte dans le budget.

La sénatrice Dasko : Vous avez établi les coûts sur une certaine base, et vous les avez aussi établis en prévoyant un transfert — en supposant que les assureurs privés vont se retirer dans une certaine mesure de ce secteur.

M. Holland : Je ne dirais pas qu’ils vont se retirer du secteur, mais plutôt que les gens vont possiblement se prévaloir différemment de leur régime d’assurance privé étant donné qu’ils auront plus de choix. Il y aura par conséquent un transfert, et nous en avons tenu compte dans la modélisation. Je souligne au passage que le directeur parlementaire du budget est arrivé à peu près aux mêmes chiffres en se fondant sur les mêmes bases.

Les coûts n’ont pas été établis en fonction de ce que nous avons mis en place à l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple. On parle de beaucoup moins d’argent. Nous avons tenu compte du fait que pour beaucoup de gens, la quote-part représente un fardeau énorme et que l’évaluation doit porter sur un modèle authentique, qui est universel et à payeur unique.

La sénatrice Burey : Merci d’être des nôtres, monsieur le ministre. Nous discutons aujourd’hui de quelque chose que les Canadiens attendent depuis longtemps : un système de soins de santé universel. Je salue le travail accompli pour mettre en place un programme de remboursement des médicaments essentiels. J’ai toutefois certaines questions dans la foulée de celles que vous a posées la sénatrice Dasko concernant votre engagement à garantir que les gens qui opteront pour le système public ne perdront pas automatiquement leur admissibilité à leur propre régime d’assurance.

En tant que médecin, je peux dire que j’ai une vaste expérience de ces questions, et particulièrement du régime ontarien de l’Assurance-santé Plus. Vous engagez-vous à prendre des mesures pour empêcher les assureurs de cesser la couverture de leurs assurés? Une personne peut opter pour le régime public pour ses médicaments contre le diabète, mais un autre régime peut lui offrir une couverture pour des médicaments contre les troubles de santé mentale et bien d’autres. Est-ce que cette personne sera forcée de choisir entre un médicament contre le diabète pour lequel il n’y a pas de quote-part ou un autre médicament pour le traitement des troubles de santé mentale ou psychiatrique?

M. Holland : Non. En réalité, les médicaments couverts sont très limités. Pour la plupart des gens qui ont déjà une assurance-médicaments, la couverture est beaucoup plus large. L’idée qu’un assureur refuse une couverture à une personne qui a déjà accès à une couverture pour d’autres médicaments est franchement irréaliste, pour plusieurs raisons.

Le secteur de l’assurance n’a jamais caché sa préférence pour un modèle mixte, comme celui de l’Île-du-Prince-Édouard. Il va y avoir un débat à ce sujet. Nous savons tous qu’il va y avoir des élections dans notre pays et que les conservateurs ont une opinion différente. Cette question va devoir être tranchée.

Si les assureurs se mettaient à refuser d’assurer des gens, ce ne serait pas vraiment bon pour la cause d’un système mixte dans lequel ils doivent collaborer avec le gouvernement pour offrir une couverture à ces gens. C’est le premier point.

La sénatrice Burey : Monsieur le ministre, vous engagez‑vous à discuter avec les assureurs pour mettre les choses au clair?

M. Holland : Oui, sans hésitation, sénatrice. Je tiens à ce que ce soit très clair : nous travaillons à élargir la couverture, à ce qu’un plus grand nombre de personnes soient couvertes et aient accès aux médicaments dont elles ont besoin, et pas le contraire. Nous allons tout mettre en œuvre pour y parvenir.

La sénatrice Burey : Merci.

La présidente : Monsieur le ministre, j’ai une petite question pour vous. Une très grande partie de ce que vous proposez repose sur la coopération et la collaboration avec les provinces. Cela ressemble un peu au Jour de la marmotte. Nous avons eu les mêmes discussions avec vous et avec d’autres ministres au sujet du régime de soins dentaires, du projet de loi sur les prestations pour les personnes handicapées et, bien entendu, du projet de loi sur les services de garde.

Dans quelle mesure avez-vous confiance que les provinces vont adhérer au régime? Certaines ont déjà annoncé qu’elles n’y adhéreraient pas.

M. Holland : J’ai pleinement confiance. J’ai eu de très bons échanges avec tous mes homologues des provinces et des territoires.

Je vais vous ramener aux accords bilatéraux pour travailler ensemble et aux accords Vieillir dans la dignité. Madame la présidente, vous vous souviendrez des doutes exprimés quant à notre capacité de nous entendre avec l’Alberta, la Saskatchewan ou le Québec. C’est un fait que nous n’avions pas la cote dans ces provinces, mais nous avons conclu un accord avec chacune d’elles. Il s’agit de bons accords, qui comportent des éléments très raisonnables et qui sont centrés sur un terrain d’entente. De façon générale, c’est ce que les Canadiens souhaitent, particulièrement dans le domaine de la santé. Nos divergences ne les intéressent pas du tout. Ce qu’ils nous demandent, c’est de faire avancer les choses et de collaborer pour trouver un terrain d’entente.

C’est dans cet esprit que les ministres de la Santé ont travaillé à la réunion de Charlottetown. Et je peux affirmer que c’est également dans cet esprit de coopération que se déroulera la réunion de Halifax.

Je suis aussi convaincu… On pensait que j’étais fou quand j’affirmais que j’allais réussir à conclure tous ces accords durant les discussions sur l’idée de travailler ensemble et de vieillir dans la dignité. Je mentionne en passant que nous avons commencé à signer des accords sur les médicaments pour le traitement des maladies rares et les préposés aux services de soutien à la personne. Les premiers accords ont été signés avec la Colombie-Britannique. Il y a eu de très bonnes discussions. Nous avons signé beaucoup plus d’accords que prévu à des endroits inattendus.

Si vous m’en donnez la chance, je vous garantis que je vais tout mettre en œuvre pour réussir.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Distingués collègues, nous avons un petit défi. Nous avons des sénateurs invités et des questions ont été préparées pour le second tour. Je vous propose de prendre le temps restant pour présenter vos questions en rafale et de demander au ministre de nous transmettre ses réponses par écrit.

Le sénateur Cardozo : Merci. Ma question sera brève.

Elle porte sur le choix des produits pharmaceutiques. L’alinéa 4d) du projet de loi prévoit une « couverture universelle des produits pharmaceutiques à l’échelle du Canada ». Si je comprends bien, cela signifie que tous les produits seraient couverts. En revanche, à la fin du paragraphe 6(1), on précise « en ce qui concerne des médicaments sur ordonnance et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète ». Ce sont deux produits très précis.

Quelle disposition l’emporte? Est-ce que tous les produits seront couverts? Pourquoi avoir pris la peine de désigner deux produits au lieu de vous en tenir à l’alinéa 4d)?

La sénatrice Senior : Ma question porte sur le comité d’experts que vous allez former. Elle fait suite à la question de la sénatrice Bernard concernant les groupes que vous avez identifiés, les Autochtones à l’échelle du pays, l’accès et le fait que des personnes sont exclues de l’application de toutes les mesures en vigueur. Je serai ravie si ce projet de loi apporte un réel changement.

J’aimerais savoir si le comité d’experts va en tenir compte quand il réfléchira à la question de savoir qui devrait prendre part au processus décisionnel sur l’accessibilité et veiller à ce que tous les groupes de population identifiés soient inclus compte tenu des conditions actuelles.

La présidente : Merci, sénatrice Senior.

Monsieur le ministre, je sais à quel point c’est difficile de ne pas répondre aux questions une fois qu’elles ont été posées, mais nous n’avons pas le choix.

La sénatrice Osler : Monsieur le ministre, est-ce que l’administration du régime national d’assurance-médicaments sera publique?

La présidente : J’aimerais entendre la réponse maintenant, mais je vais patienter.

La sénatrice Moodie : J’appuie sans réserve la mise en place d’un régime universel d’assurance-médicaments. Je crois que le projet de loi offre un bon point de départ, mais il ne propose pas le genre de système préconisé dans le rapport Hoskins.

Comme c’est une première étape, quel est l’objectif ultime, et quelles seront les étapes suivantes? Vous avez parlé de grimper une colline. Quel genre de système voulons-nous établir? Est-ce que ce qui est visé s’apparente à ce qui est envisagé dans le rapport Hoskins ou est-ce plus proche du modèle québécois?

La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, lors de l’annonce de la création d’un programme national d’assurance-médicaments en février 2024, vous avez fait une autre annonce de grande importance au sujet de la création d’un fonds fédéral pour les dispositifs et les fournitures pour le traitement du diabète. Nous savons que les dispositifs pour le traitement du diabète comme les pompes à insuline représentent la principale dépense pour la plupart des Canadiens diabétiques qui les utilisent et que l’accès est particulièrement difficile pour eux. Depuis cette annonce, aucune autre information ne nous a été transmise sur ce programme. Ma question est la suivante : quelles sommes ont été engagées pour le fonds des dispositifs pour le traitement du diabète et quand allez-vous nous en faire l’annonce? Merci.

La sénatrice Kingston : Merci de votre présence, monsieur le ministre. Ma première question concerne les éléments pris en compte dans l’évaluation du programme de contraception financé par les fonds publics en Colombie-Britannique. Qu’est‑ce qui est évalué exactement? Quels autres facteurs ont amené la Colombie-Britannique à signer le premier accord, outre le fait qu’elle avait déjà un système en matière de contraception? Quels ont été les éléments incitatifs pour cette province?

La présidente : Il reste trois minutes et demie. Monsieur le ministre, vous pouvez choisir une question et y répondre.

M. Holland : Je vais procéder dans l’ordre inverse et nous verrons jusqu’où je vais me rendre. Pourquoi la Colombie-Britannique a-t-elle été la première à signer? J’ai eu de nombreuses discussions avec Adrian Dix sur le diabète et les contraceptifs, notamment sur l’efficacité du projet pilote en Colombie-Britannique quant aux changements individuels en matière de santé et aux économies réalisées. Nous avons beaucoup parlé de diabète. Je dois remercier Don Davies pour sa contribution essentielle au projet de loi. Adrian Dix a aussi joué un rôle déterminant dans la mise au point d’une vision à ce sujet, et je tiens à le remercier. Pour ce qui concerne les dispositifs pour le traitement du diabète, c’est effectivement un aspect qui fait partie du projet. Un fonds important a été réservé à ce volet afin de soutenir la collaboration avec les provinces et assurer l’accès à ces dispositions, aux seringues et aux bandelettes pour les personnes démunies. Je n’ai pas du tout l’intention de passer sous silence cette initiative d’une très grande importance.

Quant à la question sur l’objectif ultime, c’est la raison d’être de ce comité. Nous devons faire preuve de prudence. Le comité va réfléchir au processus, au financement et aux aspects pratiques afin que nous ayons en main l’information qui nous permettra d’avoir une discussion éclairée. À ce moment, nous aurons des accords signés avec différentes provinces et les médicaments seront accessibles. Nous serons donc beaucoup mieux en mesure de donner une réponse avertie à cette question, y compris en en faisant un enjeu électoral. Cela dit, vous avez raison de dire qu’il faut recueillir les données qui nous permettront de répondre à cette question.

Concernant les participants aux discussions, je suis totalement d’accord avec ce qui a été énoncé et j’en prends acte. Pourquoi avoir choisi ces médicaments en particulier? Quand on collabore avec un autre partenaire parlementaire, c’est difficile d’avoir une confiance aveugle. Ce qui figure au projet de loi ne vise pas à en limiter la portée, mais plutôt à donner une preuve que nous allons agir. Je crois que c’est juste. Un tel degré de collaboration entre deux partis politiques qui doivent mettre leurs divergences de côté et le manque de confiance mutuelle, c’est du jamais-vu. M. Davies et moi nous sommes retrouvés dans la même pièce pour réfléchir à une façon de nous faire suffisamment confiance. Nous sommes parvenus à un sentiment mutuel d’honnêteté et de loyauté, et croyez-moi, c’est quelque chose qui rend ce processus très unique.

La présidente : Je suis curieuse d’entendre votre réponse à la question de la sénatrice Osler.

M. Holland : Je vais y revenir. Je dois dire que je suis assez ambivalent. Ce ne sera pas très excitant. Quand une personne se présente au comptoir pour obtenir un médicament, c’est tout ce qui lui importe. Elle se moque bien des questions de compétence. Les provinces sont focalisées sur le fait qu’elles vont devoir administrer ce régime. Je crois que c’est l’occasion pour nous, à titre de partenaires, de leur dire que si elles veulent administrer le régime, elles devront respecter telle et telle condition et nous devrons collaborer de telle et telle manière pour y arriver. Je ne crois pas que nous empiétons sur les compétences en faisant cela. C’est une question de bonne collaboration et d’entente sur les priorités. Toutefois, contrairement au régime de soins dentaires, que nous administrons… Sénatrice, nous devrons poursuivre la discussion à ce sujet. C’est une opinion, pas une affaire réglée. Nous entamons le processus, et c’est primordial de poursuivre les discussions sur une base continue. Sénatrice, votre réaction me dit que nous allons certainement avoir une bonne discussion à ce propos.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Vous avez été généreux de votre temps et vous avez fait preuve de beaucoup de souplesse dans vos réponses. Merci, monsieur le ministre, et merci à vos collaborateurs.

M. Holland : Je vous en prie.

La présidente : Nous allons passer au groupe de témoins suivant. Tout d’abord, nous accueillons Mme Suzanne McGurn, présidente-directrice générale de l’Agence des médicaments du Canada, qui est présente dans la salle. M. Yves Giroux, le directeur parlementaire du budget, ainsi que Mme Diarra Sourang, directrice, Analyse économique, au sein du Bureau du directeur parlementaire du budget, témoigneront également en personne. Enfin, M. Dominic Tan, chef de la direction par intérim à l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, nous joindra par vidéoconférence.

Je crois comprendre que Mme McGurn, M. Tan et M. Giroux vont présenter une déclaration liminaire. Nous allons les entendre dans cet ordre. Vous disposez de cinq minutes chacun. Je vous remercie. Madame McGurn, vous avez la parole.

Suzanne McGurn, présidente-directrice générale, Agence des médicaments du Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au comité. Je vais parler de notre organisation et des façons dont nous appuyons les systèmes de santé, en particulier l’écosystème pharmaceutique, au Canada. L’agence est une organisation pancanadienne de la santé indépendante du gouvernement fédéral. Bien qu’elle porte un nouveau nom, l’Agence des médicaments du Canada a été créée il y a 35 ans, sous le nom d’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé, puis s’est appelée jusqu’à récemment l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, ou ACMTS. Nous avons pour mandat de veiller à ce que la population du Canada profite des progrès réalisés dans les technologies de la santé, notamment celles qui touchent les produits pharmaceutiques, en fournissant aux principaux dirigeants du secteur de la santé les évaluations critiques de données probantes utiles à leurs décisions.

Plus précisément, notre mandat consiste à coordonner, à exécuter et à faciliter la collecte, l’analyse, la création et la diffusion de données sur l’efficacité et le coût des médicaments et des technologies, leur incidence sur la santé et la pertinence de leur utilisation. Notre travail s’accorde aux priorités établies par la Conférence des sous-ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé.

L’Agence des médicaments du Canada est régie par un conseil d’administration composé de 13 membres et qui relève du Conseil des sous-ministres de la Santé. Notre conseil d’administration comprend un président non gouvernemental, sept membres représentant les gouvernements des provinces et des territoires, cinq membres représentant les systèmes de santé, le milieu universitaire, le public et, depuis peu, les patients, ainsi qu’un observateur nommé par la province de Québec. Je tiens à souligner que nous n’avons pas de pouvoir décisionnel et que, malgré le récent changement pour devenir l’Agence des médicaments du Canada, notre organisation maintient sa gouvernance indépendante et continue de fournir une expertise fondée sur des données probantes.

Le gouvernement fédéral fournit 75 % de notre financement, les gouvernements des provinces et des territoires en fournissent environ 11 %, et le secteur privé, environ 11 % également. Notre organisation compte 280 employés et nous prévoyons un modeste ajout qui ira jusqu’à 15 postes pour réaliser le nouveau travail de l’Agence des médicaments du Canada.

Notre rôle consiste à effectuer ce qu’on appelle des « évaluations des technologies de la santé » pour les médicaments approuvés par Santé Canada qui sont soumis aux programmes publics. Nous évaluons l’efficacité des médicaments comparativement à d’autres traitements à l’aide de données probantes, comme des données cliniques et économiques, et d’autres éléments, comme les points de vue des patients, les valeurs sociétales, l’incidence sur les systèmes de santé et d’autres considérations en matière d’éthique et d’équité.

Sur la base des données, nous formulons une recommandation à l’intention des décideurs du régime public d’assurance-médicaments. Cette recommandation guide les travaux de l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, l’APP. Certains estiment que ce travail s’apparente à l’objectif d’une enquête de consommation, soit de comparer des produits entre eux.

En outre, notre évaluation des médicaments après leur lancement répond aux questions de Santé Canada et des provinces et territoires sur leur innocuité et leur efficacité afin d’influer sur les politiques et les décisions futures. Pour accomplir notre travail, nous collaborons avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, des patients et des communautés, des cliniciens, l’industrie, des membres et des organisations des Premières Nations, Inuits et Métis, d’autres organismes du secteur de la santé et des partenaires internationaux.

Nous sommes reconnus pour notre capacité à mobiliser des groupes diversifiés afin de rassembler des personnes et des organisations pour relever des défis communs dans l’écosystème pharmaceutique grâce à des relations, des processus et l’utilisation efficace de données probantes.

En décembre, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de créer l’Agence des médicaments du Canada à partir de l’ACMTS. Ce changement s’appuie sur les forces de notre organisation en mettant l’accent sur trois nouveaux volets d’intervention : établir un programme pancanadien d’utilisation et de prescription appropriées, améliorer la collecte et l’analyse de données et améliorer la coordination et l’harmonisation du système. Si le projet de loi C-64 reçoit la sanction royale, de nouvelles missions nous seront confiées et nous sommes prêts à les mener à bien en collaboration avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi qu’avec les nombreuses parties prenantes. Lorsque nous amorcerons les travaux sur la liste nationale des médicaments, nous pourrons nous appuyer sur nos travaux antérieurs, y compris nos travaux les plus récents en 2022, lorsque nous avons réuni les parties prenantes pour définir l’approche qui permettrait d’établir une liste pancanadienne de médicaments. Nous utiliserons nos relations avec nos partenaires, en particulier l’APP, pour cerner les possibilités qui s’offrent au Canada d’exploiter davantage son pouvoir d’achat collectif et nous produirons une stratégie pancanadienne sur l’utilisation appropriée afin d’améliorer la prescription appropriée pour l’utilisation de médicaments qui s’appuie sur les travaux annoncés en décembre dernier.

Je me ferai un plaisir de vous fournir tout complément d’information dont vous auriez besoin dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Merci, madame McGurn.

Monsieur Tan, vous avez la parole.

Dominic Tan, chef de la direction par intérim, Alliance pharmaceutique pancanadienne : Bonjour. Merci de m’accueillir. Je suis heureux de pouvoir participer à cette importante audience du comité sénatorial.

L’Alliance pharmaceutique pancanadienne, l’APP, est une véritable réussite pancanadienne. Nous négocions au nom de tous les régimes publics d’assurance-médicaments canadiens, en combinant leur pouvoir de négociation pour obtenir des produits pharmaceutiques à bon prix. Nous n’évaluons pas les médicaments. C’est le travail de l’Agence des médicaments du Canada et de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, l’INESSS. Nous n’achetons pas non plus de médicaments. Cela relève de la compétence des provinces et des territoires.

Par contre, nous négocions de meilleurs prix pour les médicaments, et nous le faisons bien. Jusqu’à présent, nous avons conclu plus de 600 accords avec des fabricants de médicaments. L’APP permet à toutes les administrations publiques, grandes ou petites, de conclure des accords au même prix inférieur.

Qu’est-ce que cela signifie? Rien qu’au cours du dernier exercice, nous avons permis aux régimes publics d’assurance-médicaments d’économiser environ 4,6 milliards de dollars et, depuis notre création, on estime que nous avons économisé 24 milliards de dollars. Cet argent peut être réinvesti pour aider les Canadiens.

L’APP est le seul organisme responsable de la négociation des prix des médicaments pour les 14 gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral. Nous sommes donc heureux d’avoir la possibilité de discuter du projet de loi C-64 et du rôle clé que nous devons jouer dans la conduite des négociations relatives au régime national d’assurance-médicaments.

La durabilité sera essentielle. Les médicaments sont de plus en plus sophistiqués et de plus en plus chers, ce qui a déjà des répercussions sur les régimes publics d’assurance-médicaments. Cela aura un impact considérable sur l’abordabilité du régime national d’assurance-médicaments. Les économies réalisées grâce à l’APP peuvent aller de 0 à environ 90 %. Pourquoi 0 %? Eh bien, cela signifie que les fabricants ont écouté et qu’ils ont fixé le prix de leurs médicaments à un niveau très juste. En se présentant à la table des négociations avec un prix équitable, les fabricants de médicaments peuvent accélérer les négociations. Lorsque le prix des médicaments est très élevé par rapport aux données disponibles, les négociations traînent souvent en longueur.

La première phase de la mise en œuvre du régime national d’assurance-médicaments se concentrera sur les médicaments contre le diabète et les contraceptifs. Les négociations antérieures de l’APP ont permis de réaliser d’importantes économies pour ces catégories de médicaments et nous sommes ravis de mettre ce savoir-faire à profit pour que les gouvernements puissent aider un plus grand nombre de Canadiens.

Notre savoir-faire sera également nécessaire à mesure que d’autres médicaments seront ajoutés. Par exemple, les nouveaux traitements contre le cancer ou les médicaments pour les maladies rares peuvent être très coûteux. On parle parfois de millions de dollars pour un seul patient. Notre travail est essentiel pour garantir que le régime national d’assurance-médicaments soit à la fois abordable et viable.

À mesure que la liste des médicaments s’allongera, Santé Canada et l’Agence des médicaments du Canada devront veiller à n’y ajouter que de bons médicaments, cliniquement utiles et d’un bon rapport coût-efficacité. Il y a beaucoup de nouvelles thérapies, mais la nouveauté n’est pas toujours synonyme d’amélioration. Les nouvelles thérapies ne sont pas toutes efficaces ou ne le sont pas plus que des médicaments existants ou, souvent, plus abordables.

Nous devons également penser aux médicaments génériques. Ces médicaments sont essentiels à un régime d’assurance-médicaments abordable. Grâce à notre travail, il est possible de se procurer nombre d’entre eux à 25 % du prix du médicament de marque, soit une réduction de 75 %. Là encore, il s’agit d’économies importantes, qui permettront aux gouvernements de faire plus avec les budgets dont ils disposent.

En bref, nous possédons le savoir-faire et l’expérience nécessaires pour négocier le prix des médicaments pour tous les Canadiens dans le cadre d’un régime national d’assurance-médicaments. Il s’agirait d’une extension de notre système déjà performant. Nos interventions portent leurs fruits.

Innovative Medicines Canada, le Forum canadien des innovateurs spécialisés dans les maladies rares, ou RAREi, et l’Association canadienne du médicament générique — trois associations qui représentent les fabricants de médicaments — ont recommandé au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes d’éviter les doubles emplois et de tirer parti des efforts existants. Toutes trois ont mentionné l’important travail de l’APP.

Nous sommes impatients de continuer à soutenir tous les régimes publics d’assurance-médicaments et l’assurance nationale d’assurance-médicaments.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Nous avons beaucoup de questions à vous poser.

Monsieur Giroux, vous avez la parole.

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de l’invitation à comparaître devant vous. Nous sommes heureux d’être ici pour discuter de notre analyse du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments. Diarra Sourang, directrice de l’Analyse économique, m’accompagne aujourd’hui.

Conformément au mandat du directeur parlementaire du budget de fournir une analyse indépendante et non partisane au Parlement, en septembre 2017, mon bureau a publié une estimation du coût fédéral d’un régime national d’assurance-médicaments en réponse à une demande du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

Par suite d’autres demandes parlementaires, mon bureau a publié une estimation actualisée des coûts d’un régime universel d’assurance-médicaments à payeur unique en octobre 2023.

[Français]

Comme vous le savez, le projet de loi C-64 propose, dans le cadre de la première phase d’un régime national universel d’assurance médicaments, d’offrir une couverture universelle au premier dollar et à payeur unique pour une gamme de contraceptifs et de médicaments contre le diabète. L’objectif du programme est d’élargir et d’améliorer, plutôt que de remplacer, la couverture provinciale et territoriale existante.

J’estime que, s’il est mis en œuvre, le projet de loi C-64 fera augmenter les dépenses du gouvernement fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans. Cette estimation sous-entend que tous les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que par les assureurs privés le resteront aux mêmes conditions.

Diarra et moi serons heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir concernant notre analyse du projet de loi C-64 ou d’autres travaux de mon bureau.

Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci, monsieur Giroux.

Nous allons passer aux questions des sénateurs, la première venant de la vice-présidente, la sénatrice Cordy. Vous disposerez de quatre minutes pour poser votre question et obtenir la réponse.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie tous d’être ici.

Nous avons de la chance; lorsqu’on travaille pour le gouvernement, on bénéficie d’un bon régime d’assurance-médicaments. Les Canadiens n’ont pas tous cette chance.

Madame McGurn, savez-vous combien de Canadiens n’ont aucune assurance-médicaments et combien disposent de ce que j’appellerais une « couverture insuffisante », c’est-à-dire qu’ils doivent payer une quote-part, ce qui signifie qu’ils n’ont pas toujours accès aux médicaments?

Mme McGurn : Je suis désolée, nous n’avons pas fait ce travail. Nous savons que différents travaux de recherche ont été publiés, que ce soit par les assureurs privés, Innovative Medicines Canada ou d’autres. Ce n’est pas un travail que nous avons entrepris en tant qu’organisation, pas plus qu’il ne l’a été dans le passé.

En ce qui concerne la répartition entre les assureurs privés et les payeurs publics, sur 100 % des dépenses, un peu plus de 40 % sont financées par les assureurs privés et environ 38 % par les payeurs publics, le reste étant à la charge des consommateurs. Bien sûr, tout dépend de la manière dont on pose la question. Je ne voudrais pas me prononcer sur les recherches précises que d’autres ont menées sur ce sujet.

La sénatrice Cordy : J’ai regardé le titre; il s’agissait de responsables du secteur des soins de santé. J’ai pensé que quelqu’un serait en mesure de le faire. Je suis sûre que des témoins pourront nous en parler.

Je m’interroge également sur la mise en œuvre du régime d’assurance-médicaments. Madame McGurn et monsieur Giroux, vous avez parlé des médicaments qui seraient couverts. Pourriez-vous être plus précis en ce qui concerne les « produits connexes » : nous savons tous qu’il existe une pilule contraceptive, mais aussi des produits connexes. Quels produits connexes seraient couverts par ce projet de loi?

M. Giroux : D’après ce qui nous a été communiqué, il y a les médicaments pour le diabète. En ce qui concerne les contraceptifs, il y a les contraceptifs oraux et les dispositifs intra-utérins. Une liste a également été fournie dans le document d’information. Je peux la passer en revue. Je ne suis pas très au fait des éléments qu’elle renferme.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. Le rapport Hoskins parlait du processus progressif de mise en œuvre du projet de loi C-64. Qui sera chargé de suivre ce processus? Je comprends la nécessité d’une mise en œuvre progressive. On ne peut pas tout mettre en œuvre dès la première année ou d’un seul coup, j’en conviens. Qui sera chargé de superviser le processus? Est-ce que le ministère assurera la supervision pour garantir que le processus se déroule effectivement de manière progressive?

Mme McGurn : Comme je l’ai dit, l’Agence des médicaments du Canada est une organisation indépendante. Nous ne sommes pas un organe décisionnel. Nous travaillons à la demande des gouvernements.

Pour répondre à votre question précédente sur les produits susceptibles d’être couverts, nous évaluerions les produits envisagés. Par exemple, en ce qui concerne le diabète, des organisations comme la nôtre évalueraient des produits comme FreeStyle Libre et feraient des recommandations. Nous ne prenons pas la décision de les financer ou non.

Je le répète, dans le rôle que le projet de loi envisage de confier à l’Agence des médicaments du Canada, notre tâche consiste à fournir des éléments précis d’information fondés sur des données probantes pour guider l’avenir. En dehors de cela, le projet de loi ne prévoit pas pour nous de responsabilités permanentes.

M. Giroux : J’ajouterai que le projet de loi, dans son libellé actuel, est assez vague. Il confère des pouvoirs au ministre, mais ne prévoit pas grand-chose en matière de reddition de comptes et d’établissement de rapports sur les progrès réalisés. Il appartiendrait au ministre, au moyen de divers véhicules ministériels et, vraisemblablement, de comités — tels que le présent comité — de veiller à ce que le gouvernement soit tenu de rendre compte de la mise en œuvre de ses engagements.

La sénatrice Cordy : Merci.

La présidente : Madame McGurn, votre agence — si je me trompe, veuillez me corriger — est chargée de la stratégie nationale d’achat en gros. Pouvez-vous nous en parler?

Mme McGurn : Comme vous le savez, le projet de loi prévoit que le ministre doit demander des recommandations sur une stratégie d’achat en gros. Sans avoir reçu d’instructions, il serait juste de dire que ce travail serait accompli de la même manière que d’autres travaux, c’est-à-dire en rassemblant les meilleures données disponibles.

On pourrait s’attendre à ce que nous examinions ce qui se fait ailleurs. Existe-t-il d’autres modèles permettant d’obtenir des produits à de meilleurs prix que le Canada n’a peut-être pas utilisés?

Si nous prenons notre population, qui représente environ 2 % de la population mondiale, bien que notre marché soit robuste, se classant généralement dans les 10 premiers, nous divisons en fait notre pouvoir d’achat, comme M. Tan l’a dit. Les achats des régimes publics d’assurance-médicaments sont effectués séparément de ceux des hôpitaux, qui sont effectués séparément de beaucoup d’autres.

Je m’attendrais à ce que nous ayons pour rôle d’examiner les données probantes et les divers autres mécanismes qui pourraient être envisagés au Canada. Rien ne laisse supposer que nous serions responsables des achats en gros, d’après ma lecture du projet de loi.

La présidente : Merci pour cette précision.

La sénatrice Seidman : Je remercie tous les témoins de leur présence.

J’ai une question à poser à M. Giroux, si vous le permettez.

J’examine votre note sur l’évaluation du coût d’une mesure législative qui a été publiée le 15 mai 2024, le coût sur cinq ans. Vous dites que cette estimation suppose que tous les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les fournisseurs d’assurance privée, le seront toujours aux mêmes conditions.

Ma question est la suivante : pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi d’évaluer le coût du programme comme vous l’avez fait, en supposant qu’absolument rien ne changera dans la couverture offerte par les assureurs privés? Quels renseignements ont guidé cette décision?

Pensez-vous que le marché inciterait les assureurs privés à réduire ou à supprimer la couverture des médicaments qui seraient couverts par un régime public universel? Pourquoi ou pourquoi pas?

M. Giroux : C’est une très bonne question, madame la sénatrice.

La raison pour laquelle nous n’avons inclus aucun changement est que des ententes conclues avec les provinces pourraient les empêcher de se décharger de ces médicaments d’ordonnance particuliers sur le programme fédéral. Des règlements pourraient également être adoptés pour empêcher les assureurs privés d’agir de la sorte. Des paramètres pourraient être inclus dans les accords, ou non, mais la possibilité existe. Cela s’est vu au Québec, où si vous pouvez être couvert, vous devez l’être. Il n’y a aucune garantie que cela se produise, j’en conviens parfaitement.

Si nous devions inclure un changement, ou tenir compte d’un mouvement potentiel des assureurs privés ou des régimes publics existants vers le régime fédéral, il aurait été difficile de déterminer quelle partie serait touchée, parce qu’il n’y a pas beaucoup de données pour ces deux catégories de médicaments. Par contre, il est certain qu’il y a un encouragement à un tel mouvement. En fait, sans garanties législatives appropriées, je ne vois pas pourquoi cela ne se produirait pas avec le temps.

La sénatrice Seidman : Vous dites donc qu’il faudrait prévoir certaines garanties pour éviter que cela ne se produise?

Je vis au Québec, alors je sais que nous devons utiliser nos régimes privés si cette possibilité s’offre à nous.

M. Giroux : Oui.

La sénatrice Seidman : Ce projet de loi ne prévoit rien de tel, et la façon dont le partage se fera entre les provinces et le gouvernement fédéral n’est pas vraiment précisée non plus. On craint des dérives, mais rien n’est prévu à cet effet. Vous dites maintenant que le marché incite en réalité les assureurs privés à mettre fin à leur couverture.

M. Giroux : Tout à fait. Si le gouvernement offre un régime qui couvre 100 % des médicaments d’ordonnance pour le diabète et les contraceptifs, alors que les régimes privés doivent supporter ces coûts, il est évident qu’ils seront tentés de dire qu’ils suppriment cette couverture dans le cadre de négociations collectives, par exemple, et de dire aux employés de s’adresser au gouvernement fédéral pour obtenir les 20 % qui ne sont pas couverts; on pourrait tout aussi bien se rendre à 100 %. Vous êtes entièrement indemnisés à titre individuel. C’est l’incitation dont je parle et à laquelle vous faites probablement référence dans votre question.

La sénatrice Seidman : Exactement.

Vos estimations sont fondées sur le comblement de lacunes, l’objet même du projet pilote en cours dans l’Île-du-Prince-Édouard. Il s’agit d’un projet pilote de comblement des lacunes, qui est censé être un projet de démonstration du fonctionnement éventuel. Vos estimations sont fondées sur ce mécanisme.

Le ministre nous a décrit tout à l’heure la situation suivante : très bien, si nous avons un régime privé, nous pourrions choisir de conserver notre régime privé, mais il y aurait alors une miraculeuse quote-part qui serait payée, d’une manière ou d’une autre.

J’essaie donc de comprendre comment tous ces éléments vont s’imbriquer. Qu’en dites-vous?

M. Giroux : Je dis...

La présidente : Monsieur Giroux, le temps de parole de Mme Seidman est écoulé. La question est importante. Nous voulons des précisions. J’espère que d’autres intervenants pourront reprendre eux aussi cette question.

La sénatrice Osler : J’ai deux questions, l’une pour l’Alliance pancanadienne pharmaceutique et l’autre pour l’Agence des médicaments du Canada, s’il reste du temps.

Je vais commencer par l’Alliance pancanadienne pharmaceutique. Cela nous ramène à la question que j’ai posée à nos experts de Santé Canada. Les experts en matière d’assurance médicaments nous ont prévenus qu’une approche stratégique de la nation la plus favorisée pour les achats futurs de médicaments couverts dans le cadre du régime national d’assurance médicaments pourrait entraîner une augmentation des prix dans les régimes privés et publics. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Tan : Merci pour cette question, madame la sénatrice.

En réponse à votre question, je tiens à préciser que, pour l’Alliance pancanadienne pharmaceutique, à l’heure actuelle, notre mandat consiste à négocier les prix des médicaments pour les régimes publics d’assurance médicaments. Il n’inclut pas le mandat de négocier également pour le secteur privé. Il faut faire la distinction. Malheureusement, je ne pourrai pas en dire plus à ce sujet.

La sénatrice Osler : Je comprends votre rôle, mais je me demandais si vous aviez une opinion ou une précision à ce sujet. Je vous remercie.

Pour l’Agence des médicaments du Canada, vous avez dit que l’industrie fournit 11 % de votre financement. Le projet de loi C-64 ne crée pas l’Agence des médicaments du Canada par une loi et ne définit pas non plus ses pouvoirs, ses fonctions ou sa structure de gouvernance. Sans cela, comment l’Agence des médicaments du Canada pourra-t-elle faire preuve de transparence dans son processus décisionnel, se prémunir contre l’ingérence des entreprises et rendre des comptes aux Canadiens?

Mme McGurn : Merci pour votre question, madame la sénatrice.

Pour revenir à la question que vous avez posée à l’Alliance pancanadienne pharmaceutique, j’ai noté que vous avez évoqué dans votre question précédente la politique de la nation la plus favorisée, et ce serait le type de recherches dont nous prendrions probablement connaissance dans le cadre de l’élaboration de nos recommandations pour améliorer notre pouvoir d’achat. J’étais heureuse que cette question ait été soulevée plus tôt.

La sénatrice Osler : Je vous remercie.

Mme McGurn : Peut-être faudrait-il d’abord en dire plus sur la contribution de l’industrie à notre organisation et pourquoi, pour chaque nouveau produit envisagé dans le cadre d’un régime public d’assurance médicaments, ce n’est qu’à la demande de l’industrie que nous recevons un dossier sur un produit donné pour qu’il soit soumis à l’évaluation des technologies de la santé.

Lorsqu’il a été déterminé qu’il s’agissait d’un engagement important pour les provinces, les territoires, le gouvernement fédéral et l’industrie, il a été décidé à l’origine que le financement serait réparti à raison de 60-40 entre le gouvernement et l’industrie. Au fil de l’évolution de nos travaux, nous en sommes maintenant à un accord de partage des coûts en parts égales avec l’industrie, où elle verse jusqu’à 50 % des fonds aux fins du recouvrement des coûts des travaux que nous accomplissons pour envisager l’inscription de leurs produits sur la liste des médicaments assurés. Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires couvrent le reste.

Pour ce qui est de la manière dont l’Agence assurera sa transparence et tiendra compte des intérêts des entreprises, entre autres, notre conseil d’administration responsable est composé de fonctionnaires fédéraux et provinciaux de haut niveau, généralement des sous-ministres adjoints ou des sous-ministres. En outre, nous avons des participants issus de divers secteurs du système de santé qui fournissent des conseils et assurent une surveillance, y compris d’ordre fiduciaire.

Dans le cadre de notre responsabilité financière vis-à-vis du gouvernement fédéral qui, comme je l’ai dit, assure plus de 70 % de notre financement, nous avons conclu avec lui un accord de contribution qui renferme des dispositions très claires et détaillées en matière de reddition des comptes que nous devons remplir régulièrement tout au long de l’année afin de justifier les dépenses et l’utilisation de ces fonds.

Il convient de souligner que les fonds que nous recevons ne sont pas tous exclusivement destinés aux produits pharmaceutiques; une grande partie de notre travail est également d’ordre non pharmaceutique.

La présidente : Nous allons devoir nous arrêter là. Je suis sûre que nous pourrons revenir sur cette précision.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma première question s’adressera à M. Giroux.

J’aimerais avoir des détails concernant le montant de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans. On a pu lire que, puisqu’on va faire les achats en gros ou qu’on pense le faire, il y aura des économies qui seront potentiellement réalisées. Le rapport Hoskins parle d’environ 20 %.

Est-ce que tout cela a été pris en considération dans cette estimation?

Diarra Sourang, directrice, Analyse économique, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je vous remercie pour votre question. Je répondrais oui et non. Oui, dans la mesure où on l’a considéré, mais non, parce que c’est soit les provinces qui négocient et qui obtiennent les rabais elles-mêmes, soit le gouvernement fédéral qui négocierait et aurait un rabais d’une mesure semblable. Donc, c’est vraiment le rabais qui est actuellement accordé aux provinces qui serait potentiellement accordé au gouvernement fédéral, à condition que les provinces acceptent que le gouvernement fédéral se substitue à elles dans ces négociations et obtienne ce rabais. Donc, c’est vraiment perdre d’une main et récupérer de l’autre.

La sénatrice Petitclerc : Est-ce qu’on est en mesure de dire s’il y aura des économies qui seront réalisées, ou est-ce qu’on le saura dans l’avenir?

Mme Sourang : Il faudrait d’abord déterminer qui serait le payeur unique. Si ce sont toujours les provinces, comme c’est le cas actuellement, le gouvernement fédéral leur ferait un transfert, donc il n’y aurait pas d’économie en ce sens. Si les provinces acceptent de transférer ces responsabilités, le gouvernement fédéral aura ces rabais à leur place.

La sénatrice Petitclerc : Je comprends; merci, cela m’aide beaucoup.

J’aimerais revenir sur la question de la sénatrice Osler, parce que vous avez mentionné le chiffre de 11 % de l’industrie qui est représentée.

Je crois que j’ai compris la réponse, mais est-ce qu’on s’est bien assuré de l’autonomie et de l’indépendance des intervenants lorsqu’il s’agira de dresser ces listes? J’aimerais m’assurer que cette indépendance et cette distance vont exister.

Vous avez également parlé de ceux qui seront à la table lorsqu’il s’agira de faire ces choix et ces listes. Vous l’avez peut‑être déjà dit, mais est-ce que les clients ou les personnes concernées, d’une manière ou d’une autre, sont représentés?

[Traduction]

Mme McGurn : Merci pour cette question. Je suis désolée de ne pas pouvoir répondre en français.

La sénatrice Petitclerc : Ce n’est pas grave.

Mme McGurn : Je vais donner deux exemples de la façon dont nous faisons notre travail, puis je reviendrai à la question financière...

La présidente : Vous devez le faire en moins de 30 secondes.

Mme McGurn : La première chose que je dirais, c’est que tout notre travail est accompli — ce ne sont pas seulement les employés de notre organisation que nos comités représentent. Lorsqu’ils prennent des décisions et lorsque nous avons réuni des gens dans le passé, il s’agissait d’Autochtones, de patients, de cliniciens et d’un éthicien. Notre travail est multifactoriel. Ce sont eux qui formulent des recommandations et ce sont ces recommandations que nous soumettons aux décideurs gouvernementaux.

La présidente : Merci. Nous en resterons là.

La sénatrice Moodie : Ma question s’adresse à vous, madame McGurn.

La façon dont vous formulez vos attentes sur la manière dont vous vous livrerez à l’activité à laquelle ce projet de loi laisse croire qu’on vous demandera de vous livrer me rend perplexe. Le paragraphe 8(1), intitulé « Liste nationale des médicaments », et l’article 9, intitulé « Stratégie nationale d’achat en gros » font tous deux référence au fait que — oui, j’en conviens — le ministre vous le demandera, mais vous vous attendez que la demande viendra dans l’année qui suivra la sanction royale. Vous devez être en train de planifier en conséquence.

Comment l’Agence se prépare-t-elle à jouer ce rôle, à créer une liste nationale, ce qu’on vous demande de faire? Vous savez que cela va arriver, et on vous demande de la fournir.

La deuxième partie concerne une stratégie d’achat en gros. Vous n’êtes pas du tout passifs dans ce domaine. Vous allez piloter ce processus, si j’ai bien compris. Pour rappel, si j’ai bien compris, le budget de 2019 prévoyait 35 millions de dollars sur quatre ans pour que cette organisation soit établie, créée et préparée afin d’avoir le bon type de culture interne, la capacité d’innovation et le cran pour mener à bien ce processus. En êtes‑vous là?

Mme McGurn : Merci pour cette question. Je vais y répondre dans l’ordre inverse. Pour préciser, les 35 millions de dollars annoncés dans le budget de 2019 n’étaient pas destinés à notre organisation, mais au Bureau de transition vers une Agence canadienne des médicaments, ce que nous ne sommes pas. Nous sommes l’Agence des médicaments du Canada. Notre financement faisait partie de l’annonce de décembre dernier qui annonçait 89 millions de dollars pour notre organisation, ce qui se traduit par un peu plus de 12 millions de dollars pour cette année.

Je vais répondre à vos autres questions : sommes-nous bien conscients que nous devons accomplir ce travail dans des délais extraordinairement serrés? Oui, nous en sommes conscients. Toutefois, il ne serait pas prudent de notre part d’entreprendre les travaux sans y avoir été invités, mais cela signifie que nous avons eu la chance de nous préparer à le faire. Par exemple, nous avons déjà travaillé trois fois sur des listes de médicaments. Nous avons pu examiner ces travaux dans leur ensemble, les leçons à retenir et les principaux enseignements à en tirer. Nous avons également pu interroger les représentants d’organisations, telles que l’Organisation mondiale de la santé, sur sa liste modèle des médicaments essentiels, afin de nous fournir une base pour lancer le travail.

De même, en ce qui concerne les achats en gros, nous nous renseignons sur les différentes façons dont les produits sont achetés actuellement au Canada, et nous étudions les pratiques exemplaires à l’échelle internationale. Cependant, notre travail s’effectue par l’entremise de comités délibératifs composés de nombreuses parties prenantes. Nous n’avons pas encore formé ces comités, mais nous avons certainement travaillé à l’élaboration du type de structures que nous envisageons. Sur la base de travaux antérieurs, plus récemment sur la liste des médicaments de 2022, je dirais qu’il est très probable que nous recherchions une composition représentative de l’ensemble du pays, en mobilisant différents participants et parties prenantes, notamment des patients, des cliniciens, des éthiciens et des représentants de différentes communautés. Nous en sommes au stade des préparatifs, mais nous ne commencerons pas le travail avant l’octroi de la sanction royale, et nous aurons un plan pour nous mettre en branle. Il est évident que nous devrons faire des ajustements en fonction des demandes.

La sénatrice Moodie : J’aimerais ajouter une question. J’ai communiqué avec le personnel du bureau de transition. Je crois savoir que des protocoles ont été élaborés et transmis. Il y a donc déjà un flux et un échange d’information qui guident la direction que vous devriez prendre.

Pouvez-vous nous aider à comprendre où vous en êtes?

Mme McGurn : Il est important de reconnaître que le Bureau de transition de l’Agence canadienne des médicaments a annoncé en décembre trois volets de travail qui diffèrent, sauf un, du contenu du projet de loi. L’annonce de décembre concernant les 89,5 millions de dollars portait sur trois volets de travail liés à l’amélioration des données et des analyses, l’élaboration d’une stratégie d’utilisation appropriée et l’amélioration de l’harmonisation des systèmes.

Il est certain que nous disposons de tous les travaux qu’ils nous ont transférés, là où ils en étaient, et nous avons été en mesure de commencer à poursuivre tous ces travaux.

La présidente : Merci, madame McGurn. Je suis désolée, j’ai l’impression de vous couper sans cesse la parole. Je vous prie de m’excuser.

Mme McGurn : Je ne vous en tiens pas rigueur.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à M. Giroux.

Concernant l’étude que vous avez faite et qui prouve que la mise sur pied de ce régime coûtera 1,9 milliard de dollars au gouvernement fédéral, avez-vous eu l’occasion de regarder les économies directes et indirectes associées à la prévention des complications? Par exemple, le pied d’une personne diabétique coûte extrêmement cher au système de santé. Avez-vous des données qui pourraient vous permettre de tenir compte de cela pour voir si on a des économies à faire en prenant les devants?

M. Giroux : C’est une question qui m’est posée assez souvent sur d’autres programmes ou estimations de coûts. Malheureusement, on ne fait pas d’évaluation coût-bénéfice. On fait l’analyse des coûts, mais on a rarement le mandat d’estimer les bénéfices, ce qui pourrait être difficile dans certains cas. La réponse courte est non.

Par contre, on sait qu’il y a environ 14 % des coûts qui sont liés à de nouvelles ordonnances qui ne sont pas remplies, probablement en raison des coûts. Cela inclut ces ordonnances additionnelles qui seraient remplies puisque les médicaments seraient fournis ou payés par le gouvernement fédéral.

La sénatrice Mégie : Parfait. Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Merci d’être ici, monsieur Giroux.

Pour faire suite à la question de la sénatrice Mégie concernant l’analyse coûts-avantages, vous dites que ce n’est pas ce que vous faites normalement. J’ai entendu le ministre dire que les médicaments contre le diabète permettraient à eux seuls d’économiser 30 milliards de dollars en coûts de santé. Très bien. Je me demande si votre bureau devrait se pencher sur ce dossier en raison du rapport coût-bénéfice. C’est la première question que je vous poserai.

Monsieur Tan, en ce qui concerne la stratégie d’achats en gros, quel type d’économies pensez-vous que nous pourrions réaliser à l’échelle nationale si nous généralisions les achats en gros? Cette question s’adresse à vous, mais je vais commencer par vous, monsieur Giroux.

M. Giroux : Merci, madame la sénatrice. C’est quelque chose que nous pourrions faire si un comité nous le demandait.

La sénatrice Burey : Très bien.

M. Giroux : Nos ressources sont limitées. Pour effectuer une analyse coûts-avantages, il faut formuler une série d’hypothèses et examiner de nombreuses variables. C’est un travail qui nécessite beaucoup de ressources. Si un comité de la Chambre ou du Sénat nous demande de le faire, cela s’inscrit beaucoup plus haut sur la liste des priorités de notre plan de travail.

La sénatrice Burey : Au préalable, puisqu’il me reste plus de temps, pourriez-vous faire des recommandations précises?

Vous avez parlé avec la sénatrice Seidman de l’importance, dans les règlements, de veiller à ce que les personnes qui ont une assurance privée la conservent.

Après tout, nous voulons que les personnes qui n’ont pas d’assurance y aient accès, ce qui permettra au système de santé de faire des économies. Avez-vous des recommandations à formuler à cet égard?

M. Giroux : Tout d’abord, nous ne faisons pas de recommandations, en règle générale.

La sénatrice Burey : Très bien, je ne voudrais pas vous mettre des mots dans la bouche.

M. Giroux : Pour répondre à votre question, nous estimons actuellement qu’environ la moitié des coûts que nous avons estimés iront aux personnes qui ont déjà une couverture. Sur les 1,9 milliard de dollars que nous avons estimés, environ la moitié irait à des personnes déjà couvertes par des régimes publics ou privés.

Si le gouvernement souhaitait limiter le risque de délestage des coûts, il pourrait rédiger une réglementation très stricte disant : « Si vous avez une assurance privée, adressez-vous d’abord à elle et nous couvrirons le reste. Si vous avez un régime public provincial, adressez-vous d’abord à lui et nous couvrons ce qui n’est pas couvert, et c’est tout. »

La sénatrice Burey : Je vous remercie.

Monsieur Tan, veuillez nous faire part de votre réponse.

M. Tan : Merci pour votre question, madame la sénatrice.

En ce qui concerne votre question sur l’achat en gros, je tiens tout d’abord à préciser que l’APP ne fait pas d’achats. Nous négocions les prix en vue de leur remboursement par les administrations publiques et les régimes d’assurance médicaments.

Notre mandat consiste à négocier les prix des médicaments pour le compte des régimes publics d’assurance médicaments pour l’ensemble du pays. Cela signifie que notre mandat nous est également conféré par nos membres. Cela dit, il est certain que nous sommes impatients d’en savoir plus sur ce que représente l’achat en gros, car nous sommes certainement heureux de collaborer avec nos partenaires. En fin de compte, nous voulons contribuer à améliorer la santé des Canadiens.

La sénatrice Burey : Je m’en tiendrai là. C’est bien.

La sénatrice Bernard : J’ai une question pour M. Tan, puis je céderai le reste de mon temps à la sénatrice Seidman. J’ai été intriguée par la question que vous avez posée tout à l’heure et qui est restée en plan. Permettez-moi de poser ma question, puis vous pourrez reprendre là où vous vous êtes arrêtée.

Monsieur Tan, les gens ont souvent l’impression — je l’entends souvent — que les médicaments génériques ne sont pas aussi bons que les médicaments d’ordonnance de marque. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Je sais que dans votre déclaration liminaire, vous avez évoqué l’économie que représentait l’achat de médicaments génériques.

M. Tan : Merci pour cette question, madame la sénatrice.

En ce qui concerne les médicaments génériques, notre rôle à l’APP est de négocier les prix pour les régimes d’assurance médicaments afin que nous puissions offrir la possibilité d’une meilleure couverture.

Il existe des différences entre les médicaments de marque et les médicaments génériques. L’APP ne prend pas en compte ces différences. En fait, ces médicaments sont homologués par les autorités de réglementation, Santé Canada. En fait, nos collègues de Santé Canada seraient probablement mieux placés pour répondre à cette question.

La sénatrice Seidman : Merci. J’essaierai d’y revenir. Je remercie ma collègue, la sénatrice Bernard, de me permettre de revenir sur la conversation que nous avons eue au sujet de l’établissement des coûts, et plus particulièrement sur la façon dont tout cela sera intégré lorsqu’il y aura une assurance privée, une couverture et des régimes et, maintenant, une couverture fédérale supplémentaire.

Dans votre évaluation des coûts, vous nous avez dit qu’il est tentant pour les assureurs privés de supprimer leur couverture. Vous nous avez dit que la moitié des coûts iraient à des personnes qui ont déjà un régime, et vous êtes donc favorable à une réglementation.

J’essaie de comprendre tous ces éléments : l’assurance privée, la couverture et les régimes provinciaux et maintenant, le régime fédéral. Comment envisagez-vous la manière la plus rentable possible de fonctionner, avec tous ces éléments? Comme les sénatrices Burey et Bernard l’ont dit, nous voulons que cette couverture profite aux personnes qui n’ont pas d’assurance. Pourquoi la moitié des coûts devraient-ils profiter à des gens qui ont déjà un régime d’assurance?

M. Giroux : C’est une question de conception. Le projet de loi prévoit qu’il assurera une couverture complète. Si vous avez un régime en raison de votre travail — comme les personnes ici présentes —, il est rare qu’il couvre 100 %. Si vous achetez des médicaments contre le diabète, vous êtes généralement remboursé à 80 %. La différence de 20 %, la quote-part, est à votre charge. La moitié du coût va aux personnes qui ont besoin de récupérer les 20 % restants.

Si l’on veut limiter la possibilité pour les régimes privés et les régimes publics de se délester de ces coûts sur le dos des provinces, il faut rédiger un projet de loi ou un règlement qui oblige à s’adresser d’abord à son assureur privé ou à sa province. Les autorités fédérales ne couvriraient alors que le reste.

D’après ce que j’ai vu jusqu’à présent, il n’existe aucune disposition à cet effet. Il est possible — du moins d’après le libellé actuel du projet de loi — qu’une compagnie d’assurance astucieuse se dise : « Écoutez, il y a un payeur aux poches pleines. » Puis elle supprime discrètement une partie de la couverture pour le diabète et les contraceptifs, non pas — et vlan! — le jour même de la sanction royale du projet de loi, mais progressivement au fil du temps. C’est tout à fait possible. Les projets de loi ou les règlements doivent être rédigés avec soin pour se prémunir contre cette éventualité.

La sénatrice Seidman : Le régime du Québec le prévoit-il?

M. Giroux : Je ne sais pas s’il prévient la disparition graduelle ou l’érosion des régimes privés d’assurance médicaments. Il empêche toute personne qui a accès à un régime privé par l’entremise de son employeur, ou autrement, de se retirer et d’opter pour le régime public.

La présidente : J’ai une brève question, monsieur Giroux. D’après vos explications, il ne me semble pas que le gouvernement fédéral soit le premier payeur. Ai-je bien compris? Si le gouvernement intervient à la fin pour payer la partie qui comble l’écart, alors il n’est pas le premier payeur.

M. Giroux : C’est probablement une question de terminologie.

La présidente : Je vous remercie.

Le sénateur Cormier : C’est assez complexe à comprendre.

[Français]

Je vais poser une question très simple que j’aurais peut-être dû poser au gouvernement. Selon les informations que j’ai en main, 97,2 % des Canadiens ont accès à une forme d’assurance médicaments. Seulement 2,8 % des Canadiens ne sont admissibles à aucune assurance médicaments. Le gouvernement fédéral propose de transformer en profondeur l’assurance médicaments pour donner accès à tout le monde à ces deux médicaments.

Est-ce que, sur le plan financier, le gouvernement fédéral n’aurait pas eu intérêt à cibler la portion de la population qui n’a pas accès à des médicaments? En d’autres mots, est-ce qu’il y a une évaluation financière qui nous permettrait d’évaluer quels auraient été les coûts pour les fonds publics si le régime avait ciblé strictement les 2,8 % des Canadiens qui n’ont pas accès à une assurance médicaments? C’est peut-être trop simpliste comme question, mais je la pose.

M. Giroux : Les questions les plus simples sont souvent celles qui vont le plus au fond des choses. Pour répondre partiellement à votre question, on estime qu’environ 75 000 Canadiens n’ont pas de couverture et seraient couverts pour le diabète en vertu du projet de loi C-64. Donc, 60 000 Canadiens auraient une couverture alors qu’ils n’en ont aucune et 530 000 Canadiennes qui n’ont probablement pas d’assurance médicaments pour les contraceptifs seraient couvertes avec le projet de loi C-64. Je ne sais pas si les proportions sont les mêmes, mais ce sont nos estimations basées sur les données auxquelles nous avons eu accès. Il serait possible de rédiger un projet de loi qui limiterait la couverture à ceux et celles qui n’ont aucune couverture et éviter de rembourser ceux qui sont déjà remboursés à 80 % ou qui bénéficient déjà d’une couverture auprès d’un régime provincial.

Par contre, les régimes provinciaux ont souvent tendance à être très chiches dans leur couverture. Ils couvrent une faible partie du coût réel du médicament. Ils plafonnent. Par exemple, dans le cas de certains contraceptifs, Diarra me disait que certaines provinces remboursent un maximum de 0,30 $ ou 0,40 $ par comprimé pour les contraceptifs oraux, alors que les coûts sont beaucoup plus élevés.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La présidente : Est-ce que cela irait à l’encontre du principe d’universalité?

M. Giroux : C’est une bonne question. Cela dépend de votre définition de l’universalité. Parlons-nous de gratuité pour tout le monde ou de couverture pour tout le monde?

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de votre présence. Ma première question s’adresse à M. Giroux. Vous avez évalué le coût du projet de loi C-64 à 1,9 milliard de dollars sur cinq ans en supposant le maintien du statu quo entre les assureurs privés, les régimes provinciaux et ainsi de suite. Avez-vous calculé le coût d’un système à payeur unique pour ces médicaments? Quel en serait le coût? Savez-vous quel serait le coût si le gouvernement payait la totalité du coût des médicaments?

M. Giroux : Nous avons effectué une simulation dans laquelle le gouvernement fédéral paierait les médicaments contre le diabète et les contraceptifs sans aucune couverture du secteur privé ni aucune couverture provinciale ou territoriale, et le coût passerait de 1,9 à 5,7 milliards de dollars.

La sénatrice Dasko : C’est 5,7 milliards de dollars; très bien. J’aimerais revenir à M. Tan et poursuivre la discussion sur les points que la sénatrice Burey a soulevés plus tôt au sujet des économies prévues dans les ententes susceptibles d’être négociées en fonction des dispositions du projet de loi. Avez‑vous une idée des économies éventuelles, compte tenu des travaux que vous accompliriez dans ce dossier? Avez-vous une idée des économies que vous pourriez obtenir? Vous avez dit que vous négociez des accords, mais vous avez parlé de réaliser des économies dans le cadre de votre travail. Pouvez-vous approfondir ce point?

M. Tan : Bien sûr. J’ai dit que l’APP négocie actuellement les prix des médicaments pour les administrations publiques et que nous avons obtenu des économies considérables qui se chiffrent en milliards de dollars. Ces économies sont liées aux négociations que nous menons depuis de nombreuses années. C’est là que les économies s’accumulent, et elles sont basées sur des négociations portant à la fois sur les médicaments de marque et les médicaments génériques.

Nous ne connaissons pas encore tous les détails des achats en gros tels qu’ils sont décrits dans le projet de loi actuel. C’est ce que nous devons mieux comprendre et ce sur quoi nous devons collaborer avec nos partenaires afin de savoir si le mandat peut être exécuté ou non.

La sénatrice Dasko : Est-il vrai que vous n’avez pas encore été en mesure de calculer les économies potentielles pour ces médicaments?

M. Tan : C’est exact; aucune économie n’a été calculée parce que nous ne savons pas ce que cela implique. On ne nous a pas communiqué l’information, ou l’information n’est pas encore disponible.

La sénatrice Dasko : Cependant, les économies que vous avez pu réaliser dans le passé s’élèvent à 4,6 milliards de dollars. Lorsque vous parlez de ces économies, quel est votre prix de comparaison? Calculez-vous les économies sur la base des prix américains pour ces médicaments? Est-ce que c’est là que se situent les économies que vous calculez?

M. Tan : Bonne question. Les économies sont liées au prix de la liste publique ou au prix fixé par le fabricant. Les économies sont la différence entre le prix public fixé par les fabricants et le prix que nous négocions, à l’APP.

La sénatrice Dasko : S’agit-il du prix pour le marché américain et pour le marché canadien, ou y a-t-il une différence?

M. Tan : Nous ne négocions que pour le Canada et les programmes d’assurance médicaments canadiens, et les prix que nous négocions sont des prix confidentiels, de sorte qu’ils ne s’appliquent qu’aux administrations publiques canadiennes.

La présidente : Merci, monsieur Tan. Le temps alloué à cette partie de notre étude est malheureusement écoulé. Si les sénateurs ont d’autres questions, je suis sûre que les témoins seront heureux d’y répondre par écrit. Chers collègues, nous reprendrons notre étude du projet de loi C-64 demain matin à 11 h 30. Je suis impatiente de vous y voir.

Je remercie nos témoins et je vous prie encore une fois de m’excuser, madame McGurn, de vous avoir interrompue si souvent.

(La séance est levée.)

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