LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 25 septembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 16 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar et je suis une sénatrice de l’Ontario.
[Traduction]
Je suis présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance-médicaments. Avant de commencer, j’invite mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Bienvenue au comité. Je m’appelle Jane Cordy, et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Burey : Soyez les bienvenus. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Senior : Paulette Senior, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Osler : Gigi Osler, sénatrice du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bonjour. René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Brazeau : Bonjour. Patrick Brazeau, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis ici, en territoire non cédé des Algonquins anishinabeg.
[Français]
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, sénatrice de la Saskatchewan.
La présidente : Merci, chères collègues.
Parmi le premier groupe de témoins, nous accueillons Laura Syron, directrice générale de Diabète Canada, et Glenn Thibeault, directeur exécutif, Affaires gouvernementales, qui comparaissent en personne. Nous accueillons également Deborah Owusu-Akyeeah, codirectrice d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels. Nous accueillons Monica Kocsmaros, dirigeante principale des relations externes de la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile, qui comparaît par vidéoconférence. Merci de vous joindre à nous. Nous allons entendre d’abord Mme Syron, qui sera suivie de Mme Kocsmaros et de Mme Owusu-Akyeeah. Chacune aura cinq minutes pour son exposé, après quoi mes collègues poseront des questions. Madame Syron, je vous en prie.
Laura Syron, directrice générale, Diabète Canada : Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du comité.
L’accès à des médicaments et à des dispositifs pour diabétiques atténue le risque de complications et aide à éviter les hospitalisations coûteuses. Or, ces médicaments et dispositifs peuvent coûter des milliers de dollars par année. En fait, selon une étude de Diabète Canada, les coûts assumés par le patient pour les médicaments, dispositifs et fournitures pour diabétiques au Canada peuvent atteindre 18 000 $ par année s’il ne peut compter que sur la couverture publique.
Pour au moins le quart des diabétiques, en particulier ceux qui vivent dans des collectivités en quête d’équité en matière de santé, ces coûts mettent souvent hors de portée les traitements prescrits. Ces malades s’exposent donc à des risques importants pour leur santé à court et à long terme.
Voilà pourquoi le projet de loi C-64 est si important et voilà pourquoi Diabète Canada est un intervenant de premier ordre dans le débat sur cette mesure depuis sa présentation. Nous continuons de soulever des préoccupations au sujet de sa mise en œuvre, comme nous l’avons fait en mai dernier, lorsque nous avons comparu devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. À ce moment-là, nous avons signalé des lacunes importantes dans la couverture, lacunes qui, malheureusement, persistent dans le cas des diabétiques et subsisteront dans le programme d’assurance-médicaments proposé.
Au moment où nous comparaissons devant vous, nous croyons que ces problèmes n’ont pas encore été réglés. Par conséquent, nous avons trois grandes recommandations visant à améliorer le projet de loi C-64.
Premièrement, il faut s’assurer que les listes publiques des médicaments assurés sont complètes et inclusives et qu’elles constituent un engagement constant à l’égard de l’amélioration des soins.
Deuxièmement, il faut prévoir dans la loi une disposition de « non-préjudice », comme celle qui figure dans la Loi sur la prestation dentaire.
Troisièmement, il faut prévoir des fonds suffisants dans le budget de 2025 et au-delà pour financer un programme national complet d’assurance-médicaments pour les médicaments contre le diabète.
Le diabète est une maladie complexe pour laquelle il existe un ensemble de nouvelles thérapies et technologies en constante expansion et qui devraient être disponibles dans la panoplie des soins possibles. À mesure que le programme d’assurance-médicaments évoluera, les listes publiques de médicaments devraient être revues, non seulement pour assurer une couverture plus complète et inclusive, mais aussi pour appuyer les soins adaptables, collaboratifs et personnalisés qu’exige une gestion efficace du diabète.
Les stratégies de gestion du diabète devraient être conformes aux Lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada, les LDPC, qui guident ceux qui dispensent des soins de santé et les aident à prendre des décisions éclairées. Or, l’ébauche actuelle de liste des médicaments contre le diabète du programme d’assurance-médicaments ne correspond pas à nos LDPC, et sa portée est limitée. Elle exclut de nombreux traitements essentiels et comprend des produits dépassés. Il faut élargir et mettre à jour la liste pour qu’elle tienne compte des LDPC.
Nous avons donc préparé un rapport comparatif que nous avons communiqué au comité pour indiquer les lacunes du programme par rapport aux LDPC et aux paramètres des Services de santé non assurés pour les Premières Nations et les Inuits.
Par conséquent, nous recommandons une liste plus complète qui serait dressée en consultation avec des personnes qui ont été affectées par le diabète, des experts en soins de santé, les provinces, les territoires et les communautés autochtones.
Nos intervenants continuent de soulever un autre sujet d’inquiétude : les conséquences que le régime public pourrait avoir pour la couverture des médicaments contre le diabète par les régimes privés. Nous devons veiller à ce que les assurés ne perdent pas l’accès à des médicaments qui sont déjà couverts par leur régime privé et qui ne figurent pas sur les listes du régime public.
Le ministre de la Santé du Canada a déclaré publiquement qu’il s’attendait à ce que la couverture assurée par les régimes privés ne soit pas modifiée à cause du programme, et le directeur parlementaire du budget a publié ses conclusions sur les coûts de ce programme en fonction du maintien de l’assurance-maladie privée et des listes publiques existantes. Toutefois, le libellé actuel de la loi qui prévoit une couverture universelle, à payeur unique et sans franchise s’écarte de ces deux positions.
Par conséquent, nous demandons l’ajout d’une disposition de « non-préjudice » afin d’éviter toute conséquence imprévue pour ceux qui ont actuellement une assurance privée. Des mesures de protection semblables ont été prévues dans la Loi sur la prestation dentaire qui a déjà été adoptée et qui pourrait servir de modèle au projet de loi à l’étude.
Pour être complet, le programme national d’assurance-médicaments doit être doté du niveau de financement voulu pour couvrir une vaste gamme de médicaments et éliminer les lacunes dans la couverture. Nous demandons donc au gouvernement du Canada d’augmenter l’affectation budgétaire prévue pour le programme et de l’accélérer.
L’engagement initial de 1,5 milliard de dollars sur 5 ans devrait servir de base de financement, et non constituer un plafond. Comme le coût annuel des médicaments contre le diabète est estimé à près de 4 milliards de dollars par année, l’affectation budgétaire initiale en 2024 — qui est répartie entre les médicaments pour diabétiques et les contraceptifs — ne fournit qu’un soutien de base par rapport aux besoins.
Depuis l’annonce du projet de loi C-64, nous avons constaté de la bonne volonté dans les provinces et les territoires, ce dont témoigne l’annonce récente d’un protocole d’entente avec la Colombie-Britannique, mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche. Il reste encore beaucoup à faire à propos du lancement du fonds assurant l’accès aux dispositifs médicaux.
Je conclus. Nous continuons d’encourager le Parlement du Canada à agir de façon réfléchie et à tenir compte de tous les diabétiques, afin d’élaborer un programme qui vise à améliorer l’accès à des médicaments et à des dispositifs qui peuvent transformer leur quotidien.
Merci.
La présidente : Merci. Madame Kocsmaros, vous avez la parole.
Monica Kocsmaros, agente principale des relations externes, Fondation de la recherche sur le diabète juvénile : Merci, madame la présidente.
Bonjour aux membres du comité.
La Fondation de la recherche sur le diabète juvénile, ou FRDJ, est le plus important organisme de bienfaisance au monde qui se concentre sur l’accélération de la recherche visant à guérir, à prévenir et à traiter le diabète de type 1 et ses complications, et qui aide à améliorer chaque jour la vie de ceux qui en sont atteints. Nous intercédons également pour les quelque 300 000 Canadiens qui vivent avec le diabète de type 1, en faisant entendre leur point de vue sur des questions cruciales comme le programme national d’assurance-médicaments.
La FRDJ appuie l’objectif de rendre l’accès aux médicaments et aux dispositifs pour le traitement et la gestion du diabète de type 1 équitable et abordable pour tous les Canadiens. Le respect du choix du patient doit être une priorité.
Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune permanente. Le système immunitaire détruit les cellules productrices d’insuline dans le pancréas, le malade ayant besoin pour survivre de multiples injections d’insuline chaque jour. La gestion du diabète est un fardeau financier important pour les Canadiens touchés, et de nombreux traitements et dispositifs demeurent hors de portée pour certains. Nous sommes heureux que, dans le projet de loi C-64, le gouvernement mette l’accent sur le diabète et le coût élevé de la gestion de la maladie.
Bien que nous soyons d’accord sur l’intention qui sous-tend le projet de loi C-64, soit offrir un accès sans obstacle aux traitements pour les diabétiques, nous souhaitons formuler deux recommandations et lancer une mise en garde pour nous assurer que le projet de loi C-64 répond aux besoins de tous ceux qui ont le diabète de type 1.
D’abord, à la lumière des consultations menées auprès des fournisseurs de soins de santé et des personnes atteintes de diabète de type 1, nous voudrions que la liste finale élaborée reflète la teneur des Lignes directrices de pratique clinique établies par Diabète Canada. Il est important que les médecins aient des options thérapeutiques pour tenir compte des grandes variations dans les réactions et la tolérance de chaque patient à un médicament donné afin que les patients puissent y avoir accès, vu qu’un type d’insuline peut bien fonctionner pour un patient et pas pour un autre. Il s’agit de soins très personnalisés. Et comme les fournisseurs de soins se réfèrent à ces Lignes directrices de pratique clinique, les insulines qui y figurent devraient être disponibles pour tous les soins aux patients.
En concentrant les efforts de l’assurance-médicaments sur les personnes les plus vulnérables — celles qui ne sont pas assurées ou qui sont sous-assurées —, vous pouvez augmenter les options de traitement qui leur sont offertes pour les aider à éliminer les effets secondaires, à améliorer les résultats pour la santé et à assurer une plus grande équité. Cette liste devrait également être mise à jour à mesure que les LDPC évoluent.
Deuxièmement, le programme national d’assurance-médicaments ne devrait empêcher personne de se prévaloir de la couverture d’assurance existante pour avoir accès à l’insuline. Il faut mettre en place un plan pour veiller à ce que les Canadiens aient toujours accès à la même insuline grâce à l’actuelle couverture d’assurance lorsque le projet de loi C-64 s’appliquera.
Nous voudrions faire état d’une préoccupation au sujet des modalités de mise en œuvre : les changements apportés à la couverture. Le projet de loi contribuera à faire en sorte que les personnes sous-assurées et non assurées puissent avoir accès à l’insuline dont elles ont besoin, mais cela fait apparaître un risque, soit que l’existence d’une liste nationale incite les assureurs privés à retirer la couverture de l’insuline à ceux qui dépendent actuellement d’une assurance privée pour obtenir leur traitement.
Nous savons que les détails d’un fonds spécial pour les dispositifs médicaux sont à venir, mais nous serions heureux d’avoir plus d’information et de consultation à ce propos le plus tôt possible. Bien des Canadiens atteints de diabète de type 1 comptent sur ces dispositifs qui changent tout dans leur existence en améliorant leur état de santé et en atténuant les complications qui mettent leur vie en danger. Plus nous tardons à mettre ce fonds en place, plus les Canadiens qui n’y ont pas accès doivent attendre.
La FRDJ appuie les mesures législatives qui améliorent l’accès aux médicaments pour les Canadiens atteints de diabète de type 1. Nous appuyons le projet de loi s’il est à la hauteur de l’intention du législateur, qui est d’assurer un accès réel et équitable, et s’il ne compromet la situation d’aucun Canadien. Nous nous attendons à ce que la liste nationale finale, dans le cas des traitements du diabète de type 1, reflète les Lignes directrices de pratique clinique afin que les Canadiens aient accès à l’insuline dont ils ont besoin. Nous voulons aussi nous assurer que les Canadiens qui comptent sur l’assurance privée ne seront pas touchés par la mise en vigueur du projet de loi.
Il est essentiel que la mise en œuvre de cette mesure législative soit adéquate afin qu’elle tienne sa promesse non seulement pour les personnes atteintes de diabète de type 1, mais aussi pour tous les Canadiens qui bénéficieront de ce programme à l’avenir.
Merci.
La présidente : Merci beaucoup, madame Kocsmaros. Madame Owusu-Akyeeah, vous avez la parole.
Deborah Owusu-Akyeeah, codirectrice des politiques et du plaidoyer, Action Canada pour la santé et les droits sexuels : Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
Action Canada pour la santé et les droits sexuels et sexuels est une organisation nationale qui se fait le champion de la santé et des droits sexuels et reproductifs au Canada et dans le monde entier. Tout comme la Fédération pour le planning des naissances du Canada, nous travaillons en étroite collaboration avec notre réseau de centres de santé sexuelle qui offrent des soins au niveau local partout au Canada. Ensemble, ils servent des centaines de milliers de Canadiens.
Notre équipe dirige également des programmes utilisés par des milliers de Canadiens chaque année pour contacter les services de santé sexuelle et génésique. Le travail que nous faisons nous apporte des renseignements précieux sur ceux qui ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin et sur leur situation concrète.
Une chose est très claire pour ceux d’entre nous qui s’intéressent à l’accès aux soins de santé : le projet de loi, même s’il n’est pas parfait, doit être adopté. Il s’agit d’une étape cruciale vers l’amélioration de la santé des Canadiens. C’est pourquoi Action Canada fait partie d’une vaste coalition d’organisations de la santé et de syndicats qui, ensemble, représentent des millions de Canadiens. Nous appuyons l’adoption du projet de loi, y voyant une étape vers un régime d’assurance-médicaments universel, public, à payeur unique et sans franchise. C’est une question qui fait l’objet d’un large consensus parmi les organisations de la société civile au service des Canadiens. C’est aussi un signe que sont entendues les revendications de ceux qui veulent que notre système de santé soit une priorité politique.
Nous nous réjouissons du fait que les contraceptifs sont l’une des deux catégories de médicaments offerts au cours de la première phase. L’absence de moyens de contraception abordables et accessibles est un grave problème de santé publique qui touche les femmes de façon disproportionnée. La plupart des Canadiens continuent d’utiliser les méthodes de contraception les moins efficaces simplement parce que ce sont celles qui coûtent le moins cher.
Chaque année, 40 % des grossesses ne sont pas voulues. La planification familiale est importante pour le bien-être des personnes, des familles et des collectivités. Parmi les femmes qui ont eu recours à l’avortement en Colombie-Britannique, 70 % ont déclaré ne pas avoir de couverture pour les produits contraceptifs. Cela va à l’encontre de statistiques trompeuses qui donnent à penser que la plupart des Canadiens sont assurés et que le projet de loi est inutile.
Avant que la Colombie-Britannique n’offre une couverture universelle pour les contraceptifs, les données montraient que 40 % de ceux qui avaient accès aux contraceptifs avant que cette couverture ne soit offerte payaient 100 % de leur poche, et que 20 % de plus avaient un ticket modérateur. Cela signifie que les options sont limitées pour ceux qui ne peuvent se permettre d’acheter des contraceptifs parce qu’ils n’auraient plus de quoi payer le loyer. Après la mise en place du programme, la proportion de ceux qui paient de leur poche leurs contraceptifs de prédilection non assurés par le programme public est tombée à moins de 10 %.
Des études ont mis en lumière une augmentation rapide de la dispensation de contraceptifs avec un passage aux méthodes les plus efficaces, comme les dispositifs intra-utérins, par rapport aux méthodes moins efficaces et moins coûteuses. L’impact sur les personnes est un facteur, mais il faut aussi tenir compte de l’impact sur les familles et les communautés en général. Ces effets ont une dimension intergénérationnelle.
L’étude Turnaway a examiné les répercussions à long terme du refus d’un avortement, ce qui nous donne un aperçu de l’impact profond de l’absence d’outils de planification des naissances. Les femmes à qui on a refusé un avortement ont des problèmes de santé physique plus graves au fil du temps, avec une incidence accrue de douleurs chroniques et d’hypertension, chez celles qui ont poursuivi une grossesse non prévue ou non désirée.
Les personnes vulnérables aux prises avec des difficultés économiques importantes sont également plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, d’avoir des cotes de crédit plus faibles et de s’endetter davantage. Elles ont moins souvent un emploi à temps plein et dépendent plus souvent des aides publiques. De plus, elles risquent davantage de demeurer en contact avec des partenaires violents et d’avoir du mal à subvenir aux besoins de leurs enfants. Et ceux-ci risquent davantage de vivre dans la pauvreté et d’éprouver des problèmes de développement.
La contraception constitue également une excellente étude de cas illustrant le problème de l’approche qui consiste à combler les lacunes. La prescription de contraceptifs est stigmatisée, et bon nombre de personnes qui sont vulnérables, contraintes ou dépendantes d’une relation avec le titulaire du régime peuvent ne pas avoir accès à la couverture. C’est particulièrement vrai dans le cas des relations marquées par la violence et pour les jeunes.
Nous contestons les descriptions simplistes de la couverture d’assurance et les renseignements trompeurs qui ont été communiqués, laissant entendre que les Canadiens n’ont pas besoin d’un régime universel d’assurance-médicaments. La réalité sur le terrain dit le contraire.
Pour conclure, je dirai que l’assurance-médicaments universelle est une mesure rentable et qu’elle renforce l’infrastructure de notre société à long terme. Il s’agit d’une approche préventive à l’égard de nombreuses questions complexes qui exercent des pressions sur les secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation. Les défenseurs des soins de santé sont clairs : ce projet de loi est important et doit être adopté parce que c’est une première étape vers un régime universel d’assurance-médicaments dont les Canadiens pourront s’enorgueillir.
La présidente : Merci beaucoup aux témoins de leurs exposés liminaires. Nous allons maintenant passer aux questions de nos collègues. La première viendra de la vice-présidente, la sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Merci aux témoins, qui ont tous présenté des arguments très convaincants en faveur du projet de loi sur l’assurance-médicaments. Je vous remercie beaucoup des propos que vous avez tenus.
Ma première question s’adresse à Mme Owusu-Akyeeah. Vous avez dit que le projet de loi, même s’il n’est pas parfait — je siège au Sénat depuis longtemps, et je ne suis pas certaine d’avoir jamais vu un projet de loi parfait, à moins qu’il ne se résume à une seule phrase —, est une première étape. Vous avez parlé du large consensus à cet égard parmi les professionnels de la santé.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Ce matin, je parlais du projet de loi à un groupe. Nous recevons tous beaucoup d’appels téléphoniques et nous rencontrons des gens, mais comme nous avons peu de temps, nous ne pouvons pas entendre tout le monde. Ce groupe a fait remarquer que nous avons déjà un programme d’assurance-médicaments dans les hôpitaux, car les patients hospitalisés reçoivent des médicaments gratuitement. Le problème, c’est que, souvent, les patients se retrouvent à l’hôpital faute d’avoir eu les bons médicaments jusque-là. Qu’en pensez-vous?
Vous avez aussi dit que les contraceptifs peuvent être des produits pharmaceutiques stigmatisés. Au cours des échanges, on a signalé le cas d’une adolescente qui s’adresse à ses parents pour faire couvrir l’achat de ces produits par leur régime de soins de santé. On ne devrait pas en arriver là. Madame Syron, peut‑être pourriez-vous aussi donner votre avis.
Mme Owusu-Akyeeah : Absolument. À propos du premier point, il est vrai qu’on a accès aux produits pharmaceutiques dans les hôpitaux, mais le consensus général qui se dégage parmi les organisations de la société civile et qu’elles cherchent à faire valoir porte sur l’accès. Avec un régime universel d’assurance-médicaments, l’accès assurerait l’uniformité dans l’ensemble du Canada. À l’heure actuelle, les régimes d’assurance-médicaments auxquels certains peuvent avoir accès ne couvrent pas tous les types particuliers de contraceptifs. Les recherches montrent que, lorsque la femme peut choisir un contraceptif qui lui convient — car il n’y a pas deux corps identiques —, elle est plus portée à l’utiliser. Lorsque les produits sont réglementés dans un hôpital, ce qui est encore inaccessible pour bien de gens, l’accès à des contraceptifs qui pourraient réellement être bénéfiques est limité.
Avec ce projet de loi comme première étape, ce que nous pouvons voir, c’est un meilleur accès au contraceptif le plus utile que chacun peut choisir pour répondre à ses besoins et obtenir les meilleurs résultats possible sur le plan de son bien-être.
La sénatrice Cordy : Merci. Madame Syron, qu’en pensez‑vous?
Mme Syron : Merci de la question. Le diabète est probablement une maladie qui illustre parfaitement ce dont vous parlez.
Je dirai d’abord que si je comparais en ma qualité professionnelle de directrice générale de Diabète Canada, j’ai aussi le diabète de type 2. Je parle donc d’expérience. La solution, quand on souffre de diabète, c’est de gérer la maladie de façon à éviter de se retrouver à l’hôpital. Les diabétiques s’efforcent d’éviter les complications. Il y a cinq complications, principalement : 40 % de toutes les crises cardiaques au Canada sont causées par le diabète, et la proportion est de 30 % dans les cas des accidents vasculaires cérébraux, de la cécité, des amputations et de l’insuffisance rénale. Tous ceux qui ont ces problèmes se retrouvent à l’hôpital.
L’enjeu dont il est ici question, c’est l’accès aux médicaments qui aident à prévenir ou à ralentir ces complications. Nous essayons de donner aux malades des médicaments au bon moment pour qu’ils puissent gérer leurs journées et ne jamais se retrouver à l’hôpital. Et s’ils finissent par être hospitalisés, c’est beaucoup plus tard.
Vous avez parlé de la stigmatisation, sénatrice. Le diabète est une maladie extrêmement stigmatisée. Même moi qui suis atteinte du diabète de type 2, je me fais dire : « Tu es paresseuse, tu l’as bien cherché, tu n’as pas eu un mode de vie sain. » Certains m’ont demandé : « C’est d’origine génétique ou attribuable à votre mode de vie, Laura? » Il y a beaucoup de stigmatisation, et il est avéré que la stigmatisation empêche les malades de respecter leur régime.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup aux témoins de leurs témoignages convaincants, comme ma collègue l’a dit, je crois.
Je me reporte au mémoire de Diabète Canada. Dans votre conclusion — je pense que vous avez souligné ce point, mais j’y reviens, avec votre permission —, vous écrivez :
Bien qu’il s’agisse d’une avancée notable en matière de soutien aux soins de santé pour les personnes atteintes de diabète au Canada, le projet de loi C-64 doit élargir sa liste de médicaments non seulement pour assurer une couverture plus diversifiée, mais aussi pour soutenir les soins collaboratifs et individualisés, qui sont la pierre angulaire des Lignes directrices pour la pratique clinique.
Il s’agit de « soins individualisés ». Vous poursuivez :
La liste de médicaments limitée proposée rend les soins individualisés presque impossibles et peut avoir un impact négatif sur notre système de santé et sur la santé des personnes vivant avec le diabète en proposant des thérapies sous-optimales...
Vous dites encore :
... un programme national d’assurance-médicaments assorti d’une liste de médicaments limitée peut avoir une incidence sur le choix; les professionnels de la santé pouvant considérer cette liste de médicaments comme définitive sans collaborer avec la personne vivant avec le diabète ni discuter de toutes les options thérapeutiques.
Outre le fait que la liste de médicaments ne correspond pas aux Lignes directrices de pratique clinique, vous insistez aussi sur la nécessité que les Canadiens conservent leur régime privé pour s’assurer d’obtenir les médicaments dont ils ont besoin. Je crois, madame Kocsmaros, que vous avez dit exactement la même chose.
Vous n’avez peut-être pas entendu le témoignage du directeur parlementaire du budget, la semaine dernière. Il a dit très clairement que les assureurs privés ont maintenant un incitatif commercial à cesser de couvrir les médicaments contre le diabète et les contraceptifs parce qu’ils seront couverts par le programme d’assurance-médicaments. Ainsi, les Canadiens perdraient progressivement leur assurance privée. Il a été très clair à ce sujet.
Pourquoi les assureurs privés offriraient-ils une couverture si le système public assume les coûts? Autrement dit, ce sont les contribuables qui vont payer. Il a calculé le montant que cela allait coûter pour maintenir l’assurance provinciale et l’assurance privée.
Appuieriez-vous un amendement conforme à ce que le directeur parlementaire du budget nous a proposé, c’est-à-dire exiger que le régime national d’assurance-médicaments soit le deuxième payeur afin qu’aucun diabétique ne risque de perdre sa couverture privée?
Mme Syron : D’abord, merci de votre question. Et merci d’avoir lu notre rapport. C’est vraiment important pour nous. Le diabète n’est pas une maladie qui se manifeste de la même façon pour tout le monde. Comme mon collègue de la FRDJ l’a dit, différents médicaments conviennent différemment aux patients, et ce n’est pas seulement une question de coût. Il s’agit de nos corps et il s’agit de savoir ce qui marche ou non.
Pour répondre à votre question, je dirai que nous sommes en faveur d’un régime d’assurance-médicaments — tout ce qui permet aux diabétiques d’avoir plus facilement accès aux médicaments dont ils ont besoin —, mais notre deuxième recommandation, qui nous tient à cœur, est que nous ne pouvons nuire à personne en agissant de la sorte.
Nous croyons que tous les esprits éclairés réunis autour de cette table sont d’accord sur le principe de « non-préjudice ». Par exemple, dans la prestation des soins dentaires, on a prévu d’excellentes dispositions visant à éviter de causer un préjudice. Donc, si une personne a déjà une couverture, tout va bien.
Comment en arriver là et quel est le mécanisme qui permet de le faire? Nous dirions que nous appuyons le projet de loi, mais que, que pour toutes les raisons que vous venez d’énumérer, sénatrice, nous voulons qu’il comporte une disposition de non‑préjudice.
Glenn Thibeault, directeur exécutif, Affaires gouvernementales, Diabète Canada : Je voudrais intervenir.
La présidente : Désolée, c’est impossible, mais je suis persuadée que la question sera posée à maintes reprises parce que ce problème nous préoccupe.
La sénatrice Osler : Merci à tous les témoins qui sont là. J’ai une question à vous poser à vous trois. Commençons par Action Canada. Ce sera ensuite Diabète Canada et enfin la FRDJ.
De nombreux intervenants ont exprimé diverses préoccupations au sujet du projet de loi C-64. D’abord, il n’y a pas de normes ni de critères nationaux pour assurer l’uniformité d’un programme national d’assurance-médicaments au Canada. Et le programme final dépendra des ententes bilatérales qui seront négociées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. Au moins une province a dit qu’elle souhaitait se retirer.
Voici ma question : un programme national d’assurance-médicaments devrait-il varier d’une province ou d’un territoire à l’autre?
Mme Owusu-Akyeeah : Chez Action Canada, notre travail consiste à examiner l’accès aux services de santé sexuelle et génésique. Nous constatons que le problème de l’accès inégal d’une province à l’autre demeure dans notre pays. La cohérence d’un bout à l’autre du pays est pourtant nécessaire afin que les gens puissent accéder à des services fondamentaux et à des médicaments susceptibles d’améliorer leur qualité de vie. À mon avis, la cohérence entre provinces et territoires est primordiale pour obtenir les résultats escomptés et produire un effet optimal sur la vie des personnes.
Mme Syron : Ma réponse à cette question est que nous croyons fermement qu’il doit exister une vaste gamme d’options pour les diabétiques, car, comme je l’ai déjà dit, le diabète se manifeste différemment pour chaque personne. Nous avons conçu nos Lignes directrices de pratique clinique à cette fin : on y présente des normes cohérentes, élaborées à partir de données probantes. Les médicaments qui y figurent sont recommandés en fonction des plus récentes données scientifiques. Nous nous y référons constamment et aimerions qu’elles servent de référence aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Comment votre liste de médicaments se compare-t-elle à nos lignes directrices? L’uniformité est essentielle. Nous disposons d’un outil clair pour les personnes atteintes de diabète au Canada : la liste de médicaments normalisée. À l’heure actuelle, la liste est différente d’une province à l’autre.
C’est sur elle qu’il faut se fier, sénatrice. Au bout du compte, nous voulons que les personnes atteintes de diabète aient un meilleur accès aux médicaments dont elles ont besoin. S’il s’agit d’un tremplin vers cet accès — à l’aide de nos Lignes directrices de pratique clinique pour garantir la meilleure pharmacopée —, alors nous l’appuierons.
La sénatrice Osler : Merci. Et qu’en est-il de la témoin de la FRDJ?
Mme Kocsmaros : Je vous remercie de la question. Je suis d’accord avec ma collègue. La santé des Canadiens devrait constituer une priorité absolue pour tous les ordres de gouvernement, point à la ligne. Il faut une approche uniforme quant à ce qui est couvert pour les personnes vivant avec le diabète de type 1. Cette approche uniforme doit faire en sorte que la liste de médicaments publique, qu’elle soit provinciale, fédérale ou territoriale, reflète les Lignes directrices de pratique clinique. Nous ne voulons plus voir cette couverture disparate, établie en fonction de l’endroit où chacun habite. Au bout du compte, nous souhaitons voir une couverture uniforme et équitable dans toutes les provinces et tous les territoires.
La sénatrice Osler : Merci aux témoins.
[Français]
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à Mme Syron, de Diabète Canada. Le Conference Board du Canada a déposé un mémoire dans lequel on parlait des coûts liés aux complications du pied diabétique. On sait que cette complication coûte très cher en soins, en services et en médicaments. Y a-t-il un organisme qui aurait fait l’étude coûts-bénéfices? J’ai déjà posé la question et il n’y a pas encore d’analyse coûts-bénéfices sur le tapis. On nous dit que cela coûtera très cher au gouvernement. Cependant, si l’on parvient à prévenir les complications majeures, y aurait-il un bénéfice à tirer? Avez-vous des données à ce sujet?
[Traduction]
Mme Syron : C’est une excellente question, et j’aimerais pouvoir vous dire que nous avons plus de données. En réalité, les données sur le diabète sont très mal recueillies au Canada, c’est là l’un de nos défis, et nous en discutons abondamment avec les différents gouvernements. Il est parfois même difficile de savoir combien de personnes vivent avec le diabète de type 2 et le diabète de type 1, sans parler des complications. En toute honnêteté, je dois vous répondre qu’il n’existe aucun rapport de données clair et présentable qui afficherait les résultats de l’ajout des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, des complications rénales et des amputations. Beaucoup de données indiquent — et elles constituent la base de nos lignes directrices — que plus on traite en amont pour éviter ces complications, plus la valeur économique des traitements est importante et plus ils amélioreront la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. Je vous ai entendue dire dans vos remarques préliminaires que l’on peut s’attendre, si le projet de loi est déposé tel quel, à des conséquences inattendues. Ai-je bien compris? Quelles seraient ces conséquences inattendues?
[Traduction]
Mme Syron : Essentiellement, ce que je disais, c’est que s’il n’y a pas de disposition sur le principe de « ne pas nuire », ce qui a déjà été soulevé ici demeurerait préoccupant. Je vais me citer en exemple : je prends deux médicaments pour gérer mon diabète. L’un d’eux figure sur la liste de médicaments actuellement incluse dans le projet de loi, mais pas l’autre. Celui qui est absent de la liste est couvert par mon assurance privée.
Si mon assurance privée cessait de couvrir ce médicament, il faudrait que je paie moi-même la facture.
Sur le plan financier, par voie de conséquence involontaire, les gens pourraient trouver encore plus difficile de payer les médicaments. L’objectif même de ce projet de loi est d’amener plus de gens à prendre les bons médicaments, mais il pourrait arriver, par voie de conséquence involontaire, que moins de gens prennent le bon médicament, et ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Mme Kocsmaros : Notre espoir et notre objectif sont de faire en sorte que ce projet de loi donne un accès équitable et abordable aux Canadiens qui ont besoin de l’insuline pour leur survie et qui n’ont pas actuellement les moyens de se l’offrir. Reste à déterminer le mécanisme qui permettra d’y arriver. Compte tenu de la définition des termes, je ne suis pas certain — je ne suis pas juriste — si le libellé empêche quiconque d’avoir accès à sa couverture d’assurance actuelle. Je ne lis rien de tel, mais s’il y a un risque, il faut trouver un moyen de l’atténuer et de veiller à ce que les gens puissent continuer d’avoir accès à leur couverture actuelle.
La sénatrice Moodie : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. Ce que j’entends me laisse un peu perplexe, car la liste de médicaments définie par l’assurance-médicaments sera administrée de façon uniforme dans tout le pays. Tous les médicaments figurant sur cette liste seront disponibles dans toutes les provinces au pays. Le problème n’est pas là, à mon avis. Le problème est de savoir quels médicaments seront sélectionnés.
J’aimerais ajouter une observation sur l’introduction de l’assurance privée : quels assureurs se retireront et lesquels continueront à servir leurs clients? C’est ce qui déterminera l’équité et la disponibilité de cette assurance collective, car différentes personnes auront un niveau de couverture différent en fonction de leur assurance privée. C’est un tout autre sujet, et je vous demande : comment faut-il gérer la question des assureurs dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi, éventuellement? Que faut-il prévoir dans le projet de loi pour éviter l’érosion de la couverture?
Ma deuxième question est la suivante : à la lumière de toutes les discussions que nous avons entendues sur le traitement de maladies en amont pour prévenir certaines complications en aval, croyez-vous qu’il serait préférable d’avoir un projet de loi sur l’assurance-médicaments qui va jusqu’à offrir certains des médicaments que nous considérons comme idéaux et qui permettent aux gens d’obtenir une certaine couverture, pas nécessairement la couverture de luxe, mais une couverture de base?
Il y a là deux questions. Je me concentre sur le diabète parce que la conversation porte majoritairement sur le diabète.
Mme Syron : La première question porte sur l’érosion de la couverture. Je reviens à la disposition sur « ne pas nuire ». C’est l’une de nos trois recommandations.
Deuxièmement, il est absolument essentiel que le libellé de la loi précise que sa mise en œuvre doit être guidée par le principe de ne pas nuire. En fait, j’adore l’expression érosion de la couverture. Je pense que c’est ce que nous voulons, c’est-à-dire qu’il y ait des garanties dans le libellé du projet de loi, comme il y en avait dans la loi sur les soins dentaires, selon lesquelles si vous détenez une assurance, vous la conserverez.
Cela m’amène à votre deuxième question, que je trouve excellente. Est-il préférable d’en détenir une que de ne pas en avoir du tout? Si une personne ne détient aucune assurance pour le diabète à l’heure actuelle... Il y en a beaucoup dans ce pays, juste au cas où vous ne le sauriez pas, nous sommes quatre millions à vivre avec le diabète au pays. C’est une maladie très répandue. C’est un nombre énorme. Les gens sont souvent surpris du nombre de personnes qui vivent avec le diabète au Canada.
Nous ignorons le nombre exact, mais nous savons qu’un important pourcentage de ces gens ne sont pas assurés, pour revenir à la question des données. Si une personne n’est pas du tout assurée, ce projet de loi sur l’assurance-médicaments va améliorer sa condition pour l’avenir.
De plus, si l’on songe à créer une liste de médicaments plus complète, le concept de couverture de luxe ne tient pas. Comme personne vivant avec le diabète, je ne suis pas passée d’un médicament moins coûteux à un médicament plus coûteux. Je cherchais simplement un médicament qui gère ma glycémie. Mon corps est génétiquement constitué différemment du vôtre. En fait, les médicaments les moins chers pourraient très bien me convenir. Ce n’est pas une question de coût, il faut plutôt essayer différents produits et, si l’un ne fonctionne pas, en essayer un autre. L’efficacité d’un médicament n’est pas liée à son coût. Il faut l’essayer pendant un certain temps. Est-ce que votre temps dans la plage glycémique cible est acceptable? Gère-t-il convenablement votre glycémie?
La réponse à votre question, c’est qu’il est préférable d’en avoir quelques-uns que de n’en avoir aucun. Essayez de concevoir la liste de médicaments comme une boîte à outils, de sorte que lorsque je suis assise en face de mon fournisseur de soins de santé, nous puissions gérer le diabète de Laura de la meilleure façon possible.
La sénatrice Moodie : Quel est le pourcentage de personnes qui dépendent de médicaments ne figurant pas sur ces listes?
La présidente : Nous reviendrons sur cette question.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma première question s’adresse à Mme Syron. Vous avez bien expliqué votre cas. Vous avez besoin de deux médicaments pour le diabète : l’un serait couvert par ce nouveau régime et l’autre le serait par votre assureur privé ou non. J’aimerais comprendre le défi en ce qui concerne l’assurance privée. Si ce nouveau régime public couvre un médicament contre le diabète, pourquoi l’assureur privé refuserait-il de couvrir le deuxième médicament dont vous avez besoin?
[Traduction]
Mme Syron : Il faudrait probablement poser la question aux assureurs privés. Il y a eu d’importants investissements dans le domaine du diabète et de nombreux nouveaux médicaments vont bientôt arriver. À mesure que ces nouveaux médicaments deviendront disponibles, qu’ils traitent le cancer ou le diabète, le régime public devra procéder à une analyse. De quel médicament s’agit-il? Combien de personnes sont susceptibles de l’utiliser? Combien coûte-t-il? Tout cela prend du temps.
De plus, différents employeurs souscrivent différents régimes d’assurance. Un employeur peut offrir une couverture de base, sans plus, cela dépend de l’entreprise et de ce qu’elle est prête à offrir.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je vous remercie pour cette réponse.
Selon l’article 8 du projet de loi C-64, après discussion avec les provinces et territoires, le ministre devra demander à l’Agence canadienne des médicaments d’élaborer une liste des médicaments d’ordonnance et de produits connexes essentiels qui servira de point de départ à l’élaboration d’une liste nationale de médicaments pour un régime d’assurance médicaments national et universel. Si je comprends bien, il y a une liste de départ et il y aura des médicaments qui seront ajoutés à cette liste. Êtes-vous inquiète que les médicaments nécessaires au diabète ne soient pas inclus dans cette liste en développement?
[Traduction]
Mme Syron : Oui, bien évidemment, car il s’agit de médicaments essentiels au maintien de la vie. Nous sommes préoccupés, mais, une fois de plus, il existe déjà des lignes directrices de pratique clinique normalisées. Nous espérons qu’on s’y référera au cours de ce processus, car elles sont fondées sur des données probantes.
Les Lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada sont parmi les meilleures à l’échelle mondiale pour le traitement des personnes. Si un traitement se trouve dans les Lignes directrices de pratique clinique, j’espère qu’il fera partie de cette discussion. Mais pour en revenir à l’autre question — si nous devons faire de plus petits pas, quitte à ce que seuls quelques médicaments soient offerts et que des personnes qui ne sont pas du tout assurées y aient accès et améliorent leur sort, comme je l’espère —, je vous répondrais absolument. Ma première recommandation, donc, est de veiller à ce que la liste soit exhaustive.
[Français]
Le sénateur Cormier : Dois-je comprendre qu’on ne peut pas dire que la liste en développement n’inclura pas les médicaments dont vous avez besoin? On n’est pas certain parce qu’on n’a pas cette liste; est-ce que je comprends bien?
[Traduction]
M. Thibeault : Il y a un exemple que j’aimerais utiliser. Sur la liste de référence actuelle qui a été transmise lorsque le projet de loi a été présenté, se trouvent certains médicaments à l’insuline. Deux des variétés d’insuline énumérées sont très importantes pour environ 300 ou 400 personnes au pays qui utilisent de l’insuline d’origine animale. Sont-elles importantes? Elles sont très importantes pour les personnes qui les utilisent, mais, comme notre collègue de la FRDJ l’a mentionné, il y a plus de 300 000 personnes qui consomment de l’insuline chaque jour. De 300 à 400 personnes utilisent l’insuline d’origine animale, et c’est essentiel pour elles. Il faut tenir compte de la situation dans son ensemble et s’assurer d’inclure tous les médicaments, car ils sont essentiels pour chaque personne.
C’est pourquoi nous continuons d’insister et d’affirmer que la liste de médicaments de référence doit inclure le plus grand nombre de produits issus du guide de pratique clinique, de sorte que les soins personnalisés puissent être inclus.
Le sénateur Cormier : Merci.
La sénatrice Bernard : Merci à vous tous d’être ici. J’ai quelques questions et une observation. J’aimerais commencer par Mme Syron.
Votre remarque sur la stigmatisation m’a amenée à divulguer que je vis avec le diabète de type 2. Cela fait plus de deux décennies. Ma condition est très bien gérée, et deux de mes trois médicaments ne figurent pas sur cette liste. Lorsque j’ai lu votre rapport et que j’ai regardé la liste, j’ai constaté que les questions que vous posiez trouvaient écho dans ma propre réalité. Mais ce n’est pas seulement ma réalité à moi : la moitié des membres de ma famille souffrent de diabète. Il y a une forte prévalence du diabète dans notre communauté ainsi que dans les communautés des Premières Nations.
J’aimerais poser une question au sujet des différents groupes de la population qui sont les plus touchés par la non-adhésion à un traitement en raison de ses coûts. Quelle différence ce projet de loi ferait-il pour eux?
Mme Syron : Je vous remercie de votre question. Merci d’avoir fait cette révélation, car c’est parfois difficile de le faire. C’était certainement le cas pour moi.
Sur les quatre millions de personnes qui vivent avec le diabète, près de 30 % sont issues de communautés en quête d’équité en matière de santé. Cela représente 30 % de quatre millions de personnes. Ces quatre communautés sont, d’une manière générale, les communautés autochtones en premier lieu, mais aussi les communautés noires, les communautés d’Asie du Sud et les communautés d’Asie de l’Est.
Ce que nous savons également — et cela est très similaire à certaines statistiques —, c’est que ce sont les personnes qui ont en fait le moins accès à l’équité pour une foule d’autres raisons socioéconomiques. En fait, les personnes les plus touchées par la maladie sont celles qui ont le plus de mal à accéder à l’équité. C’est la raison pour laquelle nous sommes un ardent défenseur de cette cause, car les taux de diabète sont beaucoup plus élevés dans ces communautés. Là encore, plus tôt vous aiderez les gens à accéder à l’équité en matière de santé, meilleurs seront les résultats à long terme.
La sénatrice Bernard : Dans quelle mesure cette prévalence plus élevée est-elle liée aux déterminants sociaux de la santé pour les groupes que je qualifie de groupes méritant l’équité, et non de groupes en quête d’équité?
Mme Syron : C’est une très bonne question. Il est certain que le statut et les facteurs socioéconomiques jouent un rôle important, mais il en va de même pour la génétique et les facteurs environnementaux. Dans la population autochtone, les traumatismes liés à la colonisation jouent aussi un rôle non négligeable. Nous constatons de plus en plus que la santé mentale a une incidence sur le diabète, et ce fardeau peut être porté par certains groupes plus que d’autres.
Il y a un mélange de facteurs, mais il est certain que le statut socioéconomique joue un rôle important. Mais ce n’est pas tout.
La sénatrice Bernard : Vous avez mentionné d’autres déterminants sociaux de la santé, ou ce que nous pourrions appeler des déterminants structurels de la santé, et il y a donc une intersectionnalité.
Mme Syron : Il y a le revenu et l’éducation. Si l’on compare les personnes qui n’ont pas terminé leurs études secondaires à celles qui les ont terminées, la prévalence du diabète est presque deux fois plus élevée, par exemple.
La sénatrice Bernard : Merci.
La sénatrice Pate : Je remercie nos témoins. Ma question s’adresse à chacun d’entre vous, en commençant par Action Canada, puis Diabète Canada et enfin la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile.
Je reviens tout juste de réunions internationales sur l’assurance-médicaments, et l’une des choses qui sont ressorties très clairement est que le problème le plus important est certainement celui de la confidentialité dont disposent les entreprises pharmaceutiques et qu’elles conservent dans le cadre de leurs négociations. L’une des choses qui m’ont frappée, c’est que dans les pays dotés d’un système universel à payeur unique, les compagnies d’assurance privée volontaire continuent de participer et de financer des médicaments qui ne sont pas financés par ces processus d’assurance universels à payeur unique.
J’ai remarqué que, dans le rapport Hoskins, on disait que ce genre de modèle permettrait aux employeurs d’économiser jusqu’à 750 $ par employé par année. Lorsque les employeurs ont été interrogés, 85 % d’entre eux ont déclaré qu’au lieu d’envisager de réduire la couverture privée, ils investiraient les économies ainsi réalisées dans la fourniture d’autres types de couverture ou de prestations de santé à leurs employés.
Cela étant, je suis curieuse de savoir si vous êtes d’accord pour dire que cela indique probablement que les assureurs privés au Canada vont aussi continuer à couvrir les médicaments, en particulier les médicaments contre le diabète et les contraceptifs qui ne sont pas actuellement couverts par le système à payeur unique proposé par le projet de loi C-64. Et plus généralement…
La présidente : Madame la sénatrice Pate, vous posez cette question à trois collègues, et vous avez moins d’une minute pour chacun. Je suis désolée, mais vous voulez les réponses, n’est-ce pas?
La sénatrice Pate : Oui, en effet.
Mme Owusu-Akyeeah : J’ajouterai simplement que, comme je l’ai mentionné précédemment, nous sommes largement d’accord avec de nombreux syndicats. Je peux tous les citer. Je pense qu’un élément clé est la possibilité pour les compagnies d’assurance privées de couvrir en plus ce qui sera couvert par l’État. Si les dirigeants syndicaux n’en tenaient pas compte, ils ne seraient pas solidaires d’organisations comme Action Canada.
Je tiens à souligner qu’il s’agit d’une occasion qui a été cernée par ceux qui offrent des régimes d’assurance aux travailleurs partout au pays. Je pense qu’il s’agit d’une excellente occasion à saisir dans le cadre de ce projet de loi.
Mme Kocsmaros : Je vous remercie de la question. Nous croyons qu’il y a un risque que la couverture d’assurance puisse être retirée avec la mise en œuvre d’un programme national d’assurance-médicaments, mais ce n’est pas une certitude. Si ce type de modèle fonctionnait, nous serions absolument favorables à ce que les assurances privées continuent à faire partie du système en couvrant tout ce qui ne fait pas partie de la liste de médicaments nationale.
Mme Syron : Comme vous l’avez dit vous-même, il existe certainement des administrations où il est prouvé que les compagnies d’assurance ne se retirent pas. Voilà pour les preuves. Nous ne savons pas ce qui se passerait au Canada.
Encore une fois, la position de Diabète Canada est que nous aimerions qu’il y ait une clause « ne pas nuire » afin que nous puissions vraiment assurer aux personnes atteintes de diabète que cela ne se produira pas.
La présidente : Merci beaucoup, sénatrice Pate. Je m’excuse.
Le sénateur Brazeau : Merci à tous d’être présents. Je salue tout particulièrement M. Thibeault qui, il y a quelques lunes, a été député au Parlement. Le temps passe vite, n’est-ce pas?
M. Thibeault : Je suis ici et je me sens très bien.
Le sénateur Brazeau : Évidemment, vous avez travaillé avec les communautés des Premières Nations, et le diabète est un problème prédominant pour cette population. Nous avons reçu le ministre la semaine dernière, et j’ai parlé des services de santé non assurés. Une partie de la responsabilité du gouvernement fédéral consiste à offrir des services de santé non assurés.
Selon vous, cela pourrait-il changer, entraver, affecter ou ne pas affecter le système actuel permettant aux membres des Premières nations d’obtenir les médicaments dont ils ont besoin?
Mme Syron : Bientôt, ma collègue Céleste Thériault, qui est assise juste là et qui représente l’Association nationale autochtone du diabète pourra répondre à cette question. Mais pour nous, le Programme des services de santé non assurés est un modèle que nous aimerions voir, car il comprend les médicaments, les fournitures, les appareils, etc. Encore une fois, nous espérons qu’avec une clause « ne pas nuire » dans un tel projet de loi, aucun habitant de ce pays ne perdra quoi que ce soit. C’est ce que nous espérons.
Le sénateur Brazeau : Ce que vous espérez? D’accord.
Mme Syron : C’est ce que nous espérons.
La présidente : Madame Syron, le bureau a du mal à trouver la clause « ne pas nuire ». Nous avons étudié la législation sur les soins dentaires. Si vous pouvez nous l’envoyer, ce serait utile.
Sénateur Brazeau, je ne voulais pas vous couper la parole, alors allez-y. Avez-vous d’autres questions, sénateur Brazeau?
Le sénateur Brazeau : C’est tout. Merci.
La sénatrice Burey : Merci beaucoup de votre présence, de votre expertise et des données que vous nous avez fournies.
En ce qui concerne les différents médicaments, avez-vous été consultée au sujet de la liste des médicaments lors de son élaboration? Cette question s’adresse à tous. Avez-vous été consultés au sujet de ce qui figurerait sur la liste des médicaments? Vous avez parlé des guides de pratique clinique.
Mme Syron : Je peux commencer. Nous n’avons pas été consultés.
La sénatrice Burey : Vous n’avez pas été consultés. Je voulais simplement le savoir.
Je passe à ma prochaine question. Le projet de loi prévoit un comité d’experts. Nous connaissons l’Agence canadienne des médicaments, mais je voulais me concentrer sur le comité d’experts. Sachant que vous n’avez pas été consultés, avez-vous des commentaires à faire sur qui devrait faire partie du comité d’experts? Avez-vous des lignes directrices à ce sujet?
Mme Syron : Oui, et M. Thibeault peut ajouter quelque chose s’il le souhaite. Pour nous, les prestataires de soins de santé — et ils sont nombreux si vous vivez avec le diabète, en particulier ceux qui participent au travail sur les lignes directrices de pratique clinique que nous effectuons — devraient participer à ce comité d’experts parce qu’ils comprendront le large éventail de la question. Je pense que les personnes ayant une expérience vécue doivent toujours être présentes à la table des négociations. Que disent-ils? Rien sur nous sans nous. Nous avons besoin de le voir.
Pour ce qui est de la mise en œuvre, je pense qu’il devrait y avoir des gens qui ont de l’expérience en matière de régimes d’assurance-médicaments et qui connaissent la façon dont les choses se déroulent. Cela dépasse largement mes compétences, mais ce serait très important pour que la transition se fasse en douceur. Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose à ce sujet.
M. Thibeault : Je dirais simplement qu’il faut des gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments, et ne pas avoir peur des représentants pharmaceutiques. Il vous faut toutes ces voix instruites autour de la table pour garantir d’obtenir les meilleures informations possible, car ceux que nous représentons sont également présents à la table et font entendre leur voix.
Mme Owusu-Akyeeah : J’aimerais ajouter qu’Action Canada dispose d’un réseau associé de centres de santé sexuelle dans tout le pays. Je pense qu’il est très important de les entendre, en particulier ceux qui fournissent des contraceptifs aux utilisateurs de services dans tout le pays. Il serait très utile de les avoir à la table.
Bien entendu, neuf millions de personnes en âge de procréer en profiteraient, alors s’il y a des utilisateurs de contraceptifs qui pourraient être consultés, ce sont ces gens-là que nous vous suggérons de consulter.
La sénatrice Burey : Merci.
La sénatrice Senior : Je suis heureuse de vous compter parmi nous. À la lumière des imperfections que vous avez relevées, quel serait selon vous votre rôle à l’avenir, si ce projet de loi était adopté? Quels seraient les rôles de vos organisations, compte tenu de ce que vous faites déjà?
Mme Owusu-Akyeeah : Excellente question. C’est un sujet auquel nous avons beaucoup réfléchi, et cela fait des mois que nous discutons des prochaines étapes avec des défenseurs des droits de la personne dans tout le pays. Il s’agit notamment de faire en sorte que les gens sachent que le travail ne s’arrête pas à l’adoption du projet de loi. Des protocoles d’entente doivent être signés au niveau provincial. Des conversations doivent avoir lieu avec les gouvernements provinciaux, des personnes doivent expliquer la nécessité de donner suite à ce projet. Je sais que nous travaillerons sur ce dossier avec bon nombre de nos collègues de partout au pays afin que les gens sachent quelles sont les prochaines étapes à suivre et qu’ils soient mieux préparés à parler aux décideurs provinciaux pour que cela devienne réalité.
Mme Syron : Je pense qu’il y a trois réponses à cette question. La première, et la plus importante, est que nous continuerons à être la voix des quatre millions de personnes qui vivent avec le diabète. Nous veillerons à ce que cette voix continue de s’exprimer à la table des négociations.
Deuxièmement, nous avons eu les mêmes problèmes. Lorsque l’annonce a été faite pour la première fois, nous avons reçu beaucoup d’appels de gens qui voulaient savoir s’ils pouvaient se présenter à leur pharmacie demain. Nous devons gérer les attentes. Nous devons vraiment expliquer aux gens, si cela se concrétise, voilà ce que cela signifie. Des gens nous ont également dit qu’ils ne voyaient pas leur insuline sur cette liste, que c’est la seule insuline qui fonctionne pour eux, et ils veulent savoir ce que cela signifie. Nous avons donc ressenti une certaine nervosité.
Je terminerai sur une chose. Nous avons des experts qui élaborent ces guides de pratique clinique. Nous avons un solide réseau de fournisseurs de soins de santé en matière de diabète, et nous sommes heureux d’y donner accès.
Mme Kocsmaros : J’abonde dans le même sens. Nous incitons également les gouvernements provinciaux à tenir compte des guides de pratique clinique dans les listes de médicaments publiques qu’ils adoptent et qui pourraient faire partie du programme national d’assurance-médicaments.
La présidente : Merci beaucoup à nos témoins pour leur présence en ligne et en personne. En ce qui concerne la question de la sénatrice Moodie au sujet du pourcentage de personnes couvertes, je pense que c’est consigné au compte rendu. Auriez‑vous l’amabilité de nous fournir une réponse écrite? Ce serait utile.
La sénatrice Seidman : Je suis désolée, je pensais que la question portait sur le pourcentage de médicaments.
La présidente : Je savais qu’il y avait un pourcentage en jeu.
La sénatrice Moodie : Quel est le pourcentage de personnes qui dépendent de médicaments ne figurant pas sur les listes de médicaments?
La présidente : Merci, chers collègues. Merci encore à nos témoins de nous avoir fait part de leur témoignage.
La sénatrice Jane Cordy (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente : Je suis m’appelle Jane Cordy, je suis sénatrice. Je suis vice-présidente de ce comité, et je présiderai cette partie. Bienvenue à nos témoins.
Pour notre deuxième groupe, nous accueillons les témoins suivants. Nous accueillons en personne Céleste Thériault, directrice générale de l’Association nationale autochtone du diabète. Nous accueillons par vidéoconférence Mme Lisa Dennis, coprésidente élue, et Sharon Davis-Murdoch, coprésidente de la Health Association of African Canadians, en provenance de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Merci de vous joindre à nous.
Nous commencerons par une déclaration préliminaire de Mme Thériault, suivie de Mme Davis-Murdoch et de Mme Dennis, qui partageront toutes deux leurs cinq minutes, si j’ai bien compris.
Madame Thériault, vous avez la parole.
Céleste Thériault, directrice générale, Association nationale autochtone du diabète : Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs. L’Association nationale autochtone du diabète, l’ANAD, est basée à Winnipeg, au Manitoba. C’est un honneur et un privilège pour moi de parler du projet de loi C-64 dans la mesure où il concerne tous les peuples autochtones du Canada.
Je suis ici pour exprimer notre soutien au projet de loi C-64, le programme national d’assurance-médicaments, et pour exhorter le Sénat à l’adopter.
Depuis 1995, l’ANAD travaille sans relâche pour lutter contre les taux croissants de diabète chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis. La nécessité d’un accès équitable aux médicaments contre le diabète est urgente et ne saurait être exagérée. Le projet de loi C-64 est la première étape vers la couverture des médicaments contre le diabète et des contraceptifs pour les Canadiens, y compris les Autochtones.
Comme nous le savons, les populations autochtones sont confrontées à d’importantes disparités en matière de santé, particulièrement en ce qui concerne la gestion de maladies chroniques comme le diabète. L’adoption du projet de loi C-64 est essentielle pour que nous puissions nous occuper des personnes les plus vulnérables et les plus importantes dont elles ont la charge. Nous voulons nous assurer que les personnes qui ne sont pas visées par le Programme des services de santé non assurés, comme les Premières Nations non inscrites qui n’ont peut-être pas accès à leurs documents pour obtenir un statut dans le cadre du programme fédéral et les Métis qui ne sont pas actuellement visés par le Programme des services de santé non assurés, bénéficieront grandement de ce programme.
C’est maintenant qu’il faut agir.
Bien que nous soyons favorables à l’adoption de ce projet de loi, nous tenons à souligner d’importantes préoccupations en matière de mise en œuvre qui pourront être réglées une fois que le projet de loi aura été adopté, après en avoir fait rapport à la Chambre des communes. Il est essentiel que la mise en œuvre du programme ne désavantage pas par inadvertance les populations autochtones, en particulier celles qui sont déjà couvertes par le Programme des services de santé non assurés ou celles qui sont confrontées à des obstacles socioéconomiques les empêchant d’accéder aux services gouvernementaux.
Nous avons formulé quelques recommandations clés. La première est de veiller à ce que les bénéficiaires inscrits des Premières Nations et des Inuits demeurent couverts par le Programme des services de santé non assurés. Cela signifie que chaque fois qu’il y a chevauchement, une communication claire est établie pour qu’il n’y ait pas de confusion de la part du gouvernement fédéral quant à la façon dont une personne reçoit l’accès à ses médicaments. Cela devrait être fait clairement avant la mise en œuvre.
Nous voulons également nous assurer que la liste de médicaments proposée est un minimum, et non un maximum, pour garantir l’inclusion des médicaments contre le diabète, sachant qu’il s’agit d’une maladie complexe qui peut nécessiter des soins pharmacologiques différents selon les individus. Nous voulons également nous assurer qu’en cas d’indisponibilité des médicaments génériques, les médicaments de marques seront disponibles. Plus important encore, lorsqu’il conclut des ententes bilatérales avec les provinces et les territoires, le ministre de la Santé doit s’assurer que l’accès aux médicaments n’est pas fondé sur les moyens financiers des personnes. L’accès fondé sur les moyens financiers constitue un fardeau administratif pour les personnes qui pourraient ne pas être en mesure d’accéder à leurs médicaments. Dès qu’il y a un formulaire à remplir et des démarches supplémentaires à faire parce que la personne n’a pas déclaré ses impôts, elle ne reçoit pas les soins dont elle a besoin. Cette personne-là se retrouvera peut-être à l’hôpital parce qu’elle n’a pas été en mesure de gérer son problème santé avant qu’il soit trop tard.
Nous voulons aussi nous assurer de ne pas créer un régime d’assurance-médicaments à deux vitesses.
Une fois la législation adoptée, nous devons veiller à ce que les Autochtones soient représentés au comité d’experts proposé par le ministre de la Santé, afin que les nuances de notre peuple, qu’il s’agisse des Premières Nations inscrites, des Premières Nations non inscrites, des Inuits ou des Métis, soient adéquatement prises en compte.
Nous croyons vraiment que ce projet de loi apporte des changements transformateurs à la façon dont nous prenons soin des Canadiens, y compris des Autochtones au Canada, en ce qui concerne l’assurance-médicaments. Il y aura certes des difficultés, et celles-ci peuvent et doivent être abordées, mais les Autochtones doivent avoir accès à un régime d’assurance-médicaments dès maintenant, plus précisément les membres non inscrits des Premières Nations et les Métis qui paient actuellement de leur poche, s’ils n’ont pas d’assurance privée. Ce projet de loi représente une étape cruciale dans la réalisation de cet objectif.
J’exhorte le Sénat à garder cela à l’esprit pour que nous puissions tous bénéficier d’un régime universel d’assurance-médicaments. Il faut s’assurer que nos médicaments contre le diabète sont administrés correctement et qu’ils sont à la disposition des gens pour qu’au bout du compte, on n’ait pas de comorbidités et d’autres complications.
Meegwetch. Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre avec Mme Davis-Murdoch. Je crois que vous partagez votre temps.
Sharon Davis-Murdoch, coprésidente, Health Association of African Canadians : Bonsoir. Je remercie les sénatrices et sénateurs ainsi que le personnel de nous avoir invitées à prendre la parole devant vous au nom de la Health Association of African Canadians, la HAAC. Je fais partie des fondateurs de la HAAC.
Nous avons été créés en 2000 pour nous attaquer aux problèmes de santé des Afro-Canadiens et aux inégalités du système de santé. Au fil des ans, nous avons noué des liens précieux avec des membres de la communauté africaine et noire de Nouvelle-Écosse. Nous sommes ravis de mettre en relation les membres de la communauté et les partenaires du projet afin de nous assurer que l’expérience vécue est au cœur de ce travail.
Un projet parrainé par l’École de soins infirmiers de l’Université Dalhousie et le Centre d’excellence de l’Atlantique pour la santé des femmes a donné lieu à la création de la HAAC. Le projet se concentrait sur la santé des femmes, mais les intervenants ont rapidement reconnu que la santé des femmes ne pouvait pas être examinée isolément. La HAAC a donc été créée en partant du principe que la santé des femmes était un sous‑ensemble de la santé de toute la famille.
Notre vision est de créer des communautés afro-canadiennes prospères et en bonne santé en Nouvelle-Écosse, et notre mission est de promouvoir et d’améliorer la santé des Afro-Canadiens en Nouvelle-Écosse grâce à l’engagement communautaire, à l’éducation, aux recommandations stratégiques, aux partenariats et à la participation à la recherche dans un cadre de compétence culturelle.
La HAAC identifie les personnes d’origine africaine parmi celles qui sont confrontées à des disparités en matière de santé disproportionnées et à des inégalités dans tous les aspects de la vie canadienne. Conformément à la littérature sur les déterminants sociaux et structurels de la santé, les personnes d’origine africaine sont confrontées à un racisme systémique anti-Noirs, à des risques disproportionnés de contracter certaines maladies et certains troubles, à des taux plus élevés de maladies chroniques, à une espérance de vie réduite, à un accès moins fréquent aux soins et à des inégalités dans la qualité des soins qu’elles reçoivent.
Le mandat de la HAAC, qui consiste à favoriser l’amélioration de la santé des Afro-Canadiens dans toute leur diversité, inclut l’accès à des médicaments sur ordonnance et à des produits connexes à un prix abordable.
La vice-présidente : Il vous reste 30 secondes.
Mme Davis-Murdoch : L’approche de la HAAC en matière de compétence culturelle reconnaît qu’il n’y aura jamais de solution universelle. Nous espérons donc qu’un régime d’assurance-médicaments universel et à payeur unique permettra aux Afro-Canadiens, qui sont touchés de manière disproportionnée par les maladies chroniques, d’avoir accès, quel que soit leur revenu.
Lisa Dennis, coprésidente élue, Health Association of African Canadians : Je m’appelle Lisa Dennis et je suis titulaire d’un doctorat clinique en réadaptation. Je parle au nom des 1,5 million de Canadiens noirs, dont 13 % sont atteints de diabète, moi y compris. Cela fait 200 000 Canadiens noirs.
Je veux parler de la raison pour laquelle il y a une telle disparité au sein de la communauté noire, et cela se résume à trois types différents de traumatismes, qui entraînent des niveaux plus élevés de cortisol.
Le premier traumatisme est l’impact du traumatisme intergénérationnel que subissent les Noirs et qui se manifeste par des problèmes de santé physique et mentale. Des études montrent que chez une femme enceinte, le cortisol, l’hormone du stress, peut être ressenti par le fœtus dès la dix-septième semaine de gestation.
Le deuxième traumatisme est celui des expériences négatives vécues pendant l’enfance, qui comprennent les abus physiques, émotionnels ou sexuels, la négligence et les dysfonctionnements familiaux, tels que le fait d’être témoin de violences ou de consommation de substances. Et ce, avant l’âge de 18 ans. Cette étude a montré qu’une personne ayant vécu ces expériences est plus susceptible d’avoir des problèmes de santé plus tard dans sa vie, comme un accident vasculaire cérébral, l’obésité et le diabète, pour n’en citer que quelques-uns.
Le troisième traumatisme est l’effet du racisme contre les Noirs. Je parle des manifestations subtiles et quotidiennes de racisme appelées microagressions. Lorsque l’on tente de demander des comptes à quelqu’un, on se heurte, comme le dit Robin DiAngelo, à la minimisation, au bâillon, à la domination, à l’invalidation, à l’exclusion, à l’isolement, au dénigrement, à l’interrogation, à l’objectivation, à l’exotisation, à l’amoindrissement, au contrôle et à l’affaiblissement. La personne noire se retrouve ainsi déconcertée, invalidée, et elle n’est pas entendue. Il est également démontré que le racisme modifie les circuits cérébraux en raison du déséquilibre du système nerveux autonome et de l’augmentation de la pression artérielle et du niveau de stress, du cortisol, ce qui accroît la charge allostatique liée à l’usure du corps. Les corps des personnes noires n’apprennent jamais à se détendre ni à se réparer en raison du stress toxique, ce qui affaiblit notre système immunitaire.
Je reconnais que je suis également diabétique. Si je devais payer de ma poche, cela me coûterait 536,10 $. Il ne s’agit pas d’insuline. Je prends trois médicaments différents. Cela me met, ainsi que d’autres Canadiens noirs, dans une position où je dois donner la priorité à une quantité peut-être moindre de nourriture dans le réfrigérateur, lésiner sur les médicaments pour les faire durer plus longtemps, ou retarder le paiement d’une facture d’eau ou d’électricité.
Ce dont nous avons besoin, c’est de ressources adaptées à notre réalité culturelle. La HAAC, sous ma direction et à mon initiative, a développé des ressources adaptées sans précédent sur les maladies chroniques dans une vidéo et une brochure intitulées Black Lives Living Well. Cette ressource fournit des renseignements de base sur la santé qui répondent aux besoins immédiats des Noirs de comprendre leur taux d’A1C, leur tension artérielle et leur taux de cholestérol, et qui offre des conseils de bien-être et des informations adaptées à la réalité culturelle aux médecins afin qu’ils puissent comprendre comment mieux prendre soin de nous. Nous devons pouvoir diffuser ce livre partout au pays. Nous avons également besoin de médicaments correctement prescrits, car 20 % d’entre nous ne prennent pas les bons médicaments.
Je vous remercie de nous avoir accordé du temps. Je voudrais terminer en disant que les Noirs meurent lentement, tranquillement et douloureusement, à un rythme alarmant, de maladies évitables, et que nous méritons de vivre longtemps, en bonne santé et dans la prospérité parce que nos vies de Noirs sont importantes.
La vice-présidente : Merci, madame Davis-Murdoch et madame Dennis, pour vos remarques.
Honorables sénateurs, vous disposez de quatre minutes pour poser votre question, et cette limite comprend la réponse. Si vous souhaitez l’adresser à un témoin en particulier, veuillez l’indiquer dans votre question.
La sénatrice Osler : Merci, chers témoins, pour votre présence aujourd’hui. Ma question s’adresse à Mme Thériault. Le ministre de la Santé a déclaré que les Canadiens seraient en mesure d’utiliser leur assurance privée pour obtenir les mêmes médicaments contre le diabète que ceux couverts par le projet de loi C-64, et le ministre a également déclaré que ce projet de loi permettrait de choisir entre l’utilisation de l’assurance existante et le système universel à payeur unique. La question comporte deux volets.
Avez-vous eu des discussions avec l’un des ministres ou fonctionnaires fédéraux concernés pour savoir si les membres des Premières Nations et les Inuits qui sont couverts par le Programme fédéral des services de santé non assurés auront le même choix d’utiliser soit le Programme des services de santé non assurés, soit le régime national d’assurance-médicaments?
La deuxième partie de la question est la suivante : avez-vous eu des discussions avec les ministres fédéraux compétents ou des représentants du gouvernement concernant les préoccupations que vous avez exprimées dans votre mémoire au sujet du maintien de la couverture existante dans le cadre du Programme des services de santé non assurés, de l’augmentation de la couverture par le biais du projet de loi C-64 ou de la modification des exigences en matière de critères du revenu? Avez-vous eu des conversations à ce sujet?
Mme Thériault : Oui. J’ai rencontré le ministre de la Santé en mai, au moment de l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes. Mes préoccupations ont été exprimées et entendues, je crois, dans la salle ce jour-là. Nous parlons du recours au Programme des services de santé non assurés ou à l’assurance privée — ou à l’assurance médicaments ou à l’assurance privée — et de ce que cela signifiera. Le Programme des services de santé non assurés couvre beaucoup plus que ce que comprend la liste de médicaments. Il couvre également les déplacements. Il couvre tellement de choses qui ne seront pas touchées. Cela contrevient aussi à d’autres lois si vous y touchez. Ce n’est pas ma principale préoccupation.
Je suppose qu’en vertu de la compétence provinciale, si le Programme des services de santé non assurés ne couvre pas 100 %, ce qui serait le cas, alors vous seriez couvert. La personne ne devrait pas voir cela comme un fardeau administratif pour elle. C’est quelque chose qui a été dit au ministre fédéral de la Santé lors de notre réunion.
Par la suite, en ce qui concerne les critères fondés sur le revenu, j’ai veillé à ce que ce soit très clair. Si nous concluons des ententes bilatérales qui passent ensuite par les programmes d’assurance médicaments existants que l’on retrouve dans toutes les provinces et tous les territoires — ce qui serait l’approche la plus logique pour la mise en œuvre —, alors, oui, ma principale priorité ainsi que la principale priorité et préoccupation de notre population, c’est que ceux qui ne produisent pas une déclaration de revenus aient quand même la possibilité d’être couverts. Mais cette solution n’est pas simpliste, et il est déjà inquiétant pour ces gens de dire qu’ils n’ont même pas produit leur déclaration de revenus.
Pour mettre les choses en contexte, je suis une Métisse de la rivière Rouge. Mon père est un Métis de la rivière Rouge qui n’a pas produit de déclaration de revenus depuis sept ans. Il serait visé par cette disposition. Il est très honteux qu’il ne l’ait pas fait. Le fait de devoir admettre au gouvernement fédéral ou provincial qu’il ne l’a pas fait, puis de devoir prendre toutes ces autres mesures pour recevoir ses médicaments, va probablement l’amener à fermer les yeux sur cet aspect et à essayer de trouver d’autres façons de faire.
La sénatrice Pate : Je remercie nos témoins de leur présence. Ma question s’adresse à vos deux organisations. Le travail que vous faites respectivement met l’accent sur les inégalités pour les communautés autochtones et pour les communautés afro-canadiennes en ce qui concerne les obstacles à l’accès aux médicaments essentiels, notamment en raison du coût.
J’aimerais que chacune de vous parle de deux choses, s’il vous plaît. Voyez-vous un besoin urgent d’assurer un accès gratuit aux contraceptifs et/ou aux médicaments contre le diabète que prévoit le projet de loi C-64? Quelles sont les prochaines étapes vers un régime d’assurance médicaments universel, public et à payeur unique que vous aimeriez voir? Selon vous, quel sera l’impact quotidien sur les personnes qui ont besoin de médicaments si l’accès à ces médicaments est retardé davantage?
Mme Thériault : Je vous remercie de la question. Pour les prochaines étapes urgentes, je crois qu’il est important de veiller à ce que le cadre tienne compte des nuances que j’ai mentionnées dans mon témoignage et que le ministre fédéral de la Santé — dans ses ententes bilatérales — tienne compte des obstacles systémiques qui privent des personnes et la population canadienne en général d’y avoir accès.
Pour ce qui est des répercussions quotidiennes, je les vois tous les jours ainsi que celles du Programme des services de santé non assurés et je constate que cela ne peut pas être suffisant parfois pour couvrir le diabète. Cela signifie qu’il faut réutiliser des bandelettes de test lorsqu’on n’est pas censé le faire parce qu’on a atteint le maximum. Le gouvernement fédéral a dit : « C’est tout ce à quoi vous avez droit à titre personnel », mais qui peut dire que vous ne pouvez pas analyser votre glycémie avant ou après un repas et peut-être encore un peu plus tard? C’est l’une des réalités que j’ai constatées.
J’ai aussi vu des personnes prendre des décisions au sujet de leur santé qui vont à l’encontre de ce que leur fournisseur leur a demandé de faire parce que la couverture n’est pas là. Plus précisément, il s’agit de certains des nouveaux médicaments pour le traitement du diabète qui ne sont pas pris en compte dans le cadre du Programme des services de santé non assurés ou de l’assurance médicaments, selon votre province ou territoire. Chaque jour, les gens sont obligés de prendre leurs médicaments ou de nourrir leur famille, de payer leurs factures ou pour d’autres priorités.
Ce sont des choses dont nous parlons souvent à la table de notre conseil. Mon conseil comprend des gens qui ont une expérience vécue, et ils s’assurent toujours de le faire savoir.
Mme Davis-Murdoch : Je tiens à souligner que tous les Noirs vivant au Canada, et probablement partout ailleurs, sont en mauvaise santé en raison de notre histoire et de notre expérience vécue. C’est un fait.
Bon nombre d’entre nous vivent également avec un revenu insuffisant et un accès insuffisant aux médicaments nécessaires, avec un besoin d’accès aux services, aux fournitures et à l’information, comme l’a mentionné Mme Dennis, et aussi de faire des choix pour une meilleure santé et de meilleurs résultats.
Nous espérons qu’un régime d’assurance médicaments universel à payeur unique nous permettra d’avoir un meilleur accès aux médicaments d’ordonnance dont nous avons besoin et que nous pourrons les obtenir, peu importe notre revenu.
Nous croyons qu’il ne devrait pas incomber aux Afro-Canadiens de trouver l’argent pour payer des médicaments coûteux ou de se passer de traitements. Nous ne devrions pas avoir à payer d’avance, mais que nous devrions plutôt être en mesure d’améliorer notre propre santé en ayant accès aux soins et au soutien nécessaires.
Nous espérons qu’un régime national d’assurance médicaments sera conçu pour faciliter l’équité en santé et nous aider à ne pas être les premiers payeurs.
Mme Dennis : Je suis d’accord avec tout le monde. Il y a de toute évidence un besoin urgent de médicaments quand les Noirs sont 2,1 fois plus susceptibles d’avoir le diabète que les Blancs. Nous n’avons pas tous une assurance-maladie. En fait, je suis actuellement entre deux emplois sans assurance-maladie jusqu’à ce que je commence mon nouvel emploi, et 536,10 $, c’est beaucoup d’argent.
L’une des façons d’obtenir de l’information sur ce qui se passe dans notre corps, c’est une simple analyse sanguine. C’est ainsi que nous déterminons notre taux de glycémie. Pour les Noirs — je ne sais pas si vous le savez —, il est difficile pour nous de nous soumettre à des analyses sanguines parce que les phlébotomistes ne sont pas formés pour déceler les veines chez les Noirs. Cela nous cause de la douleur et de l’inconfort — de nombreuses piqûres simplement pour effectuer une analyse sanguine. On pourrait facilement résoudre ce problème avec un détecteur de veines, c’est-à-dire un appareil de 10 000 $ qui devrait être installé à chaque site de collecte de sang pour nous éviter de la douleur. De plus, la simple idée de se faire piquer pour prélever du sang fait peur à beaucoup de Noirs, ce qui accroît la méfiance à l’égard du système de soins de santé parce que nous ne sommes pas assez importants pour que les phlébotomistes soient bien formés pour déceler nos veines sur notre peau. Cela nous donne des informations vitales sur ce qui se passe dans notre corps, y compris nos niveaux de sucre.
C’est quelque chose qui se fait tous les jours, en plus de devoir trouver des façons de tirer le maximum des bandelettes de test, comme on l’a mentionné, ou de réutiliser des lancettes pour vérifier notre sang. Nous trouvons des raccourcis. Nous n’avons pas d’autre choix que de le faire, et c’est inacceptable.
La vice-présidente : Nous ferions mieux de poursuivre. Je pense que nous aurons le temps de revenir parce qu’il ne reste que deux personnes sur la liste. Sénatrice Pate, nous pourrons y revenir. Pour ceux qui ne sont pas membres du comité et qui aimeraient poser une question, n’hésitez pas à faire inscrire votre nom sur la liste.
Je ne le savais pas et je n’ai jamais pensé qu’il fallait chercher la veine au cours d’une procédure de prélèvement sanguin, alors je vous en remercie.
La sénatrice Bernard : Je peux vous assurer qu’elle a tout à fait raison. Je ne sais pas si nos témoins ont écouté le groupe de témoins précédent, mais j’ai révélé que je suis atteinte du diabète de type 2 et que j’ai aussi milité en faveur de la santé pour beaucoup trop de membres de ma famille, alors j’ai passé beaucoup trop de temps dans les salles d’urgence. Dans ces salles d’urgence, je vois beaucoup trop de pauvres, de personnes racisées, d’Autochtones et de personnes aux prises avec de multiples problèmes. Pour bon nombre d’entre eux, leurs problèmes ont commencé avec un diabète hors de contrôle et non diagnostiqué, en grande partie parce qu’ils n’avaient pas accès à la médecine préventive.
Je n’avais pas l’intention de parler de cela pour commencer, mais votre commentaire sur la difficulté de trouver une veine pour prélever du sang m’a amenée sur une voie différente.
Permettez-moi de recommencer et de dire que je suis ravie que vous soyez ici toutes les deux. Le travail que vous faites est tellement essentiel pour sensibiliser et éduquer davantage la communauté et changer les politiques. Depuis 24 ans que vos organisations existent, vous avez accompli beaucoup.
J’aimerais revenir sur une observation faite par l’une des témoins du groupe précédent au sujet de la stigmatisation. Pourriez-vous nous parler de ce que vous savez au sujet de la communauté afro-canadienne? Comment la stigmatisation influe-t-elle sur l’accès des gens à la santé et aux soins de santé, en particulier la stigmatisation entourant la contraception, et surtout quand des pressions sont exercées sur les femmes pour qu’elles prennent l’initiative de la contraception? Elles ne sont pas les seules responsables.
Pourriez-vous parler de la stigmatisation et de ce que vous avez appris dans votre travail à ce sujet? Quelle incidence cela a-t-il sur l’accès non seulement aux ordonnances, mais aussi aux soins de santé, ce qui comprend les ordonnances?
Mme Dennis : Je vous remercie de la question, sénatrice Bernard. En ce qui concerne la contraception, pour commencer, il n’y a pas beaucoup d’information relativement à la race. Il n’y a pas beaucoup de données fondées sur la race pour nous fournir l’information dont nous avons besoin pour savoir ce qui se passe dans la communauté noire. En ce qui concerne la contraception, elle a été utilisée comme arme contre les Noirs et les Autochtones, que ce soit sous forme de coercition ou de choix de certains types de méthodes contraceptives ou de stérilisation forcée, ce qui a exacerbé la méfiance au sein des communautés marginalisées. Nous devons être en mesure de recueillir des données sur la race qui mèneront à de meilleurs résultats en matière de santé. Cela devrait être à la base de notre travail.
Mme Davis-Murdoch : Je dirais que la stigmatisation est certainement un fait, car les gens se sentent à l’aise d’entrer en contact avec le système de santé et de l’aborder. Qu’il s’agisse de problèmes liés à des maladies chroniques de quelque nature que ce soit, ou qu’il s’agisse de santé mentale et certainement de soutien en santé mentale, ou encore qu’il s’agisse de sexualité ou de contraception en rapport avec l’expérience vécue, je pense que la stigmatisation est un problème.
C’est ainsi que nous voyons les choses à la Health Association of African Canadians, ou HAAC : il s’agit davantage d’un problème systémique que d’un problème que nous, les Noirs, avons. Nous avons besoin d’un système adapté à nos besoins. En fait, ce qui est essentiel à la comparution de ce soir, nous voulions faire valoir que nous avons besoin d’une compétence culturelle clinique améliorée. Cela est essentiel pour un meilleur diagnostic, un traitement amélioré et une pharmacothérapie compétente qui répond à nos besoins uniques et urgents.
Il n’y a pas de solution universelle. Cela a tout à voir avec le service ainsi qu’avec les médicaments et la politique pharmacologique.
La sénatrice Moodie : J’aimerais faire un commentaire en réponse à celui de Mme Thériault. Nous avons déjà un régime d’assurance médicaments à deux vitesses au Canada — ceux qui y ont accès grâce à leur capacité financière ou à une assurance privée, et ceux qui n’y ont pas accès.
Ma question s’adresse à la Health Association of African Canadians. Dans vos observations, j’aimerais que nous nous concentrions, si possible, sur les répercussions du projet de loi sur les Canadiens noirs. Verriez-vous une amélioration de la couverture et de l’accès aux médicaments s’il y avait un projet de loi sur l’assurance médicaments qui offre les médicaments qui figurent actuellement sur la liste, et y a-t-il des préoccupations au sujet de l’accès que le projet de loi ne règle pas pour vous?
Mme Davis-Murdoch : Je dirais que c’est certainement le début de ce que nous aimerions voir. Nous aimerions avoir une assurance-médicaments universelle pour les gens en fonction des besoins de nos populations et de la réalité de notre histoire et de notre expérience vécue. Nous n’avons pas de soins de santé et de soutiens de santé équitables pour nos gens, peu importe où ils vivent au pays et certainement, peu importe leur revenu. Comme nous l’avons dit, nous sommes touchés de façon disproportionnée par la maladie en raison de cette histoire et de cette expérience vécue. Nous sommes donc tous à risque et nous vivons avec une santé moins bonne que les autres populations.
Un meilleur accès grâce à un régime d’assurance médicaments universel sera évidemment un facteur important pour améliorer les résultats en matière de santé.
Mme Dennis : J’aimerais ajouter quelque chose. Si tous les Noirs prennent les bons médicaments — parce que certains d’entre nous ne les prennent pas et que nous n’avons pas accès aux nouveaux médicaments — pour ce qui est de la morbidité, nous avons moins de problèmes d’ulcères du pied, d’amputations des membres inférieurs, de perte de vision et de rétinopathie diabétique, ainsi que moins d’hospitalisations, de prolongements de l’hospitalisation, d’honoraires de médecins et de problèmes de soins à domicile. Il y a des chirurgies d’un jour. Il y a des comorbidités parce qu’on ne prend pas le bon médicament.
La sénatrice Moodie : Ce que j’essaie de faire, c’est d’obtenir de votre part une réponse claire. Est-ce que cela va améliorer le sort des Noirs au Canada?
Mme Dennis : Cela améliorera totalement la vie des Noirs.
La sénatrice Burey : Je vous remercie toutes d’être ici et de nous faire part de vos témoignages, de votre expertise et de vos connaissances. Je vais poser la question que la sénatrice Senior a posée au groupe de témoins précédent au sujet des étapes suivantes, si le projet de loi est adopté. Quel serait votre rôle pour expliquer ce que cela signifie pour les populations, et de quelles ressources auriez-vous besoin pour le faire? Je pense que c’est un élément très important de la mise en œuvre d’un éventuel projet de loi sur l’assurance-médicaments.
Mme Thériault : Je vous remercie de la question. Notre rôle en ce qui concerne les prochaines étapes est très semblable à celui des autres groupes qui nous ont précédés. Tout d’abord, il s’agit d’éduquer. Il y a eu beaucoup de questions : est-ce que j’ai recours au Programme des services de santé non assurés? Est-ce que je n’ai pas recours? C’est ce genre de choses. Nous voulons éliminer cette confusion; personne n’essaie de perdre ses acquis. Nous devons veiller à ce que les gens soient bien informés et sachent dès le départ que le Programme des services de santé non assurés est là pour rester et qu’il doit demeurer tel quel. Il ne doit pas y avoir de confusion pour ceux qui sont visés par ce programme.
Pour ceux qui ne sont pas couverts par ce programme, il y a l’éducation sur ce que cela pourrait signifier pour eux — comment ils y auront accès, à quoi cela ressemblera et les prochaines étapes de la participation.
Notre organisation veut vraiment s’assurer que les intérêts des Premières Nations non inscrites, des Premières Nations inscrites, des Inuits et des Métis sont représentés à la table et continuent de l’être — parce que ce n’est pas toujours la même expérience vécue; ce pourrait être très différent pour différentes personnes —, tout en veillant à ce que nous ayons les ressources nécessaires pour maintenir le cheminement rapide du projet de loi et à ce que nous ayons la capacité humaine et le temps nécessaires pour nous y consacrer. Merci.
Mme Dennis : Pour ce qui est du soutien dont nous avons besoin, je suis tout à fait d’accord pour dire que nous avons besoin d’une éducation adaptée sur le plan culturel. Comme je l’ai mentionné plus tôt, grâce à mon leadership, la HAAC a conçu une brochure intitulée Black Lives Living Well, qui contient beaucoup de renseignements à l’intention des Canadiens noirs sur les meilleures façons de prendre soin de leur santé. Elle contient également une section qui donne des renseignements que donnent des médecins noirs à des médecins non noirs qui ont des renseignements sur certains médicaments qu’il faut utiliser pour les Noirs, ainsi que de meilleures façons de dépister certaines maladies chroniques.
J’aimerais beaucoup qu’on retrouve des détecteurs de veines dans chaque site de collecte de sang, parce que j’ai entendu de nombreuses histoires, y compris la mienne, où l’on s’est fait palper et piquer pour faire une prise de sang. C’est absolument inacceptable. Lors de ma visite, une infirmière blanche m’a dit : « Je vais vous passer à quelqu’un d’autre parce que je ne me sens pas à l’aise de prélever du sang chez une Noire. » Elle pensait me faire une faveur parce qu’elle ne voulait pas me faire mal, mais ce qu’elle m’a dit à ce moment-là, c’est que je ne valais pas la peine qu’elle apprenne. C’est inacceptable. Il est essentiel de se soumettre à une analyse de sang pour savoir ce qui se passe dans notre corps.
Ce n’est qu’un début, mais je vais m’arrêter là pour l’instant.
Mme Davis-Murdoch : Depuis 24 ans, la Health Association of African Canadians est l’endroit où les gens obtiennent de l’information adaptée à leur culture, et non une approche universelle. Nous la partageons avec la communauté. Nous la partageons avec le gouvernement. Nous la partageons avec des partenaires du système de santé et du système d’éducation — dans tous les systèmes. Nous avons offert les premiers vaccins contre la COVID-19 à des cliniques de santé pour les Noirs adaptées à leur culture. Nous avons été à l’origine des modèles de soins de santé primaires de la Nova Scotia Brotherhood Initiative et de la Nova Scotia Sisterhood Initiative. Nous avons continué d’être l’endroit où les gens obtiennent de l’information, où des politiques sont élaborées et formulées. Nous allons intervenir encore une fois pour être les personnes qui fourniront l’information de façon à ce que les gens puissent l’accepter, la comprendre et participer plus pleinement au système de santé, ce qu’ils méritent bien dans un système de santé équitable.
La vice-présidente : Sénatrice Bernard, aviez-vous une question complémentaire?
La sénatrice Bernard : Oui.
La vice-présidente : Une brève question, s’il vous plaît. Allez-y.
La sénatrice Bernard : J’aimerais poser une question au sujet du comité d’experts. Vous considérez-vous — les deux organisations — comme des membres potentiels du comité d’experts qui pourraient prodiguer des conseils relativement à ce projet de loi?
Mme Davis-Murdoch : Tout à fait.
Mme Thériault : Ce ne serait pas moi personnellement. Ce serait une personne nommée par notre organisation et chargée de le faire.
Mme Davis-Murdoch : Oui, nous serions disponibles. Nous nous rendrions disponibles. Nous ferions en sorte que d’autres soient disponibles. Nous comptons facilement plus de 100 membres, et notre conseil d’administration est très solide. Ils sont tous en mesure de fournir des renseignements et une orientation à titre de témoins experts.
Mme Dennis : La phrase clé ici est de fournir une orientation. On ne devrait pas confier uniquement à des Noirs le soin de régler ce problème. Nous voulons que le système de soins de santé fasse un meilleur travail pour nous et par nous. Nous sommes là pour guider et faire part de notre expertise, de ce que nous savons. Nous nous attendons à ce qu’ils respectent notre expérience et comprennent que ce dont nous parlons est une réalité, et qu’ils n’essaient pas de la minimiser de quelque façon que ce soit.
La sénatrice Osler : J’aimerais poser une question complémentaire à Mme Thériault, parce que votre réponse à ma question précédente m’a fait penser à quelque chose.
Ma question porte sur le projet de loi C-64 et sur les programmes publics d’assurance-médicaments des provinces et des territoires. Nous venons toutes les deux du Manitoba où, au Manitoba, le programme actuel d’assurance-médicaments est fondé sur le revenu, ce qui signifie qu’une franchise est calculée en fonction du revenu familial total rajusté. Vous avez mentionné que cela avait été soulevé lors de votre discussion avec au moins un des ministres fédéraux. C’est l’une de vos préoccupations ou de vos recommandations : les exigences relatives aux critères du revenu devraient être modifiées.
Je me demande si vous pouvez dire au comité comment s’est déroulée cette discussion avec le ministre fédéral ou si vous avez eu des discussions au moins avec des représentants de notre gouvernement provincial.
Mme Thériault : Je vous remercie de la question. C’est une très bonne question. Je viens de passer en revue le processus de demande d’inscription au Régime d’assurance-médicaments pour voir quel serait le niveau de base, et c’est assez difficile à atteindre. Il est très intéressant de voir comment on peut vraiment éliminer une partie des gens qui ont besoin de médicaments en administrant des programmes provinciaux ou territoriaux de cette façon.
Le ministre fédéral de la Santé n’a pas répondu. Je ne m’attendais pas vraiment à une réponse, et je ne pense pas qu’il ait nécessairement la compétence pour faire respecter tout ce que font les gouvernements provinciaux et territoriaux. Je pense que cela relèverait de la Loi canadienne sur la santé et de quelque chose de beaucoup plus compliqué que cela. Cependant, il pourrait être en mesure de négocier ces conditions, comme il l’a mentionné dans son témoignage la semaine dernière, lors de la négociation des ententes bilatérales avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. C’est la conjoncture favorable qui, à notre avis, pourrait être propice à l’entrée en vigueur de cette mesure. Je pense que c’est vraiment important.
Au Manitoba en particulier, nous n’avons pas encore eu cette conversation directement avec notre ministre de la Santé. C’est à venir. Je pense que nous nous sommes concentrés un peu sur cette loi fédérale pour l’instant, avant de passer aux autres gouvernements provinciaux et territoriaux qui suivront à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Brazeau : Merci à vous tous d’être parmi nous aujourd’hui. Ma question s’adresse à vous, madame Thériault.
Comme on l’a mentionné plus tôt, le gouvernement fédéral a une obligation de fiducie envers les Premières Nations et les Inuits sur le plan des services de santé non assurés. Personnellement, chaque fois que j’entends un ministre de la Santé dire que les services de santé non assurés ne seront pas touchés, je deviens un peu sceptique. Si l’on compare la liste de médicaments qui existait il y a 20 ans à celle d’aujourd’hui, on voit qu’il y a eu de gros changements pour telle ou telle raison.
J’aimerais savoir si votre organisation, l’Association nationale autochtone du diabète, a identifié des conséquences inattendues qui pourraient se produire par rapport aux services de santé non assurés. On sait déjà qu’il existe de la discrimination quand on veut obtenir des soins de santé, comme dans la situation de Joyce Echaquan. On parle maintenant d’accès aux médicaments. Si le projet de loi est adopté, croyez-vous que les Premières Nations et les Inuits du Canada en bénéficieront et ne feront pas les frais d’un casse-tête juridictionnel entre les gouvernements provinciaux et fédéral?
Mme Thériault : Merci pour votre question. La première chose que nous voyons en ce qui concerne les services non assurés, c’est que c’est bien plus que tous les médicaments sur le formulaire. Nous espérons, et je dis bien « espérons », parce que, comme vous l’avez dit, le ministre de la Santé parle de ne pas supprimer de médicaments de cette liste, mais il ne le garantit pas; on ne peut pas parler de garantie. De notre côté, nous voulons vraiment garder les médicaments là où ils sont sur la liste.
C’est très important de comprendre que la liste des services non assurés n’a pas d’income testing. Nous ne voulons pas compliquer de nouveau la vie de plusieurs personnes. Déjà, le fait d’avoir des médicaments couverts par cette liste, cela peut être complexe pour la personne qui vit avec le diabète et la personne qui fournit les soins de santé. Il y a beaucoup de formulaires et de choses à remplir. Si vous simplifiiez le processus, ce serait bien. Nous espérons ne pas voir une réduction des médicaments qui se trouvent sur cette liste. Nous serons certainement les premiers à dire au ministre de la Santé qu’il ne faut pas toucher à cette liste. Ensemble, nous pouvons faire une différence, mais si nous travaillons tous en silo, nous n’arriverons nulle part. C’est essentiellement cela.
Le sénateur Brazeau : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Je voulais donner aux deux groupes l’occasion de développer davantage sur les mesures que vous recommanderiez au gouvernement de prendre pendant la mise en œuvre du projet de loi C-64 pour veiller à ce qu’il soit efficace dans la promotion de l’équité en santé pour les collectivités avec lesquelles vous travaillez et pour présenter une feuille de route étape par étape vers un régime d’assurance-médicaments universel, public et à payeur unique, comme l’indique le rapport Hoskins.
En particulier, madame Thériault, si vous pouviez parler de la meilleure façon de communiquer — encore une fois, vous en avez touché quelques mots — avec les utilisateurs de l’actuel programme national des services de santé non assurés au sujet des dispositions du projet de loi.
Mme Davis-Murdoch : Je suppose que vous demandez quelles devraient être les prochaines étapes.
Tout d’abord, il s’agirait d’adopter le projet de loi et de comprendre que c’est le début du processus en vue — nous l’espérons — d’un programme national d’assurance-médicaments qui couvre tous les besoins, car le diabète est une maladie chronique qui nous touche de façon disproportionnée; il y en a tant d’autres. Lorsque je pense à l’incidence de certains cancers — le cancer de la prostate et les cancers du sein très agressifs chez les femmes —, de nombreux besoins ne sont pas comblés en ce qui concerne l’accès aux médicaments nécessaires.
La façon de...
La vice-présidente : Il vous reste environ 10 secondes.
Mme Davis-Murdoch : Travaillez avec nous, travaillez avec les communautés et écoutez nos voix.
La vice-présidente : Merci. Qu’en dites-vous, madame Thériault?
Mme Thériault : Je vous remercie de la question.
Dans le cadre des négociations que le ministre fédéral de la Santé tiendra avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, nous croyons vraiment qu’il faut s’assurer que les conditions liées à des critères de ressources, dont nous avons parlé, sont respectées et qu’il faut déterminer ce que cela signifie pour ces régions. Les provinces et les territoires, ainsi que le ministre fédéral de la Santé, ont le devoir de consulter leurs nations autochtones et les personnes qui vivent sur leur territoire en ce qui concerne la mise en œuvre du projet de loi.
Dans toutes les provinces et tous les territoires, chacun aura des points de vue différents sur ce que cela signifiera dans différentes nations, et les nations souveraines auront des positions différentes à cet égard. Elles devraient être respectées au fur et à mesure qu’elles progressent au cours de la prochaine année.
Nous voulons nous assurer de continuer à mobiliser non seulement les organismes communautaires, mais aussi les personnes ayant une expérience vécue qui mettent vraiment en évidence la façon dont cela les touchera et la façon dont nous pouvons aller de l’avant d’une bonne façon...
La vice-présidente : Désolée, je dois vous interrompre. Je regarde l’horloge. Je m’excuse.
Mme Thériault : Pas de problème. C’est votre travail. Merci.
Le sénateur Cormier : Je serai bref. Ceci va dans le même sens, mais au sujet du comité d’experts. Le mandat consiste à formuler des recommandations concernant les options pour le fonctionnement et le financement d’un régime d’assurance-médicaments national, universel et à payeur unique.
Si vous aviez une recommandation pour ce comité, quelle serait-elle?
Mme Thériault : La recommandation est que les personnes couvertes par l’actuel Programme des services de santé non assurés ne soient pas touchées négativement. Cela ne devrait pas changer.
Mme Davis-Murdoch : Je dirais que la santé des Afro‑Canadiens devient une priorité et qu’il est urgent de prendre des mesures en ce qui concerne les médicaments nécessaires et la couverture des médicaments et des services.
La vice-présidente : Merci. Qu’en dites-vous, madame Dennis?
Mme Dennis : Nous avons besoin de soins adaptés sur le plan culturel, et nous en avions besoin hier.
La vice-présidente : Parfait.
Cela nous amène à la fin de la séance. J’aimerais remercier les témoins d’aujourd’hui. Vos témoignages étaient excellents. Nous avons réussi à accomplir beaucoup en peu de temps.
Honorables sénateurs, demain, nous reprendrons l’étude du projet de loi C-64 à 11 h 30.
(La séance est levée.)