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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 21 septembre 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 6 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je m’appelle Ratna Omidvar et je suis sénatrice de l’Ontario et présidente du comité. Notre comité entreprend aujourd’hui sont étude sur le rôle de l’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS Plus, dans l’élaboration des politiques.

Notre premier groupe de témoins se compose de représentantes du Bureau du vérificateur général du Canada, soit de Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, de Carey Agnew, directrice principale, et de Stephanie Moores, directrice. Merci infiniment de vous joindre à nous aujourd’hui.

Je vous invite maintenant à nous présenter votre déclaration préliminaire; je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour cela, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. La parole est à vous, madame Hogan.

[Français]

Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Madame la présidente, en cette Semaine de l’égalité des sexes 2022, merci de nous donner l’occasion de discuter de notre rapport d’audit de suivi sur l’analyse comparative entre les sexes plus, qui a été déposé au Parlement en mai de cette année. Je tiens à reconnaître que cette réunion se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je suis accompagnée aujourd’hui de Carey Agnew et Stephanie Moores, qui étaient responsables de cet audit.

Comme vous le savez, l’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS Plus, est l’outil principal qu’utilise le gouvernement pour examiner comment le genre et d’autres facteurs identitaires peuvent influer sur la façon dont les Canadiennes et les Canadiens vivent la prestation de services et de programmes.

De nombreux facteurs démographiques autres que notre genre peuvent avoir une influence sur notre expérience de la vie et la façon dont nous accédons aux programmes et aux services gouvernementaux. Par exemple, une personne peut être membre d’une minorité visible, être Autochtone, être âgée ou jeune, être en situation de handicap, vivre dans une communauté rurale ou être nouvellement arrivée au Canada. Au moyen de l’ACS Plus, le gouvernement doit tenir compte des facteurs identitaires lorsqu’il élabore ou met en œuvre des programmes et des services ou qu’il apporte des ajustements à des programmes et à des services existants.

Nous avons constaté que certains obstacles de longue date que nous avions déjà relevés continuaient de nuire à la pleine mise en œuvre de l’ACS Plus dans l’ensemble du gouvernement. Pour cet audit, nous avons encore une fois ciblé le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Femmes et Égalité des genres Canada. Même si les organisations responsables ont donné suite à certaines des recommandations formulées dans notre audit de 2015, plusieurs autres remontent à notre premier audit de l’analyse comparative entre les sexes, qui a été mené en 2009.

Il s’est écoulé 25 ans depuis que le gouvernement a pris un engagement en faveur de l’ACS Plus. Les progrès réalisés pour recenser et supprimer les obstacles sont lents.

Malgré nos travaux antérieurs et nos recommandations précédentes, il est difficile de déterminer si les mesures qui ont été prises permettent d’atteindre de meilleurs résultats en matière d’égalité des genres, de diversité et d’inclusion.

[Traduction]

Nous avons constaté que les mesures prises pour recenser et supprimer les obstacles à la mise en œuvre de l’ACS Plus n’étaient pas d’une portée suffisante. Le Bureau du Conseil privé, ou BCP, et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada ont rendu obligatoire l’ACS Plus pour la présentation de certains documents et mis en place un cadre plus robuste pour les examens par la haute direction, comme nous l’avions recommandé dans notre rapport de 2015. Cependant, ces organismes centraux n’ont pas utilisé pleinement leurs connaissances et leur fonction de remise en question pour faire progresser la mise en œuvre de l’ACS Plus dans l’ensemble de l’administration fédérale.

Femmes et Égalité des genres Canada a pris des mesures pour créer des outils et offrir de la formation pour renforcer la capacité des ministères et des organismes à effectuer l’ACS Plus. Malgré cela, les ministères et organismes continuent d’avoir de la difficulté à véritablement mettre en œuvre de l’ACS Plus.

La disponibilité des données est l’une des difficultés cernées par la plupart des ministères et des organismes au moment d’appliquer l’ACS Plus. Même s’ils essaient d’améliorer l’accès à des données désagrégées, le problème n’est pas résolu. En raison du manque de données désagrégées, il est impossible de déterminer comment différents groupes de diverses identités vivent l’inégalité, et les trois organismes sondés ont indiqué que c’était une difficulté importante.

Enfin, nous avons constaté qu’il n’y avait pas de cadre de communication de l’information entre les organismes centraux et Femmes et Égalité des genres Canada pour suivre les progrès de la mise en œuvre de l’ACS Plus dans l’ensemble du gouvernement au fil du temps. Comme l’ACS Plus est le principal outil utilisé par le gouvernement pour tenir compte du sexe et d’autres facteurs identitaires, les Canadiens devraient savoir si sa mise en œuvre est efficace et si elle a une incidence réelle sur les programmes et la prestation de services.

Le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Femmes et Égalité des genres Canada doivent mieux collaborer et veiller à ce que tous les ministères et organismes intègrent pleinement l’ACS Plus de manière à produire des résultats tangibles pour tous les Canadiens.

Madame la présidente, voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que le comité pourrait avoir. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, madame Hogan.

Chers collègues, j’ai négligé de vous donner l’occasion de vous présenter, alors j’essaierai d’y remédier au fur et à mesure que vous poserez des questions. Comme d’habitude, je voudrais rappeler aux sénateurs qu’ils disposent d’un temps limité les questions et les réponses. La salle est presque pleine aujourd’hui. Exceptionnellement, nous essaierons d’accorder cinq minutes par sénateur pour les questions et les réponses. Si cela ne fonctionne pas, je pourrai accélérer la cadence.

C’est la vice-présidente du comité, la sénatrice Pat Bovey, du Manitoba, qui aura l’honneur de poser la première question.

La sénatrice Bovey : Je remercie les témoins de leur présence, ainsi que de leur travail et de leur engagement.

Ma question est très simple. J’aimerais savoir quels sont, selon vous, les obstacles à la mise en œuvre complète de l’ACS Plus, et une fois que vous aurez défini ces obstacles, je me demande si vous pourriez nous dire quelle pourrait être la solution.

Mme Hogan : Je regrouperais les obstacles que nous avons relevés en trois catégories. Il est important de souligner qu’un grand nombre de ces obstacles restent les mêmes que lors de nos audits précédents, tant en 2009 qu’en 2015.

Le premier obstacle serait le manque de capacité des ministères à effectuer l’analyse nécessaire. Je décrirais cela comme un manque de temps et d’outils ou de ressources.

Le deuxième serait le manque de disponibilité ou l’utilisation inefficace des données. Nous avons constaté que de nombreux ministères ne comprennent pas l’importance de recueillir des données, en particulier des données désagrégées, ou, lorsqu’ils en recueillent, qu’ils ne les utilisent pas.

Le troisième obstacle serait le manque d’attention portée à l’intersectionnalité. Il faudrait notamment ventiler les données selon les multiples facteurs de diversité. Il y a un plus grand dialogue et une meilleure sensibilisation à ces questions depuis quelques années, mais cela s’arrête là : on en parle beaucoup. Or, nous avons vraiment besoin de mesures concrètes.

Vous me demandez quelles seraient les solutions. Je vous renvoie au premier obstacle mentionné. Il faut nous donner les moyens de mesurer les résultats et d’en rendre compte. Nous voyons beaucoup de mesures des activités qui sont menées, mais pas nécessairement des changements apportés aux programmes ou aux politiques, pour déterminer si elles ont bel et bien un effet tangible sur les Canadiens.

L’autre grande mesure qui nous permettrait de surmonter ces obstacles serait de nous doter de stratégies de collecte de données. Chaque ministère devrait avoir la sienne. Il faut savoir quelles données on doit recueillir, quelles données on a et comment les stocker, les utiliser et les extraire. Ensuite, il faut en faire quelque chose de significatif. C’est ainsi que je résumerais les choses pour vous.

La sénatrice Bovey : En complément à cela, je suis vraiment préoccupée par le fait que vous avez dit que certains ministères ne semblent pas le comprendre. J’ai l’impression que nous sommes un peu dispersés. Qui devrait être l’ultime responsable chargé de veiller à ce que l’ACS Plus soit faite?

Mme Hogan : Je pense que vous résumez bien la situation. Je suppose que j’ai bien fait mon travail. Nous constatons une certaine forme de dispersion. Cela dépend vraiment de toutes sortes de choses. Nous avons observé de très bonnes mesures pour favoriser l’ACS Plus et de moins bonnes. Ultimement, la responsabilité en incombe, à mon avis, à l’administrateur général, de chaque ministère. Ce sont eux qui sont responsables de la prestation de leurs programmes. Bon nombre des lettres de mandat des ministres renvoient à la nécessité d’effectuer l’ACS Plus. L’ACS Plus est mentionnée dans le budget. C’est ce qu’on nous promet. Ensuite, il doit y avoir des mesures et des résultats concrets pour boucler la boucle de la responsabilité.

Je pense donc que la responsabilité en revient aux ministères. Je crois que les organismes centraux jouent un rôle clé en appui de ces activités, tout comme Femmes et Égalité des genres Canada. Ce sont eux les experts de la question. Je leur recommanderais de donner une plus grande visibilité à cet enjeu et d’élever la voix un peu pour qu’il devienne une priorité.

La sénatrice Bovey : Il faut notamment former les gens pour qu’ils sachent comment recueillir des données, les stocker, les utiliser et construire à partir de là.

Mme Hogan : C’est assurément l’une des choses qu’il faut apprendre aux gens, mais je pense qu’il faut aussi les sensibiliser davantage à l’intersectionnalité, à ce que cela signifie vraiment quand on examine une politique ou un programme.

La présidente : Nous entendrons maintenant les instigatrices de cette étude, soit la sénatrice Moodie, de l’Ontario, qui sera suivie de la sénatrice Dasko, également de l’Ontario.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. J’ai hâte d’entendre vos sages paroles à ce sujet. Il y a une chose qui me perturbe un peu quand j’entends certains commentaires à ce sujet, soit la question de la capacité au sein des ministères, des directions ou autres unités, au sein du gouvernement.

Vous en avez parlé comme d’un véritable problème. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Où se situe le problème? Est-il attribuable à un manque de formation des conseillers qui participent à l’élaboration des politiques, est-ce un problème en soi, où est le déficit? Ou bien y a-t-il plusieurs facettes à cela?

Mme Hogan : Je vais tenter de répondre à cette question, mais je demanderai à ma collègue, Mme Agnew, d’intervenir au besoin, si je n’y réponds pas de manière exhaustive.

Je pense qu’il y a beaucoup de formation qui se donne pour accroître la capacité. Le Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé ont offert beaucoup de formation à leurs analystes sur l’analyse des présentations, mais je ne pense pas que cela aille beaucoup plus loin que cela. Que fait-on de l’information recueillie?

Il faut aussi former les gens, au sein du ministère, qui doivent apporter cette perspective à l’élaboration des politiques. Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de l’appliquer aux nouvelles politiques en cours d’élaboration. On peut commencer à recueillir des données dès maintenant sur les programmes existants et les utiliser pour nous guider dans les ajustements ou changements futurs.

Je pense que la formation vise surtout à sensibiliser les gens à la question, dans un premier temps, et nous avons mentionné l’intersectionnalité aussi.

Nous avons constaté que Femmes et Égalité des genres Canada a organisé 30 séances de formation, mis au point des outils et prodigué des conseils, mais que les ministères considèrent toujours qu’ils n’ont pas les bons outils, qu’ils n’en ont pas assez ou qu’ils ne savent pas quoi en faire. Le ministère a réalisé un sondage qui a mis en évidence que 76 % des ministères répondants estiment manquer de temps et de ressources pour cela, donc c’est un peu des deux. Tout le monde manque de temps, donc je dirais que le manque de temps et le manque de capacité vont de pair.

Carey Agnew, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : J’ajouterais qu’il y a 10 ans, Femmes et Égalité des genres Canada, ou FEGC, a établi le cadre de l’ACS Plus, qui présente les six éléments de base pour pouvoir intégrer l’ACS Plus dans les ministères : un centre de responsabilité, l’évaluation des besoins, un énoncé de politique, de la formation et des outils, des projets de démonstration et finalement, le suivi continu des progrès. Au cours des 10 dernières années, FEGC a sondé les ministères et organismes et constaté que 5 % d’entre eux n’avaient même pas un de ces éléments, puis que 40 % d’entre eux n’avaient ni énoncé d’intention ni politique officielle en matière d’ACS Plus.

La sénatrice Moodie : L’autre question que j’ai concerne la culture et le moment où cet outil est intégré au processus d’élaboration des politiques. Qu’avez-vous observé? Où est-il intégré? Est-il utilisé dès le début des réflexions ou est-il pris en compte seulement une fois que la politique prend forme? Où cette analyse intervient-elle dans le spectre?

Mme Hogan : C’est une question intéressante. En fait, nous nous sommes penchés sur la question et avons fait état de certains de nos constats dans notre rapport. Idéalement, l’ACS Plus devrait être utilisée dès le début, au moment de définir le problème qu’on veut résoudre à l’aide d’une politique ou d’un programme. C’est le moment où ce serait le plus important de l’utiliser. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas l’utiliser plus tard, mais c’est vraiment là où c’est le plus essentiel.

Le sondage dont nous parlions, qui a été réalisé par FEGC, a révélé que seuls 39 % des ministères faisaient une ACS Plus à ce stade précoce et seulement 60 % du temps. Cela signifie que pour la plupart des décisions politiques, elle survient plus tard. Il est alors trop tard, ou cela demande beaucoup d’ajustements, pour évaluer quel type de données on aurait dû recueillir, comment on devrait s’y prendre pour les obtenir et comment veiller à en tenir compte dans toute modification ultérieure de la politique. Pour comprendre cela, il faut savoir ce que vivent les gens.

Si l’on manque l’étape cruciale de la définition du problème au début, on est toujours en train d’essayer de rattraper le temps perdu.

La sénatrice Dasko : Merci d’être ici, merci pour votre exposé et pour votre travail à ce sujet. C’est très important pour nous.

Certains d’entre nous ont entendu de diverses sources que l’ACS Plus est vue comme une sorte de case à cocher; il faut la faire, alors on coche la case et l’on peut dire : « C’est bon, nous avons fait une ACS, voilà. Nous l’avons faite. »

Je voulais savoir comment vous réagissez à cela, parce que cela porte à croire que l’exercice n’est pas considéré comme très important au sein du gouvernement. Ce n’est que l’une des choses à faire pour aller d’un point A au point B, du début à la fin du processus législatif, pour la mise en œuvre d’une loi et le reste. J’aimerais savoir comment vous réagissez à cela. Je sais que ce n’est peut-être pas une bonne question à poser à une fonctionnaire, mais voilà.

Mme Hogan : Ma réponse à cette question serait honnêtement que cela dépend. Il est obligatoire de tenir compte de l’ACS Plus dans les mémoires au Cabinet et dans les présentations au Conseil du Trésor; c’est une exigence officielle à respecter. Cependant, ce qui compte, c’est l’action qui suit.

Dans certains cas, nous avons constaté que les gens respectent les exigences et puis c’est tout. Dans certains cas, c’est ce que nous avons observé. Dans d’autres, nous avons perçu une réelle intention de recueillir des données pour influencer les résultats ou pour comprendre comment les gens sont touchés par un programme ou une politique, mais rien n’a été fait avec ces données. Dans d’autres encore, nous avons vu l’outil utilisé, la collecte de données effectuée, tout comme une certaine analyse, mais aucun ajustement; le programme ou la politique est demeuré tel quel.

Il y a vraiment tout un éventail de réactions possibles quant à la façon dont elle est vraiment utilisée.

La sénatrice Dasko : J’aimerais approfondir un peu plus le sujet des données désagrégées. Le problème vient-il du fait que les échantillons sont trop petits quand on se met à désagréger les données? On se trouve donc à obtenir des échantillons ou des groupes beaucoup trop petits par rapport à la population et, par conséquent, on n’a pas de données. On ne peut pas extraire de données pour les analyser parce qu’on n’en a pas assez. On n’en a pas parce qu’on ne compile pas ce genre de données. Est-ce que cela fait partie du problème ou y a-t-il un autre problème plus grave à propos des données désagrégées?

Mme Hogan : Je vais demander à Mme Agnew d’intervenir sur ce point, mais chaque fois qu’on essaie de cibler un sous-groupe au sein d’une population, ce risque existe. C’est toujours le casse-tête de l’échantillonnage statistique ou de l’analyse des données : on ne veut pas que les membres d’un groupe soient identifiables.

La sénatrice Dasko : C’est exact; les données doivent rester anonymes, alors il faut veiller à ce que la taille des échantillons soit assez grande pour garantir la confidentialité.

Nous parlons de données désagrégées à ce comité et dans d’autres contextes au Sénat depuis un certain temps déjà, et c’est une question qui revient très souvent.

Mme Hogan : Nous avons remarqué le manque de données sur différents aspects de l’intersectionnalité. Je ne sais pas si vous vouliez intervenir à ce sujet, madame Agnew.

Mme Agnew : Oui. Ce n’est pas toujours facile d’obtenir de telles données. Il y a tendance à y avoir un volume élevé de demandes sur divers faits dispersés. Parfois, des organismes comme Statistique Canada doivent établir des priorités quant à la façon dont ils vont aider les ministères à obtenir ces données. Les demandes changent souvent rapidement. C’est le propre du rythme du gouvernement et de la recherche d’information. Il faut du temps pour recueillir ce genre de données, surtout auprès des populations difficiles à joindre.

Ensuite, les gens sont parfois las de répondre à des sondages. Certains groupes déplorent un excès de sondages. C’est difficile d’obtenir des données de qualité de ces groupes.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Vous avez parlé, dans vos remarques liminaires, de cette analyse comparative qui s’applique aux politiques, aux programmes et aux services.

On sait que le gouvernement fédéral s’est engagé à ce que cette analyse s’applique lors de l’élaboration des projets de loi. Ma question porte sur l’application de l’ACS Plus aux mesures législatives. Est-ce que, dans les audits que vous avez faits en 2009, 2015 et 2022, les lacunes que vous avez mentionnées tout à l’heure concernent aussi l’élaboration des projets de loi, ou sont-elles différentes? Pouvez-vous nous donner vos commentaires à ce sujet?

Mme Hogan : Notre échantillon n’a pas pris en compte les projets de loi que le gouvernement dépose à la Chambre des communes. C’est seulement une fois que le projet de loi est adopté que l’on analyse la mise en œuvre des politiques qui y sont liées.

La sénatrice Petitclerc : C’est très intéressant pour nous — et pour moi plus personnellement — parce que, en tant que législateurs, nous voulons avoir accès à cette information et nous posons des questions en lien avec l’analyse comparative entre les sexes plus dans les projets de loi que nous étudions. Donc, ce que je comprends, c’est que nous n’avons pas de données sur la qualité de ces analyses.

Savez-vous si les ministères qui sont tenus de le faire préparent systématiquement des analyses ACS Plus pour les projets de loi qui sont déposés?

Mme Hogan : Habituellement, c’est une exigence incluse dans un mémoire au Cabinet. Oui, je pourrais m’attendre à ce que cette information soit considérée dans les soumissions déposées au Cabinet. On n’a pas vraiment examiné de politique, seulement la mise en œuvre par les ministères.

La sénatrice Petitclerc : Donc, je comprends que nous n’avons pas actuellement de moyen de savoir s’il y a des lacunes dans les analyses.

Mme Hogan : Pas par l’intermédiaire de nos travaux, non.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : Je vous remercie, madame Hogan et je remercie également vos fonctionnaires d’être ici aujourd’hui. Ce matin, j’ai assisté à une séance d’information sur un projet de loi donnée par trois ministères. Cette séance d’information était animée uniquement par des femmes. Elles forment ce que j’appelle l’équipe idéale. Et c’est la même chose aujourd’hui. C’est merveilleux. J’ai lu votre rapport jusqu’à 23 h 30 hier soir, et je pense que c’est réellement un travail de qualité. Je vous remercie de votre rapport et de la déclaration que vous avez faite aujourd’hui.

Ma première question portait sur le mémoire au Cabinet. Je comprends la réponse que vous venez de donner. Avez-vous des idées, qu’elles soient publiques ou privées, sur la manière de passer à ce niveau? Cette mesure n’aura pas l’impact dont nous avons besoin si on s’en sert seulement pour déterminer le nombre de femmes ou de membres de divers groupes qui seront touchés — ce que nous pouvons calculer en utilisant des données intersectionnelles et désagrégées. Cela ne constitue pas une analyse. Cette disposition du mémoire au Cabinet est apparue au début des années 2000. Nous l’avons créée lorsque je siégeais à l’Assemblée législative de l’Ontario, au début des années 1990. À l’époque, il était difficile d’obtenir une bonne analyse. Je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui. Cependant, si vous ne connaissez pas les effets qu’aura votre projet de loi, ni les rajustements liés à la mise en œuvre que vous tenterez d’apporter, ni les politiques, ni les règlements, ni aucune autre chose ne vous aideront.

Selon moi, votre rapport soulève une question qui dépasse le nombre de personnes et la capacité d’analyse intersectionnelle. Compte tenu de l’absence d’attentes en matière de résultats, comment mesurer les progrès si l’on ne sait pas clairement quels sont les résultats recherchés? Cela semble varier d’un ministère à l’autre. J’aimerais que vous nous en parliez davantage en fonction de ce que vous avez vu, par exemple de très bonnes pratiques en matière d’établissement de résultats, de compréhension des répercussions et de mesures, et de rapports à cet égard.

Ma deuxième question concerne la transparence publique. J’ai trouvé très frustrant de constater que nous n’avions pas régulièrement accès aux analyses menées. C’est partiellement attribuable au fait que nous nous occupons de l’aspect législatif de la question. L’analyse est contenue dans un mémoire au Cabinet et elle est régie par toutes ces restrictions, à moins qu’elle ne soit publiée par les ministères, les ministres, etc. Je n’ai donc pas profité d’un grand accès public à cette information. Je pense que c’est un élément important pour que le gouvernement puisse obtenir la réponse des communautés et des législateurs.

Dans le cadre de votre examen, avez-vous cerné des pratiques exemplaires dans certains ministères? Y a-t-il des règles établies par le Conseil du Trésor? Un organisme central peut établir certaines de ces attentes. J’aimerais comprendre ce qui nous empêche d’obtenir l’accès public à l’analyse, s’il s’agit d’une bonne analyse dans certains ministères, d’une analyse moins bien menée dans d’autres ministères ou d’aucune analyse dans certains ministères.

La présidente : Vous avez moins de deux minutes pour répondre à cette question.

Mme Hogan : Cette question contient de nombreux points. Je vais tenter de répondre rapidement. Je demanderais à Mme Agnew de parler des pratiques exemplaires et des résultats, mais je vais tenter de répondre à la première partie de la question, qui concerne la façon d’obtenir l’accès à l’information à l’étape de l’élaboration des politiques.

Mon travail ne consiste pas à commenter les politiques, mais à commenter la mise en œuvre. Le BCP et le Conseil du Trésor, qui examinent tous ces mémoires, voient beaucoup de choses. Nous avons constaté qu’ils ne partagent pas vraiment ces informations avec FEGC pour aider à orienter les changements ou améliorer la formation, etc. Il pourrait donc s’agir d’un moyen d’aider à améliorer la partie sur l’élaboration des politiques.

En ce qui concerne la transparence de l’analyse, à titre de vérificatrice générale, j’ai l’occasion de voir certaines choses dans les mémoires au Cabinet, mais encore une fois, je suis tenue à la confidentialité. La Chambre et le Sénat devront résoudre ensemble ce dilemme pour assurer une meilleure transparence. Nous pensons que les intervenants de FEGC pourraient communiquer beaucoup plus clairement leurs observations et les résultats et qu’ils pourraient faire preuve d’une plus grande transparence sur ce qu’ils ont vu, car ils n’ont pas fait de rapports à ce sujet depuis un certain temps.

Madame Agnew, pourriez-vous parler des résultats?

Mme Agnew : Nous avons constaté que les buts n’étaient pas précis ou mesurables. Nous avons besoin de niveaux de performance pour déterminer les effets des décisions. Notre recommandation sur la surveillance et les rapports relatifs à l’état de la mise en œuvre est importante, car l’ACS Plus constitue un investissement. Quand elle est bien faite, on peut observer les résultats dans les communautés qui en ont le plus besoin. C’est difficile. Ces communautés sont difficiles à joindre et peuvent être marginalisées. Sans rapports et sans surveillance, comment savoir?

La présidente : Je vous remercie beaucoup.

La sénatrice McPhedran : C’est un plaisir de vous voir toutes ici et de lire les résultats du travail approfondi effectué avant que vous ne vous joigniez à nous.

Ce travail est en cours depuis longtemps. Vous connaissez ou ne connaissez peut-être pas l’anecdote, mais c’est un bon moment pour admettre qu’une bonne partie du travail dont nous discutons aujourd’hui a commencé dans un ascenseur. Il se trouve que la sénatrice Nancy Ruth est embarquée dans un ascenseur avec une de vos prédécesseures, Sheila Fraser, et elles ont commencé à parler du besoin de faire le genre de travail dont nous discutons aujourd’hui.

Pour faire suite aux questions qui vous ont été posées précédemment, je voudrais ajouter quelque chose à la question de la sénatrice Lankin sur les pratiques exemplaires ou l’apprentissage. Que savons-nous à propos des autres pays? Existe-t-il un pays qui fait mieux que nous? Quels éléments l’indiquent?

Mme Hogan : J’admets que je pense avoir oublié de quel pays il s’agit. Je m’en remettrai donc à Mme Moores pour qu’elle fournisse quelques détails.

Dans notre rapport, nous avons parlé d’une évaluation réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Le Canada devrait être fier de figurer au cinquième rang. Nous sommes considérés comme des chefs de file sur le plan des progrès de l’ACS Plus, mais il ne faut pas perdre cela de vue, car on peut rapidement se retrouver en queue de peloton.

Je demanderai à Mme Moores de parler de certains des pays qui, d’après ce que nous avons constaté, sont d’excellents exemples, et de fournir quelques explications à leur sujet.

Stephanie Moores, directrice, Bureau du vérificateur général du Canada : Un certain nombre de pays me viennent à l’esprit, notamment la Suède et l’Islande. La Suède, en particulier, dispose d’un programme appelé Programme gouvernemental d’intégration de la dimension de genre, qu’elle utilise pour surveiller la mise en œuvre de ce qui est considéré comme l’intégration de la dimension de genre là-bas. L’ACS Plus est le terme que le Canada a choisi, mais cela revient à la même chose.

Dans le cas présent, les organismes participants ont préparé des plans d’action précis qui ont ensuite été présentés à la ministre de l’Égalité des sexes. Ils doivent rendre des comptes à ce sujet, et la ministre examine ensuite l’ensemble des résultats et évalue les progrès.

En Islande, il existe également un ministère qui relève directement de la première ministre. Il est doté d’un plan d’action de quatre ans assorti d’un tableau de bord accessible au public. Si je pouvais lire l’islandais, je pourrais vous fournir un exemple d’indicateurs, mais j’en suis incapable. Ce sont des pratiques intéressantes que le Canada pourrait étudier à l’échelle internationale afin de glaner des idées sur la manière dont nous pouvons continuer de progresser.

La sénatrice McPhedran : Pouvez-vous être un peu plus précises dans vos comparaisons pour que nous ayons une idée des endroits où nous pourrions mettre en œuvre des initiatives?

Mme Hogan : Le gouvernement a parlé d’un tableau de bord accessible au public pour surveiller les progrès. Ici, au Canada, cette responsabilité est en quelque sorte reléguée aux ministères, qui fournissent l’information dans un tableau supplémentaire joint à leur rapport sur les résultats ministériels. Le guide expliquant comment remplir ce tableau était de piètre qualité; nous avons donc constaté que l’information fournie dans les tableaux supplémentaires était sporadique et incohérente. Ce serait un bon endroit où commencer. Si les ministères remplissaient leur propre tableau, Femmes et Égalité des genres Canada pourrait ensuite regrouper l’information et présenter un rapport. Il n’y a vraiment rien actuellement au Canada qui traite de la question à l’échelon fédéral afin de dresser une vue d’ensemble.

La sénatrice McPhedran : Cette réponse est très utile. Je vous remercie.

Le sénateur Kutcher : Je vous remercie beaucoup de comparaître aujourd’hui et de présenter un compte rendu exhaustif et approfondi sur la question.

D’après ce que j’entends sur la responsabilité et la reddition de comptes — et je suis légèrement préoccupé à ce sujet et je veux m’assurer de bien comprendre —, c’est que la responsabilité est répartie entre les divers ministères et que la reddition de comptes n’est peut-être pas aussi rigoureuse qu’elle devrait l’être.

Y a-t-il un rôle pour un organisme de reddition de comptes central au sein du gouvernement? Dans l’affirmative, devrait-il en exister un? Femmes et Égalité des genres Canada serait-il capable de faire rapport pour tous les ministères?

Selon ce que j’entends, il s’agit presque d’un problème culturel. La capacité, la compréhension, la formation, la responsabilité et la reddition de comptes posent un problème. À presque tous les endroits qu’on examine, il y a un gros problème, et la situation perdure depuis des années.

Si nous voulons résoudre le problème et si la manière actuelle de faire les choses ne fonctionne pas, serait-il possible d’instaurer une autre méthode pour tenter de faire fonctionner le processus?

Mme Hogan : C’est l’éternelle question : combien de fois répète-t-on la même chose en espérant un résultat différent? J’aimerais avoir une réponse magique à vous donner.

S’il s’agit de centraliser la reddition de comptes, je pense que Femmes et Égalité des genres Canada pourrait jouer un rôle. C’est actuellement lui qui regroupe des données et qui fait publiquement rapport des progrès de l’ACS Plus au sein du gouvernement fédéral, mais il est entravé dans ses travaux parce qu’il ne dispose pas de renseignements cohérents ou d’information tout court pour divers facteurs. Il en a beaucoup sur les sexes, mais il faut vraiment déployer beaucoup plus d’efforts du côté du « plus ».

Est-ce qu’un organisme de reddition de comptes central fonctionnerait? C’est quelque chose que je vois beaucoup dans mes rapports d’audit. Quand le gouvernement exécute un programme horizontal, même si un ministère est responsable, il ne peut contraindre les autres sous-ministres. Il est donc un peu dépourvu. Le mieux qu’il puisse faire, c’est fournir les renseignements qu’il reçoit dans ses rapports.

D’ici à ce que la question de l’horizontalité des programmes et de la prestation de programme soit résolue à la fonction publique fédérale, on se contentera toujours de dire qu’on pourrait faire mieux. C’est ce que je constate dans de nombreux programmes.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de témoigner et de faire le travail que vous faites. J’ai épluché votre rapport et je vous ai déjà parlé du sujet.

Comment la situation s’est-elle améliorée ou a-t-elle empiré au fil des ans, particulièrement quand vous examinez l’aspect du « plus » sans l’application de l’ACS, depuis la publication du premier rapport en 2009 et depuis 2015? Y a-t-il moyen de surveiller l’évolution de la situation?

Mme Hogan : Nous avons suivi la situation en partie et parlé d’une partie des progrès que nous avons observés. En 2009, le « plus » ne faisait pas partie de l’ACS. Ce n’était que l’ACS. Le « plus » s’est ajouté un peu plus tard.

Il y a maintenant certains progrès à cet égard. On admet que les besoins doivent être pris en compte dans l’expérience que les gens vivent dans le cadre des programmes, des politiques et des services du gouvernement fédéral.

Nous avons constaté des progrès depuis 2015, car tous les ministères sont maintenant obligés à penser à l’ACS quand ils préparent des mémoires au Cabinet et des présentations au Conseil du Trésor. Il y a donc des progrès. Nous constatons que ces présentations font l’objet d’un examen plus poussé. Quelqu’un tient compte de cette analyse et en assume un peu plus la responsabilité.

Nous n’observons pas de progrès sur les plans de la disponibilité des données et de la capacité, deux aspects soulignés en 2009, en 2015 et de nouveau aujourd’hui.

Cela ne signifie pas que les ministères ne réalisent pas de progrès, mais ce n’est pas suffisant quand on pense à l’engagement pris il y a 25 ans. Je suis déçue par le manque de progrès, car la question fait l’objet de beaucoup d’attention et de dialogue depuis très longtemps. Le temps est venu d’ajouter l’action au dialogue.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie. De tous les ministères, combien réalisent constamment des ACS rigoureuses? Qu’arrive-t-il aux personnes victimes de violations des droits de la personne en grande partie en raison de leur diversité?

Nous travaillons auprès de personnes qui œuvrent dans le secteur de l’extraction des ressources. C’est là que nous nous intéressons à l’ACS Plus et travaillons avec les communautés autochtones à cet égard.

Mme Hogan : Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à cette dernière question. Nous ne nous sommes pas penchés sur les plaintes relatives aux droits de la personne pour voir comment elles étaient résolues.

Je ne connais pas la réponse à la première question sur le nombre de ministères qui réalisent une analyse rigoureuse. Notre rapport ne porte pas sur tous les ministères afin d’en faire une évaluation.

Je peux toutefois vous dire que je me suis engagée avec mon bureau à ce que tous nos audits de performance incluent l’équité, la diversité et l’inclusion. Nous examinons les ACS Plus et tentons de les intégrer à notre audit pour mettre les ministères au défi d’être plus rigoureux à cet égard. Mais, ici encore, tous les audits dévoilent exactement les mêmes résultats inégaux que celui-ci.

J’ajouterais que je pense que le Secrétariat du Conseil du Trésor pourrait s’efforcer d’obtenir des évaluations plus rigoureuses lorsqu’il examine les présentations. Nous avons constaté que les ministères ne sont pas vraiment encouragés à améliorer leurs évaluations quand la présentation est approuvée alors que l’ACS Plus est de piètre qualité. Le gouvernement fédéral peut s’attaquer au problème de bien des manières dans l’espoir de renforcer l’évaluation dans l’avenir.

La présidente : Madame Hogan, je poserais peut-être une brève question, car des sénateurs sont inscrits au second tour. C’est une variation de la question du sénateur Kutcher.

À votre avis, serait-il utile ou nuisible que chaque ministère ait un spécialiste de l’ACS Plus doté de la formation, des compétences et du pouvoir appropriés afin d’appliquer les mesures adéquates, que ce soit avant, pendant ou après la politique? Serait-ce une bonne ou une mauvaise chose?

Mme Hogan : C’est une question intéressante. Je peux vous dire que je pense personnellement que ce serait une bonne chose. Quand j’ai entrepris de demander à chaque équipe d’audit de s’intéresser à l’ACS Plus et à l’équité, à la diversité et à l’inclusion, j’ai indiqué que nous avions besoin d’une équipe de spécialistes. Nous en avons donc constitué une. Nous avons formé des gens et disposons d’employés affectés expressément à cette question.

Si je voulais prêcher par l’exemple, je vous dirais que ce serait une bonne chose, car c’est par là que j’ai commencé pour pouvoir obliger les ministères à rendre des comptes par rapport à l’engagement.

La présidente : Je vous remercie. Vous venez de terminer un audit sur l’ACS Plus en 2022, et le précédent a eu lieu en 2015. Quand pensez-vous effectuer le prochain?

Mme Hogan : Je l’ignore. Nous devons évidemment laisser aux entités le temps de mettre en œuvre les plans d’action qu’elles ont élaborés en réaction à nos recommandations. Nous voulons leur accorder du temps pour observer les résultats dans l’avenir.

J’espère que j’en verrai dans les audits portant sur d’autres sujets, car, comme je l’ai indiqué, nous nous intéressons à la question dans chaque audit de performance que nous effectuons.

Cela se situe dans l’avenir. Je ne sais pas vraiment si j’ai une date en tête, mais c’est un sujet très important. Dans ce domaine, si nous suivons les objectifs de développement durable des Nations unies et ne voulons laisser personne derrière, c’est une excellente manière de procéder. Par contre, si on fait fi de ces objectifs, les gens n’en seront que plus abandonnés.

J’ai l’intention de m’intéresser à la question dans chaque audit. J’ignore simplement quand je lui consacrerai entièrement un audit.

La présidente : Je vous remercie.

Nous procéderons maintenant au second tour de questions des sénateurs.

La sénatrice Dasko : Je me demande si vous pouvez donner quelques exemples d’analyses réellement superbes que vous avez rencontrées. Pourriez-vous nous indiquer de quel secteur de politique il s’agissait, ce que l’analyse faisait et comment elle a été utilisée? Nous aurions ainsi un aperçu de quelques exemples d’analyses que vous jugez vraiment excellentes, puisque vous avez eu l’occasion d’étudier le gouvernement et de voir ce qu’il a accompli.

J’aimerais que vous nous expliquiez brièvement de quoi ces analyses pourraient avoir l’air.

Mme Hogan : Pour vous donner deux exemples, je demanderai à Mme Agnew de vous en fournir un, et je vous donnerai celui que j’ai relevé dans un audit précédent. Nous avons réalisé un audit préliminaire de deux programmes d’aide lancés en réaction à la COVID : la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, et la Subvention salariale d’urgence du Canada, ou SSUC.

L’ACS Plus a été effectuée pour ces deux programmes combinés et a été réellement bien faite. On y admettait que certaines personnes pouvaient avoir été découragées ou oubliées. Le programme a été lancé et des modifications y ont été subséquemment apportées en fonction de cette évaluation. Par exemple, de nouvelles industries ont été ajoutées à la liste des entités admissibles à la subvention salariale et le gouvernement a reconnu que les gens avaient encore besoin de gagner un revenu et de travailler pour leur employeur tout en recevant quand même la subvention salariale.

L’ACS Plus a donc permis d’apporter des modifications à ce programme. Cet exemple est très particulier, cependant, car on était en situation d’urgence.

Je ne sais pas si vous avez un autre exemple que vous aimeriez fournir, madame Agnew.

Mme Agnew : J’aurais un exemple de données désagrégées utilisées à l’appui de la prise de décisions. Il s’agit du ministère de la Justice du Canada qui est allé puiser dans les données existantes. C’est ainsi que les données de l’enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle ont été intégrées aux données de recensement sur l’impôt et la santé. On cherchait de cette manière à obtenir les informations manquantes pour compléter les profils démographiques, socioéconomiques, financiers et sanitaires des personnes se retrouvant dans le système judiciaire pénal. L’exercice a généré une grande quantité de données sur les individus pouvant être marginalisés et incapables de bénéficier du système de justice pénale dans la mesure où ils le devraient.

La sénatrice Moodie : Ma question de suivi porte sur l’intersectionnalité, soit l’aspect « plus ». Que remarquez-vous? Qu’est-ce que vous avez constaté? Il va de soi qu’il y a manifestement un manque à combler, mais pouvez-vous nous donner une idée de l’état de la situation? Est-ce qu’on néglige totalement de le faire dans certains cas?

Pouvez-vous également répondre à une question que l’on commence à se poser? Est-ce que l’on devrait séparer les deux éléments avec l’analyse entre les sexes d’un côté et le « plus » de l’autre? Est-ce que cela améliorerait les choses?

Mme Hogan : On m’a maintes fois posé des questions sur cette appellation — analyse comparative entre les sexes plus — en me demandant si cela peut dissuader les gens de s’intéresser au « plus » du fait que l’appellation fait expressément référence au sexe. C’est fort possible. Je l’ignore. Je ne crois pas que nous disposions de données empiriques à l’appui d’une affirmation en ce sens.

Si l’on séparait maintenant les deux éléments, il y aurait deux aspects à considérer. Je craindrais que l’on en vienne à oublier l’un de ses aspects. Avec une seule cible, on peut concentrer davantage ses efforts pour approfondir les choses. De nombreuses solutions s’offrent à nous dans notre volonté de mettre davantage l’accent sur l’aspect « plus ».

Notre audit nous a permis de mettre au jour des données désagrégées portant sur différents facteurs. Si vous avez le rapport sous les yeux, il s’agit de la pièce 3.4. C’est à la page 28 dans la version française et 24 dans la version anglaise. Nous avons pu constater que très peu d’information était collectée concernant divers facteurs identitaires. Nous avons d’ailleurs déjà noté certains de ces indicateurs. Il n’y avait aucune donnée désagrégée disponible relativement à la situation de handicap. On savait donc à quoi s’en tenir du point de vue du sexe, mais on ignorait s’il y avait handicap ou non. Vous verrez que les chiffres présentés dans la pièce en question sont extrêmement bas dans certains cas.

La sénatrice McPhedran : J’ai noté dans les documents d’information que vous nous avez transmis que le plan d’action fédéral arrivait à échéance en 2020. Nous avons maintenant en main votre rapport de 2022.

Y a-t-il un plan d’action à long terme en cours d’élaboration?

Mme Hogan : Je pense qu’il y a un nouveau plan qui s’en vient, mais je n’en suis pas certaine.

La sénatrice McPhedran : N’êtes-vous pas consultée lors de l’élaboration d’un nouveau plan d’action?

Mme Hogan : Je ne suis généralement pas consultée pour l’élaboration des politiques ou des plans d’action. Je vous dirais donc que cela ne devrait pas être le cas, pour autant que je sache.

La sénatrice McPhedran : Est-ce une question de protocole ou plutôt de décloisonnement inapproprié? Vous avez produit un rapport détaillé, et je suis persuadée qu’on l’utilisera — c’est du moins ce que j’espère — pour guider l’élaboration d’un nouveau plan d’action, mais pouvez-vous nous dire si quelque chose de précis vous empêche de formuler des suggestions, vu que votre mandat consiste notamment à viser l’efficience?

Mme Hogan : Absolument toutes nos recommandations vont dans le sens d’un changement qui, selon nous, ne manquerait pas d’améliorer les plans d’action, les politiques ou les programmes. Je ne pense donc pas qu’il y ait d’obstacle à ce niveau.

Nous devons chercher à éviter de contribuer à la conception d’un mécanisme quelconque pour ensuite être appelés à effectuer un audit afin d’en évaluer l’efficacité. Il faut fixer une limite à ne pas franchir pour conserver notre indépendance. Nous ne devons pas effectuer le travail à la place des gestionnaires pour ensuite mener un audit sur ce travail.

Cela dit, nous nous faisons toujours un plaisir d’expliquer nos conclusions et de formuler des suggestions.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Tout cela est très utile.

La sénatrice Bovey : Je suis vraiment reconnaissante pour tout ce que nous avons pu entendre cet après-midi. Vous avez indiqué vouloir intégrer cette mesure à tous vos audits. Est-ce que cet engagement inclut ceux qui portent sur les sociétés d’État? J’ai œuvré au sein d’un certain nombre de ces sociétés au fil des dernières années, et je serais très curieuse de savoir comment les choses s’y passent à ce chapitre. Comme tout le monde le sait, je viens du monde des arts, et je pense donc par exemple au Musée national des beaux-arts et au Musée canadien de l’histoire. J’aimerais bien savoir si vous comptez le faire pour ces organisations-là également

Mme Hogan : Je me suis engagée à veiller à ce que l’analyse comparative entre les sexes plus soit intégrée à tous nos audits de gestion, ce qui va dans le sens de l’engagement de mon prédécesseur en faveur des objectifs de développement durable, et je maintiens cet engagement.

Il y a maintenant plus d’un an que nous le faisons pour tous nos audits de gestion. Je suis même allée plus loin en demandant à nos équipes de le faire pour nos examens spéciaux. Ces examens sont l’équivalent d’un audit de gestion, mais pour une société d’État. Ils doivent être effectués seulement tous les 10 ans.

Nous commençons à constater que certaines sociétés d’État font valoir qu’elles ne sont pas tenues de se prêter à l’exercice, mais nous leur rappelons qu’il est de leur devoir, en tant que sociétés d’État, de tenir compte des objectifs de développement durable. Pour être de bons employeurs, elles doivent penser à l’équité, à la diversité et à l’inclusion. Nous poursuivons donc nos efforts à ce titre.

Vous allez commencer à le voir dans certains de nos examens spéciaux. Dans un rapport qui vient d’être déposé, si je ne m’abuse, nous traitons des stratégies d’investissement durable de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public. Vous allez de plus en plus voir de telles analyses, à la mesure de nos capacités. Nos examens spéciaux portent sur les processus en place, mais nous tenons à ce que toutes les organisations aient des comptes à rendre.

La sénatrice Bovey : Je pense que cela nous ramène à la gestion des risques pour ce qui est de la participation de l’auditoire. Merci beaucoup pour cette réponse.

La présidente : Merci beaucoup, sénateurs. C’est tout le temps que nous avions pour ce groupe de témoins. Je tiens d’ailleurs à les remercier pour leur participation à notre séance d’aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre contribution à notre étude.

Nous reprenons notre étude sur l’analyse comparative entre les sexes plus. Nous accueillons maintenant des témoins en mode virtuel. Souhaitons la bienvenue à Mmes Bonnie Brayton, directrice générale, et Sarah McLeod, responsable des droits de la personne, du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (RAFHC); à Mme Lindsay Tedds, professeure agrégée en économie et directrice scientifique, Politiques financières et économiques, à l’École des politiques publiques de l’Université de Calgary; et à Mme Anna Cameron, associée de recherche, Politiques financières et économiques, également de l’École des politiques publiques de l’Université de Calgary.

Merci beaucoup d’être des nôtres aujourd’hui, dans certains cas avec un court préavis. Nous vous en sommes reconnaissants.

Je vais maintenant vous inviter à nous présenter vos observations préliminaires. Je rappelle que chaque groupe a droit à cinq minutes pour ce faire et que les questions des membres du comité suivront.

Je pense que nous allons d’abord entendre Mmes Brayton et McLeod du RAFHC.

Bonnie Brayton, directrice générale, Réseau d’action des femmes handicapées du Canada : Merci beaucoup de nous avoir invitées à comparaître aujourd’hui.

J’aimerais commencer par reconnaître que le RAFHC du Canada est situé sur le territoire non cédé de la Nation Kanien’kehá:ká et de la ville Tiohti:áke, également appelée Montréal. Notre présence sur leurs terres aujourd’hui et le fait que nous soyons ici au moment où nous parlons de vérité et de réconciliation nous rappellent que les besoins des sœurs autochtones, la manière dont nous pouvons les dédommager et améliorer leur vie aujourd’hui et à l’avenir, doivent être au centre de tous nos travaux.

Vous allez tous recevoir une note d’information. Encore une fois, elle sera beaucoup plus complète. Nous avons eu un court préavis, comme l’a indiqué la présidente. Je serai donc brève, mais je suis très heureuse de me présenter devant vous tous. Nous avons déjà eu le plaisir de travailler avec certains d’entre vous, et nous serons heureuses de répondre à vos questions et d’avoir l’occasion de discuter avec vous et les autres députés.

L’ACS Plus en tant que levier politique a du bon, du mauvais et du pire. Le RAFHC du Canada est l’un des organismes de la société civile que le gouvernement peut citer en exemple pour ses résultats mesurables quant à l’ACS Plus comme levier politique. Mais étant donné qu’il est clair que les femmes handicapées sont encore mal desservies et sous-représentées, alors qu’elles représentent un quart et un tiers des femmes, des filles et des personnes non binaires les plus marginalisées au Canada, nous vous remercions de nous donner l’occasion d’examiner certains résultats.

Un cadre intersectionnel est toutefois essentiel. Le symbole Plus limite les diverses expériences vécues et les besoins de divers groupes marginalisés et en quête d’équité en les regroupant en une seule entité. Ne serait-ce qu’au sein du groupe des femmes handicapées, on recense des expériences et des besoins variés, en fonction du handicap, qui ont une incidence sur l’inclusion sociale et économique, et, bien sûr, il y a beaucoup plus à dire sur le cadre intersectionnel juxtaposé à l’ACS Plus comme levier politique. Je sais que de nombreux autres témoins approfondiront la question.

Le fait de traiter les femmes handicapées comme un monolithe efface les expériences diverses d’un quart de la population des femmes du Canada et met en évidence les difficultés que pose un levier politique comme l’ACS Plus.

En tant qu’approche politique pangouvernementale, l’ACS Plus a été appliquée de manière inégale, mais elle a une incidence directe sur notre travail et notre financement. Les changements apportés aux programmes depuis sa mise en œuvre ont assurément permis d’accroître l’accès au financement pour des organismes comme le nôtre. Cependant, certaines tendances que nous avons observées dans notre financement et celui de nos partenaires suggèrent qu’une partie de cette évolution est due à la politique, mais surtout à l’approche du RAFHC. Rares sont encore les organismes de la société civile qui appliquent réellement la pratique intersectionnelle et le concept d’inclusion complète.

La Loi canadienne sur l’accessibilité a donné naissance à un nouveau projet de politique pour tous les ministères, le Plan d’action pour l’intégration des personnes en situation de handicap. Nous craignons sincèrement que ce mécanisme fondé sur de bonnes intentions crée une nouvelle difficulté pour les responsables des politiques et des programmes de la fonction publique qui tenteront de le rendre efficace. S’attaquera-t-il véritablement aux cloisonnements qui ont déjà largement empêché l’atteinte des objectifs de l’ACS Plus?

Selon Statistique Canada — et je le répète parce que c’est très important lorsque l’on examine l’objet de cette question — 24 % des femmes souffrent d’un handicap. Chez les femmes noires et autochtones, ce chiffre se rapproche de 35 %. Les recherches effectuées par le gouvernement et les organismes de défense des droits de la personne de tout le pays confirment que les femmes, les filles et les personnes non binaires handicapées constituent le groupe non desservi le plus important au Canada.

Au-delà de l’intention liée à l’intersectionnalité, comment le gouvernement mesure-t-il les répercussions de l’ACS Plus? Nous demandons l’établissement d’un cadre de mesure visant à évaluer les répercussions de l’ACS Plus sur les femmes handicapées. En outre, le moment est venu pour nous de nous assurer que les intentions budgétaires et les engagements pris sont respectés. Nous sommes également conscients que cette mesure n’a pour but que de nous permettre d’évaluer correctement comment orienter le budget et les ressources pour obtenir des résultats et des changements significatifs, car il s’agit encore de la population la plus mal desservie de notre pays.

Nous sommes heureuses de pouvoir répondre directement à vos questions, car nous avons beaucoup de renseignements sur l’ACS Plus. Je sais que vous comprenez tous que cette étude transcende le processus d’élaboration des politiques pour s’attaquer à la véritable question, qui est de déterminer comment nous pouvons mieux servir les plus marginalisés de nos concitoyens. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui avec notre responsable des droits de la personne, Sarah McLeod. Nous voulons réserver le plus de temps possible aux questions et au dialogue, alors je m’arrêterai là, madame la présidente. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, madame Brayton.

Nous allons maintenant entendre soit Mme Tedds, soit Mme Cameron. Laquelle d’entre vous va formuler vos observations? Je ne suis pas certaine d’avoir bien compris.

Anna Cameron, associée de recherche, Politiques financières et économiques, École des politiques publiques, Université de Calgary, à titre personnel : C’est moi qui vais le faire. Je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître devant votre comité pour parler de cette question. Je m’appelle Anna Cameron. Je suis associée de recherche à l’Université de Calgary, où je fais partie d’une équipe qui cherche à intégrer l’ACS Plus et l’intersectionnalité aux politiques économiques et sociales. Je suis accompagnée aujourd’hui de Lindsay Tedds, qui dirige notre équipe. Mme Tedds et moi-même serons heureuses de répondre à vos questions après nos observations.

Le fait de devoir réfléchir au rôle de l’ACS Plus dans le processus d’élaboration des politiques nous amène à nous pencher sur un certain nombre de points : sur la façon dont nous avons progressé, stagné et ranimé nos efforts depuis 1995, mais aussi sur le travail qu’il reste à faire — un travail qui a été mis en évidence dans le récent rapport de la vérificatrice générale. Nous collaborons souvent avec les gouvernements pour aborder des questions de politique, mais en tant que chercheurs, nous nous efforçons également de susciter un changement intersectionnel au sein de la communauté politique au sens large.

Nos observations sur le travail qu’il reste à accomplir relativement à l’ACS Plus souligneront les priorités qui se dégagent de l’expertise et de l’expérience acquises dans ces deux espaces. Certaines priorités sont conceptuelles.

Tout d’abord, nous souhaitons souligner l’importance de passer à une approche intersectionnelle critique de l’analyse et du développement des politiques, qu’il s’agisse de remanier l’ACS Plus ou de l’écarter complètement. Il ne s’agit pas seulement de dépasser la question du sexe pour examiner les répercussions sur d’autres groupes. Il s’agit de détacher l’analyse de l’identité pour se pencher plutôt sur les systèmes, les processus et les structures de pouvoir qui donnent un sens à l’identité et d’examiner comment ils compliquent les intersections avec l’État, les institutions et les politiques, et produisent des désavantages et des besoins. La compréhension de ces liens peut nous aider à déterminer comment les politiques pourraient intervenir pour lutter contre l’oppression systémique et ses effets.

Deuxièmement, nous devons nous demander en quoi l’intersectionnalité pourrait être incompatible avec les cadres traditionnels d’analyse des politiques, qui privilégient l’efficacité et l’analyse coûts-avantages, et réfléchir de manière créative à la façon dont nous pourrions modifier ce cadre traditionnel de façon à l’aligner sur les objectifs de justice sociale. Les membres du groupe d’experts sur le revenu de base de la Colombie-Britannique, dont Mme Tedds, ont fait une première tentative en ce sens, et nous devons nous en inspirer. Pour ce faire, nous devons toutefois utiliser diverses formes de preuves et ne pas nous focaliser sur le manque de données. Les approches quantitatives ne sont qu’un moyen parmi d’autres de répondre aux questions et de comprendre le monde, et nous devons renforcer les capacités à être créatifs et nous livrer à différents types d’analyse. Cette approche ne suffira toutefois pas à concrétiser les visions liées à l’équité, à la diversité et à l’égalité entre les sexes, si telles sont bien nos visions.

Il sera tout aussi important, sinon plus, de déterminer si la communauté politique canadienne peut soutenir un changement intersectionnel. J’aimerais insister sur trois points.

Premièrement, le changement ne peut pas être impulsé uniquement par le gouvernement. L’intégration de l’intersectionnalité doit reposer sur une approche multidimensionnelle associant le gouvernement, la société civile et la communauté des chercheurs.

Deuxièmement, au sein de la communauté des chercheurs, les économistes dominent toujours et, en dehors de certaines cohortes féministes, antiracistes et autochtones, les économistes ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour adopter l’ACS Plus et l’intersectionnalité, et nous devons remédier à cette situation. L’une des approches consisterait à créer de solides réseaux transdisciplinaires au sein des politiques afin de rassembler un nombre suffisant d’experts engagés en faveur d’un changement intersectionnel.

Troisièmement, nous devons investir une réflexion, du temps, de l’expertise et des ressources en vue de former les futurs professionnels responsables des politiques à ce type de réflexion, tout comme nous les formons actuellement à l’analyse coûts-avantages ou à la rédaction d’une note d’information. Lorsque nous avons interrogé les écoles de politique de tout le pays, y compris celle à laquelle nous sommes associées, nous n’avons trouvé aucune indication que cette démarche était entreprise.

Alors que pouvons-nous accomplir pour tout cela? Le gouvernement fédéral ne peut pas assumer l’intégralité du fardeau d’une politique transformatrice, quelle que soit la force de ses outils. Nous devons mobiliser l’ensemble de la communauté de l’élaboration des politiques du Canada. Bien qu’un élan se dessine dans cette direction, les efforts sont fragmentés. Nous devons déployer un effort collectif pour combler cette lacune, c’est-à-dire investir et mettre en place l’infrastructure nécessaire au lancement et au maintien d’un réseau pancanadien d’universitaires, de praticiens et de leaders sectoriels et communautaires qui travaillent à la jonction des politiques et de l’intersectionnalité.

En conclusion, bien que les ajustements à apporter à la conception et à la mise en œuvre de l’ACS Plus soient importants, l’adoption d’une approche plus large permettrait d’amorcer un changement intersectionnel capable de transformer la politique canadienne. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, madame Cameron. Nous allons maintenant passer à la première question de la sénatrice Bovey du Manitoba. Il y aura trois minutes par question et réponse.

La sénatrice Bovey : J’ai une question pour Mme Brayton, si vous voulez bien, et une pour Mme Cameron.

Madame Brayton, vous avez mentionné que l’ACS Plus comportait des aspects positifs et négatifs, et des problèmes, ce que je comprends très bien. Vous avez mentionné la politique par opposition à certaines approches et à la société civile.

J’aimerais savoir quels sont, selon vous, les avantages d’une pleine mise en œuvre de l’ACS Plus et son incidence sur l’élaboration, la mise en œuvre et la réussite des politiques. Cette question s’adresse à vous.

J’ai aussi une question pour Anna Cameron, si vous me le permettez. Vous avez parlé d’outils et de capacités. J’aimerais savoir quels sont, selon vous, les outils et les capacités nécessaires pour que l’approche plus large que vous avez mentionnée visant à déclencher un changement intersectionnel soit possible.

Mme Brayton : Merci pour cette excellente question. Je vais commencer, madame Cameron, puisqu’on m’a posé la première question, et nous nous tournerons ensuite vers vous. Merci beaucoup pour vos interventions — elles étaient également excellentes — et merci pour cette question.

Pour ce qui est de l’ACS Plus, encore une fois, la position du RAFHC se rapproche, je pense, de ce qu’ont dit nos collègues, y compris de Mme Cameron, à savoir que l’ACS Plus ne nous semble pas être la bonne solution à long terme. Si nous parlons du concept de cadre politique intersectionnel et que nous ne surinvestissons pas vraiment, comme je l’ai dit, dans l’ACS Plus, qui est, comme nous l’avons souligné, un levier qui a produit certains résultats, mais qui, à notre avis, ne mérite pas d’être pleinement mis en œuvre, si nous décidons que nous nous dirigeons dans cette direction, alors je dirais que l’approche pangouvernementale devrait être prise beaucoup plus au sérieux. Pour comprendre l’intention de l’ACS Plus et comment elle devrait être appliquée, il faudrait examiner certains des ministères qui la comprennent mieux et qui ont obtenu des réussites, comme Femmes et Égalité des genres Canada. Ce ministère a connu des réussites significatives en matière de politiques et de programmes.

Je ne veux cependant en aucun cas minimiser un point que Mme Cameron a abordé et qui est réellement essentiel, à savoir que la plus grande partie du travail lié à l’ACS Plus est encore effectuée par des organismes de la société civile qui travaillent avec le gouvernement et les responsables des politiques. Je dois être partout. Trop d’entre vous m’ont vue dans beaucoup trop d’endroits, autour de beaucoup trop de tables, parce que le RAFHC couvre tous les handicaps et toutes les intersections et vise tout ce qui a trait à la vie des femmes et des filles. Vous pouvez imaginer, sénatrice, à quelle fréquence on nous demande de procéder à des consultations et de fournir des renseignements. Nous n’avons pas les ressources pour le faire. Nous n’avons pas cette machine géante derrière nous pour le faire, mais nous devons le faire. Nous sommes constamment placés dans une situation qui nous oblige à examiner à peu près tous les appels de propositions qui sont lancés pour déterminer si nous pouvons trouver un partenaire, un intervenant adapté ou quelqu’un qui pourrait intervenir pour s’assurer que les femmes handicapées, qui représentent une population énorme, sont prises en compte, et que si nous ne pouvons pas participer à la conversation, quelqu’un qui se soucie d’elles pourra le faire.

La pleine mise en œuvre, si nous devons l’envisager, nécessiterait, comme je l’ai dit, une approche beaucoup plus robuste, à l’échelle de tout le gouvernement, et beaucoup de formation concernant les décideurs politiques.

La présidente : Je suis vraiment désolée. Je vais devoir vous interrompre. J’espère que nous reviendrons à cette question. Je vais étendre la question à cinq minutes, étant donné qu’il y a deux intervenantes. Nous pourrions peut-être entendre Mme Cameron ou Mme Tedds sur cette question. Nous reviendrons à vous, madame Brayton.

Mme Brayton : Naturellement. Merci, madame la présidente.

Mme Cameron : Je peux commencer à répondre et Mme Tedds souhaitera peut-être ajouter quelque chose.

Pour ce qui est des outils, je pense que ce qui serait très utile — après avoir écouté le témoignage du Bureau du vérificateur général également — serait de développer une compréhension différente de l’intersectionnalité chez les fonctionnaires. Je pense qu’une façon plus large et très simple de procéder consisterait à s’affranchir des outils que FEGC utilise pour enseigner ce concept et à laisser la fleur de côté.

C’est là que les partenariats — par exemple, avec la société civile — pourraient être très utiles, car les roues du pouvoir et des privilèges abondent dans les outils de défense de nombreux organismes de femmes et d’autres organismes à travers le pays. Ils sont experts dans ce domaine et ces documents existent déjà.

En ce qui concerne la capacité, je vais parler d’un élément que j’ai soulevé dans mes remarques préliminaires. Je répète que nous devons former les étudiants en politique à l’intersectionnalité et à l’ACS Plus au moment même où nous leur enseignons comment rédiger des notes d’information, où nous leur présentons les éléments du cycle politique, où nous leur parlons des volets politiques. Cette question est tout aussi importante que ces éléments et pourtant elle n’est pas abordée. Parfois, elle l’est dans le cadre d’un cours facultatif, mais on y parle du genre et de la politique publique au sens large.

Madame Tedds, voulez-vous ajouter quelque chose?

La présidente : Je pense que nous allons passer à la question suivante de la sénatrice McPhedran.

La sénatrice McPhedran : J’aimerais essentiellement aborder les détails de cette réalité de la participation d’une manière intersectionnelle et intersectorielle, et j’aimerais m’adresser à tous nos témoins.

Pouvez-vous nous indiquer plus précisément les ressources dont vous ne disposez pas et dont vous pensez avoir besoin pour pouvoir effectuer des interventions, des recherches et des analyses plus significatives et opportunes, en vue du développement et de la mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes plus? Et pourriez-vous nous aider à comprendre la différence que vous souhaitez engendrer grâce à ces ressources en matière d’efficacité?

La présidente : Qui aimerait répondre à cette question en premier? Nous allons peut-être la poser à Mme Tedds.

Lindsay Tedds, professeure agrégée d’économie, directrice scientifique, Politiques financières et économiques, École des politiques publiques, Université de Calgary, à titre personnel : Je peux amorcer une réponse pour celle-là. Je pense que l’un des obstacles, ce ne sont pas toujours les ressources, mais, dans certains cas, l’accès. Femmes et Égalité des genres Canada a une liste de personnes préférées avec lesquelles ils disent aux ministères de s’engager. Il y a environ quatre personnes sur cette liste. Si vous voulez parler des capacités et de l’aptitude à répondre, cela explique beaucoup de choses.

Un certain nombre de ministères et d’organismes nous ont contactés pour les aider à comprendre l’intersectionnalité. Les réponses et les documents de Femmes et Égalité des genres Canada ne leur ont pas été très utiles. Or, nous devons nous aussi faire face à des problèmes de capacité. L’enseignement, la recherche, le service — il y a des limites à ce que nous pouvons faire. Nous devons donc former les futures Anna Cameron de ce monde.

Les capacités au sein du monde universitaire font également défaut. Comme l’a dit Mme Cameron, la politique est dominée par des économistes blancs de sexe masculin qui ne considèrent pas cela comme une priorité, ou qui ne comprennent même pas ce que c’est que de vivre et de subir la politique du point de vue d’une autre identité.

Il y a donc un défi cognitif très important à relever.

Je vous cède la parole, madame Brayton.

Mme Brayton : Merci beaucoup, madame Tedds. Merci beaucoup de cette merveilleuse question, sénatrice McPhedran. C’est un plaisir de vous voir.

C’est une grande question, et, j’allais dire, certainement un problème que je vois tous les jours en ce qui concerne le RAFHC et le travail que nous y faisons. Comme vous le savez peut-être parce que vous nous suivez depuis un certain nombre d’années, nous avons progressivement, au cours des dernières années, fait un assez bon travail de renforcement de nos propres capacités à un certain niveau, et une partie de cela a été liée au financement du gouvernement. En ce qui concerne ce que j’ai également entendu de la part de Mme Tedds au sujet de la difficulté à garder la cadence, je pense qu’il est intéressant de noter qu’il y a un énorme intérêt du côté du secteur privé, des entités sous réglementation fédérale et d’un large éventail d’acteurs, pour le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, notre travail, nos recherches et notre expertise.

Nous travaillons en fonction de quatre grands vecteurs : la recherche, l’éducation, la politique et la défense des intérêts. C’est l’approche du RAFHC. Je pense que la chose évidente à dire au sujet des ressources est que nous devons être mieux financés.

Je ne veux pas commettre l’erreur de donner l’impression que c’est une question d’argent. C’est une question de stabilité. Il s’agit de pouvoir nous concentrer sur ces quatre grands volets plutôt que sur le nombre de demandes de subventions que nous devons rédiger et le nombre de personnes que nous devons atteindre pour nous assurer que le travail est pleinement inclusif et qu’il est fait comme il doit être fait.

Je commencerais certainement par laisser au réseau le soin de réfléchir à toutes ces questions, en plus d’avoir les nombreuses conversations importantes que nous devons avoir à ce stade-ci. Comme je l’ai dit, je suis très heureuse de voir la capacité qu’a eue le RAFHC à se développer au cours des dernières années, mais c’est parce que nous n’avons pas ménagé nos efforts, et non parce que quelqu’un est venu nous prêter main-forte.

Je ne dirai pas un seul instant que je ne reconnais pas le soutien que nous avons reçu de Femmes et Égalité des genres Canada et, dans une certaine mesure, d’Emploi et Développement social Canada pour ce qui est des subventions disponibles. Cependant, ces dernières sont tout à fait inadéquates et ne constituent pas un soutien important — sur le plan des ressources ou autrement — pour le seul organisme — je le répète —, le seul organisme de la société civile de ce pays qui travaille activement pour les femmes, les filles et les personnes handicapées non binaires et qui se concentre exclusivement sur elles. Je dois dire et répéter que ce n’est pas à nous de faire ce travail seuls, et que nous n’essayons pas d’accaparer le marché. Nous aimerions avoir de la concurrence...

La présidente : Merci beaucoup, madame Brayton.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je ne sais pas qui pourra répondre à ma question. On parle de l’ACS Plus, et le mot « Plus » représente plusieurs facteurs identitaires, comme la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge ou un handicap de nature physique ou mentale. J’ai parfois l’impression... Je me demande, si l’analyse de la situation de handicap se fait dans ce contexte d’intersectionnalité, si l’on met l’accent à sa juste valeur. Est-ce qu’on le fait suffisamment? Est-ce que l’on considère suffisamment la situation de handicap dans ces analyses, d’après votre expérience?

Mme Brayton : Merci beaucoup pour cette question, madame la sénatrice. Je suis d’accord avec vous. Nous nous sommes déjà fait dire, Mme Qualtrough, vous et moi, que nous n’étions pas des « Plus ». Nous faire classer au moyen d’un tel symbole est un problème évident. Comme je l’ai mentionné dans mes remarques liminaires, il est important que l’on regarde —

[Traduction]

— un cadre de mesure. Il est essentiel. En ce moment, il n’y a rien pour nous dire ce que chaque ministère a réellement dépensé pour les femmes et les filles handicapées. Il y a des promesses et des engagements dans les budgets, mais le suivi réel pour montrer des résultats mesurables, pour me montrer, par exemple, quels projets ont été financés à travers le gouvernement... Le gouvernement n’a pas pu me fournir un rapport. Je pouvais leur fournir un rapport, mais ils ne pouvaient pas m’en fournir un, et c’est un problème.

Encore une fois, c’est un quart de toutes les femmes du pays et il n’y a absolument rien pour mesurer la performance du gouvernement à ce sujet. Les mandats de ces ministères sont de faire ces choses. Bien que j’applaudisse les personnes avec lesquelles nous travaillons, ce système est défectueux. Oui, le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada fait le gros du travail auprès d’au moins deux ou trois ministères pour s’assurer que les femmes et les filles sont incluses.

Donc, oui, l’ACS Plus laisse tomber les femmes et les filles handicapées parce que, comme je l’ai dit, c’est encore nous qui poussons sans relâche sur le levier du « plus ».

[Français]

Je vous remercie donc cette question.

La sénatrice Petitclerc : Merci à vous.

[Traduction]

Mme Tedds : Je vais répondre à cela. Je pense que l’un des plus gros problèmes ou défis auxquels nous sommes confrontés, c’est que la représentation de l’analyse comparative entre les sexes est dans cette fleur, qui essaie d’indiquer que nos identités sont fixes et additives.

Par conséquent, lorsque vous commencez par l’identité, le gouvernement ne comprend pas comment ces identités sont façonnées par les interactions avec le système et comment l’oppression systémique est la barrière que nous essayons d’abattre. C’est le but de cette analyse.

Mme Cameron et moi allons publier un article dans Administration publique du Canada, qui montrera qu’au lieu de commencer par l’identité comme pièce de résistance, il faut commencer par tout ce qui est autour, là où se trouvent les systèmes et les institutions. Ensuite, il faut réfléchir aux obstacles et à la façon dont différentes personnes avec des identités différentes composent avec ces obstacles.

Tant que nous resterons concentrés sur l’élément central, nous aurons des problèmes avec l’analyse comparative entre les sexes. L’ACS est un ajout — une liste de contrôle —, un ajout qui ne tient pas convenablement compte de l’intersectionnalité.

La sénatrice Lankin : Merci de vos exposés. Quelles contributions intelligentes et judicieuses apportez-vous à notre étude?

Nous examinons le gouvernement et l’ACS Plus, mais je trouve rafraîchissant de vous entendre parler de l’idée que la capacité du gouvernement seule ne suffira pas et que nous avons besoin de ces partenariats avec les milieux concernés et le domaine de la recherche. Nous devons édifier cette capacité. Depuis combien d’années parlons-nous, dans de nombreux secteurs, du renforcement des capacités, du financement de base par opposition au financement de projets, et cetera?

J’aimerais que vous nous donniez des détails sur votre suggestion concernant ce problème plus vaste de la capacité que nous voyons au Canada. Comment recommanderiez-vous que nous intégrions à notre réflexion le développement d’une approche axée sur la communauté de pratique et le partage des pratiques exemplaires, le travail en partenariat dans la communauté de pratique entre les représentants du gouvernement, Femmes et Égalité des genres Canada et d’autres ministères qui sont nécessaires à cela, les capacités de recherche, les écoles de politique publique, les ONG, en particulier les ONG qui travaillent sur l’intersectionnalité au sens large?

Aidez-nous à réfléchir à ce à quoi pourrait ressembler une recommandation axée sur une approche qui reconnaîtrait qu’il s’agit d’un problème bien plus important à résoudre que le simple programme gouvernemental de l’ACS Plus.

Mme Tedds : Je travaille sur l’élaboration d’une vision au sein de la communauté des politiques publiques, non seulement du milieu universitaire, mais aussi des sociétés civiles. Je cherche à nous réunir dans le cadre d’une analyse transdisciplinaire intersectionnelle d’études de politiques publiques qui comprend à la fois la conception et la mise en œuvre — parce que je m’oppose à ce que la conception et la mise en œuvre soient séparables; elles ne le sont pas. La mise en place de ce réseau nécessite des efforts. Nous travaillons là-dessus depuis les deux dernières années. La mise en place de ce réseau prend du temps.

Or, je comparerais cela à ce que Mme Brayton a dit : sans financement, vous n’y arriverez pas. Que ce soit la société civile, le monde universitaire ou même le gouvernement fédéral qui nous engage, que cela nous plaise ou non, le financement et les ressources sont des éléments essentiels. Nous devons cesser de penser que les gens feront cela par pure bonté d’âme. Cela n’a pas fonctionné pour nous.

Aussi, une institution ne saura y arriver seule. Femmes et Égalité des genres Canada s’appuie trop sur l’Institute for Gender and the Economy, ou GATE, de l’Université de Toronto et néglige toute une série de chercheurs et d’intervenants engagés dans ce travail à l’échelle du pays. Il y a des concentrations importantes dans l’Ouest et dans l’Est du Canada, et nous sommes, pour la plupart, exclus du financement de Femmes et Égalité des genres Canada parce que nous ne répondons tout simplement pas à leurs besoins, ou parce qu’il y a une pression pour supprimer la concurrence.

Donc, en ce qui me concerne, c’est par là que je commencerais. Cela contribuerait donc à faire en sorte que les programmes des écoles de politique publique et les écoles d’administration publique aient une formation sur l’intersectionnalité comme cours de base. Bien sûr, cela signifie aussi que nos provinces devraient s’engager dans cette voie, ce qui n’est pas le cas de la mienne, l’Alberta. Le fait que le gouvernement fédéral soutienne ce projet aide vraiment à le faire avancer, car il y a des besoins en matière de formation.

La présidente : Madame Brayton, vous avez moins d’une minute, mais je suis certaine que vous pouvez nous éclairer davantage.

Mme Brayton : Du point de vue de la société civile, le renforcement des capacités est un sujet plus complexe que ce que nous pourrions en dire dans le cadre d’une question rapide.

L’une des choses sur lesquelles je m’appuierais, et c’est quelque chose que le RAFHC a fait... Nous avons une initiative appelée Juste et bien, qui se fonde en grande partie sur le fait que, depuis plus d’une décennie, la majorité des plaintes relatives aux droits de la personne aux paliers fédéral, provincial et territorial sont liées à l’invalidité — la majorité. Cette initiative est axée sur les arguments en faveur des droits de la personne, non pas parce que les droits de la personne ne devraient pas être ce qu’ils sont censés être, mais, comme je l’ai dit, parce que les droits de la personne sont souvent vus sous l’angle de l’échec plutôt que sous celui de la réussite.

Quand je parle des « arguments en faveur des droits de la personne », je veux dire que nous pouvons montrer, par le biais d’un travail de qualité qui a déjà été fait, que ce changement sociétal que nous recherchons est quelque chose qui doit être réalisé par le truchement de nombreux mécanismes différents. Une partie de ce dont parle Mme Tedds est extrêmement importante, bien sûr, mais comme je l’ai dit, sénatrice, la complexité de la réflexion sur la façon dont vous réalisez ce changement de capacité à l’échelle que vous suggérez est un sujet trop vaste pour que je puisse y répondre dans le peu de temps dont je dispose. Donc, je vais m’arrêter là. Merci.

La sénatrice Dasko : J’aimerais explorer ce que disait Mme Cameron au sujet du genre d’analyse que vous essayez de faire maintenant, c’est-à-dire prendre le cadre d’analyse économique traditionnel — coûts-avantages et ainsi de suite — et y ajouter les nouvelles approches, comme l’approche intersectionnelle. Pouvez-vous décrire un peu plus comment cela fonctionne? Quels sont les avantages de cette approche? Quel est le degré d’avancement de cette analyse?

S’agit-il de quelque chose que le gouvernement devrait faire? Nous avons entendu parler de tous les problèmes liés à l’analyse comparative entre les sexes plus au sein du gouvernement, et je me demande simplement si vous pensez que c’est une approche que le gouvernement devrait adopter. Cela lui serait-il utile?

J’aimerais simplement en savoir plus à ce sujet.

Mme Cameron : Honnêtement, je pense que Mme Tedds pourrait probablement en parler mieux que moi, car elle vient de terminer un chapitre de livre — ou plusieurs chapitres — sur cette approche. Désolée de braquer les projecteurs sur vous.

Mme Tedds : À la suite de notre travail au sein du groupe d’experts sur le revenu de base — au sein duquel nous avons travaillé pendant trois ans en Colombie-Britannique, David Green, Rhys Kesselman et moi —, nous avons passé beaucoup de temps à expérimenter avec le cadre politique habituel — efficacité, équité et ce genre de choses — en y ajoutant une lentille de justice sociale et une lentille intersectionnelle. Nous cherchions à mettre au point ce que nous appelons un cadre d’analyse politique intersectionnel inclusif. Ce livre sera publié bientôt par l’Institut de recherche en politiques publiques, mais comme il s’agit d’édition, j’ignore ce que ce « bientôt » veut dire exactement.

Toute innovation ou tout changement d’état d’esprit nécessite que quelqu’un soit ouvert à l’idée que notre cadre d’analyse politique est limité. La barrière que nous avons dû surmonter en tant qu’économistes était de faire comprendre à d’autres économistes qu’un cadre politique que nous avons développé il y a 100 ans dans une discipline qui n’est pas représentative elle-même ne peut pas, en fait, conduire à une politique qui soit représentative.

Ainsi, au fur et à mesure de la publication de nos documents, nous les partagerons toujours librement et ouvertement — et nous sommes impatients de le faire. Nous le faisons avec le gouvernement, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. La raison en est qu’il faudra convaincre certaines personnes réfractaires à l’idée de faire les choses différemment.

La sénatrice Dasko : Comme les départements d’économie, pourrait-on dire. Je vous remercie.

La sénatrice McCallum : Merci de vos présentations. Je voulais dire que l’ACS Plus, l’analyse comparative entre les sexes plus, n’a jamais fonctionné. Elle n’a jamais été une solution, car elle n’a pas été mise en œuvre. Il est difficile d’amener les gens à l’appliquer.

Je voudrais revenir sur le fait que vous avez déplacé le centre d’intérêt de l’analyse de l’identité pour vous concentrer sur les systèmes. Je comprends cela. En tant qu’Autochtones, c’est ce que nous devons faire lorsque nous nous décolonisons. Il s’agit de s’éloigner de cette socialisation du handicap ou de la socialisation de notre caractère autochtone, et de considérer comment ces facteurs compliquent les interactions avec les institutions et les politiques de l’État. Je peux le comprendre à un moment donné, puis je perds le fil.

Pour comprendre les ramifications du tressage historique du racisme, de l’exclusion et de la marginalisation par les institutions et les politiques de l’État, comment pouvez-vous séparer l’individu lorsqu’il est si étroitement lié à cette institution?

Ils sont si intimement liés. J’ai vraiment vu cela avec les excuses du Pape. J’ai vu des gens que je connaissais qui sont immédiatement retombés dans le comportement qu’on leur a appris. En grande partie, c’est un comportement appris. Il s’agit d’accepter ce que les privilégiés ont mis en place.

Je veux juste comprendre en quoi cela serait différent de l’ACS. N’est-ce pas ce que l’ACS devait faire, c’est-à-dire comprendre ces systèmes pour pouvoir les changer et donner aux gens une vie meilleure? Si vous pouvez expliquer cela, je vous en saurais gré.

La présidente : Sénatrice McCallum, qui voulez-vous voir répondre à cette question?

La sénatrice McCallum : Celle qui voudra bien y répondre.

Mme Cameron : Je peux y répondre. Je vous remercie de cette question.

Je suis tout à fait d’accord. La déclaration que je faisais au sujet de l’abandon de l’analyse de l’identité au profit de l’analyse des systèmes visait simplement à souligner que, dans sa mise en œuvre actuelle, l’ACS Plus se concentre souvent uniquement sur le sexe. On se demande quel est l’impact sur cette femme nébuleuse ou sur cette femme qui a un handicap et qui pourrait aussi être autochtone. Comme l’a dit Mme Tedds, cette approche ne tient pas vraiment compte des systèmes d’oppression, des structures de pouvoir, des institutions ou de l’État. Au lieu d’adopter le type d’approche qui préside à l’analyse, nous pourrions réfléchir à la manière dont différentes personnes peuvent interagir avec ces systèmes, ces structures et ces institutions et être façonnées par eux. Vous parlez toujours de l’individu, sauf que vous partez désormais d’un endroit beaucoup plus riche : un endroit qui vous permet réellement de vous engager, de poser des questions et d’examiner de façon critique la complicité des institutions et des gouvernements relativement à ce dont vous parlez exactement, et en particulier en ce qui concerne les peuples autochtones.

Mme Brayton : J’aimerais ajouter quelque chose.

La présidente : Je vous en prie.

Mme Brayton : Merci. Si nous pensons simplement à l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, l’une des choses que le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada a apprises grâce à son travail, c’est qu’un grand nombre de ces femmes étaient des femmes qui avaient des besoins non satisfaits en matière de handicap. Beaucoup d’entre elles avaient des handicaps invisibles et des lésions cérébrales.

Malgré le fait que cela soit si évident pour un organisme comme le réseau, pour notre travail et pour certaines personnes autochtones, cette question n’a jamais été abordée au cours de l’enquête. Elle n’a jamais été soulevée. Ils étaient censés examiner les causes systémiques et les causes profondes.

Je comprends que ce que vous essayez de faire, c’est de trouver une façon de jauger les échecs et les réussites. En ce qui concerne l’ACS Plus, je pense que nous comprenons tous qu’il s’agit d’une liste et non d’une approche holistique. C’est la meilleure façon de voir les choses. Comme le disait Mme Cameron, c’est toujours le problème quand on entre dans ce genre de politique identitaire. Les gens commencent alors à dire : « d’accord, il y a une femme handicapée là et une femme noire ici », et tout d’un coup, tout le monde pense que tout va bien.

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Moodie : Même si nous parvenons à élargir la responsabilité partout dans la société civile et les systèmes d’éducation, à nous mobiliser à très grande échelle et à essayer de changer la culture, de sensibiliser les gens et de renforcer les capacités, nous nous retrouvons toujours avec un gouvernement qui, comme nous l’avons entendu, est très dispersé. Il existe un cloisonnement, si bien que les ministères ne travaillent guère, voire pas du tout, en collaboration, et les apprentissages sont rarement mis en commun.

Comment pouvons-nous demander des comptes au gouvernement? Quel est l’unique point de responsabilisation que vous entrevoyez actuellement dans le système et qui pourrait être mobilisé pour aider le gouvernement et ses multiples ministères à s’acquitter de ce mandat de façon plus énergique et beaucoup plus responsable?

Mme Brayton : J’ai été très directe à ce sujet dans mon exposé. Voici un exemple : dans tout programme, des engagements seront pris envers les femmes handicapées. Je ne veux pas parler d’un ministère en particulier, car je pense que cela pourrait être risqué à ce stade-ci. Comme je l’ai dit, c’est une possibilité.

Je le répète, personne d’autre que le RAFHC ne pourrait vous dire quelle est l’ampleur du travail qui a réellement été effectué en faveur des femmes et des filles handicapées, car rien n’a été mesuré. Ainsi, nous devons avant tout commencer à mesurer les résultats. Combien de projets a-t-on réellement financés? Qui y a participé? Quels en ont été les résultats?

La sénatrice Moodie : À votre avis, y a-t-il un organisme auquel nous pouvons confier cette responsabilité? Quel est, en ce moment, le meilleur organisme au sein de cette structure qui pourrait nous aider à, au moins, tenter d’amorcer le changement de culture que nous estimons nécessaire?

Je comprends les lacunes des cadres de reddition de comptes et la différence entre les mesures de processus et les mesures de résultats. Je sais qu’il y a de graves lacunes, mais j’essaie de comprendre à qui reviendrait cette tâche.

Mme Brayton : Je crois que notre collaboration avec Femmes et Égalité des genres Canada a donné certains résultats prometteurs. Je ne dis pas que c’est une solution parfaite, mais nous avons observé notamment une augmentation du nombre de contrats que Femmes et Égalité des genres Canada accorde aux institutions, aux universités et aux organismes de la société civile.

Vous remarquerez certaines similitudes dans ce que Mme Tedds, Mme Cameron et moi-même vous disons. Bref, ce travail doit être attribué, en partie, dans le cadre d’un partenariat entre la société civile et le gouvernement pour qu’il soit crédible et conçu de manière à ce que les résultats mesurés satisfassent tout le monde, et pas seulement le gouvernement. Je crois que c’est l’une des solutions possibles.

Nous devons sortir des sentiers battus. Il existe des modèles plus récents, comme en témoignent certaines des consultations sur le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. C’est donc dire que des efforts ont été déployés. Même s’il ne s’agissait pas, selon moi, d’une réussite totale, il y a eu quelques tentatives de mise en application du modèle d’organisation féministe — un excellent modèle que nous devons aux organismes féministes — afin d’atteindre cet objectif.

Je vois Mme Tedds hocher la tête. J’aimerais beaucoup entendre ce qu’elle a à dire à ce sujet. Si nous voulons être pragmatiques, nous devons nous doter d’une approche qui pourrait nous servir de point de départ.

Mme Tedds : Nous pouvons remonter à l’époque de l’examen des programmes, qui a eu pour effet de démanteler le portefeuille de la Condition féminine, pour bien comprendre ce dont il est question. C’est exactement ce qu’il nous faut dans le contexte du problème actuel.

J’ai déjà travaillé au gouvernement. Je vous mets en garde contre l’idée de désigner un centre, car il s’agit d’un sujet tellement disparate. Nos conseils sont sollicités par le ministère des Finances, ainsi que par le ministère des Affaires mondiales dans le cas d’accords commerciaux et le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique dans le cas de politiques relatives aux PME. Il est impossible qu’une seule personne dispose de tous ces renseignements. Cependant, pour que la bureaucratie prenne cette question au sérieux, la greffière du Conseil privé doit agir à titre de championne, sans l’ombre d’un doute.

Il faut un champion parmi les ministres et les décideurs de la fonction publique. Certes, nous avons les ministres Ien et Freeland, mais encore faut-il qu’un ministre milite pour cette cause de manière à apporter des changements concrets. Personne à l’échelon ministériel ne le fait pour l’instant. Je crois que la ministre Ien a fait naître de grands espoirs, parce qu’elle comprend bien l’intersectionnalité qui est à l’œuvre au sein de Femmes et Égalité des genres Canada, mais il nous manque le véritable modèle de champion que j’observe dans certains ministères, comme celui des Affaires mondiales, qui mène des recherches exceptionnelles concernant les chapitres des accords commerciaux, chose que personne ne verra jamais. Ce ministère compte d’ailleurs un champion qui fait avancer le dossier. Fait intéressant, il n’obtient pas ses renseignements auprès de Femmes et Égalité des genres Canada.

Le sénateur Kutcher : Je remercie nos témoins. Ma question s’adresse à Mme Brayton, mais n’importe qui d’autre peut intervenir.

J’ai noté que vous exprimez, dans votre mémoire, des préoccupations au sujet du Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus là-dessus. Par ailleurs, que pourrait-on faire, à votre avis, pour atténuer les préoccupations que vous avez?

Mme Brayton : Elles sont en grande partie fondées sur ce dont nous avons parlé, à savoir que l’ACS Plus est déjà problématique. Le gouvernement y a consacré beaucoup de ressources et beaucoup d’attention, mais certains ministères ont du mal à l’interpréter, à l’appliquer, à obtenir des résultats avec efficacité et à en mesurer les effets.

Je comprends que le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap vise à faire en sorte que nous atteignions l’objectif d’une mise en œuvre complète d’ici 2040. Mais, dans la pratique, je travaille avec des ministères, des cadres supérieurs chargés des politiques, des responsables de programmes et des personnes qui s’occupent de subventions. Dans tous nos entretiens, le message qui ressort toujours clairement, c’est qu’il est vraiment difficile d’assurer une cohérence relativement à l’ACS Plus en raison des changements qui s’opèrent au sein des ministères et du personnel. Je suis convaincue que le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap présentera le même type de difficultés. Selon moi, c’est parce que nous nous éloignons constamment de ce dont Mme Cameron parle depuis le début. Nous ne discutons pas de ce qui s’impose : les cadres stratégiques intersectionnels. Ces cadres servent au Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, à l’ACS Plus et à tout le reste. Ils nous aident à avancer dans la bonne direction afin de changer de fond en comble notre façon de faire les choses. Nous devons éviter de travailler en vase clos. Le gouvernement est organisé en compartiments hermétiques, et c’est vraiment un problème. Voilà le défi que doit relever le gouvernement dans l’immédiat.

Vous avez parlé de la ministre Ien. Je sais qu’il y a un petit groupe de ministres qui commencent à voir qu’ils ont les mêmes défis. Si j’ai critiqué ce travail, ce n’est pas parce que je pense que ce n’est pas une idée bien intentionnée, mais plutôt parce que j’estime que cela va dans la mauvaise direction. Ce n’est pas la voie à suivre. La vraie solution consiste à effectuer des travaux de recherche reconnus et bien conçus, comme l’excellente recherche sur les cadres stratégiques intersectionnels, chose que Mme Tedds a soulignée et que Mme Cameron a si bien expliquée.

La présidente : Madame Cameron, avez-vous quelque chose à ajouter? Il nous reste une minute pour ce tour. Non? D’accord. Merci. J’ai donc une minute pour poser ma question, qui s’adresse à Mme Cameron.

Vous avez dit dans votre exposé que, pour vraiment atteindre nos aspirations dans le cadre de l’ACS Plus, nous devons examiner diverses formes de données. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Cameron : Oui, absolument. Je vous remercie de la question. Si je parle de « diverses formes de données », c’est parce qu’on se lamente constamment du manque de données et de la façon dont cela nous empêche de mettre en œuvre l’ACS Plus ou d’effectuer une analyse intersectionnelle. Je travaille avec des économistes qui adorent les données, alors je me heurte souvent à ce problème parce que j’ai une formation plus axée sur les sciences politiques et la théorie. Quand je parle de diverses formes de données, je fais allusion aux diverses façons de comprendre les problèmes. Je pense à toutes les disciplines des sciences sociales et humaines qui nous apprennent à poser différents types de questions et à réfléchir différemment aux problèmes. Je pense à la recherche qualitative qui ne se limite pas aux enquêtes, mais qui consiste à raconter des récits en misant sur différents procédés. Je pense à l’analyse historique et à la sociologie. Il s’agit, à mon sens, d’avancer des arguments logiques et de poser des questions sur les raisons pour lesquelles nous procédons de telle ou telle manière lorsqu’il y a des répercussions évidentes. Je ne crois pas qu’on ait toujours besoin de données pour constater qu’une chose a manifestement une incidence négative sur les gens. Voilà ce que je dirais à ce sujet.

La présidente : Merci beaucoup. Madame Tedds, ma prochaine question se rapporte un peu à celle que la sénatrice Lankin a posée. Si je ne me trompe pas, c’est vous qui avez parlé de la nécessité d’établir un réseau pancanadien de chercheurs et d’étudiants déterminés à miser sur les données scientifiques. Je doute qu’un tel projet se matérialise tout seul. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans le financement de la création d’un tel réseau?

Mme Tedds : Oui. Le gouvernement en est la force d’impulsion. La raison pour laquelle j’ai commencé à m’y intéresser en tant qu’universitaire, c’est parce qu’en 2015, lorsque les libéraux ont remporté les élections, ils se sont engagés à mettre en œuvre l’analyse comparative entre les sexes et l’analyse de politiques. C’est là que j’ai décidé d’en apprendre davantage. Ayant une formation d’économiste, je n’étais pas outillée pour aider le gouvernement à cet égard.

Si le gouvernement a une telle obligation, c’est parce qu’il a pris cet engagement. Songeons aux groupes de réflexion qui effectuent des recherches sur l’analyse de politiques, comme l’Institut C.D. Howe ou le Conference Board du Canada. Qui a déjà vu une analyse comparative entre les sexes ou une intersectionnalité dans leurs travaux? Les seules grandes organisations qui en font état sont le Centre canadien de politiques alternatives ou une organisation dont le titre contient les mots « femmes » ou « genre ». Si je peux me permettre, il faut que cette analyse fasse partie intégrante du processus et qu’elle ne se limite plus à une perspective sexospécifique. Ce n’est pas une question de genre. C’est une question de société.

N’oublions pas non plus qu’il y a des personnes ayant une expérience vécue, pour reprendre ce que disait Mme Cameron. Nous ne pouvons pas laisser de côté les renseignements utiles qui émanent de l’expérience des gens qui participent au système. À vrai dire, ce sont les renseignements de cette nature qui nous aident à comprendre les données. J’ai beau élaborer des tableaux croisés et des analyses de régression, je n’obtiens qu’un chiffre. Cela ne me dit rien sur la signification de ce chiffre, sur les causes sous-jacentes, ni sur la manière de démanteler le système qui en est à l’origine.

Oui, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Statistique Canada a un rôle à jouer, mais le gouvernement fédéral devrait diriger les efforts pour mettre en place ce réseau et le financer. Or, ce n’est pas ce qu’il fait.

La présidente : Je vous remercie. Mesdames Tedds, Cameron, Brayton et McLeod, merci de vos excellents témoignages et de votre aide dans le cadre de notre étude. Nous vous en sommes reconnaissants. Pardonnez-moi si j’ai dû vous couper la parole. C’est l’aspect le plus difficile de mon travail. Je n’aime pas du tout faire cela, mais je dois m’assurer que nous respectons les délais.

Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu le mercredi 28 septembre.

Mme Brayton : Madame la présidente, je tiens à vous remercier et à vous dire que notre mémoire sera remis au comité. J’espère que tous les sénateurs prendront le temps de le lire en détail.

La présidente : Merci, madame Brayton. Nous avons hâte d’en prendre connaissance.

Nous n’aurons pas de réunion demain, mais le comité directeur se réunira pour discuter du plan de travail pour l’automne.

La sénatrice Lankin : Vous venez de dire que le comité directeur tiendra une réunion demain. La semaine prochaine, allons-nous passer à deux réunions par semaine? Nous réunirons-nous jeudi prochain?

La présidente : Je vous le ferai savoir. C’est justement un des points à l’ordre du jour de la réunion du comité directeur qui se déroulera demain. Je sais quelle est ma préférence, mais c’est le comité directeur qui décidera.

(La séance est levée.)

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