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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 18 - Témoignages du 31 mai 2012


OTTAWA, le jeudi 31 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 29 pour étudier la teneur de la section 54 de la Partie 4 du C-38, Loi d'exécution de certaines dispositions du budget.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je suis le président du comité. Je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je vais demander à mes collègues de se présenter eux-mêmes, en commençant à ma droite.

Le sénateur Housakos : Sénateur Leo Housakos, de Montréal.

Le sénateur Wallace : Sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Verner : Je suis Josée Verner, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver, Colombie-Britannique.

Le sénateur Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Hubley : Elizabeth Hubley, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy, et je suis de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Le président : Avant de donner la parole à nos témoins pour la première partie de la séance, je veux passer en revue l'ordre du jour avec mes collègues et leur rappeler que notre séance de ce matin est divisée en deux parties. La première prendra fin à 11 h 30 ou avant, et la deuxième à 12 h 30 ou avant.

Êtes-vous d'accord, chers collègues?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci.

J'ai le plaisir maintenant d'accueillir les fonctionnaires qui nous apporteront des renseignements en complément de l'exposé du ministre concernant la section 54 de la partie 4 du projet de loi C-38. Je souhaite la bienvenue à Mme Sandra Harder, directrice générale, Politiques stratégiques et planification, à M. David Manicom, directeur général, Immigration, et à M. Alain Laurencelle, avocat, Services juridiques, tous trois de Citoyenneté et Immigration Canada, ainsi qu'à M. Campion Carruthers, directeur, Division de l'intégrité du programme, Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Bonjour à tous.

Les fonctionnaires ne vont pas présenter d'exposé en règle. Ils sont disponibles pour répondre aux questions que vous pourriez avoir suite à la comparution du ministre. Je reconnais qu'il s'est écoulé un peu de temps depuis, mais je suis sûr que cela ne va pas perturber notre réflexion normale sur ce sujet. Nous allons donc passer tout de suite aux questions, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Eggleton : Si je comprends bien, la modification proposée dans la section sur l'immigration du projet de loi C-38 comporte trois parties. La première porte sur le pouvoir du ministre de donner des instructions. Quelle est la raison d'être ou la justification de cet accroissement du pouvoir ministériel de donner des instructions, et quel sera le mécanisme de reddition de comptes et de surveillance à cet égard?

Je suppose que, normalement, ce genre de choses ferait l'objet d'un décret, mais il s'agira en l'occurrence plutôt d'une décision prise unilatéralement par le ministre. Quelle en est la justification, et quelle reddition de comptes et surveillance parlementaire y aura-t-il concernant l'exercice de ce pouvoir?

Sandra Harder, directrice générale, Politiques stratégiques et planification, Citoyenneté et Immigration Canada : Merci, monsieur le sénateur. Il y a en fait quatre parties intéressant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Nous pouvons les passer en revue. En ce qui concerne les instructions ministérielles, la disposition du projet de loi C-38 permet au ministre de donner de nouvelles instructions ministérielles concernant les demandes déjà reçues et faisant l'objet d'instructions ministérielles existantes.

Pour ce qui est de la raison d'être des instructions ministérielles, il s'agit là d'un pouvoir conféré au ministre en 2008 par la loi budgétaire, par ce qui était alors le projet de loi C-50. Il s'agit en substance du pouvoir d'établir un ordre de priorité pour le traitement des demandes. Comme vous le savez peut-être, les instructions ministérielles ont été utilisées pour aider à gérer la réception des demandes de travailleurs qualifiés du volet fédéral depuis lors.

Pour ce qui est du degré de surveillance et de l'ampleur du pouvoir, il s'agit là d'un pouvoir ministériel. Le ministre est tenu de discuter des instructions ministérielles avec ses collègues du Cabinet, c'est-à-dire que ses instructions sont soumises au Cabinet. Elles sont également publiées dans la Gazette du Canada; elles suivent donc ce genre de processus.

Le sénateur Eggleton : Aucune procédure de surveillance parlementaire n'est donc prévue.

Mme Harder : Il y a le pouvoir du Cabinet.

Le sénateur Eggleton : Uniquement du Cabinet. D'accord.

Au titre de ce pouvoir ministériel, le ministre pourra dorénavant créer des programmes pilotes de cinq ans dans la catégorie de l'immigration économique pour un nombre maximal de 2 750 résidents permanents par an. Pourquoi ce chiffre? Je ne sais pas de combien de catégories nous parlons ici, si c'est 10 ou 100. Cela change certainement beaucoup les chiffres, et peut-être pourriez-vous nous indiquer quel nombre de personnes pourraient être visées par cette disposition et pourquoi le chiffre de 2 750 a été retenu.

David Manicom, directeur général, Direction générale de l'immigration, Citoyenneté et Immigration Canada : Il est un peu difficile de répondre à la question sur la manière dont le chiffre exact a été établi. C'était probablement un compromis canadien classique, en ce sens que certains pensaient que 2 000 serait le bon plafond et d'autres préféraient 3 000 ou 4 000. Le chiffre de 2 750 a été décidé par le ministre après diverses discussions internes.

C'est le plafond pour le nombre de demandes qui peuvent être acceptées au cours d'une année donnée dans le cadre des catégories créées au titre du nouveau pouvoir ministériel. Comme dans le cas d'instructions ministérielles relatives à d'autres aspects dont ma collègue a parlé, la création de toute nouvelle catégorie économique par le ministre serait soumise à l'approbation du Cabinet. Les instructions seraient publiées dans la Gazette du Canada afin que toutes les parties intéressées puissent en prendre connaissance. CIC ferait rapport chaque année au Parlement sur le fonctionnement des catégories économiques établies par le biais des instructions ministérielles dans son rapport annuel au Parlement.

Le plafond de 2 750 demandes pourrait représenter jusqu'à 5 000 ou 6 000 personnes, si on compte les personnes à charge. Le nombre de personnes à charge varie fortement d'une catégorie à l'autre et dépend du profil des intéressés.

C'est là un plafond. Nous n'avons pas encore créé de catégorie en vertu de ce pouvoir, et ce sera donc un terrain neuf. À cause du paysage économique en évolution rapide et parce qu'on craint que certains de nos programmes ne fonctionnent pas aussi bien qu'on le voudrait, on a voulu doter le ministre du pouvoir de créer relativement vite une nouvelle petite catégorie temporaire. Nous pourrions ainsi déterminer quels résultats elle produit et, s'ils sont bons, décider de la maintenir ou non. La catégorie prend fin automatiquement après cinq ans et ne peut être renouvelée au moyen d'instructions ministérielles; si les résultats sont positifs et si le ministre veut la maintenir, il faudra donc l'intégrer dans la réglementation de la manière normale.

Le sénateur Eggleton : Combien de catégories envisagez-vous? Donnez-moi un exemple de catégorie.

M. Manicom : Celle sur laquelle nous travaillons le plus activement à l'heure actuelle est une catégorie nouvelle d'entrepreneurs. La conception de programmes d'immigration est toujours ardue parce qu'on est obligé de définir le véritable entrepreneuriat au moyen de jeux complexes de règlements. Dans ce cas particulier, nous voulons collaborer avec le secteur privé de manière créative pour repérer l'innovation entrepreneuriale, de façon à ce que la participation de ces immigrants à l'économie canadienne rapporte une plus grande valeur ajoutée. Les demandeurs devraient néanmoins satisfaire à toutes les exigences légales concernant les normes de base applicables à la connaissance d'une des deux langues officielles, aux études, à la santé et au filtrage de sécurité.

Ce nouveau programme auquel nous songeons n'a pas encore été soumis aux étapes officielles de l'approbation, et il reste donc théorique à ce stade. Nous prévoyons que l'envergure du programme serait modeste au début, et viserait peut-être quelques centaines de personnes la première année.

Le sénateur Eggleton : Vous parlez de personnes par opposition à des catégories. Vous n'envisagez donc pas beaucoup de catégories. Vous ne m'avez pas encore donné de chiffre.

M. Manicom : Il n'y a pas de limite dans la loi qui restreigne le nombre des catégories économiques.

Le sénateur Eggleton : Qu'envisagez-vous à ce stade?

M. Manicom : Je pense pouvoir dire que nous prévoyons en créer une ou deux dans les prochaines années.

Le sénateur Eggleton : C'est tout? D'accord.

Permettez-moi de poser une question sur les travailleurs étrangers temporaires et la disposition permettant de les payer 15 p. 100 de moins que les Canadiens. Lorsque le ministre a comparu, il a dit que ce serait 15 p. 100 de moins que la moyenne, et non pas 15 p. 100 de moins que le minimum.

Par exemple, dans le sud de l'Alberta, un travailleur agricole peut toucher apparemment entre 16 et 20 $ l'heure. Sur cette base, la moyenne serait de 18 $ l'heure, mais si vous retranchez 15 p. 100 de ce montant, le taux que touche cette personne est inférieur au minimum. Nous nous attendons ensuite à ce que certains Canadiens veuillent occuper certains de ces emplois, mais cela signifie que nous faisons baisser le salaire non seulement pour le travailleur étranger temporaire, mais aussi pour le travailleur canadien. Comment est-ce possible?

Campion Carruthers, directeur, Division de l'intégrité du programme, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Peut-être devrais-je rappeler la politique fondamentale. Deux choses sont en jeu ici. Il y a la politique salariale, puis il y a la méthode de calcul du salaire.

La politique reste inchangée. La politique veut que les employeurs payent les travailleurs étrangers temporaires au même taux que les Canadiens. Ce qui a changé, c'est la manière de calculer ces taux.

Le chiffre de 15 p. 100 brandi dans la presse est l'un de deux chiffres. Vous pouvez payer votre travailleur étranger temporaire, s'il est hautement qualifié, jusqu'à 15 p. 100 de moins que le Canadien moyen si vous démontrez que vous payez ce même salaire à vos propres travailleurs canadiens dans la même région et dans le même métier, mais l'écart ne peut dépasser 15 p. 100. Si le salaire est inférieur de plus de 15 p. 100 à la moyenne, même si vous payez vos travailleurs canadiens 20 p. 100 de moins que la moyenne, vous ne pouvez pas diminuer la rémunération du travailleur étranger temporaire de plus de 15 p. 100 de la moyenne.

Si c'est un travailleur faiblement qualifié, la limite est même de 5 p. 100. Même si vous payez vos travailleurs canadiens faiblement qualifiés jusqu'à 10 p. 100 en dessous du salaire moyen, vous ne pouvez abaisser le salaire que vous payez aux travailleurs temporaires étrangers que de 5 p. 100 au maximum.

Beaucoup d'employeurs disent que, dans leur région particulière et dans le métier pour lequel ils recrutent, il subsiste des répercussions sur eux, ce qui signifie qu'ils finissent par payer leurs travailleurs étrangers temporaires plus que leurs travailleurs canadiens. Cette mesure est destinée à atténuer au moins cet effet sur les employeurs. Est-ce que cela vous éclaire?

Le sénateur Eggleton : Ce n'est pas clair du tout.

Le président : Je n'ai pas compris non plus. J'ai compris ce que vous avez dit, mais je ne le comprends pas par rapport à la question du sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Revenez à l'arithmétique que je vous ai soumise. Est-ce que cette arithmétique est juste ou non? Le ministre Kenney a dit qu'ils ne seraient pas payés en dessous du minimum. Si vous faites ce calcul, ils vont toucher en dessous du minimum. Est-ce exact ou non?

M. Carruthers : En dessous du salaire minimum?

Le sénateur Eggleton : Non. Dans l'exemple que j'ai utilisé, les travailleurs agricoles du sud de l'Alberta touchent entre 16 et 20 $ l'heure, me dit-on. On autorise maintenant à payer les étrangers 15 p. 100 en dessous de la moyenne. La moyenne est de 18 $. Si vous déduisez 15 p. 100 de ce chiffre, vous tombez en dessous du minimum de 16 $. Il a dit que vous n'alliez pas passer en dessous du minimum. Est-ce exact ou non?

M. Carruthers : Je n'ai pas sous les yeux la déclaration du ministre, mais je peux vous expliquer la méthode de calcul du salaire. Ce qui a été annoncé par la ministre Finley, c'est que l'on peut aller jusqu'à 15 p. 100 en dessous de la moyenne, ce que nous appelons le salaire courant pour ce métier dans cette région, si l'employeur peut démontrer qu'il paye ce même salaire à ses employés canadiens.

Le sénateur Eggleton : Parlez-moi du contrôle d'application. Comment allez-vous faire respecter cela? Allez-vous effectuer des visites et des vérifications de registres fréquentes ou bien allez-vous vous contenter de contrôles aléatoires de temps en temps? Parlez-moi de cela.

M. Carruthers : Nous allons effectuer des contrôles tant aléatoires que ciblés, ce que nous appelons des examens de la conformité des employeurs axés sur le risque, et nous en réaliserons dans les 520 régions du pays et pour tous les métiers. Il y aura un échantillonnage représentatif pour tout le pays et toutes les professions. L'objectif est de contrôler 18 p. 100 des employeurs.

Le sénateur Eggleton : Est-ce là ce que vous faites actuellement? Vous ne contrôlez peut-être pas 15 p. 100, mais avec les autres dispositions que vous avez mises en place en août dernier, en contrôlez-vous environ 18 p. 100?

M. Carruthers : Non. Dans le cadre de ces changements, nous n'en contrôlons en fait que 2 p. 100. C'est un niveau de conformité accru, mais la différence est que nous avons récemment lancé un avis relatif au marché du travail accéléré qui permet aux employeurs d'obtenir leurs travailleurs étrangers temporaires sur la base d'attestations. Ils attestent sur la demande qu'ils satisfont aux exigences, et nous ne procédons qu'à peu de vérifications à ce stade.

Pour contrebalancer cela, au lieu des 2 p. 100 d'examens de conformité, soit au lieu de contrôler 2 p. 100 des employeurs, nous en contrôlons maintenant 20 p. 100 dans le cas des avis accélérés.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous prévenu les employeurs qu'ils seraient contrôlés plus fréquemment?

M. Carruthers : Oui, absolument. Nous avons procédé à ce que nous appelons un « lancement en douceur », ce qui signifie que nous n'avons pas passé d'annonces dans les journaux, mais nous avons fait un affichage sur notre site Internet. Toutes les lettres adressées aux employeurs indiquent précisément quel processus nous leur appliquerons.

Le sénateur Eggleton : J'ai encore beaucoup d'autres questions.

Le président : Je vous ferai de la place au fur et à mesure. Je vais maintenant donner la parole au sénateur Callbeck.

Le sénateur Callbeck : Merci de votre présence parmi nous ce matin. Combien de travailleurs étrangers temporaires sont entrés au Canada l'an dernier?

M. Manicom : Il faudra que nous recherchions le chiffre exact après la séance. Je n'ai pas ces statistiques avec moi, mais c'est environ 200 000.

Le sénateur Callbeck : Environ 200 000 travailleurs sont arrivés. Au total, combien en avons-nous chez nous en ce moment?

M. Manicom : Je crois que le total est de l'ordre de 400 000. Encore une fois, il faudra vérifier les chiffres exacts. J'ai apporté des documents sur les mesures budgétaires, et je n'ai pas ces statistiques avec moi, monsieur le sénateur.

Le sénateur Callbeck : Je ne sais pas trop comment cela fonctionne. Ils obtiennent un permis temporaire. Est-il délivré pour cinq ans? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Manicom : Un travailleur étranger temporaire est admis sur la base d'un avis relatif au marché du travail fondé sur le besoin de l'employeur. Ces avis peuvent être pour une durée très courte, tels que des réparateurs autorisés pour quelques jours, jusqu'à des avis pouvant porter sur une, voire deux années dans certains cas. M. Carruthers rectifiera si je me trompe.

Une fois au Canada, ces travailleurs étrangers temporaires peuvent renouveler leur permis si l'employeur a toujours besoin d'eux et si RHDCC émet un nouvel avis relatif au marché du travail. Le travailleur peut alors prolonger son séjour au Canada. Il peut normalement le prolonger jusqu'à quatre ans, et quelques exceptions permettent même à certains de rester plus de quatre ans. Normalement, la durée de séjour maximale est de quatre ans.

Le sénateur Callbeck : C'est le maximum. Ensuite, même si des employeurs veulent les engager, ils doivent repartir?

M. Manicom : En général, oui, à quelques exceptions près, c'est la norme. L'idée est que nous ne voulons pas créer des sous-catégories, en quelque sorte, de personnes à statut temporaire pour des périodes extrêmement longues.

Dans de nombreux cas, ces travailleurs peuvent présenter une demande par le biais de plusieurs de nos programmes de résidents permanents, soit comme candidats des provinces, soit comme travailleurs qualifiés du volet fédéral et, particulièrement, au titre de la catégorie relativement nouvelle de l'expérience canadienne, qui permet à des personnes ayant une expérience de travail qualifié au Canada de demander le statut de résident permanent. S'ils souhaitent rester, ils peuvent présenter une demande de résidence permanente.

Le sénateur Callbeck : Donc, de façon générale, supposons qu'ils soient ici, vous dites pour une courte durée de un à deux ans, et qu'ensuite ils peuvent renouveler jusqu'à quatre ans. S'ils occupent un emploi pendant cinq ans et s'ils peuvent être payés 15 p. 100 de moins que la moyenne, est-ce que cela ne va pas tendre à faire baisser les salaires de nos travailleurs canadiens?

M. Manicom : Je veux préciser encore une fois que la politique relativement aux travailleurs étrangers temporaires, dont mon ministère est responsable, veut très clairement — et la réglementation le confirme — que les travailleurs étrangers temporaires ne soient pas rémunérés moins que les Canadiens faisant le même travail. Ce principe n'a pas changé.

Comme M. Carruthers l'a expliqué, le problème que voyaient les employeurs concernait la méthode de calcul des moyennes à l'intérieur des régions. Je crois qu'on utilisait les régions de l'AE, ou une variante de ce découpage. Nous avions des situations où, par exemple, une ville se trouve dans la même région que Fort McMurray, aux fins statistiques, et dans cette ville, où est établi l'employeur, les salaires des soudeurs sont nettement inférieurs à ceux de Fort McMurray. Dans ces cas-là, le salaire moyen de la région, qui est affiché sur le site Internet de RHDCC, est gonflé par la situation à Fort McMurray. L'employeur de l'autre ville de la région peut payer un travailleur étranger temporaire moins que la moyenne régionale s'il a des employés canadiens faisant le même travail. Il peut rémunérer le travailleur étranger temporaire au même salaire que celui versé aux employés canadiens. Il ne peut payer le travailleur étranger temporaire faisant le même travail moins que les employés canadiens. Les 15 p. 100 concernent la moyenne régionale pour ce métier. Au moyen des données en sa possession, RHDCC détermine un salaire médian pour un métier donné dans un district donné. C'est une médiane, une moyenne. Un employeur canadien peut payer son personnel 18 $ pour faire un travail donné, alors que la moyenne régionale est de 20 $ l'heure. Il ne peut payer un travailleur étranger temporaire moins que ce qu'il paye à ses employés canadiens faisant le même travail. C'est le principe auquel obéissent les changements, et le principe fondamental voulant que les travailleurs étrangers temporaires ne soient pas payés moins pour faire le même travail n'a pas changé.

Le sénateur Callbeck : Je trouve cela difficile à suivre. Je lis que le travailleur étranger peut être payé jusqu'à 15 p. 100 de moins, mais vous dites qu'un taux salarial est fixé pour un métier dans un district. Qu'entendez-vous par « district »?

M. Manicom : Je crois qu'il s'agit des régions de l'assurance-emploi, qui sont au nombre de 520 dans le pays. Le salaire courant dans ce district pour un métier donné est établi sur la base des données de RHDCC concernant le paiement salarial médian dans ce district pour ce métier. Un employeur peut payer jusqu'à 15 p. 100 en dessous de ce chiffre s'il peut démontrer qu'il paye le travailleur étranger temporaire le même montant que ses autres employés faisant le même travail. S'il n'a pas d'employé faisant le même travail que le travailleur étranger temporaire, il doit alors payer à ce dernier le salaire courant, c'est-à-dire le taux médian dans ce district.

Le sénateur Callbeck : Donc, ils peuvent payer 15 p. 100 de moins s'ils peuvent prouver que les Canadiens touchent 15 p. 100 de moins.

M. Manicom : Oui. Si le taux médian pour un soudeur, par exemple, dans un district donné est de 35 $ l'heure, cela signifie que certains soudeurs dans ce district vont être rémunérés à 42 $ l'heure et d'autres à 30 $ l'heure. Si un employeur donné paye à ses soudeurs canadiens 30 $ l'heure, il peut payer les travailleurs étrangers temporaires 30 $ l'heure. Nous pouvons voir combien il serait étrange de payer son travailleur étranger temporaire dans un atelier plus que les travailleurs canadiens. C'est cette divergence que la ministre Finley a tenté de rectifier au moyen de cette formule différente pour garantir que les travailleurs étrangers temporaires ne soient pas payés moins que les Canadiens faisant le même travail pour le même employeur.

Le sénateur Callbeck : C'est plutôt confus.

Le sénateur Seidman : J'aimerais clarifier un point très précis. Vous avez employé les mots « médian » et « moyen », et nous savons qu'il y a une grande différence entre les deux. Pourriez-vous clarifier cela? Cela pourrait être utile.

M. Carruthers : La politique annoncée par la ministre est que la méthode de calcul du salaire de base repose sur la moyenne. Nous pouvons vous fournir la déclaration précise de la ministre et la directive que nous donnons aux agents de Service Canada, si cela vous intéresse.

Le sénateur Seidman : Cela nous intéresse absolument. Vous dites clairement que la ministre utilise le mot « moyenne », tandis que M. Manicom a employé le mot « médian » plusieurs fois. La chose doit être clarifiée, car les deux termes sont très différents.

M. Carruthers : Oui.

Le président : Effectivement, j'ai entendu M. Manicom dire « médian » et ensuite opter immédiatement pour « moyen » dans sa réponse. Je pense que cela a engendré une confusion, mais ma conclusion a été que c'est bien la moyenne qui était déterminante.

Le sénateur Seidman : Oh non, il a bien dit « médian ».

M. Carruthers : Je me suis trompé.

Le président : Je vais vous lire ce que nous a dit le ministre à ce sujet. C'est à la fin.

Le problème c'est que la moyenne n'était pas les salaires de départ, donc les Canadiens qui recevaient des offres d'emploi dans ces milieux de travail commençaient d'habitude avec le salaire de départ, qui était par définition inférieur à la moyenne. C'était une situation embarrassante puisque de nombreux travailleurs étrangers temporaires étaient mieux payés que les Canadiens.

Il a poursuivi en signalant qu'il est important d'établir l'équité par rapport aux travailleurs canadiens.

Je vous rends la parole, sénateur Callbeck.

Le sénateur Callbeck : Je veux aborder l'arriéré des travailleurs qualifiés du volet fédéral. J'ai cru comprendre que les demandes de tous ceux qui les ont déposées avant le budget 2008 — et il y en a eu des centaines — leur seront renvoyées et qu'ils vont devoir présenter une nouvelle demande selon les nouveaux critères. Est-ce exact?

Mme Harder : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Pourquoi n'évalue-t-on pas à Citoyenneté et Immigration Canada les demandes dans l'arriéré sur la base de ces nouveaux critères?

Mme Harder : Pour clarifier la situation, les demandes reçues par le ministère avant le 27 février 2008 qui n'avaient pas fait l'objet d'une décision de sélection à la date du budget, qui était le 29 mars, seront closes et les droits seront remboursés aux intéressés. On rendra aux demandeurs les frais de traitement payés et, en même temps, le droit de résidence permanente, si celui-ci a déjà été versé. Ces personnes pourront, comme vous l'avez si bien dit, présenter une nouvelle demande au titre du Programme des travailleurs qualifiés actuel.

Le sénateur Callbeck : À combien d'années remonte cet arriéré?

Mme Harder : La plus ancienne demande que nous ayons date de 2003.

Le sénateur Callbeck : Cette personne a attendu neuf ans et on va maintenant lui renvoyer sa demande et l'obliger à recommencer. Pourquoi le ministère ne peut-il examiner ces demandes et les juger en fonction des nouveaux critères?

Mme Harder : Je pense qu'on a jugé important d'avoir une coupure claire pour le traitement des demandes reçues avant le dépôt du projet de loi budgétaire. Nous avons fait un travail important et effectué des calculs au cours des dernières années; nous avons également mis en place des instructions ministérielles qui ont réduit le vieil arriéré, c'est-à- dire les demandes reçues avant les instructions ministérielles, et nous avons réduit assez considérablement le nombre des demandes en souffrance grâce aux instructions ministérielles.

Nos calculs indiquent qu'il nous faudrait jusqu'en 2017 ou 2018 pour traiter toutes les demandes de l'ancien arriéré. Il a été décidé qu'il importait d'avoir une plate-forme pour un nouveau système d'immigration plus réactif, et la décision a donc été prise de fermer ces demandes.

Pour clarifier les choses, les dossiers de demandes eux-mêmes ne seront pas renvoyés aux demandeurs. Les droits seront remboursés et les dossiers seront fermés.

Le sénateur Callbeck : Ils vont devoir présenter une nouvelle demande. Cela semble absolument injuste. Ces gens ont déjà attendu pendant des années et maintenant, sans qu'il en soit de leur faute, on leur dit qu'ils doivent recommencer à zéro.

Mme Harder : S'ils décident de présenter une nouvelle demande, ils auront probablement une décision dans les six à 12 mois. S'ils restaient dans l'arriéré, certains devraient attendre jusqu'en 2017 ou 2018 avant que leur demande soit traitée au complet.

Le sénateur Callbeck : Ces gens ont attendu pendant des années, et maintenant vous leur dites que leur demande est annulée et qu'ils doivent en présenter une nouvelle. Leur donnera-t-on une certaine priorité?

Mme Harder : Non. De fait, il se pourrait même qu'avec les modifications apportées au programme, certains ne soient plus admissibles. Cependant, ils n'étaient pas forcément admissibles non plus en vertu de l'ancien programme.

Le sénateur Callbeck : C'est vrai, mais je ne comprends simplement pas pourquoi vous ne prenez pas ces demandes que vous avez en main depuis des années pour les examiner en fonction des nouveaux critères. Cela semble totalement injuste à l'égard des personnes qui cherchent à venir au Canada dans cette catégorie.

Mme Harder : Pour être clair, parmi les demandeurs qui sont actuellement dans l'arriéré, un certain nombre seront déçus. Lorsque des décisions sont prises pour modifier les orientations d'un programme, certains en ressentent le contrecoup, cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Callbeck : Oui, c'est vrai, et je ne vois pas pourquoi c'est ainsi. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas traiter leur demande en vertu des nouveaux critères.

Mme Harder : Le ministre a expliqué en partie les raisons en indiquant les grandes orientations futures du programme d'immigration. Il s'agit d'avoir un programme qui soit plus réactif au marché du travail, qui réagisse à l'évolution des besoins économiques et qui soit plus actif que passif. Afin de préparer le terrain pour cela, on a déterminé que la meilleure façon de procéder était de fermer les dossiers de demandes existants.

Le sénateur Martin : Dans le même ordre d'idée, vous dites qu'avec les nouveaux critères — sans liquider l'arriéré — ces demandeurs devraient potentiellement attendre jusqu'en 2017 ou 2018 pour savoir s'ils y satisfont ou non. Mais en éliminant cet arriéré, ou une certaine partie jusqu'à la date limite, ceux qui sont admissibles verront leur demande évaluée plus vite en fonction des nouveaux critères. Est-ce exact?

Mme Harder : S'ils présentent une nouvelle demande et satisfont aux nouveaux critères, ils auront une décision beaucoup plus vite, dans un délai de six à 12 mois. Je devrais vous dire également que, dans le cadre des efforts déployés par le ministère pour éponger ce que nous appelons l'ancien arriéré — pendant la phase de mise en œuvre du projet de loi C-50 et par la suite — nous avons envoyé un nombre énorme de lettres aux demandeurs qui étaient dans l'arriéré existant alors. Nous leur avons fait savoir qu'ils avaient la possibilité de clore leur demande existante et d'en présenter une nouvelle selon les règles nouvelles. Moins de 6 p. 100 des personnes ayant reçu ces lettres ont accepté l'offre. Nous avons déployé des efforts.

Le sénateur Martin : Une fois que l'arriéré antérieur à février 2008 sera épongé ou que ces demandes seront closes, il subsistera un arriéré d'environ 136 000 demandes. Est-ce exact?

Mme Harder : C'est juste.

Le sénateur Martin : Avez-vous une estimation de la rapidité avec laquelle cet arriéré pourrait être liquidé?

Mme Harder : Oui. Comme les sénateurs le savent peut-être, il existe un plan des niveaux qui régit le nombre de personnes admises au Canada chaque année. Sur la base des niveaux existants, nous estimons que l'arriéré — ces demandes présentées sous le régime des instructions ministérielles — sera liquidé dans les deux ans.

Le sénateur Martin : Pour en revenir au groupe qui serait touché ou dont les demandes seraient closes, pouvez-vous nous indiquer de quelles options les intéressés disposent, ou bien l'avez-vous déjà fait? Leur suffit-il de présenter une nouvelle demande? Si oui, selon quelle catégorie pourraient-ils le faire — j'essaie de clarifier ces options pour eux — et les demandeurs connaissent-ils clairement les options dont ils disposent?

M. Manicom : Une fois leur dossier de demande clos, ils se trouvent dans la même situation que n'importe quel ressortissant étranger et peuvent présenter une demande au titre de l'un ou l'autre de nos programmes. De nombreuses personnes ne seront pas admissibles en vertu des programmes existants, et cela crée une situation regrettable pour elles. La volonté de passer à un système de traitement plus réactif, juste-à temps, entraîne certainement des conséquences pour beaucoup de personnes. C'est malheureux, et le ministre en a fait état.

Les intéressés pourront se prévaloir de tout l'éventail des programmes. Les deux plus importants sont le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), où les critères de sélection sont très précis, avec un système de points, avec une liste des professions qui rendent admissible, ou bien une offre d'emploi approuvée d'une entreprise canadienne. Ces demandes sont toujours recevables. En outre, ces personnes auraient accès aux programmes des candidats des provinces et on trouve sur le site Internet de CIC des liens vers ces divers programmes des candidats des provinces. Les intéressés peuvent ainsi voir s'ils seraient admissibles et peuvent donc prendre contact avec la province pour voir si celle-ci est intéressée à les désigner.

Le sénateur Martin : Collaborez-vous avec certains des fournisseurs de services, des organisations canadiennes outre-mer susceptibles de communiquer les renseignements à de tels demandeurs?

Mme Harder : Les demandeurs recevront une lettre qui leur fera savoir qu'ils peuvent présenter une nouvelle demande. Notre site Internet indique clairement les options dont disposent les personnes désireuses de présenter une nouvelle demande.

Le sénateur Cordy : Merci beaucoup de vous être joints à nous, mais sachez que j'ai la conviction que les questions que nous traitons aujourd'hui devraient faire l'objet d'une loi à part et ne pas être intégrées à une loi budgétaire omnibus, mais cela, vous n'y pouvez rien.

Je pense également que, en tant que parlementaires, nous ne devrions pas nous glorifier d'avoir réduit l'arriéré, alors que nous l'avons fait en éliminant presque 300 000 demandes du Programme des travailleurs qualifiés du volet fédéral. Il serait facile pour n'importe lequel d'entre nous de s'en féliciter. Nous avons réduit considérablement notre liste et nous allons dorénavant pouvoir traiter les dossiers beaucoup plus rapidement parce que nous venons d'éliminer presque 300 000 demandes. Je ne pense pas que ce devrait être là notre façon de travailler. Il est presque fallacieux de dire que ces demandes n'auraient pu être traitées avant 2016 ou 2017. Je pense qu'il y aurait eu une meilleure solution, consistant à recruter davantage d'agents pour traiter toutes ces demandes, afin que ceux qui sont sur la liste puissent y demeurer.

Quelle justification y avait-il de supprimer presque 300 000 demandes du programme et en quoi cela est-il juste? Madame Harder, vous avez dit que ces personnes ont la — vous avez employé le terme — « possibilité » de présenter une autre demande, mais je pense qu'il aurait plutôt fallu traiter en temps voulu celles qu'ils ont déjà déposées.

Mme Harder : Je répondrai volontiers à votre question, monsieur le sénateur Cordy. Je dirai plusieurs choses.

Premièrement, augmenter le nombre des agents de visa dans nos missions à l'étranger ou au Canada ne ferait pas de différence sur le plan du traitement de ces demandes. Cela semble toujours un peu difficile à comprendre pour les gens, mais c'est très largement déterminé par le plan des niveaux existants. Nous avons un plan des niveaux pour le pays qui indique combien d'immigrants seront admis, dans quelle catégorie, comme résidents permanents. Ce plan est approuvé par le Cabinet et présenté dans le rapport annuel au Parlement en novembre de chaque année. Ce plan fixe le nombre de personnes pouvant être admises au pays.

Si nous étions — dans un cadre différent — en mesure d'augmenter nos effectifs et nos agents de visa pour examiner toutes les demandes dans l'arriéré, nous nous retrouverions dans une situation où il nous faudrait un objectif de niveaux nous autorisant à admettre 500 000 ou 600 000 immigrants en une ou deux années. Cela n'a pas été l'orientation choisie par le gouvernement.

Au cours des dernières années, nous nous sommes cantonnés à une fourchette de 240 000 à 265 000 résidents permanents s'établissant au Canada. Ce chiffre est fonction d'un certain nombre de considérations stratégiques touchant la capacité de traitement, mais aussi concernant la capacité d'absorption, c'est-à-dire la possibilité d'intégrer de nouveaux immigrants dans le pays en leur fournissant les services adéquats pour qu'ils puissent accéder au marché du travail, et cetera.

Voilà donc l'une des faiblesses que comporte l'idée de simplement gonfler le nombre des agents de visa : cela ne résoudrait pas nécessairement le problème.

Pour ce qui est de l'équité, je pense avoir dit qu'un certain nombre d'options ont été envisagées. Il a été décidé que, pour frayer la voie à un système d'immigration plus rapide, plus réactif et plus compétitif avec celui de nos principaux concurrents à l'échelle internationale, il était nécessaire de clore les demandes accumulées dans l'arriéré.

Le président : À ce sujet, je crois qu'il y a une question visant à clarifier les chiffres.

Le sénateur Seidman : Désolé d'interrompre de nouveau, mais je veux comprendre bien clairement. Le sénateur Cordy a utilisé le chiffre de « plus de 300 000 » demandes de travailleurs qualifiés. J'aimerais obtenir un éclaircissement, car il me semblait que seulement un tiers de ce nombre était effectivement des travailleurs qualifiés et que les autres étaient des personnes à charge. Je pense qu'il faut être clair.

Le sénateur Cordy : C'est ce qu'il a dit, mais le fait est que nous avons un arriéré de presque 300 000 demandeurs dans la catégorie des travailleurs qualifiés du volet fédéral, qui ont présenté leur demande avant le 27 février 2008. J'ai le discours du ministre.

Le sénateur Seidman : Peut-être les représentants du ministère pourraient-ils jeter la lumière. J'apprécierais.

Mme Harder : Il y a la demande et il y a le demandeur. Une demande a un demandeur principal et des membres de la famille et personnes à charge qui l'accompagnent. Le chiffre que le ministre a employé était celui du nombre total de personnes, soit les demandeurs principaux, les conjoints et personnes à charge.

Le président : Pour que les choses soient absolument claires, il y a deux chiffres. Le premier est le nombre des demandes. Le deuxième est le nombre des demandeurs couverts par ces demandes.

Mme Harder : C'est parfaitement juste, sénateur.

Le sénateur Cordy : C'est 300 000 personnes.

Mme Harder : C'est juste.

M. Manicom : Si je peux ajouter une précision supplémentaire...

Le sénateur Cordy : Cela fait toujours 300 000 personnes.

M. Manicom : Nous pensons qu'il est généralement préférable d'indiquer le nombre de personnes, car c'est sur cette base qu'est établi le plan annuel des niveaux. Il fixe le nombre de personnes admises au Canada chaque année, et non le nombre de demandeurs principaux.

Le sénateur Cordy : Cela représente néanmoins presque 300 000 personnes.

M. Manicom : Oui.

Le sénateur Cordy : J'utiliserai le terme « personne » et non « demande ». Merci de ces précisions. Ce sont néanmoins toujours des personnes qui vont être touchées.

Si ces mesures législatives sont adoptées — et on peut supposer qu'il en sera ainsi, car il s'agit d'un projet de loi budgétaire présenté par un gouvernement majoritaire —, vous dites que le nombre de personnes prévu par la liste sera accepté, que ces personnes seront reçues au Canada et pourvues d'un emploi rémunéré en l'espace de quelques mois. C'est ce que le ministre a déclaré dans son discours ici, la semaine dernière.

Mme Harder : Je ne suis pas sûre de ce que vous entendez par le nombre de personnes prévu par la liste.

Le sénateur Cordy : Nous venons de parler de la liste du programme des travailleurs qualifiés. Le ministre a dit qu'ils arriveraient dans notre pays, seraient acceptés ou admis au Canada et occuperaient un emploi rémunéré, et tout cela en l'espace de quelques mois.

Mme Harder : C'est juste.

Le sénateur Cordy : Quand pouvons-nous compter que cet échéancier sera en place une fois le projet de loi adopté? Est-ce une affaire de quelques mois entre le moment où on présente sa demande et celui où on occupe un emploi rémunéré?

Mme Harder : Le nouveau système dont parlait le ministre, celui auquel nous travaillons en ce moment même, devrait être similaire à celui que la Nouvelle-Zélande a déjà en place et à celui que l'Australie met en œuvre le 1er juillet. Nous espérons pouvoir le réaliser d'ici 2014. En 2014, un nouveau demandeur pourra s'attendre à recevoir une décision de sélection dans un délai de six à 12 mois et à arriver au Canada dans ce délai.

Les personnes qui sont actuellement couvertes par des instructions ministérielles reçoivent leur décision beaucoup plus rapidement que celles qui ont été admises sans instructions ministérielles. Ces personnes reçoivent actuellement les décisions de sélection en l'espace d'environ 12 à 18 mois.

Le sénateur Cordy : Lorsque le ministre dit qu'il suffira de quelques mois au lieu de quelques années, cela concernera les demandes qui arriveront après 2014; est-ce exact? J'ai besoin d'une clarification à ce sujet.

Mme Harder : Ce sera dans le contexte du nouveau système dont le ministre a fait état dans son exposé au comité. Il a parlé d'un système d'immigration beaucoup plus actif. Oui, nous nous attendons à ce qu'il nous faille un bon moment pour mettre au point tous les détails de la nouvelle approche, et que la mise en place se fera au plus tard en 2014.

Oui, dans ces conditions, une fois que nous aurons réglé un certain nombre de détails stratégiques et de problèmes opérationnels, la décision et l'arrivée du nouvel immigrant pourraient même intervenir en moins de temps que six à 12 mois.

Le président : Sénateur Cordy, je vous inscris pour le tour suivant.

Le sénateur Seth : Merci à vous tous. Je suis désolé d'être arrivée en retard. J'ai manqué une partie de la discussion. C'est un sujet très intéressant.

J'aimerais changer un peu le sujet. Le projet de loi C-38 élargit le pouvoir ministériel pour autoriser la création du groupe expérimental d'immigrants pour mieux répondre aux besoins économiques du Canada.

Comment Citoyenneté et Immigration Canada fera-il connaître ses besoins aux personnes qui voudraient se prévaloir de ces nouveaux projets pilotes?

M. Manicom : Comme nous l'avons déjà vu, de façon générale, le défi pour Citoyenneté et Immigration Canada n'a jamais été d'attirer suffisamment de demandeurs, mais plutôt de gérer la masse des personnes intéressées. J'ai eu plusieurs affectations en Asie et, lorsque le bureau central nous demandait quelle était notre stratégie de promotion et de recrutement, nous tendions à dire que nous allumions la lumière et déverrouillions les portes tous les matins et que cela semblait donner de très bons résultats.

Il est un peu difficile de répondre à votre question, car aucune de ces catégories nouvelles n'a encore été créée. Le ministre n'a pas encore le pouvoir de les créer. Ce pouvoir est conçu de façon à donner la faculté au ministre de mettre sur pied rapidement des programmes pilotes pour réagir à des besoins économiques nouveaux et émergents du Canada, et de mettre à l'essai ces projets pour voir s'ils sont efficaces. Si oui, alors ils sont intégrés dans le règlement.

Normalement, nous ne ferons pas de publicité. Nous veillerons à ce que les détails du programme soient facilement consultables sur le site Internet. C'est généralement ainsi que nous fonctionnons. Sur la page d'accueil, il y a un gros bouton sur lequel les gens peuvent cliquer s'ils sont intéressés à immigrer au Canada. Cela les amène à différentes options.

Il existe aussi une industrie du conseil en immigration extrêmement active, qui tend à très bien savoir quelles personnes peuvent être admissibles à l'un ou l'autre de nos programmes. Il y a aussi tout le travail effectué par les provinces. Dans certaines situations précises, nous faisons plus de recrutement actif à l'étranger.

Les programmes que nous envisageons sous le régime des nouvelles instructions ministérielles seront probablement différents types de partenariats avec des fonds d'investissement privés pour tenter d'attirer des entrepreneurs dynamiques. Par conséquent, le facteur de motivation peut initialement ne pas être le désir d'un candidat de s'établir au Canada, mais plutôt une idée d'affaires très prometteuse, et la personne derrière cette idée est celle que nous souhaitons faire venir chez nous. Il y aurait cette sorte de synergie.

Le sénateur Seth : À l'heure actuelle, le programme de parrainage de parents et de grands-parents est en suspens et en cours de révision. Est-ce que Citoyenneté et Immigration Canada considère les immigrants de la catégorie économique aussi importants que ceux de la catégorie du regroupement familial et des étudiants? En quoi ces groupes vont-ils bénéficier des modifications contenues dans le projet de loi C-38?

M. Manicom : Il n'y a rien qui concerne directement les programmes de la catégorie du regroupement familial dans le projet de loi C-38. Comme le premier ministre l'a indiqué récemment à Davos et comme le ministre l'a dit dans le contexte du projet de loi C-38, et comme ma collègue l'a mentionné, le gouvernement est résolu à mieux adapter nos programmes aux besoins de l'économie canadienne. Le ministre n'a pas non plus caché que le Canada continuera à conserver un programme d'immigration équilibré, avec des composantes de regroupement familial et de considérations humanitaires.

Lorsque le plan des niveaux est établi chaque année, nous déterminons le nombre d'immigrants qui seront admis au Canada dans chacune des catégories. Ces dernières années, la ventilation a été à peu près de 60 p. 100 pour la catégorie économique et 40 p. 100 pour les catégories du regroupement familial et des considérations d'ordre humanitaire.

Comme vous le savez, lorsque le ministre a annoncé son Plan d'action pour accélérer la réunification familiale l'an dernier, la catégorie des parents et grands-parents connaissait un problème semblable à celui de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés en ce sens que des arriérés s'étaient accumulés au fil des nombreuses années. Pendant presque toute ma carrière, le gouvernement a très bien su gérer la délivrance de visas au sein du programme d'immigration. Même avec un réseau mondial complexe et quantité d'événements survenant dans le monde chaque année, nous réussissions à délivrer exactement le nombre de visas voulu pour respecter l'engagement donné par le gouvernement du moment au Parlement.

Cependant, pour dire les choses franchement, nous n'avons pas très bien su gérer la réception des demandes. Si vous gérez très bien la délivrance des visas et que vous avez un afflux de demandes illimité, vous allez accumuler des arriérés qui sont frustrants pour tout le monde, qui conduisent à l'inefficience et aux situations frustrantes auxquelles nous sommes confrontés à l'heure actuelle.

Le ministre a annoncé des niveaux nettement supérieurs pour 2012 dans la catégorie des parents et grands-parents, et il a gelé en même temps la réception des demandes de façon à ce que nous puissions réduire cet arriéré et, je le répète, espérer parvenir à une situation où nous traitons les demandes dès leur réception.

Le sénateur Seth : Qu'advient-il de ceux qui sont déjà...

Le président : Je vais passer au sénateur Dyck; le temps nous est compté et je veux que chacun puisse poser ses questions.

Le sénateur Dyck : Je vais poursuivre dans la même veine, car mes questions portent également sur les répercussions de ce projet de loi sur le regroupement familial. Je crois que l'opinion générale, dans le public, est qu'il a un effet néfaste, parce que l'accueil des membres de la famille est l'un des moyens pour les étrangers qui s'établissent au Canada de bien s'insérer dans notre société.

Vous semblez dire que la règle des parents et grands-parents a été suspendue et que vous allez en admettre un plus grand nombre. Je suis un peu perdue. Veuillez reprendre votre explication.

M. Manicom : Au fil d'un grand nombre d'années, le gouvernement fédéral a reçu environ deux fois plus de demandes de parrainage de parents et grands-parents qu'il n'en a admis au Canada en application du plan des niveaux. Cela a conduit à l'accumulation d'un arriéré de 160 000 personnes. Si on veut l'éponger, l'extrant doit dépasser l'intrant. Pour s'en débarrasser le plus rapidement possible, on accroît l'extrant et on gèle l'admission de nouveaux dossiers. C'est ce que le ministre a décidé de faire. Il a, temporairement, porté le nombre des parents et grands-parents admis au Canada de 15 000 à environ 25 000.

Je crois que ce sera le chiffre le plus élevé depuis une vingtaine d'années. Parallèlement, il gèle la réception des nouvelles demandes, de façon à ce que l'arriéré puisse être liquidé beaucoup plus rapidement et que, lorsque nous recommencerons à accepter de nouvelles demandes, il nous sera possible de les traiter dans de bien meilleurs délais.

Le sénateur Dyck : Cela signifie-t-il, par conséquent, que tous ceux qui présentent actuellement une demande seront mis en attente, mais ne la verront pas nécessairement rejetée?

M. Manicom : Les demandes déjà reçues seront toutes traitées. Étant donné les niveaux beaucoup plus élevés décidés pour cette année, nous pourrons examiner les dossiers de ces 160 000 personnes beaucoup plus rapidement. Cependant, aucune demande nouvelle n'est acceptée à l'heure actuelle.

Le sénateur Dyck : Mais vu l'arriéré, il paraît probable, étant donné l'afflux des demandes des années précédentes, que les parents et grands-parents dans cet arriéré ne seront pas autorisés à venir.

M. Manicom : Non, ce n'est pas exact, madame le sénateur. Le gouvernement du Canada a pleinement l'intention de traiter toutes les demandes de l'arriéré des parents et grands-parents. De fait, afin de pouvoir les traiter plus vite, le nombre de visas autorisés a été accru cette année. Le ministre Kenney a dit vouloir maintenir ce niveau supérieur pour les parents et grands-parents encore en 2013.

Le sénateur Dyck : En quoi le projet de loi va-t-il se répercuter sur les programmes provinciaux? Je crois qu'en Saskatchewan, nous avons une politique de regroupement familial. Elle est probablement un peu plus ouverte ou généreuse que celles des autres provinces. Est-ce que cela va se répercuter sur ce qui se fait dans les différentes provinces? Y aura-t-il des effets différentiels?

M. Manicom : Le projet de loi C-38 ne contient aucune disposition touchant le programme des candidats des provinces.

Le sénateur Eggleton : Si vous mettez en rapport l'arriéré avec la liste actuelle des 29 professions de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés, quelle proportion de ces demandes sont admissibles en vertu de ces 29 professions?

Mme Harder : Nous nous sommes penchés là-dessus. Je n'ai pas les chiffres exacts ici, mais nous pourrons certainement les fournir au comité. Nous avons même codé chaque demande de l'arriéré de travailleurs qualifiés du volet fédéral, afin de pouvoir établir cette relation.

Le sénateur Eggleton : S'il vous plaît, veuillez nous communiquer ces renseignements dans les prochains jours, avant que nous achevions notre étude.

Si l'arriéré devait être traité au rythme actuel, combien de temps avez-vous dit que cela prendrait?

Mme Harder : Selon notre estimation, nous épongerions la totalité de l'arriéré d'ici 2017 ou 2018.

Le sénateur Eggleton : Il y a 136 500 demandes dans l'arriéré actif; vous le feriez en deux ans. Cela ferait 68 500 par an, et vous devriez donc pouvoir y arriver en quatre sans accélération, n'est-ce pas?

Mme Harder : Mais le problème, c'est que nous continuons à recevoir de nouvelles demandes.

Le sénateur Eggleton : Mais vous allez traiter 68 500 demandes anciennes par an, de toute façon.

Mme Harder : Cela dépendrait du nombre de visas autorisés par le Plan annuel des niveaux d'immigration. Comme je l'ai dit, nous sommes toujours limités par le nombre des travailleurs qualifiés du volet fédéral que le plan nous autorise à admettre. À l'heure actuelle, ce chiffre est d'environ 50 000 par an. Par conséquent, notre estimation, considérant la totalité de l'arriéré, est qu'il nous faudrait jusqu'en 2017 ou 2018 pour éliminer l'arriéré ancien.

Le sénateur Eggleton : Je ne suis pas d'accord, mais bon. Je suis contre ce programme.

Le président : Monsieur Manicom, vous vous êtes engagé à fournir des données complémentaires concernant les chiffres totaux demandés dans une question antérieure. Là-dessus, au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier infiniment de vous être joint à nous aujourd'hui et de nous avoir aidés à mieux comprendre ces enjeux.

Je suis ravi d'accueillir Mme Shannon Phillips, analyste des politiques, Fédération du travail de l'Alberta, qui se joint à nous par vidéoconférence. Madame Phillips, nous vous invitons à faire votre déclaration liminaire et à vous préparer à répondre à nos questions.

Shannon Phillips, analyste des politiques, Fédération du travail de l'Alberta : Merci de me recevoir et d'avoir organisé la vidéoconférence. Je suis l'analyste principale des politiques de la Fédération du travail de l'Alberta. Celle-ci représente 145 000 Albertains, dont 25 000 travaillent dans les sables bitumineux et les travaux de construction liés à l'énergie.

Je suis ici pour vous parler aujourd'hui des modifications du Programme des travailleurs étrangers temporaires contenues dans le projet loi C-38 et des solutions de remplacement possibles aux changements que Ressources humaines et Développement des compétences Canada a proposés.

Selon l'ancien mécanisme des travailleurs étrangers temporaires, les employeurs devaient obtenir un avis relatif au marché du travail et payer aux travailleurs étrangers temporaires le salaire courant dans la région. Cela n'offrait guère d'avantages aux employeurs qui auraient voulu comprimer les salaires en remplaçant leurs travailleurs canadiens par des TET.

Des modifications au Programme des travailleurs étrangers temporaires autorisent maintenant les employeurs à réduire les salaires d'un taux pouvant atteindre 15 p. 100 dans les régions où existe une pénurie de main-d'œuvre qualifiée, comme l'Alberta.

En vertu du processus d'avis relatif au marché du travail accéléré, ou AMT-A, les salaires des TET peuvent être inférieurs de 15 p. 100 au maximum au salaire courant pour ce métier dans la région, à condition que ce salaire ne soit pas inférieur à la moyenne canadienne et pas inférieur au salaire d'un Canadien ou d'un résident permanent occupant le même emploi dans le même milieu de travail.

Selon l'ancienne structure salariale, les employeurs étaient tenus de payer les travailleurs étrangers temporaires au moins le salaire moyen pour un emploi donné dans une région donnée, quel que soit le taux qu'ils versaient à leurs employés canadiens. Les employeurs doivent toujours produire des documents établissant que le salaire payé à un travailleur étranger temporaire est le même que celui versé aux employés canadiens occupant le même emploi au même endroit.

Cependant, on ne sait pas clairement quelle est la définition de « milieu de travail », pas plus que celle de « même emploi qu'un Canadien ». Cela ouvre grand la porte à l'exploitation des travailleurs étrangers temporaires.

Selon notre analyse, ces changements confèrent un avantage énorme aux entreprises de construction sans syndicat dans le secteur des sables bitumineux de l'Alberta. Les entreprises de construction sans syndicat, par exemple, versent des salaires inférieurs à ceux des emplois de construction syndiqués. Selon les nouvelles règles, les employeurs n'ont plus à prouver qu'ils ont déployé de réels efforts pour embaucher des Canadiens avant de faire appel à des TET. Nous pensons que ces règles nouvelles sont conçues pour offrir un avantage concurrentiel aux entreprises non syndiquées dans le secteur des sables bitumineux de l'Alberta.

Les TET embauchés sur un chantier syndiqué doivent être rémunérés au même taux que les travailleurs canadiens. Les travailleurs de la construction syndiqués tendent à négocier des salaires qui suivent la hausse du coût de la vie élevé en Alberta. En revanche, les lieux de travail non syndiqués tendent à verser des salaires inférieurs. Les entreprises de construction non syndiquées seront désormais avantagées, car elles pourront compter sur un bassin de travailleurs étrangers prêts à travailler pour des salaires inférieurs. L'embauche des TET sera approuvée en l'espace de seulement 10 jours, sans qu'il soit nécessaire à l'employeur de prouver qu'il a fait des démarches sérieuses pour recruter des Canadiens pour ces emplois.

Les entreprises de construction non syndiquées, comme Merit Contractors, peuvent maintenant n'avoir à leur emploi qu'une poignée de Canadiens ou de résidents permanents, voire même un seul, qui acceptent de travailler pour les salaires et avantages sociaux inférieurs qu'elles offrent. Puisque Merit et d'autres entreprises non syndiquées ont du mal à attirer et à maintenir en poste des gens de métier qualifiés parce qu'elles offrent des salaires et des avantages moins attrayants dans une économie albertaine en pleine expansion, elles peuvent maintenant répondre à presque tous leurs besoins en matière de main-d'œuvre à l'aide de travailleurs étrangers temporaires.

Voyons maintenant la vérité sur les coûts des projets de construction dans le secteur des sables bitumineux. On entend souvent les groupes militant pour de bas salaires, comme la FCEI, dire que les salaires s'envolent et que les coûts de construction augmentent à cause des frais de main-d'œuvre. Cependant, selon un rapport récent du cabinet de placement de capitaux Raymond James, les salaires ont augmenté de seulement 20 p. 100 au cours de la dernière période d'expansion dans les sables bitumineux, ce qui ne faisait que refléter la majoration du coût de la vie selon l'indice des revenus hebdomadaires moyens de l'Alberta. Les projets de construction liés aux sables bitumineux ont dépassé leur budget de 100 p. 100 en moyenne. Certains projets ont même dépassé le devis initial de 260 p. 100, et la plupart de ces dépassements de coûts, selon le rapport du cabinet Raymond James, étaient dus à des pertes de productivité et au coût élevé de l'acier.

Les groupes de pression en faveur de bas salaires comme la FCEI prétendent qu'ils doivent payer les travailleurs étrangers temporaires moins cher en raison d'une pénurie de main-d'œuvre; ils disent qu'il leur faut la possibilité d'embaucher plus rapidement des TET pour demeurer productifs.

Nous, à la Fédération du travail de l'Alberta, estimons qu'il existe certes une pénurie de quelques travailleurs qualifiés dans des métiers choisis, mais comme la Banque du Canada l'a signalé dans son dernier Rapport sur la politique monétaire, il subsiste au Canada un important volet de main-d'œuvre inemployé depuis la dernière récession. L'économie compte encore un grand nombre de travailleurs à temps partiel malgré eux et les entreprises font part à la banque de pénuries de main-d'œuvre inhabituellement faibles.

Ce dont nous souffrons, c'est d'un déficit de formation, particulièrement dans les métiers de la construction en Alberta. On n'oblige pas les entreprises à investir. Il n'existe aucune politique provinciale ou fédérale sérieuse en la matière, hormis quelques gestes de relations publiques. Il en résulte que des groupes de pression favorisant les bas salaires prétendent être obligés de faire venir des travailleurs étrangers temporaires et, au fait, de les payer moins que le taux courant.

Ces modifications du Programme des travailleurs étrangers temporaires vont aggraver le problème. En faisant venir une main-d'œuvre temporaire qualifiée, nous privons toute une génération de Canadiens de la possibilité de se former et nous déchargeons les entreprises de la responsabilité de former des apprentis dans les métiers spécialisés, contrairement à ce que font les autres pays industrialisés.

Avec le nouveau mécanisme de l'avis relatif au marché du travail accéléré introduit par le projet de loi C-38, la surveillance exercée est très lâche. En outre, ce nouveau mécanisme impose peu d'obligations sur le plan de l'annonce des offres d'emploi et des efforts de recrutement; ce nouveau processus assimile l'effort de recrutement à une annonce passée dans la presse. La seule chose que doit faire un employeur potentiel pour prouver qu'il cherche à embaucher des travailleurs canadiens est de passer une annonce.

Les anciennes règles régissant les AMT obligeaient les employeurs à prouver qu'ils avaient tenté de recruter des Canadiens ou des résidents permanents, en produisant notamment des copies des annonces passées, en indiquant le nombre des candidats canadiens et les raisons de leur rejet. Cependant, avec cette nouvelle procédure accélérée, il semble que les efforts pour recruter des Canadiens ou des résidents permanents ne soient plus de mise. Les employeurs peuvent se contenter de passer une annonce et de pouvoir le prouver si les autorités fédérales leur demandent dans le cadre d'un examen de conformité a posteriori.

Moins de 20 p. 100 des AMT-A feront l'objet d'un examen de conformité, et c'est là un changement qui rend les travailleurs étrangers temporaires plus vulnérables à leur arrivée au Canada. Aucune sanction réelle ne frappera les employeurs ayant commis des irrégularités dans le cadre du processus accéléré. Ils auront l'occasion de se justifier et d'apporter des mesures correctives le cas échéant, et c'est tout.

En résumé, la Fédération du travail de l'Alberta recommande la suppression complète du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons déjà vécu un tel scénario de pénuries de main-d'œuvre, il y a tout juste trois ans, pendant la dernière phase d'expansion. S'il existe une pénurie de travailleurs qualifiés — et il y en a, dans certaines professions en Alberta — nous devrions faire venir ces travailleurs à titre d'immigrants, afin qu'ils puissent contribuer à l'édification de notre pays, au lieu d'instaurer un programme de « travailleurs invités » reproduisant des approches qui se sont révélées être un échec politique et humain catastrophique dans d'autres pays industrialisés, particulièrement en Europe.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup.

Nous accueillons maintenant Mme Corinne Pohlmann, vice-présidente, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Je signale, pour le compte rendu, que vous êtes arrivée au moment même où nous commencions; nous sommes tout à fait ravis de vous recevoir.

Corinne Pohlmann, vice-présidente, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Merci, et veuillez excuser mon léger retard.

Merci de cette invitation à prendre la parole au sujet des dispositions du projet de loi budgétaire relatives aux questions d'immigration sur lesquelles nous nous penchons. Je m'appelle Corinne Pohlmann et je représente la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ou FCEI. Nous comptons comme membres 109 000 petites et moyennes entreprises, toutes des sociétés indépendantes exploitées par des Canadiens. Elles emploient collectivement 1,5 million de Canadiens. Elles sont présentes dans chaque région du pays et dans tous les secteurs de l'économie. Alors que mes remarques ne vont pas traiter directement de tous les aspects et des changements proposés dans le projet de loi C-38, j'aimerais vous indiquer pourquoi l'immigration est importante pour les petites entreprises et l'économie et pourquoi des changements dans ce domaine, et notamment concernant les travailleurs étrangers temporaires, sont nécessaires.

Vous devriez tous avoir sous les yeux un jeu de diapositives que je vais passer en revue très rapidement avec vous, en attirant votre attention sur quelques diapositives et données primordiales.

Mais j'aimerais parler un peu de l'économie, selon l'optique des petites entreprises. À la diapositive 2, vous trouvez notre plus récent baromètre, qui est un indicateur de la confiance des entreprises. Notre indice est représenté par la ligne bleue, auquel est ensuite surimposé le PIB, sur la ligne rouge. Comme vous pouvez le voir, il y a eu un petit recul l'été dernier lorsque la crise européenne a frappé. Depuis, les petites entreprises ont graduellement retrouvé la confiance, mais lentement.

En avril, on voit un léger fléchissement par rapport au mois précédent, mais cela dit, un indice se situant entre 65 et 70 est le signe d'une économie en expansion, et le chiffre actuel de 66,4 nous donne à penser que l'économie va continuer de croître.

Dans ce même baromètre des affaires, nous posons également une série d'autres questions, concernant notamment les principales contraintes des entreprises, que vous voyez à la diapositive 3. En avril, un tiers ont cité la pénurie de main- d'œuvre comme une contrainte majeure, un chiffre dépassé uniquement par l'insuffisance de la demande intérieure. En outre, 16 p. 100 ont cité également une pénurie de main-d'œuvre semi et non qualifiée.

En fait, alors que l'insuffisance de la demande intérieure est en recul depuis quelques années comme principale contrainte des entreprises, la préoccupation au sujet d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée commence à gagner du terrain, comme le montre la diapositive 4. Ce n'est pas réellement une surprise, car nous voyons les projets d'embauche des petites entreprises s'accroître.

À la diapositive 5, vous pouvez voir qu'en avril, 21 p. 100 des petits entrepreneurs prévoyaient augmenter leurs effectifs à temps plein au cours des trois ou quatre prochains mois — c'est la ligne bleue — alors que seulement 12 p. 100 projetaient de les réduire, soit la ligne rouge. De fait, depuis le début de l'année, nous voyons que beaucoup plus d'entreprises souhaitent embaucher plutôt que licencier.

Alors que toutes les données précédentes proviennent d'une même source, le baromètre des affaires, les chiffres des deux diapositives suivantes, 6 et 7, proviennent d'une autre source, mais font apparaître également l'importance croissante des pénuries de main-d'œuvre qualifiée pour les petites entreprises. Il s'agit là d'un sondage en continu sous forme d'entretiens directs avec des membres, où nous demandons quels enjeux revêtent la plus haute priorité pour leur entreprise. Au cours des trois premiers mois de 2012, presque la moitié, soit 46 p. 100, ont cité la pénurie de main- d'œuvre qualifiée comme préoccupation majeure. Cette préoccupation était passée au troisième rang avant la récession avant de reculer après celle-ci, mais nous la voyons maintenant recommencer à grandir et à s'accélérer.

De fait, dans certaines régions du pays, elle devient déjà une importante priorité. Dans des provinces comme la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et l'Alberta, elle est déjà un problème pour plus de la moitié de nos membres, mais également au Québec et en Nouvelle-Écosse, où plus de la moitié en sont préoccupés, et cette proportion va croissant.

De quelles sortes de qualifications ces petites et moyennes entreprises ont-elles réellement besoin? Alors que ces données sont un peu plus anciennes, nous pensons qu'elles restent pertinentes. Nous mettons actuellement au point une nouvelle enquête pour mettre à jour cette information, que vous voyez dans la diapositive suivante, et cette enquête devrait être disponible vers le milieu ou la fin de l'automne. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 8, la plupart des entreprises de petite taille ont besoin de compétences exigeant une formation de niveau secondaire ou spécifique à la profession. Très peu de petites entreprises connaissent une pénurie de main-d'œuvre ayant une formation universitaire.

Cependant, lorsqu'on compare les besoins des petits employeurs aux compétences des travailleurs arrivant au Canada par le biais de l'immigration et du Programme des travailleurs étrangers, nous constatons une coupure réelle entre les besoins du marché du travail et les compétences offertes par les nouveaux immigrants. Comme on peut le voir à la diapositive 9, 42 p. 100 des petits employeurs ont besoin de personnel doté de compétences techniques et spécialisées, alors que seulement 22 p. 100 des immigrants de la catégorie économique et 19 p. 100 des travailleurs étrangers temporaires les possèdent. En revanche, seulement 7 p. 100 des petits employeurs ont besoin de diplômés universitaires, alors que 65 p. 100 de ceux arrivant dans le cadre du système d'immigration permanente et 30 p. 100 de ceux du Programme des travailleurs étrangers temporaires ont une éducation universitaire. Alors que nous sommes en concurrence avec beaucoup d'autres pays pour la main-d'œuvre qualifiée, nous risquons également d'aliéner ces immigrants hautement instruits qui ne parviennent pas à trouver du travail dans leur domaine au Canada, si nous maintenons cette déconnexion. Les réflexions engagées et les politiques introduites doivent s'attaquer à ces problèmes.

Quelle a été l'expérience des petites entreprises par rapport au système d'immigration canadien? Là encore, nous avons repris des données remontant à quelques années, mais les résultats restent fascinants. Environ 22 p. 100 des petites entreprises ont fait l'expérience de l'embauche d'un immigrant de fraîche date, et plus l'entreprise est grosse et plus elle est susceptible d'avoir fait cette expérience. Cela se trouve à la diapositive 10.

Étant donné la complexité du système d'immigration et du Programme des travailleurs étrangers temporaires, il n'est guère surprenant que la majorité de ceux qui ont embauché des immigrants de fraîche date aient engagé des personnes déjà établies au Canada et possédant un permis de travail, comme le montre la diapositive 11. Seulement 16 p. 100 sont passés par le Programme des travailleurs étrangers temporaires, et seulement 9 p. 100 ont fait des démarches pour faire venir un nouvel immigrant au Canada par le système des résidents permanents.

Chez ceux qui ont tenté d'utiliser le système d'immigration pour faire venir les travailleurs dont ils avaient besoin, de loin les plus gros problèmes rencontrés étaient les retards de traitement et la complexité du système, comme l'indique la diapositive 12. De même, dans le cas du Programme des travailleurs étrangers temporaires, comme le montre la diapositive 13, les plus gros obstacles étaient les retards au niveau du traitement des demandes et la difficulté à garder les nouveaux immigrants ayant un statut temporaire.

Aussi, nous avons salué les progrès réalisés depuis 2006 à la poursuite de solutions à certains de ces problèmes, et saluons d'avance ceux qui restent à venir. Par exemple, nous avons approuvé l'introduction de la catégorie de l'expérience canadienne, qui ouvre une filière permettant aux travailleurs étrangers temporaires de devenir des résidents permanents, ainsi que l'importance croissante accordée au programme des candidats provinciaux en vue de remédier à des pénuries de main-d'œuvre propres à une province.

Nous continuons également de réclamer un aménagement du système d'immigration de résidents permanents qui mette davantage l'accent sur une offre d'emploi permanent. Nous avons également souscrit à l'introduction d'un processus d'AMT accéléré pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires de façon à remédier aux retards dont j'ai parlé et à faire venir plus rapidement ces travailleurs nécessaires.

Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Aucun de ces changements ne remédie à la pénurie croissante de main- d'oeuvre semi-qualifiée et non qualifiée qui se profile, la demande pour ces travailleurs restant forte au Canada. En outre, la complexité du système d'immigration est un réel obstacle pour les petites entreprises qui continuent à dépendre principalement du marché du travail local, car il est extrêmement coûteux et difficile pour une petite société de recourir au mécanisme des travailleurs étrangers temporaires, sans parler du système d'immigration permanent. Des changements permettant de surmonter ces obstacles et de faire venir de nouveaux immigrants qui peuvent trouver au Canada un emploi intéressant dans leur domaine, voilà l'objectif ultime que nous visons tous.

C'est avec plaisir que j'essaierai de répondre à certaines des questions habituelles.

Le président : Merci beaucoup. Je vais donner immédiatement la parole à mes collègues pour leurs questions.

Le sénateur Eggleton : Merci infiniment à tous deux. Permettez-moi de commencer avec Mme Phillips.

Pourriez-vous rafraîchir ma mémoire? Quel est le salaire minimum en Alberta?

Mme Phillips : Il vient d'être augmenté. Il est proche de 9 $ l'heure.

Le sénateur Eggleton : A-t-on calculé — je crois oui — en Alberta ce que l'on peut appeler un salaire vital, qui est quelque peu supérieur au salaire minimal?

Mme Phillips : Oui, il tourne autour de 13 à 14 $ l'heure. Tout dépend de la personne à qui vous posez la question, mais des groupes, comme Vibrant Communities à Calgary, ont certainement fait beaucoup de travail dans le cadre d'une campagne pour un salaire minimum, et le chiffre se situe autour de 13 ou 14 $ l'heure.

Le sénateur Eggleton : Dans le cas des Canadiens ou des étrangers qui travaillent dans le secteur agricole en Alberta, comment leur salaire se compare-t-il au salaire vital? Est-ce qu'un grand nombre d'entre eux se situent, diriez-vous, au- dessus ou en dessous du seuil de pauvreté? En avez-vous idée?

Mme Phillips : Pour ce qui est des travailleurs agricoles, ils sont exemptés des normes d'emploi et de santé et sécurité professionnelles en Alberta. C'est la seule province où les travailleurs agricoles ne sont pas encore couverts. Les travailleurs canadiens et résidents permanents touchent des salaires très faibles en Alberta. Un taux de 13 $ l'heure est normal pour ceux qui travaillent dans les parcs d'engraissement, et cetera.

En ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, les saisonniers, ces salaires sont sensiblement plus faibles, proches du salaire minimum. On voit des travailleurs agricoles saisonniers venant du Mexique, entre autres, en particulier dans le sud de l'Alberta, mais la majorité de ceux qui arrivent dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires travaillent dans des métiers à faibles qualifications, comme l'accueil et la restauration, ou bien, à l'autre extrémité de l'éventail, ils ont une formation et un apprentissage professionnels dans les corps de métiers. La vaste majorité d'entre eux travaillent en dehors des grands centres.

Le sénateur Eggleton : Une mesure parallèle de ce gouvernement à cet égard se trouve dans les dispositions relatives à l'assurance-emploi, qui vise maintenant à pousser davantage de Canadiens à occuper ces types d'emplois, au lieu de travailleurs étrangers temporaires. Quel résultat anticipez-vous?

Mme Phillips : Nous n'avons pas en Alberta de pénurie de personnes aptes à travailler dans des emplois à faibles qualifications. Nous avons toujours un nombre important de travailleurs qui sont à temps partiel contre leur gré, un grand nombre de personnes qui ont quitté la population active en Alberta pendant la dernière récession. Ce que nous avons en Alberta, dans des métiers très spécialisés de la construction liée aux sables bitumineux, est une pénurie de main-d'œuvre qualifiée.

Notre position est que ces changements apportés à l'AE vont empirer la situation, car s'il y a des mises à pied dans la construction — et regardons les choses en face, ce secteur fonctionne sur la base d'embauches et de mises à pied saisonnières, et nombre de ces entreprises assoient leur modèle d'affaires sur la disponibilité de l'AE pour leurs travailleurs — et si vous allez évincer ces personnes du secteur de la construction et les obliger à travailler au Tim Hortons du coin de la rue, elles ne seront plus à votre disposition lorsque commencera la prochaine saison de la construction. Nous savons que les entreprises de construction ont exprimé au gouvernement des craintes au sujet de ces modifications de l'AE. Nous pensons qu'à long terme, elles vont encore aggraver le déficit de formation qui est déjà très apparent dans cette province.

Le sénateur Eggleton : Ce qui nous préoccupe au premier chef ici, ce sont les dispositions relatives à l'immigration du projet de loi budgétaire, et, dans votre cas, ce sont réellement les mesures concernant les travailleurs étrangers temporaires, mais dans l'ensemble, pensez-vous que ces dispositions, si l'on y ajoute les changements à l'AE, vont pousser les salaires à la baisse en Alberta?

Mme Phillips : C'est certainement la position que nous avons adoptée. En ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, il faut bien réaliser à quel point ils sont nombreux en Alberta. Lorsque les associations d'employeurs se plaignent de la difficulté de faire venir des travailleurs étrangers temporaires, la réalité est que nous en avions 25 000 dans la province et que ce chiffre est resté inchangé même pendant la récession. Nous avons aujourd'hui environ 60 000 travailleurs étrangers temporaires en Alberta, dont la majorité travaillent en dehors de nos grandes villes. Le fait est que nous avons déjà un programme de travailleurs étrangers temporaires très solide dans cette province, et son accélération va représenter un cadeau pour certaines entreprises de construction qui veulent faire baisser les salaires encore davantage, même au cours du prochain boum de la construction qui a déjà commencé.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de me tourner maintenant vers Mme Pohlmann. Le projet de loi C-38 contient trois dispositions concernant l'immigration. L'une vise à liquider l'arriéré antérieur au 27 février 2008, soit environ 100 000 demandes ou 300 000 personnes. La deuxième consiste à créer de nouvelles catégories spéciales de 2 750 personnes chacune. La première pourrait être une catégorie d'entrepreneurs, et j'imagine donc que ce serait très favorable à la FCEI.

Il y a cette disposition relative aux travailleurs étrangers temporaires et ce chiffre de 15 p. 100, que nous avons cherché à tirer au clair avec les fonctionnaires ce matin. De fait, je pense que la description de Mme Phillips est plutôt juste. Quoi qu'il en soit, comment voyez-vous ces dispositions à la lumière de l'exposé que vous nous avez fait aujourd'hui?

Mme Pohlmann : En ce qui concerne l'annulation ou l'élimination des demandes reçues avant 2008, nous n'avons pas de position. L'arriéré et les retards posent problème. Le fait est que l'arriéré est vieux de quatre ans. Nombre de ces personnes ont pu tourner la page et opter pour d'autres possibilités, et il vaut peut-être la peine d'y regarder de plus près. Cependant, dans l'ensemble, nous n'avons pas réellement de position à ce sujet.

La deuxième partie porte sur les catégories plus restreintes que l'on veut mettre à l'essai, par manque d'un meilleur terme. Nous pensons que c'est une bonne idée en ce sens que l'on lancera quelques projets pilotes pour éprouver des façons d'utiliser plus efficacement le système d'immigration. Je sais qu'une catégorie des entrepreneurs est une possibilité sur laquelle le ministère travaille actuellement. Nous avons déjà la catégorie des gens d'affaires qui, à mon avis, ne fonctionne pas si bien, et donc il vaut la peine d'explorer de nouvelles façons d'attirer les entrepreneurs étrangers pour qu'ils créent des entreprises chez nous. C'est une bonne idée de limiter l'envergure et de faire une étude. Ensuite, bien sûr, vous avez parlé du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous sommes en faveur des changements qui instaurent un AMT accéléré et permettent aux employeurs de payer jusqu'à 15 p. 100 de moins que le salaire courant. Nous avons même fortement réclamé cela, car nous pensions que la situation devenait presque perverse dans certaines régions du pays. C'est un salaire courant — un salaire moyen — qui englobe des petits et de gros employeurs, et de ce fait le salaire courant sera supérieur à ce que beaucoup de petites entreprises peuvent se permettre de payer. Ce qui se passait — et nous recevions ces doléances — est que des entreprises payaient leurs travailleurs étrangers temporaires plus que leurs employés canadiens. Elles veulent leur payer le même taux. Je pense que la disposition exige qu'ils les payent au même taux que leurs employés canadiens, même si ce taux est inférieur de 15 p. 100, au maximum, au salaire courant. C'est pour remédier au fait que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est devenu un obstacle pour les petites sociétés parce qu'elles se trouvaient à les payer plus cher que les travailleurs canadiens faisant le même travail. Il existe de bonnes raisons pour lesquelles les petites entreprises paient moins. Souvent, elles font plus de formation. Souvent les entreprises plus grosses viennent rafler leurs effectifs. Elles n'ont tout simplement pas les moyens. Si elles le pouvaient, elles chercheraient sans cesse à attirer des travailleurs au moyen de salaires plus élevés, car regardez les chiffres. La pénurie de main-d'œuvre est un gros problème et, pour attirer de la main-d'œuvre, elles feront tout leur possible pour accroître les bénéfices et les salaires.

Le sénateur Callbeck : Madame Phillips, j'aimerais que les choses soient claires. Vous avez parlé de la communication d'offres d'emploi aux Canadiens. J'ai cru comprendre — en vous écoutant — que le projet de loi C-38 va retirer aux Canadiens des possibilités d'emploi. Il signifierait moins d'annonces d'offres d'emploi et moins de recrutement de Canadiens, si j'ai bien compris?

Mme Phillips : Oui. Le ministère a changé les exigences qui s'appliquaient aux employeurs désireux d'embaucher des travailleurs étrangers temporaires. Auparavant, pour obtenir un avis relatif au marché du travail, les employeurs devaient prouver qu'ils avaient fait de la publicité dans une certaine mesure et qu'ils avaient déployé des efforts de recrutement. Maintenant, la seule chose que doit faire un employeur potentiel pour prouver qu'il est prêt à embaucher des Canadiens, c'est de passer des annonces. Selon l'ancien processus, les employeurs devaient fournir des documents établissant les efforts déployés pour recruter des Canadiens, notamment des copies des annonces publicitaires, le nombre de candidats canadiens et les raisons de leur rejet.

Ils n'ont plus besoin de prouver qu'ils ont passé des annonces que si le gouvernement fédéral le leur demande dans le cadre d'un examen de conformité a posteriori.

Le sénateur Callbeck : Si l'employeur peut prouver qu'il a placé une annonce une fois, cela suffit-il?

Mme Phillips : Oui, sur un nombre donné de jours. Je pense que dans le cas du Guichet emplois de Service Canada, c'est cinq jours.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que moins de 20 p. 100 des employeurs feront l'objet d'un examen de conformité. Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer? Cela a-t-il un rapport avec ce dont nous discutons ici?

Mme Phillips : Oui. En gros, les employeurs, s'ils utilisent l'ancien processus d'AMT, doivent prouver certaines choses au sujet de leur lieu de travail, des conditions de travail offertes aux travailleurs étrangers temporaires, de leur processus de recrutement, des annonces d'offre d'emploi qu'ils ont fait passer, et cetera. Maintenant, d'après la Fiche d'information sur l'AMT-A de RHDCC, moins de 20 p. 100 des AMT-A favorables feront l'objet d'un examen de conformité.

Le sénateur Callbeck : Quel en était le pourcentage auparavant, le savez-vous?

Mme Phillips : Je pense que, dans le cadre de l'ancien processus d'AMT, il vous fallait prouver beaucoup plus de choses avant d'obtenir son AMT. Dans le cadre du nouveau régime, vous remplissez une demande, vous l'envoyez, et on considère plus ou moins que vous avez fait vos devoirs. Le ministère vous reviendra pour vous poser des questions plus tard.

Le sénateur Callbeck : Madame Pohlmann, à la dernière page de votre jeu de diapositives, vous parlez des principaux problèmes relatifs au système d'immigration pour les PME qui ont embauché un travailleur étranger temporaire. Vous avez déclaré que vous comptez 109 000 membres. Cela fait beaucoup, et nous savons que ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent les emplois. Sous le titre « Principaux problèmes relatifs aux systèmes d'immigration, PME qui ont embauché un travailleur étranger temporaire » vous avez inscrit cinq constats : retards au niveau du traitement des demandes, garder les nouveaux immigrants qui ont un statut temporaire, le système est trop complexe, exigences concernant les offres d'emploi pour prouver les difficultés d'embauche, et le gouvernement ne reconnaît pas que mon secteur a besoin de nouveaux immigrants. Le projet de loi C-38 règle-t-il l'un ou l'autre de ces problèmes?

Mme Pohlmann : Il n'y pas que le projet de loi C-38. Il y a également certains des changements qui ont été apportés depuis 2006, car ce que nous avons ici, ce sont des données de 2006 que nous sommes en train de mettre à jour. Les mesures prises ont commencé à donner certains résultats, et je songe à celui du maintien des nouveaux immigrants qui ont un statut temporaire. Avant la mise en œuvre du Programme des candidats des provinces, dans plusieurs provinces, et la création de la Catégorie de l'expérience canadienne, il n'y avait aucun moyen de garder au Canada des travailleurs étrangers temporaires. Ils devaient quitter le pays. Il paraît tout à fait naturel qu'un travailleur étranger temporaire, qui occupe son poste depuis un an ou deux et qui a établi des liens avec sa collectivité, ses collègues, et cetera, puisse devenir immigrant permanent en raison de la relation qu'il entretient déjà avec la communauté au sein de laquelle il vit. Il y a eu quelques progrès sur ce plan-là. Les retards dans le traitement des demandes ont certainement été en partie réglés par le processus d'AMT accéléré. Cependant, je tiens à souligner que ce processus accéléré est limité aux employeurs qui sont déjà passés par le processus d'AMT de l'ancien régime. C'est en tout cas ce que j'ai compris. Ces employeurs ont déjà fait leurs preuves en ayant maintes fois recouru au processus et ont de l'expérience en la matière et un dossier au gouvernement, et ils peuvent donc faire la transition au processus accéléré. En conséquence, ils n'ont peut-être pas forcément autant de travail à faire. C'est en tout cas mon interprétation de la façon dont le programme est censé fonctionner à partir de maintenant, et cela continuera donc toujours de limiter ceux qui ont recouru au processus peu souvent, voire jamais. On s'attend toujours à ce que ceux-ci passent par le processus d'AMT régulier. Voilà ce que j'ai pour ma part compris du fonctionnement du système. Les changements apportés régleront en partie certains des problèmes.

Le système est trop complexe. Cet aspect-là n'a pas vraiment changé. Le processus demeure relativement complexe. C'est à cause de cette complexité que le nombre de petits entrepreneurs qui cherchent à embaucher des travailleurs étrangers temporaires est demeuré faible, et qu'ils sont encore moins nombreux à essayer d'en recruter en recourant au système d'immigration. C'est un processus extrêmement coûteux pour eux. Cela exige d'eux beaucoup d'efforts. Une fois qu'ils en sont là, cela signifie qu'ils ont déjà plus ou moins épuisé le bassin local. Il ne faut pas oublier qu'ils doivent toujours offrir aux travailleurs étrangers temporaires ce qu'ils payent aux travailleurs canadiens, et il n'y a donc aucun avantage pour eux, du point de vue salarial, à recourir à des travailleurs étrangers temporaires, et s'ils le font, c'est qu'ils ont besoin de ces travailleurs pour combler un besoin précis.

Le sénateur Callbeck : Qu'en est-il des exigences pour les annonces?

Mme Pohlmann : En vertu de ce processus d'AMT-A, les exigences pour les annonces de recrutement ne poseront pas de problèmes aux entreprises qui ont déjà fait leurs preuves auprès du gouvernement parce qu'elles ont déjà suivi le processus avec succès. D'après ce que je crois comprendre, la situation ne changera pas forcément pour ceux qui n'ont jamais recouru au processus par le passé.

Le sénateur Seidman : Madame Pohlmann, je tiens à vous remercier de votre exposé très visuel. Cela a été formidable pour ceux d'entre nous qui ont besoin d'éléments visuels pour bien saisir les enjeux.

J'aimerais vous renvoyer à la diapositive dispositive 7, qui indique la pénurie de main-d'œuvre qualifiée par province, sur laquelle nous pouvons en effet constater que le problème ne se limite pas à l'Alberta, en fait. Il y a des provinces comme le Québec et la Nouvelle-Écosse qui, à cause sans doute de facteurs sociodémographiques, sont très préoccupées par les pénuries de main-d'œuvre à venir.

Mme Pohlmann : C'est juste.

Le sénateur Seidman : Je pense que cela mérite d'être souligné.

Si nous passons maintenant à la diapositive 9, nous constatons clairement que le rapport de l'offre par rapport à la demande est déséquilibré. Les deux ne concordent en fait pas du tout. Mon observation — et j'aimerais entendre vos réactions — est que ce changement d'orientation amené par les modifications à l'actuelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui crée un programme d'immigration économique axé sur la demande, va peut-être justement régler certaines de ces préoccupations de la petite entreprise, qui est en effet créatrice d'emplois.

Je vais m'arrêter là et vous inviter à réagir.

Mme Pohlmann : Je conviens que c'est un début. Nous savons qu'aucun de ces problèmes n'est facile à résoudre. Il s'agit de questions plutôt sensibles, que nous devons aborder de manière appropriée. Je ne pense pas qu'il nous faille orienter notre système d'immigration, en ce qui concerne le Programme des travailleurs étrangers temporaires et, encore moins, le système d'immigration permanente, vers un modèle davantage axé sur la demande. Il n'est pas nécessaire qu'il repose à 100 p. 100 sur la demande, mais je crois qu'il est important qu'il en tienne un petit peu plus compte.

Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je vous dirais que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est surtout utilisé par les plus grosses sociétés. Nous nous efforçons d'obtenir que les entreprises plus petites y aient accès également, car leurs problèmes de pénurie de main-d'œuvre sont aussi aigus que ceux des grosses entreprises.

Je peux vous dire que les 60 000 travailleurs étrangers temporaires qui se trouvent en Alberta ne travaillent pas majoritairement dans des entreprises de taille petite ou moyenne; on les retrouve dans les grosses entreprises. Cela est en partie dû à la complexité du processus et à la nécessité de rémunérer les travailleurs étrangers temporaires aux taux salariaux courants, qui augmentent du fait de la présence de grosses entreprises, comme il y en a en Alberta. Nous espérons que les mesures prises aideront les petites entreprises, qui sont celles qui créent les emplois dans ce pays, à accéder à ces travailleurs et à alimenter la croissance économique.

Le sénateur Seidman : Il a beaucoup été question de l'arriéré, des personnes qui attendent pendant de nombreuses années dans le système. Comme nous le savons, le marché du travail change et les besoins du marché du travail évoluent dans le temps.

À la diapositive 9, si je prends la catégorie des professionnels, par exemple, je constate que l'offre l'emporte très largement sur la demande, et c'est là une autre indication qu'il ne serait peut-être pas juste de traiter les demandes d'immigrants qui sont dans l'arriéré depuis quatre, cinq ou six ans, et qui de toute manière ne pourraient plus se trouver un emploi au Canada.

Mme Pohlmann : Oui. Nous avons tous entendu parler de ces malheureuses personnes qui ont un doctorat dans une discipline ou une autre et qui conduisent un taxi. Nous n'avons pas été en mesure de les intégrer. Elles se font aliéner par le processus au Canada et retournent chez elles en disant : « Le pays n'est vraiment pas celui que je croyais ».

N'est-il pas préférable d'assortir l'emploi à la personne, afin que les gens viennent ici et voient que notre pays est un pays d'avenir et d'avancement? Nous espérons qu'il y aura une prise de conscience et une sensibilisation au problème.

Je dois dire, en ce qui concerne les 7 p. 100 pour les PME, que c'est là que se situe la demande. Cela ne veut pas dire que l'on ne recrute pas davantage de gens de cette catégorie, c'est tout simplement qu'il y a au Canada beaucoup de diplômés universitaires et ils sont embauchés pour occuper ces postes. Nous sommes même en concurrence entre nous et avec les nouveaux immigrants. Pourquoi ne pas servir l'économie d'une façon qui permette à chacun d'avoir le sentiment de faire un travail valable dans son domaine?

Le sénateur Seth : Cela me trouble un petit peu que Ressources humaines et Développement des compétences Canada indique que les sanctions pour défaut de respecter les exigences pourraient comprendre : une révision du marché du travail, la radiation du programme pendant trois ans et la publication du nom et de l'adresse des employeurs fautifs sur le site Web de CIC.

Pensez-vous que l'inscription de ces employeurs sur une liste noire soit une mesure efficace pour faire respecter les exigences du programme? Pourquoi?

Mme Pohlmann : Cela me préoccuperait si l'on commençait à recourir à ce genre d'approche, à dresser des listes noires, à publier les noms, et cetera, sans vérifier au préalable si la faute était intentionnelle ou non. Je pense que l'intention est un aspect important dont il faudrait tenir compte dans le choix des sanctions imposées à ces employeurs.

Il existe de nombreux exemples, dans de nombreux secteurs dans lesquels le gouvernement intervient, de propriétaires de petite entreprise qui commettent par inadvertance une erreur et qui devraient se voir donner l'occasion de la corriger avant de se faire inscrire, à défaut d'un terme meilleur, sur une liste noire. Cela étant dit, il devrait, à mon avis, y avoir des mécanismes pour pénaliser ceux qui ont commis une erreur et qui persistent à faire la même chose après avoir reçu un avertissement.

Le sénateur Seth : Le simple fait d'afficher les noms n'est pas pris très au sérieux. Cela ne me satisfait pas que l'on ne fasse qu'inscrire leurs noms sur une liste noire.

Mme Pohlmann : Je tends à être d'accord avec vous. Ce ne serait qu'après de multiples récidives que j'envisagerais peut-être cette possibilité. Il serait peut-être logique de le faire à ce moment-là, mais je ne voudrais certainement pas que ce soit la pratique dès la première infraction.

Le président : Madame Phillips, aimeriez-vous dire quelque chose à ce sujet?

Mme Phillips : Il existe, selon nous, divers mécanismes auxquels le gouvernement peut recourir en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour sévir contre les employeurs, les intermédiaires et les entreprises de recrutement malhonnêtes, qui, on le sait, existent. Depuis que nous surveillons ce dossier, nous avons publié trois rapports sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. À notre avis, le gouvernement fédéral n'utilise pas les outils législatifs dont il dispose déjà pour combattre certains des abus commis dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires depuis que ce programme accuse un gain de popularité faramineux attribuable à l'expansion de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta. C'est par là qu'il faudrait commencer.

Deuxièmement, nous pensons que ce programme ne règlera pas le problème de pénurie de main-d'œuvre ici en Alberta, et qu'il crée des situations propices aux abus, que ce soit sur les lieux de travail mêmes, dans le processus de recrutement, au niveau de l'hébergement ou d'autres exigences de l'AMT à l'égard des travailleurs étrangers, sans oublier d'autres frais qu'on exige de ces travailleurs étrangers pour qu'ils puissent venir ici pour commencer.

C'est pourquoi nous croyons qu'il nous faudrait compter davantage sur l'immigration permanente pour résoudre nos pénuries de travailleurs qualifiés. Il nous faut améliorer les programmes de candidats des provinces, ce que le gouvernement fédéral a jusqu'ici refusé de faire, bien que le gouvernement albertain, lui aussi conservateur, lui en ait fait la demande. Le simple fait de publier le nom d'une entreprise dans un journal ou ailleurs, à la suite d'un long processus, ne suffit pas pour stopper les abus et les effets néfastes qu'ils ont sur les travailleurs étrangers temporaires.

Le sénateur Dyck : J'ai deux petites questions pour Mme Pohlmann. Je regardais les diapositives 11 et 13 dans le contexte de vos observations selon lesquelles les petites et moyennes entreprises éprouvent parfois des difficultés lorsqu'elles doivent verser un salaire supérieur à leurs travailleurs étrangers temporaires. Vous sembliez dire qu'il s'agissait d'un sérieux problème. Or, ce problème ne figure pas sur la liste des principaux problèmes de la diapositive 13.

Mme Pohlmann : Je ne dirais pas que c'est l'un des principaux problèmes, mais cela a été un problème dans certaines régions du pays où les salaires étaient de beaucoup supérieurs et où il y avait des multinationales, qui ont tendance à faire augmenter les taux salariaux courants. L'Alberta est l'exemple qui est couramment cité, et c'est en Alberta que nous avons le plus entendu parler de ce problème. Ce n'est pas un problème courant partout au pays. Il est déjà établi que les gens sont prêts à payer le même salaire que celui qu'ils versent en ce moment à leurs employés. Il s'agit d'une pratique qui est acceptée et qui est souhaitée par la petite entreprise. Le problème est que cela tendait parfois à amener des distorsions dans l'échelle salariale d'un même lieu de travail.

Le sénateur Dyck : À la diapositive 11, sur laquelle vous donnez la liste des types de nouveaux immigrants embauchés par les PME, si je lis correctement, seulement 16 p. 100 d'entre elles embauchent des travailleurs étrangers temporaires, ce qui veut dire qu'ils sont peu utilisés.

Mme Pohlmann : Exact. C'est juste. C'est le cas de seulement 16 p. 100 des 22 p. 100 au total qui emploient des nouveaux immigrants, alors c'est un pourcentage encore plus faible. Je vous dirais que, parmi les 12 000 répondants, il y en avait peut-être 400 à 500, au moment du sondage, qui embauchaient des travailleurs étrangers temporaires. Le processus est difficile, et les petits entrepreneurs préfèrent de beaucoup recruter des Canadiens sur place.

Le sénateur Hubley : J'aimerais revenir à la diapositive 7. Lorsque vous recueillez auprès de vos membres de l'information ou leurs opinions, faites-vous une distinction entre ce que l'on pourrait appeler les entreprises saisonnières et les industries saisonnières? Quelle incidence cela aurait-il sur certains de vos graphiques?

Mme Pohlmann : Nous ne faisons pas cette distinction dans le graphique que vous avez devant les yeux, mais nous avons déjà sondé nos membres là-dessus par le passé. Nous savons qu'environ 35 p. 100 de nos membres un petit peu partout au pays embauchent des travailleurs saisonniers, mais pas exclusivement. Une partie de leur effectif sera peut- être saisonnier, l'autre partie travaillant toute l'année, et c'est le cas d'environ 35 p. 100 de nos membres. C'est l'Ouest canadien qui enregistre le taux le plus faible, soit 25 à 30 p. 100, et cela peut atteindre près de 50 p. 100 dans certaines régions des provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Hubley : Comme l'a laissé entendre Mme Pohlmann, dans certaines régions du Canada, le recours par les industries saisonnières à des travailleurs temporaires est très élevé, et ces personnes retournent sans doute dans leur pays une fois la saison terminée. Vous avez laissé entendre qu'il y aurait peut-être lieu d'offrir la quasi-résidence permanente à certains de ces travailleurs. Est-il question ici de deux catégories d'entreprises distinctes?

Le président : Madame Phillips, aimeriez-vous répondre?

Mme Phillips : La question s'adressait-elle à moi?

Le sénateur Hubley : Oui, je vous en prie. Mes excuses.

Mme Phillips : Il existe également des programmes de travailleurs agricoles saisonniers, qui sont distincts du Programme des travailleurs étrangers temporaires. De nombreux employeurs dans le sud de l'Ontario, le sud de l'Alberta et ailleurs font appel à ces programmes, qui sont assortis d'exigences salariales et autres différentes.

La réduction de 15 p. 100 des salaires en vertu du processus d'AMT-A ne s'applique qu'aux niveaux de compétences supérieurs, c'est-à-dire aux niveaux O, A et B, et je vais vous en lire la liste : tous les métiers du bâtiment, dont les plombiers et les tuyauteurs, les charpentiers, les machinistes et les électriciens; les conducteurs et mécaniciens d'équipement lourd et de transport; les mineurs de fond, les foreurs pétroliers et gaziers et les métiers connexes; et les ingénieurs. Cependant, le processus d'AMT-A pourrait être élargi pour inclure, en vertu des nouveaux règlements, toutes les professions.

Voyons ce qui n'est pas en cause. Il ne s'agit pas d'obliger un employeur à payer un travailleur temporaire étranger 12 $ l'heure lorsque tous les autres en gagnent 10 dans le système actuel. Il s'agit pour les entreprises qui paient des salaires plus élevés de trouver des façons de faire baisser leurs coûts de main-d'œuvre. Nous avons déjà vu que les entreprises qui se serviront du processus sont des entreprises qui ont déjà obtenu un AMT. En Alberta, ce sera souvent le cas de compagnies de construction qui travaillent dans les sables bitumineux. Cela créera deux catégories de travailleurs étrangers temporaires, l'une correspondant au processus régulier et l'autre aux localités accessibles uniquement par avion et qui ne comptent que quelques travailleurs canadiens, et où les entrepreneurs peuvent payer aux travailleurs étrangers temporaires 15 p. 100 de moins que le tarif courant, tant et aussi longtemps qu'un ou deux Canadiens sont prêts à travailler pour eux pour le même salaire. Voilà de quoi il est question ici. C'est un cadeau qu'on fait au secteur de la construction non syndiqué, et ce, à la veille d'un boum économique planifié dans le nord de l'Alberta, cadeau qui lui permettra de soumissionner pour des projets qui étaient auparavant l'apanage des compagnies de construction dont les employés étaient syndiqués, et il décrochera les contrats du fait de ses coûts de main-d'œuvre inférieurs. Ce secteur en est arrivé en Alberta au stade où il peut soumissionner sur des projets d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. C'est le modèle opérationnel qui a été instauré depuis la dernière période de prospérité. Nous nous attendons à ce que cela se poursuive. Il est donc question ici de lui donner une part de marché et un avantage concurrentiel.

Le président : Madame Phillips, j'aimerais simplement m'assurer d'avoir bien compris l'une des analogies que vous avez utilisées dans vos remarques liminaires. Si j'ai bien entendu, vous avez cité, à titre d'exemple, le fait que, dans le cas de certaines activités de construction saisonnières, certains gros projets, lorsque les employés sont mis à pied, ils se font embaucher chez Tim Hortons, et que cela crée des problèmes lorsqu'on cherche plus tard à les réembaucher. Exception faite du Tim Hortons situé dans un hôpital de Terre-Neuve, c'est la première fois que j'entends dire de Tim Hortons qu'il est un sérieux concurrent dans l'embauche de personnes possédant les compétences requises pour travailler dans la construction en Alberta. Peut-être que j'ai mal compris.

Mme Phillips : Comme l'a souligné la ministre Finley lorsqu'elle a présenté ces changements à l'AE, les gens pourraient travailler chez McDonald's au lieu d'être au chômage, et les employeurs saisonniers ont en tout cas exprimé beaucoup d'inquiétude face à ces nouveaux changements à l'AE. Dès que vous êtes demandeur réitérant, avec le nouveau système d'AE, votre seuil d'emploi convenable diminue avec chaque nouvelle demande. Soyons francs : les travailleurs du bâtiment sont souvent des demandeurs réitérants à cause de la nature saisonnière de leur travail et du fait que les compagnies de construction ont en définitive développé leur modèle fonctionnel autour du Programme d'assurance-emploi. Si donc vous êtes un réitérant, le seuil de ce qui constituerait pour vous un emploi convenable commence à baisser au bout d'un moment, après une ou deux demandes. C'est ainsi que les travailleurs qualifiés seront amenés à accepter des emplois inférieurs à leur niveau de compétence, et s'ils doivent déménager, cela ne fera qu'aggraver la pénurie de main-d'œuvre que vous vous êtes fixé comme objectif politique d'éliminer ou de réduire. Notre thèse est que les changements à l'AE aggraveront, certes, les pénuries de main-d'œuvre, mais que si ce que vous recherchez est un plus grand bassin de travailleurs, alors il y aurait lieu de faire des investissements dans la formation, de prendre au sérieux les programmes d'apprentissage, surtout dans cette province, et de faire en sorte que le Programme d'assurance-emploi fonctionne pour les chômeurs.

Le président : Je comprends votre explication. Je trouve toujours curieux votre choix d'exemple, mais je vous remercie pour ces éclaircissements détaillés.

J'aimerais, au nom de mes collègues, vous remercier toutes les deux. Madame Phillips, vos observations et vos réponses aux questions ont été très claires. La vidéotransmission a très bien fonctionné. Je tiens à vous remercier à nouveau, madame Pohlmann. Je vous offre les mêmes félicitations. Vous avez été très claire dans vos commentaires. Merci de cette clarté.

Le sénateur Cordy : Madame Phillips, nous n'avons pas saisi la totalité de vos remarques liminaires. Pourriez-vous envoyer copie de vos notes à la greffière du comité?

Mme Phillips : Oui, absolument.

Le président : Merci beaucoup. La greffière communiquera directement avec vous là-dessus.

Sur ce, chers collègues, je remercie en votre nom les deux témoins et je clos la séance.

(La séance est levée.)


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