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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 5 - Témoignages du 31 mars 2014


OTTAWA, le lundi 31 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 14 h 2, afin de mener une étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense du lundi 31 mars 2014. Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, j'aimerais commencer par présenter les personnes qui se trouvent autour de la table. Je m'appelle Daniel Lang, sénateur du Yukon. Tout juste à ma gauche se trouve la greffière du comité, Josée Thérien, et à ma droite sont présents les deux analystes de la Bibliothèque du Parlement affectés au comité, Holly Porteous et Wolfgang Koerner.

J'aimerais inviter chaque sénateur à se présenter en précisant la région qu'il représente. Nous allons effectuer un tour de table en commençant par le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Day : Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta — je suis ici aujourd'hui en remplacement de Hugh Segal, de l'Ontario.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le président : Le 12 décembre 2013, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant : Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, dans le but d'en faire rapport, les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles; que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Chers collègues, un certain nombre de témoins se sont présentés ici afin de discuter avec nous du sujet de notre étude. Chaque année, le Canada accueille quelque 100 millions d'étrangers, soit environ 90 000 personnes par jour. L'Agence des services frontaliers du Canada — l'ASFC —, organisme indépendant créé il y a un peu plus de 10 ans, est responsable de la surveillance des points d'entrée au Canada et de la prise de la décision finale quant à l'admission des personnes à notre frontière. Elle joue un rôle de premier plan en ce qui a trait à la sécurité nationale et à la protection de nos frontières.

Nous avons entendu parler du nombre considérable de personnes faisant l'objet d'un mandat de l'Immigration non exécuté ou d'une mesure de renvoi exécutoire. Ce nombre, qui pourrait être bien supérieur à 50 000, est ahurissant, et devrait préoccuper chaque Canadien.

Chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui deux spécialistes chevronnés des questions relatives à l'immigration, à savoir M. Lorne Waldman et Mme Julie Taub, qui contribueront à la poursuite de notre étude sur l'admissibilité et l'interdiction de territoire au Canada et sur les responsabilités de l'ASFC en matière d'exécution des mesures de renvoi.

Avant de céder la parole aux témoins, je tiens à informer de façon officielle les membres du fait que le sénateur Wells est devenu membre du comité directeur, tout comme le sénateur Dallaire.

M. Waldman, président de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, exerce depuis 1979 dans le domaine du droit de l'immigration. Il s'est occupé de nombreuses affaires qui ont eu un grand retentissement, et il fournit des services d'avocat spécial en matière de certificats de sécurité. Mme Taub est une avocate spécialisée en droit de l'immigration et des réfugiés, et elle a été commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je pense que tout cela est exact.

Julie Taub, avocate en droit des réfugiés et des immigrants, ancien membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, à titre personnel : Oui.

Le président : Monsieur Waldman et madame Taub, je vous souhaite la bienvenue à la réunion du comité. Je crois comprendre que vous avez chacun une déclaration préliminaire à présenter. Nous avons une heure à vous consacrer. Allez-y, s'il vous plaît.

Mme Taub : Je tiens également à souligner que le hasard fait bien les choses, car il se trouve que M. Waldman et moi avons fréquenté la même école secondaire de Toronto.

Le président : Le monde est petit.

Le sénateur Day : À quelle époque?

Le président : Silence.

Mme Taub : Je tiens à remercier le président et les membres du comité de m'avoir invitée à me présenter devant eux aujourd'hui. Je comptais me présenter brièvement, mais on s'est déjà chargé de faire cette présentation, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que j'en dise plus long à mon propre sujet.

Les questions qui font l'objet de votre étude et des témoignages que nous allons vous présenter sont d'une grande importance puisqu'elles ont une incidence sur l'intégrité et la sécurité du Canada en tant que pays souverain, indépendant et démocratique.

Je vais citer brièvement des propos tenus par le vérificateur général, car j'estime qu'ils valent la peine d'être cités.

En 2013, le vérificateur général a affirmé que, bien souvent, les mesures de contrôle prises à la frontière afin d'empêcher des gens d'entrer illégalement au Canada ne fonctionnent pas tel que prévu, et que, par conséquent, des personnes qui représentent une menace pour la sûreté et la sécurité des Canadiens ont réussi à entrer de façon illégale au pays. Il a ajouté, et je le cite :

Il est très important, pour la sécurité des Canadiens, que les contrôles à la frontière fonctionnent comme ils sont censés le faire. Je suis très préoccupé parce que cet audit a relevé trop d'exemples de contrôles qui ne fonctionnent pas.

M. Ferguson a également déclaré ce qui suit :

L'Agence des services frontaliers du Canada a fait des progrès importants à certains égards pour détecter les voyageurs à haut risque. Il demeure toutefois que, souvent, elle ne reçoit pas l'information dont elle a besoin pour détecter ces voyageurs avant qu'ils n'arrivent au Canada. De plus, nous avons constaté que même lorsque l'Agence a l'information qu'il lui faut, les contrôles ne fonctionnent pas toujours. Nous avons aussi constaté que la Gendarmerie royale du Canada ne sait pas dans quelle mesure elle réussit [...]

Ou, ajouterai-je, ne réussit pas —

[...] à intercepter les personnes qui entrent clandestinement au Canada entre les postes frontaliers.

J'ajouterais ici : « situés le long de la frontière canado-américaine ». Il poursuivait en ces termes :

Ce n'est pas la première fois que nous soulevons ces questions, et pourtant les contrôles frontaliers ne fonctionnent toujours pas comme ils le devraient.

Ainsi, à la lumière de ces propos, en quoi consiste le problème? Eh bien, à l'heure actuelle, le Canada n'est pas en mesure d'exercer un contrôle efficace sur ses propres frontières. Autrement dit, il est incapable de décider qui peut entrer au pays et de s'assurer que ceux qu'il autorise à entrer sur son territoire quittent le pays conformément aux conditions dont s'assortit leur visa ou aux dispositions du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Les titulaires de visa de résident temporaire comprennent les étudiants étrangers, les travailleurs étrangers et les touristes qui ont besoin d'un visa afin d'entrer au Canada à titre de visiteurs.

L'absence de processus de sélection et de contrôles de sécurité aux points d'entrée — ou le caractère inadéquat de ceux qui sont en place — ont permis à des milliers et des milliers de personnes ayant des antécédents criminels ou un passé de terroriste d'infiltrer tous les échelons de la société canadienne.

Pourquoi cela se produit-il? Tout d'abord, parce que Citoyenneté et Immigration Canada — CIC — n'effectue aucun suivi du demi-million de titulaires de visa de résident temporaire, comme l'indiquent ses statistiques de 2012, qui figurent sur le document d'une page que j'ai distribué à tous les membres.

Comme vous pouvez le constater, de façon globale, quelque 500 000 travailleurs et étudiants étrangers se trouvent au Canada. Après leur entrée au pays, ils ne font l'objet d'aucune surveillance. Par exemple, nous savons que ces étudiants entrent au pays, mais nous ne savons pas s'ils fréquentent leur université. On leur accorde un permis d'études d'une durée de deux, de trois ou de quatre ans, mais nous ignorons s'ils ont échoué leurs cours, s'ils ont quitté le pays ou s'ils travaillent à temps plein en dépit du fait que leur permis de travail hors campus ne les autorise qu'à travailler à temps partiel. Nous ignorons tout cela. Les universités ne sont pas obligées de signaler les personnes qui ne se présentent pas à leurs cours, ceux qui ont abandonné leur programme ni ceux à qui l'on a indiqué qu'ils devaient partir.

Tout cela vaut également pour les travailleurs étrangers. Nous ne savons pas s'ils se présentent à leur travail. Les employeurs ne sont pas tenus d'avertir les autorités de l'immigration du fait qu'un travailleur étranger ne s'est pas présenté au travail, qu'il a quitté son travail ou qu'il a été congédié. Que deviennent-ils par la suite? Nul ne le sait.

Comme nous le savons, il n'y a aucune procédure de contrôle des sorties. CIC sait qui entre au pays, mais personne ne sait où ces personnes se trouvent par la suite. On ignore si elles ont quitté le pays. En outre, les étudiants étrangers, les travailleurs étrangers et les visiteurs qui ont besoin d'un visa ne sont assujettis à aucune procédure obligatoire de vérification des antécédents criminels ou de vérification de sécurité.

Bien que l'on ait mis en place des exigences en matière de biométrie visant les visiteurs en provenance de quelque 30 pays — je crois que la liste de ces pays vous a été remise —, les vérifications biométriques se limitent à la prise d'empreintes digitales et de photos. Aucune vérification des antécédents en matière de sécurité ou des antécédents médicaux n'est effectuée. Les contrôles visent simplement à faire en sorte que, si ces voyageurs se font voler leur passeport ou leur visa, le voleur ne pourra pas les utiliser afin d'entrer au pays. Aucune autre mesure de contrôle n'est prise.

Les contrôles de sécurité effectués dans les bureaux des visas sont inadéquats. Une proportion d'à peine 10 p. 100 environ des demandeurs de résidence permanente font l'objet d'une entrevue. Ces demandeurs sont assujettis à un examen des antécédents criminels, mais cet examen ne comporte aucune vérification de sécurité, c'est-à-dire une vérification qui nous permettrait d'établir si une personne est affiliée à une organisation terroriste ou si elle est membre ou sympathisante d'une telle organisation. Aucun contrôle n'est effectué à ce sujet.

Il s'agit là d'une chose extrêmement inquiétante, vu qu'une proportion notable des immigrants, des ressortissants et des étudiants étrangers qu'accueille le Canada proviennent de pays qui sont des pépinières de terroristes : le Pakistan, qui héberge des membres d'Al-Qaïda; le Liban, berceau du Hezbollah; l'Afghanistan, patrie des talibans; l'Irak, pays qui héberge lui aussi des membres d'Al-Qaïda; la Somalie, foyer d'al Shabaab; et l'Arabie saoudite, où a vu le jour le wahhabisme, mouvement islamique très strict et très sévère caractérisé par une vision puritaine et antioccidentale, et dont les membres sont très violents.

Il convient de souligner que seuls deux pays figurent sur la liste officielle du Canada en matière de pays qui produisent des terroristes. Je vous ai remis la page 3 de l'article intitulé « Backlog delays removal of `foreign criminals' ». Sur la liste en question, datée du 7 septembre 2012, le Canada a inscrit l'Iran et la Syrie. C'est tout. Pour une raison ou une autre, les pays que j'ai mentionnés plus tôt n'y figurent pas.

Nous savons tous que les criminels étrangers, les personnes déclarées coupables d'actes de terrorisme et les criminels de guerre qui ont été frappés d'une mesure d'expulsion réussissent depuis des années — en fait, depuis des décennies — à retarder le moment de leur expulsion, ou même carrément à se soustraire à leur expulsion. Je vous ai fourni une longue liste d'exemples — je crois que vous l'avez sous la main — de criminels condamnés et d'autres individus de cet acabit qui sont parvenus à éviter l'expulsion en interjetant sans cesse appel de la mesure prise contre eux. Je crois que cette liste vous a été remise avant la réunion, de sorte que je ne reviendrai pas sur chacun des exemples qu'elle contient, mais j'attirerai votre attention sur deux cas. Tout d'abord, celui de Mahmoud Mohammad Issa Mohammad, terroriste palestinien ayant fait l'objet d'une déclaration de culpabilité. Il a fallu 27 ans pour parvenir à l'expulser du Canada. En outre, il y a le cas de Sandra Gordon, qui a fait l'objet d'un reportage diffusé à l'émission W5 en février 2013 et auquel j'ai participé. Cette femme est une criminelle de carrière qui a été frappée d'une mesure d'expulsion en 1976. Elle se trouve toujours au Canada, malgré toutes les enquêtes qui ont été menées à son sujet, notamment celle de W5. Je n'en dirai pas plus long à ce sujet. Je vais vous laisser examiner vous-mêmes cette liste.

Pourquoi est-il si difficile de renvoyer du Canada les criminels étrangers? Une partie de la réponse réside dans un autre document que je vous ai transmis, à savoir un graphique tiré du rapport de 2008 de la vérificatrice générale. Ce diagramme — qui ressemble à un labyrinthe — illustre le système extrêmement complexe constitué de contrôles des motifs de détention, d'appels et d'audiences.

Je vous ai également fourni un article publié dans le Star le 13 mars 2014. Fait intéressant, cet article est intitulé « Backlog delays removal of `foreign criminals' ». On y explique pourquoi le renvoi des criminels étrangers exige autant de temps.

Un autre élément plutôt singulier tient au fait que Citoyenneté et Immigration Canada permet aux personnes réputées interdites de territoire d'entrer au Canada afin de contester cette interdiction. Elles sont placées en détention, et font ensuite l'objet d'un contrôle des motifs de détention et d'une enquête, alors qu'on pourrait simplement leur interdire l'entrée au pays.

L'une des choses les plus inquiétantes qui se sont produites récemment tient au fait que des compressions ont été effectuées au sein du personnel de l'ASFC affecté aux questions relatives à l'immigration, et que, au même moment, on annonçait des hausses du nombre d'étudiants étrangers, de travailleurs étrangers et de demandes de résidence permanente. Comment diable s'imagine-t-on pouvoir effectuer des contrôles ou des vérifications de sécurité convenables si l'on réduit de 15 p. 100 le nombre d'employés chargés de les effectuer?

Pour ma part, je recommande que l'on double le nombre d'employés canadiens dans tous les bureaux des visas situés à l'étranger de manière à ce que l'on puisse s'assurer que seuls des citoyens canadiens examinent les demandes et que l'on n'ait pas à s'en remettre aux recommandations d'employés non canadiens qui travaillent dans ces bureaux.

Seuls des agents canadiens des visas doivent être habilités à prendre des décisions. En outre, je recommande que l'on double le nombre d'agents de première ligne de l'ASFC affectés aux enquêtes. Ainsi, je recommande non seulement que l'on annule les compressions, mais également que l'on double l'ampleur des effectifs. Comment pouvons-nous nous permettre cela au moment où le gouvernement sabre dans ses dépenses et tente d'équilibrer son budget? Il s'agit d'augmenter les droits afférents aux demandes de visa. Les contribuables canadiens n'ont pas à subventionner la soumission de demandes de visa de résident temporaire ou de résidence permanence. Doublons ces droits.

Je recommande aussi que l'on instaure un système de cartes à puce pour les résidents permanents. À leur entrée ou à leur sortie du pays, les résidents permanents devraient passer leur carte dans un lecteur pour signaler leurs allées et venues de manière à ce que CIC n'ait pas à s'en remettre à leur parole d'honneur pour déterminer s'ils ont passé suffisamment de temps au Canada pour conserver leur statut de résident permanent ou tout simplement s'ils vivent bel et bien au Canada. Ils n'auront qu'à passer leur carte dans un lecteur à leur arrivée et à leur départ. Il ne s'agit pas d'une technologie très complexe — les cartes à puce existent depuis quelque 50 ans, si je ne m'abuse. Tous les centres de conditionnement physique disposent d'un tel système.

De surcroît, je serais favorable à l'instauration d'un système de contrôle des sorties auquel seraient obligatoirement assujettis les titulaires de visa de résident temporaire, et qui nous permettrait de savoir s'ils ont quitté le pays — et, le cas échéant, de connaître la date de leur départ — ou s'ils se trouvent toujours ici. On devrait disposer d'une base de données dans laquelle seraient versées des informations les concernant à leur arrivée au pays et au moment où un visa leur est délivré. Il faudrait que le support de ce visa soit une carte à puce. La base de données devrait comporter non seulement des renseignements de nature biométrique, mais également des informations touchant la date d'arrivée et la date de départ prévue du titulaire. S'il n'a pas glissé sa carte dans un lecteur à la date prévue de son départ, une alerte ou un avis de recherche devrait être transmis aux autorités.

À mon avis, d'ici à ce que le Canada mette de l'ordre dans son système de contrôle de sécurité et d'expulsion des criminels et des terroristes étrangers, on devrait réduire d'au moins 50 p. 100 le nombre d'étudiants et de travailleurs étrangers qui entrent au Canada, vu que, selon l'instance de surveillance du Canada, le déséquilibre des compétences à l'échelle nationale est un mythe. En effet, tout récemment, le 25 mars, le directeur parlementaire du budget a indiqué que peu d'éléments probants appuient l'affirmation selon laquelle le Canada est aux prises avec une grave pénurie de main-d'œuvre. Je vous ai également transmis l'article à ce sujet.

Une autre recommandation : le suivi obligatoire des étudiants et des travailleurs étrangers après leur entrée au pays. Cela nous permettrait de nous assurer qu'ils se trouvent là où ils sont censés se trouver, qu'ils travaillent à l'endroit qu'ils avaient indiqué et qu'ils fréquentent l'université ou le collège où ils sont censés étudier. Ainsi, nous n'aurons pas à nous en remettre uniquement à un système fondé sur la parole d'honneur, système qui s'est révélé manifestement inopérant.

De plus, je recommande que l'on cesse de délivrer des permis d'études d'une durée de deux, de trois ou de quatre aux étudiants étrangers. Par le passé, CIC ne délivrait que des permis d'une durée de un an que les étudiants devaient renouveler chaque année. Au moment de déposer leur demande de renouvellement, ils devaient prouver qu'ils avaient réussi leur première année d'études, qu'ils avaient payé leurs droits de scolarité et qu'ils allaient poursuivre leurs études, et toute cette procédure était reprise de nouveau à la fin de leur deuxième année d'études. À présent, on délivre des permis d'une durée de deux, de trois ou de quatre ans, et personne ne sait vraiment si ces étudiants fréquentent l'établissement où ils doivent mener leurs études.

Je recommande également que l'on accentue les contrôles de sécurité auxquels sont assujettis les étudiants et les travailleurs étrangers provenant des pépinières de terroristes.

Enfin, je recommande que l'on modifie la loi de manière à ce que les personnes réputées interdites de territoire au Canada pour raison de sécurité — par exemple parce qu'elles ont commis des crimes de guerre, fait de fausses déclarations ou commis quelque acte criminel que ce soit — soient renvoyées du pays avant même d'y entrer plutôt que d'être autorisées à entrer au Canada, où elles sont placées en détention et où elles font l'objet d'une enquête. Si ces personnes souhaitent contester l'interdiction de territoire dont elles font l'objet, qu'elles le fassent de l'étranger.

Voilà les observations et les recommandations que je voulais formuler.

Le président : Merci, madame Taub. Vous aviez des recommandations à formuler, cela ne fait aucun doute. Nous allons maintenant passer à M. Waldman.

Lorne Waldman, président, Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés : J'avais prévu aborder un certain nombre de questions, mais je crois que je vais plutôt formuler des observations concernant quelques-uns des points soulevés par ma collègue.

J'exerce dans le domaine du droit de l'immigration depuis plus de 30 ans, et je peux vous dire que, en ce qui a trait aux questions liées à la sécurité, une véritable analyse coûts-avantages doit être menée. De toute évidence, les fonds que nous pouvons affecter à des programmes gouvernementaux ne sont pas illimités, de sorte qu'il est impossible d'effectuer des vérifications de sécurité concernant toutes les personnes qui veulent entrer au pays. Une part considérable de notre économie est tributaire du tourisme. Une part importante du financement des universités provient des étudiants étrangers. En dépit de ce que ma collègue a affirmé à propos de l'absence d'une pénurie de main- d'œuvre, je peux vous assurer que mes collègues de l'Ouest ont été en mesure d'établir à de nombreuses occasions l'existence d'énormes pénuries de main-d'œuvre dans quelques-unes des provinces de l'Ouest, et que les employeurs de Fort McMurray et d'une kyrielle d'autres villes où l'économie est en plein essor éprouvent d'immenses difficultés à embaucher des employés possédant certains types de compétences.

Il n'est tout simplement pas possible de procéder à l'examen de chaque personne qui entre au pays, et c'est précisément la raison pour laquelle les organismes de sécurité créent des profils et sélectionnent les personnes qui doivent être examinées et celles qui n'ont pas à l'être. Par exemple, doit-on faire subir un contrôle à chaque dame de 75 ans qui vient rendre visite à ses petits-enfants? À mon avis, non.

De toute évidence, si nous voulons nous assurer que personne n'entre au pays, nous pourrions faire subir à tout le monde une enquête de sécurité et une vérification des antécédents criminels. Cependant, cela reviendrait à fermer hermétiquement nos frontières, ce qui aurait des effets tragiques sur notre économie, sur notre industrie du tourisme, sur les universités qui ont besoin d'accueillir des étudiants étrangers afin d'accroître leurs revenus et sur les travailleurs étrangers.

Nous devons établir un équilibre raisonnable. Je ne suis pas en train de dire que nous avons atteint cet équilibre. Je n'en sais pas suffisamment à ce sujet pour me prononcer là-dessus. L'une des choses que l'on peut envisager, c'est de rencontrer les personnes chargées d'établir les profils, de discuter avec elles des méthodes qu'elles emploient et de déterminer si d'autres méthodes plus efficientes pourraient être utilisées. De telles mesures n'ont pas à être rendues publiques, pour un certain nombre de raisons. Cela dit, il est tout simplement impossible de croire que l'on pourrait faire subir à tous un examen.

Ma collègue a donné un certain nombre d'exemples de personnes dont l'expulsion a exigé des années. À coup sûr, le processus d'expulsion a connu des problèmes d'efficience. J'avancerais que des statistiques datant de 2008 et de 2009 ne sont guère utiles pour le comité, vu les réformes instaurées par le gouvernement. Je suis en désaccord avec bon nombre de ces réformes, mais le fait est qu'elles ont été mises en œuvre. Par exemple, le droit d'interjeter appel — l'une des raisons à l'origine de multiples retards — ne peut plus être exercé par la plupart des personnes qui ont été déclarées coupables d'un crime et se sont vu imposer une peine d'emprisonnement de six mois ou plus. Le nombre de personnes qui peuvent interjeter appel d'une décision a été considérablement réduit. Il est faux de prétendre, en 2014, que cela demeure un problème.

L'une des mesures qu'il pourrait être important de prendre consisterait à rencontrer à huis clos des représentants de l'ASFC afin de discuter de la manière dont ils établissent l'ordre de priorité des expulsions. Comme tous les autres organismes et ministères, l'ASFC dispose de ressources limitées, et les sommes qu'elle consacre à l'exécution des mesures d'expulsion ont augmenté notablement au fil des ans. Cependant, il s'agit toujours d'un montant limité. J'avancerais que le fait d'investir de l'argent pour tenter de repérer les gens qui possèdent un casier judiciaire constituerait une utilisation plus judicieuse des fonds du gouvernement que le fait de dépenser des sommes afin d'arrêter des grands-mères de 75 ans et de les renvoyer dans leur pays, bien que toute leur famille se trouve au Canada, comme cela est déjà arrivé — notre cabinet a eu à s'occuper d'affaires de ce genre.

La réalité, c'est qu'il est beaucoup plus difficile et plus coûteux de retrouver une personne qui ne veut pas qu'on la retrouve. Il serait peut-être plus avantageux de dépenser de l'argent pour faire cela que pour effectuer des expulsions rapides. À mon avis, on a accordé trop d'attention aux statistiques sur l'augmentation du nombre d'expulsions au fil des ans — j'estime que l'on devrait plutôt nous concentrer sur les types d'expulsions qui ont été effectuées. Vous devriez peut-être poser des questions là-dessus à des représentants de l'ASFC.

Il y a quelques autres sujets dont j'aimerais vous parler. Tout d'abord, je tiens à souligner que l'absence de surveillance au sein de l'ASFC constitue un problème considérable. Les agents de l'ASFC possèdent d'immenses pouvoirs. Ils peuvent placer une personne en détention s'ils estiment qu'elle tentera de se soustraire à son renvoi ou qu'elle est interdite de territoire au pays. Dans certaines circonstances, ils peuvent pénétrer dans des lieux sans mandat de perquisition. Ils peuvent saisir des documents. Il arrive qu'ils disposent de plus de pouvoirs qu'en ont des policiers dans des circonstances semblables. Pourtant, il n'existe absolument aucun mécanisme de surveillance au sein de l'ASFC.

J'ai représenté Maher Arar. La commission d'enquête sur l'affaire Arar comportait deux volets, dont le deuxième concernait la surveillance. Le commissaire O'Connor a recommandé l'instauration de mécanismes de surveillance. Il a insisté sur le volet des activités de l'ASFC touchant la sécurité nationale. L'ASFC dispose d'un service complet chargé de la sécurité nationale dont les membres possèdent d'énormes pouvoirs leur permettant d'arrêter et de détenir des personnes et de formuler des recommandations quant à leur admissibilité. Le travail de ces agents n'est surveillé par absolument personne.

Soyons francs : de nombreux agents des services frontaliers font un merveilleux travail, et nous entretenons d'excellentes relations avec eux, mais l'ASFC compte des milliers d'agents, et il arrive, de temps à autre, que l'un d'entre eux utilise de façon abusive les pouvoirs qui lui sont conférés. Dans de tels cas, il n'y a aucune instance auprès de laquelle nous puissions déposer une plainte. L'ASFC ne dispose d'aucun mécanisme relatif aux plaintes. Il n'y a personne à qui l'on puisse s'adresser. Il n'existe aucune procédure au moyen de laquelle une plainte contre un agent des services frontaliers puisse être déposée.

Un jour, une grand-mère de plus de 70 ans s'est présentée à notre cabinet. Elle était sur le point d'être expulsée vers le Sri Lanka. Un agent de l'ASFC lui avait demandé, en présence de l'un des avocats de mon cabinet, de lui indiquer à quel endroit elle comptait s'installer au Sri Lanka. La dame lui avait répondu qu'elle n'avait nulle part où aller, car tous les membres de sa famille étaient au Canada. L'agent lui a dit que, si elle ne lui fournissait pas dans les 24 heures l'information qu'il souhaitait obtenir, il procéderait à son arrestation et la placerait en détention. Cette dame n'avait nulle part où aller, mais on la menaçait tout de même de détention. Auprès de qui aurai-je pu déposer une plainte relativement à cet abus de pouvoir? L'ASFC ne disposait d'aucune instance chargée de recevoir des plaintes.

À une autre occasion, un agent a exigé d'un de mes clients qu'il soit interrogé par le SCRS. J'ai écrit à l'agent pour lui indiquer qu'il n'avait pas l'autorisation légale d'exiger cela de mon client — je souligne en passant que, par suite d'une modification adoptée cette année, la loi prévoit désormais un tel pouvoir. L'agent m'a répondu qu'il n'avait effectivement pas un tel pouvoir, mais que, si mon client refusait d'obtempérer, il procéderait à son arrestation. J'ai dû intenter une poursuite auprès de la Cour fédérale du Canada. Le juge Mosley a déterminé que l'ASFC avait abusé de son pouvoir. Cela dit, l'ASFC ne disposait d'aucune instance chargée du traitement des plaintes. Elle n'a de comptes à rendre à personne.

Il faut formuler des recommandations relatives à la reddition de comptes à l'intention de l'ASFC. Vous devez lui recommander d'instaurer une procédure indépendante de reddition de comptes. Pour que l'on puisse garantir la primauté du droit au pays, il est fondamental que des agents possédant des pouvoirs du genre de ceux qui sont conférés aux agents des services frontaliers soient assujettis à des mécanismes redditionnels. L'ASFC ne dispose d'absolument aucun mécanisme de cette nature. Je vous invite à poser aux agents de l'ASFC la question suivante : auprès de quelle instance de votre organisation est-il possible de déposer une plainte?

Dans les cas que j'ai mentionnés comme dans bien d'autres cas, j'ai adressé des lettres aux gestionnaires responsables des agents en cause. En règle générale, je n'obtiens ni réponse ni accusé de réception. Il n'y a aucun processus auquel je puisse accéder puisqu'il n'y a aucun processus en place. Compte tenu du pouvoir dont disposent les agents de l'ASFC, il est tout simplement inadmissible, au sein d'un régime démocratique, que cette organisation ne dispose d'aucun mécanisme de reddition de comptes.

La dernière observation que je souhaite formuler concerne l'appartenance à un groupe. La loi prévoit depuis environ 1993, si je ne m'abuse, qu'une personne peut être expulsée du pays en raison de son appartenance à un groupe. Il se peut que je me trompe quant à la date où la modification a été apportée à la loi. Le hic, c'est que les dispositions législatives ne prévoient pas la prise en considération de facteurs d'ordre temporel au moment d'établir un lien entre l'appartenance d'une personne à un groupe et l'interdiction de territoire. Par exemple, il se peut qu'une personne devienne membre d'un groupe bien après que ce groupe a mis fin à ses activités terroristes, mais que, malgré cela, la personne en question soit tout de même interdite de territoire au Canada. Pourquoi une personne qui est devenue membre d'un groupe après qu'il a mis fin à ses activités terroristes devrait-elle tout de même être interdite de territoire au pays?

Il y a d'autres exemples d'absurdités. Je dois me présenter demain devant la Cour d'appel fédérale relativement à une affaire concernant un jeune homme membre du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran. Depuis l'époque du chah, cette organisation milite pour l'autonomie du Kurdistan iranien, et a soutenu le soulèvement contre le chah. Depuis ce temps, une proportion non négligeable de Kurdes sont contraints de vivre dans des camps de réfugiés en Irak. Au milieu des années 1990, l'organisation a renoncé au recours à la violence. Elle n'a jamais été accusée d'avoir commis des actes terroristes. En dépit de cela, mon client, qui est devenu membre de l'organisation après qu'elle a renoncé à la violence, est interdit de territoire au Canada. Malgré son statut de réfugié, il a été frappé d'une mesure d'expulsion en raison de son appartenance à l'organisation en question, même si son président a été invité à s'adresser au Sénat à propos des violations des droits de la personne perpétrées en Iran en 2009. Pourquoi expulsons-nous une personne qui est devenue membre d'un groupe qui n'a pas recours au terrorisme et qui milite pour l'autonomie des Kurdes, et dont le président a été invité à prendre la parole devant le Sénat? Je souligne que le président de cette organisation est canadien, ce qui est heureux pour lui, car sinon, il risquerait lui aussi d'être expulsé en raison de son appartenance à ce groupe.

Je demande instamment aux membres du comité de se pencher sur la question de l'appartenance à un groupe et sur les critères relatifs à l'interdiction de territoire.

Le président : Merci. Vous nous avez tous deux présenté un exposé intéressant. J'aimerais poser une question concernant une recommandation formulée par Mme Taub. Vous avez évoqué la question de l'appartenance à un groupe, et vous avez parlé de cartes avec photo.

Mme Taub : De cartes à puce.

Le président : Oui. Au cours de nos dernières réunions, on nous a parlé du fait que certaines personnes qui se présentaient à la frontière et étaient considérées admissibles ou interdites de territoire ne disposaient pas de pièces d'identité avec photo. Vous recommandez la délivrance de cartes à puce.

Mme Taub : À l'intention des résidents permanents. Les visas de résident permanent devraient prendre la forme d'une carte à puce.

Le président : Vous avez formulé cette recommandation il y a un an ou deux, et j'ai fait campagne en faveur de son adoption. Comment a-t-elle été accueillie par l'ASFC et d'autres instances? Monsieur Waldman, vous pourriez peut- être vous aussi faire des commentaires à ce sujet, étant donné que vous êtes manifestement très au courant des pièces d'identité exigées à nos points d'entrée. Voulez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?

Mme Taub : Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a bien accueilli ma recommandation. Je l'avais formulée en juin 2013, si je ne m'abuse, mais il se peut que je l'ai fait à une autre occasion où j'ai témoigné devant ce comité. Je ne crois pas qu'une quelconque mesure de ce genre ait été prise par le passé. J'ai eu une discussion officieuse avec des représentants de l'ASFC, et ils m'ont dit qu'ils croyaient que l'adoption d'une telle recommandation n'avait que trop tardé. Ce n'est pas comme si la technologie requise n'était pas disponible — elle existe depuis plus de 50 ans. Quant aux coûts que cela pourrait supposer, ils devraient être assumés par les demandeurs.

J'aimerais profiter de l'occasion pour revenir brièvement sur une chose que M. Waldman a mentionnée. Je n'ai jamais recommandé que toutes les personnes qui entrent au Canada fassent l'objet d'une vérification. J'ai recommandé qu'une telle mesure s'applique uniquement aux étudiants étrangers, aux travailleurs étrangers et aux touristes qui ont besoin d'un visa pour entrer au Canada. Cette mesure ne viserait pas les 35 millions de touristes qui viennent chaque année dans notre pays. Ce n'est pas à eux que je faisais allusion. La mesure que j'ai recommandée s'adresserait peut- être à 1 000 étudiants et travailleurs étrangers, et à un peu moins d'un million de touristes qui doivent obtenir un visa de visiteur. Cela ne toucherait évidemment pas les 35 millions de touristes qui viennent ici.

Le président : Monsieur Waldman, avez-vous des commentaires à faire à propos de la carte à puce proposée?

M. Waldman : Il y a un élément que l'on doit toujours prendre en considération lorsqu'on examine de telles questions, à savoir la protection de la vie privée. Il faut établir un juste équilibre entre la sécurité et la protection de la vie privée. Lorsqu'une personne cherche à entrer au Canada, elle renonce, dans une certaine mesure, à son droit à la vie privée.

L'instauration d'un système de cartes qui permettrait de consigner les entrées au pays ne me pose aucun problème. Si j'ai bien compris, le ministre a affirmé que l'on prévoyait intégrer à la Loi sur la citoyenneté des dispositions relatives à la mise en place d'un système de contrôle des sorties. Cela ne me pose aucun problème. La plupart des pays effectuent un contrôle des sorties, et un tel contrôle permettrait de régler, dans une certaine mesure, quelques-uns des problèmes soulevés par les demandes de résidence permanente et de citoyenneté. Ni l'une ni l'autre de ces mesures ne me pose de véritables problèmes.

Le sénateur Mitchell : Nous avons affaire à deux points de vue antagonistes, et je m'en réjouis. Il s'agit d'un exemple assez flagrant de divergence d'opinions. Je suis quelque peu surpris de l'intensité de l'exposé de Mme Taub, de même que par les généralisations excessives qu'elle a faites en ce qui concerne les pays qui produisent des terroristes. En fait, madame Taub, vous avez été plus précise et avez fait preuve d'un peu plus d'intensité lorsque vous avez déclaré, devant un autre comité de la Chambre qu'il allait sans dire qu'un visa devrait être refusé 19 fois sur 20 à un homme célibataire et jeune provenant de l'une de ces prétendues pépinières de terroristes, et que, d'après vous, selon votre expérience, il devrait en être ainsi 20 fois sur 20.

Les membres du groupe des 18 de Toronto étaient tous nés, je crois, au Canada. Deux terroristes nés au Canada ont été tués en Algérie, et trois, en Syrie. D'autres pays ne seraient-ils pas habilités à affirmer que le Canada est une pépinière de terroristes, et, par conséquent, d'instaurer des barrières infranchissables afin d'empêcher les Canadiens d'entrer sur leur territoire? Mon épouse et moi avons trois fils, et ils entreraient tous dans la catégorie que vous avez décrite, vu que deux d'entre eux sont dans la vingtaine, et l'autre, dans la trentaine, et qu'aucun d'eux n'est marié.

N'est-il pas possible de trouver une façon beaucoup plus éclairée d'examiner les gens? Si l'on s'en tient à votre définition, d'autres pays pourraient affirmer que le Canada est un pays qui produit des terroristes.

Mme Taub : J'ai clairement mentionné que l'on devait effectuer des examens plus approfondis et procéder à des vérifications plus minutieuses des antécédents des personnes qui proviennent de ces pépinières de terroristes — c'est ce que j'ai dit aujourd'hui. En effet, il arrive que des terroristes soient nés au pays, mais d'où proviennent les idées dont ils s'inspirent? Non pas du Canada, mais des pays qui financent certaines écoles et certaines mosquées du pays où on fait de la propagande. Ces personnes acquièrent leurs idées quelque part, et ce n'est pas au sein de notre réseau d'écoles ou de notre système d'éducation qu'ils les ont acquises. Ces idées viennent de l'étranger. Elles viennent d'Iran et d'Arabie saoudite. Elles sont exportées au Canada.

Le sénateur Mitchell : Mon préambule sera court.

Tentons de mettre les choses en perspective. Aucun de ces jeunes hommes célibataires qui sont entrés au Canada n'a fait l'objet d'un quelconque examen. Pouvez-vous nous indiquer le nombre d'actes de terrorisme commis au Canada par ces personnes en provenance de pays qui constituent, selon vous, des pépinières de terroristes, et dont les allées et venues au pays n'ont jamais fait l'objet d'un examen?

Mme Taub : Qui sait? Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'un acte de terrorisme. Il pourrait simplement s'agir du fait de propager la haine au pays, par exemple sur les campus canadiens. Les gens qui souhaitent faire de la propagande haineuse à l'égard d'un groupe identifiable au Canada n'ont pas nécessairement à faire exploser un édifice ou à tuer une personne. Vous croyez que cela ne représente pas un acte de terrorisme? Eh bien, cela crée de la haine et des conflits au Canada, et contribue au morcellement de notre pays. Par exemple, les membres de la communauté juive du Canada savent très bien qu'ils ne peuvent plus fréquenter certaines universités canadiennes en raison de la présence d'étudiants étrangers qui s'en prennent ouvertement aux étudiants juifs.

Le sénateur Wells : Madame Taub et monsieur Waldman, je vous remercie de vos exposés. J'aimerais poursuivre sur la question du profilage.

Nous habilitons les membres du personnel de l'ASFC à utiliser tous les outils à leur disposition afin d'effectuer leur travail. À mon avis, le fait d'imposer des restrictions à cet égard ne rend service ni au Canada ni aux Canadiens.

Étant donné que le fait de venir vivre au Canada est non pas un droit, mais un privilège que nous accordons aux éventuels immigrants canadiens, je crois que le profilage suscite souvent une réaction impulsive. Madame Taub, j'aimerais que vous m'aidiez à comprendre un peu mieux en quoi consiste le profilage, car nous savons que des bonnes et des mauvaises personnes peuvent venir de n'importe quel pays.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus? Je sais que vous avez pris la parole et rédigé des textes à ce sujet par le passé.

Mme Taub : Mon collègue a raison : il n'est pas nécessaire de faire subir une vérification de sécurité ou un examen à une personne qui se présente à la frontière et qui me ressemble, c'est-à-dire à une petite dame âgée aux cheveux blancs. Certaines personnes ont un profil qui nous permet de supposer qu'elles ne poseront pas une menace, par exemple les mères accompagnées de jeunes enfants.

Je vais vous donner un exemple personnel. Mon gendre a des origines indiennes et écossaises, et il présente les traits typiques d'une personne provenant de l'un ou l'autre de ces pays. C'est un citoyen canadien, né à Winnipeg. Lorsqu'il voyage seul, il subit toujours un examen minutieux. Lorsqu'il voyage avec ma fille et leurs enfants, on le laisse tranquille.

Cela ne le dérange pas. Il dit qu'il comprend la situation, et que cela ne lui pose pas de problème. On le traite de cette façon depuis son adolescence.

Les gens comprennent pourquoi ils font l'objet d'une vérification ou d'un examen plus poussé. Je crois que, dans la majeure partie des cas, cela ne les dérange pas.

Le sénateur Wells : Monsieur Waldman, je crois comprendre que vous avez des commentaires à formuler là-dessus, mais j'aimerais également vous poser une question à propos du document que Mme Taub a déposé en ce qui concerne les divers facteurs qui peuvent ralentir le processus. Ce qui est le plus frappant, c'est le nombre de cases que comporte le diagramme et le nombre de facteurs qui peuvent retarder le processus subséquent à une décision de l'ASFC selon laquelle une personne n'est peut-être pas autorisée à entrer au Canada.

À votre avis, est-ce que le fait d'instaurer un processus permettant d'interjeter appel d'une décision de l'ASFC — je crois que vous avez mentionné cela durant votre exposé — ajouterait des cases à ce diagramme, et, par conséquent, créerait de nouvelles possibilités de ralentissement du processus?

M. Waldman : Vous m'avez peut-être mal compris — je n'ai pas suggéré que l'on intègre un mécanisme d'appel à cette procédure.

Le sénateur Wells : Excusez-moi, monsieur Waldman. Vous ne faisiez pas allusion à cette procédure. Toutefois, vous avez évoqué la mise en place d'un processus permettant d'interjeter appel des décisions de l'ASFC.

M. Waldman : Non, non. Je parlais d'un mécanisme de surveillance des décisions prises par les agents de l'ASFC, et non pas d'un processus concernant la question de savoir si une personne doit être mise en détention ou être interdite de territoire au Canada. J'évoquais un mécanisme auquel pourraient recourir les personnes qui estiment que les agents de l'ASFC ont abusé de leur pouvoir, c'est-à-dire un mécanisme d'examen des plaintes.

Un tel mécanisme n'aurait pas la moindre incidence sur le traitement d'une demande présentée par une personne en vue d'entrer au Canada — il s'agirait d'un processus indépendant dirigé par un commissaire indépendant chargé de se pencher sur les allégations relatives à des actes inappropriés semblable à celui du comité indépendant responsable de l'examen des plaintes concernant la police et semblable à celui du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, dont la tâche consiste à surveiller le SCRS.

Cela n'a rien à voir avec le traitement proprement dit des décisions relatives à l'interdiction de territoire. Supposons qu'on allègue qu'un agent de l'ASFC a frappé quelqu'un. Il faut qu'un processus permette à une personne de formuler cette allégation et de déclencher une enquête afin d'en vérifier le bien-fondé. Il pourrait également s'agir d'une allégation de violence verbale. Il se peut que, dans bien des cas, de telles allégations ne soient pas fondées, mais il faut mettre en place un mécanisme permettant aux gens de déposer des plaintes de ce genre.

Ce que je vous dis, c'est qu'il n'existe absolument aucun mécanisme de ce genre à l'heure actuelle et que, à mon sens, il est inacceptable dans un pays démocratique qu'une organisation dotée du mandat et des pouvoirs qu'ont les fonctionnaires de l'ASFC ne fasse l'objet d'aucune surveillance.

C'est la même chose qu'à la GRC. Le fait qu'il y ait une surveillance indépendante de la GRC — et je pense que le Parlement vient d'adopter des modifications à ce chapitre — ne l'empêche pas de mener des enquêtes. Cela permet de déposer une plainte lorsqu'on estime qu'un agent de la GRC a agi de façon inappropriée. N'importe quel membre du public peut déposer une plainte.

Je pense que c'est tout à fait différent de l'accusation en question.

En ce qui a trait au profilage, j'ai un bref commentaire à faire. Il y a un équilibre délicat à atteindre, et nous devons faire très attention de ne pas nous livrer à ce que j'appellerais un « profilage offensif ». Nous devons disposer de tous les outils nécessaires pour protéger notre société, et, comme vous l'avez dit, le Canada a le droit de décider d'admettre une personne ou non, mais les gens ont aussi droit à l'application régulière de la loi, puisque nous vivons dans un pays démocratique. Je pense qu'il est très important que nous évitions de faire de grandes généralisations dénuées de fondement.

Le président : Chers collègues, je voudrais simplement vous informer du fait que notre prochain groupe de témoins ne sera pas disponible avant 15 h 30 en raison de certaines difficultés relatives à la transmission vidéo. Par conséquent, je recommande que nous poursuivions avec le présent groupe jusqu'à 15 h 15, que nous fassions ensuite une pause de 15 minutes et que nous passions au groupe suivant.

Le sénateur Day : Si tant est que les témoins puissent rester.

Le président : Est-ce que les témoins peuvent rester?

M. Waldman : Je pense que M. Paterson va arriver à...

À vous de décider. J'allais dire qu'il souhaitera peut-être se joindre à nous lorsqu'il arrivera.

Le président : Nous allons poursuivre avec le présent groupe. M. Paterson fait partie d'un autre groupe. Sénateur Wells, avez-vous obtenu une réponse complète, vu que nous avons un peu plus de temps que prévu?

Le sénateur Wells : La réponse était complète, mais, comme nous parlons de cela, selon vous, les appels concernant un geste posé par un membre de l'ASFC vont-ils retarder encore plus le processus de renvoi du pays?

M. Waldman : Non, il s'agit d'un processus tout à fait distinct. Il y aurait un commissaire chargé d'examiner les plaintes contre l'ASFC comme il y en a un qui examine les plaintes contre la GRC. Si une personne affirmait par exemple qu'un agent l'a frappé, elle porterait plainte, et la plainte ferait l'objet d'une enquête. Je ne vois pas en quoi cela devrait avoir une incidence sur le renvoi de la personne. Le commissaire recueillerait la déclaration de la personne, l'interrogerait et interrogerait toutes les personnes concernées et rendrait une décision. Si le suivi était nécessaire, il pourrait avoir lieu à l'extérieur du Canada.

Le sénateur Wells : Il me semble qu'un geste de ce genre relèverait de l'agression, plutôt que d'une catégorie prévue par un processus de l'ASFC, en ce sens que le recours existe déjà.

M. Waldman : Ce n'est qu'un exemple que je vous donne. Vous avez raison, mais ce ne sont pas toutes les victimes d'agression qui portent des accusations contre l'agent de la GRC concerné; il y a des gens qui s'adressent au commissaire chargé d'examiner les plaintes et qui le laissent mener l'enquête. Pour une personne détenue, il peut être difficile de déposer une plainte et de porter des accusations d'agression, ce qui fait qu'il faut qu'il y ait un mécanisme de plaintes.

Et il peut y avoir d'autres types de plaintes. Qu'est-il advenu de cette femme de 75 ans qu'on a menacée de détenir parce qu'elle n'était pas en mesure de fournir une adresse qu'elle n'avait pas? Elle devrait avoir le droit de porter plainte, ou je devrais moi être en mesure de porter plainte. La plainte devrait être traitée, faire l'objet d'un suivi effectué par un agent, et une décision devrait être rendue. C'est ce que je pense.

Le sénateur Wells : Merci beaucoup de votre indulgence, monsieur le président.

Le président : Je demanderais aux membres du comité de s'en tenir à de courts préambules. Le temps file.

Le sénateur Campbell : Merci, monsieur le président. Je trouve les observations de Mme Taub presque xénophobes, et en tout cas draconiennes. Cela pose problème pour moi. Quelle est l'ampleur du problème posé par les étudiants et les travailleurs étrangers? Comment le savons-nous?

Mme Taub : Nous ne le savons pas dans le cas des travailleurs étrangers parce que nous ne les surveillons pas.

Le sénateur Campbell : Si nous ne le savons pas, comment pouvons-nous nous avancer sur ce terrain...

Mme Taub : Nous savons ce qui se passe sur les campus, parce que les organisations d'étudiants juifs produisent des rapports, que je reçois régulièrement. Nous savons ce qui se passe.

Le sénateur Campbell : D'accord, je vais m'en tenir à cela. Quand le document a-t-il été rédigé?

Mme Taub : En 2008.

Le sénateur Campbell : Est-ce que les choses ont changé depuis 2008, monsieur Waldman? Est-ce que le gouvernement a procédé à des changements?

Mme Taub : Il n'y a pas de raisons.

M. Waldman : Plusieurs changements sont survenus.

Le sénateur Campbell : Dans ce cas, j'affirme que ce document est inutile dans le contexte de nos travaux, puisqu'il porte sur une situation passée et non sur ce qui se passe en ce moment.

J'ai une dernière question. Je trouve incroyable que tous les pays de la liste soient des pays dont les habitants ne sont pas blancs. Quelle mesure prenons-nous en ce qui concerne les gens qui viennent de la Roumanie, de la Tchécoslovaquie ou de l'Angleterre, entre autres? Pourquoi tous les pays de la liste sont-ils des pays dont les habitants ne sont pas blancs?

Mme Taub : Ce n'est pas moi qui l'ai dressée.

Le sénateur Campbell : Vous êtes d'accord, cependant. La dernière chose que j'aimerais savoir, c'est pourquoi — non, je ne veux pas le savoir.

Le sénateur White : Merci à vous deux d'être venus. Ma question touche davantage les données biométriques. Je suis content que nous recueillions des données biométriques concernant les gens qui entrent au pays, et je dirais que nous devons en recueillir davantage. Mais je voudrais surtout savoir ce que vous pensez de la comparaison des données biométriques que nous recueillons avec celles qui sont recueillies dans d'autres pays. Les États-Unis ont par exemple pris les empreintes digitales de plus de 8 000 personnes en Afghanistan et en Irak. Cela n'inclut pas les empreintes digitales prises dans d'autres pays — au Royaume-Uni et en Australie par l'intermédiaire de CrimTrac — auprès de citoyens de ces pays qui nous préoccupent. Pourtant, nous ne comparons pas toujours les empreintes digitales des gens qui entrent au pays pour une raison ou pour une autre. Pensez-vous qu'il y a là une possibilité pour nous de commencer à examiner sérieusement les préoccupations que nous devrions entretenir à l'égard de certaines personnes qui entrent au pays?

Mme Taub : Je pensais qu'un accord quelconque avait été conclu en 2011 avec les États-Unis en vue de l'échange de certaines des données biométriques existantes.

Le sénateur White : Il y a une entente selon laquelle nous pouvons échanger des données lorsque nous faisons la démarche. À mon sens, si nous recueillons des données biométriques auprès des gens qui entrent au pays, nous devrions les comparer avec le contenu de toutes les banques de données auxquelles nous avons accès, y compris celles du Royaume-Uni, de l'Australie et des États-Unis, mais je ne suis pas convaincu que nous le faisons aussi régulièrement que nous devrions le faire.

Mme Taub : Nous n'avons pas le personnel ni les ressources financières nécessaires pour le faire en ce moment, à cause de toutes les compressions.

M. Waldman : Il me semble évident que, plus nous ferons de vérifications, plus nous serons susceptibles de repérer les cas problèmes. Mais, au bout du compte, nous devons trouver un équilibre entre le coût des vérifications et la sécurité qu'elles nous procurent. C'est le genre de questions qu'il faut poser, et je n'en ai pas les réponses. Quelles sont les données empiriques qui montrent que de nombreux travailleurs étrangers commettent des crimes et que nous devons donc consacrer plus d'argent et de ressources à la vérification de chacun des travailleurs étrangers qui entre au Canada? Je ne sais pas ce que montrent les données.

Il y a une chose que je voudrais signaler, vu que quelqu'un a posé une question au sujet du tableau. Celui-ci n'est pas exact, puisqu'il donne à croire que tout le monde fait l'objet d'une enquête. C'est inexact, puisque la vaste majorité des enquêtes sont menées par des délégués du ministre. Dans bien des cas, le renvoi du Canada se fait dans les heures suivant l'arrivée au pays. En fait, beaucoup de gens sont forcés de reprendre l'avion pour quitter le pays après quelques heures ou même après quelques jours.

Je pense qu'il serait important d'examiner attentivement le document, et mon amie l'a dit, il n'y a plus de droit... Eh bien, il y en un si la personne n'a pas fait l'objet d'une audience concernant le statut de réfugié. Des changements sont survenus, mais je pense qu'il serait important d'obtenir des données sur la situation actuelle plutôt que de s'appuyer sur ce tableau pour discuter des enjeux connexes.

Le président : Je peux peut-être donner suite à ce que vient de dire M. Waldman pour obtenir des précisions au sujet des changements apportés au cours des dernières années. Nous dites-vous que ces cas particuliers de gens qui connaissent le système, qui ont les ressources nécessaires et qui peuvent arriver à demeurer au pays même s'ils y sont interdits de territoire pendant 10 ou 15 ans grâce au système d'appels... vu les changements apportés, ces cas particuliers sont traités plus efficacement qu'avant?

M. Waldman : La plupart des obstacles à un renvoi rapide ont été supprimés. J'ai jeté un coup d'œil sur la liste il y a un certain temps, par exemple. Le gouvernement l'a utilisée pour présenter sa réforme. Beaucoup de résidents permanents qui faisaient l'objet d'une mesure d'expulsion interjetaient appel et obtenaient une suspension d'appel. La plupart de ces gens n'obtiendraient plus de suspension d'appel aujourd'hui, étant donné que, s'ils purgent une peine de six mois d'emprisonnement ou plus, ils n'ont pas de droit d'appel. Beaucoup des mécanismes utilisés par le passé n'existent plus. Que ce soit une bonne chose ou non est une question distincte. C'est déjà fait, mais je pense qu'il est important de comprendre qu'il y a déjà un nouveau système en place et que beaucoup des préoccupations qui existaient auparavant en ce qui concerne les retards et le renvoi n'existent plus.

Le sénateur White : Merci à tous les deux de votre réponse. S'il s'agit de rendre plus strict un processus ou un système parce que nous sommes préoccupés par l'entrée de certaines personnes au pays, à mon avis, nous disposons déjà des systèmes nécessaires. Nous avons un outil d'identification en temps réel permettant de comparer les données recueillies avec 35 millions d'empreintes digitales de criminels prises au Canada, et avec 350 millions d'empreintes prises aux États-Unis, et ce, assez rapidement. Je ne suis pas sûr que nous utilisons pleinement le système en place.

Je ne dis pas que nous devons modifier ni améliorer notre système, mais je pense que, si nous recueillons des données biométriques, ce qui est une bonne chose selon moi et que nous devrions faire davantage, nous devons nous assurer de comparer les données recueillies avec celles de tous les systèmes, lorsqu'une personne entre au pays. C'est l'une des raisons pour lesquelles d'autres pays, notamment les États-Unis, nous adressent des reproches concernant l'identité des personnes que nous laissons entrer au départ.

Pourquoi ne pas procéder à plus de vérifications des données biométriques si nous en recueillons davantage de toute façon?

Mme Taub : Il n'y a pas de raison de ne pas le faire davantage. C'est une question de ressources financières et de personnel. Si on réduit le nombre de gardiens aux portes d'entrée, comment peut-on accroître la collaboration avec les autres pays sans les ressources financières et le personnel pour l'assurer?

Pour compléter un peu ma réponse, je dirais que l'article du 13 mars parlait de 250 cas graves de criminels de guerre et de gens ayant bafoué les droits de la personne qui demeurent au Canada pendant des années, et on ne s'est pas occupé de ces cas parce qu'ils restent au bureau du ministre, parfois pendant des années, en attendant qu'une décision définitive soit rendue. Voici un extrait de l'article :

Le Parlement a déterminé qu'il s'agissait des cas les plus importants, et pourtant, la bureaucratie de CIC et de l'ASFC n'est pas en mesure de respecter cette priorité en produisant les chiffres. Les Canadiens auraient raison d'être outrés [...]

Vous avez une copie de cet article. C'est d'actualité.

J'attire votre attention sur le cas du criminel de guerre Léon Mugesera, qui a été expulsé en 2012 seulement. Ça ne fait pas longtemps, et la Cour suprême avait ordonné son expulsion en 2005 et avant cela en 1995. Sandra Gordon est ici depuis 1976, et c'est donc un problème actuel.

Permettez-moi de dire qu'il ne s'agit pas seulement de cas graves de criminels et de gens ayant bafoué les droits de la personne. Les travailleurs étrangers qui restent ici après l'expiration de leur permis de travail sont eux aussi interdits de territoire. Ce ne sont ni des criminels ni des terroristes, mais, d'après la définition de la LIPR, ils sont interdits de territoire. Les étudiants qui restent après l'expiration de leur permis ou qui abandonnent leurs études et qui travaillent à temps plein grâce à un permis de travail hors campus enfreignent également la loi et sont considérés comme étant interdits de territoire. Ce ne sont pas des cas graves, et je sais que l'ASFC ne s'en occupe pas vraiment parce qu'ils ne sont pas considérés comme étant graves.

Les touristes qui viennent ici et qui finissent par rester pendant des années sont interdits de territoire. Je me suis occupée de nombreux cas d'épouses entrées au pays en tant que touriste, sans avoir besoin de visa, à partir des États- Unis et de l'Europe, et qui ont fini par rester ici auprès de leur mari et ont eu des enfants. Évidemment, elles sont interdites de territoire, mais il est possible de contourner cette interdiction en procédant à un parrainage de conjoint au Canada pour régulariser sa situation. Il s'agit là d'une autre catégorie de ressortissants étrangers interdits de territoire au Canada à laquelle on prête très peu d'attention et qui ne fait pas partie des priorités.

Le président : Si vous me permettez un commentaire au sujet des modalités de notre examen précis concernant l'ASFC et la question de l'interdiction de territoire et de l'admissibilité, je dois vous dire que nous nous concentrons essentiellement sur la frontière et sur le point d'entrée. C'est une priorité du comité. Nous limitons passablement la portée de notre étude. Si nous ratissons trop large, nous nous retrouvons tout à coup en train d'examiner toutes les questions liées à l'immigration. Ce n'est pas le mandat du comité. Je voulais le préciser pour les téléspectateurs et pour les gens en général aussi.

Mme Taub : Vous soulevez un point très pertinent, puisque l'ASFC a effectivement le mandat de s'occuper de ces gens.

Le président : Je n'en disconviens pas.

Mme Taub : D'accord, mais elle manque tellement de personnel qu'elle arrive à peine à s'occuper des questions de sécurité, en plus de son mandat étendu qui fait qu'elle doit s'occuper de toutes les personnes interdites de territoire.

Le président : Je comprends.

La sénatrice Beyak : Merci de l'exposé éclairant que vous avez présenté. Je pense que ce que vous avez dit est vrai, madame Taub, au sujet des universités. Il est difficile de tenir des débats rationnels au sujet de ces enjeux, car ils sont controversés et complexes et ils suscitent beaucoup d'émotion, ce qui fait que les gens choisissent naturellement un camp ou l'autre.

Vous avez parlé de certains moyens que nous pourrions utiliser pour améliorer les choses, par exemple le fait que la GRC filtre les demandes de visa en provenance de la Russie, de l'Ukraine et du Mexique. Pourrions-nous faire davantage de choses de ce genre, selon vous? Vous avez parlé d'autres pays qui constituent un danger et une menace. Comment pourrions-nous améliorer ce que nous faisons à ce chapitre?

Mme Taub : Il devrait y avoir des vérifications de casier judiciaire en plus des vérifications des antécédents de sécurité. La vérification du casier judiciaire consiste simplement à vérifier que la personne n'a pas commis d'acte criminel. La vérification des antécédents de sécurité porte sur les fréquentations de la personne. Disons qu'une personne est membre d'un cartel de la drogue au Mexique, mais qu'elle ne s'est jamais fait prendre et n'a jamais été inculpée au Mexique. Elle appartient néanmoins à un cartel mexicain notoire. C'est ce qui fait l'objet de la vérification des antécédents de sécurité. Voilà ce que je dis, essentiellement.

Il faut procéder à des entrevues obligatoires. Franchement, je crois qu'un agent des visas de l'ASFC est capable de déterminer en 30 secondes ou en une minute à qui et à quoi il a affaire, mais il a besoin de temps. S'il prend le temps nécessaire, il ne pourra pas traiter autant de cas, mais les agents subissent beaucoup de pression pour ce qui est de terminer le traitement des demandes.

Doublez le personnel. Je ne vois pas comment vous pourriez arriver autrement à faire des vérifications rigoureuses.

La sénatrice Beyak : Je comprends. La première fois que j'ai pris un vol d'El Al, j'ai trouvé cela très impressionnant.

Ma seconde question était du même ordre. Elle concernait le nombre de jours. La période d'attente est de 5 jours pour la Chine et de 10 jours pour la Russie. S'agit-il de périodes d'attente raisonnables pour les pays cités? Quelles seraient vos recommandations?

Mme Taub : Des périodes de 5 et de 10 jours ne permettent pas de procéder à des entrevues. Je ne vois pas comment on peut faire un contrôle adéquat. Si le temps nécessaire était accordé, le contrôle pourrait être adéquat, et on n'aurait même pas besoin de faire le profilage.

M. Waldman : Je suis de la vieille école. Lorsque j'ai commencé dans le domaine, presque tout le monde était interrogé. Je préférais cela. Je suis d'accord. C'est une façon plus efficace de procéder.

Mais il y a deux choses qui sont différentes aujourd'hui. Le volume de demandes dont nous nous occupons est 100 fois supérieur à ce qu'il était lorsque j'ai commencé à pratiquer. Les enjeux d'aujourd'hui n'existaient pas il y a 30 ans, en ce qui a trait au type de préoccupations relatives à la sécurité que nous avons aujourd'hui.

Nous vivons une période de restrictions budgétaires. Je pense que nous devons formuler des recommandations applicables, raisonnables et réalistes. J'aimerais beaucoup que tous les demandeurs soient interrogés, mais cela ne va tout simplement pas se faire, puisqu'il faudrait multiplier par 100 la quantité d'argent que nous dépensons, et nous n'avons pas l'argent nécessaire. Ce que nous devons faire, c'est trouver des façons efficaces d'utiliser nos ressources sans fermer les frontières.

Le président : C'est pour cette raison que je parlais de l'idée de la carte à puce et que je disais que ce serait peut-être une de ces mesures concrètes qui pourraient être utiles.

Le sénateur Day : Monsieur Waldman, vu l'expérience que vous possédez relativement aux certificats de sécurité, il serait utile que vous passiez un peu de temps à nous expliquer comment vous voyez le rôle de l'avocat spécial pour ce qui est de s'assurer que la personne bénéficie d'une certaine protection, si vous pouviez parler un peu de la contestation devant la Cour suprême. La chose a été soulevée une fois, une année, dans le but de corriger la situation, la rectification a été faite, et je pense que l'avocat spécial faisait partie des choses ajoutées à l'improviste dans la nouvelle loi. Je crois savoir que d'autres cas sont maintenant soumis à la Cour suprême en ce qui a trait aux certificats de sécurité, qui, s'ils sont jugés raisonnables — je crois que le critère appliqué est celui du caractère raisonnable — deviennent des mesures d'expulsion.

M. Waldman : La difficulté que posent les certificats de sécurité est liée au fait de créer un processus permettant de protéger les intérêts du gouvernement relativement à la sécurité nationale, et, dans ces cas en particulier, l'information dont le gouvernement dispose, tout en garantissant l'équité du processus pour la personne concernée. Ce qui s'est passé dans le cadre du processus qui a été mis en place, c'est que des certificats de sécurité ont été émis, mais pas très souvent, parce que leur émission lançait un processus habituellement très long. La personne concernée n'a pas accès à la preuve utilisée contre elle; c'est un juge de la Cour fédérale qui l'examine. Cela soulevait donc des préoccupations concernant l'équité du processus, surtout dans les cas où des gens qui, comme certaines des personnes visées par les certificats, étaient des réfugiés faisant valoir leur droit à ce titre et qui étaient considérées comme étant susceptibles d'être torturées si elles étaient renvoyées dans leur pays d'origine.

Dans ce contexte, l'équité du processus soulevait des préoccupations, parce que, si les personnes concernées faisaient l'objet d'une mesure d'expulsion, il y avait un risque qu'elles soient soumises à la torture. Lorsque les certificats ont été créés, la préoccupation était que le processus manquait d'équilibre, puisque la personne faisant l'objet du processus d'expulsion n'avait pas de représentant chargé de la défendre à l'audience secrète.

En 2007, la Cour suprême du Canada a tranché dans le premier arrêt Charkaoui que le processus n'était pas équitable, qu'il n'était pas conforme à la justice fondamentale et qu'il fallait que quelqu'un défende la personne concernée pendant les procédures secrètes.

Le gouvernement a apporté des modifications à la loi, et, en 2008, le nouveau processus a été mis en place, lequel supposait la nomination d'un avocat spécial ayant la cote de sécurité nécessaire. J'ai l'honneur d'être nommé avocat spécial.

Dans le cadre du nouveau processus, le juge de la Cour fédérale reçoit la preuve secrète. L'avocat spécial peut rencontrer la personne faisant l'objet du processus d'expulsion, mais, une fois qu'il a consulté la preuve secrète, il ne peut plus communiquer avec elle, puisqu'il faut garantir que la preuve secrète n'est pas communiquée à la personne concernée par l'avocat spécial.

L'affaire a de nouveau été soumise à la Cour suprême, parce que la position de M. Harkat, l'appelant dans cette affaire, était que le processus n'était pas encore équitable. Le problème qui se pose pour l'avocat spécial, c'est que, une fois qu'il prend connaissance de la preuve secrète, s'il ne peut pas en discuter avec la personne concernée, comment peut-il la contester adéquatement? Si la preuve indique que la personne était en Afghanistan en 1994 et que l'avocat ne peut demander à M. Harkat s'il était en Afghanistan en 1994, comment peut-il contester la preuve de façon efficace?

C'est vraiment cette question qui est soumise à la Cour suprême du Canada, c'est-à-dire de savoir si le nouveau processus est équitable.

Ce qui est difficile dans tous les cas de ce genre, c'est de trouver l'équilibre entre le caractère équitable du processus et la protection de la sécurité nationale, et la difficulté à laquelle nous nous sommes butés jusqu'à maintenant, c'est que nous ne sommes pas sûrs d'avoir trouvé cet équilibre. La Cour suprême va maintenant nous dire, lorsqu'elle tranchera l'affaire Harkat si ce système est acceptable. Le gouvernement le défend, et M. Harkat, son avocat et certains des intervenants le contestent. La Cour suprême va nous dire si les mesures prises sont suffisantes.

Même si c'est le cas, l'autre difficulté, c'est que le processus est très long. La nature de la preuve et la nature du processus font que tout cela exige beaucoup de temps. Comment faire alors pour que le processus soit équitable et permette la protection des renseignements touchant la sécurité nationale, mais qu'il soit plus efficace? Il s'agit évidemment là du défi que nous allons devoir relever.

Le sénateur Day : Merci de nous avoir donné cette explication.

En ce qui a trait au second point, j'aimerais avoir une précision. Vous avez dit que nous avons besoin d'un mécanisme de surveillance de l'exercice des pouvoirs en question, mais vous vous êtes ensuite lancé dans ce qui semblait être un examen des plaintes et non de ce que je décrirais comme étant une surveillance rigoureuse comme celle que le CSARS assure relativement au SCRS.

Lorsque vous avez parlé de surveillance, s'agissait-il simplement d'un mécanisme de plainte, d'un recours pour les personnes qui estiment avoir été traitées durement par un agent, ou parlez-vous d'un véritable organisme de surveillance? Si vous parliez d'un véritable organisme de surveillance, serait-il possible que le CSARS s'occupe des deux, ou encore avez-vous envisagé un organe de surveillance parlementaire qui serait éventuellement capable d'assurer la surveillance?

M. Waldman : Je prends bonne note de ce que vous avez dit. Il y a deux questions distinctes. La première concerne la surveillance générale de l'ASFC, et la deuxième concerne un mécanisme de plainte.

Je suis d'accord pour dire que les deux choses sont nécessaires, mais, de mon point de vue, ce que concernaient les préoccupations que j'ai soulevées, c'est l'absence d'un quelconque processus indépendant de traitement des plaintes, car il n'y en a pas, et, vu le pouvoir... Mais je suis effectivement d'accord pour dire aussi qu'il serait utile qu'il y ait une espèce de surveillance.

Les gens du SCRS sont en général tous d'accord pour dire que le fait que le CSARS assure une surveillance fait du SCRS une meilleure organisation. Une surveillance similaire à l'ASFC serait probablement une bonne chose.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Waldman, les bases de données partagées, les avis de surveillance, les listes de surveillance et les algorithmes de ciblage sont à la base du contrôle de sécurité au Canada et ailleurs dans le monde libre. Pouvez-vous nous parler de votre expérience, le cas échéant, de représentation de clients détenus ou peut-être désignés aux fins de renvoi du Canada à partir de renseignements erronés stockés et échangés au moyen de systèmes automatisés?

M. Waldman : Vous me demandez si je connais des cas où des gens ont été visés par la procédure d'expulsion à cause de renseignements erronés. Oui, je pense que cela arrive parfois. Évidemment, le meilleur exemple d'une situation de ce genre, c'est le cas de M. Arar, qui a été expulsé vers les États-Unis en fonction de renseignements erronés fournis entre autres par la GRC.

Dans le domaine de l'échange de renseignements, et surtout dans celui de l'échange de renseignements touchant la sécurité nationale, ce qu'il nous est souvent difficile de déterminer, c'est le degré de fiabilité de l'information, puisque celle-ci provient d'un organisme de sécurité qui nous dit quelque chose comme : « Selon nos renseignements, M. X est membre d'Al-Qaïda. » On ne nous dit pas d'où vient l'information, elle vient parfois d'un autre organisme de renseignement. À un moment donné, la fiabilité de l'information commence à vraiment poser problème, lorsqu'elle est recyclée de cette façon par un autre organisme de renseignement.

C'est un problème qui se pose. C'est un problème dont nous devons tenir compte. Cependant, les enjeux relatifs à la sécurité sont extrêmement importants, ce qui fait que nous devons toujours essayer de trouver un équilibre afin de nous assurer que nous nous appuyons sur de l'information fiable, de sorte que les gens ne fassent pas l'objet d'un processus d'expulsion si l'information n'est pas fiable. C'est pourquoi, dans le cas des certificats de sécurité ou de l'autre processus relatif à l'immigration prévu à l'article 86, qui est similaire, il est important qu'il y ait un mécanisme permettant de contester la fiabilité du renseignement.

Mme Taub : C'est quelque chose qui se produit constamment en cour pénale. Des gens peuvent être déclarés coupables en fonction de renseignements inexacts. C'est un simple fait, et, tant que cela n'est pas généralisé, c'est simplement une chose avec laquelle il faut composer, parce que la priorité est évidemment accordée à la sécurité et à la sûreté du Canada et des Canadiens.

Ce genre de situations qui se produit en immigration se produit aussi tous les jours au sein du système de justice pénale.

Le sénateur Dagenais : Que pensez-vous de l'utilisation des certificats de sécurité pour le renvoi de personnes déclarées interdites de territoire au Canada? Selon vous, comment devons-nous nous y prendre pour identifier et renvoyer les personnes qui n'ont pas de casier judiciaire, mais dont nous croyons, d'après les renseignements que nous possédons, qu'elles constituent une menace pour la sécurité du pays?

M. Waldman : La première question concerne les certificats de sécurité et ce que je pense de leur efficience, de leur efficacité et de leur nécessité.

Selon notre expérience, c'est habituellement quelque chose qui pose problème, parce que, lorsque nous suivons un processus dans le cadre duquel les gens se voient refuser l'accès à l'information qui est utilisée pour les inculper à l'égard d'allégations très graves, cela mine vraiment la confiance de beaucoup de gens à l'égard de l'équité de notre processus.

À mon avis, l'efficacité du régime des certificats de sécurité n'a pas été établie. Elle a fait l'objet de trois contestations devant la Cour suprême; deux de celles-ci ont été tranchées, et la troisième est en instance. J'estime que l'énergie et les efforts importants qui sont déployés pourraient être consacrés à d'autres processus pour le mieux.

La seconde question est intéressante, mais elle soulève le même problème. Si nous possédons des éléments de renseignement de nature criminelle selon lesquels une personne est dangereuse et constitue une menace pour la sécurité du Canada, mais n'a pas encore été déclarée coupable d'une infraction, les mesures à prendre finissent par dépendre de l'endroit où la personne se trouve.

Si elle se trouve à l'extérieur du Canada, je pense qu'il peut clairement être indiqué d'utiliser l'information pour refuser d'admettre la personne au Canada, puis de lui permettre de contester la décision dans le cadre d'un processus équitable.

Si la personne se trouve déjà au Canada et qu'elle est, disons, un réfugié affirmant avoir été victime d'une persécution injuste et donc que ses intérêts sont beaucoup plus sérieux que les conséquences, je pense que nous devons faire très attention.

L'utilisation du renseignement criminel et l'utilisation du renseignement de sécurité sont deux choses très semblables, et ceux d'entre nous qui ont examiné la question de près ont pu constater à de nombreuses reprises à quel point il est difficile de s'appuyer sur ce genre d'information dans le cadre d'un processus juridique parce qu'il est difficile d'établir la fiabilité de la preuve. Il devient difficile pour nous d'établir le caractère raisonnable d'une décision rendue en fonction d'éléments de renseignements dont la fiabilité ne peut faire l'objet d'aucune contestation véritable.

Le président : Au nom des membres du comité, j'aimerais remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous aujourd'hui. Je vous remercie du temps et des efforts que vous avez consacrés à vos exposés. Ceux-ci nous ont beaucoup éclairés. Encore une fois, merci d'être venus.

Nous poursuivons notre étude portant sur l'ASFC et son rôle pour ce qui est de déterminer l'admissibilité et l'interdiction de territoire, ainsi que du renvoi des personnes déclarées interdites de territoires, et c'est avec plaisir que nous souhaitons la bienvenue à M. Josh Paterson, directeur exécutif de la British Columbia Civil Liberties Association, et à Mme Sukanya Pillay, directrice exécutive et avocate générale de l'Association canadienne des libertés civiles, qui se joint à nous par vidéoconférence.

Madame Pillay, je crois savoir que vous avez été nommée à votre nouveau poste récemment. Je vous prie d'accepter mes félicitations et celles de mes collègues.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux. Je pense que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Je vous prie de bien vouloir commencer. Nous allons passer une heure avec vous. Qui veut commencer? Monsieur Paterson?

Josh Paterson, directeur exécutif, British Columbia Civil Liberties Association : Je serais heureux de le faire, et soulagé. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, bonjour. Bonjour à vous, madame Pillay, à Toronto. Je suis content de pouvoir vous voir grâce à la vidéoconférence.

Merci de m'avoir invité à prendre la parole. Je m'appelle Josh Paterson. Comme le sénateur Lang l'expliquait, je suis directeur exécutif de la British Columbia Civil Liberties Association, la plus ancienne organisation de défense des droits de la personne et des libertés civiles du Canada. Le siège de notre organisation se trouve à Vancouver, mais nous travaillons aux échelons fédéral et provincial. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui.

Je vais me concentrer sur la question de la responsabilité de l'ASFC, qui fait partie des questions que vous abordez dans votre étude. Je crois savoir que Mme Pillay va elle aussi parler de cela, et peut-être d'autres choses que je n'aborderai pas.

L'examen civil et les organismes chargés du traitement des plaintes — la reddition de comptes auprès des citoyens est vraiment un principe fondamental de l'application de la loi d'une manière démocratique au Canada. Nous savons que les agents de l'ASFC et les autres agents de la paix ont le devoir de servir et de protéger les Canadiens et de respecter les droits de toutes les personnes avec lesquelles elles entrent en contact. Nous leur confions évidemment d'énormes pouvoirs pour leur permettre de s'acquitter de cette tâche. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons créé des organismes de surveillance et de supervision chargés de soutenir les agents dans leur travail, ces organismes aidant notre société à s'assurer qu'ils exercent de façon juste les pouvoirs qui leur sont confiés. Nous établissons ces systèmes parce que, collectivement, nous visons à nous doter des meilleurs services de police possible et de maintenir la confiance de la population à l'égard de ces services à son degré le plus élevé.

Comme vous le savez bien, l'ASFC est un organisme national d'application de la loi qui a chaque année des milliers de contacts avec des Canadiens, des visiteurs et des migrants, dont des demandeurs d'asile. Lorsque les agents de l'ASFC s'acquittent des responsabilités qui leur sont confiées par les lois du Canada en matière d'immigration et de douanes, ils disposent de vastes pouvoirs policiers. Ils ont des pouvoirs d'arrestation, de détention, de fouille et de saisie. À la frontière, les agents de l'ASFC ont en réalité des pouvoirs plus grands que les agents de police ordinaires du reste du pays. Ils peuvent par exemple arrêter les voyageurs pour les interroger, prélever des échantillons de sang et d'haleine, et ils peuvent fouiller, détenir et arrêter des non-citoyens sans mandat.

Malgré ces vastes pouvoirs policiers, il n'existe ni de processus d'examen indépendant de l'ASFC ni d'organisme de traitement des plaintes. C'est une situation tout à fait inhabituelle au Canada. Tous les grands services de police du pays, que ce soit à l'échelon national, provincial ou municipal, s'assortissent d'une quelconque surveillance indépendante ou d'un organisme d'examen. L'ASFC est unique en son genre, et ce n'est pas une bonne chose dans ce cas-ci. Nous estimons que l'absence d'organisme d'examen indépendant des activités de l'ASFC nuit beaucoup à celle- ci et à la population.

L'idée de créer un processus d'examen indépendant de l'ASFC n'est évidemment pas nouvelle. Je suis sûr que beaucoup de sénateurs connaissent bien les recommandations de la Commission Arar, c'est-à-dire que les activités de l'ASFC liées à la sécurité nationale soient soumises à l'analyse d'un organisme indépendant d'examen et de traitement des plaintes. Dans son rapport, le juge O'Connor a recommandé que cet organisme soit créé par la transformation de la Commission des plaintes du public contre la GRC en un organisme qui aurait la responsabilité d'examiner les activités des deux organisations. Il a affirmé que cette mesure était rendue nécessaire par la possibilité importante que les activités de l'ASFC aient une incidence négative sur les droits, la dignité et le bien-être des personnes.

Comme vous le savez tous, ni le Parlement ni le gouvernement n'a donné suite à cette recommandation jusqu'à maintenant.

À l'heure actuelle, quiconque a une plainte à formuler à l'égard de l'ASFC doit la déposer auprès de l'agence. Tout ce qui existe pour l'instant, c'est un mécanisme interne de règlement des plaintes, dont la Direction des recours est chargée.

Pour avoir discuté avec de nombreux plaignants en Colombie-Britannique, nous avons constaté qu'ils n'ont pas eu l'impression que le mécanisme de recours interne de l'ASFC était très efficace. L'ASFC traite les plaintes qu'elle reçoit, c'est indéniable. Oui, elle demande à un autre agent de le faire, et non à l'agent concerné, mais, fondamentalement, l'organe de traitement des plaintes est interne. Il n'est pas indépendant. Il rend des comptes au président. Il n'est indépendant ni en fait ni en apparence. Il n'a pas le pouvoir de lancer des examens indépendants de sa propre initiative.

Nous estimons qu'à de nombreux égards, le mécanisme existant à l'ASFC ne répond tout simplement pas aux besoins que les Canadiens considèrent comme étant fondamentaux pour à peu près tous les autres services de police du pays. Il n'y a que quelques rares services de police qui ne sont pas dotés d'un quelconque mécanisme d'examen. Il s'agit en général de petits services comme ceux dont font partie les gardiens de parc et les agents des pêches.

La British Columbia Civil Liberties Association est d'avis qu'un organisme d'examen civil indépendant doit être créé et chargé d'examiner non seulement les activités de l'ASFC liées à la sécurité nationale, comme le juge O'Connor l'a recommandé — n'oubliez pas que son mandat se limitait aux activités relatives à la sécurité nationale —, mais également des activités d'application de la loi et de contrôle des frontières dans le cadre desquelles l'ASFC entre en contact avec des personnes dans le contexte de l'immigration, des demandes d'asile et du contrôle des frontières.

Nous estimons que tout organisme de surveillance ou d'examen doit faire trois choses. Je devrais utiliser le terme « organisme d'examen », puisqu'il y a bien entendu une distinction entre la surveillance et l'examen. Lorsque je dis « surveillance », je parle en fait d'examen.

La première chose que, selon nous, un organisme de ce genre doit être en mesure de faire, c'est de recevoir les plaintes du public à l'égard de la conduite de l'ASFC, y compris les plaintes présentées par des organismes de défense des intérêts de la population représentant des personnes. Il est important que les plaintes ne soient pas limitées aux plaintes individuelles, selon nous, pour une raison très simple : l'ASFC s'occupe de beaucoup de gens vulnérables, par exemple qui demandent l'asile au Canada et dont le statut au Canada peut être incertain. En raison de la nature même de son travail, l'ASFC entre en contact avec des groupes de gens qui ne parlent ni anglais ni français, qui peuvent ne pas très bien comprendre notre système et qui peuvent être réticents à déposer une plainte, surtout s'ils arrivent au Canada en demandant une protection, un endroit où vivre et un statut. Les gens qui viennent de pays où porter plainte auprès de la police ou des autorités n'est pas la chose la plus avisée à faire peuvent très bien être réticents à déposer une plainte. C'est pour cette raison que les plaintes déposées par des tierces parties doivent être acceptées. Sinon, on peut expulser les gens pour qu'il n'y ait pas de plaignants.

Deuxièmement, un organisme d'examen doit pouvoir entreprendre ses propres examens. Le juge O'Connor l'a reconnu; particulièrement dans le secteur de la sécurité nationale, beaucoup de choses se déroulent en secret, et les gens ne sauront jamais vraiment ce qui s'est passé. Par conséquent, toute commission d'examen doit avoir la capacité d'entreprendre ses propres examens et d'entreprendre des examens systémiques.

Troisièmement —, et ici, on s'éloigne un peu du volet de traitement des plaintes et des examens, nous disons qu'il doit y avoir des enquêtes civiles indépendantes d'incidents critiques et graves, comme ceux liés aux préjudices graves, aux agressions sexuelles et aux décès en détention dans le cadre des activités de l'ASFC, une intervention immédiate sur place en cas d'incident grave, quelque chose comme ce que fait l'Unité des enquêtes spéciales en Ontario, l'ASERT — l'équipe de soutien environnemental et d'intervention d'urgence, en Alberta, et le Bureau des enquêtes indépendantes en Colombie-Britannique. Ces organismes assurent une enquête civile indépendante et sur le terrain à la suite de ces incidents critiques.

Évidemment, nul besoin de créer un nouvel organisme pour faire cela. Dans bien des provinces, il y a déjà un organisme sur le terrain qui, dans le cas de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, a conclu un arrangement avec la GRC pour assurer cette fonction, et nous ne voyons pas pourquoi la même chose ne pourrait pas être faite avec l'ASFC.

Depuis un certain nombre de mois, plusieurs groupes de la société civile se font l'écho de cet appel à la surveillance de l'ASFC. Les recommandations suivant l'affaire Arar ont été formulées il y a sept ans, mais on n'a pas créé de mécanisme de surveillance ou d'examen pour l'ASFC. Récemment, les appels se sont renouvelés, surtout en Colombie- Britannique, à la suite d'un suicide tragique dans le centre de détention de l'ASFC à l'aéroport de Vancouver.

Nous avons entendu bien d'autres allégations d'inconduite ou de pratiques injustes de l'ASFC. Je dis « allégations », parce que, bien sûr, le fondement de ces allégations n'a pas été démontré. Mais le fait est que ces allégations ne peuvent être présentées à aucune entité indépendante. Dans les derniers mois, l'ASFC avait très peu de choses à dire sur le sujet. La réponse publique de l'ASFC est que le Comité international de la Croix-Rouge et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés peuvent venir jeter un coup d'œil aux installations. C'est la solution potentielle qu'elle propose. Nous faisons valoir que ce n'est pas une solution, car ces deux organismes ont conclu des accords de confidentialité avec l'ASFC. Ils n'ont pas le droit de parler publiquement de leurs conclusions ou de ce qu'ils ont vu. Ils ne sont clairement pas efficaces, et, d'ailleurs, il ne s'agit pas d'organismes canadiens.

Ce dont nous avons réellement besoin, c'est d'un mécanisme indépendant de traitement des plaintes et d'examen au Canada, combiné à une enquête civile indépendante canadienne portant sur l'ASFC. Je demande instamment au comité d'inclure dans son rapport une recommandation pour que le Parlement passe enfin à l'action afin d'assurer un mécanisme civil indépendant d'examen et de traitement des plaintes pour l'ASFC, en ce qui concerne non seulement ses activités de sécurité nationale, mais aussi l'exercice de ses pouvoirs policiers et de ses activités de contrôle frontalier et touchant l'immigration et les réfugiés.

Il s'agit d'un tout autre sujet que je n'ai pas assez de temps pour aborder ici aujourd'hui. Comme vous l'avez entendu à de nombreuses reprises durant vos audiences, j'en suis certain, une grande part de ces activités, sur le front de la sécurité nationale, font appel à plusieurs organismes. Nous avons réussi à abattre les murs qui séparent ces différents organismes. Nous n'avons pas fait la même chose au chapitre de la responsabilisation. Nous devons nous assurer que, lorsqu'on crée ou qu'on renforce ces mécanismes, il existe réellement une capacité de mener un examen interagences des activités de sécurité nationale entreprises en notre nom. Ce n'est pas exactement l'essence de mon propos ici, mais je voulais seulement soulever cette préoccupation.

Un organisme civil indépendant de traitement des plaintes et d'examen sert assurément l'intérêt public. Il aiderait à accroître la confiance à l'égard des activités d'application de la loi de l'ASFC et il profiterait aux agents de l'ASFC, selon nous, autant qu'au public. Il y aurait réellement un organisme qui pourrait bel et bien scruter la conduite de l'ASFC et éliminer toutes ces allégations en suspens, lorsqu'on ne peut pas en démontrer le fondement. On espère ainsi que tout le monde verrait que le processus était indépendant et impartial. Vu les vastes pouvoirs conférés aux agents de l'ASFC, l'absence d'un mécanisme public indépendant d'examen ou de traitement des plaintes est tout simplement inacceptable. Nous vous demandons instamment de recommander que le Parlement et le gouvernement comblent cette lacune.

Sukanya Pillay, directrice exécutive et avocate générale, Association canadienne des libertés civiles : Merci beaucoup. J'aimerais remercier mon collègue, M. Josh Paterson, et répéter que nous acceptons ses commentaires. Je tiens vraiment à remercier le comité et les honorables sénateurs de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des libertés civiles.

Depuis 1964, l'ACLC travaille pour la protection et la promotion des libertés civiles et fondamentales à l'échelle du Canada. Nous entretenons de graves préoccupations touchant les pratiques, les politiques et les efforts concertés de l'ASFC, sujet de l'audience de cet après-midi, et nous vous savons gré de nous donner l'occasion de vous présenter ces préoccupations.

Je vais parler très rapidement de cinq choses différentes. Premièrement, il y a la nécessité d'un examen indépendant, et je resterai brève, car M. Paterson a passé un certain moment à analyser la question en profondeur. Ensuite, j'aimerais parler des entrevues et de la prise de notes, ainsi que des questions des conditions de détention, des obstacles et de l'accès à la justice et de l'interdiction de territoire, toujours dans la perspective de la détention.

En ce qui concerne le besoin d'un examen indépendant, notre préoccupation primordiale tient à l'absence de tout type de mécanisme d'examen indépendant approprié. L'ASFC est un organisme qui jouit de vastes pouvoirs, y compris le pouvoir de faire respecter la loi. Les agents de l'ASFC peuvent arrêter, avec ou sans mandat, un résident permanent ou un étranger s'ils croient que la personne présente une menace pour la sécurité publique ou se trouve illégalement dans le pays. L'ASFC a également le pouvoir de détenir des étrangers et des résidents permanents, y compris les demandeurs d'asile. Comme on l'a mentionné, l'ASFC collabore aussi étroitement avec d'autres organismes, dont la GRC et le SCRS, afin d'échanger des renseignements sur lesquels peut se fonder l'ASFC au moment de déterminer qu'une personne pose une menace ou se trouve illégalement au pays.

À cet égard, nous ajoutons respectueusement, pour l'information du comité, que l'ASFC collabore avec des organismes étrangers relativement à la collecte et à la transmission d'informations, et que ses actes, comme, ses décisions, ses conclusions, ses enquêtes et ses soupçons, ont une incidence sur les personnes dans les limites de son territoire. Ces vastes pouvoirs de l'ASFC sont extrêmement intrusifs et coercitifs et peuvent entraîner des répercussions graves et néfastes sur la vie d'une personne. Nous croyons que ces pouvoirs doivent être assujettis à un examen indépendant qui vise à assurer qu'ils respectent les garanties constitutionnelles au Canada, ainsi que les obligations juridiques qui incombent au Canada sous le régime du droit international.

Comme l'a mentionné M. Paterson, le juge O'Connor a recommandé un mécanisme d'examen indépendant qui engloberait les plaintes, les enquêtes et l'examen résultant de sa propre initiative. Il a recommandé cela pour la GRC, et il a recommandé que le mécanisme permette aussi d'examiner les activités de l'ASFC, compte tenu de ses pouvoirs d'application de la loi et de ses pouvoirs d'arrestation, de détention, de renvoi, de collecte de renseignements de sécurité, et cetera. Nous partageons son avis. Nous avons déjà fait ces commentaires, et nous sommes vivement préoccupés du fait que, après toutes ces années, on n'a absolument pas bougé dans ce dossier.

Nous insistons aussi ici pour dire que le mécanisme d'examen indépendant devrait permettre un examen très minutieux des activités de collecte de renseignements de sécurité de l'ASFC. Nous sommes aussi préoccupés du fait que l'ASFC transmet de l'information qui a servi de fondement aux certificats de sécurité et nous croyons que l'examen du processus de collecte et d'échange de renseignements de sécurité est crucial. Cette information joue aussi un rôle important dans l'évaluation des demandes d'asile, ou pourrait le faire. Je peux vous donner un exemple pour illustrer cela plus tard.

Sur ce sujet, j'ajouterais que les pratiques et les détails associés à la transmission de renseignements de sécurité doivent également être soumis à un examen indépendant. Je répéterais ici qu'on recommande, entre autres, que l'ASFC ne transmette jamais d'information aux organismes étrangers non qualifiés et qu'elle a le devoir de s'assurer que tout renseignement qu'elle transmet serve réellement à des fins d'enquête. Il doit aussi y avoir des restrictions en ce qui concerne l'utilisation et la divulgation auprès des organismes intérieurs et étrangers.

Pour ce qui est de mon prochain sujet, je voudrais seulement ajouter que, lorsque des agents de l'ASFC mènent des enquêtes, il importe vraiment qu'ils prennent des notes réfléchies durant les entrevues et que celles-ci reflètent le contexte et soient impartiales. Nous disons cela, car ces notes peuvent constituer le fondement d'une audience de la CISR et d'autres procédures par la suite; donc sont un important élément de l'application régulière de la loi. Encore une fois, je peux vous fournir des exemples illustrant pourquoi nous jugeons cela important.

Des avocats nous ont parlé de leurs clients qui présentaient une demande d'asile. L'agent ne croyait pas le demandeur d'asile et, dans ses notes, a fait une déclaration différente, puis le réfugié apprend par la suite qu'il doit en fait se défendre contre les notes. Nous jugeons cela important.

Nous répétons avec respect ici que les demandeurs d'asile comptent parmi les personnes les plus vulnérables sur terre. Ils tentent d'échapper à la persécution et ne jouissent plus de la protection de leur pays d'attache. On ne devrait pas les traiter comme des fugitifs; leur demande d'asile devrait faire l'objet d'un traitement équitable.

Nous constatons également qu'il devrait y avoir des distinctions entre demandeurs d'asile et réfugiés de bonne foi, ainsi qu'entre demandeurs d'asile déboutés et ressortissants étrangers. Les réfugiés et les demandeurs d'asile appartiennent à une catégorie spéciale qui doit être protégée et ils ne devraient pas être assimilés à d'autres catégories, que ce soit celle des ressortissants étrangers, des passeurs de clandestins ou même d'autres immigrants, en pratique, dans les centres de détention et même dans les statistiques, d'ailleurs.

Nous proposons aussi que toutes les entrevues de l'ASFC soient filmées, compte tenu des graves répercussions pour la personne qui fait l'objet de cette entrevue.

En ce qui concerne la détention, nous soulignons que, aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, l'ASFC est responsable de la détention et des conditions de détention, même lorsque la personne est détenue dans un établissement correctionnel. L'ACLC est gravement préoccupée par le traitement des personnes détenues dans des centres de surveillance de l'immigration, en ce qui a trait, entre autres, aux clôtures de barbelés, à la séparation des familles, à la détention d'enfants, à la séparation des enfants d'un parent, parfois, ou du sinistre choix de faire détenir l'enfant loin des parents, à l'extérieur du centre de détention, dans un centre d'accueil. Vu le traumatisme d'un enfant qui vient tout juste d'être victime de persécution et de fuir la persécution, nous sommes très préoccupés de l'état de cet enfant lorsqu'il arrive au Canada et doit faire ces choix.

Nous sommes aussi préoccupés de la séparation de ces familles, lorsqu'un détenu est transféré à un autre établissement et doit quitter la communauté avec qui il vit.

J'ajouterais que l'ACLC entretient de graves préoccupations quant à l'état des établissements correctionnels qu'utilise l'ASFC à des fins de détention. Je suis certaine que le comité sait très bien qu'il y a eu une grève de la faim à la prison de Lindsay.

Une autre chose que j'aimerais faire valoir ici, c'est que l'ACLC expose depuis longtemps ses préoccupations liées à l'isolement des personnes incarcérées. Nous éprouvons de graves préoccupations en entendant que des demandeurs et d'autres détenus aux prises avec des problèmes de santé mentale ont été placés en isolement pour de longues périodes et n'ont pas reçu de soins de santé mentale adéquats ou n'y ont pas eu accès. Nous avons eu connaissance du cas dérangeant d'un homme interdit de territoire pour cause de criminalité. En détention, il a éprouvé de graves problèmes de santé mentale, et son état s'est détérioré au point où il était catatonique et consommait ses propres excréments. Il a fallu attendre six semaines avant qu'il soit transféré dans un hôpital psychiatrique, et une équipe d'avocats et un psychiatre ont dû l'aider à s'en sortir.

Encore deux points rapides, si vous le permettez. Au chapitre de la détention et des obstacles à l'accès à la justice, l'ACLC est préoccupée d'apprendre que des personnes sont détenues depuis des années en application de l'article 54 de la LIPR. À notre avis, une telle détention prolongée et indéfinie ne respecte pas les principes d'application régulière de la loi et d'habeas corpus. Nous croyons comprendre que bien des gens détenus en application de l'article 54 sont démunis et doivent recourir à l'aide juridique pour qu'on les représente. Or, le système juridique assure parfois une représentation à seulement un contrôle des motifs de détention, comme c'est le cas ici en Ontario, par exemple. Ainsi, le conseil ne se présentera qu'à un contrôle des motifs de détention; pourtant, les complexités du cas exigent plusieurs contrôles des motifs de détention. Dans de tels cas, nous croyons comprendre que le détenu a très peu de chance d'être libéré.

Nous sommes aussi préoccupés du fait que l'ASFC a transféré des personnes dans des établissements situés à une grande distance de leur conseil. Nous avons entendu des exemples de situation où le conseil est dans une ville et participe par téléconférence. La personne est dans un établissement correctionnel et participe par vidéoconférence. L'agent de l'ASFC et l'agent de la CISR sont dans une autre pièce, et le conseil ne peut pas entendre les réponses de son propre client. Nous sommes préoccupés du fait que de telles circonstances présentent un obstacle grave à l'accès à la justice.

La dernière question que j'aimerais aborder dans le cadre de mon exposé devant vous aujourd'hui touche le commentaire concernant l'examen et la surveillance, mais particulièrement le mécanisme d'examen indépendant. Aux termes du paragraphe 44(1) de la LIPR, un agent de l'ASFC, s'il estime que le résident permanent ou l'étranger est interdit de territoire, peut établir un rapport et l'envoyer au ministre, qui déterminera l'admissibilité. Nous croyons que cette mesure confère à l'agent un pouvoir discrétionnaire très large et qu'il devrait y avoir un examen pour assurer que ces demandes sont présentées de bonne foi, qu'il n'y a pas d'excès et qu'elles ne ciblent pas certaines personnes. Il y a également des préoccupations liées au pouvoir discrétionnaire relativement à l'application de conditions de détention prévues au paragraphe 44(3). La portée est très grande, puisque nombre des détenus aux termes de ces dispositions sont indigents et démunis.

Il n'y a pas de surveillance ni de mécanisme d'examen indépendant en place pour ces dispositions, et nous savons qu'un pouvoir discrétionnaire large est susceptible de faire l'objet d'excès et d'abus. Dans le cas présent, les processus excessifs peuvent faire en sorte qu'une personne soit ciblée pour des raisons douteuses et, bien sûr, l'incidence sur une personne menacée d'expulsion est immense. Si on considère cela dans l'ensemble, compte tenu des nombreux pouvoirs accordés à l'ASFC, dont celui que j'ai décrit au début, à savoir les activités de collecte et de transmission en toute liberté, le risque d'excès et de conséquences néfastes pour la personne est immense, et nous soulignons que ces activités doivent être sujettes à un examen. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup. J'aimerais commencer par poser deux questions, si vous le permettez, chers collègues. Tout d'abord, nous avons parlé de plaintes au sujet de l'agence et de l'agence. Avez-vous une idée du nombre de plaintes que reçoit l'agence chaque année?

M. Paterson : Merci, sénateur. À vrai dire, j'ai tenté de m'informer sur cette question en fin de semaine, et les rapports annuels de l'agence contiennent des données. Je sais que, par exemple, pour ce qui est des plaintes et des incidents entraînant des mesures disciplinaires — des types d'incidents contrevenant aux normes professionnelles — j'ai vu un chiffre avoisinant 60, je crois, puis il y avait différentes issues. Je n'ai pas vraiment de chiffre pour vous, monsieur, en ce qui concerne le nombre de plaintes générales présentées à l'ASFC par le grand public. Je peux parler un peu du mécanisme de traitement des plaintes.

Tout d'abord, il n'est pas très accessible. Si vous allez sur le site web, c'est une sorte de forum en ligne et d'adresse électronique, que j'ai oubliée, mais elle renvoie à quelque chose comme la direction des plaintes à l'ASFC. Ce n'est pas un point d'entrée particulièrement solide pour les plaintes.

Le délai de traitement que nous connaissons peut-être très long dans certaines circonstances. Pour vous donner seulement un exemple, si vous permettez, vous connaissez tous l'histoire du Sun Sea, les immigrants tamouls qui sont arrivés à Victoria et aux basses-terres continentales de la Colombie-Britannique. Nombre d'entre eux ont déposé des allégations de torture contre le gouvernement du Sri Lanka. Il y en a un en particulier, M. Sathi Aseervatham, qui a rédigé un affidavit confidentiel dans le cadre de sa demande d'asile. Il a été débouté. Lorsqu'il a été expulsé au Sri Lanka, les enquêteurs de l'unité antiterroriste là-bas l'ont appréhendé. Il a été interrogé à Colombo, en la présence d'agents de l'ASFC, au sujet de son affidavit décrivant la torture que lui avaient fait subir les autorités sri lankaises. Par la suite, il a été torturé de nouveau au Sri Lanka, et il l'a déclaré sous serment, dans un affidavit, après cette enquête. Ensuite, il est mort dans des circonstances mystérieuses.

Il y a une énorme question ici. Bien entendu, on en déduirait instinctivement qu'un représentant du gouvernement canadien a transmis l'affidavit, censé être confidentiel, au gouvernement même faisant l'objet des allégations. Ensuite, bien sûr, il s'est retrouvé à Colombo, dans le cadre de l'enquête.

Le Conseil canadien pour les réfugiés a déposé une plainte en octobre. Il n'a pas encore reçu de réponse. J'ignore s'il a reçu un accusé de réception, mais, en date d'aujourd'hui, il n'a reçu aucune véritable réponse. Il s'agit d'une plainte assez importante, et, fait intéressant, du même type d'échange d'information à l'origine des difficultés de l'affaire Maher Arar, qui ont entraîné la création de la commission d'enquête; pourtant, ces choses sont courantes, et ce n'est qu'un exemple. Je le mentionne, parce que quelqu'un a effectivement essayé de déposer une plainte à ce sujet, et nous n'avons absolument rien entendu depuis.

J'aimerais pouvoir vous donner des chiffres, mais je n'ai pas les chiffres exacts.

Le président : Je veux revenir sur le processus d'examen des plaintes. À l'instar du juge O'Connor, vous avez mentionné la mise en place d'un mécanisme fédéral. Paradoxalement, vous avez parlé des autorités provinciales et du processus d'examen des plaintes civiles. Seriez-vous satisfait, et les objectifs seraient-ils atteints si le gouvernement du Canada disait qu'il était disposé à conclure des ententes avec les différentes administrations provinciales ou municipales afin d'assumer cette responsabilité plutôt que d'établir un mécanisme fédéral?

M. Paterson : Merci; c'est une excellente question. En fait, je parlais de deux types de fonctions. D'une part, il y a le mécanisme public de traitement des plaintes et d'examen. D'autre part, il y a les enquêtes indépendantes immédiates sur le terrain, en cas d'incident grave ou critique, comme un préjudice grave, une agression sexuelle ou un décès en détention.

Pour cette deuxième catégorie, nous n'aurions aucune objection à ce que les organismes provinciaux en place, le cas échéant, concluent des ententes pour le faire, ce qui est déjà le cas pour la GRC en Colombie-Britannique et en Alberta. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'accrochages sur la façon dont fonctionnent ces organismes de temps à autre, par exemple, et je suis certaine que Mme Pillay en aurait long à dire au sujet de l'UES en Ontario si vous lui demandiez. Toutefois, nous croyons que c'est une solution raisonnable, car il n'est pas nécessaire de construire l'infrastructure, à tout le moins dans les provinces où elle existe déjà.

En ce qui concerne le mécanisme d'examen et de traitement des plaintes, le juge O'Connor a recommandé l'utilisation d'une version améliorée de la Commission des plaintes du public contre la GRC à cette fin. Encore une fois, je crois qu'il y aurait un certain intérêt à utiliser le mécanisme fédéral déjà en place plutôt que de recourir aux différents mécanismes de plaintes contre la police provinciale. Je peux voir pourquoi cela pourrait être attirant pour un gouvernement, du point de vue de l'efficience.

Cela ne veut pas dire, encore une fois, que nous n'entretenons aucune préoccupation quant à la façon dont cela fonctionne. En fait, l'organisation de Mme Pillay a un excellent mémoire portant sur les lacunes de la nouvelle commission des plaintes du public découlant des modifications de l'an dernier. Cela dit, malgré toutes ces critiques, il s'agit d'un organisme qui existe déjà. Il est sur le terrain, du personnel y travaille, et il est peut-être raisonnable d'y déposer les plaintes contre l'ASFC plutôt que de créer un organisme fédéral entièrement nouveau à partir de rien.

Le président : Madame Pillay, avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Pillay : J'approuve ce qu'a dit M. Paterson. Je répète que, en ce qui concerne nos préoccupations liées aux situations d'urgence sur le terrain, les mécanismes d'enquête provinciaux en place suffiraient. Toutefois, à la lumière des préoccupations prioritaires et systémiques que nous vous avons exposées aujourd'hui au sujet de l'ASFC, il est crucial de mettre en place un mécanisme d'examen complètement indépendant. Dans son rapport au sujet de tous les pouvoirs que détenaient l'ASFC et aussi la GRC et d'autres organismes, le juge O'Connor a fait valoir qu'il était vraiment important de ne pas simplement s'en remettre aux examens internes ou aux mécanismes de vérification internes. J'avancerais que cela doit être de compétence fédérale.

J'adhère au propos de M. Paterson, et je peux vous dire aussi que des plaintes ont été déposées à l'ACLC. Nous offrons un service de renseignement au public, et les gens nous appellent lorsqu'ils ont éprouvé des problèmes. J'aimerais dire deux choses à ce sujet. Premièrement, quelqu'un nous a téléphoné pour savoir quels étaient ses recours, parce que la personne avait éprouvé un problème avec l'ASFC, et la réponse que lui avait donnée l'ASFC lorsqu'elle lui avait téléphoné était : « Écrivez à votre député. » Pour nous, ce n'est tout simplement pas suffisant.

Deuxièmement, les statistiques relatives aux plaintes sont utiles. À l'instar de M. Paterson, je me suis aussi renseignée à ce sujet en fin de semaine et j'ai également consulté le rapport du HCNUR sur d'autres sujets, mais, en outre, je tiens à vous mettre en garde, vu que les statistiques existantes sur les plaintes ne reflètent pas nécessairement un résultat particulier, car les gens qui sont en danger ou victimes d'un préjudice ne sont peut-être pas dans une position pour déposer une plainte.

Il vaudrait vraiment la peine de mettre en place un type de mécanismes d'examen global pour l'ASFC, afin de commencer à recueillir ce type de données.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous deux d'avoir présenté des exposés stimulants et intéressants. Je trouve intéressant que vous partagiez tous les deux clairement le même avis : il devrait y avoir un mécanisme d'examen et un mécanisme d'enquête. Cependant, il est vrai que toute force policière majeure au Canada, si je ne m'abuse, à l'exception de la GRC, a en fait un organisme d'examen civil indépendant qui, dans bien des cas, voire tous, a des responsabilités administratives liées à l'établissement du budget et aux politiques de la police, et tout le reste.

Pourquoi n'êtes-vous pas allés jusqu'à recommander que cette fonction particulière soit confiée à un organisme de surveillance plutôt qu'à un simple organisme d'examen ou d'enquête?

M. Paterson : Il y a une conversation très intéressante à tenir à ce sujet. Je ne dirais pas nécessairement que l'association des libertés civiles de la Colombie-Britannique s'opposerait à l'introduction de ce type de responsabilités démocratiques directes à l'égard des fonctions de gestion globale, d'orientation générale et d'établissement de politiques de l'ASFC, ni, d'ailleurs, dans le cas de tout autre service de police qui n'en a pas.

Lorsque je présentais ma déclaration plus tôt, je me limitais simplement à la question précise que nous étudions ici avec vous aujourd'hui, qui est de savoir quelle est la marche à suivre lorsque surviennent ces problèmes. Toutefois, il y a probablement une conversation très intéressante à tenir à ce sujet.

Nous ne sommes pas nécessairement prêts à appuyer une remise en question de l'indépendance des autorités policières et ce genre de choses, et le juge O'Connor n'est pas allé jusque-là. On pourrait assurément tenir une conversation intéressante, et nous aimerions le faire, mais, pour les fins particulières de la séance d'aujourd'hui, qui visent à traiter de ces questions, ce problème particulier semble assez facile à régler. Les mécanismes sont là, tandis que, ce dont il est question exigerait en fait une intervention considérablement plus proactive touchant l'adoption de dispositions législatives et la création d'organismes et ce genre de choses.

Mme Pillay : J'aimerais me faire l'écho de ce que vient de dire M. Paterson et j'aimerais aussi dire que l'ASFC est un cas très distinct. L'ASFC a des pouvoirs d'application de la loi, mais ses agents ne sont pas tous des policiers ou ne disposent pas tous de ces pouvoirs d'application de la loi, et une grande partie des fonctions de l'ASFC sont exercées dans un contexte administratif où n'existent pas toutes les mesures de protection manifestes, ou encore, les activités peuvent être menées dans un contexte où les mesures de protection applicables en droit pénal ou dans un environnement d'application de la loi sont parfois contournées, ce qui est précisément notre préoccupation. Ainsi, nous croyons qu'il importe d'avoir un type d'examen systémique — et par « systémique », j'entends global — pour éviter les écarts d'une région à l'autre. Nous ne voyons pas d'objection à ce qu'on utilise les mécanismes provinciaux en place, lorsqu'ils peuvent aider, mais nous croyons qu'ils ne devraient pas remplacer un mécanisme fédéral.

Le sénateur Mitchell : Nous avons entendu, au fil du temps, un certain nombre de témoignages qui sont frappants pour la plupart d'entre nous, certes, pour moi et les Canadiens en général, selon lesquels il n'y a aucune mesure de suivi pour voir à ce que les travailleurs étrangers temporaires aient quitté le pays à la fin de leur période de séjour. Vous êtes- vous penché sur cette question? Le cas échéant, voyez-vous des enjeux particuliers, sur le plan des libertés civiles, ou des préoccupations générales à ce sujet, lorsque vient le temps de trouver ces personnes et de leur demander de partir?

M. Paterson : Cela devient une question d'application de la loi à l'intérieur du pays. Selon nous, les mêmes préoccupations en matière de liberté civile existent pour ce type d'activité, qui est une activité d'application de la loi, et pour toute autre activité d'application de la loi. L'an dernier — certains ici s'en souviennent peut-être —, l'émission de télévision à laquelle participait l'ASFC envoyait des équipes de tournage filmer des descentes d'agents d'application de loi à l'intérieur du pays dans des lieux de travail. Il y a eu une célèbre controverse, dans laquelle a plongé l'ALCCB, lorsque des agents ont fait irruption dans un lieu de travail avec une équipe de tournage, ont fait sortir les travailleurs, les ont interrogés et leur ont dit : « Bon, voici un formulaire de consentement. Auriez-vous l'obligeance de le signer pour pouvoir passer à notre émission télévisée? » Nous étions fermement d'avis que, bien sûr, cela contrevenait à de multiples droits. Ce n'était pas le genre de choses que nous voulions tolérer de la part des forces de l'ordre. Ce n'était pas vraiment une activité digne d'elles. Nous avons déposé une plainte à l'ASFC à ce sujet, et elle a cessé d'envoyer ses équipes de tournage lors des descentes d'agents d'application de la loi à l'intérieur du pays, ce qui est une bonne chose.

Pour répondre à votre question, l'ASFC a le droit de faire appliquer la loi au Canada, mais elle doit le faire dans les limites de la Constitution. Nous croyons que les mesures de protection normales devraient s'appliquer à ce type de descentes.

Lorsqu'un travailleur en situation régulière a excédé la durée d'un type de statut ici ou qu'un policier essaie de déterminer si quelqu'un a commis un crime, nous ne croyons pas qu'une personne devrait avoir moins de libertés civiles, lorsqu'elle interagit avec des agents d'application de la loi de l'ASFC, que lorsqu'elle interagit avec d'autres services de police.

Il y a une petite réserve ici : nous savons que, à la frontière, l'attente de respect de la vie privée est réduite, et l'ASFC a certains pouvoirs accrus; raison de plus pour améliorer la surveillance. Cela dit, nous croyons que les droits doivent être les mêmes, et je ne dis pas nécessairement que l'ASFC ne devrait pas pouvoir inspecter votre valise de façon aléatoire.

Le président : Je demanderais à nos témoins de donner des réponses un peu plus courtes, car le temps passe. Il reste encore quatre ou cinq sénateurs qui veulent poser des questions.

Mme Pillay : Comme c'est le cas, j'approuve les commentaires de M. Paterson. L'ACLC croit fermement que les mesures de protection constitutionnelles s'appliquent sans aucun doute à quiconque est assujetti aux pouvoirs de représentants canadiens.

Le sénateur White : Merci à tous les deux d'être venus. Ma question se rattache à la discussion sur la surveillance. J'ai été policier dans trois provinces et territoires et j'ai trouvé que les mesures de surveillance différaient beaucoup d'un endroit à l'autre. Je ne voudrais pas que les provinces surveillent un organisme fédéral, car les différences pourraient être assez marquées, par exemple, entre l'Ontario et la Saskatchewan.

Nous avons constamment parlé, dans les dernières semaines, de la transformation de l'ASFC. Vous avez tous deux parlé du fait qu'il s'agissait davantage d'un service de police disposant de plus de pouvoir d'application de la loi. Nous avons un service de police national. Pourquoi ne pas greffer l'ASFC à la GRC pour avoir immédiatement une fonction de surveillance? Nous n'entendrions plus de questions au sujet de l'absence des pouvoirs nécessaires pour faire la même chose qu'un policier, puis nous pourrions gérer les préoccupations liées à la surveillance par la même occasion.

M. Paterson : J'admets que j'ai un peu pris les devants de façon à ce que Mme Pillay n'ait autre chose à faire que d'acquiescer. Peut-être pourrions-nous inverser l'ordre pour qu'elle ait plus de temps pour répondre, et je pourrais être d'accord avec elle.

Le sénateur White : Ça serait fantastique. Merci beaucoup.

Mme Pillay : Il revient au gouvernement fédéral de décider comment structurer les organismes et agences. Dans la foulée des événements du 11 septembre, nous avons l'ASFC telle que nous la connaissons aujourd'hui. Si je comprends bien, et à la lumière du rapport du juge O'Connor, l'ASFC collabore étroitement avec la GRC, mais ses activités sont toujours très distinctes et c'est pourquoi elle fonctionne sous les auspices d'un organisme distinct. Elle mène des activités distinctes de celles de la GRC, bien qu'il y ait des chevauchements. Il serait tout à fait raisonnable que le mécanisme d'examen indépendant et le mécanisme de traitement des plaintes chargé de la surveillance de la GRC surveillent aussi l'ASFC.

Je réponds à votre question en proposant une solution que nous pourrions appliquer dans un avenir rapproché, j'espère.

Je ne voudrais prendre le temps de M. Paterson ou des sénateurs, mais c'est précisément à cause des écarts d'une région à l'autre et d'une province à l'autre que nous croyons qu'un mécanisme d'examen fédéral est nécessaire.

M. Paterson : Naturellement, j'adhère aux commentaires de ma collègue, mais je vais y ajouter. Au chapitre des libertés civiles, la question de savoir quelle force de police devrait le faire relève des politiques. À notre avis, il existe probablement beaucoup de raisons pratiques pour lesquelles on voudrait qu'un organisme distinct fasse cela. Nous sommes plutôt indifférents. Nous voulons qu'on crée une situation où les droits de la personne sont protégés le mieux possible et où les forces de l'ordre et leurs organismes d'examen jouissent de la plus grande confiance du public.

Quant à ce que j'ai dit à propos des différents organismes provinciaux, je veux qu'il n'y ait aucune ambiguïté : je parle d'enquêtes sur le terrain, immédiates et sur place, des enquêtes civiles indépendantes en cas d'incidents critiques. Nous ne sommes pas en faveur d'un organisme d'examen décousu. Nous pourrions nous accommoder d'organismes provinciaux pour le travail sur le terrain, parce que, d'un point de vue pratique, il n'est pas nécessaire d'envoyer quelqu'un d'Ottawa en Challenger dès que quelque chose ne tourne pas rond. Il y a des gens sur le terrain pour le faire dans les différentes provinces.

Le sénateur White : Je n'ai pas d'objection à cela. Je suis fortement en faveur de la surveillance et du travail sur le terrain. À l'exception de l'Ontario, qui a l'UES, et de la Colombie-Britannique, qui a de nouveaux pouvoirs et une nouvelle organisation, dans les autres provinces, la GRC enquête sur la GRC. Je conviens que cela pourrait fonctionner dans l'immédiat, mais j'hésite un peu à avancer que toutes les provinces seraient égales sous une organisation fédérale. Il est plus facile d'exercer une surveillance de l'enquête proprement dite à l'échelon fédéral. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Paterson : Bien sûr. Nous sommes d'accord pour dire qu'il y aurait des écarts dans certaines provinces. Il y a des solutions possibles, comme prévoir le recours à des organismes indépendants provenant des provinces avoisinantes.

Le sénateur White : Nous avons déjà cela.

M. Paterson : Faites-le alors. Il y a différentes façons de contourner le problème.

Le sénateur Campbell : Je n'ai pas de question, monsieur le président, car on y a déjà répondu. Merci beaucoup.

Le sénateur Day : J'ai quelques questions, mais elles ne sont pas exhaustives. Les spectateurs de l'audience seraient intéressés d'apprendre qui sont vos membres et comment vous êtes financés.

Voulez-vous commencer par la Colombie-Britannique, puis passer au Canada, ou voulez-vous commencer par le Canada, puis passer à l'ALCCB?

M. Paterson : Je suis ici. Du reste, nos réponses à cette question devraient être différentes, car nous représentons des organisations différentes.

Selon les chiffres les plus récents, nous comptons près de 2 000 membres. Nous avons beaucoup plus de partisans, c'est-à-dire des gens qui nous ont déclaré qu'ils appuyaient notre travail et nous ont fait des dons. Nous sommes financés d'un certain nombre de façons : nous dépendons des dons de nos membres; nous dépendons du financement de la Law Foundation of BC, qui nous fournit environ le tiers de notre budget — alors les dons sont d'environ un tiers et la fondation du droit est un autre tiers — et le reste est composé de différentes subventions que nous recevons parfois de fondations multiples pour notre travail dans le cadre de différents projets. Cela comprend un très petit montant relativement à notre budget — environ 5 p. 100 — qui provient du programme Community Gaming Grants dans la province de la Colombie-Britannique pour notre travail de sensibilisation et les services directs que nous offrons aux personnes.

Mme Pillay : L'ACLC compte plus de 6 000 membres provenant de tous les horizons. Nous travaillons aussi à l'échelon national. Nous sommes indépendants. Notre financement provient surtout de dons de membres particuliers ainsi que des subventions que nous recevons de fondations. Nous ne prenons pas l'argent du gouvernement. Nous avons accepté de l'argent de la Fondation du droit de l'Ontario et d'autres fondations juridiques et nous avons une division axée sur la sensibilisation — la Canadian Civil Liberties Education Trust, organisation caritative et notre division caritative qui s'attache à la sensibilisation du public.

Je dirais que nous sommes une organisation non gouvernementale, sans but lucratif et indépendante.

Le sénateur Day : Je voulais que vous confirmiez que vous n'êtes pas financés de façon significative par le gouvernement, de sorte que vous pouvez agir en toute indépendance et défendre les libertés civiles sans attaches au gouvernement. Vous venez de le confirmer.

Le président a eu la gentillesse de me permettre de poser une deuxième question, assortie d'un très bref préambule. Il s'agit d'une suggestion qu'a présentée plus tôt Mme Pillay, selon laquelle l'organisme dont nous parlons ici — la commission de traitement des plaintes — devrait également examiner la collecte et la transmission de renseignements de sécurité. Ce rôle me semble très différent. Il s'agit davantage d'un rôle de surveillance, qui s'apparente davantage au CSARS par rapport au SCRS, et il exige un degré de confidentialité qui n'est peut-être pas nécessaire pour un organisme de traitement des plaintes.

Êtes-vous convaincue que cela pourrait fonctionner pour un organisme d'examen et avez-vous tenté de déterminer s'il existe ici un rôle possible que pourrait jouer un organisme de surveillance qui relèverait du Parlement?

Mme Pillay : C'est une excellente question. Comme vous le savez sans doute, dans son rapport, le juge O'Connor a fait la distinction entre surveillance et examen, ce que vous venez de faire vous-même.

Néanmoins, lorsqu'il a recommandé ce mécanisme d'examen indépendant, il a ajouté que celui-ci pourrait traiter des plaintes en plus d'entreprendre des examens indépendants. À notre avis, compte tenu de l'importance des tâches à exécuter sur le plan des renseignements de sécurité, celles-ci ont éclairé les pratiques de l'ASFC, de toutes les manières que j'ai décrites dans ma déclaration préliminaire. Alors, ces pratiques devraient être assujetties à un examen et à une surveillance.

M. Paterson : Sénateur Day, j'aimerais ajouter qu'il y a un certain nombre de mécanismes qui permettraient de surveiller une foule d'activités liées à la sécurité nationale réalisées par une diversité d'agences. Certains pays utilisent un comité parlementaire. Je sais que cela est proposé ici même au Canada de temps en temps. D'autres pays utilisent d'autres mécanismes. C'est une discussion qui nous intéresse, et nous ne sommes soumis à aucune prescription précise.

Nous aimerions souligner — et il s'agit d'une critique qu'a aussi formulée l'Association canadienne des libertés civiles — qu'un tel mécanisme, y compris le mécanisme actuellement en place pour la GRC, doit vraiment être assorti du pouvoir de recueillir l'information, y compris les renseignements protégés par le secret professionnel et le privilège du Cabinet. Il peut y avoir des mécanismes leur permettant de mettre sous séquestre ces renseignements, au besoin.

L'un des principaux problèmes de l'organisme qui surveille ou contrôle actuellement la GRC, c'est qu'il est souvent incapable d'obtenir l'information nécessaire. C'est une situation que l'on rencontre partout au pays concernant différents organismes de surveillance des corps policiers. C'est vraiment une préoccupation pour nous.

En général, l'absence de ce que nous considérons comme une surveillance et un cadre de responsabilisation suffisants touchant les activités liées à la sécurité nationale est très préoccupante pour nous. C'est l'une des raisons pour lesquelles la ALCCB a intenté des poursuites contre le Centre de la sécurité des télécommunications Canada et a affirmé que les mécanismes en place étaient inconstitutionnels parce qu'il n'y avait aucun organisme de surveillance à part le commissaire, ce qui, selon nous, n'était pas adéquat.

Le sénateur Wells : Merci à nos témoins de nous aider à comprendre ce dossier. J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Day. Elle concerne l'accès à nos stratégies dont pourraient bénéficier ceux qui veulent tirer profit de notre système. De quelles mesures de protection les Canadiens — et, lorsque je dis « Canadiens », je parle des gens qui n'interjettent pas appel par le truchement de certains systèmes que vous recommandez — de quelle mesures de protection, donc, les Canadiens bénéficieraient-ils pour garantir le maintien des protections que l'ASFC fournit au Canada et aux Canadiens?

M. Paterson : Tout organisme du genre doit s'assurer qu'il a le pouvoir de rejeter les plaintes de nature futile ou vexatoire ou encore les plaintes déposées par des gens qui tentent de retarder les opérations du système. Nous ne serons jamais en faveur d'un organisme qui constitue uniquement une tribune pour les personnes qui ont des doléances non fondées. Il faudrait s'assurer de le faire de façon intelligente.

Je tiens à souligner, cependant, qu'on ne peut pas tout simplement dire qu'il ne devrait pas y avoir de régime de traitement des plaintes indépendant du tout, parce que nous ne voulons pas que ces organisations nuisibles puissent venir témoigner dans ce genre de dossiers. Selon nous, ce n'est pas la façon de faire. Il serait plus intelligent de s'assurer qu'on établit des critères, comme en ont établi de nombreux organismes, pour traiter rapidement les plaintes futiles.

Si votre question concerne davantage la protection des renseignements, et vous avez mentionné les stratégies et parlé de sécurité nationale, il faudra mettre en place de solides mesures de protection pour s'assurer que tous les renseignements fournis à ces organismes ne mettent pas en danger les agents sur le terrain et ce genre de question. Nous sommes très raisonnables en ce qui concerne toutes ces choses.

Mais cela ne peut pas justifier le fait d'accorder des droits de moindre qualité aux Canadiens qui déposent des plaintes. Il faut toujours trouver le juste équilibre dans ce genre de dossiers.

Le sénateur Wells : Merci. Je n'ai pas besoin d'entendre ce que Mme Pillay a à dire à ce sujet.

Le président : Chers collègues, il est presque 16 h 30. Sénateur Dagenais, votre nom figurait sur la liste, mais il nous reste seulement deux minutes. Pouvez-vous y aller rapidement, et nous obtiendrons ensuite une courte réponse si vous êtes d'accord?

Le sénateur Dagenais : Ma question est destinée à M. Paterson. Vous avez fait valoir que nous avons besoin d'une surveillance accrue de l'ASFC, surtout en ce qui concerne ses fonctions d'application de la loi. Pourquoi, selon vous, le processus actuel de surveillance n'est-il pas adéquat? Et que proposeriez-vous comme meilleur type de surveillance? Recommanderiez-vous la nomination d'un ombudsman ou un processus d'examen semblable à celui fourni par la Commission des plaintes du public contre la GRC?

M. Paterson : Merci beaucoup, sénateur Dagenais. Je dirai rapidement que des ombudsmans sont utilisés dans certains pays pour faire ce genre de choses auprès des services frontaliers. L'Australie et la Nouvelle-Zélande en sont deux exemples. Selon nous, la création d'un poste d'ombudsman pourrait être une bonne chose, mais ce n'est pas suffisant. Habituellement, une telle personne peut seulement formuler des recommandations. Elle n'a pas nécessairement beaucoup de pouvoir. Nous sommes donc beaucoup plus favorables au modèle de commission d'examen des plaintes, qui a plus de mordant, de pouvoir et de ressources pour gérer ce genre de choses.

Le président : J'aimerais remercier nos témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Nous avons un autre témoin qui comparaîtra par vidéoconférence. Encore une fois, merci d'être venus.

Nous poursuivons notre étude l'ASFC et de son rôle en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles. Nous sommes heureux d'accueillir notre dernier témoin de la journée, Martin Collacott, ancien ambassadeur et porte-parole du Centre pour une réforme des politiques d'immigration. Il a mené une brillante carrière au sein du ministère des Affaires étrangères du Canada. Parmi ses affectations, mentionnons le poste de directeur général des services de sécurité. À ce titre, il a été responsable de la coordination des politiques de lutte contre le terrorisme au niveau international. Il a été le membre sinophone de la délégation canadienne qui a aidé à tisser des liens diplomatiques avec la Chine, et a occupé le poste de haut-commissaire au Sri Lanka et celui d'ambassadeur en Syrie et au Liban. Dans ces postes, il avait d'importantes responsabilités en ce qui concerne la prestation des programmes d'immigration et de protection des réfugiés.

Bienvenue, monsieur Collacott. Nous croyons savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Nous avons une heure pour vous. Allez-y.

Martin Collacott, ancien ambassadeur et porte-parole du Centre pour une réforme des politiques d'immigration, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. Les questions dont vous discutez sont importantes pour le Canada, et ce, pour un certain nombre de raisons. L'une des caractéristiques essentielles d'un État souverain et indépendant, c'est sa capacité d'assurer un contrôle de ses frontières, de décider qui peut entrer sur son territoire et de s'assurer que ceux à qui on accorde un accès temporaire en tant que touristes, étudiants ou travailleurs étrangers temporaires quittent le pays au moment établi.

En outre, il convient de souligner que, parmi ceux qui sont le plus convaincus de cela, il y a des milliers de nouveaux Canadiens qui ont pris le temps qu'il fallait et qui se sont donné la peine de venir ici en toute légalité et qui n'apprécient pas que d'autres dépassent dans la file ou décident de rester ici illégalement.

Je suis tout particulièrement intéressé par l'importance des travaux de l'ASFC en raison des questions liées à la sécurité. Je vais commencer par aborder certains éléments précis, puis je vais formuler deux ou trois recommandations.

En ce qui concerne le contrôle de l'entrée au pays, le gouvernement a récemment mis en œuvre un certain nombre de mesures utiles — je crois que la plupart étaient appuyées par l'opposition — pour rendre le processus de délivrance des visas de résident temporaire plus efficient et plus économique. Parallèlement au Plan d'action Par-delà la frontière en collaboration avec les États-Unis, la communication d'information avec les États-Unis sur les personnes qui entrent dans les deux pays fournit une source d'information utile sur les personnes qui les quittent. Parmi les autres initiatives utiles, mentionnons l'introduction des exigences relativement aux étrangers de 30 pays différents, qui doivent fournir des données biométriques avec leur demande de visa de visiteur, de permis d'études et de permis de travail afin de confirmer que la personne qui présente une demande de visa est celle qui se présente au point d'entrée canadien. L'autorisation de voyage électronique, qui découle aussi de l'accord Par-delà la frontière, sera aussi un moyen utile d'accélérer l'entrée au Canada des étrangers actuellement dispensés de l'obligation d'obtenir un visa.

Cela dit, cependant, la situation reste loin d'être idéale.

Dans le chapitre 5 du Rapport de 2013 du vérificateur général du Canada intitulé Prévenir l'entrée illégale au Canada, il est indiqué que l'ASFC n'a pas toujours accès à l'information dont elle a besoin pour cibler efficacement les voyageurs à risque élevé. De plus, l'Agence a fait peu de progrès en ce qui concerne le suivi des avis de surveillance liés à l'immigration depuis la vérification de 2007, et elle n'assume toujours pas un contrôle de tous les avis de surveillance non respectés, et elle ne consigne pas non plus tous les résultats des examens lorsque les personnes visées par ces avis sont interceptées. Le rapport révèle que 8 p. 100 des cibles ont été ratées, ou que 5 p. 100 des avis de surveillance ont été ratés. En outre, — et cela est important — l'ASFC ne possède pas l'information dont elle a besoin pour savoir si elle protège mieux la frontière en réduisant le nombre de personnes qui entrent illégalement au pays.

Je vais laisser l'ASFC nous dire quelle a été l'incidence de cette limite, parce qu'elle n'a pas encore pleinement mis en œuvre les systèmes requis et qu'elle n'a pas les ressources nécessaires pour le faire. Un manque de ressources pourrait certainement être un facteur — et ce le sera de plus en plus — parce que l'effectif de l'Agence semble avoir été réduit de façon importante au cours des dernières années. Je constate, à ce sujet, que le président du Syndicat des douanes et de l'immigration, Jean-Pierre Fortin, a dit au comité lundi dernier qu'il a perdu environ 700 membres depuis la fin de 2011, ce qui semble sous-entendre une diminution correspondante du nombre d'employés de l'ASFC pouvant faire le travail.

Dans un autre domaine lié à la disponibilité des ressources nécessaires pour évaluer l'admissibilité des personnes qui entrent au Canada, nous avons aussi appris dans le rapport du vérificateur général de 2011 que très peu d'entrevues en personne sont réalisées par les agents des visas auprès des demandeurs de visa, et un sondage a révélé que 65 p. 100 des agents des visas ont déclaré que l'incapacité de valider les renseignements des demandeurs était un défi lorsqu'ils déterminent leur admissibilité. Près de la moitié des agents en sol canadien ont indiqué que, souvent, ils n'ont pas suffisamment de renseignements des demandeurs pour déterminer si ceux-ci doivent être interdits de territoire pour des raisons de sécurité.

De telles entrevues sont importantes pour un certain nombre de raisons. Une entrevue en personne permet à l'agent des visas canadien non seulement de mieux déterminer si un demandeur est susceptible de constituer une menace à la sécurité du Canada — s'il est susceptible, par exemple, d'avoir des idées extrémistes en contradiction avec les idées, les valeurs et les objectifs du Canada —, mais constitue aussi une occasion de fournir à un éventuel immigrant des renseignements contextuels importants et exacts sur ce à quoi il doit s'attendre en fait de débouchés et d'intégration au sein de la société canadienne.

Je vais vous donner un exemple de ce dernier aspect. Les membres du comité ont sans aucun doute entendu parler du dossier de Mohammad Shafia, un ressortissant d'Afghanistan qui a immigré au Canada avec sa famille en 2007. En 2012, lui, son épouse et son fils ont été condamnés à l'emprisonnement à perpétuité en raison des meurtres d'honneur de ses trois filles et de sa première épouse. Ils les ont assassinées parce que les filles persistaient à suivre les normes canadiennes dans le cadre de leurs interactions sociales et parce qu'elles se faisaient des petits amis, tandis que leurs parents insistaient pour qu'elles suivent les normes strictes qui auraient été en vigueur en Afghanistan.

Si les parents avaient été informés du fait qu'on ne peut tout simplement immigrer au Canada, en tirer tous les avantages, et, en même temps, s'attendre à vivre dans un cocon culturel selon les normes en vigueur dans le pays d'origine, M. Shafia et sa famille auraient peut-être décidé de rester où ils étaient plutôt que de déménager au Canada, et d'être maintenant soit décédés, soit en prison.

Une autre chose qui est un peu liée à cette question, c'est que j'ai remarqué qu'un des témoins qui a comparu ici lundi dernier a soulevé des préoccupations au sujet de l'intégration de la communauté musulmane au Canada, ce qui, je crois savoir, a surpris et même choqué certains membres du comité. Je ne vais pas aborder ces questions dans mon exposé actuel, mais je crois que cela est important et qu'il faut en discuter, et je serais prêt à formuler quelques commentaires à ce sujet durant la période des questions, si un membre veut me poser une question à ce sujet.

Ce ne sont pas les seules préoccupations que j'ai en ce qui concerne la question de l'accès à des ressources suffisantes pour s'assurer que les gens qui constituent un danger pour le Canada ne peuvent pas entrer sur notre territoire.

Le 29 mai 2006, le sous-directeur des Opérations du SCRS a dit au comité qu'au cours des trois années précédentes, environ 20 000 immigrants étaient entrés au Canada en provenance de la région du Pakistan et de l'Afghanistan qui, bien sûr, compte parmi les régions qui produisent le plus de terroristes du monde entier. Il a ajouté que l'organisation pouvait seulement évaluer le dixième de ces immigrants. Je ne sais pas si c'est encore le cas, mais, si ce l'est, nous exposons de plus en plus les Canadiens à des risques liés à la sécurité.

Revenons à la question des ressources. Le problème que nous avons actuellement, c'est que nous avons décidé de laisser entrer un grand nombre d'immigrants ainsi que de visiteurs, d'étudiants étrangers, de travailleurs temporaires et ainsi de suite, et que nous avons décidé de le faire à bon marché. Bon nombre des nouveaux arrivants viennent de régions du globe où il y a d'importantes préoccupations liées à la sécurité ainsi que des taux élevés de fraude, ce qui signifie qu'il faut affecter beaucoup de ressources pour confirmer l'authenticité des demandes et des documents à l'appui. Cela signifie aussi que bon nombre des demandeurs peuvent ne pas avoir un portrait réaliste de ce qui les attend au Canada.

Si le gouvernement n'est pas prêt à fournir les ressources nécessaires pour qu'on puisse rencontrer et évaluer comme il se doit les personnes qui peuvent entrer au pays, nous avons une solution de rechange. On peut réduire le nombre de personnes qui peuvent entrer ici, particulièrement les travailleurs étrangers, qu'ils soient temporaires ou permanents. Le fait est que nous n'avons pas besoin d'autant d'immigrants que nous en laissons entrer actuellement. Nos taux d'immigrants par habitant, qui sont parmi les plus élevés du monde, sont justifiés en grande partie par l'affirmation selon laquelle nous sommes confrontés à des pénuries de main-d'œuvre dramatiques. Des études réalisées par deux grandes banques au cours de la dernière année indiquent, cependant, que l'affirmation selon laquelle nous sommes confrontés à une telle crise est un mythe. Selon les études de ces banques, les pénuries actuelles et prévues sont normales, voire moins graves qu'elles ne l'étaient il y a quelques années.

De plus, le directeur parlementaire du budget a confirmé tout juste la semaine dernière que, même s'il y avait des poches de resserrement du marché du travail dans certains secteurs et certaines régions, le Canada n'est pas aux prises avec d'importantes pénuries de travail ni de compétences, contrairement à ce que certains intervenants du secteur privé, ainsi que divers ordres de gouvernement affirment.

Je comprends, cependant, que l'ordre du jour ne concerne pas une discussion au sujet du besoin d'accroître ou de diminuer l'immigration, même si c'est un sujet très important, mais porte plutôt sur ce qu'il faut faire pour mieux contrôler nos frontières afin de déterminer qui doit entrer et qui doit être renvoyé rapidement.

Je vais conclure en formulant deux recommandations précises. Premièrement, nous devrions mettre en place un système complet dans lequel nous pourrions consigner l'entrée et la sortie de tous les non-Canadiens. Un tel système est important pour plus d'une raison. Dans le cas des résidents permanents, nous devons savoir combien de temps ils passent au Canada afin de déterminer s'ils respectent les exigences en matière de résidence pour demander la citoyenneté.

Dans le cas des personnes admises temporairement, que ce soit des étudiants, des touristes ou des travailleurs, nous devons savoir s'ils quittent le pays à l'expiration de leur visa afin d'avoir une bonne idée des personnes qui restent ici illégalement.

Dans le cas des immigrants illégaux, non seulement nous ne savons pas combien il y en a actuellement, mais nous n'avons pas les ressources pour en retrouver une bonne partie, voire la majorité, afin de veiller à leur renvoi. Les estimations du nombre de personnes qui sont actuellement illégalement au Canada varient beaucoup, de plusieurs dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers de personnes.

Il y a bien sûr des personnes qui offrent un soutien à ces immigrants illégaux par sympathie. Par exemple, les conseils municipaux de Toronto et de Hamilton ont tous les deux déclaré être des villes sanctuaires et fournir des services publics aux immigrants illégaux. Cependant, leur sympathie est déplacée.

Si nous permettons à quelqu'un de rester au Canada, nous devrions nous assurer qu'il a tout à fait le droit d'être au pays afin qu'il puisse bénéficier de tous les privilèges et de tous les avantages qui accompagnent ce droit plutôt que d'encourager la création d'une sous-classe de citoyens et de les obliger à vivre avec leur famille dans l'ombre.

Lorsque le Toronto Star a publié un article sur la décision du conseil municipal de Toronto de déclarer Toronto ville sanctuaire en février, l'année dernière, il a prédit que le nombre d'immigrants illégaux allait exploser en 2015 lorsque bon nombre de travailleurs étrangers temporaires qui sont au pays en toute légalité allaient voir leur permis de travail de quatre ans arriver à échéance et allaient peut-être passer dans la clandestinité.

Plus nous laissons des gens rester ici illégalement, plus de personnes décideront de le faire et pire sera le problème, comme cela s'est produit aux États-Unis, qui sont dans un cul-de-sac politique depuis plusieurs années quant à savoir ce qu'il faut faire des quelque 11 ou 12 millions d'immigrants illégaux vivant dans ce pays.

La solution au problème des immigrants illégaux est de le tuer dans l'œuf, et c'est ma deuxième recommandation.

On peut prévenir la création d'une importante population d'immigrants illégaux en prenant un certain nombre de mesures, y compris en connaissant l'ampleur du problème grâce à des contrôles à l'entrée et à la sortie, en imposant des sanctions aux employeurs qui embauchent des immigrants illégaux, en trouvant et en renvoyant les immigrants illégaux le plus rapidement possible et en utilisant davantage la détention afin de s'assurer que les personnes devant être renvoyées ne disparaissent pas dans la nature.

Ces mesures sont coûteuses, mais elles seront très certainement rentables à long terme compte tenu de la possibilité que de plus en plus de personnes tenteront de rester illégalement au pays au détriment non seulement d'elles-mêmes, mais des membres de leur famille et des gens qui ont immigré ici légalement et dont les perspectives d'emploi et la rémunération seront minées par la disponibilité d'une main-d'œuvre bon marché, exploitable et illégale.

Voici donc mes deux recommandations : premièrement, mettre en place un système complet pour consigner l'entrée et la sortie de tous les étrangers; deuxièmement, prévenir la croissance de la population illégale au Canada. Cela exigera une importante augmentation des ressources de l'ASFC ainsi que d'autres organismes et ministères fédéraux, mais le fait reste que, au cours des prochaines années, nous pouvons nous attendre à des pressions accrues tandis que des personnes de régions plus pauvres de la planète tenteront de s'installer dans des pays plus riches comme le Canada. En outre, si nous n'assurons pas un contrôle des personnes qui viennent ici et de leur nombre, nous pouvons nous attendre à des problèmes plus graves à l'avenir.

Voilà pour mon exposé. Merci.

Le président : Merci, monsieur Collacott.

Chers collègues, je me demande si je peux être le premier à poser une question, qui concerne l'entrevue en personne avant qu'on permette à quelqu'un d'entrer au pays.

Vous avez dit qu'il faut beaucoup de ressources et beaucoup de temps, évidemment. Seriez-vous prêt à formuler des commentaires relativement à ce qu'a dit un témoin plus tôt aujourd'hui au sujet de l'augmentation du coût que doivent payer les personnes qui veulent venir au pays, de façon à ce que les coûts réels pour le ministère qui devra assumer ces responsabilités soient couverts par les frais payés par les immigrants plutôt qu'on ait à puiser dans les recettes générales. À votre connaissance, est-ce la méthode utilisée dans d'autres pays, compte tenu de votre expérience dans le cadre de vos carrières passées?

M. Collacott : Oui. Il y a par exemple l'arrangement en vertu duquel les gens de 30 pays peuvent fournir des données biométriques dans les centres de traitement des demandes de visa avant de venir ici. Il y en a plus d'une centaine dans le monde entier.

Il y a un coût à payer, et je crois que nous pouvons comparer ces coûts à ce que demandent d'autres pays pour des services semblables. Essentiellement, l'objectif est de couvrir les coûts de l'administration du test biométrique en tant que tel et d'offrir le service au point d'entrée.

Cela ne couvre pas tous les coûts. Même si les demandeurs peuvent trouver que cela coûte cher comparativement à ce qu'ils devaient payer avant, il faudrait tout de même mettre en place des installations à l'étranger, particulièrement là où nous réalisons des entrevues individuelles dont les coûts ne sont pas payés par le demandeur. Il faut des sous pour garder des employés canadiens et leur famille à l'étranger.

Alors oui, les coûts augmenteront pour les demandeurs, mais ces coûts seront loin de couvrir toutes les dépenses nécessaires pour maintenir des Canadiens à l'étranger pour réaliser les entrevues, entrevues qui devraient être plus nombreuses, pas moins nombreuses, selon moi. Avant, nous en faisions plus. Nous avons réduit les coûts, mais nous n'avons pas réduit le nombre de personnes à évaluer.

Le président : J'aimerais approfondir un peu la question liée aux entrevues en personne. C'est très intéressant d'entendre un certain nombre de témoins au cours des dernières semaines nous dire qu'un agent expérimenté peut tirer certaines conclusions au sujet d'une personne après seulement 30 secondes d'entrevue. Je trouve intéressant que quelqu'un puisse acquérir ce type de compétence.

J'aimerais revenir un peu plus loin à la question des personnes payées pour réaliser des entrevues à l'étranger. Vous recommandez que des Canadiens soient envoyés là-bas pour procéder aux entrevues plutôt que d'embaucher des travailleurs locaux?

M. Collacott : Oui, parfaitement. J'étais responsable, lorsque j'étais ambassadeur en Syrie, d'une section des visas composée de neuf agents canadiens, dont trois du Québec. Des travailleurs locaux peuvent s'acquitter d'une partie du traitement des demandes, mais il faut les rémunérer au taux en vigueur — un bon salaire, mais il s'agit en fait du taux en vigueur. On peut avoir des problèmes lorsque des travailleurs locaux subissent des pressions de membres de leur famille ou se font offrir des pots-de-vin. Nous avons eu de très bons travailleurs locaux dans la plupart de nos bureaux, mais certaines tâches doivent être effectuées par des agents canadiens si nous voulons nous assurer d'obtenir les bons renseignements. Il n'y a pas de raccourcis.

J'aimerais souligner que, parfois, on peut découvrir en 30 secondes si quelqu'un constitue un danger, mais, habituellement, il faut un peu plus de temps, surtout si on interagit avec un demandeur habile qui ne veut pas que vous sachiez quelles sont ses intentions.

Oui, parfois, quelques secondes suffisent, mais il faut souvent beaucoup plus de temps, surtout s'il faut déterminer si certains documents fournis sont de nature frauduleuse. C'est l'une des choses qui ralentit de beaucoup le processus. Ce n'est pas la question de l'entrevue, mais, dans certains pays, un pourcentage élevé des documents présentés sont frauduleux, et il faut passer du temps pour les détecter et essayer de déterminer qu'ils sont authentiques.

Le sénateur Mitchell : Merci. Je m'intéresse à la question des données biométriques. Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne et pourquoi cela devient la panacée comme certains l'affirment. Il est selon moi évident que c'est un moyen d'obtenir plus de renseignements sur quelqu'un qui présente une demande pour venir ici, et, à son arrivée, on peut s'assurer que c'est bien la bonne personne, parce que les données biométriques sont plus fiables que les autres types d'identification que l'on peut créer de toutes pièces. Mais cela ne règle pas le problème que nous avons, c'est-à-dire le fait que nous ne savons pas quels sont leurs antécédents. Cela peut régler le problème en ce sens que, par exemple, s'ils se font subtiliser leurs documents et que quelqu'un d'autre tente de les utiliser pour entrer au Canada, ce ne sera plus possible. Ai-je bien compris?

M. Collacott : De ce que j'en comprends, oui, je crois que c'est exact, sénateur. L'un des principaux objectifs, c'est de s'assurer que la personne à qui l'on a délivré un visa et dont la demande a été approuvée est la même personne qui entre au pays, parce qu'il y a eu bon nombre d'occasions où une personne obtenait un visa, et l'utilisait ensuite pour permettre à une autre personne d'entrer au pays. Cela ne permet pas nécessairement de régler tous les autres problèmes que vous avez mentionnés. Je crois que nous devons trouver une façon de régler aussi ces problèmes en profondeur.

Le sénateur Mitchell : Vous avez décrit de façon appropriée qu'il y a deux phases dans le cadre du traitement des travailleurs étrangers temporaires qui restent ici après l'expiration de leur visa. Premièrement, il faut savoir qui ils sont, et, deuxièmement, il faut les appréhender et les expulser. La deuxième étape semble être la plus complexe, la plus difficile et la plus coûteuse des deux, mais, à l'ère numérique, en quoi pourrait-il être difficile d'enregistrer le fait qu'une personne a utilisé son visa et son passeport dans notre système informatique à son arrivée? Je dois le faire chaque fois que je reviens. Puis, six mois plus tard, un avertissement s'afficherait parce que, la veille, la personne devait quitter le pays, mais son passeport n'a pas été balayé dans une machine lorsqu'elle quittait le pays. Pourquoi ne pourrait-on pas procéder ainsi? Ça me semble aller de soi, c'est quelque chose d'évident et de facile.

M. Collacott : C'est en grande partie en raison des ressources et de la technologie. Nous renforçons actuellement notre capacité d'effectuer un suivi des personnes qui entrent. La mise en place de dispositifs de consignation des sorties dans tous les points de sortie où ces personnes peuvent quitter le pays exigera un effort majeur. Les Américains s'efforcent encore de mettre leur système en place. Par conséquent, ce n'est pas une tâche facile, mais je crois que c'est très important.

Même si nous procédons à un contrôle des personnes qui quittent le pays, cela ne garantit tout de même pas absolument quoi que ce soit. Lorsque le nom de quelqu'un ne s'affiche pas lorsqu'il aurait dû quitter le pays, lorsque son visa arrive à expiration, cela ne garantit pas qu'il est au pays. Il a pu franchir la frontière illégalement, mais ces cas sont probablement peu nombreux. Si nous savons que quelqu'un avait un visa de visiteur de deux semaines et qu'il n'a pas fait balayer son passeport avant de quitter le pays, on peut être pas mal sûrs qu'il est encore au Canada. Cela ne signifie pas qu'il sera facile à trouver, et tenter de trouver toutes ces personnes sans indices peut prendre beaucoup de temps.

Je crois que l'une des choses que l'on devrait faire, c'est décourager, de diverses façons, les gens de rester au pays illégalement — les convaincre que ce ne sera tout simplement pas avantageux pour eux. Beaucoup de personnes qui viennent ici avec un visa de visiteur ou d'étudiant restent et trouvent un travail. Comme je l'ai mentionné, l'une des façons de décourager cette pratique est d'imposer des sanctions aux employeurs, comme on le fait maintenant aux États-Unis, lorsque ceux-ci embauchent une personne qui est au pays illégalement. Et il revient à la personne de prouver qu'elle est ici en toute légalité.

Ce n'est pas une question simple. Il faudra plusieurs techniques différentes pour contrôler le tout. Mais nous ne voulons pas nous retrouver avec un problème lié aux immigrants illégaux qui grandit de jour en jour, comme c'est le cas dans d'autres pays et aux États-Unis en particulier.

Le sénateur Wells : Merci, monsieur Collacott, de comparaître devant nous. Vous avez mentionné que le Canada fait peut-être les choses bon marché, et vous avez dit que nous pourrions peut-être changer deux ou trois politiques ou pratiques. Est-ce aussi simple que cela ou est-ce que l'ASFC — ou encore l'infrastructure canadienne qui protège nos frontières, y compris l'ASFC — est touchée par un problème structurel qui n'est pas simplement un problème d'argent ou un problème que l'on pourra régler en apportant de petites modifications aux politiques?

M. Collacott : Il y a probablement certains problèmes structurels, et je crois que ceux-ci ont été mentionnés de temps en temps par le vérificateur général. Je crois que des travaux ont été réalisés à cet égard. En toute franchise, je ne suis pas un expert et je ne sais pas vraiment s'il reste beaucoup de travail à cet égard. Mais je crois qu'il y a d'importantes données probantes selon lesquelles il y a un manque de ressources, qui est l'enjeu sur lequel je me concentre, parce que je le connais davantage.

Je crois qu'il y a des problèmes structurels que nous pourrions régler de façon à améliorer l'efficience de l'ensemble du système, mais je ne peux pas affirmer être un expert en la matière.

Le sénateur Wells : Merci beaucoup.

Le sénateur Dagenais : Merci. Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par le nombre de personnes au sujet desquelles on a émis des mandats de l'immigration et qui sont au pays même si elles sont visées par des mesures de renvoi?

M. Collacott : C'est préoccupant. Pour ce qui est de celles qui font l'objet d'une mesure de renvoi, nous ne savons pas quel pourcentage de l'ensemble elles représentent. Il y a peut-être beaucoup de personnes qui auraient aussi dû quitter le pays, mais qui ne font pas l'objet d'une mesure de renvoi. Nous savons, par exemple, si un demandeur d'asile dont la demande a été rejetée et qui doit quitter le pays ne se présente pas pour son audience. Nous sommes particulièrement préoccupés par les personnes qui font l'objet d'une mesure de renvoi et qui ont un casier judiciaire bien rempli.

Il y a des dizaines de milliers de personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi qui sont encore au pays. Nous devrions très certainement partir à leurs trousses si nous pouvons les trouver, mais elles ne sont qu'une partie du problème, parce qu'il y en a probablement beaucoup qui sont ici illégalement. Elles ne sont pas visées par une mesure de renvoi, et nous ne savons même pas combien elles sont.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur Collacott, pour votre exposé.

Pouvez-vous dire à nos téléspectateurs pourquoi, selon vous, les entrevues en personne avec un inspecteur sont si importantes? Nous avons discuté de la façon dont nous pouvions financer le processus et nous avons dit qu'il fallait plus d'employés. Pourquoi ces entrevues sont-elles si importantes? Je suis d'accord avec vous.

M. Collacott : De quel groupe parlez-vous, madame la sénatrice?

La sénatrice Beyak : Il y a une préoccupation générale selon laquelle il faut réaliser des entrevues en personne avec les gens qui veulent entrer au pays, et qu'il manque de ressources pour le faire. Vous nous avez dit de quelle façon on pourrait obtenir plus de fonds pour procéder aux entrevues, mais pourquoi trouvez-vous que ces entrevues en personne sont si importantes?

M. Collacott : Parce qu'il y a des choses que l'on peut apprendre et que l'on peut dire aux interviewers. Je pense principalement ici aux personnes qui veulent immigrer au Canada et y vivre en permanence. J'ai mentionné deux ou trois raisons. Nous pouvons déterminer si elles constituent une menace pour la sécurité et nous pouvons effectuer à une meilleure évaluation qu'en procédant simplement à un examen sur dossier dans le cadre duquel nous demandons aux autorités locales si la personne a un casier judiciaire.

De plus, je crois qu'il est important, particulièrement lorsqu'on accepte de grands nombres de personnes de régions du monde qui ont des traditions différentes et des valeurs différentes des nôtres, qu'on leur brosse un portrait réaliste de ce à quoi elles doivent s'attendre en immigrant au Canada. Nous les laissons apprendre par elles-mêmes ce qui est disponible en ligne, mais un bon agent des visas peut être très utile en disant à la personne ce à quoi elle doit s'attendre. Des personnes peuvent décider que le Canada n'est peut-être pas l'endroit pour elles, comme les Shafia auraient dû le faire plutôt que de venir ici.

Avant, nous réalisions des entrevues avec la plupart des gens qui étaient admis en tant qu'immigrants, particulièrement auprès de personnes qui venaient de régions du monde où les différences culturelles sont plus marquées, mais, essentiellement, nous avons tout simplement effectué des compressions pour économiser de l'argent. Les chiffres sont restés élevés. Je sais que tous les ordres de gouvernement doivent faire des économies, mais je crois que ce sont de fausses économies. Je ne crois pas que nous sommes justes ni pour l'immigrant ni pour nous-mêmes en ne procédant pas à ces entrevues, et, très souvent, les gens qui viennent ici se font des idées très différentes du Canada. Ils peuvent avoir des problèmes d'un genre ou d'un autre, ou nous causer des problèmes à nous. Je crois que ces entrevues en personne sont très importantes.

Le sénateur Day : J'aimerais que vous réfléchissiez, compte tenu de toute votre expérience, à l'appareil gouvernemental du point de vue de l'immigration. Nous avons créé il y a un certain temps l'Agence des services frontaliers du Canada, et l'agence n'existait probablement pas durant une bonne partie de votre carrière. Cela était-il une amélioration comparativement à ce qui était en place avant? Ou devrions-nous envisager de rajuster tout cela à nouveau afin que le travail puisse être fait de façon plus efficiente et plus efficace?

M. Collacott : L'agence n'existait pas durant ma carrière. Elle a été créée après le 11 septembre compte tenu de l'idée, j'imagine, que si une agence se concentrait précisément sur le contrôle des frontières et sur l'identification des personnes qui entrent et le renvoi des personnes ne devant pas être au pays, on pourrait améliorer les connaissances institutionnelles comparativement à miser uniquement sur une section de Citoyenneté et Immigration, comme on le faisait avant. Je ne sais pas si cela constitue une amélioration ou non. Une décision a été prise, et je crois que l'ASFC est plus en mesure d'acquérir l'expertise nécessaire dans ses domaines de responsabilité précis que ce n'était le cas sous l'égide de Citoyenneté et Immigration. Je n'ai pas vraiment un jugement général à porter, mais la création de l'agence semblait logique d'après ce que j'en comprends. Il y a parfois des questions de juridiction entre différents groupes et différentes agences et la mesure dans laquelle ils coopèrent d'assez près, mais ce sont des choses sur lesquelles on peut travailler. Il n'y a là rien d'insurmontable.

Le sénateur Day : Dans nos diverses ambassades à l'étranger, est-ce un représentant des services frontaliers qui est là maintenant ou un représentant de l'immigration, en plus du personnel de la GRC, qui aide à procéder aux évaluations au point d'entrée?

M. Collacott : Eh bien, il y a des agents des visas, très certainement. Il y a aussi, selon la région, des agents de la GRC et du SCRS qui assurent une liaison pour réaliser les vérifications de sécurité et les vérifications des casiers judiciaires — les antécédents.

Je crois que je le saurais s'il y avait des agents de l'ASFC à l'étranger. Je ne crois pas qu'il y en a, essentiellement, parce que leur mandat consiste à s'occuper de ce qui se produit lorsqu'une personne entre au pays.

Je peux me tromper à ce sujet, mais je présume qu'il ne devrait pas y avoir d'agents postés à l'étranger. Leur travail est très certainement fondé sur les renseignements qu'ils obtiennent des agents des visas et du SCRS et de la GRC.

Le sénateur Day : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Je crains simplement que nous soyons en train de compartimenter encore plus les choses. En ce qui concerne le point que vous avez fait valoir concernant le besoin de consacrer plus de ressources et de procéder à plus d'évaluations en personne des gens qui veulent venir ici, nous en sommes peut-être rendus au point où nous ne pouvons tout simplement plus le faire en raison du nombre de personnes qui veulent entrer au Canada et des divers compartiments que nous avons créés et qui rendent le travail moins efficace.

M. Collacott : Le terme « compartiment » donne à penser qu'ils travaillent chacun de leur côté. Même si on peut justifier le fait que diverses agences se concentrent sur des aspects précis de la question, je ne présumerais pas automatiquement que, parce qu'elles ont des mandats distincts, elles fonctionnent indépendamment. Elles doivent mettre en commun les renseignements et travailler de façon intégrée. Un bon système peut miser sur ces niveaux de spécialisation et de connaissance institutionnelle tout en coopérant bien avec d'autres agences. Ce n'est pas toujours le cas. Au départ, lorsque le SCRS a été mis sur pied, par exemple, il y avait de réels problèmes de communication relativement à certaines questions avec la GRC, comme dans le cas d'Air India. Il faut s'assurer que ce que vous décrivez comme étant des compartiments est éliminé et qu'on ne travaille pas en vase clos. Cependant, il y a suffisamment de domaines de spécialisation pour justifier le recours à différentes agences. Si ces agences deviennent vraiment expertes dans leur domaine et qu'elles coopèrent pleinement avec les autres agences, je ne crois pas qu'il y a de perte d'efficience ni de gaspillage de ressources.

Le président : M. Collacott, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez mentionné — les employeurs qui ont une responsabilité et la question de savoir s'il devrait être illégal d'embaucher des personnes qui se trouvent illégalement au pays. Avant d'y arriver, j'aimerais dire à mes collègues ici présents que, il n'y a pas si longtemps, j'ai lu un article au sujet d'une famille qui était entrée illégalement aux États-Unis. Ils étaient dans une ville. Ils avaient deux enfants. Pour mettre le tout en perspective, c'était un article déchirant. Ils ne pouvaient pas permettre à leurs enfants de sortir pour jouer parce qu'ils étaient illégaux, et les enfants auraient pu dire quelque chose aux voisins. On ne peut pas s'imaginer tout ce que ces gens ressentent en raison du fait qu'ils sont sans patrie dans un pays qu'ils jugent meilleur que le pays qu'ils ont quitté. Mais, en même temps, ils se sont mis eux-mêmes dans une situation et ils ont mis le pays dans une situation qui ne plaît à personne.

Parallèlement, il y a une politique d'immigration qui permet aux gens, dans une file d'attente, de suivre légalement le processus et à un nombre important de personnes d'entrer au pays sans passer devant les autres. Il y a cette question.

Pour revenir à — vous ne l'avez mentionné que brièvement — la question concernant l'employeur qui embauche une personne qui se trouve ici illégalement et qui, de bien des façons et à maintes occasions, j'en suis certain, l'exploite, à notre grand dam. N'est-ce pas une responsabilité provinciale si une telle loi entre en vigueur, ou s'agirait-il d'une mesure législative fédérale qui entrerait en vigueur en vue d'essayer de veiller à ce que ce type d'embauche n'ait pas lieu?

M. Collacott : Il s'agirait probablement, au départ, d'une mesure fédérale. Je ne suis pas assez expert en ce qui a trait aux responsabilités en matière d'emploi pour dire que les provinces ne seraient pas concernées. Très souvent, les gouvernements provinciaux jouent un grand rôle dans les questions d'immigration, notamment en ce qui concerne des choses comme l'aide sociale. Donc, tout ce que je dis, c'est qu'il faut qu'il y ait des règles que quelqu'un applique et administre. Encore une fois, quant à savoir si le gouvernement fédéral s'en occupera, je m'attends à ce que les provinces y participent, mais il faut qu'il y ait des règles réalistes qui sont appliquées, parce que, aux États-Unis, on a constaté que l'un des problèmes les plus importants liés à la présence continue d'immigrants illégaux, c'est que les gens les embauchent, puis les exploitent parce qu'ils sont vulnérables. Ils peuvent leur verser un salaire de misère et, parfois, ne pas les payer du tout.

Vous avez également raconté les histoires déchirantes de gens qui sont aux États-Unis depuis longtemps, particulièrement ceux qui y sont de façon illégale. Leurs enfants ont grandi là-bas, et parfois, ils ne parlent que l'anglais. Ils ne connaissent aucun autre pays. Ce sont des histoires vraiment tristes. Une des choses que les Américains auront à faire un jour, c'est trouver un arrangement avec les gens qui ont vécu la majeure partie de leur vie aux États- Unis et qui n'ont toujours pas de statut légal.

La vraie réponse à cela, c'est de ne pas laisser la situation évoluer davantage, de veiller à ce que les gens soient ici en toute légalité dès le début et qu'ils aient la pleine capacité juridique. À partir du moment où on laisse la situation évoluer et qu'on fait fi du problème des immigrants illégaux, il y aura davantage de gens qui viendront. Leur situation sera peut-être tout de même meilleure que celle qu'ils avaient dans leur pays d'origine, même s'ils sont exploités, mais, au bout du compte, il y aura toutes sortes de problèmes, y compris pour leurs enfants. Avant que cela ne devienne un problème de taille au Canada, faisons en sorte qu'il ne s'aggrave pas; essayons de l'éliminer comme s'il s'agissait d'un problème.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais poursuivre sur ce sujet. De façon générale, et je simplifie à outrance, il y a probablement deux catégories de travailleurs étrangers temporaires. La première comporte ceux qui travaillent dans le domaine de la restauration rapide, et peut-être que la pression n'est plus grande aujourd'hui, mais il y a vraiment eu une pression, selon ce que j'en comprends. Évidemment, j'en ai beaucoup entendu parler. L'autre catégorie, c'est celle des grandes industries. Je comprends le fait que les syndicats exigent un contrat à 28 $ l'heure et que l'industrie puisse embaucher des gens à 15 $ l'heure. Les entreprises annoncent un poste à 15 $ l'heure. Comme personne ne postule, elles contournent l'obstacle et peuvent embaucher quelqu'un à 15 $ l'heure.

Si vous dites qu'il n'y a vraiment pas de pénurie qui justifie l'embauche de travailleurs étrangers temporaires — et c'est certainement le cas dans cette catégorie, j'en conviens —, s'agit-il simplement d'un mécanisme visant à réduire les salaires et à exercer une pression sur les salaires demandés par les syndicats au Canada?

M. Collacott : Oui, en grande partie. Une pénurie de travailleurs, selon une définition, c'est une situation où les employeurs ne peuvent embaucher les gens qu'ils veulent aux salaires qu'ils sont prêts à payer. Maintenant, certaines des meilleures analyses révèlent que, s'il y a une pénurie de travailleurs, les salaires montent pour attirer ceux qui sont disponibles. Là où les gens ont besoin de formation, ils l'obtiennent. Par le passé, par exemple, nous disions que nous avions une pénurie de travailleurs dans certains secteurs et que c'était donc là que nous voulions des immigrants. Avant même que l'ensemble du système se rajuste, on avait réglé les pénuries de travailleurs de la façon que je viens de décrire. Les salaires ont augmenté et davantage de Canadiens ont accédé au marché du travail pour en profiter.

Lorsqu'on parle des travailleurs du secteur de la restauration rapide, les exploitants veulent garder les salaires à un bas niveau parce qu'il y a beaucoup de Canadiens au chômage, y compris les jeunes, mais qui veulent toucher, à tout le moins, un salaire décent. Vous allez empêcher ces salaires d'augmenter en faisant entrer beaucoup de gens de l'étranger. Ceux qui travaillent dans le domaine de la restauration rapide proviennent habituellement de pays plus pauvres et prévoient rester ici pour une durée indéterminée, s'ils le peuvent. C'est pourquoi nous aurons une hausse subite d'immigrants illégaux après 2015, lorsque le premier lot de contrats de quatre ans prendra fin, et nous aurons un problème.

Cela s'applique même parfois aux domaines plus spécialisés, qui ne sont pas prêts à établir les salaires en fonction du marché. Si les employeurs peuvent faire venir des gens et leur offrir un salaire inférieur à celui qu'ils offriraient à des Canadiens, pourquoi ne le feraient-ils pas? Il en va des résultats financiers. Est-ce bon pour les Canadiens, cependant? Essentiellement, ce que les deux études menées par des banques indiquaient, et ce que le directeur parlementaire du budget disait, c'est que nous avons suffisamment de gens au Canada, pourvu que nous utilisions des mesures incitatives adéquates et, bien sûr, que nous améliorions nos programmes d'apprentissage. Il y a beaucoup de travail à faire, mais nous n'avons aucune raison de continuer à accueillir des travailleurs étrangers alors que nous disposons déjà de suffisamment de ressources humaines. Nous n'avons qu'à nous organiser.

Le sénateur Mitchell : C'est un échec de la politique gouvernementale qui a entraîné cette aberration, et nous pourrions régler le problème simplement au moyen d'une meilleure administration.

M. Collacott : Certaines décisions politiques doivent être prises. Je vais être honnête avec vous. Fait intéressant, tous les partis politiques sont en faveur de niveaux d'immigration élevés pour une raison ou pour une autre, et ce, pour de nombreuses raisons. Personne ne veut aborder la question du nombre d'immigrants dont nous avons besoin. Notre groupe en particulier, le Centre pour une réforme des politiques d'immigration, tente de susciter des discussions et est non partisan. Nous n'appuyons aucun parti.

Nous avons vraiment besoin d'une discussion nationale. Nous avons besoin d'un programme du travail national global afin de tirer le maximum de notre population. Pensons à tous les jeunes qui sont sans emploi. Leurs taux de chômage sont deux fois plus élevés que ceux de la génération précédente, et beaucoup de leurs diplômes ne sont pas requis sur le marché du travail. Il y a toutes sortes de gens qui ont été mis à pied par l'industrie, puisque le secteur manufacturier est en déclin. Il y a beaucoup d'Autochtones qui souhaitent trouver du travail. Il y a les Canadiens âgés. Il y a toutes sortes de ressources humaines que nous n'utilisons pas pleinement, de même que des nouveaux arrivants qui ne peuvent pas trouver d'emploi lié à leurs compétences. Si nous faisions les choses de façon adéquate, nous n'aurions vraiment pas besoin de l'immigration massive actuelle.

Nous devrions y penser, mais aucun parti politique n'est prêt à prendre le taureau par les cornes. Ce qui se produit en Europe, c'est que des partis de la droite extrémiste se forment parce que les partis politiques traditionnels n'abordent pas ces questions, qui préoccupent les gens. La plupart des Canadiens sont en faveur de l'immigration. Mes parents sont des immigrants de l'Angleterre, mon épouse est une immigrante de l'Asie, et je suis en faveur de l'immigration. Cependant, cela ne signifie pas que nous nous y prenons de la bonne façon, et je pense qu'il y a des arguments valables selon lesquels nous accueillons beaucoup trop de gens aujourd'hui et que nous n'utilisons pas de façon suffisamment adéquate la population actuelle.

Aucun parti politique n'est prêt à aborder cette question, malheureusement.

Le président : Monsieur Collacott, j'aimerais vous remercier d'être venu aujourd'hui. Manifestement, vous êtes pour nous une mine d'informations, étant donné la carrière que vous avez eue et les endroits où vous êtes allé au cours des dernières années. Peut-être que vous êtes quelqu'un vers qui le gouvernement devrait se tourner pour obtenir des conseils à l'égard non seulement du passé, mais également de l'avenir à long terme.

Nous prenons bonne note de votre point concernant la question de l'emploi et du chômage. Je me demande pourquoi, lorsqu'on voit un taux de chômage de 6 ou 7 p. 100 et que, en même temps, on accueille des gens afin qu'ils occupent ces emplois au Canada, il ne s'agit pas nécessairement d'emplois spécialisés, et nous payons des gens pour être au chômage, tout comme des Canadiens.

Notre étude a pour objectif d'examiner la situation en ce qui concerne l'ASFC, et nous apprécions vos conseils judicieux. Je suis certain que nous prendrons vos commentaires en considération. Par conséquent, nous aimerions vous remercier.

Chers collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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