LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 2 février 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents).
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis sénatrice de l’Ontario et je préside cette réunion. J’aimerais tout d’abord demander à tous les sénateurs de se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Bovey.
La sénatrice Bovey : Je suis la sénatrice Bovey, du Manitoba.
La sénatrice Osler : Sénatrice Osler, du Manitoba.
La sénatrice Moodie : Sénatrice Moodie, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Sénatrice Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Burey : Sénatrice Burey, de l’Ontario.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La présidente : Notre collègue se dirige vers son siège. À vos marques, prêts, partez, sénateur?
Le sénateur Kutcher : Pourquoi ai-je l’impression d’être de retour à l’école primaire? C’était tout le temps comme cela. Sénateur Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude du projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents). Pour notre premier groupe de témoins, nous recevons aujourd’hui M. Kareem El-Assal, directeur des politiques et de la stratégie numérique chez CanadaVisa. Merci de vous joindre à nous. J’invite M. El-Assal à faire ses remarques liminaires. La parole est à vous.
Kareem El-Assal, directeur des politiques, CanadaVisa, à titre personnel : Comme l’a souligné M. Kyle Seeback pendant la séance d’hier, la principale raison pour laquelle ce projet de loi devrait être adopté est que l’on codifierait ainsi les réformes qu’il a proposées dans la loi.
Bien que le gouvernement ait déjà adopté deux de ses trois propositions, le risque est qu’elles soient adoptées au moyen d’instructions ministérielles, auquel cas elles pourraient facilement être modifiées ou annulées par un futur gouvernement.
L’adoption de ce projet de loi procurera de la certitude aux , d’immigrants et générera une foule d’avantages pour le gouvernement canadien et la société canadienne en général.
Tout d’abord, les familles d’immigrants sauront que leurs parents et grands-parents pourront rester au Canada pour une période de cinq ans. Elles n’auront pas à s’inquiéter de la décision d’un nouveau gouvernement de réduire la durée de séjour sans préavis au moyen d’instructions ministérielles. En outre, l’augmentation de la durée de séjour réduirait la quantité de temps et d’argent que les familles doivent consacrer au renouvellement des demandes, et la diminution du nombre de demandes bénéficierait à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, car sa charge de travail serait plus raisonnable.
Deuxièmement, le fait d’augmenter la concurrence en permettant au ministre de désigner des fournisseurs d’assurance-maladie étrangers offrirait en théorie aux familles plus de choix et des options plus abordables. L’augmentation de la concurrence inciterait également les fournisseurs canadiens et étrangers à offrir les meilleurs produits et services aux demandeurs.
J’aimerais également souligner qu’étant donné que le Canada augmente ses niveaux d’immigration et que ces réformes font du super visa une option plus attrayante, le nombre de demandeurs de super visas devrait augmenter, ce qui serait une bonne nouvelle pour les fournisseurs d’assurances canadiens et les centaines de milliers de Canadiens qu’ils emploient.
La troisième disposition du projet de loi constitue également un avantage très important pour nous tous. Elle impose au ministre l’obligation légale d’étudier la façon de modifier le seuil de faible revenu, afin de rendre le super visa plus accessible. Elle permet également une meilleure surveillance du ministre en l’obligeant à présenter ses conclusions au Parlement et au public, ce qui est évidemment une bonne chose.
De même, elle établit un bon équilibre au sein du projet de loi. D’une part, nous donnons plus de pouvoir au ministre en lui permettant de désigner des fournisseurs d’assurance-maladie étrangers, et d’autre part, nous équilibrons aussi ce nouveau pouvoir en obligeant le ministre à rendre des comptes pour que le gouvernement reste fidèle à son engagement de réunir les familles.
Avant de conclure, j’aimerais insister sur l’importance de remédier aux problèmes existants et de trouver d’autres moyens de répondre à la forte demande liée au nombre élevé de personnes qui souhaitent faire venir des parents et des grands-parents au Canada.
Pour ce qui est du Programme pour les parents et les grands-parents — notre seule voie d’accès à la résidence permanente —, nous pourrions envisager d’introduire des manifestations d’intérêt renouvelables et d’organiser des loteries pondérées chaque année. Dans le cas du super visa, bien qu’IRCC traite actuellement un nombre record de demandes de visa de résident temporaire, ou VRT, le ministère continue de ne pas respecter ses propres normes de traitement des super visas. Nous devons remédier à cette situation. Nous pouvons également compléter le super visa en offrant de nouvelles voies d’accès à la résidence temporaire aux parents et aux grands-parents.
Je ne prétends pas que les idées suivantes soient parfaites, mais j’aimerais tout de même les proposer pour encourager le dialogue. Que diriez-vous d’introduire une voie d’accès à l’obtention d’un visa pour les parents et les grands-parents qui démontrent qu’ils disposent de suffisamment d’économies pour subvenir à leurs besoins au Canada? De cette façon, nous ne pénaliserions pas les personnes qui pourraient ne pas atteindre le seuil de faible revenu pour des motifs légitimes. À cet égard, nous pouvons envisager de dispenser complètement de l’exigence liée au seuil de faible revenu les personnes qui n’ont pas besoin d’y satisfaire au moment de la présentation de leur demande pour des raisons légitimes, comme le fait d’avoir récemment commencé un nouvel emploi, d’être en congé de maternité, de faire des études, d’être tombé malade ou d’avoir de jeunes enfants à la maison.
Sur ce dernier point, la venue des parents et des grands-parents pourrait permettre aux Canadiens de travailler plus d’heures et d’économiser plus d’argent, puisqu’ils n’ont plus à se soucier de la garde des enfants.
Nous pourrions envisager d’introduire une option de permis de travail pour les parents et les grands-parents qui souhaitent travailler et compléter le revenu de leur ménage, ce qui pourrait également s’avérer bénéfique pour les ménages à faibles revenus.
Nous pourrions peut-être introduire un engagement de parrainage pour créer une obligation légale pour les familles de rembourser toutes les prestations publiques dont les parents et les grands-parents pourraient faire la demande.
Nous devrions également évaluer les comparateurs mondiaux. Par exemple, l’Australie offre environ 10 options différentes de visas permanents et temporaires pour les parents, les grands-parents et les membres âgés d’une famille. Le Canada n’offre actuellement que trois options : le PPGP, le super visa et le VRT. N’oubliez pas que les objectifs du Canada en matière de nouveaux arrivants sont beaucoup plus élevés que ceux de l’Australie, plus du double dans le cas des résidents permanents.
La présidente : Veuillez ne pas utiliser d’acronymes comme PPGP et VRT. Nous avons un peu de mal avec la soupe à l’alphabet. Veuillez reprendre.
M. El-Assal : PPGP signifie Programme pour les parents et les grands-parents. Les VRT sont les visas de résident temporaire. IRCC est Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
La présidente : Celui-là, nous le connaissons.
M. El-Assal : En conclusion, l’introduction du super visa en 2011 a été jugée novatrice. Le temps est peut-être venu d’innover à nouveau. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur El-Assal. Pardonnez cette interruption. Chers collègues, vous disposerez chacun de cinq minutes pour vos questions et réponses. J’aimerais rappeler à tous les députés et sénateurs présents dans la salle qu’ils doivent s’abstenir de s’approcher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font.
La sénatrice Bovey : Merci pour votre témoignage et vos réflexions.
J’ai quelques questions à poser pendant mes cinq minutes.
Vous avez parlé de l’idée que les parents et les grands-parents aient leur propre revenu pour pouvoir venir. Pourriez-vous développer un peu votre réflexion sur le seuil de revenu minimum et son abaissement?
M. El-Assal : Nous devons comprendre le raisonnement qui sous-tend le seuil de faible revenu. Il présente des avantages et des inconvénients. Le fait de disposer d’un seuil pour empêcher un nivellement par le bas du niveau de vie des familles immigrantes est une bonne chose.
Toutefois, étant donné que l’application de cette politique fonctionne de façon assez binaire — soit vous atteignez le seuil, soit vous ne l’atteignez pas — elle ne tient pas compte des raisons légitimes pour lesquelles une personne pourrait ne pas atteindre le seuil.
Imaginons, par exemple, que je viens de commencer un nouvel emploi et que mon salaire est très élevé. Étant donné que je n’ai pas atteint le seuil de faible revenu l’année dernière, je ne suis pas admissible au super visa. On peut également supposer qu’une personne soit partie en congé de maternité, mais qu’elle ait auparavant dépassé le seuil de faible revenu. Nous devons exercer une certaine discrétion, afin de nous montrer plus flexibles et de respecter l’esprit du super visa, dont le but est évidemment de réunir les familles.
La sénatrice Bovey : Je crois comprendre que vous appuyez l’abaissement de ce seuil de revenu minimum. Pourriez-vous nous parler de votre idée de permis de travail pour les parents et les grands-parents qui pourraient être admis en vertu de cette disposition?
M. El-Assal : Oui. Il semble qu’il s’agisse d’une approche nouvelle. On pourrait se demander pourquoi même l’envisager. Il est intéressant de noter qu’hier, lors de votre séance avec les fonctionnaires d’IRCC, l’un d’eux a souligné qu’environ 40 % des demandes de super visas concernent des personnes âgées de 51 à 60 ans. Elles sont encore en âge de travailler.
Pourquoi ne pas leur donner au moins la possibilité, si elles le souhaitent, de travailler au Canada? Nous sommes évidemment tous conscients du nombre historique de postes vacants auquel nous sommes confrontés. Le nombre de postes vacants était d’environ un million pendant la majeure partie de la pandémie. Il pourrait s’agir d’une autre façon d’alléger la pression au sein de notre marché du travail.
La sénatrice Bovey : S’agirait-il d’un règlement plutôt que d’une disposition du projet de loi?
M. El-Assal : Oui. Cet aspect ne relève pas du projet de loi même. Ce que je veux dire, c’est que le projet de loi en lui-même est bon. Comme M. Seeback l’a souligné hier, nous ne devrions pas permettre que la perfection soit l’ennemi du bien.
Nous devons trouver des solutions supplémentaires qui contribuent à réduire la demande importante liée au nombre de Canadiens qui cherchent à faire venir leurs parents et leurs grands-parents au Canada. Ce que je veux dire, c’est que nous avons le Programme pour les parents et les grands-parents. Améliorons le super visa. Complétons également ces deux options et les visas de résident temporaire en offrant d’autres solutions.
La sénatrice Bovey : Merci.
La sénatrice Osler : Merci beaucoup pour votre témoignage.
Ma question porte sur la prolongation de la durée maximale de séjour. Dans le cas des demandeurs de super visa, la durée de séjour passerait de deux à cinq ans.
Vous avez parlé de certains des avantages de la prolongation de la durée maximale de séjour. Pourriez-vous formuler des commentaires sur les difficultés et les éventuelles conséquences imprévues que cette prolongation pourrait engendrer?
M. El-Assal : D’accord. En règle générale, plus un résident temporaire reste longtemps au Canada, plus il est probable que ses liens avec son pays d’origine se distendent. Par conséquent, il pourrait être brutal et punitif d’obliger cette personne à retourner dans son pays après l’expiration de la durée de 10 ans du super visa. Elle pourrait ne plus être en mesure de le faire ou ses liens avec son pays pourraient ne plus être assez forts. Le gouvernement pourrait donc recevoir plus de demandes d’ordre humanitaire. C’est un aspect dont nous devons absolument tenir compte.
La sénatrice Osler : A-t-on réfléchi à la manière de gérer la possibilité d’une augmentation du nombre de demandes?
M. El-Assal : Les fonctionnaires du ministère seraient mieux en mesure de répondre à cette question; ils connaissent mieux que quiconque la fréquence de ce genre de situation, ainsi que les volumes.
Il se pourrait qu’ils rapportent en fin de compte que cette préoccupation est exagérée et qu’en fait, le nombre de demandes d’ordre humanitaire présentées par des détenteurs de super visas est très faible. Nous pouvons étudier davantage cette possibilité en examinant les données.
La sénatrice Osler : Merci.
La présidente : À titre d’information pour M. El-Assal, hier, les fonctionnaires ont souligné qu’ils ne disposaient d’aucune preuve substantielle leur permettant de parvenir à cette conclusion.
La sénatrice Dasko : Merci d’être présent, monsieur El-Assal.
Vous parliez des améliorations que nous pourrions envisager d’apporter au programme. Je pense que vous en avez mentionné 10. Je ne suis pas certaine que vous ayez énuméré toutes ses améliorations possibles. En avez-vous laissé certaines de côté? Pourriez-vous les citer si vous ne l’avez pas encore fait?
Je voulais également vous demander, parmi les améliorations possibles que vous avez évoquées, quelle est, selon vous, l’amélioration la plus importante à apporter au programme. De même, quelles sont, selon vous, les améliorations les plus réalistes que nous pourrions apporter au programme? Merci.
M. El-Assal : Merci, sénatrice, pour vos questions.
Je pense que la solution la plus simple serait qu’IRCC respecte simplement ses propres normes de service. Le ministère se fixe des repères en établissant des objectifs raisonnables que nous devons atteindre pour traiter ces demandes.
En ce qui concerne le super visa, je crois que le critère fixé est de quatre mois. J’ai jeté un coup d’œil sur le site Web du ministère hier. Il se situe entre 5 et 12 mois pour la plupart des pays. La dernière fois que l’on a fait état de sa capacité à atteindre ses normes de service — pour l’exercice 2020-2021 — il a été établi que l’on respectait les normes de service un peu plus de la moitié du temps. Il s’agit là de l’objectif le plus simple à atteindre. Essayons de progresser dans ce domaine.
J’aimerais que des améliorations soient apportées au Programme pour les parents et les grands-parents. Nous n’avons pas trouvé de moyen adéquat de gérer la demande.
L’une de mes préoccupations principales est que nous avons empêché tout nouvel arrivant d’exprimer son souhait de parrainer ses parents ou grands-parents depuis maintenant plus de deux ans et demi. En octobre 2020, IRCC a dit : « Si vous souhaitez parrainer vos parents ou grands-parents pour qu’ils obtiennent la résidence permanente, veuillez remplir un formulaire sur le site Web. » Le ministère a reçu 200 000 demandes. Ils ont depuis arrêté d’en accepter. Nous n’avons même pas donné aux personnes une opportunité de le faire. Il s’agit là d’outils existants que nous pouvons utiliser pour faire face à cette situation.
Encore une fois, j’aimerais que nous introduisions des options supplémentaires. Comme je l’ai indiqué, l’Australie dispose d’une dizaine de visas différents pour les parents et les grands-parents, mais aussi pour les membres âgés d’une famille. Le Canada accueille beaucoup plus d’immigrants et de nouveaux arrivants que l’Australie. Pourquoi n’avons-nous que trois options?
La sénatrice Dasko : Merci.
Le sénateur Kutcher : Monsieur El-Assal, je vous remercie infiniment de votre témoignage. Nous vous en sommes reconnaissants.
J’essaie de me faire une idée de la nature de quelques-unes de ces questions d’assurance. Je me demande si vous pourriez m’aider en me faisant part de vos réflexions à ce sujet.
Nous avons reçu une lettre de l’Association canadienne des avocats en immigration, dont les représentants ne peuvent se joindre à nous. Je suis sûr que votre cabinet connaît parfaitement ce domaine. Je veux lire leurs propos et obtenir ensuite votre avis sur la question :
Il est fort risqué d’autoriser des compagnies d’assurance étrangères. Pour maintenir l’intégrité du programme, nous ne nous opposerions pas à ce qu’un nombre restreint de courtiers d’assurance et d’assureurs étrangers soient assujettis à des normes équivalentes à celles imposées aux courtiers d’assurance et aux assureurs canadiens. Nous recommandons en outre que toute autorisation en matière d’assurance étrangère s’accompagne de solides programmes d’information pour qu’il soit clair que seuls les courtiers d’assurance et les assureurs autorisés sont admissibles...
— et ce qui suit est important —
... afin d’éviter la victimisation de Canadiens ainsi que de leurs parents et grands-parents.
Je me demande ce que vous pensez de cela, et je me demande si cette mesure législative doit contenir des dispositions de ce genre, ou si vous pensez que la liste ministérielle pourrait répondre à ce genre de préoccupation.
M. El-Assal : La liste ministérielle serait en mesure de répondre à ce type de préoccupation; cependant, IRCC devrait entreprendre une importante campagne de relations publiques pour faire savoir aux Canadiens et à leurs parents et grands-parents que seuls les fournisseurs d’assurance figurant sur cette liste sont autorisés à fournir une couverture dans le cadre du programme du super visa.
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie de cette réponse. Je pense que c’est un excellent conseil. À votre avis, dans quelle mesure IRCC a-t-il lancé les diverses campagnes d’information de manière efficace?
M. El-Assal : J’aimerais pouvoir plaider le cinquième amendement au Canada. Parfois, ils font un excellent travail. Parfois, leurs campagnes laissent beaucoup à désirer.
Le sénateur Kutcher : Merci.
La sénatrice Martin : Je suis également curieuse d’en apprendre davantage à propos des questions que le sénateur Kutcher vient de soulever, afin de pouvoir continuer d’examiner le côté du projet de loi lié à la politique d’assurance.
Tout à l’heure, monsieur El-Assal, vous avez parlé de certaines innovations qui pourraient être envisagées, comme les permis de travail pour les parents et les grands-parents. Vous avez avancé de très bonnes idées. Il s’agit d’un travail en cours, et j’ai interrogé les fonctionnaires à ce sujet hier soir. À votre avis, quelle est la meilleure méthode pour établir la liste proposée d’assureurs étrangers désignés?
M. El-Assal : Je dirais que le ministre et le gouvernement devraient consulter un vaste éventail d’experts du secteur. Ils devraient établir des points de référence en matière de critères que ces assureurs étrangers devraient remplir. Ils devraient désigner les critères clairement et publiquement afin que tous les intervenants soient conscients du caractère des seuils. Ce serait le moyen le plus équitable de s’assurer que les fournisseurs étrangers comprennent les processus et les exigences qu’ils doivent satisfaire pour être jugés admissibles.
La raison pour laquelle une telle méthode est importante, c’est que nous constatons déjà ce problème dans le secteur de l’immigration, lorsqu’il est question des évaluateurs de connaissances linguistiques qui sont désignés par IRCC. Dans une note interne que j’ai obtenue l’année dernière, le ministère a admis lui-même qu’il n’y avait pas de cadre transparent en place pour permettre aux nouveaux venus possibles dans le secteur de l’évaluation des connaissances linguistiques de proposer leurs tests linguistiques aux candidats à l’immigration.
Ils ont reconnu cette restriction, ce qui est tout à leur honneur. Tirons-en des leçons et veillons à mettre en place un processus transparent et ouvert ainsi qu’un cadre équitable afin que cette politique fonctionne aussi efficacement que prévu.
La sénatrice Martin : En ce qui concerne les critères qui seraient utilisés,souhaitiez-vous en énoncer quelques-uns qu’il serait important d’inclure?
M. El-Assal : Pour être honnête, sénatrice, je pense qu’il y a de nombreux autres spécialistes en assurance qui seraient mieux à même de définir des points de repère en ce moment.
La sénatrice Martin : Merci.
La sénatrice Moodie : Bienvenue à la séance du comité, monsieur El-Assal. Ma question porte sur les données. Hier, nous avons appris qu’il existe des lacunes importantes dans notre compréhension de la réussite des trois voies d’accès que vous avez mentionnées. Nous avons entendu dire que certaines personnes s’interrogent sur les détenteurs de super visas qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’assurance. Nous ne savons pas vraiment à quel point cela survient fréquemment. Des énoncés comme « nous sommes conscients qu’il y a des problèmes considérables ou substantiels à cet égard » sont quelques-unes des réponses que nous avons obtenues — mais pas de chiffres ou de conviction manifeste que ces chiffres sont connus. Combien de détenteurs de super visas essaient de devenir des détenteurs de visas permanents?
Ce sont toutes des questions importantes concernant la façon dont nous évaluons la situation actuelle et la façon dont nous pourrions évaluer un nouveau programme. Que pensez-vous des données et de l’état actuel de la collecte de données qui nous renseigne sur la façon dont nous progressons, et quelles données souhaiteriez-vous voir collecter?
M. El-Assal : Je vous remercie, sénatrice, d’avoir soulevé toutes ces questions. Elles me tiennent à cœur.
Ce que je peux dire, c’est que nous avons des données importantes à notre disposition. IRCC a le mérite d’avoir analysé les chiffres et d’avoir fourni des renseignements publics sur le rendement des différents volets. Par exemple, ils ont procédé à une évaluation du programme de parrainage des parents et grands-parents il y a quelques années, une évaluation que j’ai étudiée, et ils ont souligné — de manière nuancée, à mon avis — les avantages économiques et sociaux de ce programme ainsi que certaines de ses limites. Nous avons donc une assez bonne compréhension de la situation.
En ce qui concerne le super visa, toutes ces données sont disponibles. Je partage votre avis; nous pourrions peut-être demander au ministère de les disséminer davantage afin que tous les intervenants puissent y avoir accès et les analyser pour s’assurer de prendre des décisions fondées sur des données probantes à l’avenir.
La présidente : J’ai moi-même quelques questions à vous poser. Permettez-moi de commencer par une hypothèse selon laquelle si cette loi est adoptée, nous recevrons davantage de demandes de super visas. J’émets cette hypothèse, qui pourrait se révéler fausse. Commençons par là. Pouvons-nous supposer que le nombre de demandeurs augmentera et que, par conséquent, le nombre de titulaires de visas temporaires dans ce volet augmentera également au Canada?
M. El-Assal : Oui, nous pouvons faire une supposition juste sur deux fronts. Premièrement, le Canada accueille en ce moment davantage d’immigrants. Ne serait-ce que pour cette raison, nous observerons un accroissement du nombre de demandes de super visas à l’avenir.
Deuxièmement, je vous signale que ces réformes rendent le super visa beaucoup plus attrayant. Par conséquent, nous devrions en théorie voir un plus grand nombre de Canadiens se prévaloir de ce programme.
La présidente : Vous avez proposé une idée intéressante pour permettre à ces résidents temporaires que sont les parents et les grands-parents de satisfaire aux besoins du marché du travail. C’est une idée intrigante, mais elle va à l’encontre de l’un des principaux arguments du projet de loi, à savoir que les parents et les grands-parents viennent aider les enfants, soutenir la famille et s’occuper de leur résidence. Je sais que ces programmes ne sont pas purs, mais je me demandais simplement si cette idée ne contredisait pas légèrement ces objectifs.
M. El-Assal : Pas du tout, sénatrice. Je pense que nous pouvons marcher et mâcher de la gomme en même temps. Nous ne disons pas que nous nous attendons à ce que ces parents ou grands-parents travaillent 40 heures par semaine et à ce qu’ils assument le fardeau économique de l’avenir du Canada. Toutefois, nous soutenons qu’il faut leur donner la possibilité de travailler, s’ils le désirent, tout en permettant à la famille de décider, au besoin, qu’elle a besoin de leur aide pour assurer la garde des enfants.
Il y a une chose que je tiens à souligner, sénatrice, car j’ai examiné les données du recensement de 2016 sur les revenus des immigrants en fonction de la taille de la famille — c’est un sujet que j’ai étudié. En règle générale, plus la famille est grande, plus les revenus sont élevés. Leurs niveaux de revenu sont comparables aux tranches de revenu des ménages des familles canadiennes. L’une des décisions que nous prenons lorsque nous évaluons les résultats des immigrants, c’est celle de les considérer comme des individus plutôt que comme des membres d’unités familiales. Même si vous ajoutez un revenu supplémentaire — et disons que cette personne ne gagne que le salaire minimum —, cela a quand même une grande incidence. En fin de compte, cela contribue à réduire les disparités entre le revenu des ménages d’immigrants et celui de leurs homologues nés au Canada.
La présidente : Merci. Permettez-moi d’aller un peu plus loin. Vous avez parlé d’un programme australien doté de 10 volets différents. Puisque nous avons le temps, je vous pose la question suivante : pourriez-vous nous orienter rapidement vers ces 10 volets, ou pourriez-vous nous envoyer des renseignements sur les différentes voies offertes afin que nous puissions y faire allusion dans notre rapport d’étude?
M. El-Assal : Absolument. Je serai heureux de communiquer à la greffière le lien vers le site Web du gouvernement australien. Il est intéressant de noter que le gouvernement australien cherche à satisfaire les familles qui cherchent à se réunir, qu’elles aient des revenus faibles ou élevés. Des options en matière de visa sont offertes aux parents et aux grands-parents dont le revenu net est élevé. S’ils prouvent qu’ils ont des revenus élevés, ils peuvent payer des frais plus élevés pour pouvoir rejoindre leurs enfants ou petits-enfants en Australie.
À l’inverse, pour les personnes se situant au bas de l’échelle des revenus, ils procèdent à une évaluation fondée sur les besoins. Leur régime de visas comporte des éléments humanitaires. Par exemple, si les derniers membres de la famille d’un parent ou d’un grand-parent se trouvent en Australie, le gouvernement australien cherchera à les accueillir également.
Je pense que nous devons nous rappeler qu’en fin de compte, le système d’immigration du Canada a trois principaux objectifs : renforcer l’économie, réunir les familles et aider les réfugiés. Ainsi, lorsque nous examinons le Programme de parrainage des parents et grands-parents, nous devons nous concentrer sur les avantages familiaux et sociétaux qu’apporte la venue des parents ou grands-parents au Canada. Bien sûr, nous voulons atténuer les défis économiques potentiels, mais au bout du compte, nous devons laisser les considérations familiales l’emporter.
La présidente : Merci.
Le sénateur Cardozo : Merci, monsieur El-Assal. C’est un plaisir de vous revoir. Je pense que la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était avant la pandémie, et nous occupions des postes différents. Mais je suis heureux de constater que vous avez continué de faire des recherches approfondies sur ce sujet, et je vous en félicite. Ma question portera sur la « gomme à mâcher » de votre proposition. En ce qui concerne la possibilité de travailler pour les parents et les grands-parents, peut-elle être gérée par un règlement ou un arrêté ministériel, au lieu de modifications au projet de loi? Car je pense qu’un aspect que nous souhaitons garder à l’esprit, c’est de ne pas modifier le projet de loi à mesure que nous l’étudions.
M. El-Assal : Absolument, le ministre peut mettre en œuvre une réforme des politiques d’un simple trait de plume et permettre aux parents et aux grands-parents d’avoir accès à des permis de travail au Canada.
La présidente : Monsieur El-Assal, nous avons parlé un peu des risques au cours de la séance d’aujourd’hui. De votre point de vue et d’après ce que vous savez, je me demande si vous pourriez aborder la question des risques et qui courent les risques associés à tout cela.
M. El-Assal : Bien entendu, des risques existent. Je pense que nous avons abordé bon nombre d’entre eux. Je ne veux pas me concentrer sur les aspects négatifs, mais pour avoir une conversation équilibrée, vous devez examiner les risques à la hausse et à la baisse.
Par contre, l’admissibilité de nouveaux venus étrangers, même si elle est grandement réglementée par le gouvernement canadien, présente des risques. Nous le constatons dans le secteur des étudiants internationaux. En effet, même si IRCC indique sur son site Web qu’il existe plus de 1 500 établissements d’enseignement désignés qui permettent aux étudiants internationaux d’obtenir un permis de travail après l’obtention de leur diplôme, il existe toujours des acteurs étrangers peu scrupuleux qui parviennent à convaincre des étudiants internationaux de s’inscrire dans un établissement d’enseignement supérieur canadien particulier qui, en fait, n’est pas un établissement d’enseignement désigné. Par conséquent, ces étudiants perdent beaucoup d’argent et, en fin de compte, après avoir obtenu leur diplôme, ils n’obtiennent pas le permis de travail tant convoité, qu’ils recherchent pour obtenir la résidence permanente.
On craint donc que des acteurs étrangers peu scrupuleux puissent convaincre des parents ou des grands-parents, voire des Canadiens, qu’un fournisseur d’assurance-maladie particulier les rend admissibles au super visa, qu’ils paient les cotisations, puis que leur demande soit malheureusement rejetée par IRCC et qu’ils perdent beaucoup d’argent. Nous devons faire attention à cela, et c’est la raison pour laquelle je suis partisan d’une vigoureuse campagne de relations publiques lancée par IRCC, afin d’aider le public à comprendre que seuls les fournisseurs que le ministre a examinés et désignés peuvent offrir une assurance-maladie aux fins d’un super visa. C’est l’un des risques que nous courons, parmi tant d’autres.
La présidente : Nous disposons du temps nécessaire, monsieur El-Assal. Vous pouvez poursuivre votre intervention ou choisir de vous arrêter là.
M. El-Assal : Nous avons déjà discuté de cet aspect. Je pense que le ministère peut nous aider. Ils ont des données à sujet. Je ne pense pas qu’ils les dissimulent intentionnellement. Je pense que nous devons simplement les encourager à les diffuser. Combien des quelque 144 000 personnes qui ont obtenu un super visa depuis son lancement en 2011 ont, en fait, décidé de présenter une demande à l’organisme pour demeurer au Canada en tant que résidents permanents? Il s’agit d’un aspect que nous devons évaluer pour nous assurer qu’à l’avenir — à mesure que le nombre de super visas accordés augmente, comme prévu —, il n’y aura pas de conséquences involontaires liées à personnes qui décident d’accéder à l’organisme comme moyen de rester ici de façon permanente. Nous ne voulons pas qu’il y ait d’échappatoires. C’est donc un aspect que nous devons évaluer.
En fin de compte, l’intégrité du programme est dans l’intérêt de tous, y compris les Canadiens qui souhaitent faire venir leurs parents ou leurs grands-parents. Nous voulons simplement nous assurer que nous ne rencontrerons pas des problèmes de ce genre à l’avenir.
Le sénateur Cardozo : Monsieur El-Assal, j’ai une question au sujet des chiffres et des données. À combien estimeriez-vous le nombre de personnes qui seraient acceptées dans ce programme, et quel est le lien avec nos cibles en immigration, notamment l’accueil de 500 000 immigrants annuellement au cours des prochaines années?
M. El-Assal : Je ne peux pas vous donner d’estimation. Nous pouvons seulement utiliser les données que nous fournit IRCC. Sénateur Cardozo, en fait, j’ai regardé le nombre de visas de résident temporaire hier. Malheureusement, IRCC ne sépare pas les super visas des visas de résident temporaire en général. Encore une fois, les statistiques à ce sujet sont disponibles. En présentant une demande de client, nous pouvons obtenir les données depuis le lancement du super visa en 2011. Ce que nous savons, et les représentants du ministère vous l’ont mentionné hier, c’est que le Canada a accueilli 144 000 personnes depuis 2011, ce qui veut dire environ 17 000 en moyenne par année.
Pour ce qui est du lien entre nos cibles en immigration et le super visa, il n’y en a pas vraiment. Le nombre de super visas n’est pas plafonné, alors que le nombre de résidents permanents admis l’est, soit un nombre de 465 000 cette année qui augmentera pour atteindre 500 000 en 2025. Nous savons aussi que le nombre de personnes admises dans le Programme des parents et des grands-parents augmentera graduellement au cours des trois prochaines années. Toutefois, il n’existe aucun lien entre l’obtention d’un super visa et les chances d’une personne d’être invitée dans le cadre du Programme des parents et des grands-parents. Il s’agit de deux processus complètement différents.
Le sénateur Cardozo : L’idée de permettre aux parents et aux grands-parents de travailler m’intrigue notamment parce qu’il s’agit d’immigrants qui auront déjà un réseau de soutien en arrivant au pays. Ils ne vont donc pas utiliser les services d’aide offerts aux immigrants, mais ils pourraient travailler et contribuer à l’économie de cette façon.
Je pense au point soulevé par Mme la présidente au sujet des contradictions que soulève une telle approche, mais ajouterions-nous ainsi une mesure de protection en quelque sorte? Est-ce que nous réduirions les risques?
M. El-Assal : Je suis désolé de vous interrompre, sénateur. Puis-je continuer?
Le sénateur Cardozo : Oui, allez-y, s’il vous plaît.
M. El-Assal : Je crois que nous atténuerions les risques. Je pense encore une fois que nous devrions leur laisser le choix de travailler, de contribuer à l’économie s’ils le souhaitent.
Pour revenir à la question précédente au sujet des données, IRCC a évalué le Programme des parents et des grands-parents il y a quelques années, et l’une de ses constatations intéressantes est qu’une bonne partie de ceux qui viennent ici en tant que résidents permanents travaillent. Encore une fois, s’ils sont motivés, s’ils veulent travailler pour se garder actifs ou pour bonifier le revenu familial, je pense que nous devrions leur donner la possibilité de le faire. L’avantage qui en découle pour nous, c’est que nous atténuons ainsi les risques financiers potentiels pour les contribuables canadiens.
Toutefois, je vais vous faire part d’un contre-argument que j’ai entendu, à savoir qu’il faut garder les volets du regroupement familial axés sur la famille, et les volets économiques axés sur l’économie. Certains diraient donc que nous ne devrions pas offrir aux parents et aux grands-parents la possibilité d’obtenir des permis de travail. Nous ne devrions pas envisager pour eux des options dans la catégorie économique, car, au bout du compte, ce sont les avantages sociétaux de la réunification familiale que nous recherchons d’abord.
Je ne suis pas d’accord avec cet argument. Je le comprends, mais je pense que nous devons évaluer toutes les options disponibles, et je pense que cela pourrait aider à atténuer les exigences liées au Programme des parents et des grands-parents dans son ensemble.
La présidente : Monsieur El-Assal, les gens du ministère nous ont dit hier ne pas s’inquiéter outre mesure — c’est du moins ce qu’il m’a semblé — du fait que les titulaires d’un super visa ont une assurance en arrivant au Canada et peuvent la laisser expirer, ce qui crée un risque pour eux, pour les familles, pour les réseaux de santé provinciaux, etc. Est-ce que cela vous inquiète?
M. El-Assal : Il ne faut pas oublier — et M. Seeback a insisté là-dessus hier — que les parents et grands-parents doivent passer un examen médical avant de venir au Canada. Les médecins désignés sont choisis par IRCC et le gouvernement canadien. Ils sont donc en bonne santé lorsqu’ils arrivent au pays. Nous atténuons les risques de cette façon. Et pour compléter nos mesures de gestion du risque, nous exigeons qu’ils souscrivent une assurance médicale. Encore une fois, il faut se procurer les données auprès d’IRCC pour savoir si les titulaires de super visa ont recours aux services de santé provinciaux. Il ne faudrait pas faire de conjectures.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : J’ai une question au sujet de certains risques en ce qui a trait aux assurances. Si je comprends bien, lorsqu’une personne fait une demande pour obtenir un super visa pour une période de deux ans, voire cinq ans, elle doit présenter les résultats d’un examen médical et une preuve d’assurance pour un an. Après un an, la personne a la responsabilité de renouveler cette assurance, j’imagine. J’aimerais que vous m’éclairiez à ce sujet.
Est-ce qu’on vérifie si les assurances ont été renouvelées? Sinon, est-ce qu’on sait s’il arrive souvent que les gens ne les renouvellent pas et, à ce moment-là, qu’est-ce qui se passe? J’imagine que la personne a une certaine responsabilité par la suite, s’il lui arrive quelque chose.
J’essaie de comprendre cette situation, c’est-à-dire une demande d’assurance pour un an dans le cas d’un séjour plus long.
[Traduction]
M. El-Assal : Je vous remercie, sénatrice, pour vos excellentes questions. Au sujet de la première, vous avez très bien compris, et au sujet de la deuxième, non, il n’y a pas de vérification. Comme nous ne faisons pas de vérification, nous n’avons pas de données sur le nombre de personnes qui laissent échoir volontairement leur assurance. C’est une question que nous pourrions examiner. Je ne saurais pas comment le faire de manière non invasive, toutefois. C’est une des échappatoires qui existent dans le super visa.
Pour être plus précis, sénatrice, j’ajouterais que si une personne détenant un super visa décide de quitter le Canada, elle doit, pour revenir au pays, présenter encore une fois une preuve d’assurance pour une année. Toutefois, comme vous l’avez mentionné, si la personne y fait un long séjour, soit au-delà de la première année, il n’y a pas de vérification. Elle peut ne pas renouveler son assurance, et cela aura peu ou pas de conséquences pour son visa.
La présidente : Lorsque survient un problème, c’est à ce moment que les conséquences sont graves.
Le sénateur Kutcher : J’aimerais rebondir sur les questions du sénateur Cardozo au sujet des permis de travail. Si je comprends bien, il n’est pas facile actuellement pour un titulaire de super visa d’obtenir un permis de travail. Parlant d’expérience familiale personnelle, je dirais que cela peut avoir pour conséquence que des gens qui viennent ici dans cette catégorie vont occuper des emplois sous-payés et non réglementés, en risquant de subir des préjudices ou d’être sans protection. À votre connaissance, est-ce un sujet dont on a discuté? Si oui, quel a été le résultat?
M. El-Assal : C’est une excellente observation, sénateur. C’est un risque réel. À ma connaissance, il n’y a pas beaucoup de façons pour les titulaires d’un super visa d’obtenir un permis de travail. Il y a très peu d’options. Il est donc possible, oui, qu’en théorie, ils travaillent de manière clandestine. Je m’excuse, je ne voulais pas dire de manière clandestine, mais au noir.
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie.
La sénatrice Bernard : Je veux rebondir à mon tour sur la question du sénateur Kutcher, car c’est une question que je me posais aussi au sujet des possibilités d’emploi. Si j’ai bien compris, vous avez dit en réponse à une question un peu plus tôt que plusieurs parents et grands-parents, dans d’autres catégories d’immigration, travaillent. J’aimerais savoir si nous avons des recherches sur leurs expériences sur le marché du travail. Nous avons un pays marqué par l’exploitation, le racisme et la discrimination en milieu de travail. J’aimerais donc savoir si des recherches ont été menées sur ce sujet précisément.
M. El-Assal : Je vous remercie, sénatrice, de la question. Les seuls à pouvoir travailler au Canada sont ceux qui sont admis dans le cadre du programme de résidence permanente pour parents et grands-parents. Nous avons des données sur leur participation au marché du travail au pays. Statistique Canada, en collaboration avec IRCC, recueille des données longitudinales sur les résultats socioéconomiques des immigrants au Canada. Elles sont publiées une fois par année. Les données sont donc disponibles.
Pour répondre à votre question plus précisément, à savoir si on a procédé à des analyses pour déterminer si, sur le marché du travail, les parents et les grands-parents font face à de la discrimination, je dirai qu’à ma connaissance, on n’a pas procédé à ce genre de recherches. C’est possible de le faire, oui, car des données existent.
La sénatrice Bernard : Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie, monsieur El-Assal, de nous avoir consacré autant de temps pour nous fournir de l’information et nous faire part de votre point de vue. Nous tiendrons compte de tout ce que vous nous avez dit au moment de rédiger notre rapport sur le projet de loi, et il ne fait aucun doute que nous vous reverrons un jour au comité.
Chers collègues, nous allons maintenant passer aux témoins de l’industrie. Nous accueillons Joan Weir, vice-présidente, Garanties collectives, et Susan Murray, vice-présidente, Relations et politiques gouvernementales, toutes deux de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes; et Me Anthony Lin, avocat principal, Assurance, de la Manuvie. Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui.
J’invite maintenant Mme Weir et Mme Murray à nous présenter leur déclaration liminaire.
Susan Murray, vice-présidente, Relations et politiques gouvernementales, Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes : Je vous remercie beaucoup. Nous sommes heureuses d’être avec vous pour témoigner en personne. Mme Weir et moi allons vous présenter notre déclaration liminaire, et Me Lin pourra répondre à vos questions. Il connaît le produit et travaille à la Manuvie. Il est aussi président de l’un des comités de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, ou ACCAP, qui s’occupe de ce produit particulier.
[Français]
À l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes et l’Association nationale de l’industrie des assurances de personnes du Canada, nous représentons tous les assureurs du pays. Nos membres proposent une gamme de produits et de services, y compris une assurance-maladie spécialisée pour les détenteurs de super visa, les travailleurs étrangers temporaires et les détenteurs d’un visa étudiant.
[Traduction]
L’ACCAP a, en effet, de sérieuses réserves au sujet d’un article du projet de loi C-242, l’article 2, qui autorise le ministre à désigner des compagnies d’assurances étrangères à l’extérieur du Canada pour fournir une assurance-maladie aux titulaires d’un super visa. C’est une mesure qui pourrait nuire aux titulaires de super visa et à leurs familles et présenter des risques pour les fournisseurs de soins de santé.
À l’heure actuelle, les titulaires de super visa jouissent des mêmes protections que les Canadiens qui souscrivent une assurance au Canada. Les organismes de réglementation s’assurent que les compagnies sont solvables, qu’elles ont les permis requis et qu’elles ont en place un mécanisme de plainte. Les assureurs étrangers qui mènent des activités au Canada sont assujettis au même cadre de réglementation que les assureurs canadiens pour protéger tous les titulaires de super visa.
À notre avis, l’article 2 du projet de loi C-242 doit être amendé pour que les titulaires de super visa et les fournisseurs de soins au pays soient protégés. L’amendement pourrait dire simplement :
Un assureur étranger qui souhaite offrir ce produit doit suivre la procédure établie dans la Loi sur les sociétés d’assurances et détenir un permis du BSIF...
..., c’est-à-dire du Bureau du surintendant des institutions financières, ...
... et des organismes de réglementation provinciaux.
Je vais céder la parole à ma collègue Joan Weir, qui vous parlera plus en détail du produit d’assurance médicale comme tel et de la protection qu’il offre aux titulaires de super visa.
Joan Weir, vice-présidente, Garanties collectives, Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes : Je vous remercie. Je commencerai par dire que ce produit n’est pas une assurance-voyage. L’assurance-voyage est un produit à court terme offert aux Canadiens qui voyagent à l’extérieur du pays afin de les protéger contre les urgences imprévues. L’assurance médicale spécialisée dont il est question, par contre, est offerte aux gens qui se trouvent au Canada pendant une longue période, souvent pendant de nombreuses années, et remplace le régime public de soins de santé que les Canadiens utilisent lorsqu’ils vont chez le médecin ou qu’ils doivent se rendre à l’hôpital pour une urgence.
Lorsqu’un titulaire de super visa se rend chez un fournisseur de soins de santé au Canada, les assureurs canadiens paient le fournisseur — le médecin ou l’hôpital — rapidement et en dollars canadiens. Lorsqu’un titulaire de super visa se présente à la frontière en ayant en poche une assurance souscrite auprès d’un assureur canadien, il est clair que la couverture est appropriée pour le Canada. Les fournisseurs de soins de santé canadiens savent qu’ils vont être remboursés, et les procédures sont claires.
Les assureurs de soins médicaux canadiens offrent une gamme complète de services de gestion de cas aux titulaires de super visa qui doivent recevoir des traitements au Canada. Les assureurs et leurs fournisseurs d’aide connaissent parfaitement bien le système de soins de santé au Canada, sa qualité, ses spécialités et ses sous-spécialités.
Lorsque les titulaires de super visa souscrivent une assurance auprès d’un assureur canadien, ils peuvent obtenir des soins au Canada, et les fournisseurs de soins de santé, encore une fois, savent que les dépenses admissibles seront remboursées par l’assureur.
Il n’y aurait pas nécessairement des procédures similaires en place dans le cas des assureurs étrangers qui ne sont pas réglementés au Canada. Les fournisseurs de services médicaux canadiens pourraient être obligés d’effectuer des démarches pour obtenir le paiement ou garantir l’admissibilité des soins. Il se pourrait que les titulaires de super visa se voient obliger de débourser la somme de leur poche et de demander un remboursement par la suite. Si un assureur étranger non réglementé manquait à son obligation de paiement, l’hôpital ou le travailleur de la santé n’aurait aucun recours. La facture pour les dépenses qui ne seraient pas remboursées par l’assureur étranger non réglementé serait alors refilée au client, aux systèmes de santé provinciaux et aux contribuables canadiens.
À notre avis, tout assureur offrant ce produit aux titulaires de super visa au Canada devrait être assujetti au même cadre de réglementation que les assureurs canadiens ou les assureurs étrangers offrant tout autre produit d’assurance au pays. On garantira ainsi que le système de santé canadien et les titulaires de super visa sont bien protégés.
Nous croyons qu’il est crucial d’amender l’article 2 pour que les titulaires de super visa, leurs familles et les fournisseurs de soins de santé canadiens bénéficient d’une protection complète.
Sur ce, nous serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Je vous remercie, madame Weir. Nous allons passer aux questions des sénateurs. Nous connaissons tous la procédure. Il revient à la sénatrice Pat Bovey, vice-présidente du comité, de poser la première question.
La sénatrice Bovey : J’aimerais remercier nos deux présentatrices. Je suis très reconnaissante pour vos connaissances et votre perspective. Si vous permettez, j’ai quelques questions.
J’apprécie ce que vous avez dit au sujet des assureurs étrangers et l’idée d’un amendement pour veiller à ce qu’ils soient réglementés et qu’ils respectent la réglementation canadienne. Cela dit, hier, le parrain de ce projet de loi nous a dit que le fait de permettre aux gens de s’assurer à l’extérieur du pays pourrait réduire le coût de leur venue. J’aimerais que l’un d’entre vous réponde à cette question.
L’autre question, que nous venons d’entendre, est celle des renouvellements. Existe-t-il un moyen de s’assurer que l’assurance est renouvelée après la première année?
Enfin, j’aimerais savoir si vous avez été consultés au sujet de ce projet de loi. Voilà d’emblée les trois aspects sur lesquels je m’interroge.
Mme Murray : Exactement. Je vais commencer. Madame Weir et maître Lin, n’hésitez pas à intervenir étant donné que vous aurez des choses à ajouter à ce sujet.
Nous avons affaire à un marché concurrentiel, lequel existe déjà au Canada. Plusieurs de nos assureurs offrent ce produit. Nous avons un assureur étranger opérant au Canada qui l’offre déjà. Nous sommes tout à fait ouverts à une concurrence accrue, et si d’autres assureurs étrangers veulent sauter dans la mêlée, ce sera formidable. Notre point de vue porte vraiment sur le cadre réglementaire, et non sur l’aspect concurrentiel. J’espère avoir répondu à votre première question. Je vais maintenant passer à la troisième.
Les projets de loi d’initiative parlementaire sont généralement rédigés assez rapidement et par les bureaux des députés, de sorte qu’il ne s’agissait pas du même processus que dans le cas d’un projet de loi du gouvernement, où il y aurait eu des consultations en amont et où les rédacteurs du ministère de la Justice auraient veillé à faire des liens entre divers éléments d’information. Donc, non, nous n’avons pas été consultés. Nous avons certes écouté les témoignages qui ont été livrés au comité de la Chambre. À l’époque, le ministre venait de publier sa directive, qui, selon nous, rendait le projet de loi plus ou moins redondant. Nous pensions que cela suffirait, mais lorsque vous faites un projet de loi, à notre avis, vous devez être beaucoup plus précis. Il est vraiment important que le projet de loi fasse référence aux mesures législatives qui existent à l’échelon fédéral.
Mme Weir : Je vais juste en dire un peu plus sur la question des coûts. Il y a probablement 9 ou 10 assureurs qui offrent déjà ce type de produit. C’est très similaire à ce qui se passe pour les travailleurs étrangers temporaires — le produit qu’ils auraient — ainsi que pour les détenteurs de visa d’étudiant, comme cela a déjà été dit.
Le coût dépend vraiment de deux facteurs, c’est-à-dire l’âge et l’état de santé. Même si un problème de santé est bien suivi et sans changement, il peut se manifester à tout moment. Comprenez que ces problèmes de santé s’accompagnent de frais médicaux, mais, comme nous le savons tous parce que nous voyageons tous, il est important d’avoir une assurance pour les couvrir. Le coût dépend donc de nombreux facteurs et pas seulement de la concurrence.
Mme Murray : Il diffère selon les individus.
Mme Weir : C’est exact.
Pour ce qui est des renouvellements, c’est une excellente question. C’est une question qui peut se poser de temps en temps lorsque l’assurance n’est pas renouvelée, et je présume que du point de vue de l’assurance, nous ne savons pas si cette personne est effectivement rentrée chez elle ou si elle est restée au pays sans cette assurance. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons commenter plus avant.
Je mentionnerai qu’en décembre, le ministère a apporté un changement qui permet des paiements mensuels. J’ai donc certaines bribes d’information au sujet d’un paiement annuel, mais cela a été rétabli à des paiements mensuels, pour peu que ce soit ce que souhaite la personne. Cela peut permettre à cette dernière de maintenir la validité de son assurance plus facilement.
Me Anthony Lin, avocat principal, Assurance, Manuvie : En ce qui concerne la question sur les renouvellements, j’ajouterais qu’étant donné qu’il s’agit d’un marché concurrentiel, une personne n’est pas obligée de revenir avec la compagnie A avec laquelle elle a fait affaire en premier lieu. Si elle veut vérifier le marché, elle peut le faire et elle a tout à fait le droit de trouver un produit approprié qui répond à ses besoins. Elle peut s’adresser à une autre compagnie, et la compagnie A ne cherchera pas à le savoir. C’est quelque chose que nous ne faisons tout simplement pas.
Cela rejoint également votre première question concernant les coûts. Ce que la compagnie A considère comme un risque n’est peut-être pas la même chose que ce que la compagnie B considère comme un risque. Par conséquent, cela pourrait avoir une incidence sur les prix. Bien sûr, il y a toutes ces autres caractéristiques individuelles qui entrent en jeu, mais ce que l’entreprise dit être prête à payer ou à couvrir joue un rôle important dans ce domaine. C’est pourquoi le fait de dire que telle compagnie facture moins qu’une autre pour un produit donné pourrait fausser la donne étant donné que cette compagnie pourrait ne pas fournir les mêmes avantages que nous. Nous savons ce que les fournisseurs de soins de santé du Canada veulent et c’est ce que nous couvrons dans nos politiques.
La sénatrice Bovey : Merci beaucoup.
La sénatrice Osler : Merci à tous d’être ici aujourd’hui. J’ai trois questions. Vous connaissez mieux que nous le paysage de l’assurance médicale privée à l’échelle mondiale. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de sociétés d’assurances médicales privées basées à l’étranger qui répondent actuellement aux normes canadiennes en matière de souscription et de courtage?
Ma deuxième question est la suivante : sans amendement, quelles sont les exigences que ces assureurs étrangers doivent respecter pour offrir une assurance médicale aux détenteurs de super visas résidant au Canada?
Ma troisième question est la suivante : pouvez-vous donner votre avis sur une période minimale de couverture, surtout si la durée de séjour passe de deux à cinq ans?
Mme Murray : Merci de cette question, madame la sénatrice. Je vais me tourner vers ma collègue, Mme Weir, qui pourra probablement répondre. Je vais commencer par les assureurs étrangers. Je ne sais pas combien d’assureurs étrangers opèrent au Canada, mais les règles et règlements stipulent qu’ils doivent avoir une certaine présence au Canada. Beaucoup d’entre eux sont membres de notre association, mais je ne peux pas vous donner une idée de leur présence dans ce marché. Je sais qu’au moins un assureur étranger opère dans ce marché et qu’il a effectivement une présence au Canada parce que c’est ce qu’exigent les règles.
Aux termes de la Loi sur les sociétés d’assurances, ils doivent être présents au Canada pour que l’organisme de réglementation puisse savoir s’ils sont solvables, s’ils respectent les règles en matière de communication, s’ils ont un processus de plainte, bref, s’ils respectent toutes les règles auxquelles les assureurs canadiens sont soumis. Pour qu’un assureur étranger puisse opérer ici, il doit avoir une certaine forme de présence au Canada.
Quant à savoir si les autres pays ont une réglementation équivalente à la nôtre, je dirais que cela dépend de beaucoup de choses. Le marché de l’assurance est très différent d’un pays à l’autre, alors je ne peux pas vraiment le dire. Nous avons nos propres réglementations. Comme vous le savez, certaines compagnies sont constituées en société à l’échelon provincial, et d’autres à l’échelon fédéral. Les sociétés québécoises sont réglementées par l’Autorité des marchés financiers. Ce n’est pas une question facile.
Maître Lin, voulez-vous ajouter quelque chose?
Me Lin : Merci beaucoup. Le marché de l’assurance au Canada est très bien réglementé. En voici les grandes lignes : le BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, veille à la santé financière de la compagnie afin de s’assurer qu’elle a à tout moment les moyens financiers pour couvrir à peu près tous les produits d’assurances qu’elle souscrit afin qu’elle soit en mesure de payer les réclamations si quelque chose de catastrophique devait se produire. En fin de compte, les assurés sont protégés.
Les pratiques commerciales, elles, sont encadrées par les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux. Ces organismes veulent s’assurer que vous vendez les choses correctement. Comme cela a déjà été dit à propos des communications, vos documents marketing sont-ils fidèles à la réalité? Faites-vous des affirmations exagérées qui ne sont pas étayées par le produit que vous offrez réellement?
Quant à savoir combien de ces sociétés se conforment aux normes actuelles, il n’y a pas de liste courte que nous pourrions vous soumettre tout de suite. D’entrée de jeu, si vous voulez faire des affaires au Canada, vous devez vous adresser au BSIF. Si vous voulez enregistrer votre société à l’échelon fédéral, vous devez le faire conformément à la Loi sur les sociétés d’assurances et vous devez travailler avec le BSIF. Il vous faudra montrer votre plan d’affaires et démontrer que vous êtes viable sur le plan financier. Ensuite, vous devez obtenir une licence à l’échelon provincial afin de pouvoir vendre sur ces marchés. Voilà comment il faut procéder.
Ces mécanismes sont déjà prévus aux termes de la Loi sur les sociétés d’assurances parce qu’il y a présentement des sociétés créées à l’extérieur du Canada et gérées à l’extérieur du Canada qui sont autorisées à faire des affaires au Canada, conformément à nos règles. Nous pensons que si nous voulons étendre ce type de produit pour permettre aux assureurs étrangers de l’offrir — la preuve en est que nous en avons déjà un qui le fait selon nos processus et que, par conséquent, d’autres le feront aussi —, le projet de loi actuel devrait être modifié afin qu’il y soit stipulé que ces normes devraient être respectées.
Mme Weir : Je vais poursuivre sur cette lancée en disant qu’il serait difficile de préciser un nombre de compagnies d’assurances de calibre mondial, comme Me Lin l’a mentionné. Un certain nombre sont certainement déjà ici. Une seule de ces compagnies œuvre dans ce domaine. Les autres œuvrent dans d’autres domaines de la santé.
Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un secteur d’activité ou d’un créneau spécialisé, et que ce ne sont pas toutes les compagnies d’assurances qui souhaitent venir s’installer au Canada pour y exercer ce type d’activité. C’est la raison pour laquelle une seule compagnie d’assurances de calibre mondial est autorisée à mener ce type d’activité au Canada.
Au Canada, nous avons également de nombreuses compagnies d’assurances qui pratiquent leurs activités à l’échelle mondiale, par exemple, Manuvie. Lorsqu’une société canadienne mène ses activités dans un autre pays, elle doit suivre le régime d’assurance de ce pays et s’organiser en conséquence.
Je ne pense pas que nous ayons donné notre avis sur la période minimale de protection, comme on le demandait dans la dernière question, je crois. Il s’agissait de la protection en matière de santé. Je suppose que nous recommanderions d’exiger que les personnes concernées bénéficient d’une protection médicale dont la durée correspond à la période pendant laquelle elles sont au Canada, que ce soit deux mois, cinq ans ou toute autre période. Elles doivent avoir cette protection pour éviter d’alourdir notre système de soins de santé.
La sénatrice Osler : D’après ce que nous avons compris, ces personnes doivent simplement fournir, à leur arrivée, une preuve d’assurance valide pour un an.
Me Lin : C’était l’une des exigences prévues à la conception du programme. Selon cette exigence, il faut bénéficier d’une protection offerte par une société d’assurance étrangère pendant au moins un an. C’est donc souvent ce que les gens choisissent d’acheter.
Manifestement, il serait dans l’intérêt du système de santé canadien que ces gens continuent de bénéficier de la protection d’une assurance-maladie privée jusqu’à ce qu’ils soient admissibles à un régime d’assurance-maladie du gouvernement. Comme nous l’avons déjà mentionné, ils peuvent avoir recours à n’importe quelle compagnie d’assurances, tant qu’elle offre ce type de protection.
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie de vos témoignages et du mémoire que vous nous avez fourni. Nous, les sénateurs, devons savoir que les personnes qui arrivent au pays en vertu de ce super visa sont protégées autant que possible contre les agents d’assurances sans scrupules dans d’autres pays et qu’elles ne risquent pas de faire faillite ou de causer la ruine financière de leur famille. Je ne suis pas aussi préoccupé par la question de savoir si les médecins sont payés, mais nous ne voulons pas que cela se produise.
Vous avez laissé entendre que les compagnies d’assurances étrangères devraient être assujetties au même cadre réglementaire que les compagnies d’assurances canadiennes, car cela permettrait de répondre à la préoccupation selon laquelle il doit exister un recours en cas de problème. Est-ce bien cela?
Me Lin : Oui, c’est exact.
Le sénateur Kutcher : Je vais donc passer à mes questions. Croyez-vous que ces éléments pourraient être précisés dans la liste ministérielle, afin d’atténuer cette préoccupation? C’est ma première question.
Ma deuxième question à ce sujet concerne ce qu’on nous a dit hier, à savoir que le projet de loi est nécessaire, entre autres raisons, parce que les listes ministérielles peuvent être très facilement modifiées. Ce même argument s’appliquerait-il à la composante de la liste ministérielle qui concerne les exigences en matière d’assurances? Si la loi peut facilement être modifiée par le ministre, les exigences en matière d’assurances pourraient-elles être modifiées aussi facilement? Par exemple, un gouvernement qui ne s’intéresse pas autant à l’arrivée de nouvelles personnes ou à leur protection pourrait facilement changer cela.
J’essaie simplement de comprendre ce qui se passe, car si le projet de loi existe pour protéger les gens qui viennent dans notre pays pour contribuer à la société canadienne — et c’est ce que nous voulons —, j’ai du mal à réconcilier ces deux choses. J’aimerais donc avoir votre avis sur la question.
Mme Murray : Je vous remercie beaucoup. Ce sont de bonnes questions.
Lorsque la directive ministérielle a été présentée en juin, nous avons écrit au ministre et à la ministre des Finances pour exprimer nos préoccupations au sujet de cette liste et la façon dont elle serait élaborée. Nous avons cru comprendre que des consultations seront bientôt menées, mais on ne nous a pas encore invités à participer. Toutefois, nous avons adopté la même position au sujet de la directive ministérielle qu’au sujet du projet de loi, à savoir que les compagnies d’assurances qui souhaitent pratiquer au Canada doivent être assujetties au même processus et au même cadre réglementaire, afin de protéger les détenteurs de super visas. Monsieur Lin, avez-vous quelque chose à ajouter?
Me Lin : Je suis d’accord avec cela.
La présidente : Puis-je rapidement demander des éclaircissements à Me Lin ou à Mme Murray? Vous avez dit qu’il s’agissait d’un type d’activité spécial ou différent. Puis-je également présumer qu’il n’est pas non plus négligeable? Parce que si vous ajoutez les détenteurs de super visas et tous les autres résidents temporaires — qu’ils soient étudiants ou résidents temporaires —, cela ne représente pas une part négligeable de vos activités. Vous représentez les intérêts de grandes sociétés, n’est-ce pas? Vous vous occupez de grandes sociétés.
Mme Murray : Je dirais que ce sont des produits différents. Il existe un produit pour les travailleurs étrangers temporaires, par exemple, et un autre pour les détenteurs d’un super visa.
Au début de la pandémie de COVID-19, nous avons travaillé avec le gouvernement pour nous assurer que nous pouvions faire traverser la frontière aux travailleurs étrangers temporaires lorsque les frontières étaient fermées et pour nous assurer que ces travailleurs détenaient une couverture d’assurance appropriée, car c’était un élément très important pour les gouvernements provinciaux.
C’est peut-être l’un des produits pour lesquels nous interagissons le plus avec les gouvernements provinciaux, car nous devons nous assurer que la couverture est appropriée et qu’elle répond à leurs besoins, tout en offrant un produit à un ressortissant de n’importe quel pays qui traverse la frontière.
Mme Weir : Je ne pense pas avoir quelque chose à ajouter. Je pense avoir moi-même affirmé qu’il s’agissait d’un créneau spécialisé, et ce que je voulais dire par là, c’est que c’est certainement un produit important. Le Canada accueille des immigrants, et nous devons leur offrir une protection, et c’est ce que nous faisons. Comme ce produit concerne le système de santé du Canada, il n’est pas offert par toutes les compagnies d’assurances. En effet, la plupart des compagnies d’assurances offrent des protections supplémentaires — et vous êtes probablement nombreux à bénéficier de telles protections —, afin de combler les lacunes du système de soins de santé. C’est probablement plus courant. C’est ce que je voulais dire par créneau spécialisé.
Il s’agit d’un produit spécial. Il faut connaître le système de soins de santé. Il faut également être capable de travailler avec les services de gestion de cas, les hôpitaux, les infirmières et les médecins, et toutes les compagnies d’assurances ne sont pas en mesure de le faire.
Mme Murray : J’aimerais aussi formuler des commentaires sur la question des grandes sociétés. Nos membres sont très diversifiés. Il y en a également dans ce domaine. L’une des compagnies d’assurances qui offrent ce produit est en fait une société mutuelle d’assurances. Nous avons aussi des sociétés à but non lucratif, comme Green Shield et Croix Bleue Medavie. Il s’agit donc d’une industrie très diversifiée au Canada. C’est en partie ce qui fait la force du système. Certaines de nos sociétés n’offrent que des produits liés à la santé. D’autres offrent une gamme complète de produits. Nous avons donc un vaste éventail de membres, des plus petits, par exemple, Croix Bleue, aux plus grands, car trois de nos compagnies d’assurances au Canada figurent parmi les 15 plus grandes compagnies d’assurances au monde. Nous sommes donc un intervenant important à l’échelle mondiale, mais nous avons aussi des intervenants à l’échelle régionale, comme certaines entreprises québécoises qui ne mènent leurs activités que dans la province de Québec. Les Croix Bleues mènent aussi leurs activités à l’échelle régionale.
Nous avons donc un large éventail de membres, comme vous pouvez le constater.
La sénatrice Dasko : Ma question est semblable à celle qu’a posée le sénateur Kutcher, mais j’aimerais l’approfondir un peu. À votre avis, est-il possible que le ministre exerce cette fonction qui consiste à veiller à ce que toutes les entreprises étrangères sont aptes à offrir ce service? Selon vous, le ministre est-il en mesure de s’acquitter de cette tâche ou pensez-vous que ce processus ne sera pas viable, au bout du compte?
Par exemple, le ministre peut-il consulter le Bureau du surintendant des assurances afin d’obtenir sa participation à ce processus? Ou existerait-il une autre façon de procéder pour le ministre? Je cherche à déterminer s’il est possible, selon vous, que ce processus fonctionne réellement.
Mme Murray : C’est une très bonne question, sénatrice. Selon nous, toute compagnie d’assurances qui se trouve sur la liste devrait passer par le processus de demande auprès du Bureau du surintendant des institutions financières. Il existe certainement un moyen d’utiliser cela lorsqu’une compagnie d’assurances est reconnue. La compagnie doit passer par un processus qui l’autorise à exercer ses activités au Canada, puis elle peut être inscrite sur la liste.
Le témoin précédent a parlé de la sensibilisation du public. L’une des choses qui nous préoccupent beaucoup, c’est que la liste pourrait être perçue comme étant assez ouverte, et une personne pourrait donc acheter une police d’assurance dans un autre pays, arriver à la frontière en pensant détenir la protection appropriée, mais ce n’est pas le cas et elle n’est pas autorisée à entrer au pays. Ou, pire encore, il lui arrive quelque chose au Canada et elle découvre qu’elle n’est pas protégée et qu’il n’y a aucun moyen de récupérer son argent. Ce genre de situation poserait problème.
Donc, selon nous, oui, il peut certainement y avoir une liste, mais l’organisme de réglementation canadien doit participer au processus d’approbation.
Me Lin : C’est exact.
La sénatrice Dasko : Pensez-vous que c’est possible ou pensez-vous que ce n’est pas vraiment réalisable?
Mme Murray : Il faudra assurer une certaine coordination pour que cela fonctionne. C’est ce que nous avons dit dans notre lettre au ministre. Il faudrait communiquer avec les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux et les prévenir qu’il y a… Je ne suis tout simplement pas certaine qu’il y a une liste de compagnies d’assurances qui attendent de venir au Canada. Ce n’est pas l’impression que m’a donnée notre discussion. Nous ne comprenons pas vraiment ce qui motive cette partie du processus, c’est-à-dire s’il existe une liste de fournisseurs d’assurances et s’ils savent comment demander l’autorisation de mener leurs activités au Canada. Je n’en suis pas certaine, mais selon nous, il est possible d’approuver un plus grand nombre de fournisseurs d’assurances au Canada. S’ils présentent une demande, qu’ils suivent le processus et qu’ils souhaitent offrir ce produit, c’est formidable. Toutefois, je ne suis pas certaine que ce soit le cas.
La sénatrice Dasko : En ce qui concerne la sensibilisation de la population, je ne vois pas comment le gouvernement du Canada pourrait lancer un programme de sensibilisation de la population dans d’autres pays au sujet de cet enjeu. Pour moi, ce n’est tout simplement pas réaliste.
Ma question vise surtout à explorer ce processus de manière plus approfondie et à déterminer si le ministre pourrait disposer d’un processus complet qui répondrait aux besoins que vous jugez importants.
Mme Murray : A-t-il le pouvoir de créer une liste? Ce serait peut-être une autre façon de poser la question. À notre avis, il n’aurait certainement pas le pouvoir de le faire sans en discuter avec les organismes de réglementation.
Il n’est pas évident de savoir comment cela fonctionnerait. D’autre part, si nous essayons de créer plus de concurrence, c’est une bonne chose, tant que les processus sont respectés. C’est la raison pour laquelle nous suggérons simplement de faire référence au processus dans le projet de loi.
C’est une chose d’avoir une directive ministérielle dans laquelle il y a place à la discussion. C’en est une autre d’avoir un texte législatif qui fait référence à une liste en l’absence de tout renvoi à la Loi sur les sociétés d’assurances ou au processus ou à la protection des consommateurs de quelque façon que ce soit. C’est ce qui nous inquiète.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie.
La sénatrice Martin : Mes collègues ont posé certaines des questions que je voulais poser, mais il est également important que nous ayons cette discussion.
Je vois le verre à moitié plein. Il n’y a pas de liste, mais il y aura un cadre, et des critères seront établis. Le témoin précédent a expliqué comment cela pourrait s’appliquer.
Je pense que nous suivons tous la situation, et qu’on créera une liste désignée par l’entremise d’un processus très clair qui reste à déterminer.
Vous affirmez que l’industrie est très diversifiée — bien entendu, nous sommes assurés pour toutes sortes de choses — et qu’il y a des compagnies importantes à l’échelle mondiale, mais les produits liés aux super visas représentent un créneau spécialisé. Je pensais que vous aviez dit qu’une société d’envergure mondiale offrait ce service, mais d’autres sociétés offrent-elles ce type d’assurance au Canada? Dans quelle mesure s’agit-il d’un créneau spécialisé? Je crois que grâce à ce projet de loi, nous offrons d’autres options viables aux familles et nous leur donnons des choix. J’aimerais savoir dans quelle mesure ce produit représente un créneau spécialisé.
Mme Weir : J’allais simplement dire que nous avons 9 ou 10 compagnies d’assurances qui offrent ce type de produit, et ce, sur une vingtaine de compagnies d’assurances en santé au Canada. Il s’ensuit qu’un peu moins de la moitié d’entre elles offrent ce type de produit au Canada et que l’une de ces 10 compagnies d’assurances est une compagnie de calibre mondial qui s’est organisée pour pouvoir offrir ce type de produit au Canada.
La sénatrice Martin : Où se trouve le siège social de cette compagnie d’assurances de calibre mondial?
Mme Weir : Il se trouve en Suisse.
La sénatrice Martin : Je vous remercie beaucoup. Mes collègues ont posé des questions sur cet enjeu, car il présente un grand intérêt pour nous tous.
La présidente : Permettez-moi de vous demander de répéter quelque chose pour que je comprenne bien, et cela aidera peut-être aussi mes collègues. Ce projet de loi donne au ministre le pouvoir d’élaborer sa propre liste par l’entremise d’instructions ministérielles, mais cela pourrait également signifier que le ministre pourrait élaborer une liste qui stipule que seuls les fournisseurs qui sont réglementés au Canada seront sur cette liste. Le ministre pourrait faire cela, n’est-ce pas?
Mme Murray : Oui, et c’est certainement ce que nous espérons.
La présidente : En ce qui concerne la concurrence, cela irait à l’encontre de l’esprit du projet de loi, n’est-ce pas? Je ne suis pas tout à fait sûre de ce que cela pourrait accomplir. Mais cela ferait venir des sociétés de calibre mondial au Canada. C’est peut-être une bonne chose, mais nous nous éloignons du sujet.
Je remercie beaucoup les témoins de leurs contributions dans le cadre de notre étude, car ils nous ont permis de mieux comprendre le sujet.
(La séance se poursuit à huis clos.)