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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 21 novembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 28 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants).

La sénatrice Rosemary Moodie (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je m’appelle Rosemary Moodie. Je suis une sénatrice représentant l’Ontario et je préside le comité.

Avant de commencer, j’invite tous les sénateurs à se présenter à tour de rôle.

La sénatrice Bernard : Merci, madame la présidente. Je m’appelle Wanda Thomas Bernard, sénatrice de la Nouvelle-Écosse, en territoire mi’kmaq, et vice-présidente du comité. Soyez les bienvenus.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Bonjour. Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Osler : Flordeliz (Gigi) Osler, sénatrice du Manitoba.

La sénatrice Burey : Bonjour à tous. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bonjour. René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec. Bonjour.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

La présidente : Ce matin, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants).

Dans le premier groupe de témoins, nous accueillons, en personne, de Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada, Michi Furuya Chang, vice-présidente exécutive, et Pierre Savoie, avocat et associé, LJT Lawyers. Nous entendrons par vidéoconférence, de l’Association canadienne des boissons, Mark Dekker, directeur principal, Sciences et affaires réglementaires. Merci à tous de vous être joints à nous aujourd’hui.

Nous allons commencer par Mme Furuya Chang, qui sera suivie de M. Dekker. Vous aurez chacun cinq minutes pour faire un exposé liminaire. Madame Furuya Chang, vous avez la parole.

Michi Furuya Chang, vice-présidente exécutive, Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Michi Furuya Chang. Je suis vice-présidente exécutive chargée des politiques publiques et des affaires réglementaires chez Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada, ou PASC. Je suis aussi diététiste autorisée.

Je suis accompagnée de Me Pierre Savoie, associé chez LJT Avocats. Me Savoie est un avocat du Québec spécialisé en droit de la publicité qui, ayant l’expérience du modèle québécois, a été consultant pour la rédaction du code dont nous discuterons.

Nous vous sommes très reconnaissants de bien vouloir nous accueillir pour participer à votre étude du projet de loi C-252. Merci.

Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada, ou PASC, est la plus importante association nationale de l’industrie, représentant les principaux fabricants d’aliments, de produits de santé et de produits de consommation du Canada. L’association aide le secteur manufacturier à protéger l’intégrité et la sécurité de notre approvisionnement en produits au moyen de politiques fondées sur des données probantes et axées sur la croissance qui appuient le développement de l’économie canadienne, la viabilité de notre système de soins de santé et la durabilité de l’environnement.

Permettez-moi d’abord de vous expliquer comment et pourquoi le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants — que j’appellerai simplement le « code » — a été élaboré.

Le projet de loi C-252 part peut-être d’une bonne intention, mais PASC croit fermement que, à la fois, il est inutile et porte sur un problème déjà réglé. Nous partageons un objectif commun avec le gouvernement, car, comme lui, nous reconnaissons que les enfants constituent un auditoire particulier pour toute la publicité et nous avons agi en conséquence en élaborant le code parce que c’était la bonne chose à faire, même si nous convenons tous que les causes de l’obésité juvénile sont complexes et multifactorielles, comme l’ont dit les Drs Sharma et Aziz dans leur témoignage devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes et ce comité-ci, respectivement.

En écoutant les délibérations du comité, le 7 novembre, j’ai été frappée de constater que le code était qualifié de « code de l’industrie ». Je dirais que cette description ne rend pas justice à toutes les parties concernées. En effet, il est le fruit de cinq années de leadership de la part d’associations de l’industrie, dont PASC, l’Association canadienne des annonceurs, l’Association canadienne des boissons et Restaurants Canada. Nous avons demandé à Santé Canada, aux professionnels de la santé et aux organismes sans but lucratif de nous faire part de leurs observations, dont nous avons tenu compte dans leur intégralité.

Nous avons élaboré un code qui couvre la publicité sur les aliments à teneur élevée en sodium, en sucre et en gras saturés destinée aux enfants de moins de 13 ans. Il s’agit d’un régime complet et pratique qui s’applique à la publicité dans tous les médias et qui respecte ou dépasse les lignes directrices énoncées dans le document d’orientation de 2018 de Santé Canada et la mise à jour de la politique de 2023.

Le code est en vigueur aujourd’hui. En 2023, nous l’avons mis en place et il s’applique depuis 18 mois. Il respecte, voire surpasse l’approche ciblée de Santé Canada visant la radiodiffusion et les médias numériques. Par exemple, il ne se limite pas aux médias, mais restreint aussi la publicité dans des milieux comme les écoles jusqu’à la 8e année.

Le code intègre également le modèle québécois et les critères de l’article 249 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec pour déterminer si une publicité s’adresse principalement à des enfants de moins de 13 ans. Tous les critères sont évalués par Normes de la publicité.

Malgré ce que vous avez entendu hier, je dois souligner que le code est d’application obligatoire et non facultative. Il n’y a pas de mécanisme de retrait, et le code s’applique à toutes les entreprises du secteur des aliments et boissons au Canada, qu’elles soient membres ou non de l’une ou l’autre des associations énumérées.

Le code est administré par Normes de la publicité, un organisme indépendant sans but lucratif qui a fait ses preuves en matière de publicité éthique et qui jouit d’une telle confiance qu’il est même chargé d’examiner les publicités du gouvernement du Canada. Normes de la publicité Canada a mis en œuvre un système robuste et adapté de préapprobation et de vérification de la conformité pour les consommateurs et les annonceurs. Ce système reçoit des plaintes et a un régime d’application. La préapprobation offre une certitude aux annonceurs et répond à leurs préoccupations avant qu’elles ne surviennent. Rien de tout cela n’a nécessité l’intervention du gouvernement et aucun des coûts n’a été refilé aux contribuables.

Honorables sénateurs, pourquoi ne pas donner au code une chance pendant les cinq prochaines années? Il est d’application obligatoire, cible l’auditoire en cause et s’applique à tous les médias. Il est déjà en place et fonctionne déjà. Si cela ne suffit pas, nous invitons les sénateurs à envisager sérieusement l’incorporation du code par renvoi au projet de loi C-252. Merci.

La présidente : Merci, madame Chang. Monsieur Dekker, vous avez cinq minutes.

Mark Dekker, directeur principal, Sciences et affaires réglementaires, Association canadienne des boissons : Merci, madame la présidente, et merci aux membres du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie de me donner l’occasion de contribuer à une discussion cruciale.

Je m’appelle Mark Dekker et je dirige l’équipe des affaires scientifiques et réglementaires de l’Association canadienne des boissons. Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, cette association, aussi appelée ACB, est la voix de confiance et de premier plan du secteur des boissons non alcoolisées du Canada, un secteur durable, collaboratif, responsable et concurrentiel. Ensemble, nous représentons plus de 60 marques de produits non alcoolisés, dont des boissons gazeuses, des jus, de l’eau et plus encore.

Notre secteur apporte plus de 5 milliards de dollars au PIB du Canada et fournit plus de 50 000 emplois équivalents temps plein répartis sur tout le territoire. Sur chaque dollar de production que nous gagnons, 88 ¢ sont conservés dans l’économie canadienne, ce qui soutient les entreprises locales, les familles de travailleurs — dont la majorité font partie de la classe moyenne — et les collectivités où ils vivent et travaillent. Les membres de l’ACB sont également déterminés à redonner à la collectivité en offrant des emplois de qualité, en investissant dans des initiatives de développement durable et en aidant leurs voisins par l’approvisionnement en produits essentiels en période de besoin.

L’ACB a un engagement de longue date en matière de responsabilité sociale, particulièrement en ce qui concerne le marketing de ses produits. Au cours des cinq dernières années, nous avons beaucoup travaillé avec le gouvernement et un groupe diversifié d’intervenants pour élaborer et lancer le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, qu’on appelle aussi le « code » et le « guide ».

Le code et le guide permettent d’atteindre l’objectif commun d’un régime complet et applicable à toute la publicité, y compris la télévision et les médias numériques. Nous croyons que l’adoption et le respect du nouveau code à l’échelle du secteur atteindront les mêmes résultats stratégiques que visent le projet de loi C-252 et le libellé présumé de la réglementation de Santé Canada. Ces lignes directrices témoignent de la reconnaissance de nos responsabilités uniques sur le marché et de notre engagement commun à soutenir la santé et le bien-être des enfants.

Notre industrie travaille également à donner aux Canadiens, y compris aux parents, les outils et l’information dont ils ont besoin pour faire un choix de boissons éclairé. Les membres de l’ACB ont été parmi les premiers à adopter un étiquetage clair et facile à interpréter sur le devant des emballages. Ils ont réduit la teneur calorique de l’ensemble de leurs boissons et offert davantage de boissons à faible teneur en sucre et sans sucre, et l’ACB collabore avec des organismes de santé publique et des associations partenaires pour adapter ses pratiques aux besoins changeants des Canadiens.

Bien que nous partagions l’objectif visé par le projet de loi, qui est d’éviter que la publicité ne s’adresse aux enfants, une loi imprécise et d’application trop large ne fera que créer un fardeau réglementaire indu.

Depuis le 28 juin 2023, le code apporte exactement ce que le gouvernement dit souhaiter, c’est-à-dire une obligation de facto pour tous les annonceurs canadiens de limiter l’exposition des enfants à la publicité alimentaire. Normes de la publicité Canada, une tierce partie neutre et organisme de service public dévoué qui possède une grande expertise en matière de réglementation de la publicité, administre le code.

L’ACB et ses partenaires de l’industrie croient que le code fournit un cadre complet, d’application obligatoire et rigoureux qui permet d’obtenir des résultats équivalents aux modifications réglementaires proposées. À un moment où l’inflation alimentaire continue de préoccuper tous les Canadiens, nous exhortons respectueusement le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à faire une étude approfondie et exhaustive du projet de loi. Nous espérons que vous tiendrez compte de tous les aspects de cet important sujet de préoccupation avant d’adopter des règlements illimités et inutiles.

En conclusion, l’Association canadienne des boissons et ses membres sont déterminés à travailler de façon constructive avec le gouvernement pour soutenir la santé et le bien-être des enfants au Canada. Nous croyons qu’une approche collaborative ancrée dans la responsabilité partagée et l’innovation peut produire des résultats significatifs tout en protégeant le choix, la concurrence et les économies locales.

J’espère que les délibérations d’aujourd’hui et les mémoires ont montré que, grâce à cette collaboration, notre industrie peut prendre des mesures proactives pour protéger les enfants.

Je vous remercie de votre attention et je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Dekker. Je vous remercie tous de vos exposés liminaires. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Les sénateurs ont quatre minutes pour les questions et les réponses. Veuillez préciser si votre question s’adresse à un ou à plusieurs témoins en particulier et si vous souhaitez qu’un témoin ou l’autre réponde en premier.

La première question sera posée par la vice-présidente, la sénatrice Bernard.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie tous les deux de vos témoignages et de votre présence.

Je vais aller droit au but. Comme vous le savez, nous avons entendu dire que l’autoréglementation ne fonctionne pas et que le code ne donne rien. Deux questions : premièrement, le parrain du projet de loi vous a-t-il consultés pendant l’élaboration de sa mesure? Deuxièmement, quelles preuves pouvez-vous présenter au comité pour montrer que le code fonctionne comme vous le prétendez?

Mme Furuya Chang : Je me ferai un plaisir de commencer. Je vous remercie de la question, sénatrice. Je dois préciser dès le départ que le code est d’application obligatoire. Selon un certain nombre de témoignages, il n’est pas rigoureux et n’est qu’une passoire. Il est d’application obligatoire. Il s’applique à toute la publicité, à tous les annonceurs.

Si vous examinez les détails du code — et je vous invite et encourage à le faire —, vous constaterez qu’il est fondé sur le document d’orientation de 2018 de Santé Canada ainsi que sur la mise à jour de la politique de 2023. Il reprend les critères nutritionnels établis par Santé Canada.

Nous avons des preuves. Lorsque viendra le tour du deuxième groupe de témoins d’aujourd’hui, vous entendrez que Normes de la publicité, qui a une longue expérience en matière d’autorisation de publicité, s’en occupe depuis longtemps et a l’habitude d’autoriser les publicités du gouvernement. Cela fonctionne. Nous l’avons prouvé en examinant les données — et nous serons heureux d’en faire le suivi —, et nous pouvons affirmer que cela fonctionne certainement au Canada.

La sénatrice Bernard : Monsieur Dekker, quel est votre avis?

M. Dekker : Je suis d’accord avec ma collègue. Votre première question est la suivante : le parrain nous a-t-il consultés? Je ne sais pas si je peux répondre par l’affirmative. Je n’ai pas été consulté par le parrain du projet de loi. Je ne sais pas si d’autres dans la salle l’ont été.

La sénatrice Bernard : Madame Furuya Chang, avez-vous été consultée?

Mme Furuya Chang : Non. Nous avons tenté de fournir une rétroaction, mais non, nous n’avons pas été consultés.

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Seidman : Je remercie les témoins d’être parmi nous aujourd’hui et de nous présenter leurs témoignages.

Vous parlez beaucoup du code. J’ai quelques questions à vous poser à son sujet, si vous me le permettez. Monsieur Dekker ou madame Furuya Chang, n’hésitez pas à intervenir.

À la page 4, sous la rubrique Publicité soumise au Code en matière de publicité sur les aliments et les boissons, on peut lire ceci à la quatrième ligne :

Pour plus de certitude, les emballages, les étiquettes, les contenants et la forme des produits ne sont pas considérés comme de la publicité aux fins du Code en matière de publicité sur les aliments et les boissons.

Nous avons beaucoup discuté de la différence entre publicité et marketing. Expliquez-moi comment vous avez pu arriver à ce genre d’énoncé. Je vais m’arrêter là.

Ma deuxième question porte sur les seuils. À la page 8, vous énumérez les seuils pour les matières grasses, le sodium et les sucres. Comment avez-vous établi ces seuils? Ils sont différents de ce qu’on nous a déjà présenté. Quelles sont les assises scientifiques de ces seuils dont vous dites qu’ils sont d’application obligatoire? Merci.

Mme Furuya Chang : Commençons par votre première question au sujet de l’emballage et de l’étiquetage et de la différence entre la publicité et le marketing. Dans les échanges qui ont eu cours ces derniers mois au sujet du marketing et de la publicité, il devrait être clair que les deux notions ne sont pas interchangeables. La publicité est un sous-ensemble du marketing, et ce que nous avons inclus dans le code correspond à la définition que Santé Canada donne de la publicité dans la Loi sur les aliments et drogues. Pour être cohérents avec le gouvernement, sa loi et ses règlements, nous avons défini la publicité de la même façon.

L’emballage et l’étiquetage sont distincts dans le Règlement sur les aliments et drogues, et ils ne sont pas inclus et considérés comme de la publicité. Voilà pour la première partie de votre question.

Quant aux seuils que nous avons choisis d’utiliser, ce sont ceux que Santé Canada avait envisagés et a intégrés dans son document d’orientation de 2018. C’est le critère des allégations nutritionnelles faibles. En moyenne, c’est environ 5 % de la valeur quotidienne recommandée, et dans ce cas-ci, 5 % de la valeur quotidienne des nutriments préoccupants. Donc, si un produit donné dépassait les 5 % ou restait en deçà des valeurs recommandées, il ne pourrait faire l’objet d’une publicité destinée aux enfants.

La sénatrice Seidman : Vous dites que les seuils de la page 8... Cela ne cadre pas avec ce que vous venez de dire. Si je regarde vos seuils de gras saturés, de sodium et de sucres, il s’agit d’un total de plus de 2 grammes d’acides gras saturés, ou AGS, par quantité de référence, ou QR, ou par portion indiquée, selon la valeur la plus élevée, et de plus de 15 % d’énergie provenant des AGS. Aidez-nous à comprendre ce que cela signifie.

Mme Furuya Chang : Il s’agit des critères de faible teneur en éléments nutritifs énoncés dans le règlement qui équivalent à environ 5 %. Ce ne sera pas 5 % pour chaque produit. Les produits sont différents en raison de leur recette, de leur composition et de la matrice des ingrédients, mais les critères que vous voyez là sont ceux du gouvernement du Canada, de Santé Canada, dont les critères sont faibles et qui correspondent à la valeur quotidienne de 5 % que nous avons incluse.

Nous avons en fait intégré dans notre code tout ce qui vient directement du Règlement sur les aliments et drogues. Nous n’avons apporté aucun rajustement.

La sénatrice Seidman : D’accord, voilà qui est utile. Je reviens au marketing et à la publicité. Dans le texte en anglais du projet de loi, on parle de « marketing » dans le titre et dans le préambule, mais on parle d’« advertising » dans le texte. On nous a dit hier qu’il y avait un écart par rapport à la définition actuelle.

Vous n’avez pas parlé non plus du fait que la forme du produit n’est pas considérée comme de la publicité selon votre code.

Mme Furuya Chang : À propos de la notion de publicité, disons que ce n’est pas parce qu’une forme est attrayante qu’il s’agit de publicité. La forme d’un produit...

La sénatrice Seidman : C’est du marketing. La notion de marketing est plus étendue. Si on présente à un enfant une céréale en forme d’ourson plutôt que de cercle, c’est évidemment du marketing parce que l’enfant sera tenté d’essayer la céréale en forme d’ourson.

Mme Furuya Chang : Je dirai deux choses : premièrement, comme nous n’avons pas été consultés au sujet du projet de loi, il est regrettable que nous n’ayons pas été en mesure de faire cette distinction et de préciser l’utilisation des termes « marketing » et « publicité ». Ils ont été utilisés l’un pour l’autre. Dans le projet de loi, cela fait problème. Sur ce point, nous pourrions apporter notre aide et nous assurer de l’exactitude de la terminologie.

Je le redis, ce n’est pas parce que quelque chose est attrayant que c’est de la publicité. Nous parlons quant à nous de la publicité. Le code porte sur la publicité, pas sur le marketing.

La sénatrice Seidman : Merci.

La sénatrice Osler : Merci à tous les témoins d’être là.

Je reviens sur l’affirmation de Mme Chang selon qui le code est d’application obligatoire et est déjà en vigueur. Ma question s’adresse aux deux associations.

Je remercie l’Association canadienne des boissons de son mémoire. Vous avez dit que c’est un mécanisme fondé sur les plaintes administré par Normes de la publicité. Donc, dans le cas de Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada, s’agit-il d’un mécanisme fondé sur les plaintes, et est-il administré par Normes de la publicité?

Pour les deux organisations, comment le public a-t-il été informé du code et du mécanisme de plainte? Savez-vous, dans chaque organisation, combien de plaintes contre vos membres ont été reçues? Pouvez-vous dire au comité quel est le mécanisme d’application pour vos membres? Est-ce lié à l’octroi de licences? S’agit-il d’une sanction financière? Si des plaintes ont été reçues, savez-vous si le comportement a ensuite changé?

Nous pourrions peut-être commencer par l’Association canadienne des boissons.

M. Dekker : Je vous remercie de votre question. La façon dont le code est administré comporte deux aspects. Il y a le mécanisme de plaintes dont vous avez parlé, c’est-à-dire que ceux qui voient une annonce qui, à leur avis, contrevient au code, peuvent déposer une plainte ou aviser Normes de la publicité aux fins d’examen et d’arbitrage.

Un autre élément du code est le solide mécanisme de préapprobation. Dans certaines situations, les publicités sont soumises à un examen préalable de Normes de la publicité. Il s’agit de veiller à ce qu’elles respectent les lignes directrices du code.

Ce sont les deux éléments vraiment importants de l’application, à la fois la préapprobation et le mécanisme fondé sur les plaintes, qui, pour ce qui est des plaintes, semble également être le mécanisme proposé pour l’application des règlements associés au projet de loi.

Je ne peux pas commenter la deuxième partie. Je ne suis pas au courant des plaintes portées contre nos membres. Ce doit être une information échangée entre les annonceurs et Normes de la publicité. Je ne peux pas répondre à ce genre de question.

La sénatrice Osler : Vous n’êtes pas au courant.

M. Dekker : Exact.

La sénatrice Osler : Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada?

Mme Furuya Chang : Je ne répéterai pas nécessairement ce que mon collègue Mark Dekker a dit au sujet des plaintes et de la préapprobation. C’est clair. C’est dans le code. C’est ce que fait aujourd’hui Normes de la publicité. C’est aussi ce que Santé Canada a laissé entendre dans ses observations du 7 novembre, à savoir qu’il envisage un mécanisme fondé sur les plaintes et qu’il songe à faire appel à Normes de la publicité pour obtenir ces renseignements.

Quant à la sensibilisation du public, nous sommes tout à fait d’accord et nous voulons promouvoir la sensibilisation et la compréhension. En fait, nous organiserons un webinaire la semaine prochaine avec l’Association canadienne des annonceurs, ainsi qu’avec Normes de la publicité pour nous assurer que les consommateurs, les annonceurs et tout le monde comprennent les obligations de l’industrie et nos engagements.

Ensuite, l’application du code. Vous avez demandé quelles sont les sanctions. Je m’en remets aux experts de Normes de la publicité. Je ne sais pas quelles publicités ont pu être visées, mais je crois savoir que des publicités qui faisaient problème ont été retirées. En 60 ans d’histoire, il n’y en a eu qu’une poignée.

Pour ce qui est des sanctions, à l’heure actuelle, nous n’avons pas le pouvoir de les imposer. C’est pourquoi il n’en est pas question dans le code.

Autre chose à signaler à propos des sanctions. Il ne faut pas s’y tromper : ce ne sont pas seulement les sanctions pécuniaires qui préoccupent l’industrie. C’est aussi le risque pour la réputation. Elle ne veut ni les sanctions ni le risque pour la réputation. Ce que nous essayons de dire, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’imposer des sanctions pécuniaires.

La sénatrice Osler : Merci.

La présidente : Si mes collègues sont d’accord, je voudrais demander une précision.

Comment savez-vous que le code fonctionne si vous ne connaissez pas les données sur les plaintes. Comment pouvez-vous dire que cela fonctionne?

Deuxièmement, en l’absence de données ou de sanctions, comment pensez-vous être en mesure de faire respecter le code?

Si vous pouviez répondre à ces deux questions, nous pourrions ensuite passer à autre chose.

Mme Furuya Chang : Oui. Je peux certainement commencer. Comment savons-nous que cela fonctionne? Normes de la publicité a montré pendant plus de 60 ans que l’autorisation de publicité et la préapprobation fonctionnent. Je vais m’en remettre à eux et à leur témoignage pour fournir les données réelles, le nombre de plaintes et le nombre de publicités qu’il a fallu retirer. C’est là que se trouvent les données.

Pour ce qui est de l’application du code, je crois que 18 mois ont passé depuis son déploiement. Je ne peux rien dire de ce que Normes de la publicité observe, mais à notre connaissance, nous n’avons reçu aucune plainte et nous n’avons rien vu d’irrégulier.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bienvenue à nos témoins. Je vais poser mes questions en français. J’ai une question pour chacun d’entre vous. Madame Furuya Chang, vous dites que le code est obligatoire. Je parle ici du paragraphe qui parle du refus par l’annonceur de suivre la procédure ou de respecter une décision. On indique que si l’annonceur refuse de se conformer à une décision des Normes canadiennes de la publicité ou à la décision du comité d’appel, celles-ci « peuvent » aviser le média qui diffuse la publicité que l’annonceur refuse de collaborer, celles‑ci « peuvent » déclarer publiquement, en utilisant les moyens qu’elles jugent le plus appropriés, donc, pour faire en sorte que l’annonceur soit jugé comme contrevenant.

J’aimerais des précisions là-dessus parce que « peuvent » n’est pas très fort. « Peuvent » veut dire qu’on le fait si l’on en a envie, et on ne le fait pas si l’on n’en a pas envie. J’aimerais des précisions là-dessus.

Monsieur Dekker, dans votre mémoire vous affirmez soutenir ce qui suit :

Comparativement au code, les modifications à la réglementation proposée par Santé Canada présentent des avantages supplémentaires minimes. Le projet de politique de Santé Canada repose sur des données périmées, inexactes et d’une portée manifestement excessive afin d’exagérer de façon considérable le degré d’exposition des enfants à des publicités d’aliments.

C’est une déclaration assez forte, en fait. Si l’on ne peut pas se fier à Santé Canada, j’ai un problème. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet pour que l’on comprenne mieux cette affirmation?

Mme Furuya Chang : Merci beaucoup, sénateur Cormier.

[Traduction]

Quant au respect du code par les annonceurs, son application est obligatoire. Cela s’applique à tout le monde. Ce n’est pas quelque chose qu’un annonceur peut décider de refuser. Il s’applique de toute façon.

À propos de la diffusion des publicités, si nous pouvons utiliser cet exemple, il faut passer par l’Association canadienne des radiodiffuseurs. Je ne veux pas parler en leur nom, mais ils doivent comprendre que la publicité a été autorisée et que, si elle s’adresse aux enfants, elle respecte les exigences du code.

Le sénateur Cormier : En cas de dérogation, que se passe-t-il?

Mme Furuya Chang : La publicité est retirée. Elle n’est pas du tout diffusée ou elle est retirée.

Le sénateur Cormier : D’accord.

Mme Furuya Chang : Elle ne peut pas être utilisée.

Le sénateur Cormier : Merci. Monsieur Dekker, à vous.

M. Dekker : Je vous remercie de votre question. Il y a deux ou trois points que je voulais passer en revue. Au sujet des éléments nutritifs à cibler, le code et le projet de règlement, qu’il s’agisse de versions antérieures du projet de règlement ou de la politique proposée, ou même de la brève mention dans le projet de loi, ceux qu’il faut limiter, si on veut, le niveau ou la quantité sont les mêmes, comme ma collègue l’a montré. Donc, pour ce qui est des produits qui seraient visés, ils sont semblables.

Quant aux politiques et aux données désuètes, il s’agit peut‑être davantage de travaux antérieurs qui n’ont pas nécessairement été pris en compte ici ou par le Comité de la santé des Communes au sujet d’une certaine évolution dans les médias.

Je vous encourage également à poser cette question au groupe de témoins suivant au sujet de leurs détails techniques et de leur compréhension du paysage publicitaire. Comme vous pouvez le constater, au cours des cinq dernières années environ, il y a eu un changement dans la façon dont la publicité peut se faire au Canada, y compris dans les médias sociaux, et ainsi de suite. Il est important de tenir compte de toutes ces réalités.

[Français]

La sénatrice Mégie : Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur interdit la publicité ciblant les enfants de moins de 13 ans, tandis que le code de la publicité destiné aux enfants définit l’enfant comme étant âgé de moins de 12 ans. Y a-t-il une raison pour cette différence d’âge ou est-ce prévu comme cela? Sur quoi vous êtes-vous basé pour passer de 13 à 12 ans? Je peux poser la question à M. Savoie.

Pierre Savoie, avocat et associé, LJT Avocats, Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada : La Loi sur la protection du consommateur prévoit 13 ans et moins et le code prévoit la publicité principalement destinée aux personnes de moins de 13 ans. Nous avons adopté le même critère.

La sénatrice Mégie : On a l’impression que c’est 12 ans. Donc, ça va.

M. Savoie : La raison pour laquelle on a adopté ce critère, c’est qu’il a été testé par les tribunaux dans l’arrêt Irwin, que vous connaissez tous, qui est venu décréter que la restriction qui était apportée à la liberté d’expression était justifiable pour un public vulnérable jusqu’à l’âge de 13 ans. Au-delà de 13 ans, les tribunaux ne considéraient pas qu’il y avait lieu d’affecter la liberté d’expression et d’instaurer une restriction qui allait au‑delà de cet âge.

La sénatrice Mégie : Merci. Y a-t-il des avantages et des inconvénients à légiférer sur ce sujet? Certains disent que le code est bon, d’autres disent qu’au Québec il y avait déjà la Loi sur la protection du consommateur. Est-ce que vous pensez que légiférer apporterait des avantages ou, plutôt, aurait des inconvénients?

M. Savoie : Vous avez entendu les témoignages qui ont indiqué que la loi québécoise atteint l’objectif souhaité par le projet de loi. Mme Lattanzio en a elle-même témoigné, et hier on entendait une citation de Mme Wolff au même effet. Lorsque le code a été développé, il a été développé en fonction de quelque chose qui a été testé et qui fonctionnait. La pierre angulaire du code repose sur le fonctionnement de l’analyse que l’on fait pour déterminer si on est en présence d’une publicité destinée aux enfants.

Le problème avec le projet de loi S-228 et avec le projet de loi C-252, c’est qu’il n’y a aucune référence ou définition de ce qu’est la publicité aux enfants. Aucun paramètre n’est donné, contrairement au modèle québécois, sur lequel le législateur est censé s’être inspiré, ce qui cause un problème majeur, parce qu’il faut se rappeler que nous sommes en train de faire des modifications à une loi fondamentale au Canada qui est la Loi sur les aliments et drogues qui protège la santé des Canadiens.

De plus, nous sommes dans un contexte où on est en train d’établir une restriction à la liberté d’expression. Ces deux choses allument une lumière rouge qui nous oblige à être beaucoup plus vigilants pour s’assurer que la restriction que vous vous apprêtez à imposer est viable. Je vous soumets qu’elle ne l’est pas parce qu’elle est totalement imprécise, tout comme pour le projet de loi S-228.

D’ailleurs, l’industrie se faisait accuser hier d’avoir quasiment mis à mort le projet de loi S-228, mais c’est la rédaction même du projet de loi qui est problématique.

[Traduction]

La sénatrice Petitclerc : Merci à tous d’être ici aujourd’hui. J’ai une question pour vous, monsieur Dekker. Je pense que nous avons tous du mal à comprendre que ce soit obligatoire, et non pas volontaire comme nous l’entendons dire constamment.

Monsieur Dekker, j’essaie de comprendre. Vous dites que c’est obligatoire, semble-t-il. Je me rends sur le site Web de l’Association canadienne des boissons, où je consulte les directives qui incorporent le code, et la première phrase dit qu’elle a publié ces directives à des fins de consultation volontaire par ses membres. Lorsque vous ouvrez le lien vers les lignes directrices, il y a là les différentes sections. Il y a la portée, l’engagement des membres de l’ACB, la publicité télévisée, la publicité radiophonique, la publicité imprimée, etc. Aidez-moi.

M. Dekker : Je vous remercie de la question. Certains des documents qui se trouvent sur notre site Web sont des engagements que nos membres ont pris et qui vont au-delà du code et des lignes directrices. Ils ont pu interagir ou se croiser avec d’autres éléments, comme certains des travaux antérieurs sur les boissons énergisantes, etc. Nos membres ont pris d’autres engagements qui sont différents ou distincts du code et du guide.

La nature obligatoire, c’est que toute la publicité au Canada pour nos membres qui fabriquent des produits alimentaires, c’est-à-dire la totalité de nos membres, doit maintenant respecter ce code et ce guide. C’est la voie que notre industrie a choisi de suivre à l’avenir.

La sénatrice Petitclerc : C’est très curieux, mais je vais passer à autre chose. J’ai une question très précise, et peut-être que le prochain groupe pourra m’aider.

Je m’inquiète du libellé du code, surtout après les témoignages que nous avons entendus hier. Chaque mot est un choix, comme l’a dit le sénateur Cormier. Il est mentionné dans le code — vous l’avez dit dans votre déclaration préliminaire, madame Furuya Chang — que les enfants sont un « auditoire particulier ». Vous avez mentionné la décision Irwin, au Québec, selon laquelle les enfants sont vulnérables. C’est ce qu’on entend dans la loi. C’est ce que nous entendons à l’UNICEF et à l’Organisation mondiale de la santé, et pourtant vous avez choisi l’expression « auditoire particulier ».

Pourquoi ne pas désigner correctement les enfants comme un « auditoire vulnérable »?

Mme Furuya Chang : Je me ferai un plaisir de répondre à cette question. Je vous remercie de la poser.

La sénatrice Petitclerc : Que signifie « particulier »?

Mme Furuya Chang : Nous sommes disposés à changer cela. Je n’ai pas d’objection à ce que nous parlions d’un « auditoire vulnérable ». Absolument. Nous sommes tous des consommateurs. Bon nombre d’entre nous sont des parents. Je suis mère de deux enfants. Absolument.

La sénatrice Petitclerc : D’accord. Merci. Qu’en est-il de la surveillance? Quand vous dites que le code s’applique à tous, donc à toute la publicité, chaque fois qu’un annonceur y contrevient, il est fustigé. C’est ce que je comprends. Il y a le mécanisme de plainte, mais je ne sais pas à quel point les consommateurs ou les parents sont proactifs pour se plaindre. J’aimerais voir les données à ce sujet.

À part cela, faites-vous de l’échantillonnage ou de la surveillance? Cela semble exiger beaucoup de travail. L’organisation du code surveille-t-elle de façon proactive ce qui se passe?

Mme Furuya Chang : Excellente question. Je dirais que la surveillance au moyen d’un mécanisme fondé sur les plaintes vise à refléter, par exemple, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui n’examine pas tous les produits avant qu’ils ne soient mis en marché. C’est un système fondé sur les plaintes. Nous proposons de mettre le code en œuvre d’une façon très semblable, au moyen d’un système de surveillance fondé sur les plaintes.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être ici. Vous avez écouté les témoignages précédents, alors c’est bien.

J’aimerais me concentrer sur vos arguments selon lesquels ce code est meilleur que le projet de loi, et que nous n’avons pas besoin du projet de loi parce que ce code est en place. Je vais vous poser la même question que j’ai posée à Santé Canada. Dans cette question, j’ai mentionné que je m’intéressais aux influenceurs qui s’adressent aux enfants parce que le paysage change rapidement. Nous devons savoir ce qu’il en est. Nous sommes très en retard en ce qui concerne les effets sur nos enfants et leur santé, et c’est de cela qu’il s’agit.

Nous avons des influenceurs qui font du placement de produits, et c’est énorme. Je n’entrerai pas dans les chiffres; c’est dans leur témoignage. Votre code fera-t-il quelque chose à ce sujet?

M. Savoie : Si vous me permettez de répondre, tout d’abord, au sujet de l’amélioration du code, en fait, comme je l’ai dit, le code respecte ou reflète ce que le modèle québécois implique. En ce sens, cela permet à l’annonceur de savoir comment la publicité sera traitée, examinée et analysée.

Ce n’est pas ce que fait le projet de loi. Le projet de loi est totalement vague quant à ce que l’annonceur doit faire. En ce sens, il est très exposé aux contestations fondées sur la Charte, comme c’est le cas pour l’article 7.2, où nous disons que nous allons permettre...

La sénatrice Burey : Je veux en venir à la question parce que mon temps est limité et que la présidente est très stricte. Je veux vraiment parler des influenceurs, car c’est là que les enfants passent beaucoup de temps. Votre code fera-t-il quelque chose à ce sujet?

M. Savoie : Oui. Il s’adresse spécifiquement aux influenceurs, comme à bien d’autres aspects. Vous pouvez consulter la liste de tous les médias à la fin du code, dans le guide. Cela sera examiné, comme toute autre publicité, dans la mesure où il s’agit d’influenceurs en relation avec un annonceur. Ils deviennent un prolongement de l’annonceur lui-même, et ils sont soumis aux mêmes règles.

La sénatrice Burey : Santé Canada a dit que cela ferait partie de ses règlements, et c’est ce qui sera prévu.

M. Savoie : Cela fait déjà partie des nôtres.

La sénatrice Burey : Je ne l’ai pas vu. Je vais passer à ma dernière question, qui porte sur le Québec. L’un des autres problèmes, c’est que la réglementation serait un fardeau financier pour l’industrie, je suppose. Mais si on regarde les données du Québec, l’interdiction de la publicité au Québec depuis 1980 démontre un succès mesurable dans la réduction des achats de restauration rapide sans étouffer l’activité économique en général.

Avez-vous fait une analyse coûts-avantages de ce projet de loi? Est-ce ce qui vous préoccupe?

M. Savoie : Je ne m’occupe pas de l’aspect financier.

Mme Furuya Chang : Je peux peut-être vous demander de citer ces données. Je pourrais revenir à l’analyse coûts-avantages que nous avons faite en avril de l’année dernière.

La sénatrice Burey : Au Québec, cela n’a pas semblé étouffer l’activité économique. Êtes-vous au courant de cela?

Mme Furuya Chang : Oui, mais j’essaie de comprendre — nous n’avons pas déclaré que cela étoufferait l’activité économique.

La sénatrice Burey : Non, mais avez-vous fait une analyse coûts-avantages de ce projet de loi, quant à savoir si cela nuirait, selon vous, à l’activité économique?

Mme Furuya Chang : Nous avons répondu à l’analyse coûts-avantages du gouvernement qui visait à appuyer ou non le projet de loi.

La sénatrice Burey : Et?

Mme Furuya Chang : Nous avons constaté que la quantité de publicité avant et après la mise en œuvre de notre code était la même. Il n’y avait pas de publicité destinée aux enfants. Je peux vous fournir les chiffres précis, mais il y a eu très peu de changements.

La sénatrice Burey : Ce serait très utile. Merci.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. Vous avez peut-être remarqué que vous ramez à contre-courant. C’est un sujet qui touche bon nombre d’entre nous.

Vous avez mentionné à maintes reprises que le code est obligatoire, que le code fonctionne, que le code est en place depuis plus de 60 ans. Vous dites même dans votre mémoire que depuis plus de 60 ans, la quasi-totalité de la publicité au Canada est soumise au Code canadien des normes de la publicité.

Je n’étais pas ici à ce moment-là, mais en 2016, ce comité sénatorial avait mené une étude indiquant que le nombre d’enfants obèses au Canada a triplé depuis 1980. Sur une période de 35 ans, soit de 1980 à 2016, l’obésité chez les enfants a triplé.

Comment pouvez-vous affirmer que le code fonctionne devant de telles statistiques?

M. Savoie : Il y a deux codes. Il y a le Code canadien des normes de la publicité qui établit les grands principes auxquels sont astreints tous les annonceurs, peu importe le genre de publicité dont on parle. Le code dont on parle aujourd’hui, et qu’on vous demande d’incorporer au projet de loi, est un code spécifique à la publicité destinée aux enfants. La personne qui représente les Normes canadiennes de la publicité pourra l’expliquer mieux que moi, mais le code canadien dont on parle et qui est en vigueur depuis 60 ans est pour l’ensemble de la publicité afin qu’elle ne soit pas fausse ni trompeuse. Il y a des dispositions en ce qui concerne les enfants, mais c’est par rapport au message qui ne doit pas être trompeur quant à leur degré de compréhension des choses. Cependant, ce code ne visait pas l’obésité de près ou de loin.

Le sénateur Boudreau : J’ai peut-être mélangé les deux codes, mais la statistique la plus frappante, c’est que l’obésité a triplé sur une période de 35 ans, soit de 1980 à 2016. Votre code est en place depuis...

M. Savoie : Six mois.

Le sénateur Boudreau : Il y avait un code avant cela aussi. Vous l’avez révisé en 2023, si je comprends bien. Il y avait un code qui existait avant.

M. Savoie : Je vais laisser Mme Furuya Chang poursuivre.

[Traduction]

Mme Furuya Chang : Il faudrait que j’utilise l’exemple des diététistes. Je pense que nous sommes tous d’accord, et je pense que la Dre Sharma, M. Aziz et Mme Boye ont dit très clairement dans leurs exposés, il y a quelques semaines, que l’obésité et les maladies chroniques sont des maladies multifactorielles. Il ne s’agit pas d’une relation directe de cause à effet. C’est beaucoup plus large que cela.

Il est injuste de dire que les taux d’obésité et les chiffres que vous avez cités découlent directement de la publicité. Je vais citer autre chose qui était...

Le sénateur Boudreau : Je n’ai jamais dit que c’était une cause directe. J’ai simplement souligné le fait que l’obésité chez les jeunes a triplé depuis 1980. De toute évidence, ce que nous faisons depuis 35 ans ne fonctionne pas. C’est peut-être la raison pour laquelle nous devons aller un peu plus loin.

Mme Furuya Chang : Oui. Je le répète, nous sommes d’accord. C’est pourquoi nous sommes allés de l’avant en créant quelque chose qui s’appuie sur les règlements de Santé Canada et qui intègre toutes les données scientifiques que nous connaissons également.

J’aimerais revenir au Chili dont il a été question hier. Avant et après la mise en œuvre des restrictions, on a laissé entendre que cela fonctionnait. Le taux d’obésité au Chili était de 16 % en 2009 et est passé à 26 % en 2022, même avec une interdiction en place. Encore une fois, je soumets la question à chacun d’entre nous. Nous devons faire très attention aux discours qui...

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. Je veux commencer, comme vous l’avez fait, par les objectifs. Je maintiens que vos objectifs ne sont pas les mêmes que ceux de Santé Canada. Le projet de loi que nous examinons désignerait la loi comme la « Loi sur la protection de la santé des enfants ». Il porte sur la santé des enfants et l’obésité juvénile, mais il n’y a aucune mention de la santé des enfants dans votre code. Ce n’est pas un objectif du code que vous avez établi. Je pense qu’il faut partir de l’essentiel et comprendre que ce n’est pas votre objectif. Vous n’avez pas d’objectif commun avec le projet de loi que nous étudions aujourd’hui. Je veux que ce soit parfaitement clair.

Il y a tellement de choses ici. Il y a les lignes directrices nutritionnelles. Un grand nombre de nos témoins ont souligné hier que vos lignes directrices en matière de nutrition, vos seuils, sont moins élevés. Nous parlons des lignes directrices élaborées par Santé Canada, les nouvelles, et non pas celles de 2018. C’est maintenant de l’histoire ancienne. Vos seuils sont beaucoup plus bas, et c’est particulièrement le cas pour les céréales.

Nous avons entendu des noms de toutes sortes de céréales qui seraient permises en vertu de vos lignes directrices, mais pas de celles de Santé Canada. Il y a Lucky Charms et bien d’autres. Il y en a tout plein d’autres qui peuvent faire l’objet d’annonces publicitaires en vertu de votre code, mais pas selon les lignes directrices de Santé Canada en matière de nutrition. Soyons clairs à ce sujet. Vous êtes plus indulgents, à moins que vous ne disiez que tout ce que nos témoins ont dit hier est faux.

Le caractère volontaire de vote code est omniprésent. Vous avez parlé avec fierté de la préapprobation. Regardons simplement son libellé : « Toute publicité sur les aliments et sur les boissons peut être soumise à la préapprobation de Normes de la publicité. » Elle « peut » y être soumise, et c’est donc facultatif. Le code parle de ce que l’on peut faire. C’est considéré comme un acte volontaire.

Je suis particulièrement mécontente de ce que vous avez dit au sujet du processus de surveillance des plaintes. La surveillance et les plaintes sont des processus complètement différents. Vous n’avez pas de processus de surveillance. Santé Canada exercera un contrôle, en vertu de la loi avec ces modifications et les règlements. Le ministère surveillera l’environnement. Vous ne surveillez pas l’environnement.

La présidente : Y a-t-il une question?

La sénatrice Dasko : Eh bien, par où commencer? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas terminé mes observations, mais madame la présidente s’en prend à moi maintenant.

Quoi qu’il en soit, ce ne sont là que quelques exemples. Je pourrais reprendre les questions de chacun de mes collègues parce que je pense qu’elles sont pertinentes ici. Quoi qu’il en soit, voilà ce que je tiens à souligner.

La présidente : Êtes-vous d’accord?

M. Savoie : Pouvons-nous répondre?

La présidente : Oui.

M. Savoie : Pour ce qui est de la surveillance, c’est un autre problème que pose le projet de loi. Non seulement cela n’a aucun rapport avec le groupe d’âge visé par les restrictions, parce que la surveillance visera à évaluer l’impact, non pas sur les enfants de 13 ans et moins, mais sur un autre groupe d’âge qui n’est pas visé par les restrictions.

La sénatrice Dasko : Santé Canada surveillera l’environnement pour la publicité destinée aux enfants afin de voir comment cela fonctionne. De plus, vous avez raison en ce qui concerne les enfants plus âgés, car on craint que la publicité destinée aux enfants ne soit déplacée vers les adolescents, qui sont aussi terriblement vulnérables, mais qui, malheureusement, ne sont pas couverts par ce projet de loi.

La présidente : Je vais passer au deuxième tour avec la sénatrice Bernard avant que nous ne manquions de temps.

La sénatrice Bernard : J’ai aimé suivre la discussion. Je vais céder mon temps de parole. J’aimerais que vous terminiez.

La présidente : Sénatrice Dasko, veuillez continuer.

La sénatrice Dasko : Pour en revenir à la surveillance, les témoins d’hier nous ont dit que la surveillance des adolescents est extrêmement importante parce que nous savons qu’ils sont vulnérables, mais ils ne sont pas couverts par le projet de loi. Ils ne sont pas couverts par votre code non plus. Ils ne sont pas couverts. Donc, en fait, la publicité destinée aux adolescents pourrait augmenter. Il est important de surveiller ce groupe.

C’est pourquoi nous avons une disposition dans le projet de loi pour surveiller ces groupes. Mais comme je l’ai dit, un processus de surveillance sera en place. La surveillance nous montrera, par exemple, certaines des choses que nous avons apprises hier concernant les entreprises qui étaient censées être visées par votre code par rapport à celles qui ne l’étaient pas. Certaines d’entre elles, que votre code était censé couvrir, étaient en fait davantage coupables de montrer aux enfants des publicités pour des aliments nocifs pour la santé. Nous l’avons vu avec Mme Potvin Kent. Elle a fait de nombreuses recherches. C’est la raison pour laquelle votre code n’est pas efficace, parce qu’on n’en tient tout simplement pas compte, qu’il s’applique à vous ou non, peu importe. On n’en tient pas compte.

Et s’il n’y a ni surveillance ni conformité, il n’y a pas de sanctions. Peu importe si vous enfreignez le code.

La présidente : Avez-vous une question, sénatrice Dasko?

La sénatrice Dasko : Quoi qu’il en soit, j’ai fait plusieurs déclarations.

La présidente : Quelqu’un veut-il intervenir?

Mme Furuya Chang : Pour ce qui est de votre premier commentaire, nous avons le même objectif. Comme je l’ai dit, je suis une professionnelle de la santé réglementée. Je suis, d’abord et avant tout, une diététicienne.

La sénatrice Dasko : Il n’y a rien dans le projet de loi au sujet de la santé des enfants.

Mme Furuya Chang : C’est la raison pour laquelle nous le faisons. Cela fait partie de la Stratégie en matière de saine alimentation. Notre appui et notre engagement à l’égard de l’objectif commun de protéger la population vulnérable sont au cœur de notre démarche.

La sénatrice Dasko : Vous avez créé ce code pour essayer de devancer et de court-circuiter ce que fait Santé Canada.

Mme Furuya Chang : C’est l’ironie de la chose. Je sais que c’est une conversation intéressante. L’ironie de tout cela, c’est que tout ce que Santé Canada a réellement énoncé dans sa mise à jour de la politique de 2023 et qu’il a l’intention de faire, nous l’avons déjà fait.

La sénatrice Dasko : Ce n’est pas exact.

Mme Furuya Chang : Tout ce qui se trouve dans notre document d’orientation de 2018 est là. Je vous demanderais respectueusement de nous montrer les données, car notre code s’arrime à la réglementation telle qu’elle existe aujourd’hui dans le Règlement sur les aliments et drogues, et c’est ce que nous y avons incorporé. Ce n’est pas sorti de nulle part. Nous avons utilisé les règlements existants du gouvernement pour établir les critères.

La présidente : Merci beaucoup. Honorables sénateurs, cela met fin à ce premier groupe de témoins. Je remercie les témoins de leur témoignage d’aujourd’hui.

Pour le prochain groupe de témoins, nous souhaitons la bienvenue aux témoins suivants. De l’Association canadienne des annonceurs, Andrea Hunt, présidente et cheffe de la direction, et Judy Davey, vice-présidente, Politiques médias et ressources marketing. Kevin Desjardins, président de l’Association canadienne des radiodiffuseurs, et Catherine Bate, présidente et cheffe de la direction de Normes canadiennes de la publicité. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

Nous allons commencer par Mme Hunt, qui sera suivie de M. Desjardins et de Mme Bate. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Madame Hunt, vous avez la parole.

Andrea Hunt, présidente et cheffe de la direction, Association canadienne des annonceurs : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Andrea Hunt et je m’adresse à vous aujourd’hui à titre de présidente et cheffe de la direction de l’Association canadienne des annonceurs, l’ACA. Je suis accompagnée aujourd’hui de Mme Judy Davey, vice-présidente, Politiques médias et ressources marketing.

Nous sommes reconnaissants d’être ici avec vous aujourd’hui, et j’en suis particulièrement honorée, car ce n’est que récemment que j’ai accepté ce rôle. Nous voulons réaffirmer dès le départ que nous sommes tout à fait d’accord sur la nécessité d’assurer le bien-être de nos enfants, et que nous comprenons les intentions honorables qu’affiche le projet de loi C-252. Bien que nous comprenions ces intentions, nous sommes très préoccupés par les conséquences imprévues et le dédoublement de la réglementation découlant d’un projet de loi qui n’a pas fait l’objet d’un examen et d’un processus de consultation publique.

Tout d’abord, quelques mots d’introduction. Depuis 1914, l’ACA représente la voix collective de l’industrie canadienne de la publicité. Nos membres, plus de 300 entreprises et divisions, ont des ventes annuelles collectives de plus de 300 milliards de dollars et emploient plus d’un demi-million de Canadiens. L’ACA est non seulement un défenseur clé de l’industrie du marketing et de la publicité, mais nous travaillons également en collaboration avec le gouvernement, les organismes de réglementation et les partenaires de l’industrie pour veiller à ce que la publicité canadienne respecte les normes les plus élevées d’équité, de véracité et de respect des valeurs canadiennes.

En 2016, grâce à l’étude du comité sur l’obésité juvénile et aux discussions sur le projet de loi S-228, l’ACA a reconnu la nécessité de reconnaître les enfants comme un auditoire particulier. Par le biais de la convocation, l’ACA a créé de manière proactive et collaborative une coalition avec ses partenaires de l’industrie. Ces travaux ont duré pas moins de cinq ans et ont abouti à l’élaboration du code et de son guide d’application, avec l’appui de plus de 10 associations industrielles clés.

Honorables sénateurs, ce code a une vaste portée non seulement auprès de ses adhérents, mais également dans son application, contrairement à ce que vous avez peut-être entendu hier.

Le code en vigueur aujourd’hui limite, dans tous les médias, la publicité s’adressant aux enfants de moins de 13 ans, sur les aliments et les boissons qui ne respectent pas les normes de nutrition de Santé Canada. Ce code va au-delà de l’approche ciblée de Santé Canada à l’égard de la radiodiffusion et des médias numériques pour inclure l’interdiction de la publicité à l’école jusqu’à la 8e année, de même que le placement et l’intégration de produits dans tout contenu de divertissement ou éditorial sur tout support principalement destiné aux enfants dans le but de promouvoir la vente d’un tel produit.

Le code repose sur une base de connaissances et des précédents juridiques. Il adopte le modèle québécois et les critères de l’article 249 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec.

Le code est obligatoire. Il régit toutes les entreprises qui font des affaires au Canada et, contrairement à d’autres initiatives antérieures — notamment l’initiative de publicité pour les enfants —, il n’est pas volontaire. Il est appliqué par Normes de la publicité, le partenaire indépendant de conformité du processus d’examen non partisan de la publicité du gouvernement fédéral.

Non seulement le projet de loi est exhaustif, mais il prévoit des conséquences importantes en cas de non-conformité, qui ont le même effet que les amendes et les peines prévues par la loi. L’affirmation selon laquelle plus d’un milliard de dollars sont consacrés chaque année à la commercialisation d’aliments et de boissons destinés aux enfants au Canada est tout simplement fausse. Un milliard de dollars ne sont pas consacrés à la publicité sur les aliments et les boissons s’adressant à tous les auditoires. En fait, de nombreuses plateformes de publicité comme la télévision sont en déclin, et le contenu publicitaire destiné aux enfants ne représente que 0,13 % des téléspectateurs actuels. Le numérique est en croissance, mais notre code le couvre également, et ces plateformes ont également des restrictions, comme les seuils d’âge, ce qui n’est pas le cas de la télévision conventionnelle.

Même si nous convenons qu’il est important de limiter les niveaux déjà modestes de publicité destinée aux enfants, nous ne croyons pas que la publicité soit le seul coupable de l’obésité juvénile, et nous n’avons pas vu non plus de preuves qui montrent que c’est un facteur convaincant.

Le projet de loi C-252, dans sa forme actuelle, soulève non seulement des préoccupations au sujet de la Charte, mais il ferait également double emploi avec les objectifs du code et exigerait d’importantes ressources. Il pourrait aussi avoir des conséquences imprévues importantes pour le secteur. On ne saurait exagérer le risque d’adopter un projet de loi aussi vague. C’est important.

Alourdi par des niveaux de réglementation redondants inutiles, ce projet de loi aura presque certainement des répercussions économiques et affectera le soutien aux médias, au talent et à la créativité, en plus d’imposer des conséquences administratives et financières lourdes de façon plus générale, tant pour le gouvernement que pour l’industrie. L’intervention stratégique est disproportionnée par rapport aux objectifs visés.

Même si nous croyons que le code fonctionne bien, nous réitérons notre volonté de travailler avec le gouvernement pour l’améliorer. Si vous croyez que ce n’est pas suffisant, nous vous invitons à envisager d’incorporer le code par renvoi au projet de loi C-252, car il offre des certitudes et une solution clé en main.

J’ai commencé par applaudir les objectifs du projet de loi. Pourquoi mettre de côté cinq années de progrès et d’investissements importants aux frais des contribuables alors qu’une solution exceptionnelle est déjà en place?

Nous soutenons respectueusement que le code de l’industrie est le moyen le meilleur, le plus rapide et le plus efficace pour le gouvernement du Canada d’atteindre son objectif stratégique. Il est déjà en vigueur et son efficacité a été démontrée. Donnons une chance à ce code.

Merci encore de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, madame Hunt.

Monsieur Desjardins, vous avez la parole. La parole est à vous.

Kevin Desjardins, président, Association canadienne des radiodiffuseurs : Merci, madame la présidente et membres du comité.

[Français]

Merci de nous donner l’occasion de comparaître devant ce comité, dans cette discussion importante; nous représentons plus de 700 stations et services privés qui composent l’Association canadienne des radiodiffuseurs.

[Traduction]

Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de présenter le point de vue des radiodiffuseurs privés du Canada sur ce projet de loi et sur les travaux du comité pour veiller à ce que ce projet de loi fasse l’objet d’un examen et d’une discussion appropriés de la part de tous les intervenants.

Le projet de loi part de bonnes intentions et, en général, nous appuyons les objectifs d’une alimentation nutritive et d’une bonne santé pour les enfants canadiens. Mais permettez-moi d’être très clair dès le départ : ce projet de loi n’atteindra pas les objectifs fixés par ses promoteurs.

Malheureusement, le projet de loi dont nous sommes saisis est vague, imprécis et, à certains endroits, tout simplement inexact. Il confère de vastes pouvoirs à un ministère dans des domaines où il n’a pas les compétences ou les connaissances requises. Il prend un problème complexe et multifactoriel et le réduit à une solution simple. Et pourtant, même les fonctionnaires de Santé Canada ne disent pas que les mesures envisagées dans ce projet de loi donneront des résultats bénéfiques mesurables pour la santé des enfants.

Si l’objectif est de s’assurer que la publicité de certains produits ne vise pas les jeunes enfants, nous croyons qu’il y a d’autres moyens d’y parvenir.

Le Code pour la publicité responsable des aliments et des boissons s’adressant aux enfants est une solution qui, à notre avis, permettrait d’atteindre tous les objectifs visés par ce projet de loi. Il fournirait également un soutien à ceux qui connaissent l’industrie de la publicité et des médias, et n’obligerait pas Santé Canada à entreprendre des activités nouvelles et supplémentaires qui dépassent sa capacité et son expertise.

Au-delà du code, nous croyons qu’il y a une discussion importante à avoir sur le fonctionnement de cette loi du point de vue des entreprises médiatiques canadiennes, y compris les radiodiffuseurs canadiens, qui paieront le prix le plus élevé.

Lorsque ce projet de loi a été adopté à l’autre endroit, le comité permanent n’a entendu que le parrain du projet de loi et Santé Canada. Le raisonnement était qu’un projet de loi semblable avait été proposé il y a cinq ans, et qu’il avait été étudié de façon appropriée à ce moment-là. Pourtant, le projet de loi contient une erreur de fait flagrante dans son préambule, qui dit que le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants est une « mesure volontaire ».

Pour être clair, ce code est une condition de licence pour les radiodiffuseurs canadiens, et il n’est pas volontaire.

Bien qu’il soit discutable que les données scientifiques à l’appui des justifications en matière de santé publique pour ce projet de loi soient demeurées inchangées au cours des cinq dernières années, il est absolument indéniable que le paysage médiatique a fondamentalement changé au Canada. En 2012, la publicité numérique représentait environ 22 % du marché canadien. Maintenant, ce chiffre est de plus de 70 %, dont la majeure partie est diffusée sur des plateformes étrangères.

Ce que nous n’avons pas encore entendu dans cette discussion, c’est la façon dont Santé Canada compte aborder la publicité diffusée par des plateformes numériques et des médias sociaux. Nous savons que le gouvernement peut exercer son pouvoir sur les médias canadiens, mais nous savons aussi, par expérience, qu’à l’ère numérique d’aujourd’hui, une abondance de publicité peut atteindre les Canadiens en dehors des médias réglementés au pays.

Que la publicité passe par des chaînes américaines liées à nos forfaits de câblodistribution ou par des multinationales liées aux plateformes mondiales de médias numériques et de réseaux sociaux, ces impressions d’audience échapperont à la réglementation. C’est important parce que la publicité demeure l’élément vital du secteur canadien des médias.

Quand la possibilité de faire de la publicité est limitée, c’est la capacité des radiodiffuseurs à financer des activités démocratiques essentielles dans leurs salles de nouvelles et leur capacité à financer les créations canadiennes qui sont directement compromises. Nous comprenons bien que l’objectif initial du projet de loi est peut-être strict et noble, mais son libellé crée beaucoup d’incertitude pour les annonceurs quant à savoir ce qu’ils peuvent publiciser, où et quand.

Nous sommes plutôt enclins à laisser le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants faire la preuve de son efficacité, mais nous proposerons aussi quelques modifications importantes avant l’adoption de ce projet de loi.

Premièrement, il convient de supprimer l’erreur de fait dans le préambule concernant le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants.

Deuxièmement, nous recommandons d’ajouter une nouvelle disposition au projet de loi pour paramétrer la définition de la publicité destinée principalement aux enfants. Plus précisément, nous recommandons d’utiliser le libellé de l’article 249 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec.

Troisièmement, nous recommandons la suppression complète de l’article 7.3.

Si on souhaite élargir les pouvoirs conférés par cette loi, il faut le faire dans le cadre du processus démocratique normal et raisonnable.

La présidente : Merci, monsieur Desjardins.

La parole est à Mme Bate.

Catherine Bate, présidente et cheffe de la direction, Normes canadiennes de la publicité : Merci, madame la présidente et distingués sénateurs. Bonjour à tous. Je vous remercie du temps que vous m’accordez aujourd’hui.

Je m’appelle Catherine Bate. Je suis présidente et cheffe de la direction de Normes canadiennes de la publicité.

Normes de la publicité est l’organisme national sans but lucratif d’autoréglementation de la publicité au Canada. Notre mission est de veiller à ce que la publicité soit responsable, véridique, juste et exacte dans tous les médias — numériques, imprimés, radiodiffusés, en ligne, sociaux, et cetera.

L’autoréglementation est une forme courante de gouvernance dans les entreprises publicitaires. À l’échelle mondiale, il existe aujourd’hui une cinquantaine d’organismes d’autoréglementation de la publicité, le Canada étant l’un des premiers. Au carrefour de la population, des organismes gouvernementaux et du secteur de la publicité, Normes de la publicité offre une perspective unique dans les compétences spécialisées en analyse de la publicité.

Je vous suis reconnaissante de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui de souligner notre travail concernant votre étude du projet de loi C-252 et notre rôle dans l’administration du code dont il est question aujourd’hui. Notre travail à cet égard comprend la préapprobation proactive des publicités et le règlement des plaintes, les deux mécanismes nous étant très familiers.

Depuis une soixantaine d’années, nous traitons les plaintes que nous recevons en vertu d’un Code canadien des normes de la publicité distinct. Notre code énonce des principes qui s’appliquent à tous les annonceurs, qu’ils adhèrent à notre organisation ou non. Il est appliqué au moyen d’un système robuste, guidé par des procédures détaillées, pour répondre aux plaintes des consommateurs, des concurrents et des groupes militants.

Les annonceurs jugés non conformes à notre code doivent modifier ou retirer définitivement leur publicité. Faute de quoi, nous inviterons les diffuseurs à retirer la publicité non conforme, nous afficherons des avis de violation sur notre site Web ou nous les signalerons au Bureau de la concurrence.

L’affaire se règle la plupart du temps de plein gré et immédiatement, sans qu’il soit nécessaire d’aller plus loin. Ce modèle éprouvé et efficace de règlement des plaintes et de vérification de la conformité constitue la base des procédures applicables en vertu du code, dont je parlerai dans un instant.

Je voudrais d’abord parler brièvement des services de préapprobation. Cela permet de vérifier la conformité des annonces avant leur mise en marché. Depuis plus de 50 ans, Normes de la publicité s’occupe de la préapprobation de toutes les annonces destinées aux enfants au Canada. Nous vérifions la conformité de ces annonces en vertu du Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants, dont M. Desjardins vient de parler.

Notre travail en vertu de ce code et des dispositions visant les enfants en vertu du Code canadien des normes de la publicité permet de fournir au Canada l’un des cadres de réglementation les plus solides au monde en matière de publicité destinée aux enfants.

Outre la préapprobation des annonces destinées aux enfants, nous avons commencé le même travail pour les aliments en 1992, quand cette responsabilité nous a été confiée par Consommation et Affaires commerciales.

Normes de la publicité est également reconnue comme une agence de préapprobation de la publicité par Santé Canada pour une vaste gamme de produits de santé grand public, et notre organisation entretient d’excellentes relations et affiches d’excellents antécédents de collaboration avec Santé Canada en matière de préapprobation des publicités et de règlement des plaintes.

Nous avons commencé à faire du travail de préapprobation en vertu du Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants— dont il est question aujourd’hui — il y a moins de 18 mois.

Comme dans tous les cas de préapprobation, nous confions le travail à deux analystes ayant suivi une formation propre à ce code, qui examinent chaque soumission en veillant à la rigueur et à l’uniformité. Nous effectuons nos vérifications en français et en anglais et nous examinons chaque demande en fonction des trois critères énoncés dans le code, conformément à la Loi sur la protection du consommateur du Québec.

Nous appliquons le code par le biais d’un mécanisme de règlement des plaintes, par exemple en vertu du code canadien. La reddition des comptes, la conformité et l’application de la loi s’appliquent à tous les annonceurs d’aliments et de boissons dans tous les médias, qu’ils adhèrent ou non à un code ou qu’ils soient membres ou non de notre organisation. Le respect de ce code est obligatoire. Là aussi, si un annonceur ne se conforme pas à la directive de retirer sa publicité, il y aura des répercussions. En plus du retrait ou de la modification de l’annonce, si la directive n’est pas respectée, Normes de la publicité informera les diffuseurs que la publicité contrevient au code sectoriel et demandera leur aide pour retirer l’annonce.

Normes de la publicité désignera également l’annonceur dans son rapport de conformité et pourra afficher un avis de non‑conformité le concernant sur son site Web. C’est un moyen efficace d’assurer la conformité au code canadien, et nous nous attendons à obtenir les mêmes résultats efficaces en vertu de ce nouveau code.

J’ai terminé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs les sénateurs, vous aurez quatre minutes pour poser des questions succinctes et concises et y obtenir une réponse. Veuillez préciser à qui s’adresse votre question.

La première question sera posée par la sénatrice Bernard, notre vice-présidente.

La sénatrice Bernard : Merci aux témoins de leur présence parmi nous. Ma première question s’adresse à M. Desjardins. Avez-vous recommandé un autre amendement dont vous n’avez pas pu parler?

M. Desjardins : J’ai un troisième amendement à proposer. Je vais vous l’expliquer, parce que j’allais un peu vite.

Nous recommandons en troisième lieu la suppression complète de l’article 7.3. Si on veut élargir la portée de cette mesure législative, nous estimons qu’il faut le faire dans le cadre d’un processus démocratique normal et raisonnable, et non en accéléré comme on l’a suggéré ici. C’est ce que je voulais clarifier notamment.

La sénatrice Bernard : Merci. Ma prochaine question s’adresse à n’importe lequel d’entre vous. Concernant le code et le fait de limiter la publicité destinée aux jeunes, existe-t-il des moyens d’éduquer les enfants aux médias pour réduire l’impact de la publicité? Cela fait-il partie du travail du code?

Mme Bate : Je peux commencer. Si on parle précisément du code, nous n’avons pas de mandat particulier en matière d’éducation aux médias. D’autres organisations s’en occupent. J’essaie de me souvenir du nom de celle — excusez-moi — qui s’est occupée de la campagne des hippos de familles, qui est revenue tout récemment. Les Canadiens peuvent en être très fiers.

Il y a donc des organisations qui font un travail complémentaire, mais le code ne traite pas précisément de littératie.

Mme Hunt : Du point de vue de l’Association canadienne des annonceurs, nous serions évidemment disposés à collaborer avec le gouvernement, seuls ou en partenariat avec d’autres associations qui font déjà un travail plus ciblé, mais oui, absolument.

M. Desjardins : Il y a HabiloMédias, je crois que c’est celle que je cherchais. Beaucoup de nos membres appuient HabiloMédias. L’éducation aux médias est un très bon sujet de discussion, et il faudrait examiner ce projet de loi sous cet angle.

La sénatrice Bernard : Merci.

Madame Hunt, vous avez parlé à deux reprises dans votre exposé de « conséquences imprévues ». Pourriez-vous nous en parler plus en détail, s’il vous plaît? Dites-nous quelles seraient les conséquences imprévues de ce projet de loi s’il était adopté.

Mme Hunt : J’ai dit dans mon exposé préliminaire que ce rôle est nouveau pour moi. Je ne prétendrai donc pas avoir saisi les nombreuses nuances du code tel qu’il a été élaboré et perfectionné au fil du temps. J’ai des collègues qui ont des dizaines d’années d’expérience et d’autres encore plus. À ce que je peux comprendre et juger, le projet de loi est très vague. Or, l’imprécision peut entraîner de la complexité sur le plan de la gouvernance aussi bien qu’en termes de conséquences financières imprévues.

Quelqu’un dans mon groupe pourrait peut-être l’expliquer plus clairement, mais il ne s’agit pas tant de conséquences précises que d’un manque de clarté. Ce texte peut être source de beaucoup de confusion et, donc, du fait de la complexité qui en découlera, coûter beaucoup de temps et d’argent.

La sénatrice Bernard : Mme Davey pourrait peut-être ajouter quelque chose.

Judy Davey, vice-présidente, Politiques médias et ressources marketing, Association canadienne des annonceurs : Parmi les conséquences imprévues, il pourrait y avoir l’inclusion des adultes. Cette mesure législative concerne effectivement les enfants, mais son caractère vague et sa formulation pourraient effectivement la rendre applicable aux adultes également, ce que nous ne voulons pas.

La sénatrice Bernard : C’est ce qui m’inquiétait.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés. Ma question s’adresse à vous, madame Bate, parce que je cherche des données. J’espère que vous en aurez à me proposer.

Le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants dit ceci :

Toute publicité sur les aliments et sur les boissons peut être soumise à la préapprobation des Normes de la publicité en vertu du Code en matière de publicité sur les aliments et les boissons.

Combien d’annonces ont-elles été soumises à votre organisation pour préapprobation depuis l’entrée en vigueur du code?

Mme Bate : Voilà une question importante. Je vous reviendrai après avoir vérifié ce que je peux divulguer. La raison en est que le processus de préapprobation est confidentiel pour inciter les gens à y participer et éviter des conséquences négatives à ceux qui nous soumettent leurs annonces. Je vais voir ce que nous pouvons divulguer à cet égard.

La sénatrice Seidman : Merci. Nous attendrons avec impatience cette information.

Le code stipule également ceci :

Dans les cas où la publicité est destinée principalement aux enfants, les Normes de la publicité pourront se fier à une attestation de l’annonceur à l’effet que le produit alimentaire ou que la boisson satisfait aux critères nutritionnels énoncés à l’Annexe A.

Pourquoi une attestation est-elle suffisante? Dans combien de cas votre organisation a-t-elle accepté l’attestation d’un annonceur depuis l’entrée en vigueur du code?

Mme Bate : En fait, le processus d’attestation est utilisé de façon très générale dans le cadre de la préapprobation, et non seulement dans ce cadre, mais dans d’autres, en raison du volume de demandes que nous recevons et pour lesquelles il s’agit d’une confirmation purement factuelle. Cela ne veut pas dire que les attestations ne sont pas vérifiées.

Nous avons un diététiste agréé au sein de notre personnel, ainsi que des employés qui ont plus de 25 ans d’expérience dans l’analyse des annonces publicitaires en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d’application. L’attestation est étayée, mais elle sert assez régulièrement de confirmation factuelle.

Je peux vous assurer que, si nos analystes ont le moindre doute sur la catégorie de produit, ils se reportent directement au tableau de la valeur nutritive. Cela peut donc servir de confirmation, en effet, et c’est consigné au compte rendu.

La sénatrice Seidman : Vous avez en quelque sorte laissé échapper un élément, alors je reviens à ma première question au sujet du nombre de publicités soumises aux fins de préapprobation. Vous avez dit qu’en raison de leur nombre, vous vous fiez aux attestations. Cela signifie que vous en recevez un grand nombre.

Mme Bate : Dans tous nos secteurs de préapprobation, oui, tout à fait. En vertu de ce code, nous préapprouvons la publicité destinée aux enfants ainsi que la publicité sur les produits de santé et les boissons alcoolisées.

La sénatrice Seidman : Le code stipule que :

Si après avoir examiné la publicité en vertu de la Procédure, les Normes de la publicité concluent que la publicité n’est pas conforme au Code en matière de publicité sur les aliments et les boissons, l’annonceur visé sera tenu de retirer sa publicité ou de la modifier en conséquence et sans délai.

Combien d’annonceurs ont retiré ou dûment modifié leur publicité? Autrement dit, combien de publicités avez-vous demandé de retirer ou de modifier?

Mme Bate : L’article que vous avez cité fait partie de la procédure de plainte. Il n’y a pas encore eu de cas où nous avons dû donner suite à une plainte. Nous n’avons pas reçu de plaintes. J’aimerais expliquer pourquoi pour deux raisons.

La première, c’est que le code ne date que de 18 mois, alors il faut du temps pour que les gens en prennent connaissance. Comme le Code canadien des normes de la publicité existe depuis beaucoup plus longtemps, nous recevons des milliers de plaintes. L’an dernier, nous avons reçu environ 1 700 plaintes. Les consommateurs sont donc au courant du processus de plaintes.

Nous avons fait le premier pas, c’est-à-dire mettre à jour notre portail. À la page des plaintes, nous parlons explicitement de la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants pour alerter les consommateurs et les informer que c’est une catégorie dans laquelle nous acceptons des plaintes précises, mais nous n’en avons pas encore reçu.

La sénatrice Seidman : Vous jouez un rôle actif en diffusant de l’information sur votre site Web pour que les consommateurs sachent qu’il existe un mécanisme de plainte?

Mme Bate : Tout à fait.

La présidente : Pour préciser, j’ai une question, si vous le permettez : vous avez dit que votre organisme sans but lucratif reçoit beaucoup de demandes. Vous avez également mentionné que deux analystes ont suivi une formation particulière. Comment gérez-vous ce processus?

Mme Bate : Je vous remercie de la question. Permettez-moi de préciser. J’ai probablement parlé trop vite. Nous avons une équipe d’analystes. Chaque publicité est analysée par deux personnes. Nous avons plus de deux analystes. Les analystes sont spécialisés dans différents domaines. Nous avons une équipe qui se consacre aux produits de santé. Notre équipe chargée des examens en vertu de ce code a également de l’expérience dans la publicité destinée aux enfants et dans la publicité sur les boissons alcoolisées, pour être à l’affût des éléments qui pourraient être attrayants pour un mineur, un enfant. Nous avons une équipe et nous affectons deux analystes à chaque demande d’approbation par souci de cohérence et pour garantir l’exhaustivité de l’examen, parce qu’une seule personne peut toujours manquer quelque chose ou avoir une interprétation différente.

La sénatrice Osler : Je remercie les témoins de leur présence. Je vais demander des précisions de l’organisme Normes de la publicité, et je vous remercie de ces précisions. Je vais vous poser une série de questions pour obtenir des précisions.

L’équipe de deux personnes, c’est pour la préapprobation?

Mme Bate : C’est exact.

La sénatrice Osler : Vous ai-je bien entendu dire qu’en vertu de la procédure de plaintes prévue dans le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, vous n’avez reçu aucune plainte?

Mme Bate : À ce jour, c’est exact.

La sénatrice Osler : J’allais vous poser des questions à ce sujet, mais j’ai la réponse. Si ces plaintes étaient déposées, conformément à la procédure de plaintes décrite sur le site Web; encore une fois, il s’agit d’une équipe de deux personnes, le directeur des services de préapprobation et le chef des Affaires juridiques. Si je n’ai pas pu trouver de données sur les rapports sommaires, c’est parce que vous n’avez pas reçu de plaintes?

Mme Bate : Pour deux raisons, d’abord parce que nous n’avons pas encore reçu de plaintes, mais aussi parce que nous nous sommes engagés à publier un rapport seulement au premier trimestre de l’année prochaine afin de nous laisser suffisamment de temps pour acquérir une certaine expérience du code.

La sénatrice Osler : Très bien. Je vais vous poser une question différente qui porte sur les procédures. J’examinais également la procédure de plainte pour la publicité télévisée destinée aux enfants. Dans ce processus, on mentionne que le conseil fait une distinction selon que la plainte visant une publicité télévisée destinée aux enfants provient d’annonceurs ou d’un groupe d’intérêt spécial.

Maintenant, est-ce que votre équipe de deux personnes affectée à cette procédure de plainte prévue dans le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants tiendra également compte des groupes d’intérêts spéciaux? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la télédiffusion? Cela va-t-il s’appliquer aussi à la procédure de plainte?

Mme Bate : Oui. La procédure de plainte est un peu dépassée — nous utilisons l’expression « groupes de défense ». Je vais prendre note de mettre à jour notre site en conséquence. Dans la procédure relative aux plaintes déposées en vertu du Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons, on fait référence à deux catégories de procédures, l’une pour les consommateurs et l’autre pour l’industrie et les groupes de défense.

Autrement dit, pour ceux qui travaillent en publicité, nous avons des frais de recouvrement des coûts pour financer le travail de notre organisme sans but lucratif afin de trier ces plaintes et aucuns frais pour les consommateurs qui déposent leur plainte.

La sénatrice Osler : Dans ce groupe, il y a les consommateurs, un parent inquiet, puis les annonceurs et les groupes de défense. Je crois comprendre que des sanctions pécuniaires sont prévues pour les annonceurs. Est-ce que ce serait la même chose pour les groupes de défense? Pourriez-vous nous donner un exemple d’un groupe de défense qui pourrait entrer dans cette catégorie? Doivent-ils payer des frais eux aussi?

Mme Bate : Je suis désolée de ne pas avoir le chiffre sous les yeux. Les frais sont minimes. Je n’ai pas ce chiffre en tête, mais oui, n’importe qui dans l’écosystème publicitaire.

À l’heure actuelle, le même principe s’applique dans le cadre de nos différends avec les annonceurs en vertu du code canadien. Encore une fois, cela reflète le même modèle. Qu’il s’agisse d’un groupe de défense quelconque, sans vouloir donner de détails, mais pensez à la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, par exemple, Greenpeace, c’est le genre d’organisation qui serait à la fois un annonceur et un groupe de défense.

La sénatrice Osler : Pouvez-vous nous donner des exemples de groupes de défense? Par exemple, hier, nous avons reçu des représentants de la Coalition Arrêtons la pub destinée aux enfants. Serait-elle considérée comme un groupe de défense?

Mme Bate : Oui.

La sénatrice Osler : Je vais m’arrêter ici et je reviendrai peut-être au deuxième tour.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma première question s’adresse à M. Desjardins.

Monsieur Desjardins, j’aimerais comprendre vos préoccupations par rapport à l’article 7.3, puisque vous proposez de le supprimer. Vous dites que l’élargissement des pouvoirs en vertu de ce projet de loi pourrait inclure les personnes âgées de 13 à 18 ans et devrait se faire au moyen d’un examen et d’une discussion approfondie des mérites, des coûts et des avantages de la législation, etc.

En fait, à moins qu’on n’ait pas la même compréhension, l’article 7.3 prévoit simplement l’examen des effets de certaines dispositions de la législation par un comité parlementaire. Les restrictions prévues par le projet de loi s’appliquent uniquement aux enfants de 13 ans et moins. Pouvez-vous m’expliquer quelles sont vos préoccupations, pour savoir si nous avons une compréhension similaire de l’article 7.3?

M. Desjardins : Notre crainte est fondée sur le fait que cela deviendra une façon de passer ces restrictions aux enfants de cet âge.

Certains groupes ont affirmé hier soir qu’il y avait une raison pour laquelle ils n’ont pas mis cela jusqu’à 18 ans, et on l’a entendu encore ce matin. Ce qu’on craint, c’est le fait que cela pourrait devenir un processus législatif avec seulement un seul effet mesurable dans tout cela, ce qui est un accroissement d’investissements dans la publicité envers cette catégorie de personnes. Ce projet de loi ne sera pas une révision pour savoir si c’est efficace et si cela aura l’effet souhaité. Nous craignons que cela devienne le processus législatif pour étendre ce projet de loi.

Le sénateur Cormier : Je ne partage pas forcément votre opinion, mais je la respecte, monsieur.

Ma prochaine question s’adresse à Mme Bate et elle rejoint la question que j’ai posée à Mme Chang; elle concerne le vocabulaire.

Vous dites, madame Bate, que le code est obligatoire; en même temps, il y a une notion de volonté qui entre en ligne de compte. Dans votre mémoire, vous dites bien que :

Si un annonceur ne se conforme pas à une décision lui demandant de retirer ou de modifier sa publicité, les Normes de la publicité informeront les médias porteurs […] solliciteront leur aide pour retirer la publicité […] Les Normes de la publicité communiqueront également à l’annonceur son rapport de conformité et pourront publier un avis de non-conformité sur son site Web.

Tout le vocabulaire est extrêmement mou, si je peux m’exprimer ainsi. Êtes-vous d’accord pour dire qu’un vocabulaire faible comme celui-là nous laisse présager que votre code n’a pas la force qu’il devrait avoir?

[Traduction]

Mme Bate : Je vous remercie de me poser la question et de soulever cet enjeu important. En partie, c’est parce qu’il s’agit d’un nouveau processus et que la procédure est donc en jeu. Je ne devrais pas le formuler ainsi.

Nous cherchons toujours à améliorer et à raffiner le processus. Il est nouveau, bien qu’il s’inspire d’un processus efficace depuis 60 ans et qui fonctionne toujours.

Donc, oui, le libellé permet certaines concessions, mais nous n’avons pas l’intention — je tiens à vous en assurer — de l’appliquer différemment en fonction de ce que nous avons vu jusqu’à maintenant avec le Code canadien des normes de la publicité, c’est-à-dire que les publicités sont retirées si elles ne sont pas conformes.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma première question s’adresse à Mme Hunt et elle est en français. Votre association, l’Association canadienne des annonceurs, est responsable d’informer ses membres et de leur proposer de nouvelles idées sous forme de guide, de meilleures pratiques et de services-conseils. Les meilleures pratiques que vous proposez sont-elles inspirées d’idées et de normes québécoises ou internationales? D’où viennent-elles?

Je pourrais poser ma deuxième question à Mme Bate. Vous avez dit tout à l’heure que vous aviez des comités d’experts pour juger, lors de la préapprobation, selon ce qui a été soumis. Avez-vous aussi un comité d’experts pour traiter les plaintes, pour éviter que vous soyez juge et partie en même temps? Ce sont là mes deux questions.

[Traduction]

Mme Hunt : Merci pour votre question, sénatrice Mégie. Judy Davey s’occupe de nos ressources marketing et serait probablement la mieux placée pour répondre à cette question.

Mme Davey : Oui. En ce qui concerne les pratiques exemplaires, elles s’adressent aux spécialistes du marketing, alors le champ est très vaste. Elles couvrent tout, de la meilleure façon de rémunérer mon agence de publicité aux meilleurs médias sur lesquels je peux faire de la publicité. Nous sommes membres de la Fédération mondiale des annonceurs, une association mondiale, alors nous échangeons sur des considérations de nature mondiale. Plusieurs de nos membres ont une envergure mondiale, mais nous avons aussi des membres actifs seulement au Canada. C’est très vaste, et cela dépend de ce qui intéresse nos membres.

Nous discutons régulièrement avec nos membres, et nous connaissons leurs préoccupations. Nous sommes sensibles aux besoins et aux désirs de nos membres et nous y répondons en conséquence.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci. Madame Bate?

[Traduction]

Mme Bate : Je vous remercie de votre question. Au premier examen, l’examen de la plainte se fait au niveau du personnel. Elle est donc évaluée par notre chef aux Affaires juridiques et notre directeur, qui est responsable du secteur de l’enfance ainsi que du secteur de l’alimentation. Il supervise également les boissons alcoolisées pour évaluer la plainte. Si la plainte est retenue, nous pouvons constituer un groupe d’experts. Je rappelle que le processus n’a pas encore été mis à l’épreuve en vertu de ce code, mais il est régulièrement utilisé depuis des dizaines d’années en vertu du Code canadien des normes de la publicité pour réunir un comité externe chargé d’examiner la plainte.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Petitclerc : Merci d’être ici aujourd’hui. J’ai quelques questions. Tout d’abord, j’aimerais poursuivre sur la mise en application du code, car je pense que nous sommes tous très perplexes devant le choix du mot « peut ». On le retrouve partout dans le code, et je le vois quatre ou cinq fois dans la section qui porte sur la mise en application.

Dans cette section, on dit — je ne répéterai pas la partie que le sénateur Cormier a lue — « ... peuvent demander la collaboration du média qui diffuse la publicité de la retirer [...] » Entretemps, ce projet de loi qui modifie la Loi sur les aliments et drogues, dans cette loi, si vous contrevenez dans un tel scénario, vous recevez une contravention. Il pourrait y avoir des poursuites. Il y a des sanctions et des mesures décisives. C’est une conséquence très différente. J’aimerais vous entendre à ce sujet.

Mme Bate : Bien sûr. Je vous remercie de la question, car je pense que cette composante du modèle d’autoréglementation est mal comprise.

Les conséquences sont multiples. Je vais d’abord parler des conséquences du retrait de la publicité, puis de vos préoccupations au sujet du mot « peut ».

Tout d’abord, la demande de retrait d’une annonce signifie que l’annonceur a perdu la valeur qui a servi à sa production, comme les coûts de production, de distribution, d’achat média — il a peut-être perdu l’achat média — ainsi que sa relation avec le diffuseur. Il y a des sanctions pécuniaires. Même s’il ne s’agit peut-être pas d’une amende supplémentaire que nous n’avons pas le pouvoir d’imposer, il y a des conséquences économiques pour l’annonceur.

De plus, s’il est connu que la publicité n’était pas conforme, cela pose en soi un préjudice important à la marque. Nous l’avons vu et nous l’avons entendu de la part de ceux qui ont participé au processus et de la grande majorité des plaintes où la conformité est obtenue simplement en informant l’annonceur d’une violation en vertu du Code canadien des normes de la publicité. Dans la grande majorité des cas, l’annonceur modifie ou retire la publicité, sans plus de questions.

Au cours des cinq dernières années, nous avons eu quatre cas où l’annonceur ne s’est pas immédiatement conformé à nos procédures, et tous ont fait l’objet d’un suivi supplémentaire sans autres mesures, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de publication sur notre site Web et ni de renvoi au Bureau de la concurrence. Les cas ont été gérés sans qu’il soit nécessaire d’imposer d’autres coûts ou mesures de contrôle prévus dans la réglementation.

Pour répondre à votre question au sujet du mot « peut », dans le cas que vous avez mentionné, cela dépend parfois de la publicité. Par exemple, nous « pouvons » aviser le média qui la diffuse. Nous pouvons le faire dans le cas des diffuseurs parce que nous avons une relation; nous les connaissons, ils nous connaissent. Là où nous ne pouvons pas le faire, c’est s’il s’agit du propre site Web de l’annonceur, aucun média ne diffuse la publicité parce que l’annonceur lui-même est le média. C’est l’une des raisons pour lesquelles on emploie « peut ». En ce sens, notre procédure est très technique, alors nous ne pourrons peut‑être pas le faire dans ces cas-là, mais nous pourrons ensuite choisir les options qui nous permettront d’obtenir la conformité.

Mme Hunt : Permettez-moi d’ajouter, sénatrice, que les annonceurs veulent agir correctement. Aucun annonceur ne veut se soustraire à la réglementation ou servir d’exemple à ne pas suivre. Pour revenir à ce que disait Mme Bate, de graves dommages à la réputation, à la marque ou à nos concitoyens sont possibles et il y a des incidences sur la concurrence. Personne ne cherche à sortir du système ou à s’y opposer, et c’est la raison pour laquelle le code est clair. Comme je l’ai dit, il est imparfait. Il est certain que nous pouvons l’améliorer.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être ici. J’essaie aussi de comprendre. Je vois qu’il s’agit de deux codes, le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants et le nouveau Code en matière de publicité sur les aliments et les boissons qui vient d’être créé.

Nous disons « le code », mais nous parlons de deux codes différents. Pour ce qui est du Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants, je viens de jeter un coup d’œil à l’article 7 intitulé « Publicité utilisant des personnages d’émission, des personnages créés par l’annonceur et des témoignages personnels ». L’alinéa b) se lit comme suit :

Cette interdiction ne vise pas les marionnettes, les personnes et les personnages créés par un annonceur pour favoriser la vente d’un produit donné ni l’emploi de ces personnages pour promouvoir d’autres produits du même annonceur ou les produits d’annonceurs autorisés à les employer à des fins publicitaires.

C’est donc le code pour les enfants, mais vous dites que l’interdiction ne s’applique pas aux personnes mêmes auxquelles nous voulons qu’elle s’applique. C’est le code de pratiques en matière de publicité.

Je constate maintenant que ce nouveau code voit le jour à cause de l’échec du code de la publicité, qui était censé protéger les enfants. Avez-vous des observations à ce sujet? Nous parlons de deux codes. Votre code ne protège-t-il pas les enfants? Est-ce la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui?

Mme Bate : Je suis heureuse de commencer. M. Desjardins aura peut-être quelque chose à ajouter, mais je n’en suis pas certaine.

Vous avez tout à fait raison, il y a au moins deux codes sur la table, ce qui est très déroutant, j’en suis consciente. Je vous remercie donc de votre patience. Pour répondre à votre question, il y a deux codes. Il y a d’abord le code de la publicité télévisée, qui remonte à des dizaines d’années, puis ce nouveau code.

Pour préciser, le code de la publicité télévisée s’applique à tous les produits, à toutes les catégories, à tous les services. Il n’a jamais été rédigé en pensant explicitement aux aliments. Il visait à régir ce qui pouvait être vu dans la publicité diffusée pendant les émissions pour enfants. Cela s’ajoute et s’intègre au code de l’industrie qui vise à ajouter des exigences et à traiter d’autres problèmes et préoccupations propres aux aliments et à fournir un mécanisme particulier pour la préapprobation et les plaintes qui sont propres aux aliments dans le contexte des enfants.

Le code de la publicité télévisée est un secteur plus vaste qui s’applique à tout, des jouets aux vêtements en passant par les applications pour les téléphones, tandis que ce code s’applique explicitement aux aliments.

La sénatrice Burey : Avez-vous des commentaires?

M. Desjardins : Pour poursuivre dans la même veine, nous accueillons favorablement le code qui a une spécificité supplémentaire à cet égard, tandis que le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants est plus large.

Je tiens à revenir un peu en arrière pour parler, encore une fois, de cette idée d’échec. Le problème est multifactoriel. Même les experts en santé le diront. On ne peut pas réduire à un seul aspect, à un seul facteur, tous les défis qui existent en matière d’obésité juvénile et de santé infantile. Je m’opposerais à un tel discours. Je dirais que les facteurs sont très nombreux. Je ne crois pas que les codes de publicité aient été un échec. Je pense que, dans l’ensemble, ils ont été une réussite.

Le sénateur Boudreau : J’aimerais revenir à une statistique qui m’a vraiment frappé, dont nous avons parlé avec le premier groupe de témoins. Je suis sûr que vous m’avez déjà entendu le dire, mais je vais le répéter.

En 2016, le comité sénatorial — avec des membres différents à l’époque — a mené une étude sur l’obésité juvénile et a essentiellement été en mesure de conclure que, depuis 1980 jusqu’en 2016, soit il y a déjà près de 10 ans, l’obésité juvénile au Canada a triplé en 35 ans. Ce n’est pas une statistique reluisante.

Je ne dis pas que la commercialisation d’aliments et de boissons s’adressant aux enfants est la seule cause de ce problème, mais je dirais qu’elle en fait partie. La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à des résultats différents. Dans ce cas-ci, nous obtenons des résultats différents, mais ils ne cessent de s’aggraver. L’obésité juvénile a triplé au cours des 35 dernières années.

Comment pouvons-nous croire que ce que nous faisons aujourd’hui est suffisant pour protéger nos enfants?

M. Desjardins : Puis-je faire une observation à ce sujet? Je veux prendre un peu de recul parce que, encore une fois, il s’agit d’un autre cas où nous assumons le fardeau d’un défi sociétal très vaste. Nous sommes heureux d’avoir enfin l’occasion d’en discuter.

J’aimerais revenir à ce que nous pouvons faire. Comme je le disais, je pense pouvoir donner un exemple que les gens comprendront. Santé Canada a des lignes directrices très restrictives au Canada sur la publicité des médicaments pharmaceutiques et pourtant, nous avons tous vu ces publicités de 60 secondes ou de deux minutes parce qu’elles nous parviennent sur NBC, ABC, CNN ou MSNBC. Les publicités qui préoccupent les gens dans ce contexte continueront d’entrer sur le marché canadien. Elles viendront par les médias sociaux. Elles viendront par l’entremise des médias externes qui entrent sur le marché canadien. Donc, pour nous, nous ne voulons pas porter tout le fardeau de cet enjeu, d’autant plus que les médias canadiens sont les seuls à être pris dans la véritable passoire qu’est ce projet de loi.

Le sénateur Boudreau : Ce n’est pas mon point principal. Je veux surtout faire comprendre que les mesures que nous avons prises collectivement au cours des dernières décennies ne fonctionnent manifestement pas parce que la tendance va dans la direction opposée.

Je ne dis pas que c’est entièrement de votre faute. Je dis qu’aujourd’hui, nous devons bousculer l’ordre établi et envisager de faire les choses différemment si nous voulons obtenir de meilleurs résultats. Les résultats ne sont pas là. En fait, la tendance est contraire.

Mme Bate : J’attirerai l’attention du sénateur sur le fait qu’il s’agit d’un programme tout à fait différent de ce qui existait à l’époque dont vous parlez. Le programme d’engagement, un programme volontaire dans le cadre duquel les participants pouvaient créer leurs propres critères a été abandonné et nous n’avons que 18 mois d’expérience avec ce nouveau programme. Je dirais respectueusement qu’il ne s’agit pas de reprendre la même roue. La roue a été réinventée. Une nouvelle structure a été créée et est maintenant applicable.

La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins d’aujourd’hui. Comme vous le savez, lorsque les représentants de Santé Canada ont comparu devant nous il y a quelques semaines, ils étaient en train d’élaborer un règlement sur la façon de mesurer les publicités destinées aux enfants et de déterminer comment ils s’y prendront, ainsi que sur les niveaux de nutriments. Comme vous le savez, ils y travaillent depuis un certain temps. Vous avez exprimé des préoccupations, surtout vous, monsieur Desjardins, vous avez proposé un tout nouvel amendement qui définirait en quelque sorte la façon dont cela fonctionnerait.

Lorsqu’ils sont venus ici, ils ont dit qu’ils étaient tout à fait disposés à tenir des consultations sur le règlement d’application du projet de loi. Ma question est la suivante : si le projet de loi est adopté tel quel, seriez-vous disposés à rencontrer Santé Canada pour lui faire part de vos préoccupations? Madame Hunt, si le projet de loi est adopté tel quel, compte tenu de leur ouverture à la consultation, seriez-vous prête à travailler avec Santé Canada? Vous pouvez simplement dire oui ou non.

Mme Hunt : Oui, sénatrice. Notre préférence aurait été de travailler, et non d’en arriver là, d’avoir notre mot à dire en aval, mais nous sommes tout à fait disposés à travailler avec eux. Si les stratégies n’ont pas fonctionné jusqu’à présent, quelles solutions plus créatives pouvons-nous trouver à l’intérieur et à l’extérieur du code? Nous sommes tout à fait prêts à travailler avec eux.

La sénatrice Dasko : Monsieur Desjardins, si le projet de loi est adopté tel quel, compte tenu de l’ouverture d’esprit des fonctionnaires de Santé Canada, seriez-vous prêt à travailler avec eux pour leur faire part de vos préoccupations sur n’importe quel sujet, sur la réglementation ou la façon dont ces enjeux sont mesurés, sur les dispositions de la réglementation? Comme vous le savez, elles ne sont pas encore coulées dans le béton. Ils sont ouverts. C’est pourquoi ils sont venus ici et ont dit qu’ils voulaient consulter.

M. Desjardins : Ils seront ouverts dans la mesure où Santé Canada souhaite être ouvert après l’adoption du projet de loi. Je pense que c’est en partie la raison pour laquelle vous adoptez un projet de loi, soit pour donner des instructions aux ministères et aux organismes sur l’exercice de leurs pouvoirs. Je pense que nous avons de l’expérience pour ce qui est de travailler avec Santé Canada, surtout sur des questions de publicité, c’est-à-dire que dans le cadre d’une consultation, nous disons ce que nous pensons, puis Santé Canada fait ce qu’il avait l’intention de faire.

La sénatrice Dasko : Madame Bate, êtes-vous prête à rencontrer les représentants de Santé Canada après l’adoption du projet de loi pour régler les questions qui auront une incidence sur l’industrie de la publicité?

Mme Bate : Notre rôle en tant qu’organisme d’autoréglementation n’est pas de créer des lois. Je suis ici pour vous informer. Nous communiquons régulièrement avec Santé Canada, alors bien sûr, nous sommes heureux de travailler avec les fonctionnaires et d’en discuter, mais nous ne soulevons pas de préoccupations ou d’objections. Ce n’est pas notre rôle.

La sénatrice Dasko : Vous seriez donc disposée à travailler avec eux à l’élaboration de règlements.

Mme Bate : Comme nous le faisons déjà, oui.

La présidente : Merci beaucoup. J’ai une brève question pour Mme Bate. Votre organisme est financé par les membres qui se joignent à votre groupe. Quel pourcentage de votre financement provient directement d’autres agences de publicité de l’industrie?

Mme Bate : C’est une statistique qu’il faudrait que j’obtienne pour vous.

La présidente : Est-ce qu’une partie de votre financement provient de l’industrie de la publicité en général?

Mme Bate : Nous recevons du financement par au moins deux voies principales différentes, dont nos membres. J’insiste sur le fait que le statut de membre n’a aucune incidence sur le travail de nos analystes chargés de la préapprobation ou de notre personnel affecté aux plaintes ou aux différends; le deuxième est l’autofinancement du service de préapprobation.

La présidente : Merci. Nous n’avons plus de temps. Je sais que la sénatrice Osler et la sénatrice Petitclerc avaient d’autres questions. Je propose que nous leur demandions une réponse écrite.

La sénatrice Osler : Merci, madame la présidente.

Madame Bate, vous avez parlé d’un rapport sommaire qui sera publié au premier trimestre?

Mme Bate : C’est exact.

La sénatrice Osler : Les données ne peuvent pas encore être communiquées?

Mme Bate : Pas pour le moment.

La sénatrice Osler : Merci. C’était ma question.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie de cette occasion.

Ma question porte sur le fait que de nombreux codes coexistent déjà avec les lois et les règlements actuels. Nous avons entendu que votre code est plus exigeant que ce projet de loi de toute façon.

Ma question est simple : pourquoi ne pas continuer à coexister? Nous avons tous entendu dire que c’est une grosse pièce d’un casse-tête en vue de trouver une solution, peut-être dans une réponse écrite. Vous ne voulez pas répondre?

M. Desjardins : C’est une grande question à poser sans avoir la possibilité d’y répondre.

La sénatrice Petitclerc : Je sais. Je suis désolée.

M. Desjardins : Je me ferai un plaisir d’y répondre par écrit, ce sera peut-être des pages et des pages, peut-être au crayon.

La présidente : Nous serons heureux de recevoir votre réponse.

Chers collègues, cela nous amène à la fin de la séance. Je remercie les témoins de leur témoignage et de leur volonté de dépasser le temps prévu. Nous avons des contraintes liées à l’interprétation, alors nous devons terminer à l’heure.

Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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