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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 5 novembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 3 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les transports et les communications en général.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs. Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis président de ce comité.

[Traduction]

J’aimerais inviter mes collègues, en commençant par ma gauche, à se présenter rapidement.

[Français]

La sénatrice Simons : Bonjour. Je m’appelle Paula Simons et je suis une sénatrice de l’Alberta.

[Traduction]

Je viens du territoire visé par le Traité no 6.

Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bonjour. Clément Gignac, du Québec.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Robinson : Bonjour. Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude des services locaux et régionaux de CBC/Radio-Canada en nous concentrant sur le Canada atlantique.

[Traduction]

Je suis ravi d’accueillir ce matin au nom du comité M. Chris Pearson, président d’Acadia Broadcasting Corporation, et M. Terry Seguin, ancien journaliste en télédiffusion principal de CBC/Radio-Canada. Bienvenue à tous les deux et merci de vous joindre à nous ce matin. Vous aurez tous les deux cinq minutes pour votre déclaration ou présentation. Nous céderons ensuite la parole à mes collègues pour les questions et les réponses.

Nous allons commencer par M. Chris Pearson. Vous avez la parole, monsieur.

Chris Pearson, président, Acadia Broadcasting Corporation : Bonjour, monsieur le président, et sénateurs et sénatrices. Je suis Chris Pearson, président d’Acadia Broadcasting. Je suis aussi vice-président de l’Ontario Association of Broadcasters, et à ce titre, je travaille avec le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, et d’autres ordres de gouvernement pour réagir à certaines des questions dont nous parlons aujourd’hui. Acadia Broadcasting est établi à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Nous exploitons actuellement 10 stations de radio dans le Canada atlantique, dont quatre au Nouveau-Brunswick et six en Nouvelle-Écosse, et nous avons six autres stations dans le Nord-Ouest de l’Ontario.

Acadia Broadcasting est au service des communautés depuis 1928. L’an dernier, nos stations de radio ont aidé à amasser 1,4 million de dollars pour diverses organisations communautaires et organisations de soins de santé, en plus d’avoir donné 2,3 millions de dollars en temps d’antenne à diverses organisations de bienfaisance et à but non lucratif. Nous croyons fermement que, pour bien servir nos communautés, nous devons assurer une couverture médiatique locale.

Il y a plusieurs années, nous avons mis fin à notre abonnement à notre agence de transmission et mis davantage l’accent sur la production quotidienne d’histoires qui ne sont pas facilement accessibles par d’autres sources médiatiques. L’importance de la radio et de notre équipe de nouvelles locales n’a jamais été aussi évidente qu’en 2023, en Nouvelle-Écosse. Les incendies de forêt d’Upper Tantallon, qui ont éclaté à la fin mai, sont devenus l’un des feux de la région enregistrés les plus importants qui soient. Ils ont forcé l’évaluation de la région de plus de 16 000 personnes et détruit 151 maisons. En juillet, des inondations dévastatrices de 250 millimètres de pluie tombés en quelques heures ont fait quatre morts et près de 300 millions de dollars de dommages. En septembre, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick se trouvaient sur le chemin de l’ouragan Lee, qui a fait perdre l’électricité à des centaines de milliers de personnes. J’ai vécu ces événements personnellement, car je vis à une heure de Halifax à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse.

Nos équipes de nouvelles, petites mais dévouées, sont restées en ondes, fournissant des comptes rendus tout au long de ces événements, à l’antenne et en ligne. Malgré tout, nous aurions aimé pouvoir en faire plus. Avec la moitié du personnel que nous avions il y a quelques années, nous sommes limités. Ces difficultés à garder les journalistes dans les salles de nouvelles arrivent dans le contexte où le gouvernement fédéral fournit d’autres mesures de soutien aux médias d’information.

En 2010, on a mis sur pied le Fonds du Canada pour les périodiques afin d’aider les magazines imprimés, et à ce jour, plus de 75 millions de dollars ont servi à soutenir ce secteur. Depuis 2019, le gouvernement fédéral a investi près de 129 millions de dollars dans l’Initiative de journalisme local. En 2019, le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne de 25 %, qui excluait expressément les radiodiffuseurs, est entré en vigueur. Il est depuis passé à 35 %, ce qui permet aux organisations admissibles de réclamer près de 30 000 $ par employé. Bien sûr, dans bon nombre de nos marchés, nous nous mesurons à la radio de CBC/Radio-Canada pour ce qui est des auditeurs, et elle est financée annuellement à hauteur de 1,3 milliard de dollars.

Le gouvernement du Canada consacre maintenant plus de 71 % de son budget de publicité à la publicité numérique, dont la grande majorité est attribuée à des plateformes étrangères comme Google et Meta. Lorsque le gouvernement a choisi de réduire les niveaux de publicité liés à la COVID l’an dernier, il a sabré 9 millions de dollars dans la radio, faisant passer le budget de 11,6 millions de dollars à 2,6 millions de dollars. En 2020, de nombreux radiodiffuseurs privés ont commencé à exercer des pressions auprès de nos députés concernant l’augmentation des pressions financières sur notre industrie et annoncé que, si rien ne changeait, nous assisterions à la fermeture de stations de radio; en fait, cela a déjà commencé.

Il y a quelques années, notre équipe de nouvelles à Acadia Broadcasting comptait 22 membres. Aujourd’hui, nous avons trois stations de plus, mais seulement 12 employés. Nous avons dû prendre la décision difficile d’éliminer nos bulletins de nouvelles de fin de semaine. Alors que nous faisions autrefois de nombreux reportages en personne, pour pouvoir poser les questions importantes, nous devons maintenant nous montrer sélectifs et souvent faire un suivi au téléphone ou par courriel. Il est très rare que nous ayons les ressources nécessaires pour suivre les grandes affaires criminelles jusque devant les tribunaux. Malgré tout, ce groupe dévoué et travaillant de journalistes à Acadia a fourni 660 bulletins de nouvelles radio par semaine à 16 stations, produit 150 reportages radiophoniques chaque semaine, et rédige 770 reportages numériques de plus par mois, qui génèrent 900 pages consultées.

Je crains que n’arrive bientôt le jour où de nombreux petits marchés desservis par des entreprises comme Acadia Broadcasting… Il n’y a plus personne pour couvrir ces enjeux d’actualités importants, pour diffuser la nouvelle d’une tempête imminente, d’un avis d’ébullition de l’eau ou d’un enfant disparu. La radio constitue un lien essentiel entre les Canadiens et leurs communautés, et il n’y aura personne pour répondre à l’appel. Je vous remercie de m’avoir permis de vous faire part d’expériences vécues par notre entreprise et je suis impatient de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Pearson.

Monsieur Seguin, vous avez la parole.

Terry Seguin, ancien journaliste en télédiffusion principal de CBC/Radio-Canada, à titre personnel : Merci, monsieur le président, et bonjour, sénateurs et sénatrices.

Je m’appelle Terry Seguin et je m’adresse à vous ce matin depuis Fredericton. Je vous remercie de me permettre de comparaître devant le comité.

Pour commencer, j’aimerais vous raconter rapidement mon expérience dans l’industrie de la radiodiffusion. J’ai commencé ma carrière en 1976, à CKOT, à Tillsonburg, en tant que journaliste. En 1978, je suis passé à Mid-Canada Communications, à Sudbury, où je faisais des reportages radiophoniques et télévisuels. En 1981, je suis déménagé à Sydney, en Nouvelle-Écosse, pour travailler comme journaliste de télévision pour ATV. En 1983, je suis déménagé à Saint John pour être reporter de la salle de nouvelles d’ATV dans cette ville, et en 1985, je me suis fait offrir un emploi à CBC/Radio-Canada de Fredericton, où j’ai animé le bulletin de nouvelles de l’heure du souper pendant de nombreuses années, avant de devenir animateur d’Information Morning, l’émission du matin, à Fredericton.

J’ai pris ma retraite en 2021, après 45 ans dans le domaine de la radiodiffusion. Au fil des ans, j’ai animé occasionnellement trois émissions nationales de CBC/Radio-Canada.

Les murs de mon bureau arborent 11 prix de journalisme, y compris un prix national de la RTNDA pour le journalisme d’enquête. De plus, je détiens un prix pour l’ensemble de ma carrière de RTNDA Canada, et, en 2003, j’ai reçu la Médaille du jubilé de platine de la Reine pour mes contributions au journalisme au Nouveau-Brunswick.

Si je vous dis tout cela, ce n’est pas pour publiciser mon curriculum vitæ. C’est pour vous démontrer les qualifications qui me permettent de m’adresser à vous ce matin au sujet du rôle de CBC/Radio-Canada dans la région atlantique.

Je vous présente la troisième version de mes commentaires. Dans les versions précédentes, je vous racontais l’importance de CBC/Radio-Canada pour les Canadiens de la région atlantique; comment la société nous permet de communiquer les uns avec les autres et avec le reste du pays; son importance dans les moments de crise publique; la façon dont elle a fourni des renseignements importants au public lors de la fusillade mortelle de Portapique, des incendies de forêt en Nouvelle-Écosse, de la tuerie de trois agents de la GRC à Moncton, de la tuerie de quatre personnes, y compris deux policiers, à Fredericton, et de l’incendie d’American Iron and Metal à Saint John, qui présentait une menace réelle pour la santé publique; comment CBC/Radio-Canada du Nouveau-Brunswick a fait participer les dirigeants des trois partis de l’Assemblée législative au Morning Show chaque semaine au plus fort de la pandémie de la COVID, pour expliquer à la province ce qui se passait. Vous savez, du journalisme d’intérêt public.

Mais ensuite, j’ai lu les transcriptions des audiences précédentes du comité sur ce sujet, et je me suis rendu compte que vous savez tout cela. Vous savez que CBC News et les émissions d’actualité ont parmi les cotes d’écoute les plus élevées au Canada atlantique, alors je me suis dit que je ferais mieux de me concentrer sur ce que je connais le mieux : la partie des nouvelles et de l’actualité dont s’occupe CBC/Radio-Canada dans le Canada atlantique.

Ce que je suis sur le point de vous dire représente mon point de vue personnel : les employés de CBC/Radio-Canada dans le Canada atlantique sont stressés. On leur demande d’en faire toujours plus avec moins de monde. Il n’y a pas assez de gens pour remplacer lorsqu’un employé régulier ne vient pas travailler parce qu’il est malade ou qu’il doit régler une situation familiale importante.

Toutes les émissions que je connais dans le Canada atlantique fonctionnent avec le strict minimum. C’est le cas des trois émissions du matin au Nouveau-Brunswick. L’émission d’après‑midi au Nouveau-Brunswick, qui est diffusée dans l’ensemble de la province, a deux employés pour produire deux heures de programmation chaque jour, chaque semaine. Vous pouvez vous imaginer à quoi ressemble le niveau de stress. Mieux encore, imaginez si CBC/Radio-Canada donnait à ces émissions populaires au Canada atlantique plus de financement pour que plus de gens puissent être embauchés, afin que plus d’histoires communautaires puissent être racontées, de sorte que les jeunes et nouveaux journalistes de CBC/Radio-Canada n’aient pas à vivoter à l’aide de contrats à court terme, ne sachant pas sur combien d’argent ils peuvent compter d’une semaine à l’autre.

Personne que je connais à CBC/Radio-Canada ne m’a demandé de vous raconter tout cela. Ils sont trop fiers et sont dévoués à la cause de la radiodiffusion publique et à CBC/Radio-Canada. Ils continueront de le faire malgré tout, mais le stress ronge tout le monde et touche l’état émotionnel au travail, et trop de stress, trop d’anxiété, peuvent contribuer à un environnement de travail toxique.

Je ne peux penser à aucun moment durant ma carrière de 36 ans à CBC/Radio-Canada du Nouveau-Brunswick où nous n’avons pas continuellement été stressés par l’idée de coupures dans les émissions ou dans le personnel, et cela crée un type de stress spécial. Certains soirs, j’aime m’endormir en rêvant à une CBC/Radio-Canada où les budgets sont déterminés d’abord en fonction des besoins des émissions d’information et d’actualité du Canada atlantique, puis où le reste de la société d’État peut partager ce qu’il reste.

Pourquoi ne pas donner aux émissions de CBC/Radio-Canada dans le Canada atlantique plus d’argent pour qu’elles puissent en faire davantage? Nous n’avons peut-être pas besoin d’émissions de cuisine. Peut-être déterminerons-nous qu’un journalisme crédible et fidèle est plus important pour la population du Canada atlantique.

Sénateurs et sénatrices, je vous remercie de votre attention.

[Français]

Le président : Maintenant, nous allons commencer la période des questions avec le sénateur Quinn et la sénatrice Simons.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : Merci, chers témoins, d’être ici ce matin. Comme je viens du Nouveau-Brunswick, je m’inquiète de ce que j’estime être une dégradation des reportages médiatiques locaux dans l’ensemble du spectre, qu’il s’agisse de la télévision, de la radio ou des journaux, et je sais que vous avez tous les deux mentionné les facteurs de stress liés aux réductions et à tout le reste.

Dans cette réalité, quelle est la principale source qui permet à notre région d’obtenir ses nouvelles? Est-ce la radiodiffusion à l’extérieur de la région? Comment cela fonctionne-t-il? Où obtenons-nous la plupart de nos nouvelles? Je sais que, alors que je rentrais hier à Ottawa du Nouveau-Brunswick, l’émission du matin jouait, mais on voit bien que la qualité de cette émission n’est pas ce qu’elle était autrefois. Comment pouvons-nous combler ces lacunes? Parce que je ne vois pas beaucoup de reportages locaux.

Nous allons commencer par M. Pearson, puis M. Seguin.

M. Pearson : Merci de poser la question, sénateur Quinn. Le problème fondamental tient aux ressources et aux ressources d’information. L’une des choses qui ont certainement orienté nos dirigeants à Acadia Broadcasting, c’est que nous avons réduit les ressources en matière d’information. Pour revenir au point de M. Seguin, nous ne pouvons pas ajouter plus de stress à nos journalistes actuels, sinon ils quitteront probablement la profession. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, nous sommes de plus en plus limités quant à ce que nous pouvons couvrir et à la façon dont nous pouvons le faire.

Nous recourons constamment à la technologie pour nous aider dans nos salles de nouvelles, et nous avons ajouté la technologie pour rendre l’emploi des journalistes plus facile, plus efficace et plus rapide afin qu’ils puissent consacrer du temps à leurs reportages. À une époque, tous les présentateurs de notre station avaient leur propre bulletin de nouvelles, et nous nous sommes rendu compte que, avec moins de personnel, c’est plus difficile à faire, alors nous avons affecté un présentateur de nouvelles à chaque région. Cela permet aux journalistes de consacrer plus de temps à la recherche d’information, à la collecte et à la rédaction de nouvelles pour l’antenne et pour nos propriétés numériques.

Voilà qui résume bien la situation. Je dirais que ce que vous entendez est probablement vrai, que les nouvelles aujourd’hui ne sont pas aussi succinctes. Je pense que la qualité est toujours là, mais je dirais que la quantité ne l’est pas. C’est la réalité d’après la COVID.

Comme je l’ai dit, notre salle de nouvelles a été réduite de moitié à l’échelle de l’entreprise. Cela est fait en grande partie par l’attrition. Lorsque des gens partaient, nous ne dotions pas les postes laissés vacants parce que la structure du modèle d’affaires ne fonctionnait tout simplement pas avec autant de personnes. Nous ne pouvions pas rester viables.

M. Seguin : Merci de la question, sénateur. Je pense que CBC/Radio-Canada choisit soigneusement les sujets à couvrir en fonction des ressources dont la société dispose. Si vous n’avez pas assez de personnes à envoyer aux audiences du comité, à un événement à l’Assemblée législative ou à un accident au centre‑ville, vous n’avez tout simplement pas ces personnes, alors vous devez trouver des moyens de contourner le problème.

Je sais que l’on souhaite offrir autant de programmation locale que possible, mais le personnel dont nous disposons limite ce que nous pouvons diffuser, ce que nous pouvons mettre en ondes, en ligne ou à la télévision. C’est vraiment une question de ressources.

Le sénateur Quinn : Merci de votre réponse. Vous participez tous les deux très activement à l’industrie depuis de nombreuses années. Y a-t-il une plus grande concentration de ressources dans d’autres centres pour la couverture de l’actualité, la couverture régionale? Je pose la question parce qu’ici à Ottawa, il y a eu récemment des pannes à CBC/Radio-Canada en raison de la réparation ou du remplacement d’une antenne à Camp Fortune, je crois, et CBC/Radio-Canada a dû déplacer ses activités à Toronto, et nous avons reçu toutes ces nouvelles de Toronto qui semblaient plus approfondies, plus étendues et qui faisaient appel à une plus grande participation de la communauté. Est-ce une réalité? Y a-t-il une concentration des ressources de CBC/Radio-Canada dans les grands centres, où se trouvent les plus grandes populations, où il y a peut-être une plus grande diversité de sources?

M. Pearson : Je pense que oui. Je pense que les ressources financières des grands centres sont probablement beaucoup plus importantes que celles des petites collectivités et des petites villes. Au bout du compte, Acadia Broadcasting et d’autres radiodiffuseurs privés et radiodiffuseurs au Canada génèrent des revenus grâce à la publicité. Comme nous l’avons vu avec la COVID, lorsque la publicité a chuté de 70 % du jour au lendemain, cela a certainement eu un effet sur notre capacité de faire ce que nous voulions traditionnellement faire et d’offrir des services à nos communautés et sur la façon dont nous allions les fournir. Je pense que les grands centres ont probablement juste plus de revenus publicitaires qui peuvent soutenir les salles des nouvelles et les équipes d’information. Je ne le sais pas avec certitude, mais connaissant l’industrie, je crois que les employés ont simplement plus de ressources et de moyens financiers pour le faire.

M. Seguin : Merci, sénateur. Lorsque je travaillais à CBC/Radio-Canada, j’avais toujours l’impression que les régions étaient toujours plus durement touchées que les grands centres lorsqu’on procédait à des compressions. J’avais toujours l’impression que Toronto, Ottawa, Vancouver et même Calgary avaient plus de ressources que les gens des régions. Pourtant, malgré les compressions, les employés de CBC/Radio-Canada dans le Canada atlantique ont réussi à se débrouiller, et je pense que cela contribue au niveau de stress auquel je faisais référence plus tôt.

La sénatrice Simons : Je remercie infiniment nos deux témoins. Je dois vous dire que, même si j’ai travaillé dans la presse écrite pendant de nombreuses années, la radio est, comme on dit, mon premier amour. Mon premier emploi était à CHQT, une station privée d’Edmonton qui n’existe plus. J’ai été productrice pendant six ans à la radio de CBC, y compris à des quarts de travail pour diriger l’émission du matin, alors je sais ce que c’est que de se lever à 3 h 30. Ensuite, pendant un certain temps, j’ai été productrice pour un réseau à Toronto dans le gros immeuble bleu laid.

Comme vous êtes tous les deux ici avec nous aujourd’hui, je voulais parler de la relation entre les radiodiffuseurs publics et privés dans votre région. J’ai toujours fait de mon mieux en tant que journaliste lorsqu’il y avait de la concurrence, et je m’inquiète de voir un monde dans lequel CBC/Radio-Canada serait la dernière survivante, sans concurrence et sans diversité de voix. Je me demande si chacun d’entre vous peut me dire comment vous percevez les relations entre les radiodiffuseurs publics et privés dans votre région, et s’il y a des façons dont ils pourraient se compléter pour s’aider mutuellement à survivre dans une région qui a désespérément besoin d’un journalisme local solide.

M. Pearson : C’est une excellente question, sénatrice Simons. Je dirais qu’à l’heure actuelle, comme nous sommes présents dans des marchés beaucoup plus petits au sein d’Acadia Broadcasting, nous savons certainement qui sont les journalistes de CBC/Radio-Canada, habituellement dans nos marchés, et nous entretenons de bonnes relations avec eux. Nous ne partageons pas les nouvelles; ce n’est pas le modèle à l’heure actuelle. Mais je pense certainement que la différence entre les secteurs public et privé est que nous couvrons probablement les nouvelles de manière beaucoup plus détaillée dans les petites collectivités. Nous couvririons probablement des sujets d’une plus petite envergure que CBC/Radio-Canada ne le ferait traditionnellement, et je ne veux pas dire par là que c’est à tous les niveaux; je ne fais pas ce genre de généralisation. J’ai beaucoup de respect pour les journalistes de CBC/Radio-Canada, et nous avons vu des employés qui ont commencé leur carrière à Acadia, qui ont travaillé pour CBC/Radio-Canada et qui sont passés à autre chose.

Toutefois, je pense que cette idée a été évoquée dans l’une des autres séances que j’ai écoutées cette semaine au sujet de la possibilité de partager des nouvelles, et j’ai trouvé cela plutôt intéressant. Si CBC/Radio-Canada pouvait nous fournir des nouvelles sur lesquelles elle travaille, cela nous aiderait à proposer plus de contenu à l’antenne à nos auditeurs. Nous avons différents types d’auditeurs. CBC/Radio-Canada est beaucoup plus axée sur les nouvelles et l’information, alors que nous nous concentrons sur les nouvelles, le divertissement et l’information, le divertissement comptant pour une grande partie quand on pense à la musique et à ce que nous diffusons à l’antenne.

Je pense que c’est peut-être quelque chose qui pourrait fonctionner s’il y avait du partage.

Nous demeurons concurrentiels, et pour revenir à ce que vous avez dit, la concurrence est une bonne chose. La concurrence nous permet à tous de rester vigilants et de travailler dur pour faire de notre mieux, chaque jour.

La sénatrice Simons : Monsieur Seguin, je vais vous poser la même question. Pourriez-vous envisager un modèle dans lequel CBC/Radio-Canada offrirait une formation aux petites stations locales et utiliserait cela comme une échelle — de la même manière que nous avons débuté dans le secteur privé et que nous sommes ensuite allés travailler pour CBC/Radio-Canada?

M. Seguin : Je ne peux pas proposer de modèle pour le moment, mais je pense que cette idée est défendable. Je pourrais envisager de prendre des dispositions pour initier les radiodiffuseurs du secteur privé à l’approche adoptée par CBC/Radio-Canada en matière d’information.

L’une des principales différences, selon moi, c’est que CBC/Radio-Canada exerce ses activités selon les normes et pratiques journalistiques, et notre journalisme doit être rigoureux. Il doit respecter les exigences des normes et pratiques journalistiques, et si ce n’est pas le cas, quelqu’un se charge de vous informer que votre travail est médiocre et doit être amélioré.

Je pense que vous pourriez le faire. Je pense que vous pourriez faire venir des employés du secteur privé à CBC/Radio-Canada et leur dire : « d’accord, voici comment nous faisons les choses, voici ce qui est important pour nous, voici les normes que nous avons, et tout le travail que vous devez faire pour respecter ces normes. »

J’ai encore parlé de la charge de travail il y a un moment, et j’ai parlé du stress. Si vous demandez à CBC/Radio-Canada de faire cela, vous devrez certainement fournir plus de personnel et plus de financement, car je suis presque sûr que personne à CBC/Radio-Canada n’a le temps de le faire actuellement.

La sénatrice Simons : Monsieur Seguin, je reviens à vous. Lorsque je travaillais à CBC à Edmonton il y a longtemps, nous ne faisions pas que de la programmation locale. Nous faisions de la programmation de réseau à partir d’Edmonton, et une grande partie de cette programmation de réseau a disparu au fil du temps. Avez-vous vu une situation semblable se produire? Pour moi, ce n’est pas seulement CBC qui reflète la communauté locale auprès d’elle-même. L’un des mandats de CBC est de refléter les régions vers le centre, si je peux m’exprimer ainsi. Avez-vous observé la même tendance dans les Maritimes?

M. Seguin : Merci de la question, sénatrice. Je sais que CBC/Radio-Canada au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard se soucie profondément de la responsabilité de refléter notre région du pays auprès du reste du Canada. Nous avons peu de possibilités de le faire. Comme vous le savez, CBC/Radio-Canada a des journalistes nationaux dans le Canada atlantique pour assurer une couverture nationale, mais en ce qui concerne les événements dénués de sensationnalisme — si je peux utiliser cette description — je pense que nous pouvons certainement utiliser davantage de programmation pour expliquer le Canada atlantique au reste du pays, et au monde, par ailleurs.

M. Pearson : Je voudrais simplement dire qu’en tant que radiodiffuseur privé, nous suivons également la politique et les lignes directrices de la Radio Television Digital News Association, ou RTDNA, et que nous récoltons notre juste part de prix de journalisme. Au cours des deux dernières années consécutives, nous avons remporté le Prix du journalisme de l’Atlantique, donc nous suivons les lignes directrices, tout comme CBC/Radio-Canada, concernant la qualité et l’intégrité de nos nouvelles.

Merci.

Le président : Merci, monsieur.

Le sénateur Cardozo : Je tiens tout d’abord à dire que je regrette d’avoir raté les audiences de la semaine dernière, car j’assistais à la seizième Conférence des Parties, ou COP16, en Colombie. J’ai eu l’occasion de regarder les séances de la semaine dernière, et le plaisir de regarder un enregistrement est que vous pouvez écouter et réécouter certains passages qui, selon moi, valaient la peine d’être réécoutés à certains moments.

J’ai trouvé les séances excellentes, les témoins, brillants, et je tiens simplement à dire que les questions étaient très incisives, car je pense que vous avez remis en question à juste titre certaines des normes que les gens ont acceptées dans le monde de la radiodiffusion.

Monsieur Pearson, je tiens à vous féliciter du travail que vous faites. Dans une vie antérieure, j’ai travaillé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et j’ai vraiment appris à connaître le groupe de sociétés Irving et de nombreux petits radiodiffuseurs locaux d’un bout à l’autre du pays. Lorsque vous parlez du travail que vous faites avec des organismes de bienfaisance et sans but lucratif locaux, je pense que vous faites vraiment partie de la communauté et que vous bâtissez une communauté. Vous jouez ce rôle au-delà du simple volet de la radiodiffusion.

Étant donné le temps limité dont je dispose, je vais commencer par M. Seguin au sujet de la radio de CBC/Radio-Canada. J’ai l’impression que vous dites que CBC/Radio-Canada est, parmi les différents médias, y compris la presse écrite — et c’est peut‑être davantage une question… Premièrement, est-il juste de dire que CBC/Radio-Canada est la meilleure source de nouvelles et d’information?

Deuxièmement, quel est votre point de vue sur le seuil minimum — car je pense qu’en ce moment, vous dites que la programmation de CBC/Radio-Canada est inférieure au seuil minimum acceptable. Quel est, selon vous, le seuil minimum de programmation que CBC/Radio-Canada devrait offrir localement?

Je veux ajouter un point : étant donné que les gens s’éloignent des médias traditionnels et se tournent vers les médias de diverses sources en ligne… Je vais m’arrêter ici.

M. Seguin : Merci, sénateur.

Avec tout le respect que je vous dois, je m’oppose à ce qu’on sous-entende que CBC/Radio-Canada offre un seuil minimum de programmation. Je pense que CBC/Radio-Canada offre bien plus que ce qui est attendu — du moins CBC/Radio-Canada que je connais au Canada atlantique. Je crains que les ressources dont la société dispose pour offrir ce niveau de service ne soient insuffisantes, ce qui entraîne des niveaux de stress destructeurs.

CBC/Radio-Canada remplit son mandat et respecte sa volonté de fournir au public des informations crédibles et exactes. Je pense que, compte tenu de l’environnement médiatique actuel — en particulier celui en ligne — où l’origine des reportages journalistiques est suspecte, il est plus important que jamais de pouvoir compter sur une source de journalisme crédible et de grande qualité. À une époque où nous nous préoccupons de la qualité de l’information que les gens consomment, le moment est peut-être opportun, me semble-t-il, de fournir davantage de ressources aux organismes qui fournissent des informations sur lesquelles les gens peuvent compter.

Le sénateur Cardozo : Étant donné que le monde en ligne est en pleine expansion, ou que le recours au monde en ligne augmente pour les consommateurs et que le recours aux médias traditionnels diminue, comment CBC/Radio-Canada peut-elle rester pertinente alors que son principal concurrent est le fil d’actualité en ligne, et sur quoi doit-elle se concentrer?

Certaines personnes ont fait valoir que, comme CBC/Radio-Canada est financée par le public et les contribuables, ses fils d’actualité et ses reportages devraient être librement accessibles pour être réutilisés par d’autres sources.

M. Seguin : CBC/Radio-Canada offre un produit de qualité en ligne, qui adhère aux normes journalistiques et aux pratiques requises à CBC/Radio-Canada.

Je pense que les Canadiens reconnaissent que CBC/Radio-Canada est une marque de confiance crédible et une source fiable d’information. Je sais que CBC/Radio-Canada a mis l’accent sur sa production en ligne. Elle a laissé tomber la télévision, car, comme vous l’avez fait remarquer, de plus en plus de personnes choisissent de s’informer en ligne. CBC/Radio-Canada offre une programmation radio et un service de journalisme public le matin. Son produit en ligne est, selon moi, le meilleur produit au monde.

Je pense que c’est en raison de sa réputation que les gens vont continuer de la choisir.

Le sénateur Cardozo : Quelle serait la conséquence si le gouvernement cessait d’appuyer la radiodiffusion en anglais de CBC/Radio-Canada pour l’auditoire de toute la région?

M. Seguin : Eh bien, il y aurait un grand fossé dans la transmission de l’information. Par exemple, les émissions du matin au Nouveau-Brunswick interviewent des Néo‑Brunswickois, des Canadiens de l’Atlantique, des politiciens fédéraux et des sénateurs. Nous offrons un flux continu et pertinent de journalisme de service public.

Si vous retiriez ce financement, vous vous retrouveriez avec quoi? Vous auriez Acadia Broadcasting, j’imagine. Vous auriez CTV News et vous auriez Global News, mais je dirais que les produits que CBC/Radio-Canada offre sont différents de ceux que les autres réseaux offrent.

Le fait de réduire le financement de CBC/Radio-Canada dans le Canada atlantique, en particulier, empêcherait les Canadiens de l’Atlantique de partager leurs actualités, leurs aspirations et leurs victoires. Cela nous empêcherait de raconter nos histoires au reste du pays.

Je tiens simplement à souligner qu’il y a un seul journaliste pour toute la région des Maritimes. Ce journaliste est basé à Halifax, et il se rend au Nouveau-Brunswick, s’il y a une histoire à couvrir. Il se rend à l’Île-du-Prince-Édouard, s’il y a une histoire. Ce n’est pas comme si nos ressources étaient inépuisables.

La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins d’aujourd’hui.

J’aimerais reprendre l’ordre des questions que le sénateur Cardozo a entamé, mais mon approche sera un peu différente, monsieur Seguin. Vous demandez plus de ressources pour CBC/Radio-Canada, mais lorsque je regarde l’environnement politique actuel, et vous allez peut-être ne pas être d’accord avec moi, mais je ne pense pas que les ressources provenant du Trésor public vont être augmentées.

Alors, bien entendu, la télévision de CBC/Radio-Canada… Je ne suis pas certaine si, lorsque vous avez pris la parole, vous parliez de la télévision ou de la radio, mais, de toute évidence, la radio ne diffuse pas de publicité, contrairement à la télévision.

Imaginons un scénario dans lequel le financement correspond au financement actuel, et il ne subit aucune augmentation. Comment établiriez-vous les priorités concernant le mandat et la programmation de CBC/Radio-Canada? Dans ce scénario, c’est quoi la chose la plus importante à laquelle accorder la priorité? Est-ce que ce serait les nouvelles nationales, locales ou d’autres types de programmation?

Allez-y.

M. Seguin : Merci de la question, sénatrice.

Ce que je préfère — et c’est ce que j’ai fait pendant toute ma carrière — est que je pense que CBC/Radio-Canada a un rôle important à jouer dans le fonctionnement de notre démocratie. Je ne veux pas aller trop loin, mais je dirais que CBC/Radio-Canada devrait concentrer ses efforts sur nos valeurs essentielles. Elle devrait également faire du journalisme d’enquête et poser des questions aux politiciens et aux autres autorités élues au sujet de leurs politiques. Je pense que CBC/Radio-Canada doit expliquer la politique publique à son auditoire.

J’ai fait référence à l’émission The Great Canadian Baking Show tout à l’heure. Peut-être que, lorsque nous finançons CBC/Radio-Canada, nous devrions lui dire, « le plus important, c’est votre production de nouvelles locales. Vous devez couvrir l’actualité locale, la politique locale et provinciale », parce que je pense que c’est ce qui importe le plus pour notre démocratie.

La sénatrice Dasko : En gros, vous dites que l’actualité et les affaires publiques, et de préférence, l’actentalité locale, serait la priorité?

M. Seguin : Eh bien, pour vous donner un exemple excellent, sénatrice, l’émission du matin fait un excellent travail pour ce qui est de refléter ses collectivités locales et les préoccupations de celles-ci. Je pense qu’il s’agit là d’un exemple excellent qui démontre la façon dont CBC/Radio-Canada peut jouer son rôle en tant que diffuseur public.

La sénatrice Dasko : Merci. Monsieur Pearson, j’ai une question pour vous. Vous êtes le propriétaire de plusieurs stations de radio dans le Canada atlantique et aussi dans le Nord de l’Ontario.

M. Pearson : C’est exact.

La sénatrice Dasko : Je me demandais s’il existait des différences entre l’Ontario et les provinces de l’Atlantique, pour ce qui est du type de couverture, de programmation, du modèle d’entreprise, des aspects économiques de la gestion de stations de radio dans une région par rapport à l’autre? Avez-vous une formule que vous appliquez dans les deux régions?

M. Pearson : Nous essayons d’appliquer la même formule dans les deux régions. Notre mandat consiste à fournir le meilleur service aux collectivités dans lesquelles nous sommes présents, au mieux de nos capacités. Au cours de ces dernières années, nous avons été de moins en moins capables de le faire, mais je pense que certaines de ces collectivités du Nord-Ouest de l’Ontario sont assez isolées. De ce fait, il est encore plus important qu’elles aient accès aux nouvelles locales, c’est-à-dire qu’elles soient au courant de ce qui se passe dans les collectivités comme Kenora, Dryden et Fort Frances, par exemple.

Je dirais que nous nous sommes énormément concentrés sur l’actualité locale dans ces collectivités, en particulier. Et c’est de plus en plus difficile de le faire, car un défi que nous avons également, c’est de faire venir des journalistes au sein de ces collectivités. Il fut un temps où les journalistes quittaient l’école et acceptaient de s’installer dans un endroit davantage isolé, car cela leur permettait d’apprendre et d’acquérir de l’expérience pour ensuite avoir l’occasion d’accéder à un marché plus large. C’est de plus en plus compliqué, car nous trouvons qu’il est de plus en plus difficile d’embaucher des journalistes compétents pour les faire venir dans ces zones. Je dirais que c’est l’une des différences : embaucher des journalistes pour le Canada atlantique a été bien plus facile que d’embaucher des journalistes pour le Nord-Ouest de l’Ontario, ça c’est sûr.

La sénatrice Dasko : Merci.

Le président : Merci, messieurs, de votre présence aujourd’hui. En écoutant votre témoignage jusqu’ici, j’ai l’impression d’écouter un groupe de reprise d’ABBA, sauf que j’écoute la même chanson en boucle, et cette chanson, c’est « Money, Money, Money. » Je dirais que c’est déconcertant, car j’aimerais connaître la raison pour laquelle nous avons rencontré les défis que nous avons rencontrés. En réalité, depuis 2015, le pourcentage de financement de CBC/Radio-Canada par les contribuables a augmenté de quelque 35 % ces 10 dernières années. Il correspond à 1,4 milliard de dollars, aujourd’hui. Il y a 10 ans, il était en dessous de un milliard de dollars, et pourtant, il y a toujours des compressions et plus de journalistes qui se font licencier. Les comités du Sénat sont obligés de réaliser des études pour comprendre pourquoi CBC/Radio-Canada viole ses obligations en matière de licence consistant à fournir une bonne couverture régionale continue dans les régions du pays.

Ma question est très simple. Pourquoi est-ce que nous donnons plus de financement et recevons moins de service? Est-ce que c’est le modèle? À un moment donné, l’imprimerie sera à court d’encre et de papier.

M. Pearson : Dans notre cas, essentiellement, nous ne recevons aucun financement à l’heure actuelle pour nos stations de radio ou pour tout autre radiodiffuseur dans le Canada. Nous sommes strictement livrés à nous-mêmes. Nous recevons du soutien par l’entremise des revenus que nous percevons grâce à la publicité de notre modèle d’entreprise.

Encore une fois, j’ai posé cette question à des représentants du gouvernement dans le passé. Je leur ai demandé pourquoi ces autres organisations recevaient du financement alors que les organismes de diffusion radiophonique étaient livrés à eux‑mêmes. J’ai eu une réponse assez intéressante. Avant la COVID, nous n’avions pas beaucoup entendu parler des radiodiffuseurs privés. Je suis d’accord avec cela. Nous nous débrouillions plutôt bien tout seuls, et nous étions en mesure de soutenir nos salles de presse, nos initiatives et notre programmation, qui fournit également beaucoup d’information à notre auditoire. Mais, tout cela a changé après la COVID. Les revenus générés par la publicité ont disparu dans certains cas, mais la majeure partie de ces revenus se sont retrouvés — comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire — dans des plateformes numériques étrangères. Même le gouvernement a fait la même chose.

Sans ces revenus générés par la publicité, vous ne pouvez pas continuer de fonctionner avec la même structure dans laquelle votre entreprise fonctionnait grâce à ces revenus générés par la publicité. Et donc, c’est un problème fondamental pour nous.

Le président : Monsieur Seguin?

M. Seguin : Sénateur Housakos, merci beaucoup de poser la question. Eh bien, vous venez de poser une question déroutante. Je n’ai pas la réponse. J’aurais aimé vous donner une réponse. Peut-être qu’il s’agit d’un problème structurel.

Je sais qu’au Canada atlantique — et je saisis ce que vous voulez dire lorsque vous mentionnez l’augmentation du financement. Je sais que CBC/Radio-Canada consomme énormément d’argent du contribuable. Mais au Canada atlantique, nous n’avons pas tout ce dont nous avons besoin pour effectuer le travail attendu.

Je vais me répéter. Peut-être qu’il s’agit d’un problème structurel. Peut-être qu’il faut changer la structure afin que le financement soit reçu par le niveau qui en a vraiment besoin.

Le président : Merci de cette information. Vous avez également mentionné dans vos remarques que la tension est palpable au sein des salles de presse, et des journalistes se font licencier alors que les subventions ne font qu’augmenter davantage.

À l’heure actuelle, la tension est causée par — la sénatrice Dasko y a fait allusion — le fait que les contribuables sont en colère et sont stressés dans notre pays, car les taxes continuent d’exploser. À un moment donné, la bulle va exploser. Effectivement, nous essayons d’aller au fond de ce problème, c’est-à-dire que nous essayons de savoir pourquoi CBC/Radio-Canada continue de recevoir plus de financement. La société semble affecter les fonds à toutes sortes d’endroits sauf dans les salles de presse régionales. Il s’agit plus d’un commentaire.

Ma question, pour les deux minutes qu’il me reste, c’est pourquoi les radiodiffuseurs privés ne peuvent-ils pas combler le fossé adéquatement si CBC/Radio-Canada ne fait plus partie du réseau des diffuseurs régionaux? Je sais que cela fait partie de son mandat, mais le fait est qu’elle ne remplit pas bien ce mandat. Ma question, et c’est une bonne question, est la suivante : si nous retirions CBC/Radio-Canada du réseau des diffuseurs régionaux, est-ce que les entreprises privées combleraient potentiellement ce fossé?

M. Pearson : Je ne suis pas certain que cela résoudrait le problème, étant donné qu’on a toujours besoin de revenus pour faire cela. Le fait est que, dans bon nombre de nos marchés, nous ne rivalisons pas avec CBC/Radio-Canada pour les revenus générés par la publicité. Nous rivalisons plutôt avec elle pour attirer l’auditoire.

Je souhaite également mentionner que des commentaires ont été émis au cours de l’une des séances au sujet de… Je pense que l’un des représentants de Numeris parlait de la façon dont CBC/Radio-Canada maintenait un auditoire tandis que d’autres diffuseurs perdaient le leur. J’aimerais que tout le monde garde en tête qu’il s’agit d’un important marché, et que c’est sur de grands marchés que nous faisons des reportages pour Numeris. Sur les marchés plus petits, comme celui sur lequel je me trouve à Bridgewater, nous ne disposons pas d’un système de notation. Il n’y a rien pour dire que nous réussissons moins sur ces marchés plus réduits, en ce qui concerne notre information et nos actualités. Je ne dis pas que nous avons du succès. Je dis simplement qu’il n’y a pas de système de mesure pour véritablement affirmer que c’est ce qui se passe sur les marchés plus réduits. Je pense que nous avons déjà parlé du fait qu’il y a également plus de ressources sur les grands marchés.

Le président : Monsieur Seguin?

M. Seguin : Merci de la question, sénateur. J’ai du mal à imaginer que CBC/Radio-Canada ne fasse pas partie du Canada atlantique, étant donné que je sais personnellement que CBC/Radio-Canada contribue au dialogue communautaire dans cette région. J’ai personnellement participé à chaque émission du matin de Noël au Nouveau-Brunswick afin d’amasser des fonds pour les banques alimentaires. Il s’agit d’une campagne énorme qui a beaucoup de succès. Cela va au-delà du journalisme que CBC/Radio-Canada offre.

CBC/Radio-Canada dispose de l’infrastructure qui lui permet de fournir de l’information importante au public, que ce soit en temps de crise ou durant une élection.

J’admire beaucoup mes collègues du secteur privé, mais je pense que le travail que CBC/Radio-Canada accomplit serait difficile à reproduire.

Le sénateur Cuzner : Monsieur Seguin, pour commencer, lorsque vous travailliez à Sydney, c’était à la station de Hardwood Hill, c’est bien cela?

M. Seguin : La station CJCB.

Le sénateur Cuzner : L’effectif serait composé d’un bassin de talents des ondes, de gens de la production et de techniciens. Aujourd’hui, une personnalité connue de CTV fait pas mal tout à partir de son Chevrolet Blazer; c’est là où ils en sont rendus.

Vous nous aviez donné les chiffres des salles de presse au Nouveau-Brunswick et en Atlantique. Pourriez-vous comparer ces chiffres à ceux d’il y a 10 ans? Y avait-il plus de gens à la production? J’aurais tendance à penser que le nombre de personnes en ondes serait sans doute semblable, mais pourriez‑vous nous comparer les chiffres de l’époque à ceux d’aujourd’hui?

M. Seguin : Merci de la question, sénateur. Oui, c’est un peu comme un iceberg. Les gens en ondes, les présentateurs, représentent la pointe de l’iceberg, mais des gens les soutiennent, les monteurs, les producteurs, les caméramans, les directeurs. Il y a toute une infrastructure de gens qui fournissent aux gens que vous voyez en ondes l’information qui vous est transmise.

Je peux vous donner un exemple. Disons que, aux fins de la discussion, il y a 10 ans, pour l’émission du matin de Radio-Canada, à Fredericton, sept ou huit personnes travaillaient tous très dur pour offrir un produit de qualité aux Néo-Brunswickois. Aujourd’hui, on est rendu à quatre personnes. Nous avons réduit de moitié cette main-d’œuvre spécialisée, mais nous faisons la même chose, voire plus. Je ne serais pas surpris si on voyait la même chose dans tous les bureaux de CBC/Radio-Canada de l’Atlantique.

Le sénateur Cuzner : Cela m’amène à réfléchir aux commentaires du président, soit que le gouvernement fédéral augmente son financement, mais que l’on coupe la main-d’œuvre de moitié malgré tout, et que cela montre qu’il y a une incohérence dans ce dossier.

Monsieur Pearson, il y a environ quatre ou cinq ans, Acadia a acquis The Hawk à Port Hawkesbury, CIGO. Bob MacEachern a fait un excellent travail en faisant de CIGO une communauté. Cela a vraiment contribué à la qualité de vie de cette localité. Je pense qu’Acadia a travaillé dur pour faire cela et maintenir la priorité.

Dans un témoignage, la semaine dernière, on nous a dit que CBC/Radio-Canada, parfois, dans les marchés locaux — vous le sauriez mieux que quiconque —, grugeait un peu les recettes publicitaires des marchés locaux. Constatez-vous d’une façon ou d’une autre qu’il y a de la concurrence avec CBC/Radio-Canada sur le marché local?

M. Pearson : Non, sénateur. Je dirais que nous n’avons pas vu ça directement, pas à ma connaissance, disons. Évidemment, si ma directrice des ventes était ici, elle pourrait tenir des propos différents, mais à ma connaissance, CBC/Radio-Canada n’a pas été un problème. Cela ne ressort pas dans les discussions lorsque nous parlons des enjeux liés à la publicité.

Le problème vient plus des plateformes numériques et de l’accent mis sur la technologie numérique d’aujourd’hui, et nous avons notre propre service numérique. Nous avons mis sur pied ce service il y a quelques années et l’avons fait voir comme une table ronde, parce que nous y avons vu une occasion. Cela nous a aidés à compenser quelque peu nos pertes de revenus dans le secteur de la radio. Nous réfléchissons toujours à ce que nous pouvons faire différemment pour réinvestir davantage d’argent dans l’entreprise.

J’ai aimé votre commentaire au sujet de Port Hawkesbury. Ce sont les raisons pour lesquelles nous étions intéressés par ce marché, parce qu’ils avaient fait un très bon travail à l’échelle locale, et que cela correspondait à la façon dont nous aimions faire de la radio. Nous aimons rester dans de petits marchés et nous aimons être très locaux.

Le sénateur Cuzner : J’ai une dernière question, si l’un de vous pouvait me donner ses commentaires.

La technologie réduit aussi les effectifs. Nous n’avons plus beaucoup de gardiens de phare, aujourd’hui. Est-ce dû à un changement de l’auditoire, du paysage des auditeurs, de la façon dont les gens obtiennent leur information, ou encore aux avancées technologiques? Est-ce un mélange de tout cela?

Sur le plan technique, monsieur Seguin, diriez-vous que la réduction des effectifs dans ces stations est un peu dû à cela?

M. Seguin : Merci de la question, sénateur. Il est possible que la technologie joue un rôle, mais la technologie ne peut pas tenir le micro. La technologie ne peut pas se présenter dans les bureaux de vos députés et dire : « Qu’arrive-t-il avec le Fonds pour accélérer la construction de logements? » Vous avez besoin de journalistes formés pour faire du journalisme. La technologie sert à diffuser leur travail dans le public, mais vous avez besoin de journalistes sur le terrain qui peuvent voir, entendre et poser les questions.

M. Pearson : Je serais d’accord avec les commentaires de M. Seguin. Je dirais toutefois que notre entreprise a beaucoup investi dans la technologie et que nous continuons d’investir dans la technologie pour créer des outils pour nos gens afin qu’ils soient plus efficaces et de les aider à mieux faire leur travail sans vivre trop de stress. Nous voyons la technologie davantage comme un outil. Passer d’une scie égoïne à une scie circulaire fait une grosse différence quant à la quantité de travail que vous pouvez accomplir en une journée.

Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci à nos témoins. Monsieur le président, vous avez signalé à juste titre que les fonds pour CBC/Radio-Canada ont augmenté considérablement dans les 10 dernières années. Monsieur Seguin, je vous salue pour votre carrière et vos services; vous avez mentionné à juste titre que c’est dans les provinces de l’Atlantique que la part de marché de CBC/Radio-Canada et les indices d’écoute sont parmi les meilleurs au Canada en matière de pénétration. Je suis d’accord avec vous quand vous dites qu’il y a des problèmes structurels, puisque l’on constate que, selon les recherches faites par notre personnel de la Bibliothèque du Parlement, 83 % des fonds de la CBC vont du côté de l’Ontario et du Québec. C’est donc 83 % des fonds, malgré le fait que ces provinces représentent de 60 à 62 % de la population canadienne.

Ma question est la suivante. Faudra-t-il faire un peu de microgestion auprès des responsables des politiques et donner des directives à CBC ou au CRTC pour qu’il y ait un meilleur financement par personne? Je me pose la question, monsieur Seguin, parce que vous avez mentionné qu’il y a un problème structurel, et quand c’est le cas, c’est là où les responsables des politiques, c’est-à-dire les parlementaires, ont un rôle à jouer. Est-ce qu’il faut aller plus loin, questionner davantage et donner des directives plus précises en matière de financement régional à CBC/Radio-Canada?

[Traduction]

M. Seguin : Sénateur, merci de la question. Je sais que mes anciens collègues de CBC/Radio-Canada dans l’Atlantique seraient ravis de trouver un moyen de financer davantage le journalisme de CBC/Radio-Canada dans l’Atlantique. Est-ce qu’il serait nécessaire de modifier la structure? Je ne peux pas imaginer mes anciens collègues de CBC/Radio-Canada dire « non, merci, nous ne voulons pas plus d’argent ».

On ne dépenserait pas l’argent de façon frivole. On le dépenserait pour améliorer le produit que les Canadiens de l’Atlantique reçoivent de CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Gignac : Monsieur Pearson, vous venez du secteur privé, et les deux secteurs sont complémentaires. En fait, envoyer plus d’argent à CBC/Radio-Canada dans les provinces de l’Atlantique n’aurait pas non plus d’incidence négative sur le secteur privé parce que, au bout du compte, nous avons une meilleure couverture médiatique. Quelqu’un veut-il ajouter quelque chose à ce sujet?

M. Pearson : Oui. Il est certain que, en tant qu’exploitants du secteur privé, nous devons vraiment rendre des comptes quant à la façon dont nous dépensons l’argent et créons des gains d’efficience. Nous pensons que nous avons un bon modèle d’affaires, et nous passons beaucoup de temps presque tous les jours à chercher des façons de l’améliorer pour le rendre plus efficient.

Bref, nous espérons que nous pourrons tous être sur un pied d’égalité pour pouvoir concurrencer n’importe quel organe de presse parce que nous avons les ressources et le financement nécessaires pour le faire. C’est difficile quand vous n’avez aucune forme de financement et que tous ceux autour de vous qui diffusent des nouvelles ont du financement auquel vous n’avez pas accès — cela ne veut pas dire que ça ne changera pas dans l’avenir, mais c’est le cas aujourd’hui.

Le sénateur Gignac : Monsieur Seguin, un témoin qui comparaîtra dans le prochain groupe, un de nos collègues, parlera de la décision de CBC/Radio-Canada d’annuler ses services durant la pandémie. Étant donné votre carrière, votre expérience et vos états de service, pouvez-vous me dire comment CBC/Radio-Canada a pu faire cela et pourquoi le CRTC n’a pas réagi à cette décision? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Seguin : Non, excusez-moi. Je ne sais pas pourquoi vous me posez la question à moi, sénateur. Excusez-moi. Pourriez‑vous répéter la question?

Le sénateur Gignac : Je pourrais être plus précis. Durant la pandémie, CBC/Radio-Canada a coupé dans les services à l’Île-du-Prince-Édouard, donc cela ne concerne pas vraiment votre province, mais plutôt l’Île-du-Prince-Édouard. Je voulais savoir ce que vous en pensiez. Vous ne l’avez peut-être pas su parce que, durant la pandémie, beaucoup de choses se passaient, mais CBC/Radio-Canada a tout simplement coupé ses services télévisés à l’Île-du-Prince-Édouard en mars 2020.

M. Seguin : Eh bien, sénateur, compte tenu de ce que vous venez de me dire à l’instant, je répondrais que la décision de réduire les services durant la pandémie était malavisée. CBC/Radio-Canada avait peut-être des raisons acceptables de faire cela, mais, en tant que journaliste, en tant qu’ancien employé de CBC/Radio-Canada, je ne peux pas imaginer que cette décision a très bien été acceptée par les gens de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Gignac : Ne quittez pas. Vous aurez plus de détails au cours de la prochaine heure. Merci.

Le président : Je suis sûr que nous entendrons beaucoup plus de choses au sujet de l’Île-du-Prince-Édouard; je suis d’accord avec le sénateur Gignac. Nous avons presque écoulé le temps alloué au premier groupe de témoins, mais c’est à notre vice-présidente que revient la dernière intervention.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci pour votre générosité.

Je voulais poser une question à M. Seguin à la suite de sa dernière intervention sur les moyens en région. Je suis une ancienne journaliste de Radio-Canada et j’ai toujours remarqué l’immense fossé entre les ressources au centre, c’est-à-dire Montréal et Toronto, et les ressources en région.

Vous dites qu’il faut un journaliste pour tendre un micro. Je continue à suivre Radio-Canada parce que j’y suis attachée. Je vois que les équipes d’émissions nationales ont jusqu’à quatre personnes qui se déplacent pour faire une entrevue. En région, c’est le contraire : les journalistes doivent faire leur montage.

J’aimerais vous entendre sur cette grande différence qui a évidemment un impact sur la qualité. Je ne suis pas certaine que ce soit tout l’un ou tout l’autre qui soit la solution. La technologie permet quand même de réduire les équipes de télévision et je ne suis pas certaine que nous en sommes là dans les centres de production principaux de CBC/Radio-Canada.

M. Seguin : Merci pour votre question, sénatrice.

[Traduction]

Vous avez raison, la technologie a changé. À mes débuts, je montais les enregistrements pour mes reportages avec des crayons gras et une lame de rasoir. On ne fait plus cela maintenant.

Aujourd’hui, tout est fait électroniquement. Une personne peut s’asseoir à son ordinateur et, à l’aide d’un programme, faire tout le montage en un rien de temps.

La technologie a changé les choses. Je me rappelle que l’on tournait avec un caméraman, quelqu’un chargé du son, un journaliste et quelqu’un pour diriger l’équipe tout au long du travail. Cela a changé, et je ne crois pas qu’il y ait eu une dégradation des produits journalistiques ou de leur qualité.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question concerne le déséquilibre, si vous croyez qu’il y en a un, des ressources accessibles dans les centres, Montréal et Toronto — vous connaissez peut-être mieux Toronto — et dans les régions et les médiaux locaux.

M. Seguin : Je pense qu’il y a un déséquilibre dans les ressources accessibles dans les grands centres et dans les régions, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard. Je dirais que la différence est non négligeable.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

Le président : Merci à nos témoins de s’être joints à nous ce matin. Je rappelle à notre auditoire que nous effectuons une étude sur les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada et que nous sommes le Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Encore une fois, merci.

C’est maintenant le temps d’accueillir notre deuxième groupe de témoins. Souhaitons la bienvenue à un gentilhomme qui se passe de présentations, l’honorable Percy Downe, notre collègue et ami, qui, depuis de nombreuses années, a beaucoup de sujets concrets à commenter, toujours au sujet de l’Île-du-Prince-Édouard, mais surtout au sujet de CBC/Radio-Canada et de l’Île-du-Prince-Édouard. Sénateur Downe, vous avez la parole.

L’hon. Percy E. Downe : Merci, monsieur le président. Si je prends trop de temps, parce qu’il s’agit d’un sujet qui m’intéresse beaucoup et qui intéresse de nombreux habitants de l’Île-du-Prince-Édouard, arrêtez-moi, et il me fera plaisir de tenter de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Chers collègues, au début de la pandémie de coronavirus, en mars 2020, la Canadian Broadcasting Corporation/Radio-Canada a annoncé qu’elle suspendait la diffusion de ses bulletins de nouvelles locales du soir à la télévision. À un moment où même CBC/Radio-Canada reconnaissait que « ...les Canadiens de partout au pays veulent à tout prix avoir de la bonne information et avoir les dernières nouvelles alors que cette crise prend de l’ampleur », la décision était stupide, et CBC/Radio-Canada a manqué à son devoir et à ses responsabilités. Ses répercussions se sont fait sentir dans des endroits comme l’Île-du-Prince-Édouard, où l’émission CBC Compass était le seul bulletin de nouvelles locales télévisé du soir produit par la province. La radio de CBC, ainsi que des radios privées et des journaux locaux ont continué de servir les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard, mais notre bulletin de nouvelles locales télévisé a été annulé.

Avant d’être annulé, CBC Compass faisait un excellent travail pour informer les Prince-Édouardiens des décisions des autorités provinciales de la santé en lien avec la pandémie. Puisque la province a l’une des pires connexions Internet au pays et qu’elle compte proportionnellement plus de personnes âgées que la moyenne, l’information fournie par Compass était essentielle pour aider les habitants de la province à se préparer à tous les rebondissements de la pandémie et à les gérer. Comme tout le monde, à l’époque, CBC/Radio-Canada peinait à maintenir ses activités, et elle aurait pu justifier ainsi sa décision, même si aucun réseau privé n’a pris la même décision d’annuler son bulletin de nouvelles locales à un endroit ou à un autre au Canada.

Dans la description des facteurs qui ont mené à l’annulation des bulletins de nouvelles locales, la décision a été présentée comme un fait accompli. Ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Pourquoi le CRTC n’a-t-il pas tenu CBC/Radio-Canada responsable d’avoir suspendu les bulletins de nouvelles locales, au début de la pandémie, en violation directe à leur contrat de licence? Le réseau CBC doit suivre les lignes directrices établies par le CRTC, dans le cadre de la licence. Le radiodiffuseur public s’est engagé, dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, à diffuser au moins sept heures d’émissions télévisuelles locales par semaine, conformément aux lignes directrices; les seules exceptions étant les événements sportifs spéciaux et les jours fériés. Qui plus est, le CRTC a souligné que : « ...CBC/Radio-Canada ne peut pas faire passer à moins de sept heures le nombre d’heures d’émissions locales sans l’accord du conseil à la suite d’un processus public ».

Toutefois, avant l’annonce de CBC/Radio-Canada, il n’y a eu ni processus public ni approbation du CRTC. Peut-être que les radiodiffuseurs ont décidé qu’il était plus facile de se faire pardonner que de demander une permission. À ce chapitre, ils ont eu raison, puisque, même si le conseil a conclu que CBC/Radio-Canada avait enfreint aux conditions de son accord de licence, aucune sanction ni aucune amende ne lui seraient imposées pour cela, et ce n’est pas comme si le conseil n’avait pas le pouvoir de réagir ou s’il s’agissait d’activités imprévues.

La Loi sur la radiodiffusion, la loi qui régit les relations entre CBC/Radio-Canada et le CRTC, prévoit des mesures à prendre si CBC/Radio-Canada ne respecte pas ses engagements. Le paragraphe 18(3) de la loi prévoit que :

Les plaintes et les observations présentées au Conseil, de même que toute autre question relevant de sa compétence au titre de la présente loi, font l’objet de telles audiences, d’un rapport et d’une décision [...] si le Conseil l’estime dans l’intérêt public.

Le paragraphe 25(1) indique encore plus clairement que, dans l’éventualité où CBC/Radio-Canada commet elle-même une infraction : « ...[l]orsqu’il est convaincu, après avoir tenu une audience publique sur la question », que la société a contrevenu à toute condition de licence mentionnée à l’annexe :

... à une ordonnance prise ou rendue au titre des paragraphes... 12(2) ou aux règlements d’application de la présente partie, le Conseil remet au ministre un rapport exposant les circonstances de [...], ses conclusions ainsi que... ses recommandations à ce sujet.

Chers collègues, CBC/Radio-Canada n’est pas qu’une simple autre chaîne de télévision. Elle reçoit plus de 1,4 milliard de dollars en financement payé par les contribuables canadiens afin de remplir son mandat. L’un des éléments de ce mandat est d’informer continuellement les Canadiens des bonnes et des mauvaises nouvelles. C’est accablant de voir le CRTC balayer du revers de la main les exigences qu’il impose aux radiodiffuseurs. Peut-être que CBC/Radio-Canada aurait pu faire valoir ses arguments avant de prendre sa décision, mais elle a décidé de ne même pas essayer de le faire et de donner ses raisons après coup. CBC/Radio-Canada prétend qu’accorder la priorité à nos liens avec les régions est au cœur de la relation que nous avons avec les Canadiens. Mais, lorsque le réseau a décidé de mettre de côté cette priorité, l’organisme public à qui elle devait rendre des comptes ne l’a pas tenu responsable, et c’est inacceptable.

Il ne s’agit pas seulement de tenir CBC/Radio-Canada responsable de ses actes passés. Les Canadiens savaient, au début de la pandémie, que CBC/Radio-Canada et le CRTC les avaient laissés tomber. Que va-t-il arriver, advenant une autre crise, si nos institutions nationales ne se tiennent pas debout, mais s’effondrent sitôt qu’un problème se montre le bout du nez? Est-ce que CBC/Radio-Canada et le CRTC sont seulement des amis des beaux jours, puisqu’ils n’étaient pas là pour nous dans les heures où nous en avions le plus besoin? Qui demandera des comptes à CBC/Radio-Canada? Qui tiendra le CRTC responsable de ses actes?

Donc, chers collègues, je crois que les Canadiens méritent ce qui suit : une explication des fonctionnaires de CBC/Radio-Canada disant pourquoi ils ont annulé les bulletins de nouvelles locales sans respecter le processus prévu dans le contrat de licence avec le CRTC; pourquoi les chaînes de radio et de télévision du secteur privé n’ont pas pris des mesures semblables; une explication des fonctionnaires du CRTC disant pourquoi ils n’ont pas demandé à CBC/Radio-Canada de suivre le processus ou pourquoi ils ne lui ont pas imposé de sanctions pour ne pas l’avoir suivi; une assurance de CBC/Radio-Canada et du CRTC qu’il n’y aura plus d’annulation des bulletins de nouvelles locales, en particulier en temps de crise; et enfin qu’une pénalité soit infligée à CBC/Radio-Canada pour avoir contrevenu à sa licence de radiodiffusion pour que CBC/Radio-Canada augmente sa contribution financière pour les bulletins de nouvelles locales diffusés à l’heure du dîner ou du souper. Je vous remercie, chers collègues.

Le président : Merci, sénateur Downe. Ce qu’a entendu le comité jusqu’à présent — et nous en sommes au début de cette courte étude —, c’est que CBC/Radio-Canada reçoit plus de financement que jamais et fournit moins de services que jamais dans les régions du pays. Nous avons également entendu dire qu’il n’y a eu aucune obligation de rendre des comptes, comme vous l’avez répété, sénateur Downe. Voici ma question : pourquoi est-ce que ces deux entités, CBC/Radio-Canada et par le fait même le CRTC, ne font pas leur travail, ne s’assurent pas que CBC/Radio-Canada respecte son accord de licence? Quelles mesures auraient pu prendre le CRTC et le gouvernement pour leur demander des comptes? Sénateur Downe, si les mécanismes habituels ne fonctionnent pas, quelles seraient vos recommandations?

Le sénateur Downe : Je vous remercie de ces questions. Eh bien, ma première suggestion est que le pouvoir décisionnel de CBC/Radio-Canada a été centralisé dans le Canada anglais et à Toronto. Autrefois, la station locale de CBC/Radio-Canada, à Charlottetown, avait plus d’autorité. Cette fois-ci, on leur a simplement dit : « Nous annulons votre service. » Ils ont défendu cela en disant que ce n’était pas sécuritaire pour le personnel et ainsi de suite. Le personnel était prêt à travailler et à continuer d’informer les Prince-Édouardiens. Comme vous pouvez l’imaginer, la province a largement critiqué la décision. Le premier ministre et la population ont dit, d’une seule voix : « Mais que se passe-t-il? Nous payons à l’Île-du-Prince-Édouard nous aussi de l’impôt. Nous contribuons à CBC/Radio-Canada. Pourquoi elle est partie? » La première chose à faire, c’est d’accorder plus de pouvoir local aux stations locales.

Deuxièmement, pour ce qui est du CRTC, lorsque tout cela a pris fin et que les bulletins de nouvelles ont repris, j’ai essayé de comprendre comment tout cela fonctionnait. J’ai envoyé plusieurs lettres au ministre responsable, au CRTC et à CBC/Radio-Canada. J’ai rencontré la présidente de CBC/Radio-Canada et ainsi de suite, et je me suis retrouvé dans une impasse. Personne n’était responsable, et tout le monde était responsable.

Un système prévoyait que CBC/Radio-Canada serait tenue responsable par le CRTC qui pouvait imposer des sanctions ou des amendes. On a tout balayé du revers de la main. On a donné un passe-droit à CBC/Radio-Canada. Comme je l’ai dit la semaine passée, au bout du compte, j’ai appris que, indépendamment des audiences publiques — qui, je crois, étaient tenues tous les cinq ans afin de renouveler la licence de CBC/Radio-Canada —, le CRTC doit renouveler la licence. Il est obligé de la renouveler.

Donc, CBC/Radio-Canada se présente et fait toutes sortes de promesses. Puis, le CRTC dit : « Nous croyons que vous devriez faire ceci et cela », et rien n’est fait.

Comme je l’ai également dit la semaine dernière, c’est une véritable parodie. Des Canadiens bien intentionnés écrivent des observations sur ce qui devrait être fait. Certaines sont intégrées aux engagements de CBC/Radio-Canada, d’autres, aux engagements du CRTC. Aucun de ces engagements ne contraint qui que ce soit, et il n’y a pas d’amendes.

J’ai suggéré — et, sénateur Housakos, vous m’avez peut-être entendu le dire dans le passé — que, pour chaque journée où CBC/Radio-Canada contrevient à la licence, elle remet deux millions de dollars à une bibliothèque locale de la collectivité lésée. Il doit y avoir des recours et il doit y avoir des sanctions.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, sénateur Downe.

Je comprends votre frustration. Je suis encore furieuse, parce que, il y a 35 ans, quelqu’un à Toronto a jugé que c’était une bonne idée d’annuler les bulletins de nouvelles de l’heure du souper à Edmonton — une grande ville et la capitale de la province — et que toutes les nouvelles que reçoivent les Edmontoniens proviennent de Calgary.

Vous pouvez très bien vous imaginer ce qui s’est produit, et les cotes d’écoute — même lorsque CBC/Radio-Canada a fait marche arrière et réalisé qu’elle avait pris la mauvaise décision —, les cotes d’écoute des nouvelles télévisées de CBC/Radio-Canada, à Edmonton, ne s’en sont jamais remises. Je comprends pourquoi vous êtes encore fâché. Je suis encore fâchée, et c’est quelque chose qui s’est produit 30 ans avant votre problème.

J’aimerais poser une question : Est-ce que les gens de Charlottetown pouvaient encore accéder aux nouvelles à la radio de CBC?

Le sénateur Downe : Oui. Comme je l’ai dit dans mes commentaires, la station privée locale, la radio de CBC et les journaux imprimés ont tous maintenu leurs activités. Les journaux hebdomadaires ont tous maintenu leurs activités.

La sénatrice Simons : Pour les gens qui préféreraient CBC/Radio-Canada, y avait-il encore des bulletins de nouvelles radiophoniques?

Le sénateur Downe : Oui, c’est exact.

La sénatrice Simons : Est-ce que les nouvelles à Charlottetown provenaient de Halifax ou de Fredericton? D’où provenait le signal?

Le sénateur Downe : Je crois que le signal de rechange provenait peut-être d’Halifax ou de Toronto. Je crois que c’était peut-être Halifax.

La sénatrice Simons : Est-ce que la station de Halifax a fait des efforts pour s’adresser à son nouveau public, à Charlottetown?

Je sais que, lorsque j’étais productrice de l’émission matinale de CBC/Radio-Canada, les jours fériés, nous faisions équipe avec Calgary, et nous faisions tout notre possible pour couvrir les nouvelles de Calgary. Est-ce que CBC/Radio-Canada à Halifax a déployé des efforts précis pour s’assurer de donner des nouvelles locales à l’auditoire?

Le sénateur Downe : Oui. Ce qui se serait produit, c’est qu’une nouvelle provenant de Charlottetown avait, je suppose, été diffusée dans le bulletin d’information régionale.

La sénatrice Simons : Comme je le disais, je comprends votre frustration, mais c’est une situation exceptionnelle qui s’est produite pendant une pandémie effroyable. Est-ce que l’explication de CBC/Radio-Canada reposait simplement sur une question d’argent, ou est-ce qu’elle a parlé de la santé publique ou du personnel, dans son explication?

Le sénateur Downe : Cela dépend de la personne à laquelle vous demandez. Il y avait différentes raisons pour l’annulation. L’une de ces raisons était la sécurité du personnel et ainsi de suite. D’autres raisons étaient les ressources et ainsi de suite. Je ne suis pas certain.

Mais c’était un événement exceptionnel qui s’est produit pendant une crise. Selon moi, une crise, c’est exactement le moment où nous avons le plus besoin de l’institution. Peut-être qu’aujourd’hui il ne se passe rien de particulièrement important à l’Île-du-Prince-Édouard ou dans la région, mais, pendant la pandémie, les gens étaient à l’écoute. Les gens étaient à la maison. Il y avait un niveau de peur très élevé.

Sénatrice Simons, vous étiez, à ce moment-là, au Sénat. Je me souviens d’avoir discuté avec vous et que vous aviez dit : « C’est un excellent endroit pour la propagation de la COVID, parce que tout le monde arrive en avion, des quatre points du pays. »

Nous ne le savions pas. Personne ne le savait, et nous dépendions énormément des stations locales de CBC/Radio-Canada, à ce moment-là, pour avoir des nouvelles.

Tout comme vous, j’ai une histoire avec CBC/Radio-Canada. Je me souviens encore du moment où on a annulé Don Messer’s Jubilee, l’émission qui avait soit la première cote d’écoute, soit la deuxième cote d’écoute en importance au Canada atlantique — et le sénateur Cuzner doit savoir cela. L’émission a été annulée par Toronto, parce qu’elle n’était pas considérée comme étant suffisamment « cool » sur le plan culturel, à l’époque, dans les années 1960.

Dans le cas qui nous occupe, c’est une variation sur le même thème. C’est Toronto qui a pris la décision. La sensibilité régionale n’a pas été prise en compte, la raison n’était pas claire et aucune autorité dans la région ne pouvait corriger l’erreur.

La sénatrice Simons : Je travaillais pour CBC/Radio-Canada à Toronto, lorsque la société a annulé l’émission Hymn Sing, la veille du Vendredi saint. Les cotes d’écoute de Hymn Sing étaient — vous savez, l’émission avait probablement fait son temps —, mais je suis encore étonnée que la société ait décidé de l’annuler juste avant la longue fin de semaine de Pâques.

Oui, certaines des décisions qui sont prises sur Front et John me laissent profondément perplexe.

Le sénateur Downe : Merci.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue à notre honorable collègue qui comparaît à titre de témoin. Je vous remercie d’attirer notre attention sur ce qui s’est passé au printemps 2020 à l’Île-du-Prince-Édouard. Je n’étais pas au courant. À juste titre, vous avez raison de dire qu’en temps de crise on se tourne vers notre diffuseur public pour obtenir les bonnes informations, surtout en cette ère de désinformation.

Je suis du Québec; ce gouvernement provincial est le seul gouvernement en Amérique du Nord à avoir eu un couvre-feu. Je crois qu’il y aurait eu désobéissance civile si on avait fermé le service de télévision de notre diffuseur public.

Vous avez soulevé la question auprès du sénateur Gold, le représentant du gouvernement, en octobre 2020. Dans sa réponse, il a dit qu’il s’informerait et qu’il vous reviendrait avec une réponse. Avez-vous obtenu un suivi à votre question?

[Traduction]

Avez-vous reçu une réponse à la question que vous aviez posée au sénateur Gold, en octobre 2022?

Le sénateur Downe : Non, je n’ai pas reçu de réponse.

[Français]

Le sénateur Gignac : Quelle autre démarche avez-vous faite? Avez-vous écrit au ministre de Patrimoine canadien? Outre votre question au sénateur Gold, des démarches ont-elles été entamées auprès du ministre pour comprendre la décision de la CBC, et pourquoi le CRTC a-t-il refusé d’aller plus loin, étant donné, comme vous l’avez dit, qu’il faut son approbation si le diffuseur ne répond pas à ses exigences?

[Traduction]

Le sénateur Downe : J’ai commencé par écrire au ministère, puis j’ai écrit au CRTC et à CBC/Radio-Canada. J’en ai parlé au ministre du Patrimoine canadien de l’époque. J’en ai parlé avec la présidente de CBC/Radio-Canada à au moins une occasion, si ce n’est pas deux.

Ils m’ont dit que tout le monde avait regretté, après coup, mais personne ne m’a expliqué pourquoi CBC/Radio-Canada avait pris cette décision en pleine crise.

Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, la société dit qu’elle accorde la priorité aux services locaux. C’est ce qu’elle ne cesse de répéter. Toutefois, elle ne joint pas le geste à la parole.

Mon but, depuis que cela est arrivé, est de m’assurer que cela ne se reproduira plus jamais, et que CBC/Radio-Canada et le CRTC comprennent mieux que cela ne devrait plus jamais se reproduire.

Le sénateur Gignac : Je ne suis pas un expert du CRTC. Je crois que certains de mes collègues pourraient m’aider, mais il s’agit d’un organisme administratif indépendant. Que pourrait faire un décideur si le CRTC commettait une erreur et ne respectait pas ses propres règles?

Quelqu’un doit rendre des comptes. Voilà ma question.

Le sénateur Downe : Oui, c’est exactement ma conclusion à moi aussi. J’ai une lettre de l’ancien président du CRTC qui dit que CBC/Radio-Canada était en violation de sa licence de radiodiffusion, mais qu’il n’y avait pas grand-chose que nous pouvions y faire. Nous n’allons rien faire à propos de cela, ce qui est totalement inacceptable. Soit nous avons ces règles et elles sont appliquées, soit nous arrêtons de dire que nous avons des règles qui les concernent.

Le sénateur Gignac : Pour conclure sur ma dernière question, vous avez dit que cela n’affecte pas seulement l’Île-du-Prince-Édouard? Était-ce une directive de Toronto destinée à bien d’autres stations, ou est-ce seulement l’Île-du-Prince-Édouard qui a été affectée par cette décision? Combien de jours cela a-t-il duré? Peut-être que cela a été mentionné, mais je n’ai pas entendu combien de jours ou de semaines les services de radiodiffusion n’ont pas fonctionné.

Le sénateur Downe : Je ne suis pas certain des autres endroits où cela s’est produit. Je crois que cela s’est aussi produit au Nouveau-Brunswick et à d’autres endroits. Je crois qu’ils ont pu garder le service opérationnel dans le Nord; je ne suis pas sûr. Cela a duré environ 7 à 10 jours.

En raison du tollé soulevé, le premier ministre provincial a appelé le premier ministre. Les ministres se parlaient entre eux. Bien sûr, la réponse du gouvernement est toujours : « Nous sommes indépendants de CBC/Radio-Canada, malgré le fait que nous contribuons 1,4 milliard de dollars à son budget. »

CBC/Radio-Canada a fini par comprendre le message. Je crois que le personnel de Charlottetown mérite des félicitations. Ils ont levé leurs boucliers eux aussi, et le service a été rétabli.

Toutefois, pensez à une crise. La prochaine pourrait être une pandémie. Elle pourrait être autre chose, et la télévision de CBC/Radio-Canada disparaîtrait. Comme je l’ai dit, offrir sept heures d’émissions locales à la télévision chaque semaine est prévu dans leur accord. Ils ne l’ont pas respecté.

Le sénateur Gignac : Merci.

Le sénateur Cardozo : Merci, sénateur Downe, d’être venu ici et d’avoir parlé de tout cela, surtout pour ce détail et surtout pour votre défense continue de ce dossier. C’est vraiment dommage que CBC/Radio-Canada ait fait cela, car, pendant la COVID, le gouvernement et les institutions publiques avaient vraiment l’occasion d’en faire plus. De manière générale, c’est ce qu’ils ont fait. À ce moment-là, le gouvernent et les institutions publiques ont vraiment été en mesure de prouver qu’ils étaient là pour le bien des gens et, de manière générale, ils l’ont fait.

Je regarde le gouvernement fédéral. Je regarde les gouvernements provinciaux et les administrations municipales. Ils ont tous dépensé beaucoup. En effet, cela a beaucoup à voir avec la raison pour laquelle nous avons un énorme déficit aujourd’hui. Cependant, l’appareil gouvernemental tout entier fait des pieds et des mains pour aider des gens, pour veiller à ce que les gens restent chez eux, pour permettre aux entreprises de survivre, et nous avons réussi à cet égard en tant que nation. Voilà un cas où CBC/Radio-Canada les a laissés tomber.

Laissez-moi vous présenter quelques arguments, non pas pour exonérer le CRTC, mais j’y ai déjà travaillé. Je ne connais pas les détails de cette affaire du tout, et je ne les défends pas. Assurément, il y a eu des moments où j’ai été contrarié par le CRTC, alors qu’il s’agissait seulement d’un organisme débordé, comme la plupart des autres organismes fédéraux. Quand les dirigeants reçoivent un grand nombre de demandes et doivent examiner ceci ou cela, ils doivent décider à quoi ils vont consacrer leur temps. Peut-être qu’ils ont regardé cela et se sont dit qu’il n’y avait pas grand-chose qu’ils pouvaient faire, étant donné que tout cela s’est terminé en 7 à 10 jours. C’est comme pour les autres organismes, ils doivent choisir sur quels dossiers faire un suivi.

Pendant que je travaillais là, il m’est arrivé de penser que nous aurions dû poursuivre un radiodiffuseur ou un autre par rapport à différentes choses qu’ils ne faisaient pas. La procédure de renouvellement de la licence est sérieuse, certainement du point de vue des conseillers et du personnel, aussi, qui doivent écouter ce que disent les gens.

Les membres du comité ont posé des questions, la semaine dernière, sur les attentes que nous avons par rapport aux radiodiffuseurs, disant que ces attentes pourraient peut-être être plus élevées. Dans leur bulle, des normes relativement peu élevées sont acceptées. L’une des choses que nous ferons est de vérifier cela et de repousser un peu les limites.

En ce qui concerne l’amende, je ne suis pas d’accord, en ce qui concerne les diffuseurs publics, car nous savons qu’ils n’ont déjà pas assez d’argent. S’ils ne font pas une chose et qu’ils disent ensuite qu’ils ne l’ont pas faite, car ils n’ont pas assez d’argent, ou peu importe, devrions-nous leur infliger une amende et prendre 2 millions de dollars supplémentaires de leur budget? Cela nous conduit-il à avoir moins de services en fin de compte? Celui ou ceux qui prennent cette décision ne sont pas affectés par cette amende de 2 millions de dollars. Je ne sais pas jusqu’où cela peut aller. Je n’ai pas la solution, mais je ne suis pas convaincu que l’amende soit la bonne manière de faire les choses.

J’ai une autre question. Vous avez dit que cette affaire est au cœur de ce que CBC/Radio-Canada devrait accomplir dans son rôle. À votre avis, quel est le rôle de CBC/Radio-Canada à l’Île-du-Prince-Édouard? Comment remplit-elle ses fonctions maintenant? Selon vous, que doit-elle faire de plus en ce qui concerne notre étude sur la programmation locale? En fait-elle assez? La province reçoit-elle trop de matériel ou de contenu provenant du centre, de Halifax ou de Toronto? Accorde-t-elle assez d’attention aux nouvelles locales? Les gens trouvent-ils qu’il y a une couverture des actualités suffisante concernant le conseil municipal, la criminalité, tout le reste? Désolé, j’ai trop parlé.

Le sénateur Downe : Vous faites valoir un argument valide sur les répercussions directes que les amendes peuvent avoir sur les gens. Peut-être que le comité devrait recommander que cela affecte les primes de certaines personnes de CBC/Radio-Canada, qui semblent faire beaucoup les manchettes. Peut-être que cela les touchera plus personnellement si on touche à leur portefeuille. Cette décision d’annuler a-t-elle affecté personnellement les habitants de l’île? Je laisserai cela à la sagesse du comité.

En tant qu’ancienne vice-présidente du CRTC, Mme Caroline Simard a mentionné — et je vais la citer :

En décidant de ne pas imposer des conditions de licence, du même coup, le Conseil renonce à exercer les pouvoirs corollaires qui lui sont conférés dans la Loi.

Ils avaient le pouvoir de le faire. Ils ont choisi de ne pas le faire. Je peux comprendre qu’ils sont peut-être débordés, mais encore une fois, cela nous ramène au manque d’autonomie des bulletins de nouvelles locales. Vous avez demandé ce qui pourrait être fait. Maintenant, CBC/Radio-Canada va bien à Charlottetown, très bien. Il y a un aspect sur lequel j’entends quelques critiques; c’est qu’il n’y a que deux habitants de l’île au sein de l’équipe. C’est important qu’il y en ait plus car, plus il y en aura, plus ils auront de contacts dans l’île et seront au courant de sujets de reportages possibles et d’événements sur lesquels ils devraient enquêter.

Beaucoup de personnes entrent dans la station locale de CBC/Radio-Canada pour gagner un peu d’expérience, et passent ensuite à autre chose. C’est positif pour tout le monde. Ces personnes apportent des points de vue différents. Elles élargissent leur champ de compétences. Cependant, encore une fois, le manque de contrôle et d’autonomie de la station régionale de CBC/Radio-Canada à Charlottetown est le problème principal. Si la station avait eu cette autorité, les nouvelles locales n’auraient jamais été annulées pendant la pandémie.

En ce qui concerne leurs ressources, au fil des ans, nous avons perdu la couverture sportive qui faisait jadis partie des nouvelles du soir. La couverture sportive locale en a souffert. Cela intéressait une partie importante de l’auditoire. Les gens aiment allumer la télévision pour voir comment se porte leur équipe locale de rugby ou de soccer provinciale. Il y a maintenant une lacune. Ce n’est plus couvert.

Les ressources ne sont plus là pour les nouvelles locales. Elles font du bon travail. Nous avons demandé les cotes d’écoute au CRTC la semaine dernière. Vous verrez qu’elles sont extrêmement bonnes. Peut-être est-ce un aspect que le comité aimerait examiner. Si les cotes d’écoute sont si hautes, le financement devrait suivre. Si leurs cotes d’écoute sont très basses à Vancouver, peut-être qu’ils n’ont pas besoin d’autant d’argent s’ils ne satisfont pas leur auditoire. Les cotes d’écoute, je présume, sont très élevées, à l’Île-du-Prince-Édouard, et on devrait leur accorder des ressources supplémentaires pas seulement pour les garder élevées, mais pour les propulser davantage.

Le sénateur Cardozo : J’aimerais souligner rapidement une chose que nous pourrions faire, grâce à cette étude, en lien avec l’exemple que vous avez donné. Puisque le CRTC finit toujours par se concentrer, jusqu’à un certain point, dans des zones où il y a du bruit, de la demande et de la pression, alors, si nous faisons pression en faveur du service de nouvelles locales, il prendra la chose plus au sérieux. Peut-être que nous pourrions examiner comment il accorde des licences et surveille la programmation locale. Le meilleur argument, et vous l’avez dit à quelques reprises, c’est que nous ne voulons pas que cela se reproduise, ni pendant une pandémie à l’Île-du-Prince-Édouard ni ailleurs au pays.

Votre exemple dit vraiment ce que nous devons faire, c’est‑à‑dire nous concentrer sur le local, le local et encore le local. Nous devons en parler et, espérons-le, le CRTC prendra aussi son rôle plus au sérieux, comme devrait le faire CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Downe : Absolument. Je suis d’accord, sénateur. Je crois que ceux qui se préoccupent de CBC/Radio-Canada se préoccupent de la radio et de la télévision locales. Ce sont les deux priorités. Tout le reste manque d’appui général.

Le sénateur Cardozo : Merci.

Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup, sénateur Downe. J’ai apprécié votre exposé d’aujourd’hui. Si je peux vous faire une confidence, j’admirais, secrètement, Don Messer, Charlie Chamberlain et Marg Osburne. Cette émission a permis de lancer les carrières d’Anne Murray et de Stompin’ Tom Connors. C’était leur premier contact avec des téléspectateurs.

Je crois que la question que vous soulevez ici nous aide à démontrer l’importance et la portée de la programmation régionale, évidemment. Lorsque vous pensez aux personnalités que l’on voit ou que l’on entend, sur les ondes — Bruce Rainnie, Matt Rainnie, Boomer Gallant, le présentateur météo —, les gens planifient leurs jours et leurs semaines en fonction de l’évangile selon Saint Boomer. Vous gagnez la confiance des téléspectateurs et de l’auditoire, de la communauté et, je ne peux que l’imaginer, lorsque cette confiance est compromise, lorsqu’elle est trahie, surtout à ce moment-là — c’était étrange. Dans notre communauté, tout le monde était tourné vers CBC/Radio-Canada pour obtenir des informations, des mises à jour et la vérité.

Ma question était plus en lien avec la question du sénateur Gignac : où est-ce que cela s’est également produit? Vous n’avez pas été en mesure de me fournir beaucoup d’information. Avez‑vous posé ces questions aux personnes avec lesquelles vous avez communiqué? Vous avez dit que vous aviez fait le tour de vos contacts à ce sujet. Avez-vous obtenu plus de renseignements quant à la gravité de la situation?

La réponse que vous avez obtenue à propos de la santé et de la sécurité du personnel de la station — quand on vous a dit être d’accord pour que des gens entrent dans la station de radio — est un peu contradictoire. Avez-vous posé la question aux personnes avec lesquelles vous avez discuté de la situation?

Le sénateur Downe : Oui, au sujet de la santé et de la sécurité, nous avons tous vu des journalistes qui avaient collé un microphone sur un bâton de hockey pour faire des entrevues. Le personnel de CBC/Radio-Canada à Charlottetown était préparé à faire tout ce qui était nécessaire afin d’offrir des nouvelles télévisées. Ce n’est pas le personnel qui a voulu annuler les nouvelles. Au contraire. Le personnel souhaitait maintenir le service.

En ce qui concerne les autres endroits où cela s’est produit, je crois que le Nord a pu continuer, ce qui est bien, mais je n’en suis pas certain. Je sais que le Nouveau-Brunswick, je crois, a perdu le service également. Je ne suis pas certain en ce qui concerne le Cap-Breton et la Nouvelle-Écosse. Ils avaient les installations de Halifax. Vous devriez poser la question à CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Cuzner : D’accord.

Le président : Au nom du comité, sénateur Downe, merci d’être venu et d’avoir fait part de vos réflexions sur cette question alors que nous poursuivons notre étude sur l’information régionale offerte par CBC/Radio-Canada.

Chers collègues, nous allons lever la séance, mais nous allons continuer à huis clos pour nous occuper de questions d’ordre administratif. Merci, sénateur Downe.

Le sénateur Downe : Merci à tous.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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