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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule No. 9 - Témoignages du 2 décembre 2011


OTTAWA, le vendredi 2 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour faire une étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous poursuivons notre étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004. Il s'agit de notre treizième et dernière séance. C'est une table ronde.

Avant d'aborder certains détails, nous pourrions peut-être tous nous présenter. Je vais commencer par le vice- président, le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto.

Dr John Haggie, président, Association médicale canadienne : John Haggie. Je travaille à Terre-Neuve.

Kevin McNamara, sous-ministre, Santé et Bien-être, gouvernement de Nouvelle-Écosse : Kevin McNamara, de Nouvelle- Écosse.

Le sénateur Cordy : Je suis Jane Cordy et je viens aussi de Nouvelle-Écosse.

Dr Michael Schull, scientifique principal, Institut de recherche en services de santé : Michael Schull; je suis un médecin de Toronto.

Steve Morgan, directeur associé, Center for Health Services and Policy Research, Université de la Colombie- Britannique, à titre personnel : Steve Morgan; je suis économiste au Center for Health Services and Policy Research de UBC.

Abby Hoffman, sous-ministre adjointe, Direction générale de la politique stratégique, Santé Canada : Abby Hoffman.

Dr Gregory Taylor, directeur général, Bureau de la pratique en santé publique, Agence de la santé publique du Canada : Greg Taylor.

[Français]

Le sénateur Verner : Bonjour. Mon nom est Josée Verner. Je suis un sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Braley : David Braley, de l'Ontario.

Dr Jack Kitts, président, Conseil canadien de la santé : Jack Kitts.

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver, Colombie-Britannique.

Ian Manion, directeur exécutif, Centre d'excellence de l'Ontario pour la santé mentale des enfants et des adolescents : Ian Manion, d'Ottawa. Je fais également partie du National Infant, Child and Youth Mental Health Consortium.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Debbie Delancy, sous-ministre, Santé et Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Debbie Delancy.

Nadine Henningsen, directrice exécutive, Association canadienne des soins et services à domicile : Nadine Henningsen; je suis aussi la présidente de la Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le président : Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Je remercie tous les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Vous êtes tous déjà venus ici, sauf un. Nous avons le plaisir d'accueillir le Dr Taylor pour sa première rencontre avec notre comité. Vous avez tous été invités à participer pour ce qui, nous l'espérons, sera une dernière séance très importante de ce comité.

Avant que nous ne commencions, je tiens à préciser que c'est une réunion sans contrainte. À l'exception d'une personne, nous vous avons déjà tous entendus. Cette réunion n'a pas pour but revoir ce qui a été fait et d'entendre des exposés. Je précise à mes collègues que nous n'allons pas faire des discours avant de poser des questions, mais plutôt utiliser notre temps pour clarifier et préciser ce que nous disent nos témoins.

Voici comment nous aimerions procéder ce matin : nous avons envoyé à tous les témoins une liste des thèmes qui ont été abordés à de nombreuses reprises au cours de nos délibérations et aujourd'hui, nous voudrions les passer en revue, dans l'ordre où ils figurent sur la liste, en vous invitant à suggérer des idées novatrices dans ces domaines.

Également, nous avons réuni un énorme volume de documents. Par conséquent nous sommes déjà convaincus que certains éléments de l'accord ont besoin d'être réexaminés ainsi que les nombreux enjeux qui s'y rapportent. Aujourd'hui, nous voudrions examiner les idées novatrices concernant chacun des thèmes dont nous allons discuter.

Je suis certain que les personnes que nous avons réunies ici n'auront aucune difficulté à participer à la discussion. Néanmoins, pour ouvrir le débat, nous avons choisi certains d'entre vous pour lancer la discussion sur chaque thème. Vous n'en avez pas été avertis et nous voulons donc que vous nous fassiez part rapidement de vos opinions sur le sujet en question.

Nous avons 10 thèmes. Nous terminerons cette séance à midi. Cela donne environ 20 minutes par thème. Nous allons commencer par le thème no 1. Mes collègues vous demanderont d'apporter, au besoin, certaines précisions. Autrement, à part cela, aujourd'hui, nous laisserons toute liberté à nos témoins pour parler de ces questions. Si une idée novatrice est avancée et si vous avez des arguments importants à faire valoir au sujet de cette idée, n'hésitez pas à intervenir. Nous voulons que cette réunion soit la vôtre. Nous voulons obtenir votre contribution à l'égard des idées novatrices.

C'est un domaine complexe. Nous le savons tous. Pour réaliser des progrès, nous allons devoir trouver quels sont les domaines dans lesquels il est possible de faire quelque chose, c'est-à-dire des exemples de noyaux d'idée; une activité qui peut engendrer un concept novateur. Par « novateur », je veux dire quelque chose qui peut s'appliquer à grande échelle. Une idée n'est pas une innovation tant qu'elle n'est pas appliquée de façon générale dans l'ensemble du système. Une « innovation » est une chose qui est mise en œuvre dans une partie suffisante d'un système.

Je vais commencer par le mécanisme de reddition de comptes et de présentation de rapports. Je vais demander au Dr Kitts de lancer la discussion.

Dr Kitts : Merci beaucoup. C'est une bonne idée de ne pas nous avoir avertis, car nous aurions été très nerveux.

À mon avis, dans n'importe quel système, tout repose sur l'engrenage principal. Si je pense à des organisations qui fonctionnent vraiment bien — et il y a des poches d'excellence un peu partout au Canada — cela commence par une bonne gouvernance. Je soulève donc la question suivante : où est la gouvernance dans le système de santé? La gouvernance apporte une vision, une orientation stratégique, une responsabilisation financière et de la qualité. Dans mon organisation, cela relève du conseil d'administration.

Je travaille dans le système de santé comme médecin depuis 15 ans — et depuis 10 ans comme administrateur —, mais je ne vois pas exactement où est la gouvernance. Ce serait une chose importante à établir et à définir, tant au niveau fédéral, provincial et régional qu'au niveau des services de première ligne. Il y a différents niveaux de gouvernance.

Deuxièmement, en quoi consiste la gestion et quels sont les rôles et les responsabilités des gestionnaires du système? Il n'y a pas un bon alignement, sur ce plan, entre les principaux intervenants du système. Il faudrait donc définir clairement la gestion, l'aligner avec la gouvernance et l'orientation stratégique, et la reddition de comptes aurait lieu aux différents niveaux du système c'est-à-dire au niveau des gouvernements, des conseils d'administration, de la direction, des médecins, et cetera.

Une fois que vous avez cela, le succès dépend de plans d'action clairs axés sur les résultats. Si l'on établit un plan d'action sans comprendre l'alignement et sans savoir où nous allons, je pense qu'on s'expose à des problèmes. Dans bien des cas, nous sommes là parce que le système de santé est composé de personnes brillantes et très novatrices, capables d'atteindre les objectifs. C'est une bonne chose. L'inconvénient est que nous le faisons tous de façons différentes, si bien que la variabilité du système devient presque aussi variable que le nombre de dirigeants.

Une fois que vous avez cela, comme principaux facteurs de succès, il faudrait définir le leadership et promouvoir l'innovation. Comme vous êtes alignés, vous savez quel est l'objectif visé. Le plus important est probablement de mesurer le rendement et de le gérer.

Le président : Je vais désigner une deuxième personne pour chaque thème. Je ne vais pas non plus vous prévenir. Kevin McNamara, je voudrais que vous interveniez. Nous ouvrirons ensuite la discussion.

M. McNamara : En écoutant le Dr Kitts, j'étais d'accord avec ses observations. Pour ce qui est de la reddition de comptes, je crois que nous devons établir les objectifs appropriés en nous basant sur les preuves et mesurer les résultats en fonction de ces objectifs. Il ne sert à rien de s'encombrer de choses inutiles. Par exemple, nous pourrions décider de nous doter d'un certain nombre de gadgets dont nous n'avons pas besoin. Même si nous rendons des comptes à leur sujet, cela n'améliorera pas vraiment notre système de soins de santé. Certaines des choses que nous avons faites dans le cadre du dernier accord ne nous ont pas menés là où nous aurions dû aller.

La reddition de comptes consiste également à chercher des moyens d'améliorer les soins de santé pour les Canadiens et à s'intéresser davantage aux patients qu'aux fournisseurs de services. Le dernier accord nous a trop orientés vers les fournisseurs de soins et les résultats que nous avons atteints. Voilà les deux principales choses que je crois utile de souligner.

Le président : La discussion est ouverte.

M. Manion : Quand nous parlons de reddition de comptes, nous parlons souvent des temps d'attente, du nombre de personnes que nous voyons et de la durée de leur attente. Malheureusement, cela ne permet pas forcément d'évaluer les effets. Ne pourrions-nous pas nous intéresser davantage aux résultats, autrement dit, non pas le travail que nous faisons, mais ce que nous accomplissons grâce au travail que nous faisons? Il peut arriver qu'un bon nombre de patients voient la mauvaise personne, ce qui est particulièrement important en santé mentale, surtout dans le cas des enfants et des adolescents.

En ce qui concerne la reddition de comptes, nous devons établir des cibles basées non seulement sur notre productivité, mais sur ce que nous sommes capables d'accomplir. Il faudrait décider des résultats à atteindre en dialoguant avec ceux qui reçoivent les services — ce ne doit pas être seulement les fournisseurs qui décident ce qui constitue un résultat acceptable. Les personnes qui ont besoin de services dans l'ensemble du système devraient participer à cette conversation.

Nous devons nous rappeler que la reddition de comptes n'est pas du tout la même pour un hôpital que pour un fournisseur de services local. Il peut être très difficile d'établir des normes équitables à tous les niveaux et pour tous les types de soins. On ne peut pas adopter une approche descendante; il faut établir quels seront les résultats pertinents selon une approche inclusive.

Dr Haggie : Quand vous parlez de reddition de comptes, la façon dont elle a lieu actuellement ne fonctionne pas. Il pourrait être utile d'y réfléchir afin de ne pas perpétuer les erreurs du passé.

Lorsqu'on responsabilise les gens, il faut veiller à ce qu'ils aient la possibilité d'exercer une influence sur ce dont ils sont responsables, car dans le cas contraire vous aurez seulement un bouc émissaire. C'est parfois l'impression qu'éprouve le médecin, car lorsque le système ne répond pas aux besoins du patient, c'est lui qui doit rendre des comptes.

Par le passé, dans le cadre de l'accord précédent, on a cherché à faire en sorte que les différents niveaux de gouvernement se rendent mutuellement des comptes, mais cela n'a pas fonctionné du tout. Le système doit rendre des comptes à l'utilisateur final, le patient. Il nous faut un système axé sur le patient afin que le système, les fournisseurs de soins, les administrateurs et le gouvernement aient à démontrer que leurs actes ont pour effet d'améliorer la santé de la population, d'améliorer les soins dispensés au patient et de tirer le maximum de l'argent dépensé.

C'est ainsi que je conçois la reddition de comptes. Vous devez veiller à ne pas rendre les gens responsables de choses sur lesquelles ils n'exercent aucun contrôle.

Dr Schull : Pour ce qui est de la reddition de comptes — et je pense que cette question est reliée à celle de la gouvernance, que le Dr Kitts a soulevée — il s'agit de voir comment l'assurer. Nous serons sans doute tous d'accord pour dire que la gouvernance a lieu principalement au niveau ministériel et qu'elle n'est pas transmise efficacement vers le bas. Comment avoir un système qui donne les résultats, la reddition de comptes et la gouvernance que vous souhaitez?

Si vous cherchez des idées novatrices, je vais en suggérer une. Je pense que nous devrions nous orienter vers une plus grande intégration des soins, vers des systèmes de santé intégrés afin de ne pas penser aux hôpitaux ou aux fournisseurs de services, mais à un système de soins. La seule façon d'y arriver est d'établir quelles doivent être les premières étapes. Un système de santé intégré doit avoir des caractéristiques fondamentales. Il faut d'abord définir la « population de patients ». Nous devons convenir, au niveau régional ou à un niveau géographique quelconque, ou encore en fonction de certains schémas d'utilisation des services, d'une définition de la population de patients qui fait partie d'un système. Chaque système doit avoir des fournisseurs de services, soit les hôpitaux, les soins primaires et les fournisseurs de la collectivité, qui reconnaissent qu'ils font partie de ce système et qu'ils sont responsables de la population de patients et pas seulement de ceux qui se présentent à leur cabinet ou dans leur salle d'urgence ce jour-là, ou même ceux qui se trouvent sur leur liste de patients. Il faut voir plus loin que la liste de patients d'un médecin.

Deuxièmement, nous avons besoin de moyens d'information. Il nous faut des systèmes d'information qui permettent de transférer les renseignements d'un fournisseur à l'autre, facilement, en temps réel. Nous n'avons pas encore ce genre de système, mais nous devrions l'avoir. L'information sur la santé n'a pas fait suffisamment de progrès, au Canada, au cours de la dernière décennie. Il faut accélérer les choses.

Il nous faut des moyens clairs de mesurer les résultats centrés sur le patient dont nous avons parlé. Il faut que nous puissions les mesurer rapidement et en temps réel et que nous puissions aligner nos incitatifs sur ces résultats. À l'heure actuelle, les incitatifs ne sont absolument pas alignés dans la plupart des cas. Il y a des exceptions et on a commencé à en établir, mais il faut s'efforcer sérieusement de mettre en place des incitatifs s'alignant sur les résultats que nous essayons d'atteindre de même que sur le partage de la responsabilité de ces résultats entre les fournisseurs de services. Ce n'est pas seulement ce qu'un médecin de famille fait dans son cabinet, par exemple, le fait qu'il prescrive ou non un mammogramme. C'est plutôt la responsabilité qui est partagée entre un fournisseur de soins primaires, les fournisseurs de soins de la collectivité et les spécialistes de l'hôpital à l'égard des résultats pour les patients diabétiques, des taux d'admission, de la gestion de l'hémoglobine, et cetera.

Nous devons commencer à bâtir ce genre de systèmes. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour autant de démolir le système actuel. Ce sont des choses qui pourraient s'ajouter au système actuel, mais il faut commencer. Nous devons étudier les systèmes hautement performants qui existent ailleurs. Aux États-Unis et en Europe, il y a des exemples de systèmes qui présentent ces caractéristiques, dans un environnement financé par l'État, sans que cela ne coûte plus cher que notre propre système. Nous devons définir très clairement vers quoi nous devons nous diriger, car sinon nous n'y arriverons pas.

M. Morgan : J'aurais deux observations à formuler : l'une qui semble être le point de vue d'un économiste et l'autre, le point de vue d'un politicologue.

Pour ce qui est de la reddition de comptes et des mesures, il faut faire attention à ce que nous mesurons. La critique que l'on peut faire au sujet de ce qui s'est passé en 2004, c'est qu'on a établi des objectifs pour 10 ans sans les réviser périodiquement. Les systèmes ont tendance à s'adapter et à se comporter en fonction de ce que vous attendez d'eux. Néanmoins, les mesures du rendement du système de santé montrent qu'il faut continuellement réviser ces mesures du rendement afin qu'elles correspondent à l'évolution du système. Il ne faut pas fixer des valeurs de référence pour 10 ans, mais plutôt établir un processus d'établissement des valeurs de référence pour chacune de ces 10 années.

La deuxième chose qui me vient à l'esprit en ce qui concerne la reddition de comptes dans le système de soins de santé canadien, c'est que les données sont une arme à double tranchant pour les provinces et les systèmes de soins de santé. Les données concernant le rendement du système de santé peuvent avoir de bons et de mauvais côtés pour les gestionnaires, et surtout pour la classe politique. D'une part, elles les aident à gérer leur système, mais de l'autre elles les obligent à rendre des comptes, par exemple lorsqu'un journal laisse entendre, qu'une province a de meilleurs résultats qu'une autre.

Si nous adoptons une stratégie nationale, nous ne devons pas oublier que les provinces détiennent actuellement une bonne partie de l'information et qu'il faut obtenir leur collaboration. Il faut les forcer à participer aux cadres de responsabilisation. On peut le faire au moyen de lois ou de règlements qui confèrent à un organisme comme le conseil de la santé des pouvoirs comparables à ceux d'un vérificateur général. Toutefois, ce n'est probablement pas suffisant. Je pense que nous avons besoin de trouver un système qui amènera les provinces à se rallier et à penser qu'elles ont avantage à faire partie du système.

Pour cela, je mettrais deux carottes sur la table. Premièrement, j'investirais dans des dossiers de santé électroniques, comme l'a suggéré le Dr Schull et je demanderais au gouvernement fédéral d'offrir plus d'argent — je sais que vous en avez longuement discuté — pour aider plus de provinces à accélérer la mise en œuvre de la stratégie d'information électronique dans les soins de santé au Canada afin d'avoir accès aux données générées par ce genre de système.

En deuxième lieu, j'aiderais les provinces à résoudre leurs propres problèmes de reddition de comptes dans leurs systèmes. Cela pourrait être grâce à des mécanismes de collecte et d'analyse de l'information qui permettraient à une province de connaître non seulement le niveau de rendement de la province, ce qui, je le sais, intéresse le gouvernement fédéral, mais aussi le rendement des différents systèmes de la province.

À cet égard — et cela a déjà été demandé — il est possible que le Canada crée une sorte d'observatoire de la santé qui aurait les pouvoirs du Conseil de la santé du Canada, mais en disposant des données qui existent actuellement au sein des Instituts canadiens d'information sur la santé et sans doute aussi au sein de certains centres de recherche sur les services de santé provinciaux. Ce serait un endroit où vous pourriez réunir les connaissances et les données pour établir des rapports réguliers, là encore, avec des valeurs de repère qui seraient modifiées et adaptées périodiquement, et non pas fixées pour 10 ans.

Mme Henningsen : Pour revenir sur l'idée de l'intégration et des données, j'aurais une idée très concrète à suggérer. Vous ne pouvez pas rendre des comptes si vous ne pouvez pas faire de mesure. C'est une des difficultés que nous avons constatées dans le domaine des soins et services à domicile quand le récent plan décennal a été mis en œuvre. Je suggérerais une série d'outils qui sont actuellement utilisés et appliqués sporadiquement dans l'ensemble du pays, qu'on appelle les outils d'évaluation interRAI. Je n'entrerai pas dans les détails, car je suis certaine que vous pourrez les trouver, mais interRAI est un système très révélateur, car il mesure l'évaluation du client et l'intègre dans une évaluation du système, puis une évaluation de la politique. Vous collectez les données en première ligne afin d'être vraiment centré sur le patient, mais ces données peuvent aussi vous aider à prendre des décisions politiques et à rendre des comptes.

Les soins à domicile sont un maillon de la chaîne. Nous travaillons en relation avec les soins aigus, les soins primaires et les soins de longue durée et nous devons donc communiquer avec tous ces secteurs différents. Le système interRAI nous permet d'utiliser un langage commun. Même si nous avons tous des désignations différentes pour nos services, quand vous utilisez interRAI, vous pouvez avoir des données comparables pour évaluer les résultats d'un client, que ce soit au niveau des soins de longue durée, des soins aigus, des soins primaires ou des soins à domicile. C'est un système intéressant, mais qui pose un défi sur le plan de sa mise en œuvre et de son coût et pour ce qui est d'amener les provinces au point où elles pourront vraiment recueillir les données et les utiliser. L'intégration des données est vraiment importante, mais si nous n'avons pas les outils voulus pour collecter les données, cela pose un sérieux problème.

Mme Delancy : Il est important, en ce qui concerne la reddition de comptes, de faire la distinction entre les conséquences et les résultats. En tant que gestionnaires et administrateurs, nous devons nous assurer de la viabilité du système et en faire rapport. Nous rendons compte des résultats.

Pour revenir sur ce qu'a dit le Dr Schull, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons un groupe de médecins qui explorent la possibilité de mettre en place des dossiers de santé électroniques et des dossiers médicaux électroniques pour pouvoir suivre les résultats sur la santé de la population. Nous sommes dans une situation particulière parce que tous nos médecins sont salariés. Nous n'aurons qu'un DME pour tout le territoire. Si vous cherchez un exemple d'innovation, les outils de santé électroniques offrent un énorme potentiel pour suivre les résultats de soins de santé et des patients à plusieurs niveaux. Je vais répéter ce que le Dr Schull et le M. Morgan ont dit, à savoir que cet investissement est nécessaire. Je pense toutefois qu'on le rentabilisera de bien des façons.

Le président : Je vais maintenant donner la parole au sénateur Eggleton, puis de nouveau au Dr Kitts pour qu'il puisse conclure. Je n'arrête pas de penser à tout cela et je voudrais laisser du temps, à la fin, pour que les participants puissent nous faire part des idées brillantes qui leur seront venues à l'esprit pendant cet échange de vues. Bien sûr, je vais faire preuve de fermeté pour clore le débat sur chacun des 10 thèmes.

Le sénateur Eggleton : J'apprécie les nombreuses idées que vous émettez. Il faut que je les comprenne, de même que le comité, je crois, dans le contexte de la situation actuelle et le contexte des travaux du comité. Notre comité a été établi pour procéder à l'examen du plan de 2004. Je m'intéresse beaucoup plus au plan de 2014. Je m'intéresse beaucoup plus à la prochaine étape. Nous avons besoin d'idées concrètes. J'ai bien peur que nous ne puissions pas faire certaines choses comme définir la « gouvernance » ou la « gestion » dans le contexte des travaux du comité. J'ignore qui s'en chargera, mais ce sera plutôt la table fédérale-provinciale-territoriale. Nous avons besoin d'idées concrètes que nous pourrons inclure dans le rapport que nous enverrons au gouvernement fédéral. N'oubliez pas que nous allons soumettre un rapport au gouvernement fédéral qui sera présent à la table, et plus particulièrement à la ministre de la Santé.

Si vous pouviez émettre vos idées dans ce contexte, afin que nous puissions les explorer davantage, ce serait préférable.

Personnellement, en ce qui concerne les 6 p. 100 que le gouvernement fédéral mettra sur la table pour deux ans, j'estime que nous devrions utiliser la totalité de cet argent pour acheter une réforme des systèmes. Les réflexions à ce sujet nous aideraient également.

Comme vous allez bientôt conclure le débat sur cette question, il semble que ce soit la seule occasion de parler des temps d'attente, qui constituaient le principal élément de l'accord de 2004. Qu'est-ce que le comité devrait dire au gouvernement fédéral au sujet des temps d'attente? Devrions-nous dire : « La situation s'est un peu améliorée »? C'est comme l'histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. Je lis des articles disant que dans le contexte international, notre situation n'est pas très brillante sur le plan des temps d'attente.

Devons-nous faire davantage de progrès dans les cinq domaines désignés dans l'accord de 2004? Devons-nous insister sur d'autres domaines?

Dr Kitts : Je répéterais qu'on parle souvent de reddition de comptes dans le domaine des soins de santé. Chacun a sa propre interprétation de ce que cela veut dire. C'est généralement une entente de services selon laquelle vous avez droit à tant d'argent pour tel volume. Ce n'est pas une vraie reddition de comptes.

Comme je l'ai dit, il faut commencer par la base, améliorer la gouvernance, améliorer la gestion et comprendre les rôles et les responsabilités vis-à-vis des résultats. Il faut rendre compte des résultats.

Je voudrais revenir sur une chose qui a été répétée à plusieurs reprises ici, mais je veux que ce soit clair. Il ne peut pas y avoir de reddition de comptes si vous ne pouvez pas mesurer le rendement. Nous avons beaucoup de données agrégées et d'estimations vieilles d'un an ou deux concernant le rendement du système. Comme l'a dit le Dr Schull, nous avons besoin de données sur le rendement en temps réel qui veulent dire quelque chose pour les gens en première ligne.

Je dirais qu'il faut investir dans la mesure du rendement, établir les objectifs et demander aux gens de rendre des comptes à la condition qu'ils aient le pouvoir d'apporter des changements.

Le président : Nous passons au deuxième thème, Qualité des soins de santé et sécurité des patients. C'est M. Manion qui va lancer le débat.

M. Manion : Dans le domaine de la santé mentale des enfants et des adolescents, nous avons demandé aux jeunes de nous aider à comprendre quelle devrait être la qualité des soins. Ils ont participé à l'élaboration de normes de qualité pour leurs soins de santé mentale qui ont été intégrées dans les normes d'accréditation. Les jeunes ont fait partie d'équipes d'accréditation pour veiller à ce que ces normes soient respectées.

Quand nous parlons de la qualité des soins, nous devons parler de l'expérience des soins. Les personnes les mieux placées pour comprendre l'expérience des soins sont celles qui reçoivent des soins, que ce soit des soins de santé mentale ou des soins de santé physique. Il y a aussi la prévention ou la promotion de la santé pour ce qui est de voir si nos résultats sont bien ceux que nous pensons atteindre à tous les niveaux de soins.

Mme Henningsen : Nous devons tenir compte non seulement de l'expérience du patient et de l'expérience des soins, mais aussi de l'expérience des soins dans l'ensemble du système. Nous parlons de systèmes intégrés, mais nous mesurons la qualité au sein de structures différentes. Il faut que nous envisagions un système de vérification de la qualité qui ne soit pas compartimenté et qui ne va pas mesurer seulement l'expérience que je vis lorsque je consulte mon médecin de famille, mais toute celle que je vis en tant que patient qui utilise le système de santé. Les patients ne voient pas les différents compartiments; c'est nous qui les y plaçons. Par conséquent, pour avoir un système d'assurance qualité, nous devons réfléchir, aux niveaux national et provincial, à ce que devraient être les caractéristiques d'un système d'assurance qualité intégré. Comment mesurons-nous la qualité dans un système intégré?

Dr Schull : Pour faire suite à ce qu'a dit Mme Henningsen, nous parlons de la transition d'un niveau de soins à un autre. Nous avons un sérieux problème en ce sens que dès que vous passez d'un compartiment à un autre puis aux soins primaires, par exemple lorsque vous êtes renvoyé vers un spécialiste, lorsqu'un service de santé communautaire vous dirige vers des soins primaires ou vice versa, quand le service d'urgence renvoie un patient à la maison, dès que vous faites la transition, le système commence à se désagréger rapidement.

Quand nous parlons de la qualité des soins et de la sécurité du patient, nous avons tendance à mesurer les résultats à l'intérieur de chaque compartiment, comme on l'a dit, alors qu'il faudrait mesurer aussi la transition. Il ne s'agit pas seulement de mesures de temps, mais aussi de mesures basées sur les résultats incluant les deux compartiments.

Il s'agit d'un défi très important qui pourrait être intégré dans un futur accord sur la santé, ce qui veut dire que la prochaine phase des mesures devrait porter sur la transition entre les niveaux de soins.

De plus, je ne pense pas que quoi que ce soit fonctionnera à moins que les fournisseurs de soins primaires ne fassent de sérieux efforts sur le plan de la gouvernance. À l'heure actuelle, dans pratiquement chaque province et territoire, à l'exception, peut-être, des Territoires du Nord-Ouest, les fournisseurs de soins primaires n'ont pas vraiment de systèmes de gouvernance au niveau local ou même provincial. Tout est basé sur des contrats de services, ce qui n'est pas efficace.

Tant que nous n'aurons pas résolu ce problème — et il est facile à résoudre, il suffit de s'en donner la peine — nous n'irons pas bien loin. Les soins primaires occupent une place trop importante dans ce débat.

Dr Haggie : J'offrirais une autre perspective qui pourrait être utilisée comme un outil plutôt qu'une simple série de principes. Le document avec ma photo que vous avez brandi tout à l'heure parle, en fait, du triple objectif de l'Institute for Healthcare Improvement.

Le but ultime des soins de santé est une population en bonne santé. Par conséquent, en plus d'une meilleure expérience pour le patient, d'une meilleure expérience des soins de santé et d'une meilleure santé pour la population, le troisième élément est l'optimisation des ressources financières ou de l'investissement. Vous pouvez utiliser ces trois objectifs pour des petits sous-groupes, les soins centrés sur le patient et la qualité des soins constituant l'expérience du patient tandis que la promotion de la santé, le bien-être et l'équité constituent l'expérience sur le plan de la santé de la population. Enfin, l'optimisation des ressources financières correspond à la durabilité et à la reddition de comptes. Si vous utilisez cela comme baromètre pour évaluer toute recommandation découlant du prochain accord ou pour évaluer tout compartiment, allant de la politique jusqu'à la gestion clinique, vous pouvez établir dans quelle mesure ces six critères sont appliqués.

Vous donne-t-on le feu rouge? Vous donne-t-on le feu vert? Quelles mesures pouvez-vous utiliser pour voir si l'initiative ou l'innovation en question va répondre à un besoin? Est-elle centrée sur le patient? Est-elle centrée là où il faut? Une bonne partie de l'innovation a été centrée sur les institutions et les structures plutôt que sur les patients. Au lieu d'utiliser ces critères comme des principes abstraits, vous pouvez en faire votre pierre de touche pour évaluer quelle pourrait être la prochaine étape.

M. McNamara : Lorsqu'on examine la qualité, les soins primaires sont extrêmement importants. Nous devons réfléchir aux moyens de donner aux patients accès aux soins le plus rapidement possible, car les retards créent aussi un bon nombre des problèmes que nous connaissons.

Même quand un patient a accès aux soins, à cause du barème d'honoraires actuel, souvent quand il se présente, nous constatons un ou deux problèmes lorsqu'il s'agit de maladies chroniques, surtout chez les personnes âgées. Les patients doivent prendre deux ou trois rendez-vous, ce qui requiert de nombreuses tentatives. Par conséquent, nous devons vraiment changer la façon dont nous procédons. Si nous voulons améliorer la qualité, nous devons changer le barème des honoraires payés aux médecins.

Nous devons aussi réexaminer le principe de la proximité des soins. Nous avons parfois l'impression que nous devrions pouvoir tout faire partout alors que le manque d'expérience peut causer du tort aux patients. Nous devons changer cette mentalité afin de faire un bon usage des compétences et expliquer aux citoyens pourquoi nous faisons les choses différemment, pourquoi certaines personnes doivent se rendre dans des centres spécialisés et pourquoi d'autres interventions peuvent être faites dans la communauté locale.

Le président : Je vais redonner la parole à Mme Henningsen pour une dernière observation, après quoi nous allons entamer le troisième thème.

Mme Henningsen : Je vais revenir sur ce qu'a dit le Dr Haggie au sujet du triple objectif. C'est un excellent cadre de travail. En fait, pour mesurer la qualité, la Fraser Health Authority, en Colombie-Britannique, utilise le modèle du triple objectif pour un groupe particulier de la population. Elle s'en sert comme d'un baromètre pour ses services de soins primaires. Elle utilise des mesures très claires et j'insisterais donc sur l'utilité d'examiner cette approche de la qualité et de l'évaluation dans un système intégré. C'est vraiment simple et c'est également facile à comprendre pour les Canadiens, car il s'agit seulement de trois grands critères et c'est ensuite adapté en fonction de la population de patients concernée.

Le président : Je voudrais avoir du temps, à la fin de la réunion, pour que nous puissions discuter librement des idées qui émergent au fur et à mesure. Je vais donc être rigoureux pour le passage d'un thème à l'autre.

Nous passons maintenant au troisième thème, qui est l'Intégration de la prestation des services de santé. Le Dr Schull va commencer.

Dr Schull : Nous avons déjà couvert ce sujet, mais je pense qu'il est d'une importance cruciale. Pour répondre à la question du sénateur Eggleton au sujet de ce que nous pouvons recommander, je pense que les questions entourant l'intégration peuvent être centrées, du moins au départ, sur la transition entre les niveaux de soins et qu'il faudrait voir comment les patients ont accès au système et se déplacent d'un système à l'autre ou à l'intérieur d'un système.

À l'heure actuelle, les problèmes d'intégration se manifestent un peu partout dans le pays, que ce soit au niveau de l'accès aux soins primaires quand on en a besoin, au niveau de la transition vers des soins spécialisés, de la transition de l'hôpital au domicile, et cetera. Si votre comité pouvait, pour le nouvel accord sur la santé, recommander au gouvernement fédéral de centrer son attention sur la transition entre les niveaux de soins, vous réaliseriez un certain nombre de choses. Si vous voulez acheter des changements avec les 6 p. 100 sur lesquels je suis entièrement d'accord, ces changements pourraient être axés sur la transition entre les niveaux de soins. Vous n'arriverez à rien, à moins d'améliorer la gouvernance et la reddition de comptes au niveau local. Vous n'arriverez à rien, à moins d'avoir des mesures portant sur la transition entre les niveaux de soins et pas seulement sur le nombre de hanches et de genoux que vous remplacez au cours du mois. Il s'agit de mesurer les résultats des soins dispensés d'un bout à l'autre du système en s'intéressant aux patients.

Vous n'arriverez à rien, à moins de construire et d'améliorer des systèmes d'information électroniques sur la santé qui fonctionnent en temps réel.

À mon avis, l'intégration pourrait être le thème du prochain accord sur la santé. Il est essentiel que nous nous y intéressions, pas forcément à l'exclusion des autres questions, mais il s'agit d'un moteur ou d'un catalyseur important qui permet d'obtenir toutes sortes d'autres changements dans le système.

Mme Henningsen : Pour poursuivre sur la transition entre les niveaux de soins et revenir au concept du triple objectif, lorsque vous vous penchez sur la transition entre les niveaux de soins, vous cherchez à améliorer la santé de la population de patients, à améliorer l'expérience du client et finalement, votre objectif est de maintenir ou de réduire le coût des soins. La transition est un facteur de coûts et de mécontentement à l'égard du système, que ce soit du point de vue du patient ou du point de vue du fournisseur de services.

Je ne sais pas si cela pourrait figurer dans les recommandations du comité, mais nous avons vu qu'un changement idéologique peut être un puissant instrument d'intégration. Nous l'avons constaté en Ontario, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique où l'on donne la priorité aux soins à domicile. Le domicile est le meilleur endroit. Nous voulons fournir les meilleurs soins là où réside le patient. C'est une idéologie répandue dans toute la province. La gouvernance, la gestion et tous les autres éléments d'intégration reposent alors sur cette idéologie. Si vous n'avez pas une idéologie bien claire, les gens oublient pourquoi ils procèdent à une intégration, car l'intégration exige un travail difficile et continu. Nous devons nous pencher sur la transition entre les niveaux de soins, mais envisager également un véritable changement d'idéologie.

M. Manion : Pour ce qui est de la transition entre les niveaux de soins, je suis d'accord. Je pense qu'il y a des possibilités réelles. Nous ne pouvons pas oublier la transition entre les groupes d'âge. Que ce soit la transition des soins pédiatriques aux soins pour adultes, de la santé mentale aux soins chroniques, nous savons que c'est là qu'un grand nombre de nos patients sont laissés pour compte. Dans le domaine des soins aux personnes âgées, il y a eu un changement quant à savoir qui prend les décisions au sujet de la nature des soins. L'âge doit être un facteur crucial si cela doit devenir une priorité.

Sur le plan de l'intégration, nous avons l'occasion de réintégrer l'esprit et le corps. Si vous avez, au sein des équipes de santé, la possibilité d'intégrer les soins de santé mentale dans les soins de santé physique, pour offrir des soins holistiques, vous réduisez déjà la stigmatisation, car cela évite l'intervention d'une deuxième sorte de praticien. Le patient n'est pas envoyé vers un type de soins différents. Cela fait partie intégrante des soins de santé, un point c'est tout. Si vous prenez les équipes de soins de santé ou les équipes de santé familiale, des professionnels de la santé mentale en font partie, mais c'est une chose que nous n'avons pas faite systématiquement par le passé. Toutefois, il est évident que ces modèles donnent la preuve de leur efficacité et si nous recherchons l'intégration, ce devrait être un élément essentiel.

Le sénateur Eggleton : J'essayais de voir quelles améliorations nous pourrions proposer, pour la santé mentale, dans nos recommandations. Vous avez dit qu'il fallait l'intégrer dans le système de soins primaires. Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter à cela?

Dr Haggie : J'allais aborder un sujet légèrement différent, mais comme nous en sommes à la santé mentale et à l'intégration, je dirais que je suis tout à fait pour.

Par exemple, dans mon établissement, les dossiers de santé mentale sont gardés entièrement à part. Ils ne sont même pas électroniques. Ils sont sur papier, ce qui a causé de véritables désastres cliniques à cause de la séparation de la santé mentale et de la santé physique, qui est entièrement artificielle. Cela découle, je pense, de la stigmatisation des années 1940 et 1950. Sur le plan purement pratique, ce serait un moyen facile de travailler à la résolution de ce problème.

On a fait allusion aux temps d'attente et aux solutions pour les réduire. Le problème c'est que les temps d'attente sont le symptôme d'un problème qui se produit dans un autre compartiment. Tous les lits discrétionnaires de mon établissement, ceux que j'utiliserais pour la chirurgie non urgente, ceux auxquels mes collègues chirurgiens orthopédiques auraient normalement accès pour remplacer des hanches et des genoux, sont occupés par des personnes qui pourraient être soignées mieux, pour moins cher et de façon plus agréable ailleurs. Néanmoins, à cause des transitions dont nous avons parlé et du fait que nous avons non pas un système, mais de nombreux petits systèmes qui ne se parlent pas entre eux, les efforts déployés pour réduire les temps d'attente étaient appropriés, que vous ayez choisi ou non les cinq bons domaines et que vous deviez ou non utiliser ce paradigme et l'élargir. Personnellement, je pense que vous devriez le faire, car cela montre que si vous avez des délais courts, des échéanciers et des résultats mesurables, vous pouvez faire une meilleure utilisation de l'argent disponible.

Si vous voulez améliorer vraiment les choses, vous pourriez libérer 25 p. 100 de vos lits d'hôpital en réglant les problèmes auxquels les groupes de Mme Henningsen sont confrontés quotidiennement. Ils n'ont tout simplement pas l'infrastructure ou l'argent voulu pour gérer ces problèmes. Ce n'est pas de leur faute; c'est seulement à cause de la façon dont c'est organisé. Je ne peux pas faire mon travail parce que ces patients ne sont pas placés là où ils devraient l'être.

M. Manion : Une des difficultés auxquelles le Dr Haggie a fait allusion est que dans certains établissements, nous n'avons pas les mêmes systèmes. D'autre part, nous ne comprenons pas bien le rôle de l'autre personne. Si nous parlons de la stigmatisation dans le domaine de la santé mentale, ceux qui propagent le plus de stigmatisation sont probablement les fournisseurs de soins de santé mentale et les fournisseurs de soins de santé physique, car ils ne comprennent pas et ne respectent pas leurs rôles respectifs. C'est certainement un domaine dans lequel nous pouvons apporter des améliorations très nettes sur le plan de la qualité des soins, grâce à une meilleure intégration. C'est une question d'éducation, que ce soit au niveau de la formation fondamentale des professionnels de la santé des différentes disciplines et des différents secteurs ou d'une formation continue dispensée au personnel de la santé pour leur perfectionnement.

Mme Delancy : Nous avons beaucoup entendu parler de la transition entre les niveaux de soins et de l'intégration de la santé mentale dans le modèle de soins primaires. Si nous utilisons un véritable modèle de soins primaires, nous réglerons un bon nombre des problèmes au niveau de la transition et de la continuité des soins.

Néanmoins, je voudrais dire qu'il y a au Canada, de nombreuses collectivités, y compris 32 sur les 33 de mon territoire, où la population n'est tout simplement pas assez importante pour qu'on lui fournisse des services complets de soins primaires. Nous devons faire preuve d'innovation pour assurer la continuité des soins et la qualité des résultats pour le patient. Une approche novatrice que nous commençons à mettre en place dans les Territoires du Nord-Ouest consiste à utiliser la fonctionnalité de télésanté pour créer des équipes virtuelles. Nous essayons d'utiliser des équipes de soins primaires virtuelles grâce auxquelles un psychiatre ou un médecin de Yellowknife pourrait travailler avec un professionnel de la santé mentale et un patient dans une petite communauté. Un bon nombre de ces concepts sont déjà difficiles à réaliser dans une grande ville, alors quand vous devez le faire dans des communautés isolées, cela devient encore plus compliqué.

Dr Haggie : J'ai un exemple pratique de l'utilisation de ce système. Dans le Nord du Labrador, il y a « Rosie le Robot ». Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais ce système a été mis en place en partenariat avec le Dr Jong, le vice-président des services médicaux de la région. C'est une façon hautement technologique de faire quelque chose de très peu technologique, l'envoi d'un médecin au chevet du patient, et c'est ce qui a été fait en partenariat avec les soins de santé. Il s'agit d'une caméra de télévision et d'un écran sur roulette. Rosie est allée à Nain, une communauté accessible seulement par avion pendant la journée, mais pas par mauvais temps. Elle fonctionne depuis 15 mois. Elle a d'ailleurs sauvé la vie d'un homme qui avait reçu une balle dans la poitrine, car un médecin de Goose Bay a pu guider l'équipe médicale pour ressusciter littéralement ce patient, à cinq minutes de la mort.

En outre, cela a permis de transformer 28 évacuations médicales d'urgence en évacuations programmées ou même d'annuler l'évacuation. Ces patients auraient dû être transportés par un Cormorant et selon un article que j'ai lu récemment, ces vols coûtent 32 000 $ de l'heure.

Il s'agit d'un voyage de deux heures et demie et 28 patients ont pu s'abstenir de quitter la communauté en 15 mois. Rosie aurait pu avoir deux bébés pour ce montant d'argent. Elle a coûté 150 000 $. C'est un moyen hautement technologique d'offrir un service très peu technologique, c'est-à-dire la présence d'un médecin au chevet du patient. Je suggère donc de développer la télésanté.

Le président : C'est une excellente intervention. Merci.

M. McNamara : Je pense à l'intégration. Pour moi, l'intégration est une évidence si nous voulons des effets positifs, car nous avons besoin de promouvoir la santé. Nous devons faire davantage de choses au niveau de la communauté. Nous devons commencer par le bas.

Je vais vous donner un bref exemple de ce qui se fait en Nouvelle-Écosse. Certains de nos petits services d'urgence ne reçoivent pas de patients pendant la nuit. Nous dirigeons les patients vers les centres d'urgence où nous avons, pendant la nuit, un technicien d'urgence et une infirmière qui voient les patients. Si le patient vient pour consulter un médecin, on lui suggère de revenir le lendemain.

Cela présente plusieurs avantages. Premièrement, comme le médecin n'est pas là le soir ou vient seulement sur appel, il peut faire plus d'heures pendant la journée. Les patients ont maintenant accès à un médecin le jour même ou le lendemain parce que nous avons plus de médecins sept jours sur sept, de 8 heures du matin à 20 heures le soir.

Deuxièmement, ce n'est pas le gouvernement qui a demandé que ces patients voient le médecin le lendemain. Le mérite revient au personnel de la clinique. Si un patient ne se présentait pas, le personnel lui téléphonait le lendemain à la maison.

Ce sont là certains moyens de commencer à changer le modèle de soins pour pouvoir faire bouger les choses. Cela montre qu'on peut innover, comme c'est le cas dans le Nord. Nous devons le faire pour faciliter l'accès.

Dr Kitts : Je suis d'accord avec tous les autres. L'intégration est un énorme facteur de succès. Pour y parvenir, il faut supprimer le cloisonnement, pas seulement entre les organisations, mais entre les différents niveaux de soins. À l'Hôpital d'Ottawa, nous avons le problème de l'ANS, l'autre niveau de soins. L'équipe et moi-même, nous nous sommes dit qu'en soins aigus, la question qu'il faudrait se poser est la suivante : ce patient a-t-il besoin d'un lit de soins aigus? Malheureusement, la question que l'équipe pose est : Ce patient peut-il retourner chez lui? Dans le secteur des soins aigus, vous n'en avez aucune idée, car vous ignorez quels sont les services disponibles. Récemment, nous avons fait venir à l'hôpital le directeur du CASC, le centre d'accès aux soins communautaires, nous lui avons donné un bureau en lui disant : « Quand nous décidons que le patient n'a plus besoin d'un lit de soins aigus, c'est à vous de prendre la relève. » Nous ne pouvons pas passer trop de temps à essayer d'établir s'il faudrait opter pour des soins de longue durée, des soins à domicile, des soins complexes continus ou tous les niveaux de soins différents. C'est un pas dans la bonne direction. Ce n'est pas facile, mais s'il est bien dirigé, le travail d'équipe est vraiment essentiel pour assurer l'intégration.

Le président : Le quatrième thème est la rémunération des fournisseurs des soins de santé. Je vais demander à M. Morgan de commencer.

M. Morgan : C'est certainement un bon sujet pour 2014, en partie parce que les données montrent maintenant que le paiement des services de santé, et plus particulièrement la rémunération des fournisseurs de soins de santé, est l'un des gros facteurs de coût de notre système. Je crois que les provinces seraient prêtes à entamer des négociations au sujet de la rémunération des fournisseurs de soins de santé, pourvu qu'on leur force un peu la main.

Il ne fait aucun doute que le système de rémunération à l'acte qui domine le secteur des soins de santé primaires au Canada est un modèle qu'il faut modifier. Les provinces font des progrès sur ce plan en amenant les médecins à accepter d'autres formes de rémunération. Certaines données nouvelles laissent entendre qu'il s'agit de formes de rémunération supplémentaire qui ne remplacent pas la rémunération à l'acte, mais qui s'y ajoutent.

Les études sur le sujet laissent entendre qu'il n'y a pas de solution magique; il n'y a pas une forme de rémunération qui donnera des résultats optimums, mais les meilleurs systèmes sont ceux où l'argent suit le patient et qui incitent à produire des résultats au lieu d'augmenter le volume de services fournis.

C'est un domaine dans lequel l'accord de 2014 pourrait avoir des effets en prévoyant un financement basé sur le patient pour les soins primaires dans les provinces, peut-être en fonction d'un certain pourcentage de la population desservie ou d'un modèle de ce genre pour la prestation des soins de santé primaires. Pour ce qui est de la politique des provinces, si elles sont tenues de suivre une certaine voie, cela pourrait peut-être les aider, dans un certain sens, parce que lorsqu'elles négocient avec les associations médicales de la province, cela leur pose un sérieux problème. Des directives fédérales pourraient les aider pour ces négociations.

Dr Schull : Je serais d'accord avec M. Morgan. En ce qui concerne le nouvel accord sur la santé et les suggestions concrètes concernant les incitatifs, le mauvais alignement des incitatifs, qui vont même parfois dans la direction contraire, pose un sérieux problème. Dans l'exemple que le Dr Kitts a mentionné du CASC que l'on fait venir à l'hôpital, le succès serait encore plus grand si le budget du CASC dépendait de la rapidité avec laquelle les patients peuvent sortir de votre hôpital.

Pour le moment, nous avons deux enveloppes budgétaires entièrement séparées, si bien que les incitatifs ne sont pas alignés. Les incitatifs des CASC ne sont pas alignés sur ceux du secteur des soins aigus. Je pourrais vous donner un millier d'exemples comme celui-là.

Nous devons mieux aligner les incitatifs. Je regrette d'avoir à le répéter, mais c'est une question de gouvernance. Si vous avez un seul et même organisme responsable de toutes ces enveloppes, cela crée un incitatif. Si les patients quittent plus rapidement le secteur des soins aigus pour se rendre dans les CASC, chacun sera conscient d'économiser de l'argent au lieu de se dire que si l'autre service économise de l'argent, cela lui coûte de l'argent.

Deuxièmement, si nous nous éloignons du système de rémunération à l'acte, et je suis d'accord pour dire que c'est essentiel, nous pouvons mettre en place de nouveaux incitatifs au lieu d'essayer de faire exploser le système de rémunération à l'acte, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain. Tout nouvel incitatif doit être centré non pas sur l'activité du fournisseur de soins, mais sur le paiement global reflétant un épisode complet de soins. Cela fonctionne très bien pour les interventions optionnelles pour lesquelles vous payez à l'hôpital les coûts de l'hospitalisation, le coût des visites externes, les coûts de réadaptation, tout cela en un seul paiement. Pour les maladies chroniques, vous pouvez opter pour les modèles de résultats collectifs dans lesquels les paiements se basent sur les résultats au niveau du patient et ne vont pas à un seul fournisseur. Par exemple, si un patient diabétique a un meilleur taux d'hémoglobine A1C et qu'il y a une population de diabétiques donnée qui est gérée par une population de médecins de soins primaires et de spécialistes donnée, ces fournisseurs de soins partagent ensemble les incitatifs résultant de l'amélioration des résultats pour ces patients.

Là encore, au lieu que j'envoie un patient chez un endocrinologue pour qu'il puisse être payé pour ses services, cela m'incite à prendre simplement le téléphone pour dire : « J'ai un problème. Est-ce que je devrais simplement modifier la dose de ce médicament ou prescrire un médicament supplémentaire? » Tout le monde sera payé. En fin de compte, ce sont les résultats qui sont évalués et payés et non pas l'acte d'examiner le patient.

Cela nous ramène à la question de la télémédecine. Cela offre d'énormes possibilités. Comment payer pour ce service? Nous n'avons pas de bonnes structures pour payer les médecins à l'autre bout de l'écran de télévision. Cela fonctionne dans certains cas, mais pas dans d'autres. Ce ne sont pas des problèmes difficiles à résoudre, mais il faut avoir le désir et le courage de s'attaquer à ces questions parfois difficiles étant donné les intérêts en jeu.

M. Manion : Quand nous pensons à la rémunération, nous pensons à ce qu'il faut payer pour guérir les gens, mais il faut des incitatifs pour les garder en bonne santé. Comment rémunérons-nous nos professionnels de la santé pour qu'ils s'occupent des soins à long terme qui permettent de garder les gens en bonne santé? Ils n'ont pas à entrer dans nos systèmes de soins qui sont coûteux, qui font appel à des solutions plus technologiques pour résoudre des problèmes que nous aurions pu prévenir. Il s'agit d'un grand changement culturel qui rend les médecins de famille responsables de la bonne santé des gens et qui prévoit des incitatifs à cet effet. Cela exige moins d'efforts que lorsque les gens tombent malades et qu'il faut déployer des ressources supplémentaires pour essayer de les guérir.

Dr Haggie : En fait, un grand nombre des arguments que j'allais avancer ont déjà été formulés. Notamment, si vous poussez la question du financement jusqu'à sa conclusion logique, il vaudrait beaucoup mieux faire des petites interventions au départ pour avoir une population en bonne santé. Les soins de santé représentent sans doute environ 25 p. 100 de la santé proprement dite.

Il est vrai qu'il n'existe pas de solution magique en ce qui concerne la rémunération des fournisseurs de soins de santé. Il est très facile de critiquer une forme de rémunération ou une autre. La solution est plutôt de demander quels résultats voulez-vous et comment allez-vous les obtenir? Pour les soins chroniques et la gestion des maladies chroniques, la rémunération à l'acte est inutile. Ce n'est pas le bon incitatif.

En ce qui concerne la chirurgie non urgente pour la hanche ou le genou et pour laquelle vous avez des normes de qualité et de compétence, et cetera, un modèle de rémunération différent ne vous donnera peut-être pas le même volume d'interventions que la rémunération à l'acte.

Ayez un ensemble de formules. Choisissez le bon mode de rémunération, le bon jour, pour le bon fournisseur de soins. C'est peut-être la solution, selon la géographie et les circonstances locales.

La télésanté soulève certaines questions intéressantes également du point de vue de la réglementation. Si vous êtes un médecin assis à l'autre bout d'un écran de télévision qui se trouve dans une province différente, où ce médecin exerce-t-il? Les collèges des médecins n'ont pas toujours été très coopératifs pour répondre à cette question. Elle se pose pour la radiologie, par exemple, où vous avez des films qui sont pris dans une province et qui sont lus électroniquement dans une autre province. Cela a causé certains problèmes sur le plan du permis d'exercice de la médecine. Ce genre de chose inquiète la plupart des médecins. Ils ne veulent rien faire qui pourrait compromettre leur permis d'exercice. Il y a beaucoup d'incertitude à ce sujet.

Mme Henningsen : En ce qui concerne les fournisseurs de soins de santé, nous avons certainement l'impression que les soins doivent être offerts dans la communauté locale et être très centrés sur le patient. Nous devons envisager un fournisseur de soins de santé qu'on appelle un travailleur de soutien à domicile et qui fournit 80 p. 100 des soins dans la communauté. Lorsqu'on parle des ressources humaines et d'une stratégie intégrée, nous pensons toujours aux médecins et aux infirmières. Si nous avons largement recours aux travailleurs de soutien à domicile, nous allons avoir un sérieux problème, car nous ne faisons pas de recrutement. Les gens ne veulent pas travailler dans le secteur des soins de santé et certainement pas dans celui des soins à domicile et des soins communautaires alors que la demande augmentera sans cesse. Nous allons avoir une grave crise au cours des deux prochaines années.

Deux autres ressources humaines vraiment importantes dont vous avez besoin lorsqu'on parle de soins centrés sur le patient sont la famille ou l'aidant naturel et le bénévole. Lorsque nous réfléchissons aux incitatifs ou à l'équipe de ressources humaines à mettre en place dans le domaine de la santé, nous devons vraiment envisager une équipe très élargie au lieu de penser seulement aux professionnels qui exercent la médecine et à la façon de les rémunérer.

Mme Delancy : Je voudrais revenir sur ce que le Dr Haggie et le Dr Schull ont dit au sujet des résultats. Par exemple, quand j'étais dans le système de santé des Territoires du Nord-Ouest, il y a 10 ans, nous avons travaillé très fort pour que tous les médecins deviennent salariés. Nous l'avons fait en partie parce que nous pensions que nous obtiendrions une meilleure qualité de soins, car avec la rémunération à l'acte, ils essayaient de voir le maximum de patients en une journée. Lorsque je suis retournée dans ce système, neuf ans plus tard, les gens se plaignaient que les médecins ne voyaient plus autant de patients qu'avant depuis qu'ils étaient salariés. C'était le but visé. Si vous adoptez un nouveau modèle de rémunération, vous allez devoir suivre les résultats afin de pouvoir démontrer un lien avec la qualité des soins et l'amélioration des résultats pour le patient. Je suis d'accord avec ce que le Dr Haggie a dit tout à l'heure quant à l'importance de comprendre la rémunération, la télésanté, les DME et DSE, car c'est un problème que nous connaissons également dans les endroits isolés.

Dr Schull : Je voudrais faire suite à ce qu'a dit le Dr Haggie au sujet de la rémunération à l'acte par rapport aux autres formes de rémunération. Il ne s'agit pas de choisir l'une ou l'autre formule. À propos de l'exemple que vous avez mentionné de la chirurgie non urgente qui constitue un bon modèle pour la rémunération à l'acte, je reconnais que c'est vrai, mais je suggérerais de regrouper le paiement au chirurgien orthopédique avec le paiement à l'hôpital pour les soins opératoires, et le paiement au service de rééducation. Encore une fois, il faut aligner les incitatifs. Il n'est pas nécessaire de renoncer à la rémunération à l'acte, mais vous pouvez certainement la regrouper avec d'autres paiements et cela fonctionne particulièrement bien pour les interventions non urgentes.

Je voudrais également revenir sur la question du travail d'équipe, qui est essentiel, mais je pense qu'une chose doit être claire. Partout au Canada, nous sommes beaucoup plus orientés vers les équipes de soins, les équipes de médecine familiale, en Ontario, les modèles multiples, de même qu'au Québec et ailleurs. Un des problèmes est qu'on rassemble les gens en équipe sur le plan administratif et qu'on les rémunère, mais qu'ils ne travaillent pas nécessairement ensemble en équipe. Nous avons entendu des histoires, surtout en santé mentale, où le médecin dit : « C'est un problème de santé mentale; allez voir le professionnel de la santé mentale », et cette visite a lieu quatre ou cinq jours plus tard sans qu'il y ait vraiment de travail d'équipe. À mon avis, c'est un véritable problème. Nous devons nous y attaquer.

Permettez-moi de vous donner un exemple de modèle d'équipe vraiment intéressant, à Toronto. Cela s'appelle Impact Plus Clinic. Cette clinique rassemble des médecins de soins primaires, des travailleurs sociaux, des CASC, des pharmaciens et des internistes généralistes non seulement pour évaluer le patient en équipe, mais pour le faire simultanément. Le patient subit un examen qui dure deux à trois heures. Un membre de l'équipe dirige l'examen, mais tout le monde s'assoit pour écouter le patient parler de ses problèmes, après quoi les membres de l'équipe proposent ensemble un plan de soins qui est alors confié au médecin de soins primaires. Le principe est de faire ces choses ensemble. L'interniste d'une de ces équipes à qui j'ai parlé dit qu'il lui arrive souvent d'annuler les ordonnances d'autres spécialistes de l'équipe et de dire : « Non, il n'a pas besoin d'une tomodensitométrie. Il a besoin de plus de ceci ou de cela, car si vous faites ceci, cela aura une incidence sur cette autre maladie à laquelle le spécialiste A n'a pas pensé. » C'est le genre de travail d'équipe vers lequel nous devrions nous orienter et que nous devons viser. Nous avons besoin d'une reddition de comptes pour dire qu'il ne suffit pas de créer une équipe qui est composée de 12 personnes, mais qui travaillent dans 12 immeubles différents aux quatre coins de la ville et qui ne se voient jamais. Parlez-nous de votre véritable travail d'équipe et poussons les gens à travailler réellement en équipe.

Le sénateur Eggleton : Ce que j'entends, c'est qu'un système mixte est probablement ce qui fonctionnera le mieux. Est-ce qu'un système mixte veut dire automatiquement plus d'argent? En plus des montants actuels ou une réorganisation du financement?

M. Manion : Il ne faut pas nécessairement plus d'argent. Mais il faut déterminer de quels types de compétences nous avons besoin dans les équipes partout au pays. Quel est notre plan des ressources humaines en santé pour le pays? Nous n'en avons pas. Nous ne savons pas combien de personnes il faut dans les divers types de profession, ni si les ressources sont communautaires ou pas. Nous ne le savons pas. Quand on ne sait pas, on investit parfois aux mauvais endroits et, parfois les investissements sont élevés. Parfois, des compétences différentes sont rémunérées à des niveaux différents et elles pourraient donner d'aussi bons résultats si on les obtenait au bon moment. Je dirais que si nous avions un plan complet des ressources humaines en santé pour le pays, nous serions beaucoup mieux placés pour trouver comment mieux investir, à l'aide de l'enveloppe existante.

Le sénateur Martin : Toutes ces idées sont excellentes, et nous savons que c'est la direction à prendre. Cela se fait à certains endroits. Il y a des exemples. Afin d'avancer dans cette voie, faut-il commencer en amont, avec les universités et la formation? Ces professionnels sont-ils prêts à travailler en équipe quand ils débutent? Nous pourrions réunir les équipes et les inciter à travailler ensemble, mais faut-il remonter plus haut? A-t-on réfléchi à cet aspect?

M. Manion : Vous avez raison. Nous formons les gens en vases clos et nous espérons que, par magie, ils pourront travailler en équipe après leurs études. Dans le cadre de la formation fondamentale, nous devons amener les gens à travailler ensemble et à comprendre les différents rôles. Il y a de bons exemples au pays et nous pouvons en tirer des leçons pour accélérer le processus, mais le rôle fondamental des collèges et des universités est crucial, je crois.

J'étais à l'Université Western Ontario la semaine dernière, à cause d'un legs très important à la Faculté d'éducation. Ils vont maintenant former les éducateurs sur le rôle de la santé mentale chez les enfants et les jeunes, dans le cadre de la formation de base. Cela coûte moins cher de les former à ce moment-là, si on s'y prend correctement, mais cela signifie qu'il faut changer le programme, ce qui pourrait ajouter deux ans de formation avant de devenir éducateur et qui représente une hausse importante.

À long terme, il est probablement plus efficace que tout le monde comprenne son rôle et travaille avec d'autres professionnels afin que, lorsqu'on travaille avec les gens dans la collectivité, on connaît son rôle et celui des autres, et l'on sait où il faut s'arrêter et où il faut laisser les autres agir. Les implications pour la promotion et la prévention sont énormes, dans tout le continuum des soins. Il y a des modèles dont nous pouvons nous inspirer.

Dr Kitts : Les universités font beaucoup de travail concernant l'éducation et la formation interdisciplinaire et le travail d'équipe. Je pense même que cela s'est beaucoup répandu au cours des deux dernières années. Mais il suffit d'environ six mois pour que tout ce qui a été appris soit oublié, quand le travail d'équipe ne fonctionne pas.

Le président : C'est une question très importante. Nous avons entendu tout au long de nos audiences qu'elle sous- tend un grand nombre des problèmes liés à la promotion de l'innovation.

Le thème no 5 est le rôle du secteur de la santé pour aborder les déterminants sociaux de la santé. Vous pouvez interpréter ce thème dans le passé ou le futur. Je commencerai par le Dr Taylor.

Dr Taylor : Merci. Il me semble que la réponse dépend de ce qu'on entend par « aborder ». Du point de vue de la santé publique, le rôle concernant les déterminants sociaux consiste à tenter d'en atténuer les effets parce que nous n'avons pas les leviers nécessaires pour changer les déterminants sociaux fondamentaux. S'il s'agit de les aborder dans la perspective plus large d'une analyse des causes et d'une intervention sur les causes des causes, je pense que nous avons probablement les mauvais interlocuteurs à cette table. La plupart de ces causes se situent bien en dehors du système de santé.

Du point de vue de la santé publique, on nous demande depuis de nombreuses années d'influer sur les décisions de politique qui sont prises par d'autres secteurs.

Nous faisons de notre mieux, nous travaillons avec des gens dans le domaine du sport, de l'éducation, et cetera, mais les leviers pour changer ces déterminants se trouvent bien en dehors de notre système. Nous avons du mal à pouvoir influencer efficacement les décisions de politique prises par d'autres ministères et d'autres secteurs.

Mme Delancy : Je ne sais pas si je dirais que les mauvaises personnes sont autour de la table. Nous devons réorienter le tir et nous avons certainement entendu que la prévention et la promotion sont cruciales pour changer la donne, pour inverser la tendance des maladies chroniques et de certaines autres maladies reliées au mode de vie auxquelles nous sommes confrontés dans les soins actifs.

Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la santé ont accordé la priorité à une vie saine et à des choix plus sains. Le prochain accord devrait peut-être mettre l'accent lui aussi sur ces aspects. Notre système est vraiment axé sur les soins actifs et financé en fonction des soins actifs. Le Transfert canadien en matière de santé est axé sur un système de soins actifs, mais nous devons investir en amont, dans la prévention et la promotion.

Chez nous, plus de 50 p. 100 de la population autochtone est en moins bonne santé et obtient de moins bons résultats de la santé. Nous sommes donc très conscients que les sommes que nous investissons dans les soins actifs ne vont pas aussi loin qu'ailleurs. Ces maladies reliées au mode de vie et ces choix se traduisent par des coûts plus élevés des soins actifs. Nous recommanderions fortement que ces aspects deviennent prioritaires dans un nouvel accord.

M. Manion : Je crois fermement dans l'importance de l'atténuation des effets des déterminants sociaux de la santé, mais nous devons accepter le fait que nous sommes devant le tsunami des personnes âgées. Nous commençons à parler de la promotion, de la prévention et de la nécessité d'intervenir rapidement. Nous devons aussi parler des enfants et des jeunes, mais je n'en entends pas beaucoup parler à cette table. Je ne pense pas que beaucoup de représentants examinent ces groupes.

Je représente aussi la santé mentale des enfants et des jeunes, où c'est encore plus important à certains égards, parce que nous connaissons les coûts pour l'être humain et pour le système si nous n'intervenons pas très tôt dans leur vie. Si nous voulons faire quelque chose, que ce soit pour modifier en partie l'influence sur les déterminants sociaux de la santé, ou pour atténuer une partie des effets, nous devons examiner les nourrissons, les enfants et les jeunes. Il faut se demander où se trouvent nos possibilités et quels autres secteurs doivent entrer en jeu eux aussi. Ce n'est pas seulement l'affaire du secteur de la santé.

Nous avons parlé du rôle des soins de santé pour promouvoir le bien-être. Il est important. Cela se fera en partenariat avec les loisirs. Il faudra un partenariat avec l'éducation. Il faudra un partenariat avec les services à l'enfance, la justice pour les jeunes et d'autres secteurs. L'intégration des soins de santé, dans cette perspective, doit se faire dans tous les secteurs et mettre l'accent sur les jeunes.

Mme Henningsen : Du point de vue communautaire, il y a deux domaines où nous voyons les déterminants sociaux de la santé. Évidemment, quand on offre des soins de santé dans la collectivité, il est très important que les gens aient un toit, qu'ils aient à manger, qu'ils puissent se déplacer et qu'ils ne soient pas isolés socialement. C'est cependant ce qui se passe dans quelques initiatives provinciales. Je pense à vieillir chez soi. Cette mentalité ou stratégie du vieillissement chez soi, en particulier, par exemple, au Manitoba, a vraiment poussé les professionnels de la santé, les décideurs et les administrateurs à élargir leur champ de vision. Ils ont constaté qu'ils ne pouvaient pas offrir simplement une visite d'une infirmière et s'attendre à ce que la personne visitée s'épanouisse et vive de manière indépendante et en sécurité à la maison. Ces déterminants sociaux de la santé entourent toute la philosophie du vieillissement chez soi.

Deux suggestions concrètes à envisager dans le nouvel accord sur la santé sont le vieillissement chez soi ou des stratégies du vieillissement chez soi. Il ne s'agirait plus simplement de donner des soins actifs et de renvoyer ensuite les patients à la maison. Une déception dans le dernier accord sur la santé est que les Premières nations, les Inuits et les Autochtones étaient exclus. C'est certainement un aspect sur lequel les déterminants sociaux de la santé peuvent avoir une réelle influence. Les soins communautaires et à domicile pour les Premières nations et les Inuits ont du mal à offrir les services pertinents avec leurs budgets très limités

Le sénateur Art Eggleton (vice-président) occupe le fauteuil.

M. McNamara : À propos des déterminants de la santé, je donnerai un exemple de ce qui se passe dans notre province. Nous avons un comité ministériel composé des ministres de la santé et du bien-être, des services communautaires, y compris le logement, la justice, le travail et le développement de la main-d'œuvre, et l'éducation. Nous essayons de résoudre quelques problèmes dans le continuum des cas complexes, y compris les personnes souffrant de lésions cérébrales, et de voir comment faire dans un grand nombre de nos établissements différents. Nous nous occupons de santé mentale, de toxicomanie, de services à la jeunesse, de soins de santé en amont, de stratégie du logement, de transport, de violence et d'intimidation. Nous essayons de réunir plusieurs ministères.

En travaillant ensemble, nous nous rendons compte que c'est possible et que divers ministères peuvent jouer des rôles différents dans le domaine de la prévention, par exemple, au sujet des déterminants de la santé.

L'accord sur la santé est devenu le sujet d'actualité et nous devons nous assurer qu'il ne se fera pas aux dépens des autres transferts, sinon le logement en fera les frais, tout comme l'éducation et les services communautaires. Nous devons nous assurer de maintenir tout cela en place. Si nous ne commençons pas à décloisonner, même au sein du gouvernement, nous ne parviendrons à rien.

Le vice-président : Le cloisonnement est évidemment un autre problème quand il est question de déterminants sociaux.

M. Morgan : Je voudrais rattacher ceci à quelques autres points à notre ordre du jour, y compris la rémunération et les mécanismes de reddition des comptes. C'est un domaine où les avantages du regroupement des paiements ont été démontrés, en particulier pour les soins de santé primaires en équipe et les services qui vont au-delà de la santé et comprennent divers services sociaux.

Je pense, par exemple, aux CLSC au Québec, où les services de santé et les services sociaux sont raisonnablement bien intégrés. Évidemment, ce modèle est marginalisé au Québec, à cause de la domination des soins primaires rémunérés à l'acte; les provinces et le gouvernement fédéral pourraient néanmoins s'entendre pour déplacer un certain pourcentage des populations des provinces vers ce type de modèle de soins primaires et ce niveau de financement élargi.

Je dois convenir avec le ministre McNamara qu'il ne faut pas envisager que le financement de la santé fasse aussi ce que doit faire le financement des services sociaux et du logement. Si vous élargissez la portée, il faudra encore ces multiples enveloppes de financement et probablement de manière cloisonnée, sinon le secteur des soins actifs siphonnera ce qui devrait être du financement précieux et important pour les services sociaux et le logement.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

Dr Haggie : Le mot « atténuation » a été employé plus tôt. C'est certainement ainsi qu'on a envisagé le rôle traditionnel du médecin face aux déterminants sociaux de la santé.

Si une population en santé est le but ultime, alors la profession, en tant que groupe, a le rôle d'informer, d'éduquer et peut-être même de commencer à promouvoir la santé. Je ne sais pas si cela devrait nécessairement figurer dans un accord sur la santé, mais du point de vue de la responsabilité sociale, la profession médicale a probablement un devoir de s'exprimer.

Ce n'est probablement pas très pratique à inscrire dans le prochain accord, mais pour rehausser le profil des déterminants sociaux de la santé en tant que profession — et c'est notre but au cours des six ou huit prochains mois — nous avons un rôle à jouer. C'est un énorme problème pour bien des gens.

L'obésité chez les enfants est épidémique, mais est-ce un problème de santé ou un problème social? Quand je suis allé au Labrador, plus je m'éloignais sur la route Trans-Labrador, plus le coût d'une laitue augmentait. Il était rendu à sept dollars quand je suis arrivé sur la côte, mais dans tous ces magasins, le prix d'une canette de boisson gazeuse et d'un sac de croustilles était exactement le même que dans le centre-ville de Toronto. Si vous avez un revenu fixe et que vous avez faim, qu'est-ce que vous achetez?

Le sénateur Merchant : Je viens de la Saskatchewan et nous avons une forte population des Premières nations. Je sais que c'est un problème partout au Canada. Les besoins sont tellement criants dans nos collectivités des Premières nations. Je me demande, en jetant un coup d'œil autour de la table ce matin, si quelqu'un parmi nous parlera de l'attention très particulière que nous devrions accorder à la santé de nos Premières nations dans nos éventuelles recommandations.

Nous connaissons, d'après les statistiques, leurs taux de mortalité, leurs taux de mortalité infantile, leurs taux particuliers dans le domaine de la santé, en tant que groupe, et nous devons vraiment leur accorder une attention spéciale. Je sais que nous devons tenir compte de tous les groupes de notre société.

Je suis heureux que M. Manion soit ici pour parler au nom de la santé mentale. Je sais que vous êtes tous touchés par cette question, mais je me demande si quelqu'un pourrait l'aborder à un moment donné.

M. Manion : J'ai noté.

Le président : Je reviendrai à cette question à la fin. Vous pouvez peut-être tous y réfléchir, et nous aurons une intervention plus tard à ce sujet.

Passons au sixième thème, la recherche et l'innovation. Nous vous avons demandé d'aborder chacun des thèmes du point de vue de l'innovation, mais nous voulions aussi aborder directement la question. Je demanderai au Dr Kitts de commencer.

Dr Kitts : Je sais que la recherche et l'innovation sont un grand facteur d'un meilleur avenir des soins de santé. C'est un aspect extrêmement important des investissements en santé. C'est axé sur l'avenir, mais très important.

Il y a beaucoup d'innovation çà et là au pays. La nécessité est le moteur de l'innovation. Les innovations les plus significatives se font sur la ligne de front, quand on est confronté à des pénuries de professionnels de la santé, d'argent ou de capacité. Nous avons une énorme possibilité, en tant que pays, de puiser dans cette source, de la cerner, l'évaluer et la communiquer partout au pays.

Je voudrais faire une mise en garde, parce que la plus grande partie de l'innovation vient d'un petit nombre de gens intelligents et avertis sur le terrain, qui se réunissent et s'entendent sur une bonne idée. Parfois, cela ne tourne pas bien en fin de compte. Si vous qualifiez cela de pratique exemplaire, je pense que ce terme est un peu galvaudé.

Actuellement, au Conseil canadien de la santé, nous nous efforçons de cerner ce qui serait une pratique émergente ou une innovation, une pratique prometteuse, une pratique d'avant-garde pour laquelle il y a des preuves scientifiques fondées sur les résultats, des résultats et un coût, une pratique exemplaire. C'est une partie énorme et peu exploitée des soins de santé canadiens, et il y a quelques innovations de calibre mondial qui pourraient être propagées. Nous devons pouvoir les repérer, les appuyer et les communiquer.

Dr Schull : Je suis d'accord avec le Dr Kitts. Je pense qu'en tant que société, nous devons être disposés à investir davantage dans la recherche et l'innovation. Vous nous avez demandé des idées inventives et c'est formidable de nous réunir autour de cette table, mais au bout du compte, cela reflète notre opinion, parfois fondée sur des recherches. Sommes-nous prêts, en tant que société à investir dans la production de ce type de savoir?

Par exemple, dans la loi sur la réforme de la santé du président Obama, un centre pour l'innovation a été établi sous la forme de centres de services médicaux. Il est bien financé. Je pense que c'est l'une des erreurs que commet sans cesse le Canada. Nous nous contentons de belles paroles; nous sous-finançons les petites agences et nous nous attendons à ce qu'elles fassent des miracles.

Quand on regarde les conseils sur la qualité au Canada, par exemple, et qu'on voit les écarts dans le financement, y compris le Conseil canadien de la qualité de la santé, on constate que nous n'investissons pas sérieusement dans la production de savoir novateur. Si nous voulons de l'innovation et de la recherche, nous devrons investir dans ces domaines. Les retombées ne sont pas à un ratio d'un pour un; tous les projets ne sont pas couronnés de succès.

En outre, la production de nouveau savoir et d'innovation dans le système de santé exige de meilleurs systèmes d'information. Nous pourrions acquérir une formidable connaissance des meilleures façons de fournir les soins qui pourraient mesurer le triple but de la satisfaction et des résultats si nous avions de l'information, si nous avions des systèmes de données sensibles et partagés d'un bout à l'autre du pays. Nous avons un énorme problème de manque d'accès à l'information dans notre pays. Nous sommes très cachottiers, même à l'intérieur d'une même province, au sujet des données sur la santé. C'est considéré comme un risque politique que ces données soient accessibles pour la recherche. C'est complètement fou. Les rapports des ministères de la santé pour évaluer X, Y ou Z sont traités comme des secrets d'État. Nous devrions tous apprendre les uns des autres, mais nous ne le faisons pas.

Encore une fois, la recherche et l'innovation se font à de multiples niveaux. Nous devons être disposés à investir dans ce domaine. Cela exige des infrastructures, des systèmes d'information et, franchement, un leadership du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral devrait investir sérieusement dans la production de ce type de savoir et d'innovation. Nous devons nous éloigner de la société des projets pilotes, où tout est un projet pilote qui vit pendant un an ou deux, produit quelques résultats intéressants, puis meurt tout à coup dans le silence le plus complet quand le financement se tarit. Il faut du financement continu.

Le sénateur Martin : L'innovation revient sans cesse et nous savons qu'elle est importante. L'accord de 2004 a-t-il incité ou encouragé l'innovation davantage qu'avant? Si oui, comment? Que faut-il inclure dans le prochain accord pour aller encore plus loin?

Dr Schull : Il a incité l'innovation dans les étroits domaines qu'il ciblait. Par conséquent, nous offrons maintenant des remplacements de la hanche et du genou plus rapidement qu'avant, mais c'est très limité.

Si nous décidons, par exemple, que l'intégration et les transitions des soins sont la prochaine génération de cibles que nous devons chercher à atteindre, alors il faut les stimuler, et l'innovation suivra et produira un changement dans ce domaine. L'accord de 2004 a produit un peu d'innovation, mais dans des domaines très limités.

Je voudrais ajouter quelque chose. Le mot « innovation » est galvaudé. On l'entend tout le temps, tout est innovant par les temps qui courent. À mon avis, il y a deux types d'innovation. Le premier consiste à faire quelque chose de vraiment nouveau et novateur, qui n'a jamais été fait auparavant. Le deuxième, qui est probablement plus important pour notre système, consiste à adopter des idées qui fonctionnent ailleurs, à les modifier et à les mettre en œuvre dans notre système. Cela ne paraît pas aussi fantastique ou novateur, mais finalement, cela permet d'offrir de meilleurs soins, et c'est ce qui compte.

Le président : Je rappelle à tout le monde que nous avons déclaré d'entrée de jeu que nous considérions comme une innovation non pas l'idée originale, mais quelque chose qui peut être mis en œuvre et qui l'est.

Mme Hoffman : J'aimerais revenir sur certains aspects des dernières interventions sur la recherche et l'innovation. Je fais d'abord remarquer que, dans l'accord de 2004, trois organisations de la santé que nous qualifions de pancanadiennes étaient mentionnées : l'Institut canadien d'information sur la santé était évoqué à propos de la déclaration du temps d'attente; Inforoute Santé du Canada était évoquée dans le contexte des progrès à accomplir pour mettre en place et adopter les dossiers de santé électroniques; et le Conseil canadien de la santé était évoqué dans le contexte de la diffusion des pratiques exemplaires et des rapports sur les progrès de divers éléments de l'accord.

Je précise que ces trois organisations étaient mentionnées mais qu'il y en a d'autres, dont certaines que nous considérerions comme des organisations pancanadiennes de la santé assez importantes et qui ont des rôles à jouer non seulement pour traduire le savoir, mais aussi pour développer de nouvelles connaissances sur les pratiques exemplaires, sur l'utilisation pertinente, et ainsi de suite, et que ces autres organisations n'ont pas été examinées très en profondeur dans les travaux du comité jusqu'ici, selon moi.

Je pense plus exactement à celles qui font partie de l'appareil intergouvernemental des soins de santé au Canada. Elles sont financées principalement par le gouvernement fédéral, mais dans certains cas, elles sont appuyées par les provinces et les territoires, soit par le financement de base ou dans leurs activités concrètes. Je pense à des organisations comme l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Je crois que vous avez reçu un mémoire de cette organisation. Il y a aussi la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, l'Institut canadien pour la sécurité des patients, la Commission de la santé mentale du Canada et le Partenariat canadien contre le cancer.

Il y en a de nombreuses autres. Je le répète, ce sont celles qui font partie de ce groupe de huit organisations pancanadiennes, mais de nombreuses autres organisations représentent des communautés de fournisseurs ou des organismes de réglementation au niveau national.

À l'exception d'Inforoute et du partenariat contre le cancer, ces organisations ont de très petits budgets, comme l'a indiqué le Dr Schull. Les budgets peuvent atteindre 25 millions de dollars par année, mais ils sont parfois aussi peu élevés que 8 ou 9 millions de dollars par année. Ces organisations sont cependant très actives et produisent beaucoup d'information.

En ce qui concerne votre question sur la traduction du savoir, comment les résultats sont diffusés, s'ils le sont, et comment ils sont adoptés, c'est une autre histoire. C'est un thème qui a été évoqué ce matin. Aligner les mesures incitatives pour s'assurer que les pratiques exemplaires sont adoptées est assez essentiel. J'aimerais conseiller au comité de ne pas oublier, dans sa réflexion sur la recherche et l'innovation, la diffusion et la traduction du savoir, mais aussi la manière dont les fournisseurs sont rémunérés, dont les établissements sont financés, et ainsi de suite, afin qu'un grand nombre des constatations aient des suites.

Si je me souviens bien, dans la séance du comité portant sur la Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques, M. Morgan ou le Dr Bob Peterson a donné un exemple de travaux effectués par l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé concernant l'utilisation de bandelettes de test glycémique, qui ont donné certains résultats. Je n'insisterai pas sur l'exemple, qui visait à démontrer que l'adoption de cette pratique par les systèmes de rémunération des régimes d'assurance-médicaments publics du pays aurait permis d'économiser des centaines de millions de dollars. Il indique cependant que le renforcement par l'entremise des systèmes de rémunération, en l'occurrence la rémunération par les régimes d'assurance-médicaments provinciaux, ne s'est pas fait, pour toutes sortes de raisons. Je voulais le souligner.

Deuxièmement, en ce qui concerne le réseautage entre ces organisations, je ne dirais pas qu'elles sont compartimentées, mais elles pourraient mieux travailler ensemble et elles pourraient mieux travailler avec certains de leurs homologues partout au pays, comme, comme l'IRSS, l'organisation du Dr Schull, et de nombreuses autres. Nous avons des conseils de la qualité et une capacité d'évaluation des technologies de la santé d'un océan à l'autre, mais je pense que ces organisations commencent à peine à bien travailler ensemble.

Enfin, sur ce thème, on a souvent tendance, quand on parle d'innovation, à insister sur les nouvelles supertechnologies clinquantes. On peut pourtant accomplir bien des choses dans le contexte moins séducteur de l'utilisation pertinente des technologies disponibles, pour ne donner que cet exemple. On l'a peut-être évoqué en passant dans les témoignages antérieurs; je n'en suis pas certaine, mais je donnerai l'exemple de ce qui est arrivé et a émergé après quelques perturbations de l'approvisionnement en isotopes médicaux au Canada. Lorsqu'il y a eu des problèmes avec le réacteur de Chalk River pour la production d'isotopes médicaux, la première réaction a été de dire que les conséquences seraient catastrophiques pour les soins et les traitements, en particulier les diagnostics et les traitements faisant appel aux isotopes médicaux. À mesure que le temps a passé et que les perturbations de l'approvisionnement ont duré, il est devenu évident que les administrateurs et les cliniciens avaient trouvé de meilleures façons d'utiliser les isotopes disponibles et fini par réaliser qu'il y avait un usage abusif considérable, du gaspillage et des procédures inutiles et que, en réalité, le système pouvait fonctionner avec beaucoup moins.

Pour assurer un suivi plus rigoureux, nous avons ensuite décidé de fournir à l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé du financement pendant quelques années afin de réunir les fournisseurs et les décideurs dans le domaine de l'imagerie pour voir comment utiliser correctement les isotopes médicaux dans le système de santé. Ce que nous prévoyons, compte tenu des travaux effectués jusqu'ici, c'est que leurs innovations seront des directives plus précises sur la meilleure façon d'utiliser cette ressource rare et coûteuse. Ce ne sont pas les isotopes qui coûtent cher, mais les procédures dans lesquelles ils sont utilisés.

Il y a beaucoup de travail à faire, et certaines des organisations que j'ai mentionnées s'efforcent justement de faire en sorte que les ressources dont nous disposons sont utilisées au meilleur escient. L'innovation nécessaire consiste à diffuser cette information et faire adopter ces pratiques.

Le sénateur Eggleton : Le Dr Schull a commencé en disant qu'il y avait deux sens à l'innovation. Le deuxième était l'échange des pratiques exemplaires ou des innovations émergentes ou prometteuses d'une région du pays à une autre. Je crois comprendre qu'un réseau de pratiques exemplaires avait été créé, mais qu'il s'est écroulé.

Quelles leçons peut-on en tirer pour avancer dans ce domaine? Pourquoi a-t-il disparu et par quoi peut-on le remplacer? Je pensais que c'était le but visé. Personne n'est au courant?

Le Dr Kitts est peut-être au courant, parce que la nouvelle a été annoncée par le conseil de la santé, puis on nous a dit que cela avait été dissous.

Dr Kitts : Vous voulez dire le fonds d'innovation en santé?

Le sénateur Eggleton : Cela s'appelait le « réseau des pratiques exemplaires », si j'ai bien compris.

Dr Kitts : Je ne sais pas trop ce qu'était le réseau des pratiques exemplaires, mais c'est une suite à votre question au Dr Schull, sénateur Martin.

Ce à quoi le Dr Schull voulait en venir quand il a parlé du temps d'attente c'était si quelqu'un fixe des cibles, sur quoi doit porter l'innovation? Cela concentre mieux l'énergie que si tout le monde est dispersé et cherche à répondre à ses propres besoins au niveau local. Quelles sont les trois mesures les plus importantes qui pourraient être prises partout au pays et qui amélioreraient l'innovation? Où sont les équipes qui fonctionnent bien? Il y a peut-être d'autres endroits au pays où il existe des équipes, si cela devient un important fil conducteur.

Je donnerai un exemple concret. Tout le monde prétend qu'il faut un fonds de l'innovation. Il y a pourtant beaucoup d'innovation dans le pays, sans fonds de l'innovation, mais je pense que nous avons besoin d'une espèce de réseau pour tout rassembler et mettre l'accent sur ce qui est vraiment important.

En Ontario, je fais partie d'un conseil des hôpitaux universitaires, le Council of Academic Hospitals of Ontario. Nous avons convenu récemment, comme groupe, d'utiliser les innovations dans nos organisations pour résoudre des problèmes que nous considérons importants.

Tout le monde présente ensuite ce qu'ils font pour tenter de résoudre le problème, comme la réconciliation des médicaments, l'intendance des antibiotiques aux soins intensifs, l'hygiène — des problèmes simples auxquels nous sommes confrontés. Les solutions sont examinées par un groupe de vice-présidents de la recherche, étant entendu qu'il ne s'agit pas d'une décision scientifique, mais d'une décision sur le caractère raisonnable de la solution; c'est une pratique émergente, une pratique d'avant-garde. Nous voyons qui l'a mise en place, puis nous nous engageons tous à l'adopter ou à travailler ensemble pour l'adopter. De cette façon, l'innovation est repérée et diffusée dans nos 24 organisations, et nous convenons d'aller dans le même sens pour que tout le monde en profite.

Cela pourrait se faire au niveau national, par l'entremise des provinces, des régions et des organisations de première ligne, mais il faut d'abord cerner le problème à résoudre et faire ressortir l'innovation.

M. Morgan : J'aimerais ajouter quelques observations à ce sujet. Premièrement, en ce qui concerne l'innovation en santé et l'innovation dans les technologies de la santé, qu'il s'agisse des médicaments ou des appareils, la stratégie du Canada dans ce domaine est importante, et il y a eu des critiques sur notre forte dépendance envers les encouragements indirects à la recherche et au développement dans notre pays. En ce qui concerne la stratégie relative à l'innovation dans les technologies de la santé, je pense que le Canada doit examiner les exemples internationaux et les données sur l'investissement direct dans des types stratégiques de plates-formes de technologie pour lesquelles le Canada pourrait devenir un chef de file mondial. Je pense qu'il y a un consensus dans tout le spectre politique sur les avantages de ce genre d'investissements à l'échelle internationale.

En ce qui concerne le système d'innovation en santé, qui me semble être ce qui nous intéresse le plus ici, je rappelle au comité et aux Canadiens que même si nos investissements dans la R-D. représentent seulement environ 2 p. 100 ou moins des investissements mondiaux en recherche-développement axée sur les technologies de la santé, quel que soit le montant dépensé au pays, toute cette recherche porte sur le système de santé canadien.

Les chercheurs qui s'intéressent aux systèmes de santé et à la politique sur la santé au Canada craignent un déclin graduel de l'appui à ce genre de recherche au Canada. Nous avons entendu des organisations comme la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé et d'autres. Il y a les Instituts de recherche en santé du Canada. Il est établi, par exemple, que le financement de la FCRSS diminue. La fondation aura une durée de vie limitée si du financement n'est pas réinjecté et sa position et sa mission devront peut-être être repensées. Dans les IRSC, la principale source fédérale de financement de la recherche en santé au pays, la recherche sur les systèmes de santé ne reçoit pas une part proportionnelle des montants affectés à la recherche. Il y a actuellement un grand intérêt pour la démonstration de la valeur commerciale des dépenses des IRSC. Il faut envoyer le message à nos ministres de la santé que, dans le cas de la recherche sur les systèmes de santé, la proposition de valeur n'est pas la commercialisation, mais bien l'amélioration du système de santé du Canada.

Nous pourrions recommander aux IRSC qu'une certaine partie de leur budget soit consacrée à des recherches sur les systèmes de santé visant à traduire le savoir dans les systèmes de santé, sans ce mandat global de commercialisation.

M. McNamara : Je rappelle simplement que, lorsque les sociétés pharmaceutiques ont obtenu la protection de leurs brevets, elles ont dû consacrer un pourcentage de leurs revenus dans la R-D. Les fonds diminuent tous les ans depuis que l'entente a été conclue. Il faut renforcer l'entente originale.

Deuxièmement, une grande partie de l'information qu'on trouve sur l'Internet est erronée. Une façon d'aider les Canadiens consisterait à les faire consulter les Cochrane Reviews, qui, pour environ 500 000 $ par année, informeraient bien les Canadiens. À l'heure actuelle, seulement trois provinces et les territoires ont acheté des licences. C'est une source crédible, qui utilise toute la recherche, toute la bonne information qui paraît, et c'est une bonne façon d'obtenir de la bonne information, pas seulement pour les citoyens canadiens, mais aussi pour les cliniciens.

Le président : À quelques reprises, les intervenants nous ont ramenés à la définition de l'innovation. Il faut comprendre que l'innovation ce n'est pas l'invention.

Quand j'étais président de l'Université Acadia, j'ai créé le prix de l'innovation du président. Je définissais l'innovation comme la mise en œuvre réussie de nouvelles idées. Une nouvelle idée, ce peut être prendre un vieux manche à balai et s'en servir de manière à résoudre un problème immédiat. L'innovation n'est une innovation que lorsqu'une idée se matérialise avec succès. Ce n'est pas l'invention. Une découverte peut évidemment mener à une innovation, mais elle ne devient une innovation que lorsqu'elle est mise en œuvre. Certains d'entre vous ont fait des observations très importantes. Il est très important pour nous de nous en rappeler pour avancer dans ce domaine.

Le septième thème est l'adoption des dossiers de santé électroniques par les fournisseurs de soins de santé. Je commencerai avec Mme Hoffman.

Mme Hoffman : On a évoqué les dossiers de santé électroniques à quelques reprises ce matin. Vous avez aussi entendu le témoignage des représentants d'Inforoute Santé du Canada.

Nous savons que des progrès sont clairement accomplis. Je pense que tout le monde, nous y compris, dirait qu'il faut poursuivre et accélérer l'adoption des DME et des DSE, ainsi que d'autres applications de technologies de l'information en santé dans le système.

Quand on parle aux patients ou aux gens qui ont des interactions avec le système, on entend souvent : « C'est formidable. J'ai vu mon médecin de famille ou un spécialiste et je suis certain que mes dossiers ou mes tests sont numérisés. » Simplement pour revenir sur le sujet de l'intégration des soins et de la continuité des soins dont il a été question autour de la table ce matin, des dossiers numérisés de radiographies, d'ultrasons, ou d'autres tests ou encore des médicaments, sans un accès facile à ce que les divers fournisseurs ont dit au patient ou fait au patient à divers points en cours de route lorsque ces résultats ont été examinés ou que des médicaments ont été prescrits, créent d'énormes lacunes dans la continuité des soins.

Premièrement, il y a beaucoup de travail à faire avant de réaliser les dividendes et de profiter de la valeur liée aux DME et aux DSE. Deuxièmement, il faut plus de mesures incitatives dans le système, des carottes et des bâtons, afin de s'assurer que les fournisseurs utilisent pleinement les DSE. Comme vous le savez et comme vous l'avez entendu de la part des représentants d'Inforoute Santé du Canada, l'objectif au départ était que 50 p. 100 des Canadiens aient accès à un dossier de santé électronique. Cela ne veut pas dire que le dossier de santé électronique et tout ce qui va avec est mis en place, et des progrès sont réalisés sur ce front, mais certains d'entre nous soutiendraient qu'il faut poursuivre énergiquement les impératifs de l'adoption.

Mme Delancy : Nous en avons parlé quand les sous-ministres territoriaux ont comparu devant vous. Le succès que nous avons remporté tout de suite après avoir mis en place les DSE et DME est fantastique. Nous voyons des possibilités de transformer notre manière d'offrir les services dans les collectivités éloignées et isolées.

En ce qui concerne les DSE, nous avons d'abord eu un déploiement dans la première tranche des cliniciens des Territoires du Nord-Ouest. Des coordonnateurs des dialyses dans des collectivités éloignées, par exemple, nous ont déclaré que cela a réduit leur temps de préparation. Des spécialistes itinérants nous ont déclaré qu'ils offrent des soins de meilleure qualité. Une équipe de médecins travaille à un concept de centre d'appel virtuel à Yellowknife à l'aide des fonctionnalités des DME. Ils pensent que nous pouvons transformer notre manière d'offrir les soins en utilisant les DME pour faire un lien avec le personnel infirmier communautaire là où il n'y a pas de médecin, pour utiliser la capacité de communication des DME, qui peut inclure des consultations virtuelles, et offrir un service plus rapide et un meilleur accès aux services mais aussi réduire les déplacements médicaux, comme l'a fait remarquer le Dr Haggie au sujet de l'équipement utilisé au Labrador.

C'est un outil qui devient de plus en plus absolument essentiel pour offrir aux résidents du Canada qui ne vivent pas dans des centres urbains le même niveau de soins qu'ailleurs.

Dr Haggie : On a montré dans cette discussion qu'un dossier de santé électronique est une pierre d'assise fondamentale pour un grand nombre des questions qui sont abordées aujourd'hui. Le problème, c'est que le processus de mise en œuvre des DSE est bloqué. L'adoption rapide est terminée et tous les autres traînent de la patte.

Pour environ 63 p. 100 des Canadiens, le paradigme technologique de leur dossier de santé n'est pas différent des rouleaux de parchemin et de la poterie du temps d'Hippocrate ou de l'Égypte antique. C'est exactement la même chose. Nous avons simplement remplacé le papier et l'encre. Franchement, ce n'est pas pertinent pour la plupart des praticiens dans le domaine médical. Si vous voulez un moyen relativement simple d'accélérer l'adoption des DSE, d'après ce que nous ont dit nos médecins, je vous suggérerais d'encourager les ordonnances électroniques. Si l'on peut obtenir une ordonnance virtuelle avec un dossier qui montre ce qui n'allait pas avec le patient auparavant, une brève description de ce qui le dérange actuellement et un accès dynamique et en temps réel à un réseau de pharmacies, si tous ces éléments sont présents et qu'on peut rédiger une ordonnance virtuelle et l'authentifier immédiatement, et si le dossier du patient est mis à jour instantanément, cela fera une différence au point de service.

C'est l'hameçon. C'est la carotte pour faire entrer les dossiers de santé électroniques dans les bureaux des fournisseurs de services, parce que, pour le moment, passer du papier à l'électronique est accueilli avec le même enthousiasme que lorsqu'on met le doigt dans une prise électrique et qu'il y a du courant. Personne ne veut faire cela. La pente à gravir est trop haute.

Il y a un bon exemple de pratique exemplaire dans les Forces canadiennes. On peut obtenir le dossier médical d'un soldat à Kandahar et y trouver toute l'information depuis le temps où il était à Petawawa, Gagetown ou Comox. C'est mis à jour en temps réel. S'il est à Petawawa trois semaines plus tard, tout est là. Il n'y a qu'un dossier. Il n'y a pas de dossiers informatiques partiels. C'est le contraire de ce que je disais plus tôt, quand j'indiquais que les ordinateurs des divers services de santé ne se parlent pas entre eux.

La collecte des données pourrait s'effectuer en temps réel au point de service. Les données pourraient être transmises à un système régional, ce qui permettrait aux décideurs de savoir combien de diabétiques sont venus pendant la semaine et combien ont eu leur HbA1C, ou même d'un point de vue moins technologique, combien ont vu un podiatre à la maison et combien ont eu des soins podiatriques à titre préventif. Ces données seraient consignées dans une base de données provinciale ou nationale, ce qui permettrait d'avoir l'information sur la santé publique dont on a besoin pour examiner certains des éléments sociaux du système auxquels nous avons fait allusion. C'était ma petite plaidoirie.

Dr Morgan : C'est un enjeu crucial, relié à la reddition des comptes, notre premier thème. C'est aussi relié à la qualité et probablement à tous les aspects examinés ici.

Il importe que le gouvernement fédéral détermine comment il peut acheter le changement et comment il peut acheter des améliorations particulières concernant les dossiers de santé électroniques et les données qui sont obtenues grâce à ces dossiers. Un aspect clé est comment s'assurer que les systèmes sont conçus de manière à permettre un usage secondaire, pour la gestion du système de santé, l'évaluation et, finalement, l'innovation dans le système de santé. Le gouvernement fédéral peut utiliser ce genre de carotte pour s'assurer que les systèmes provinciaux sont conçus en tenant compte de ces usages secondaires et que les processus sont structurés de façon à ce que les données soient accessibles aux ministères, mais aussi à d'autres organisations aux fins de l'évaluation des systèmes et de la recherche.

J'aimerais revenir sur la remarque du Dr Haggie au sujet des ordonnances électroniques. C'est crucial pour la qualité et la sécurité des soins aux patients. C'est aussi un atout important pour les médecins. Ils en profiteront dans leur pratique.

Deuxièmement, pour accélérer l'adoption de dossiers médicaux électroniques bien constitués, il faut les relier à la rémunération. Nous avons parlé du regroupement des paiements, surtout pour les soins de santé primaires, ou des incitatifs fondés sur les résultats. Pour que l'utilisation de ces systèmes se répande, il faut indiquer qu'il n'y aura pas d'argent frais si les systèmes ne sont pas adoptés; que pour avoir droit aux primes, au revenu supplémentaire, il faut passer par des dossiers médicaux électroniques bien constitués. Les exemples internationaux montrent que relier la rémunération à l'utilisation d'un système d'information électronique accélère l'adoption du système.

M. Manion : Nous devons nous rappeler que c'est un outil et que pour utiliser un outil efficacement, il faut un bon manuel d'instructions. Il ne s'agit pas simplement que tout le monde ait un nouveau jouet flambant neuf aussi mais de savoir comment l'utiliser. Qu'est-ce qui doit figurer dans le dossier de santé et qu'est-ce qui ne devrait pas s'y trouver? Quelle information est bonne? Quels renseignements confidentiels se retrouvent dans ce dossier? Pensons aux données sur la santé mentale qui se trouveraient dans ce dossier. Qui y aurait accès et à quelles fins? À qui appartient le dossier? Sera-t-il un moteur de l'intégration dont nous avons déjà parlé, afin d'éviter le double emploi? Qu'arrive-t-il s'il est évident dans un dossier qu'une évaluation a été faite mais que le prochain maillon le long de la chaîne ou dans un secteur connexe veut faire sa propre évaluation parce qu'il n'a pas confiance dans ce qu'a fait l'autre secteur? Où sont les bâtons pour éviter le double emploi, maintenant qu'il existe un dossier permettant de déterminer que le travail a déjà été fait?

En soi, c'est un outil qui pourrait être fantastique. Nous avons entendu où il fonctionne assez bien et où il pourrait apporter des réponses systémiques à certaines questions sur les données, mais il pourrait aussi donner lieu à des abus si nous n'enseignons pas comment s'en servir efficacement.

Dr Schull : Je voudrais revenir sur une observation de M. Morgan au sujet des incitatifs. C'est crucial. Cela ne veut pas dire nécessairement payer les gens pour qu'ils utilisent les DME mais plutôt les inciter à le faire, parce que les DME leur facilitent la tâche. Quand on parle d'incitatifs, il est important de parler du concept d'utilisation efficace. Il ne devrait pas suffire d'avoir sur son bureau un terminal contenant quelques dossiers de patients pour avoir droit à l'incitatif, quel qu'il soit. Nous devons démontrer une utilisation efficace. Elle a été définie aux États-Unis. Un rôle important que le gouvernement fédéral pourrait jouer consisterait à définir ce qui constitue une utilisation efficace des dossiers électroniques.

L'autre grande question qui me préoccupe est qu'on finit par avoir des systèmes qui ne se parlent pas vraiment efficacement entre eux. Il y a de nombreux DME isolés dans la province, mais on ne peut pas collecter les données simplement. C'est un domaine où Inforoute Santé pourrait jouer un vrai rôle de chef de file. Finalement, nous devons nous assurer que les systèmes qui sont achetés peuvent se parler entre eux, simplement.

Je peux vous donner un exemple. L'une de mes collègues effectue des recherches sur les dossiers médicaux électroniques. Elle a rassemblé des dossiers électroniques d'une centaine de cabinets différents mais a dû embaucher du personnel pour lire manuellement le texte libre dans ces dossiers afin d'extraire les renseignements sur les maladies chroniques, parce que les dossiers électroniques n'indiquent pas clairement qui souffre d'hypertension ou de MPOC, par exemple. Il me paraît tout à fait ridicule de devoir embaucher quelqu'un pour lire le texte libre quand on a un dossier électronique. Quel est l'avantage par rapport à la lecture du dossier sur papier?

Enfin, je pense que nous pourrons en avoir beaucoup pour notre argent dans les dossiers de santé électroniques si nous facilitons l'innovation locale. Certains des meilleurs systèmes que j'ai vus ont été conçus par deux ou trois personnes au bout de mon corridor à l'hôpital, parce qu'ils répondent directement à mes besoins, comme clinicien, pour que je puisse offrir de meilleurs soins. Il n'y aura probablement pas de solution unique imposée d'en haut, alors il faut permettre l'innovation locale, mais il faut également s'assurer que ces systèmes se parlent entre eux.

Il existe des modèles pouvant aller au-delà des ordonnances électroniques. Aux États-Unis, il y a des espèces de centres d'échanges d'information sur la santé. Les entreprises rassemblent l'information des cabinets, y compris les données sur les patients, les données sur les ordonnances, les aiguillages, et gèrent ces données en temps réel. C'est un outil clinique, qui facilite la pratique clinique, mais il peut aussi servir à des usages secondaires, à la recherche, et ainsi de suite. Il n'est pas nécessaire que ce soit un modèle privé, et je ne suis ni pour ni contre ce type de modèle. L'essentiel, c'est que nous pouvons essayer de réunir l'information provenant de sources disparates et la présenter d'une manière qui répond aux besoins cliniques en temps réel, mais aussi aux besoins administratifs et aux besoins en matière d'évaluation du rendement et de la qualité.

Mme Henningsen : En ce qui concerne les DME, quand ils ont commencé à être déployés, ils visaient les soins de courte durée, où les patients sont soignés, obtiennent leur congé et ne restent pas très longtemps dans les établissements de santé. Nous devons examiner le modèle des Territoires du Nord-Ouest où les DSE sont conçus en fonction du client qui vit dans la collectivité. Les ordonnances électroniques sont formidables, mais seulement si elles s'ouvrent vers l'extérieur, et les DSE doivent s'appliquer aussi aux soins à domicile et aux soins communautaires. Sinon, nous ne faisons que numériser nos anciens compartiments. J'ai aimé que Mme Delancy explique comment fonctionnent ses DSE, parce qu'on peut parfois apprendre beaucoup des collectivités isolées, parce qu'elles se débrouillent. Elles y parviennent parce qu'elles n'ont pas le choix. Les DSE ne sont pas construits en fonction des gros hôpitaux parce qu'il n'y en a pas. Je m'interroge, parce que je sais que nous avons travaillé avec Inforoute Santé du Canada pour déterminer si les soins à domicile et les soins communautaires sont prêts pour les DSE. Nous sommes prêts et nous attendons. On dirait que cela n'arrivera jamais jusqu'à nous. Je pense que c'est un gros oubli.

Dr Kitts : Si nous voulions nous pencher davantage sur le sujet, voilà un cas où votre définition de l'innovation cadrerait parfaitement. On assiste en effet à de magnifiques réussites un peu partout au pays en ce qui concerne les dossiers de santé électroniques.

Puis-je prendre un moment pour vous lire un message qu'un chirurgien m'a envoyé hier matin à l'hôpital? C'est un de mes chirurgiens bourrus. Je ne dirais pas qu'ils le sont tous, mais celui-ci est toujours le premier à se manifester quand quelque chose mérite d'être dit. Il m'écrit : « Je m'appelle Dr Untel. Je suis chirurgien généraliste dans cet hôpital depuis 22 ans. J'ai possédé toutes les générations d'ordinateurs, des Palm Pilot et autres. Afin de rendre la gestion des patients et de la charge de travail plus efficace, l'hôpital me prête un iPad depuis environ deux semaines. Je veux dire que cette tablette, surtout avec son logiciel clinique mobile, est le premier outil technologique qui facilite vraiment la gestion des patients et de la charge de travail du point de vue d'un chirurgien. Je suis particulièrement impressionné par le logiciel clinique mobile. Il est très facile à utiliser, vu l'absence de fonctions inutiles, et très rapide. On peut donc l'utiliser au chevet des patients dans les cliniques. J'apprécie aussi qu'il se synchronise merveilleusement avec mes courriels et mon calendrier, et je peux y lire des articles de journaux pendant les accalmies. Enfin, s'il nous permettait de rédiger nos ordonnances et de voir les signes vitaux des patients en temps réel, cet instrument du futur serait alors plus que parfait. »

Et ce n'est pas la fine pointe de la technologie, même dans ce pays.

Certaines technologies en font encore plus. Il y en a qui permettent de faire les ordonnances. J'en reviens donc à ce que disaient le Dr Haggie et d'autres, quand le RAMO a annoncé aux médecins qu'ils ne seraient plus payés s'ils n'utilisaient pas la facturation électronique : vlan!

Quand la stratégie pour les temps d'attente a été adoptée, les systèmes d'information électroniques ont été mis en place en un temps record. Si quelqu'un disait : « Si vous pouvez le faire dans certaines parties du pays, vous pouvez le faire partout au pays. Trouvez la meilleure façon de faire et mettez-la en place », nous serions beaucoup plus novateurs et plus avancés.

M. McNamara : Je suis d'accord avec l'idée des prescriptions électroniques. Je pense qu'il serait aussi avantageux d'en faire autant avec les références. Je comprends qu'il faut de l'argent pour concrétiser ces projets.

Il faut notamment tenir compte des règles de confidentialité, qui sont différentes d'une province à l'autre. C'est un des problèmes qui se posent dans le cas présent. Il y a des règles de confidentialité fédérales et chaque province a également les siennes.

Il faut aussi tenir compte du fait que, contrairement à un dossier juridique, qui appartient au client et non à l'avocat, le dossier médical appartient au médecin et les informations qu'il renferme appartiennent au patient. Nous devons aussi travailler en fonction de cette réalité.

J'aimerais beaucoup fonctionner comme les forces armées, puisque ça me donnerait par le fait même un taux de conformité de 100 p. 100 dans ma province. Nous nous dirigeons vers ça, mais la politique l'AMC laisse le choix aux médecins. C'est l'impasse causée par ce choix qui nous empêche d'utiliser le système que la Nouvelle-Écosse a tenté de mettre en place. J'adhère à l'idée de faire le forcing, par quelque moyen que ce soit, pour nous permettre d'avancer.

La suggestion visant à rallier les soins de longue durée doit être envisagée d'emblée si nous voulons avancer. La seule façon d'abattre les cloisons, même pour les médecins, consiste à avoir accès aux dossiers pour que les systèmes communiquent entre eux. Nous pouvons utiliser différents systèmes, mais ce sont les coûts élevés de l'interopérabilité qui causent tant de problèmes. Ils nous obligent à amputer d'autres programmes.

Le sénateur Champagne : Ce serait fantastique d'avoir des dossiers de santé électroniques, mais le dossier du patient a beau être sur papier ou à l'écran d'un ordinateur, il ne sert à rien si on ne le lit pas.

Je vous donne l'exemple d'un patient qui, après avoir passé six semaines en soins intensifs, est enfin transféré aux soins réguliers. Une heure plus tard environ, une nouvelle équipe soignante prend la relève. Personne n'a lu le dossier médical et tous ignorent donc que le patient a des allergies. Ils pourraient très bien lui administrer un antidouleur auquel il est très allergique et ainsi provoquer son renvoi aux soins intensifs.

Nous parlions de gouvernance, plus tôt. Quelqu'un doit voir à ce que les personnes en charge lisent les dossiers. Sinon ça ne fait aucune différence que le dossier soit électronique ou en papier. Et ça, c'est un fait.

Le président : La question soulevée par le sénateur Champagne va dans le sens de commentaires que nous avons entendus ce matin. Le concept de progrès n'est utile que si nous pouvons vraiment déterminer s'il représente un gain en efficacité. Voilà un exemple patent de ce genre de cas.

Je vais passer aux prochaines étapes, soit la couverture des médicaments onéreux et le régime d'assurance- médicaments.

M. Morgan : Cette question m'intéresse beaucoup. Je ne répéterai pas tout ce que j'ai dit lors de ma dernière visite, si ce n'est que le Canada doit se demander quel modèle d'assurance-médicaments répond le mieux aux besoins des Canadiens et de son système de santé.

C'est en partie par accident que nous avons créé la couverture des médicaments onéreux. Elle a été élaborée pour que les provinces s'en servent de modèle. Nous devons ramener ce sujet à l'ordre du jour. La couverture des médicaments onéreux comporte certains avantages politiques, mais nuit aussi à l'atteinte de certains objectifs en matière d'équité, d'accessibilité et, surtout, de contrôle des coûts.

Je crois que le moment est venu de travailler avec les provinces pour élaborer un plan d'action à partir des différents modèles. Il pourrait y en avoir plus d'un étant donné que je ne suis pas certain qu'il y aura un seul modèle national d'assurance-médicaments. Nous devons déterminer quel modèle permettra aux Canadiens de bénéficier d'une couverture exhaustive qui ne se limite pas aux seuls médicaments onéreux.

Nous devons penser à une stratégie qui pourrait évoluer progressivement. Le gouvernement fédéral pourrait être responsable de ce que l'on appelle les médicaments coûteux pour traiter des maladies rares. Dans mon témoignage, il y a quelques semaines, j'ai avancé que si le gouvernement fédéral investissait des sommes importantes, s'il mettait sa peau en jeu, pour ainsi dire, les provinces le verraient peut-être comme un partenaire sérieux dans le dossier de l'assurance-médicaments au Canada. Cela permettrait beaucoup de réduire certaines tensions juridiques en ce qui a trait à la régulation pharmaceutique et au financement pharmaceutique, des responsabilités fédérale et provinciales, respectivement.

En prenant la charge d'un dossier, comme celui des médicaments coûteux pour traiter des maladies rares, le gouvernement fédéral pourrait mettre quelque chose en marche. Il pourrait ensuite travailler avec les provinces pour offrir aux citoyens une assurance appréciable, dès leur première ordonnance. Je ne propose pas une couverture allant jusqu'au dernier dollar ou une couverture des médicaments onéreux, mais une couverture d'application immédiate, dès les premières dépenses ou la première ordonnance, quelque chose comme ça.

Je me réfère en partie à un récent article paru dans le New England Journal of Medicine sous la plume du Dr Chaudhary, un Canadien qui travaille à l'Université Harvard. Le Dr Chaudhary a réalisé, auprès d'un groupe d'assureurs américains, un essai aléatoire élaboré portant sur l'accès aux médicaments gratuits à la suite d'un infarctus du myocarde. L'essai a permis de constater que les patients adhèrent au traitement, que leur santé cardiovasculaire s'améliore et qu'ils ne sollicitent généralement pas davantage le système de santé, puisque l'amélioration de leur santé annulait le coût des médicaments qu'on leur avait donnés à la suite de leur incident cardiovasculaire. Il y a là une leçon importante.

Mon collègue, Michael Law, et moi, avec le concours de l'unité des politiques pharmaceutiques de Abby Hoffman, à Santé Canada, avons mené des recherches qui ont montré que les Canadiens assurés, au public ou au privé, sont beaucoup plus enclins à prendre les médicaments qui leur sont prescrits que les Canadiens non assurés. Je propose donc que nous trouvions un modèle viable et équitable qui permettra à tous les Canadiens d'être assurés pour leurs médicaments, dès la première ordonnance de chaque année.

M. McNamara : Nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour travailler tous ensemble au sein d'un régime national dans le cas de la couverture des médicaments onéreux. L'une des difficultés qui se posent à nous, même en tant que provinces, est de savoir quel médicament doit être couvert et dans quelles circonstances. C'est une tâche très ardue puisque les entreprises pharmaceutiques dépensent plus d'argent en lobbying que ce que nous pouvons nous permettre de dépenser pour connaître les faits réels.

Je tiens notamment à dire que Santé Canada peut nous aider. Le ministère atteste la sécurité des médicaments et je lui en suis très reconnaissant. Il pourrait également en mesurer l'efficacité, surtout lorsqu'un nouveau produit arrive sur le marché. En quoi est-il différent? Son effet sur le patient est-il notable ou minime? C'est le genre d'activités qui nous aiderait dans la prise de décisions.

Je crois aussi que nous devons surveiller la surenchère entre les provinces, parce que les entreprises pharmaceutiques vont introduire leurs médicaments dans une province et ensuite les faire circuler dans tout le système. Elles utilisent aussi des patients vulnérables comme porte-paroles. J'y reviendrai lorsque nous aborderons le sujet de la réduction du coût.

Notre province est l'une de celles qui couvrent un certain nombre de médicaments onéreux et je sais que ça ne se fait pas partout au pays. Presque toutes les provinces le font. Mais je crois que nous devons mettre sur pied un régime qui couvre ces médicaments pour venir en aide à ceux qui en ont particulièrement besoin.

Le sénateur Eggleton : J'ignore à quel point le gouvernement fédéral se montrera intéressé à investir dans un régime d'assurance des médicaments onéreux, puisqu'il semble que la majorité des provinces couvrent déjà ces médicaments. Je doute qu'il soit prêt à passer à l'action.

J'espère tout de même qu'il poursuivra ses stratégies d'achat. Je serai ravi d'entendre des remarques à cet effet puisque l'incidence sur les prix est considérable, mais cette discussion aura probablement lieu au point neuf.

L'un des éléments probants dont nous disposons est un rapport rédigé par Marc André Gagnon, chargé d'enseignement à l'Université Carleton. Ce rapport lui avait été commandé par le Centre canadien des politiques alternatives et l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques. Selon M. Gagnon, ces organismes prétendent que la création d'un régime national d'assurance-médicaments se traduirait par des économies. J'imagine qu'ils ne parlent pas nécessairement du gouvernement, mais les gens, eux, pourraient réaliser des économies.

Dans son rapport, M. Gagnon envisage un certain nombre de scénarios qui nous amènent tous à conclure que la création d'un régime national d'assurance-médicaments nous permettrait d'économiser de l'argent. Pourquoi ne créons-nous donc pas un régime national d'assurance-médicaments? Ne trouvez-vous pas ce rapport assez convaincant?

Le président : Je vais revenir à la liste. Vous pouvez y réfléchir dans ce contexte, puisqu'il y a un lien avec l'assurance pour médicaments onéreux. Nous reviendrons peut-être sur le sujet plus tard, quand il sera question des stratégies de réduction de coût des médicaments.

Mme Delancy : Je tiens à dire que j'appuie les gens qui encouragent le gouvernement fédéral à jouer un rôle dans la couverture des médicaments onéreux et des médicaments coûteux pour traiter les maladies rares. J'appartiens à une toute petite administration territoriale dont le budget est restreint, et la couverture des médicaments onéreux d'un ou deux patients peut faire une différence importante sur notre budget. La triste vérité, c'est qu'en pareille situation certains gouvernements peuvent se mettre à analyser ces cas pour décider ou non s'ils approuvent certains médicaments. Nous devons disposer d'une base commune et équitable pour garantir aux Canadiens que ces décisions ne sont pas prises en fonction de la qualité des soins ou d'un point de vue strictement économique.

Dr Haggie : À propos de l'absence d'un régime national de couverture des médicaments onéreux, les principes que nous avons adoptés au départ étaient une meilleure santé, de meilleurs soins de santé et l'optimisation des ressources. L'équité fait partie de l'aspect « expérience optimale pour le patient ». Or, si l'on regarde le coût que cela représente pour les particuliers résidant dans différentes provinces, dont le salaire médian est relativement semblable, par exemple, on constate que le montant déboursé varie d'un endroit à l'autre au pays. Dans une province, les dépenses liées aux médicaments onéreux peuvent amputer le revenu d'un ménage de 1 500 $, tandis qu'à Terre-Neuve les mêmes médicaments peuvent coûter jusqu'à 5 000 $. En vérité et en toute honnêteté, cette situation ne reflète pas les principes que nous souhaitons appliquer.

La question d'un régime national d'assurance-médicaments est pertinente du point de vue des stratégies de réduction des coûts. L'élaboration de la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques était l'un des résultats intéressants de l'accord de 2004. Elle aurait pu régler un certain nombre de ces problèmes, mais deux ans à peine après la signature de l'accord, le projet est tombé dans l'oubli et on n'en a plus jamais entendu parler. J'encourage les gens à s'y intéresser de nouveau pour en étudier les principes et formuler des recommandations visant à le modifier ou à l'augmenter, et pour voir s'ils sont en accord avec les principes actuels.

Le président : Je vais donner la parole à M. Morgan à ce sujet et j'allais aussi m'adresser à lui pour le point no neuf : les « Stratégies de réduction du coût des médicaments ».

Monsieur Morgan, je crois que je vais vous laisser faire vos remarques au sujet des médicaments onéreux et nous passerons ensuite au point neuf. Certains thèmes commencent à se recouper et je crois qu'il sera approprié de passer au point neuf quand vous aurez fini de parler des médicaments onéreux. Vous pourrez enchaîner après avoir indiqué la fin de vos remarques sur le sujet actuel.

M. Morgan : Pour que tout le monde ici le sache, je vais vous répéter comment j'explique l'échec de la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques. Il est en partie dû aux attentes des provinces qui croyaient que le gouvernement fédéral débourserait les milliards de dollars qu'aurait coûtés chaque année le partenariat pour la couverture des médicaments onéreux. Mais, quand il est devenu évident, dans les mois et les années qui ont suivi la création de la Stratégie, que le gouvernement n'avait en fait jamais promis cet investissement, les provinces, je crois, se sont retirées.

Quand je pense à 2014 et aux années suivantes, je me dis que si le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de se charger d'un aspect précis du régime d'assurance-médicaments ou de débourser des milliards par année, il devrait l'indiquer clairement, laisser tomber l'idée et mettre ses efforts dans d'autres dossiers liés à la question des médicaments qui sont toujours d'une grande importance.

Je veux faire une remarque sur les sommes déboursées par les citoyens pour la couverture des médicaments onéreux. Ma collègue Jamie Daw et moi avons récemment mené une étude à notre centre de l'Université de la Colombie-Britannique. Cette étude visait à mesurer l'évolution de ces régimes au cours des 10 dernières années ainsi que les dépenses encourues par les Canadiens dans diverses provinces. Même ce modèle révèle d'importantes disparités d'une province à l'autre.

Je veux aussi mentionner la conclusion d'une étude précédente, réalisée en collaboration avec Gillian Hanley, également de l'UBC, pour évaluer le régime de couverture des médicaments onéreux de l'université, fondé sur le revenu des assurés. Nous avons suivi des patients de la Colombie-Britannique pendant quatre ans pour savoir qui sont les grands consommateurs de médicaments et comment se profilent leurs dépenses en médicaments sur ordonnance au fil du temps. Nous avons découvert qu'environ 5 p. 100 de la population est responsable d'à peu près 50 p. 100 des dépenses en médicaments en Colombie-Britannique. La situation est probablement similaire dans d'autres provinces.

En ce qui concerne l'équité de ces régimes de couverture des médicaments onéreux, il est important de noter que les patients qui dépensent le plus pour des médicaments vivent cette réalité année après année, très souvent jusqu'à leur mort. Cela veut donc dire que ces patients ont eu à payer ces énormes factures chaque année où ils étaient aux prises avec une quelconque maladie grave ou chronique exigeant la prise de médicaments onéreux. En termes d'équité, dans le cas de la couverture des médicaments onéreux, il faut donc tenir compte du fait qu'il ne s'agit pas d'une assurance en cas de catastrophe ne survenant normalement qu'une seule fois. En santé, dans les cas des malades chroniques, la catastrophe se répète d'année en année. C'était ma dernière remarque sur la couverture des médicaments onéreux.

Pour passer à la question des stratégies de réduction du coût des médicaments, selon moi, la collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral dans des domaines comme l'évaluation commune des médicaments a été profitable pour les Canadiens de toutes les provinces. Je sais que les débats et les controverses ont parfois été abondants en ce qui concerne les conséquences de l'évaluation commune des médicaments, le temps qu'elles prennent, et, surtout, les longs délais qui se sont écoulés entre les recommandations et les décisions. Je crois toutefois que l'harmonisation des données obtenues au Canada par des moyens reconnus, rigoureux et transparents aide toutes les provinces à prendre leurs propres décisions en matière d'homologation.

Cela dit, comme la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques le mentionnait en 2004, les stratégies d'achat communes peuvent comporter des avantages. Il s'agit d'une entreprise délicate sur le plan politique, puisque chaque province serait appelée à participer à une stratégie d'achat en commun avec les autres. Les provinces cèdent en effet une partie de leur autonomie lorsqu'elles doivent faire des concessions sur l'achat ou non d'un produit dans le cadre d'un processus de décision commun. Il y a bel et bien un obstacle, mais je crois que les Canadiens finiront par reconnaître que la participation de leur province à de telles stratégies se ferait à leur avantage.

Je vais maintenant parler de quelques stratégies en particulier. Je crois qu'il est pertinent d'envisager les stratégies d'achat en supposant que des médicaments génériques seront utilisés dans les soins de santé primaire et pour le traitement des diverses maladies cardiovasculaires, mentales et gastro-intestinales; des affections relativement communes et traitées à l'aide de médicament que beaucoup de Canadiens achètent. La plupart des médicaments vedettes qui servent dans les soins de santé primaires ont été créés dans les années 1980 et 1990 et ne sont ainsi plus protégés par un brevet ou ne le seront bientôt plus. Selon une étude réalisée en Colombie-Britannique, les gouvernements qui emploieraient une stratégie d'achat de médicaments en gros, surtout dans le cas des médicaments génériques, se retrouveraient avec une facture égale ou inférieure à celle qu'ils doivent actuellement payer dans le cas des hypertenseurs, par exemple. Cependant, l'achat en gros par le pays, par une province ou par un groupe de provinces souhaitant s'allier à cet effet nécessite la tenue d'appels d'offres. Le contrat d'approvisionnement en médicaments concernant la province ou le groupe de provinces intéressé est octroyé au moins offrant. La procédure par appels d'offres a fait l'objet de certaines critiques au cours des derniers mois, mais il vaut quand même la peine de s'y intéresser.

Le Canada doit faire preuve d'un peu de vision et tenir compte de l'expiration des brevets qui protègent beaucoup de médicaments biologiques arrivés sur le marché récemment ou il y a un certain temps, parfois à des prix très élevés. Ces médicaments ne seront plus protégés par un brevet; certains ne le sont déjà plus. Nous devrions peut-être aussi nous doter d'une stratégie nationale en matière de produits bio-similaires. Il serait important que le gouvernement du Canada, Santé Canada et les provinces discutent de moyens que nous pouvons emprunter pour rapidement atteindre une concurrence tout de même raisonnable dans le domaine des ces produits biologiques nouvellement abordables. Les produits bio- similaires sont en fait des génériques de médicaments biologiques.

La recherche et le développement pharmaceutiques étant orientés sur les médicaments anticancéreux comme ils ne l'ont jamais été de toute l'histoire de l'innovation pharmaceutique, ou au moins depuis les 60 à 70 dernières années, je dirais qu'environ 30 p.100 des médicaments en phase de recherche et de développement sont des anticancéreux.

Une part importante des médicaments mis sur le marché dans les dernières années sont des médicaments oncologiques. Leur prix est extrêmement élevé et n'est pas toujours très bien justifié en ce qui concerne les bénéfices que peuvent en tirer les patients et, surtout, les systèmes de santé.

J'estime que nous devrions envisager d'adopter une stratégie pancanadienne de soins contre le cancer et d'achat de médicaments anticancéreux. Les provinces canadiennes disposent d'excellents organismes de lutte contre le cancer, et je sais qu'ils collaborent et qu'ils communiquent entre eux. Je crois qu'ils peuvent intensifier leurs échanges d'informations pour en faire d'importants outils de coopération et de collaboration.

Dr Taylor : J'aimerais vous donner un bon exemple. Pendant la pandémie, nous avons négocié au nom des provinces et nous avons fait des achats en gros; pas seulement dans le cas du vaccin, mais aussi pour des antiviraux. Nous avons réalisé des économies substantielles. À mon avis, nous avons obtenu le vaccin à un prix parmi les moins chers au monde grâce à l'achat en gros à l'échelle du pays.

Les négociations ont évidemment été faciles parce que tous voyaient la valeur ajoutée du contrat, mais nous devions tout de même veillé à ce que tout le monde y assiste et soit d'accord. L'expérience pourrait être répétée en vertu de l'accord dans son état actuel, sans qu'on n'y apporte de changements.

M. Manion : Je veux vous parler plus en détail de l'utilisation des médicaments psychotropes. Il semble qu'on ait de plus en plus recours à ces médicaments, ce qui pourrait vouloir dire que nous avons un système de santé mentale inadéquat dans lequel nous n'explorons pas toutes les possibilités. Un médecin de premier recours qui n'a pas les compétences, les outils ni la formation nécessaires pour traiter les premiers stades d'un trouble de santé mentale, sera plus porté à prescrire des médicaments psychotropes qu'à appliquer d'autres traitements.

Je crois que nous avons un rôle à jouer à l'échelon fédéral. Nous devons parler avec les assureurs qui remboursent sans question les médicaments psychotropes, mais qui appuient à peine la psychothérapie, même si tout démontre que, par comparaison aux autres types de traitement, la psychothérapie présente plus d'avantages à long terme.

Dans le cas des enfants et des adolescents, par exemple, il est on ne peut plus évident qu'il s'agit en réalité de troubles de santé mentale. On constate que les enseignants encouragent l'utilisation du Ritalin pour l'hyperactivité avec déficit d'attention chez les enfants en faisant pression sur les parents et les médecins de famille, car il n'y a rien de mieux que ce médicament pour traiter les troubles de santé mentale en milieu scolaire. D'après les données concernant l'utilisation de médicaments psychotropes et les données d'assurance émanant des employeurs, par exemple, on constate que la consommation de ce genre de médicaments a atteint des sommets. Je n'ai pas constaté de véritable initiative fédérale destinée à soutenir les autres formes de thérapie pour contrer la dépendance excessive aux médicaments psychotropes.

M. McNamara : J'ai quelques points à aborder, sans ordre particulier.

À l'heure actuelle, les provinces et les laboratoires pharmaceutiques concluent des contrats sur certains médicaments. Il y a des ententes de confidentialité et chaque province croit obtenir ses médicaments au meilleur prix. Je soupçonne qu'en lisant son contrat, Gordie Howe a découvert qu'il était parmi les moins bien payés.

La pratique courante aux États-Unis, et je suis certain que c'est pareil ici, consiste à payer la temporisation, c'est-à- dire, que les grands laboratoires pharmaceutiques paient les laboratoires génériques pour qu'ils retardent l'introduction de leurs médicaments sur le marché. Ils se divisent ensuite la différence. Je crois qu'il faut aborder cette question.

Le financement de groupes de représentation en santé par les laboratoires pharmaceutiques nous coûte très cher, comme je l'ai déjà mentionné. Les labos ont même recours à des personnes vulnérables pour que les médicaments qu'ils veulent faire approuver soient vendus dans chaque province. C'est commun.

De nos jours, quand un laboratoire veut introduire un nouveau médicament sur le marché, il doit d'abord le soumettre à Santé Canada qui en teste l'innocuité. D'après ce que j'ai compris, personne d'autre ne peut soumettre ce médicament à Santé Canada. Les médicaments Lucentis et Avastin en sont de bons exemples. Lucentis est un médicament qui coûte très cher. Avastin appartient à la même famille, mais il est beaucoup plus abordable. Ce médicament traite la dégénérescence maculaire humide aussi efficacement que Lucentis dans la plupart des cas, mais cette utilisation n'est pas indiquée sur l'étiquette. À l'instar de la Colombie-Britannique, nous nous en servons pour traiter un état pathologique qui n'est pas indiqué sur l'étiquette. Et si je ne m'abuse, une province ne peut pas demander à Santé Canada de déterminer si ce médicament est sécuritaire pour tout le monde.

Mme Hoffman a parlé des bâtonnets diagnostiques. Nous sommes une des premières provinces à avoir voulu introduire une autre sorte de bâtonnets diagnostiques en nous fondant sur des informations fournies. Nous avons été pris d'assaut par des laboratoires pharmaceutiques, par des particuliers et par l'Association canadienne du diabète qui est elle-même financée par des laboratoires. La question est devenue tellement épineuse que le gouvernement a fait machine arrière. Voilà une information à connaître et il faudrait peut-être obliger les groupes de représentation ou les organismes de bienfaisance qui sont financés par des laboratoires à en faire ouvertement état sur leur site web. Il faut y penser.

C'est ce que nous cherchons à faire dans le cadre des négociations provinciales. À l'heure actuelle, la Colombie- Britannique mène les négociations au nom de toutes les provinces relativement à un certain médicament. Le laboratoire pharmaceutique en question a rompu les négociations avant la réunion des ministres de la Santé et a tenté de passer des contrats individuels avec les provinces par des moyens détournés. Les ministres de la Santé ont dit : « Non, nous sommes solidaires et nous suivrons ce processus ensemble. » Il sera intéressant de voir ce que ça va donner par rapport aux achats en masse.

Comme l'a indiqué le Dr Taylor, le processus appliqué en situation de pandémie a bien fonctionné. Il y a cependant eu un raté, et il n'y a été pour rien, en ce sens que les laboratoires pharmaceutiques ont vendu le même médicament aux hôpitaux pour enfants en leur disant qu'ils en avaient besoin, mais à un prix beaucoup plus élevé que celui consenti au gouvernement. Nous revenons sur ce point.

Il faut aussi être conscient du fait que les médicaments biologiques font des progrès et qu'ils seront plus coûteux pour tout le monde parce qu'il s'agira de médicaments « boutiques » ceux dont le prix est délibérément élevé.

Enfin, nous devons passer plus de temps à étudier l'utilisation appropriée des médicaments. La mauvaise utilisation de médicaments est répandue. Par exemple, je pense aux personnes âgées à qui le médecin prescrit un médicament, mais comme le pharmacien passe trop de temps à leur parler des contre-indications, elles ont peur de s'en servir. Nous ne devons pas seulement parler des contre-indications. Il faut mieux expliquer les avantages des médicaments.

Dr Schull : Je vais répondre à quelques-unes de ces remarques en commençant par celle de M. Morgan au sujet des 5 p. 100 de patients responsables de 50 p. 100 des coûts des produits pharmaceutiques. C'est la même réalité pour les coûts des soins de santé en général. Environ 5 p. 100 des patients engendre plus de 50 p. 100 des coûts. Je pense que c'est même 80 p. 100 du total dépensé sur les soins de santé.

Lorsque nous parlons du confinement des coûts des produits pharmaceutiques, il faut faire attention de ne pas cloisonner les enjeux. Ils sont tous liés. Si un patient dépense beaucoup d'argent sur des médicaments, il y a de fortes chances qu'il coûte beaucoup d'argent au système aussi, à cause d'hospitalisation, de visites à l'urgence et de visites chez son médecin de famille.

Ce que je veux dire c'est que nous parlons de 5 p. 100 des patients. Devrions-nous concevoir un système qui se concentre davantage sur ces 5 p. 100? C'est une faible proportion de l'ensemble de notre système. Si nous pouvions veiller à ce que ces patients reçoivent de meilleurs soins, plus intégrés, nous pourrions alors parler de l'à-propos des soins. Ces patients prennent-ils trop de médicaments ou des mauvais médicaments? Leur hospitalisation est-elle causée par une mauvaise combinaison médicamenteuse? Peut-être ne prennent-ils pas les bons médicaments, ce qui peut mener à une deuxième hospitalisation et éventuellement entraîner leur décès.

Cela nous ramène à notre point de départ, soit l'intégration des soins et l'application d'une démarche holistique dans la façon dont le patient est pris en compte par le système de soins de santé. Il nous faut réfléchir à l'adéquation des mesures d'incitation au système de soins en vue d'assurer le confinement des coûts des produits pharmaceutiques. Nous aurons des soins de santé de meilleure qualité en général aussi.

Dr Haggie : Je reviens sur ce que le Dr Schull a dit. Il y a quelques années à l'AMC, nous avons lancé une initiative destinée à optimiser la prescription de médicaments grâce à l'informatisation des ordonnances.

Tout le concept reposait sur un module informatisé comportant un aide à la décision à l'étape de la rédaction des ordonnances. La plupart des médecins n'ont aucune idée du prix des médicaments qu'ils prescrivent. Les seuls renseignements qu'ils ont sont ceux sont fournis par les laboratoires pharmaceutiques sur demande.

Nous avons été confrontés à un autre problème quand nous nous sommes demandé où les médecins obtiendraient des renseignements au sujet des médicaments et des pratiques exemplaires. La plupart des médicaments autres que ceux destinés à traiter le cancer ne sont absolument pas nouveaux. Autrement dit, on modifie un peu un médicament existant et on gonfle le prix. Il serait intéressant que le médecin prescrivant un médicament ait accès à une aide en direct. Aucun médecin ne veut dépenser de l'argent inutilement.

Les interactions médicamenteuses sont un autre problème de taille qu'on pourrait surveiller grâce à un accès aux dossiers médicaux en temps réel. Quinze pour cent des admissions à l'hôpital sont attribuables à des interactions médicamenteuses. Si l'on pouvait réduire ce chiffre grâce à la consultation des dossiers en temps réel du module de prescription, nous économiserions 1 200 $ par patient et éliminerions 15 p. 100 des admissions à l'hôpital au Canada. Il y aurait des effets immédiats.

Le président : Je vais passer au point 10, mais avant ça, je dois vous dire, en réponse aux propos sur le Ritalin, que j'ai eu beaucoup de chance que le Ritalin n'existait pas quand j'étais jeune. Je ne peux m'empêcher de croire que le Ritalin a été conçu pour réprimer toute expression physique dans le système scolaire et non pour satisfaire aux besoins de base en santé. C'est une observation personnelle.

Passons maintenant au rôle du secteur privé dans les soins de santé. M. Morgan prendra la parole le premier.

M. Morgan : J'enseigne les politiques en matière de santé à la UBC et cette question est une des parties les plus intéressantes du cours. La majorité des Canadiens se trompent en croyant qu'il n'y a pas de place pour le secteur privé dans les soins de santé au Canada quand, en fait, presque tous les soins de santé au Canada sont offerts par le secteur privé. Il ne faut pas oublier et il faut rappeler aux Canadiens que la plupart des hôpitaux sont des organismes privés, indépendants. Les cabinets de médecin partout au Canada sont en réalité des entreprises privées, sans but lucratif. Presque tous les médicaments que nous prenons et tous les équipements médicaux que nous utilisons sont fournis par le secteur privé à but lucratif.

Le secteur privé joue un rôle crucial dans la prestation des soins de santé au Canada. C'est indisputable.

C'est la question du rôle du financement privé des soins de santé qui alimente de grands débats et qui nous divise. Il y a des failles dans le système de soins de santé canadien qui sont régies par la Loi canadienne sur la santé, loi selon laquelle les services de médecin ou les soins hospitaliers nécessaires ne peuvent pas être financés par le secteur privé. La prestation de services par le secteur privé est admise, mais le financement privé ne l'est pas.

Le reste du système de soins de santé est aussi fortement financé par le privé, que ce soit pour les médicaments sur ordonnance, les soins à domicile ou les services complémentaires offerts par toute une gamme de fournisseurs de soins de santé.

Il faut être conscient d'une chose. Ce n'est pas en permettant au privé de financer les hôpitaux ou les services de médecins que nous résoudrons les grands problèmes dont nous discutons aujourd'hui. Nous ne résoudrons pas non plus de problèmes reliés aux temps d'attente ou à l'accès, et nous ne favoriserons pas l'équité parce que, comme un médecin m'a dit un jour, un dollar n'a jamais soigné un patient. Ce n'est pas en injectant plus d'argent dans le système que nous attirerons de nouveaux fournisseurs de santé. Les fournisseurs actuels doivent donc répartir leur temps différemment et dépenser leur énergie autrement, lorsque de nouvelles formes de financement entrent en jeu.

Je vous conseille de ne pas permettre le financement privé des services pour lesquels cette pratique est actuellement interdite au Canada, soit les services régis par la Loi canadienne sur la santé. En revanche, comme nous venons de le voir, il serait intéressant de considérer un rôle accru pour le financement public en raison des avantages du pouvoir d'achat qu'il engendre.

Je vais redire ici, pour mémoire, ce que j'enseigne dans tous mes cours, c'est-à-dire qu'il n'y a rien de mal à assurer la prestation privée des soins de santé. En fait, la prestation de la vaste majorité des soins au Canada est privée.

Dr Schull : Je pense ne rien avoir à ajouter à ce qu'a dit M. Morgan. Je suis tout à fait d'accord avec lui. Effectivement, quand on examine la répartition des dépenses de soins de santé au Canada entre le système privé et le système public, et qu'on se compare au reste du monde, on voit bien que nous ne sommes pas exceptionnels, à l'exclusion peut-être des États-Unis et de la Suisse qui sont à l'autre extrémité.

Je pense qu'il peut être intéressant de profiter de cette occasion d'étudier de nouvelles façons d'offrir les services de santé, par exemple grâce aux échanges de données médicales dont j'ai parlé plus tôt, et à une meilleure organisation des renseignements sur la santé de sorte que le système soit plus adapté aux besoins des cliniciens et des administrateurs. Nous pourrions confier un rôle aux entreprises privées à cet égard. Je n'y vois aucun problème. Je pense que le principe clé touche les services essentiels fondamentaux. Ces services doivent être gratuits au point d'intervention et nous devons les redéfinir si nous entamons cette discussion. Par contre, je reconnais que le système privé au Canada occupe déjà une place importante, mais on pourrait lui confier d'autres rôles.

[Français]

Le sénateur Verner : Comme je suis une sénateur du Québec, je ne peux m'empêcher d'intervenir et j'entends vos positions sur la part du secteur privé en santé. Comme vous le savez, le gouvernement du Québec, tout en respectant la loi canadienne sur la santé, a négocié des contrats avec certaines cliniques spécialisées privées pour certaines chirurgies pour lesquelles le délai d'attente dans le secteur public était trop long.

Selon vous, ce type de contrat permet-il de gagner en efficience?

Également, existe-t-il des données nous indiquant que parce que certains patients ont été traités en partenariat public-privé, ça eu un effet positif concernant les délais d'attente pour les patients en clinique publique?

Dr Schull : Je ne sais pas si des données sont disponibles à savoir s'il y a eu un impact du fait que davantage de procédures sont effectuées dans le secteur privé.

Mais je vais revenir sur un commentaire du M. Morgan, c'est-à-dire que le nombre d'orthopédistes au Québec est le même qu'auparavant. Le contrat n'a pas fait en sorte qu'il y ait plus de chirurgiens qu'avant. Si un chirurgien opère dans le secteur privé, cela veut dire qu'il n'opère pas dans le secteur public. Conceptuellement, je ne vois pas comment cela pourrait aider le système public. Également, il ne faut pas s'attarder seulement qu'aux délais d'attente, mais aussi sur le fait que puisque la rémunération pour ces chirurgiens sera probablement meilleure du côté du secteur privé, peut- être auront-ils tendance à abandonner ou réduire leurs activités dans le secteur public. Je pose ce commentaire comme une question car, comme je ne sais pas si des données sont disponibles concernant cela, je ne pense pas pouvoir répondre à votre question.

[Traduction]

Dr Kitts : Ça revient à ce que vous essayez d'accomplir en faisant davantage participer le secteur privé au système de soins de santé. Pour en revenir à ce que nous disions au début, je me demande dans quelle mesure le fait d'ouvrir la porte au secteur privé afin de réduire les temps d'attente — si c'est là le résultat visé — pourrait nous affranchir de la nécessité d'améliorer la gouvernance, la gestion, la responsabilisation et l'atteinte des résultats. Il me reste à comprendre en quoi l'arrivée du secteur privé pourrait s'accompagner d'une amélioration de la gouvernance, de la gestion et de l'optimisation des ressources dans le secteur public. Je ne vois pas le lien entre les deux. Je commencerais par me poser ce genre de question et je déterminerais ensuite si l'on a effectivement besoin de l'apport du secteur privé.

[Français]

M. Manion : Présentement, nous savons que le contraire existe. Si, par exemple, dans les systèmes spécialisés on ne peut pas desservir la population ayant des besoins en santé mentale, on voit qu'ils se dirigent ou qu'il y a des patients dans la communauté qui vont en pratique privée. Dans d'autres pays, ils ont noté le manque d'expérience dans nos centres spécialisés pour des choses comme la thérapie cognitive comportementale et ils ont formé de nombreux praticiens publics pour mieux desservir ce besoin, et cela afin de pouvoir mieux contrôler le produit.

Sont-ils en train de faire la thérapie suivant ce qu'on cite et selon les données probantes? Cela peut être quelque chose qui souligne un manque ou on peut avoir une réponse communautaire provinciale ou nationale apportant des nuances sur la formation, ainsi que la dissimulation des pratiques basées sur des données probantes.

[Traduction]

M. Morgan : Voilà une excellente question. Je pense que les réponses que nous avons entendues jusqu'à présent font ressortir l'un des problèmes fondamentaux relatifs aux expériences, pour ainsi dire, ayant consisté à confier au secteur privé l'administration d'installations médicales et chirurgicales au Canada, je veux parler du manque de données sur les conclusions que les provinces acheteuses ont tirées de ce genre d'expérience et, plus important encore, au sujet des services offerts par les centres quand ils sont payés par le privé.

Il existe bien de tels centres qui facturent des services qui, de leur avis, ne tombent pas sous le coup de la Loi canadienne sur la santé ou qui ne font pas partie du mandat qu'elle fixe. Dans de telles situations, nous ne recevons aucune donnée. Malheureusement, il arrive que le système public doive accueillir des patients traités dans le privé quand les choses tournent mal, ce qui pose le problème de l'écrémage par le privé qui se déleste ensuite des patients pour qui une procédure médicale n'a malheureusement pas tourné comme prévu.

C'est là la question principale. Je comprends ce qu'a voulu dire le Dr Kitts en se demandant si l'existence de systèmes parallèles, particulièrement lorsqu'il y a un manque d'informations, représente la bonne forme de gouvernance. Personnellement, je soutiens que nous avons besoin de meilleures données et de meilleures informations, d'où la question fondamentale qui se pose : si l'on devait tout recommencer, est-ce qu'on adopterait délibérément ce niveau de redondance ou est-ce qu'on ferait participer le secteur privé d'une manière qui serait plus utile au système public, à nos hôpitaux publics, à l'infrastructure en place? Encore une fois, c'est le même personnel qui travaille dans ces deux univers.

Mme Henningsen : Dans le milieu des soins à domicile et des soins communautaires auquel j'appartiens, et qui ne relève pas de la Loi canadienne sur la santé, nous nous posons souvent cette question. Nous avons souvent affaire avec le secteur privé dans la prestation des soins. C'est un mélange vraiment éclectique. Selon la province, la prestation des soins relève entièrement du secteur public ou d'une combinaison secteur public-secteur privé. Dans le privé, il y a le volet sans but lucratif et le volet à but lucratif. Il est intéressant de constater que, dans la mesure où les fournisseurs sont tenus de rendre des comptes et de respecter des normes de tarification et de qualité, à la façon dont elle a évolué au fil des ans sous l'impulsion de la base même, cette combinaison secteur public-secteur privé a bien fonctionné. La situation des organismes fournisseurs de soins sur le plan fiscal, c'est-à-dire qu'ils soient privés ou publics ou encore philanthropiques, n'a aucune importance dans la mesure où les entreprises sont obligées de respecter une certaine norme de qualité.

En ce qui a trait au financement, nous y avons beaucoup réfléchi, encore une fois parce que la Loi canadienne sur la santé ne s'applique pas à nous. Nous considérons deux choses. Les soins à domicile et les soins communautaires peuvent s'entendre de toute une gamme de services. Nous avons des discussions à n'en plus finir avec les provinces pour déterminer ce qui doit être couvert ou exclu, parce qu'il peut s'agir d'une liste d'épicerie plutôt longue.

Nous avons formulé différentes idées quant à la façon dont le gouvernement fédéral pourrait intervenir dans deux domaines. Il serait d'abord possible d'adopter un régime enregistré d'épargne pour soins concernant les maladies chroniques ou un régime quelconque qui inciterait les Canadiens à épargner pour payer leurs soins de longue durée, sans pour autant qu'il s'agisse d'un compte d'épargne libre d'impôt que les gens pourraient utiliser pour aller à Hawaï. Un régime enregistré d'épargne pour maladies chroniques permettrait de sensibiliser le Canadien moyen au fait qu'en vieillissant, on devient frêle et qu'on risque d'avoir besoin davantage d'appui et de soins de longue durée. Ce serait un outil de sensibilisation et c'est une idée à laquelle nous avons réfléchi.

L'autre idée, qui est intéressante parce qu'on n'y pense pas quand on réfléchit au financement, concerne le rôle des aidants naturels. Dès que les soins ne sont plus donnés en milieu hospitalier, les aidants naturels sont appelés à remplir un rôle indispensable. Quel genre de financement ou de mécanisme pourrait-on envisager pour appuyer ce rôle? Que ce soit sous la forme de crédits d'impôt remboursables destinés à alléger le fardeau financier supplémentaire que représente la maladie ou d'indemnités pour les soins de relève, dès qu'il est question de financer un système de soins extramuros, il faut penser aux réalités que vivent les familles, ce qui veut dire notamment les aidants naturels.

Dr Taylor : J'adopterais un point de vue légèrement différent en disant que si l'on parle de santé plutôt que de maladie, et plus précisément de sensibilisation et de prévention, le secteur privé a un rôle indispensable à jouer, que ce soit sur le plan du mieux-être en milieu de travail, sur celui de la construction immobilière ou de l'environnement bâti, sur le plan de la pollution — quelqu'un tout à l'heure a parlé de la conception des épiceries —, sur le plan de la structure de tarification des aliments ou encore de choses comme la teneur en sodium des aliments.

Nous devons travailler avec le secteur privé de diverses façons, que ce soit en jouant d'influence — il est actuellement beaucoup question de la teneur en sodium des aliments — ou en recourant à la réglementation ou autre. Du point de vue de la sensibilisation et de la prévention, c'est là un rôle essentiel pour notre santé.

M. Manion : Le Dr Taylor a dit ce que je m'apprêtais à dire, mais d'un point de vue différent, au sujet des employeurs qui préconisent la santé et le mieux-être, surtout la santé et le mieux-être mentaux. Quand on pense que le gouvernement fédéral est l'un des plus importants employeurs du pays, celui-ci doit être un modèle, un employeur de choix en matière de promotion de la santé, de promotion de la santé mentale et de promotion de la santé mentale de la famille en milieu de travail.

Le sénateur Merchant : Une intéressante dichotomie apparaît quand on parle de soins de santé offerts par le secteur privé. Ce n'est pas une idée qui se vend toujours très bien en politique, mais n'est-ce pas un fait que les provinces peuvent être les plus importants acheteurs de soins de santé privés? Par exemple, lorsqu'elles ne veulent plus que leur caisse d'indemnisation des accidents du travail verse des prestations à tel ou tel bénéficiaire, elles veillent à ce que le dossier de la personne soit transféré au secteur privé auprès de qui les provinces achètent des services. Dans quelle mesure cela est-il courant? Rares sont ceux qui se rendent compte de l'existence d'un tel clivage qui dépend des disponibilités financières.

M. McNamara : La plupart des provinces estiment que leur CAT, leur commission des accidents du travail, ne fait pas partie du système de soins de santé. Ils la perçoivent comme une compagnie d'assurances fonctionnant comme toutes les autres. Ces commissions achètent des services, parfois dans les hôpitaux et parfois dans le secteur privé, mais nous travaillons ensemble. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, nous comptons un certain nombre de grands hôpitaux régionaux qui pratiquent des chirurgies orthopédiques pour le compte de la CAT les samedis, chirurgies qui sont payées par la CAT comme s'il s'agissait de services offerts par une clinique privée. Cette possibilité existe.

Il faut également dire que nous achetons des services de soins de longue durée à des entreprises privées. Nous finançons aussi d'autres choses qui ne sont pas prévues dans la Loi canadienne sur la santé et que nous payons par le truchement de notre programme de soins à domicile.

Évidemment, nos principaux clients sont les médecins, qui sont des entreprises individuelles. On dit souvent en plaisantant que la profession de médecin est la seule où vous pouvez obtenir votre diplôme universitaire, établir un cabinet, voir autant de patients que vous le voulez et aussi souvent que vous le souhaitez tout en facturant quelqu'un d'autre. Ce n'est pas aussi simple que ça, mais cette pratique n'est pas rare.

Nous dépensons effectivement beaucoup d'argent dans le secteur privé, mais la Nouvelle-Écosse croit dans le premier principe, c'est-à-dire que la santé ne doit pas être privatisée et que les principaux services de soins de santé doivent être dispensés par le public.

Le président : Merci beaucoup pour cette partie de la discussion. Je me propose de diviser ce qui reste de la séance en trois parties. Pour la première, je poserai deux questions, l'une étant celle de la santé des Autochtones dont le sénateur Merchant a parlé plus tôt. La deuxième est celle de la possibilité d'avoir 10 accords distincts qui permettraient au gouvernement fédéral d'amener en quelque sorte les provinces à se faire concurrence l'une l'autre afin de stimuler l'innovation et le développement. Nous consacrerons quelques minutes à chacun de ces sujets.

Dans un deuxième temps, je récompenserai les collègues qui ont été remarquablement patients et coopératifs aujourd'hui en leur offrant un tour de table à l'occasion duquel je donnerai à chacun la possibilité de poser une question qui, selon eux, n'a pas encore reçu de réponse et pour laquelle ils souhaiteraient une réaction. Il n'y aura pas de débat. Chacun posera sa question à laquelle on va répondre et nous passerons à autre chose.

Enfin, j'aimerais donner la parole à nos invités une nouvelle fois pour une seule intervention. S'il reste du temps et que quelque chose a surgi en cours de route, nous en traiterons.

Qui a quelque chose à dire sur la santé des Autochtones?

Mme Henningsen : Nous avons eu l'occasion de travailler avec les Premières nations et les Inuits, ainsi qu'avec Santé Canada et les communautés pour élaborer deux rapports différents sur les pratiques prometteuses en matière de soins à domicile et de soins communautaires ainsi que de santé des Autochtones. Nous avons récemment publié un rapport sur les pratiques prometteuses dans le domaine de la santé mentale dans les communautés de Premières nations.

C'est fascinant ce qu'on peut apprendre. Ça rappelle ce que notre collègue des Territoires du Nord-Ouest disait, on en découvre des choses quand on s'attaque aux dossiers. Parmi toutes les pratiques prometteuses, nous en avons vu certaines de premier plan en matière de leadership et d'intégration et avons constaté une véritable approche axée sur les clients. C'est celle qu'on voit dans toutes les communautés, peu importe la province ou le territoire.

On peut apprendre beaucoup de ce qui se passe dans les communautés des Premières nations et inuites. Du point de vue des soins à domicile et communautaires, c'est assez difficile parce que le financement, même pour les services de soins à domicile et communautaires, limite sérieusement la gamme des interventions possibles. Le gouvernement fédéral n'a pas augmenté le financement depuis longtemps. Les gens font des miracles avec ce qu'ils ont, mais qu'est-ce que ça donnerait s'ils avaient plus de ressources spécialisées? Les provinces et les territoires pourraient en apprendre beaucoup de la façon dont les communautés de Premières nations organisent leurs services de santé.

M. Manion : C'est une question complexe. D'abord, il faut se garder d'adopter une approche paternaliste consistant à essayer de résoudre les problèmes des communautés de Premières nations, inuites et métisses. Il s'agit d'un partenariat à long terme. Il faut instaurer le dialogue. Il est évident que, dans ce genre d'échanges, le contexte historique joue un rôle. Il y a beaucoup à apprendre de ce qui a été bien fait et aussi des communautés elles-mêmes. Beaucoup d'entre elles sont des modèles sur le plan du mieux-être. Ce n'est pas simplement une question d'argent. C'est parfois une question d'approche ou de culture. Les Autochtones abordent leurs problèmes d'une façon qui nous permettrait de régler ceux dont nous avons parlé aujourd'hui à propos de nos systèmes de soins de santé, des problèmes dont la solution ne passe pas forcément par la technologie, mais qui consiste à considérer les gens au sein de leurs collectivités, de façon holistique. Il faut être conscient de cette richesse.

On parle souvent des besoins en matière de santé mentale dans ces communautés. Nous les avons visitées pour nous rendre compte qu'il n'est pas nécessairement question de santé mentale. Il est question d'indicateurs psychosociaux relatifs à toutes sortes de conditions sociales ainsi que de déterminants de la santé. Il faut être prudent dans la façon d'étiqueter ces problèmes et il faut se garder de trop généraliser d'une communauté à l'autre parce que beaucoup d'entre elles sont en mesure d'aller aider les autres grâce à ce qu'elles ont pu faire pour leurs membres.

M. McNamara : Je suis d'accord pour dire qu'il faut en faire plus. La question des compétences fait problème. J'aimerais mieux comprendre le rôle de Santé Canada et celui des provinces. On n'est pas toujours certain. Nous nous retrouvons avec le rôle de payeur de dernier recours, ce qui ne nous aide pas nécessairement dans la gestion de la situation. Quand je suis venu ici, l'autre jour, en compagnie de Milton Sussman du Manitoba, celui-ci vous a parlé du nombre d'Autochtones qui se retrouvent dans les salles d'urgence. Nous avons constaté que, sauf dans le cas de la Régie régionale de la santé du Cap-Breton qui a un partenariat avec la Première nation Membertou, les gens gardent leurs distances parce qu'ils ne se sentent pas les bienvenus. Il faut trouver une façon de les inviter pour qu'ils se sentent plus à l'aise dans notre réseau, et de nous assurer que les programmes de soins à domicile que nous offrons à d'autres citoyens le soient également aux communautés autochtones. C'est là notre principal défi. Les Autochtones font partie de notre société et nous devons veiller à ce qu'ils se sentent comme des citoyens.

Mme Delancy : M. Manion a soulevé une question essentielle au sujet des traumas psychosociaux, des séquelles du traumatisme causé par les pensionnats et par les changements sociaux, cela dans un domaine où les déterminants sociaux de la santé sont critiques. Il est évident que le système de santé ne parviendra pas, seul, à s'attaquer aux problèmes, parce qu'il y en a d'autres comme le taux de chômage élevé, l'insalubrité des logements et le manque d'eau potable, mais il est évident qu'il faut s'intéresser et investir davantage dans les collectivités autochtones pour les aider à trouver des réponses adaptées à leur réalité culturelle et des solutions communautaires. Certains problèmes de santé mentale sont redoutables, tout comme les problèmes de toxicomanie. Ce sont les communautés qui ont les solutions, mais je pense qu'à cause du financement destiné à des programmes universels, il est difficile d'aller chercher la souplesse nécessaire pour apporter aux communautés autochtones le genre de soutien dont elles ont besoin pour trouver en leur sein les réponses et les forces dont elles ont besoin.

Je veux vous dire autre chose. Pour avoir travaillé et résidé dans de nombreuses communautés de Premières nations, pour avoir été la conjointe d'un Indien et parce que je suis anthropologue de formation, j'estime qu'il faut investir afin que les fournisseurs de soins qui travaillent dans notre système soient formés et sensibilisés aux défis auxquels sont confrontées les communautés de Premières nations. Il n'est pas simplement question d'une orientation interculturelle, mais bien de les outiller pour que ces gens-là puissent composer avec certains des enjeux sociaux très délicats et certains des défis très difficiles qui les attendent.

Dr Schull : Je veux que nous n'oubliions pas les Autochtones vivant en milieu urbain. Les événements récents d'Attawapiskat ont attiré, fort justement, l'attention sur les réserves, mais il est évident que de nombreux Autochtones vivent en milieu urbain et souffrent de problèmes semblables : pauvreté, problème de santé mentale, toxicomanie et bien d'autres maux d'ordre socioculturel. Je n'ai pas de solution. Je ne pense pas être en mesure de vous donner la solution magique ni de formuler des recommandations concrètes pour résoudre ce problème, mais c'est un aspect qu'il ne faut pas perde de vue.

Mme Hoffman : Au début de son étude, le comité a accueilli Valerie Gideon, de Santé Canada, mais j'aimerais vous rappeler, à propos de votre mandat qui est d'examiner ce qu'a donné l'accord de 2004 et les progrès réalisés par rapport aux engagements pris, qu'il avait été prévu de débloquer d'importantes ressources pour financer le développement des ressources humaines en matière de santé des Autochtones et pour alimenter le fonds de transition pour la santé des Autochtones. Des engagements semblables avaient été pris dans le cas du programme Bon départ à l'intention des Autochtones, du programme de télésanté et ainsi de suite. Si je ne m'abuse, le comité avait alors appris que des engagements financiers considérables avaient été pris en 2005. Le gouvernement les a renouvelés en 2010. J'espère que, dans votre rapport, vous vous attarderez aux résultats de ces programmes particuliers.

Le président : J'aimerais avoir une réaction rapide à l'idée d'avoir 10 accords au lieu d'un seul.

M. McNamara : J'y ai réfléchi parce que j'avais entendu cette idée avant. J'ai repensé à mes antécédents de négociateur en relations de travail. Au syndicat, chaque convention collective signée représentait un nouveau seuil qu'il allait ensuite falloir atteindre et dépasser. Je me suis dit que c'est sans doute ce qui se passerait s'il y avait autant de différenciation.

Il faut un accord pancanadien favorisant à la fois l'égalité et la souplesse nécessaire pour tenir compte de certaines différences. Dans mon exposé de l'autre jour, j'ai dit que la Colombie-Britannique a l'une des populations les plus jeunes et que la Nouvelle-Écosse a l'une des plus vieilles, mais les deux provinces ont besoin de ces programmes. J'ai besoin de programmes pour les jeunes, tout comme la Colombie-Britannique, mais comment parvenir à cette souplesse?

Dr Haggie : Quand nous avons amorcé notre dialogue à l'échelle du Canada, un peu plus tôt cette année, les Canadiens avec qui nous avons parlé réclamaient une norme pancanadienne. Ils estimaient que c'était une question d'équité, qu'il fallait être en mesure, dans des communautés par ailleurs assez semblables, d'avoir accès à des normes de soins semblables, et ils ont été très clairs à ce sujet. M. McNamara a raison de dire que la solution mise en œuvre à Nain, à Goose Bay ou dans les Territoires du Nord-Ouest ne fonctionnera pas au centre-ville de Toronto et qu'il faut pouvoir moduler les programmes d'une province ou d'un territoire à l'autre. Ce serait possible à condition d'adopter une approche fondée sur ces principes et de parvenir à un accord également axé sur ces principes, approche qui serait à la fois une déclaration d'intention et un baromètre. Il serait possible de structurer suffisamment la chose pour que les gens aient l'impression qu'il existe effectivement une norme pancanadienne tout en disposant de suffisamment de souplesse pour qu'il ne soit pas nécessaire de faire la même chose en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve.

Dr Schull : La question est de savoir si nous devons conclure 10 accords distincts plutôt qu'un seul. Je dirais qu'il n'en faut pas 10. À quoi doit servir l'accord? À la façon dont je vois les choses, l'accord a pour objet d'acheter le changement. Si nous devons investir dans le système, nous achèterons du changement. Comme je l'ai dit lors d'une réunion précédente de ce même comité, si le fédéral investit 6 p. 100 de plus par an pendant les quelques prochaines années et qu'il n'obtient rien en retour de ces sommes supplémentaires, alors il sera, pour le moins, passé à côté d'une véritable occasion. S'il est question d'acheter le changement, je ne vois pas l'intérêt à conclure 10 accords distincts. Ce ne serait plus qu'un cirque politique.

L'innovation et les améliorations que nous appelons tous de nos vœux ne se produiront pas simplement parce que le gouvernement fédéral et les provinces tomberont d'accord sur 47 innovations à réaliser dans le cadre de l'accord sur la santé. Si les choses aboutissent, c'est parce que l'accord énoncera un vaste programme assorti de suffisamment de fonds pour que les provinces acceptent de mettre le programme en œuvre. C'est ce qui avait été promis dans le premier accord sur la santé. Il avait porté sur les temps d'attente dans plusieurs secteurs clés et avait donné des résultats.

Qu'est-ce qui a été insuffisant dans ce premier accord et quelle erreur devons-nous éviter de répéter cette fois-ci? D'abord, nous n'avons pas eu les outils nécessaires pour véritablement évaluer les avantages de l'accord sur la santé et nous n'avons disposé que de données fragmentaires à l'échelle du Canada sur les temps d'attente et quelques procédures. Les mesures sont différentes. Les données ne se comparent pas bien entre elles et il y a des trous noirs où l'information est insuffisante. Nous voulons être certains que les changements que nous allons chercher à financer cette fois-ci, à la faveur du prochain accord, seront assortis des outils nécessaires pour mesurer ce qui se fait effectivement.

Malgré tous ces travers, le dernier accord sur la santé a une grande qualité : il cible des enjeux particuliers. Pour en revenir à ce dont il a été question durant toute la matinée, nous ne nous sommes concentrés que sur quelques réalisations que nous avons tous jugées nécessaires pour négocier le genre de changement que nous voulons réaliser à la faveur du prochain accord. Voilà ce qui est important, ce n'est pas le nombre d'accords signés.

Le président : Je vais maintenant passer à la phase 3 et donner à chacun autour de la table la possibilité de soulever des questions; nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais recueillir vos réactions sur les questions de prévention et de promotion en santé publique. Dans le passé, nous avons obtenu d'excellents résultats en collaborant avec les provinces à l'application de mesures antitabac. Nous avons élaboré la stratégie pancanadienne intégrée en matière de modes de vie sains, dans la foulée de l'accord, stratégie qui s'articule autour de trois objectifs à réaliser d'ici 2013. Il était notamment question d'augmenter de 20 p. 100 la proportion de Canadiens faisant des choix alimentaires sains, d'augmenter de 20 p. 100 la proportion de Canadiens participant à des activités physiques régulières et d'augmenter de 20 p. 100 également la proportion de Canadiens ayant un poids normal, d'après l'indice de masse corporelle. Tout cela semble nous ramener à la question de l'obésité — et l'on ne cesse de me dire que c'est la grande question à laquelle il conviendrait de s'attaquer — ou du diabète.

Dans la même veine, le Collège royal des médecins et chirurgiens maintient que nous devrions faire quelque chose en matière de prévention des traumatismes, car nous pourrions économiser beaucoup sur ce chapitre. Le Dr Taylor nous a parlé de sodium. Faisons-nous suffisamment sur ce plan? Voilà les aspects où l'on pourrait parler de prévention et de promotion de la santé publique. J'aimerais que vous m'en disiez davantage sur ces questions.

M. Manion : Les sujets que vous avez évoqués font partie des trois enjeux mentionnés par la Dre Kellie Leitch dans son ouvrage Vers de nouveaux sommets — Rapport de la conseillère en santé des enfants et des jeunes dans le domaine de la santé pédiatrique. Le troisième sujet est celui de la santé mentale. On parle déjà de prévention et de promotion. Nous savons en fait où il vaudra le plus la peine d'investir dans l'avenir. Quand on songe à ce que seront les grands problèmes de société dans le monde, on sait aussi quelles seront les principales causes de mortalité. Malheureusement, la santé mentale est en train de passer dans le groupe de tête.

Il existe des possibilités. On est en train de déployer certains efforts, parfois de façon isolée plutôt que de manière systématique. Il faut peut-être voir un point de ralliement dans les trois sujets mentionnés par la Dre Leitch. Je sais qu'on a réalisé des efforts systématiques mais limités sur ces trois sujets.

La Commission de la santé mentale du Canada est en train de réaliser une importante étude en santé mentale, mais celle-ci ne porte pas particulièrement sur les enfants ni les adolescents. À certains égards, on pourrait dire qu'elle accuse un certain retard dans ce domaine.

Je recommanderais qu'on dépoussière ce rapport et qu'on mette en œuvre les meilleures recommandations qu'il contient et qui ont été formulées à la suite d'une consultation systématique réalisée à l'échelle du Canada.

M. McNamara : Lors de la dernière rencontre des ministres de la Santé, la prévention et la promotion de la santé ont fait partie des principaux points à l'ordre du jour. Les ministres, dont la ministre fédérale, cherchent à faire passer cette question à l'avant-plan à l'heure où nous essayons de régler les problèmes. Il a été reconnu que l'obésité est un véritable problème et nous savons que nous devons le régler. Les ministres se sont entendus sur la nécessité de promouvoir un poids santé.

Il y a eu aussi un accord sur les niveaux santé de sodium, mais on ne s'entend pas sur la façon de les faire appliquer. Quoi qu'il en soit, c'est quelque chose que nous allons pouvoir régler avec le temps.

Les ministres de la Santé, de l'Éducation et du Sport se réuniront au printemps pour parler des programmes parascolaires et chercher à faire davantage auprès des adolescents afin de les inciter à pratiquer des activités physiques. Tous nos systèmes sont mobilisés surtout autour de la question de savoir comment faire mieux.

Le sénateur Cordy : Quelle matinée fantastique. Revenons sur la question de la santé mentale dont nous parlions. Un peu plus tôt, vous avez dit que les fournisseurs de soins de santé collaborent entre eux et reconnaissent maintenant que la santé mentale équivaut à la santé physique et que c'est ainsi qu'il faut l'aborder. Nous avons parlé aussi de l'intégration des services.

J'ai siégé au comité Kirby qui a étudié la santé mentale. On nous avait répété jusqu'à plus soif qu'à chaque contraction budgétaire, on a tendance à négliger la santé mentale. Beaucoup de soins en santé mentale n'ont pas à être offerts en milieu hospitalier et nous espérons d'ailleurs que l'hospitalisation ne soit pas vraiment nécessaire. Nous espérons que des soins seront offerts dans la communauté et qu'il y aura bien d'autres formules qui cadreront avec l'univers clos du modèle des soins de santé.

Je suis d'accord avec l'idée d'intégration. Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit ce matin au sujet des soins à apporter aux personnes ayant une mauvaise santé mentale, mais comment mettre cette question-là en évidence, dans l'accord, pour qu'on ne la perde pas de vue?

M. Manion : Il y a une chose avec laquelle je ne partage pas l'avis de le sénateur, c'est quand elle dit qu'il est nécessaire de placer la santé physique et la santé mentale sur un pied d'égalité. Cela revient presque à dire que nous sommes en présence de deux solitudes. En réalité, on obtient les meilleurs résultats, sur tous les plans, quand on s'intéresse à la santé mentale. Je n'imagine pas que vous puissiez me citer un seul problème de santé où la santé mentale ne jouerait pas un rôle important dans la prise en compte du patient et dans la mobilisation des soins, de même que dans la pratique médicale. C'est un aspect fondamental. Tant que nous n'estimerons pas que santé physique et santé mentale sont un tout, nous n'irons pas loin. Tant que nous n'arrêterons pas de dire que les soins mentaux sont aussi importants que les soins physiques et que les soins mentaux font partie intégrante des soins physiques, nous n'irons pas loin. C'est comme ça qu'on en vient à l'accord. On ne peut envisager la santé sans la santé mentale. Aucun de nos réseaux ne fonctionnera si nous ne prenons pas en compte la santé mentale.

Même le débat portant sur la façon de modifier le fonctionnement du système repose sur les interactions individuelles, laquelle part aussi de la santé mentale. Voilà le genre de changement qu'il faut apporter dans le débat.

[Français]

Le sénateur Champagne : Comme l'a mentionné le sénateur Verner tout à l'heure, en vertu du fédéralisme asymétrique, le Québec a un accord particulier en santé. Le Québec a des plus et des moins, mais on entend toujours parler que des moins. Des interventions chirurgicales reportées parce qu'il n'y a pas de salle d'opération qui soit disponible, donc on va dans les institutions privées ou encore s'il y en a une de disponible, il n'y a pas d'anesthésiste sur place ou l'infirmière numéro un pour la salle d'opération était malade ce matin-là et on retourne les patients chez eux. On met aussi beaucoup l'accent sur les patients ambulatoires, c'est-à-dire qu'ils sont renvoyés à la maison très tôt.

Je suis d'accord avec Mme Henningsen, qui parlait de prendre soin d'un malade en convalescence ou à long terme à la maison. Il est évident qu'il faut quelqu'un de la famille qui soit dévoué, attentif et qui aide beaucoup et que le CLSC envoie une infirmière compétente, qualifiée, expérimentée voir le patient — si ce n'est pas tous les jours, tous les deux jours — qui puisse faire les prises de sang et les choses nécessaires, et les résultats sont envoyés au médecin. C'est très important. Il y a aussi un numéro de téléphone d'urgence 24 heures par jour, sept jours par semaine, qui peut être composé pour qu'on envoie une infirmière chez un patient pour un cas d'urgence; un cathéter bloqué, par exemple.

Oui, il y a de bonnes choses au Québec. J'espère que l'accord de 2014 apportera des améliorations et que les provinces et les territoires arriveront à partager tous les bons coups et innovations, les mettrons en pratique dans le but d'améliorer la situation au Québec et partout au Canada.

[Traduction]

Le président : Vous vouliez intervenir?

Sénateur Verner, vous vouliez faire une remarque?

[Français]

Le sénateur Verner : Sur les accords individuels.

Le président : Avez-vous une question en suspend?

Le sénateur Verner : Non. J'aimerais ajouter un commentaire en suivi aux propos du sénateur Champagne. Effectivement, je suis une sénateur du Québec. Je suis sénateur au Parlement du Canada, bien entendu, et j'espère que dans le bien commun et pour le bien collectif de l'ensemble des Canadiens et des Québécois, on sera en mesure de trouver des innovations pour permettre que le patient qui devrait être le point central d'un accord en santé puisse bénéficier des meilleures pratiques, quelle que soit la province d'origine, quels que soient les dispensateurs de soin, qu'il s'agisse de médecins, d'infirmières et toute la gamme de professionnels de la santé qui œuvre dans le système.

Nous sommes maintenant dans une société où l'ensemble des enjeux devient mondial et on ne devrait pas travailler en silo; on devrait s'assurer, toujours dans le but de donner les meilleurs soins aux patients, de partager nos informations et partager les meilleures pratiques.

[Traduction]

Le sénateur Braley : Permettez-moi de revenir sur le thème qui nous intéresse après quoi je referai la même observation que j'ai formulée lors des 12 ou 13 réunions précédentes. Quand nous aurons arrêté notre vision, ce qui n'est pas difficile parce que nous voulons que tous les Canadiens bénéficient de soins de santé de qualité, il nous faudra commencer par enseigner aux très jeunes enfants, dès la première année, ce que bien manger veut dire. Mon épouse ne m'autorise qu'un bifteck par semaine et c'est ce soir. Elle me sert bien d'autres choses à manger, comme du poisson et que sais-je encore. Il faut faire preuve de leadership. Tout se ramène à une question de gestion. Le Dr Kitts l'a clairement dit : il est question de prendre de la hauteur. Il faut abattre les cloisons et éliminer les allers-retours. Il faudrait s'en remettre à un conseil d'administration, par exemple, parce que les ministres ne sont pas en mesure de s'occuper de ce genre de choses au quotidien. Peut-être qu'il faudrait constituer un conseil d'administration de cinq à sept personnes qui superviserait tous les aspects en jeu, qui établirait les priorités et qui pourrait favoriser la mise en œuvre de l'innovation, de la recherche et du développement.

Dans le genre d'entreprise que j'administre, on parle de techniques d'application; cela consiste à trouver des façons de réaliser le maximum d'économies dans tous les postes de dépenses. Je crois qu'il y a actuellement assez d'argent dans le système pour payer les factures à condition qu'on règle tout comme il faut — en partant des salaires des médecins et ainsi de suite. Je ne cherche pas à m'en prendre à qui que ce soit ici. Quoi qu'il en soit, un peu de concurrence ne fait jamais de mal.

Je vais vous donner un exemple. Mon entreprise a résilié son contrat d'assurance pour s'auto-assurer. Ainsi, nous avons économisé des millions de dollars et nous utilisons cet argent pour payer, par exemple, un examen tomométrique à un employé malade qui, plutôt que d'attendre quatre mois ici, peut aller à Buffalo pour être vu dès le lendemain. Le secteur privé peut répondre à certains besoins et le reste suit. Je ne sais pas si c'est bien ou pas, mais mes employés, eux, y croient. Ils peuvent se faire faire de petites chirurgies comme des opérations du ménisque, des opérations de cartilages et autres. Je leur demande s'ils veulent subir telle ou telle chirurgie et nous, nous payons en conséquence. Il y a toujours une façon de régler les problèmes; pour y parvenir, il faut s'y atteler à plusieurs, travailler ensemble, faire preuve de leadership et bien gérer.

C'était juste une remarque. Je ne sais pas si j'ai tort ou raison, mais je vous ai simplement fait part de ce que je ressens.

Le sénateur Martin : Nous sommes en présence d'un extraordinaire bassin de compétences autour de cette table. Je crois qu'il y a d'excellentes remarques que nous allons pouvoir résumer dans le genre de rapport à remettre à la ministre.

Je voulais faire une remarque, puis poser une question. Ma remarque concerne la santé et l'éducation. En tant qu'ex- enseignante, j'estime qu'il nous est donné une occasion en or, celle de changer les choses en une seule génération. Comme mon collègue le sénateur Braley vient de le dire, tout commence dès le premier jour. Dans une salle de classe, l'auditoire est captif. Moi qui ai enseigné pendant 21 ans, je peux vous en parler. Quand les enfants rentrent chez eux, ils éduquent les parents à leur tour. La génération actuelle est déjà calée en technologie et elle est capable de faire ce que certains professionnels ne sont pas capables de faire. Je crois que c'est fondamental. J'espère qu'on continuera de faire le lien entre la santé et l'éducation. Voilà l'occasion qui nous est donnée.

Il reste trois ans à l'accord actuel. Je sais à quel point il est important de songer à l'avenir, parce que le besoin est énorme. Voici ma question : Dans le temps qui reste avec le présent accord, que pourrait-on faire aujourd'hui ou dans les trois prochaines années pour faire davantage avancer les choses, comme avec l'Inforoute de la santé ou le recensement des pratiques exemplaires et de l'innovation? Que pourrait-on améliorer par rapport aux objectifs actuels énoncés dans l'accord de 2004 et comment pourrait-on se préparer, comme avec l'étude que nous sommes en train de réaliser? Que pouvons-nous faire dans les trois années qui restent à cet accord?

Le président : Je ne sais s'il sera possible de vous répondre entièrement dans le temps qui reste, mais je vais permettre deux interventions.

Dr Kitts : Je dirais qu'il faut se concentrer sur une chose et une seule. Si cela doit servir pour le prochain accord, passons les trois prochaines années à chercher à mettre en œuvre des moyens qui permettront de mesurer les résultats et les coûts des systèmes. Si nous y parvenons, nous pourrons déplacer les montagnes.

Le président : Beaucoup signalent leur accord en acquiesçant.

Dr Schull : Vous avez parlé de deux aspects qui ont souvent été mentionnés, c'est-à-dire l'innovation et la diffusion large de l'information. Il faut faire la part entre les deux choses. D'abord, dans le cas de l'innovation, faut-il s'en remettre à l'initiative de fournisseurs ou faut-il mettre en œuvre des systèmes qui permettront d'aller naturellement puiser l'information? Pour l'instant, à la façon dont le système est conçu, l'innovation n'est pas diffusée en partie parce qu'elle ne coïncide pas avec la vocation de tel ou tel fournisseur.

Il faut commencer par arrêter de réinventer la notion d'intégration des systèmes dont nous avons parlé. Le Dr Kitts a donné l'exemple des hôpitaux universitaires qui innovent dans les domaines pouvant leur permettre de fonctionner plus efficacement, eh bien, un système intégré serait à l'écoute de ce qui se fait partout au Canada et dans le reste du monde pour aller chercher toutes les innovations susceptibles de lui permettre de fonctionner plus efficacement.

Je ne pense pas qu'il s'agisse ici de la logique de la poule et de l'œuf, parce qu'il faut d'abord que les systèmes soient bien alignés. Ce n'est qu'alors que nous pourrons bénéficier des innovations qui existent déjà.

Le sénateur Merchant : Je vais poser une question qui ne concerne pas forcément l'accord, mais plutôt les résultats en matière de santé. C'est le genre de débat qui a actuellement lieu entre Canadiens.

Nous manquons de spécialistes et nous manquons d'infirmières. Parfois, des professionnels de la santé quittent pour les États-Unis ou d'autres pays. Il est possible que vous en parliez et que vous en connaissiez les raisons. Et puis — comme le disait le sénateur Braley — il arrive parfois que les personnes ayant besoin de soins médicaux aillent se les procurer ailleurs, là où ils estiment qu'ils recevront des soins de meilleure qualité. Ils se retrouveront éventuellement à la clinique Mayo ou choisiront un autre hôpital et paieront de leur poche.

Combien en coûte-t-il à notre économie quand, d'abord, nous perdons des spécialistes et du personnel infirmier et médical et, deuxièmement, que des patients vont se faire soigner ailleurs parce qu'ils ne peuvent pas obtenir les services ici? Est-ce que vous parlez de ça? Vous appartenez au milieu médical. Est-ce le genre de discussions que vous avez? Cela a-t-il un lien avec les résultats en santé?

M. McNamara : Je ne suis pas certain que nous connaissions les nombres d'infirmiers et d'infirmières ou de médecins qu'il nous faudrait. En Nouvelle-Écosse, nous sommes en train de planifier les effectifs de médecins et le résultat en surprendra beaucoup.

Quant à la fuite des cerveaux, il y a une chose que je trouve intéressante : c'est en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et en Nouvelle-Écosse que le personnel infirmier est le mieux rémunéré. Eh bien, savez-vous où les taux de roulement sont les plus importants? Dans ces quatre mêmes provinces. Cela revient à dire que l'argent n'est pas la réponse. Nous devons nous intéresser au facteur ressources humaines pour voir de quels effectifs nous avons besoin et à quel endroit. Le personnel infirmier, les médecins et les autres professionnels de la santé sont beaucoup trop concentrés dans les villes au détriment des régions rurales. Nous sommes confrontés à un problème de répartition plutôt qu'à un problème d'effectifs.

Dr Haggie : Idem! Nous ne savons absolument pas de combien de spécialistes ni de généralistes nous avons besoin. Il est certain que nous manquons de médecins. En fait, nous n'avons pas vraiment idée du genre de formation à offrir pour répondre aux besoins constatés et pour remonter dans le temps. Le nombre de médecins résidents n'a pas changé parce que nous n'en avons jamais manqué.

Je suis tout à fait d'accord que c'est un problème de répartition. En contrepartie de ce qu'a dit M. McNamara, il faut préciser que le roulement de personnel infirmier et de médecins est le plus bas au Labrador, au Maine et à Natuashish où ces professionnels de la santé passent là-bas des 15 à 20 ans. Ils vivent ailleurs et se rendent sur place en avion pour travailler pendant quatre semaines avant de revenir deux ou trois semaines chez eux. Quoi qu'il en soit, ils sont toujours là-bas.

Le sénateur Seidman : Quelle fantastique matinée avec des échanges très francs. À l'évidence, le système pose problème en ce qui a trait à la culture des soins et à sa capacité à se renouveler et à s'adapter à une société en pleine évolution.

Si je ne devais vous poser qu'une seule question, ce serait celle-ci : à la faveur de notre étude, nous avons abordé les questions de financement et de reddition de comptes principalement sous l'angle des relations fédérales-provinciales- territoriales. Or, c'est un domaine où les choses n'ont pas été faciles.

Je vais vous soumettre une hypothèse s'articulant autour d'un véritable modèle patient-client-consommateur, suivant le terme que vous utilisez pour désigner l'usager du réseau de soins de santé — et vous pouvez l'appeler comme ça ou de bien d'autres manières. C'est quelque chose dont nous avons beaucoup parlé. Le contribuable a intérêt de tenir son gouvernement provincial et ses professionnels de la santé responsables de la façon dont les recettes fiscales sont dépensées et de la qualité des soins administrés. De plus, l'usager des soins de santé doit prendre sa propre santé en main et se responsabiliser dans la façon dont il utilise le système.

Voici ma question : Qu'arriverait-il si le contribuable inscrit à l'assurance-maladie recevait un état mensuel de ses dépenses de santé? Cet état, tout comme un relevé mensuel de carte de crédit, donnerait la ventilation de tous les coûts qu'il aurait occasionnés au réseau public de la santé, de tous les frais imputés à son numéro d'assurance-maladie.

Cette formule pourrait-elle favoriser une utilisation plus responsable du système de santé par le patient-contribuable et pourrait-elle responsabiliser davantage les médecins et les gouvernements provinciaux? Nous pourrions même ajouter un sondage de satisfaction mensuel sur la qualité des services.

M. Morgan : L'idée de remettre aux gens un relevé annuel de leur utilisation des ressources du réseau de santé qu'ils consomment est valable parce qu'elle pourrait permettre de sensibiliser les gens aux coûts des services qu'ils utilisent, mais elle présente aussi deux problèmes. Premièrement, comme nous en avons parlé, le gros des dépenses en santé est attribuable à une faible minorité et rien ne prouve que les patients abusent particulièrement du système. Il ne faut donc pas perdre de vue que les 5, 10 ou 20 p. 100 de patients qui représentent 80 p. 100 de nos dépenses de santé au Canada ne modifieraient sans doute pas leurs comportements.

Deuxièmement, ce ne sont pas ces personnes qui prennent les décisions les plus importantes, ce sont les fournisseurs de soins de santé. Tout va se jouer au niveau des mesures d'encouragement s'adressant aux médecins et aux autres professionnels de la santé, si l'on veut éliminer le gaspillage ou régler nos problèmes de l'inefficacité des services.

J'aime l'idée de sonder les patients sur la qualité des services. Selon moi, il faut aller plus loin que l'informatisation des ateliers médicaux, sur laquelle on s'attarde aujourd'hui, pour déterminer qui a bénéficié de quoi et quels ont été les résultats. Il est donc fondamental de pouvoir compter sur ce que les patients ont à dire au sujet des résultats de leurs traitements et de leur expérience du système de soins. À l'heure où nous mettons en œuvre les plates-formes nécessaires à l'administration des dossiers de santé électroniques et les cadres de responsabilisation, ne négligeons pas les résultats déclarés par les patients.

M. McNamara : Je préférerais qu'on communique aux médecins et aux autres professionnels de la santé les coûts des différentes options de soins afin qu'ils soient au fait du prix de revient des solutions qu'ils choisissent.

En deuxième lieu, il faut encourager l'autonomie en matière de soins. Il faut aussi mieux informer ceux et celles qui prodiguent des conseils aux autres. Vous seriez surpris de savoir combien de gens prennent conseil auprès de leurs voisins, quand ils ne leur demandent pas carrément leurs médicaments. Nous devons donc chercher à déterminer comment les aider. Comment allons-nous aider ces gens-là?

J'en reviens à l'idée de la Cochrane Library que les gens peuvent consulter pour se renseigner directement ou par personne interposée, et ainsi obtenir les renseignements qu'il faut.

Le président : Ce serait sûrement très amusant d'explorer le sujet et de voir où les gens se renseignent. Le lien entre la crédibilité et le type de relation conseilleur-conseillé serait à étudier.

Comme tous mes collègues l'ont dit, nous sommes en présence d'un groupe de témoins extraordinaire. Je vais leur céder la parole tour à tour pour leur donner l'occasion de nous formuler un dernier conseil. Je commencerai par Mme Henningsen.

Mme Henningsen : Je dirais que ce nouvel accord de santé doit permettre de renforcer l'intégration et la continuité des soins. L'accord précédent, comme on l'a dit, concernait des domaines bien précis, en réalité des compartiments. Dans le prochain accord sur la santé, il faudra surtout se préoccuper des questions d'intégration. J'inviterais tout le monde à adopter les principes généraux du triple objectif de l'IHI qui est d'améliorer les soins personnels, d'améliorer la santé de la population et de réduire ou de stabiliser les coûts. Tout le monde peut le comprendre et faire preuve d'une certaine souplesse pour réaliser ce triple objectif.

Mme Delancy : Je recommande que le nouvel accord sur la santé sanctionne l'importance des DME et des DSE pour améliorer notre système, et qu'il s'appuie sur certaines des idées qui ont été formulées aujourd'hui sur les mesures incitatives ou de motivation à mettre en œuvre pour que tous les praticiens optent pour les DSE. Il faudrait aussi que l'accord reconnaisse le rôle essentiel qu'a joué le gouvernement fédéral à propos d'InfoSanté en permettant aux provinces et aux territoires d'acquérir ce genre de système.

M. Manion : Personnellement, j'affirme que notre système de soins de santé n'est actuellement pas viable. Afin d'influer profondément sur la santé des Canadiens, il faut commencer par la génération des enfants et des adolescents. Ainsi, quand ces jeunes atteindront la quarantaine, ils présenteront un portrait pathologique différent de celui de leurs aînés et ils exigeront des soins différents également. C'est l'investissement réalisé aujourd'hui dans les enfants et les adolescents qui changera énormément les choses. Je suis aussi convaincu que c'est en investissant dans la santé mentale dès les premiers stades de la vie qu'on obtiendra de meilleurs résultats.

Dr Kitts : Je vais ressembler à un disque rayé, mais je commencerais par renforcer la gouvernance et la gestion et par préciser clairement le rôle et les responsabilités de chacun. Il y a certes beaucoup de talents de réunis autour de cette table, mais c'est à l'extérieur de cette pièce qu'il y en a le plus. Il faut aller mobiliser cet immense talent, se concentrer sur les résultats et s'efforcer de travailler au niveau de chaque patient plutôt qu'au niveau de données regroupées qui suscitent des débats à n'en plus finir.

Un élément dont il n'a pas été beaucoup question ici mais qui, je crois, sera essentiel à la réussite est celui de la transparence. Une fois que nous aurons les résultats en ligne de mire, en fonction d'orientations et de cibles claires, il nous faudra être transparents.

Dr Taylor : L'accord actuel a donné lieu à quelques bons coups, entre autres le Réseau pancanadien de santé publique, notre réaction à l'épidémie de H1N1 et la Stratégie nationale d'immunisation. À partir de maintenant, misons donc sur ces réussites et sur tout ce qui a bien fonctionné jusqu'ici.

Mme Hoffman : Je vais, moi aussi, vous répondre en ayant à l'esprit ce qu'a donné l'accord de 2004 et la façon dont il a été appliqué, surtout sur le plan de la reddition de comptes.

La première chose, c'est la base de comparaison qui doit nous permettre de constater la situation à l'échelle nationale et de tirer les enseignements chaque fois que quelque chose de bien se fait quelque part.

Deuxièmement, dans la mesure où, comme d'autres l'ont fait remarquer aujourd'hui, l'accord visait particulièrement à renouveler le système ou à favoriser le changement, il est très important que les indicateurs à déclarer correspondent à ce qui concerne le changement, les processus de changement et les facteurs de changement.

Enfin, comme d'autres l'ont également dit en parlant d'un système axé sur le patient, le client, le contribuable ou les citoyens — peu importe la façon dont vous voudrez le qualifier — il faut veiller à disposer des indicateurs nécessaires, à ce que ceux-ci fassent régulièrement l'objet de comptes rendus et il faut qu'ils soient intéressants et utiles pour les Canadiens. Ces indicateurs pourraient ne pas parfaitement correspondre à la première catégorie dont j'ai parlé, mais je n'y vois pas de problème. Nous devons veiller à disposer d'indicateurs et de méthodes d'évaluation comparative des progrès réalisés, cela à l'intention des décideurs et des fournisseurs de soins. De plus, il faut que les indicateurs soient logiques pour les Canadiens et qu'ils leur disent si les systèmes sont en train de s'améliorer et si, en tant que citoyens et contribuables, ils en ont pour leur argent.

M. Morgan : En réponse à la question du sénateur Martin sur ce qu'il conviendrait de faire dans les trois prochaines années dans le dossier pharmaceutique, je m'appuierais sur un débat national pour bien préciser notre vision du système, une vision fondée sur des principes, ce qui fait actuellement défaut. Nous n'avons pas de vision fondée sur des principes qui soit suffisamment claire pour aller chercher les dizaines de milliards de dollars qui seront sans doute nécessaires pour réaliser les objectifs envisagés. Ça, il faudra le faire avant 2014.

En 2014, nous devrons être stratégiques pour acheter le changement et j'inviterais le gouvernement à investir dans la technologie dont nous avons parlé, comme les systèmes d'information qui, selon moi, seront essentiels. Pour acheter le changement, il faudra notamment veiller à ce que les données recueillies soient mises à la disposition des administrateurs des réseaux de santé, des chercheurs et des organismes de surveillance.

Il faudra ensuite que l'investissement soit concentré sur des initiatives particulières. Il y a deux ou trois stratégies pharmaceutiques dans lesquelles nous pourrions investir pour parvenir au changement et amener les provinces à voir ce qu'elles peuvent ou veulent faire de leur côté.

Dr Schull : Revenons-en sur une chose qu'a dite le Dr Kitts à propos de l'objectif à retenir pour le prochain accord. Commençons par la gouvernance et, plus précisément par la gouvernance et le leadership à l'échelon fédéral. Il convient que le gouvernement fédéral renoue avec son engagement envers les soins de santé. Ces dernières années, il n'a pas été assez présent dans ce dossier et il ne doit pas simplement supposer que faire preuve de leadership consiste à signer un chèque tous les ans en ajoutant 6 p. 100 à chaque fois.

Le prochain accord devra essentiellement avoir pour objectif de favoriser l'intégration du système de santé à un niveau approprié, pas forcément à celui d'une province entière, à moins qu'elle soit très petite, mais en fonction d'une population suffisante pour favoriser la rentabilité et l'efficacité des soins.

Enfin, contrairement à l'accord précédent, et je reprendrai en cela les remarques de Mme Hoffman, il faudra veiller à ce que le nouvel accord comporte les outils voulus pour mesurer les progrès qui auront été négociés et financés et parvenir au changement, également négocié et financé et pour sanctionner les autorités responsables qui n'auraient pas fait leur travail.

Soit dit en passant, l'un des principaux indicateurs est celui de l'expérience des patients et nous devrons élaborer de nouveaux systèmes pour recueillir ce genre de données. C'est très important et nous sommes très loin d'en faire assez de ce côté-là.

M. McNamara : Au final, il faut se rappeler qu'il n'y a qu'un seul contribuable, un seul patient. Il faut que le système soit essentiellement conçu pour les Canadiens en général. J'estime extrêmement important qu'on s'intéresse à l'intégration — en santé mentale, pour les enfants et pour les aînés — et à la façon dont les services sont généralement offerts pour éviter les dédoublements, même à l'intérieur d'une même province.

Il convient, par ailleurs, d'arrêter de réinventer la roue d'une province à l'autre parce que nous dépensons des sommes qui proviennent d'une même source pour faire la même chose, tandis que nous pourrions travailler dans le cadre d'un meilleur partenariat. Je reconnais que, ces deux ou trois dernières années, la collaboration n'a jamais été aussi bonne entre les provinces et le fédéral en ce qui concerne le décloisonnement. Il faut encourager et améliorer cela afin que, dans l'avenir, nous soyons en mesure d'utiliser au mieux et pour le plus grand nombre, les budgets limités dont nous disposons.

Dr Haggie : Il est un peu difficile de passer en dernier, surtout après que Mme Henningsen et Mme Delancy ont dit ce que je voulais dire. Il serait inutile que je répète ce que d'autres ont déjà dit.

Une chose cependant. L'accord de 2014 sera un moyen et pas une fin en soi. Comme je suis de nature optimiste, j'aime à croire que vous serez en mesure de dire que ce nouvel accord représente un point tournant et que, lorsque nous arriverons à son terme, disons en 2025, vous pourrez affirmer que les Canadiens ont la meilleure santé et le meilleur système de santé au monde. Voilà ce que je pourrais dire en conclusion.

Le président : Je vais faire deux ou trois remarques avant de mettre un terme à cette extraordinaire matinée.

D'abord, la question de la gestion, du leadership et de la responsabilisation, de la désignation des responsabilités et ainsi de suite a été mentionnée lors de chaque réunion ou presque, sous une forme ou une autre. Ce qui me fascine, et je reprends en cela les derniers propos de M. McNamara, c'est que, malgré notre Constitution — qui confère des pouvoirs très clairs aux municipalités, aux provinces et au gouvernement fédéral dans ce domaine précis, entre autres — tous nos témoins nous ont répété que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine. Ils ne s'attendaient pas à ce que celui-ci assume le rôle de chef de file, mais qu'il collabore avec les provinces et les territoires pour les aider à réaliser ce que le leadership permet de réaliser. C'est là quelque chose qui est tout à fait inusuel pour moi qui ai pourtant une longue expérience de ces questions-là. Les provinces et le gouvernement fédéral ont véritablement la possibilité de travailler ensemble sur cette question essentielle de la gestion globale du système.

Une dernière remarque d'ordre anecdotique avant de conclure. Elle s'inspire d'un cas récent dont on m'a parlé. Si quelqu'un se présente à l'urgence en se plaignant de colique néphrétique, il faut lui faire passer un scintigramme qui permet, par la même occasion, de détecter un éventuel anévrisme parce qu'il semble que les douleurs soient les mêmes. La scintigraphie porte sur une région particulière. J'ai donc posé une question : comme il y a bien d'autres régions en plus des deux qui sont investiguées sur-le-champ, le radiologue ou le professionnel effectuant l'examen, s'intéresse-t-il à d'autres maladies possibles? Mon interlocuteur m'a répondu par la négative en précisant que ce n'était pas par manque d'intérêt, et il s'est étendu sur les limitations et les restrictions qui empêchent le personnel soignant d'effectuer un examen plus complet. Je ne veux pas lancer le débat à ce sujet. Je voulais simplement vous en parler et il est possible que ce qu'on m'a dit soit totalement faux. Quoi qu'il en soit, il peut arriver, comme dans ce cas, que la technologie moderne puisse faciliter la prévention d'états pathologiques insoupçonnés. Nous avons tous entendu parler de cas de patients s'étant rendus à l'hôpital avec tel ou tel symptôme et qui, au cours de l'examen, ont appris qu'ils souffraient d'un cancer colorectal ou d'autres choses dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence, ce qui leur a peut-être sauvé la vie. Il faudrait peut-être y songer si l'on estime que notre technologie est sous-utilisée sur le plan de l'accès à l'information. Ce n'était qu'une remarque en passant.

Permettez-moi maintenant de revenir sur la période qui s'achève, sur cet enchaînement de 13 réunions qui culmine par celle-ci. Je crois pouvoir m'exprimer au nom de mes collègues en disant que nous avons réalisé une remarquable étude d'une partie importante de la structure sociale du Canada, laquelle s'articule autour de l'accord sur la santé. Vous avez tous eu l'occasion extraordinaire de faire votre marque dans nos discussions et de nous faire part d'observations qui, à terme, nous aideront grandement à rédiger notre rapport. Notre défi est à présent celui-ci : rassembler toute la sagesse et l'expérience dont nous avons profité ainsi que tous les exemples et les problèmes qui nous ont été mentionnés ici dans un document où nous conseillerons le gouvernement fédéral relativement à son rôle jusqu'à l'horizon de 2014. La ministre nous a d'abord et avant tout demandé d'examiner l'accord et de voir comment, en vertu des 10 principaux éléments qu'il contient, nous pourrons parvenir à cet objectif. En cours de route, nous avons cependant dégagé un certain nombre d'éléments dont nous nous inspirerons dans les conseils que nous allons donner.

Je tiens également à indiquer à toutes les personnes rassemblées ici, au nom de mes collègues — et je n'ai aucune réserve à dire ce que je vais dire compte tenu de leurs commentaires tout au long de nos audiences — que nous avons tous été impressionnés par la qualité des témoins que nous avons accueillis. Presque aucun d'entre eux n'a tenu de propos vitrioliques sur l'une des questions les plus importantes et les plus marquantes pour le tissu social canadien, je veux parler de l'accord sur la santé. Quand on songe à tout ce qui se dit dans les médias sur notre système de santé, je me dois de reconnaître que nos témoins sont parvenus de façon remarquable à se limiter aux questions de fond et à nous conseiller sur ces aspects-là.

Aujourd'hui encore, nous avons accueilli un groupe remarquable de témoins, par la façon dont ils ont répondu à nos questions, et je me fais la voix de mes collègues pour vous dire que nous n'aurions pu souhaiter meilleure contribution que celle que vous avez apportée au débat d'aujourd'hui.

Sur cette dernière remarque, je tiens à vous remercier au nom de mes collègues.

Enfin, et je m'adresse à mes collègues; vous avez été tout à fait remarquables tout au long de ce processus. Nous aurions pu passer des jours à débattre de certains enjeux, comme la question des déterminants sociaux, si nous avions voulu nous laisser aller à cela — et il y a bien d'autres aspects sur lesquels nous aurions pu nous étendre — mais vous avez su collaborer pour parvenir à ce résultat, et je vous en remercie.

(La séance est levée.)


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