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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 15 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude de ce projet de loi et en faire l’étude article par article.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Kelvin Ogilvie. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. J’invite mes collègues à se présenter.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, de Grandville, Québec.

[Traduction]

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Raine : Je suis la sénatrice Nancy Greene Raine. Je viens de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues. Je rappelle à tous que nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l’hymne national (genre). Le projet de loi propose de modifier l’hymne national afin de remplacer les mots « thy sons » par les mots « of us » dans la version anglaise de l’hymne national pour éliminer de celui-ci toute distinction de genre.

Le projet de loi C-210 ne propose aucune modification à la version française de l’hymne national, puisqu’elle est déjà considérée neutre.

Ce matin, nous avons le grand plaisir de recevoir à titre de témoins Chris Champion, rédacteur de The Dorchester Review, ainsi que Stephen Simpson, qui comparaît ici à titre personnel.

Je les invite à nous présenter leurs exposés, qui seront suivis par la période habituelle de questions de mes collègues.

Nous appliquerons la formule d’une question par tour pour commencer, et je demanderai à M. Champion de briser la glace.

Chris Champion, rédacteur, The Dorchester Review, à titre personnel : Eh bien, je croyais que dans cette chambre aristocratique, le descendant biologique de l’auteur du poème aurait la parole en premier.

La sénatrice Nancy Ruth : Ce n’est pas nous qui décidons des règles.

M. Champion : Non, en effet.

Je suis rédacteur en chef du périodique bisannuel historique The Dorchester Review, une revue unique en son genre au Canada, puisqu’elle publie des commentaires historiques, ce qui nous distingue de tout autre périodique d’histoire. Nous avons environ 1 000 lecteurs éparpillés dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada, et l’année 2017 sera notre septième année de publication.

Honorables sénateurs, la Chambre des communes a voté précipitamment, selon moi, en faveur d’une modification de l’hymne national. Ses paroles officielles ont été adoptées en 1980 et n’ont pas été changées depuis.

Ces mots sont désormais familiers à des millions de Canadiens depuis trois générations. Quand je l’ai mémorisé à l’école primaire, nous chantions encore « God Save the Queen » en assemblée, donc les générations X, Y et Z ont toutes grandi avec le « O Canada… in all thy sons command ». Bien sûr, les générations précédentes connaissent elles aussi cette version.

La sénatrice Poy avait dit, quand elle avait proposé ce changement il y a des années : « l’amendement que je propose… est mineur. »

Or, il n’est pas facile d’imprimer un hymne national dans la mémoire de 30 millions de personnes. Ce ne sera pas plus facile si on le modifie. Je présume que ce ne sera pas la dernière fois, pas plus que ce n’est la première; ce ne sera pas la dernière fois qu’on le modifiera parce qu’en le modifiant une première fois, on enverra le message qu’on peut le modifier encore et encore.

Honorables sénateurs, les traditions sont fragiles. Wittgenstein comparait le rétablissement d’une tradition à la reconstruction d’une toile d’araignée. La petite toile est parfaite et résiliente, jusqu’à ce qu’on la brise une première fois. Il suffit d’en briser un seul fil pour que l’ensemble se désagrège. Ne devrions-nous pas renforcer nos traditions plutôt que de les affaiblir?

[Français]

La France a un hymne national qui existe depuis 200 ans. Comme vous le savez peut-être, La Marseillaise est extrêmement violent, sanguinaire, sexiste, vengeur, xénophobe et raciste. Cet hymne est à ce point politiquement incorrect qu’une ancienne ministre de la Justice a annoncé qu'elle refuserait de le chanter. Cependant, il n'y a pas de débat en France sur la modification des paroles officielles. Elles resteront les mêmes. Les Français savent que, si on modifie un texte classique, on perd la tradition, on perd la culture. Donc, il ne faut pas modifier cet hymne. La Marseillaise est enseigné aux enfants dès l'âge de six ans dans les écoles publiques en France.

[Traduction]

Je vous demande donc : les mots « in all thy sons command » sont-ils vraiment si offensants? Sont-ils vraiment discriminatoires? Excluent-ils vraiment des gens?

J’ai regardé le sondage mené par Mainstreet Research, celui qui montre qu’il y a une majorité de personnes en faveur de ce changement, et j’en trouve la méthodologie assez manipulatrice. Après une série de questions tendancieuses comme « Saviez-vous que l’hymne national a été modifié en 1913? », « Saviez-vous que le poème original contenait le mot « us »? », il demande quelle serait la formule la plus appropriée. Je trouve cette façon de faire manipulatrice.

Le sondage n’expose pas clairement que c’est la première fois que l’hymne national serait modifié depuis son adoption officielle. Je suis d’avis que cet hymne est déjà inclusif si on l’interprète dans le contexte de notre tradition littéraire.

Dans la littérature anglaise de l’époque de Shakespeare et dans la version autorisée de la Bible, comme dans les hymnes que tous les Canadiens ont connus, les mots « sons » renvoient souvent à la fois aux hommes et aux femmes. Combien de personnes, au cours des 100 dernières années, se sont vraiment senties outrées par cette formulation?

Les premiers vers de l’oratorio de Handel, Joshua, sont : « Ye sons of Israel, ev'ry tribe attend. Let grateful songs and hymns to Heav'n ascend! » Le mot « sons » ici, renvoie à toute la population d’Israël.

Dans la prophétie de Saint Malachie, le sauveur arrivera : « For I am the Lord, I change not; therefore ye sons of Jacob are not consumed. » « Ye sons of Jacob » renvoie alors à tous ceux et celles qui attendent avec espoir.

La version anglaise du psaume 4 commence par les mots « O ye sons of men ». Quand Saint Paul commence ses épîtres avec les mots « Fratres », « brothers », il inclut évidemment les deux sexes, d’où la traduction qu’on voit parfois « brothers and sisters ».

Les générations précédentes de Canadiens apprenaient ces classiques. Ils faisaient partie de notre mythologie nationale, de notre patrimoine culturel, il était donc commun que le mot « sons » inclue tout le monde, et c’était bien compris.

On dirait que les gens d’aujourd’hui ne le comprennent pas, et parce qu’ils ne le comprennent pas, ils veulent changer les paroles. Saint François d’Assise disait pourtant : « Cherchez d’abord à comprendre. »

Honorables sénateurs, compte tenu de la riche tradition d’où nous venons, il se peut que ni l’une ni l’autre des deux versions de l’hymne national n’ait de mérite poétique hors du commun, mais la formulation « in all of us » est vraiment insipide.

J’ai fait une petite recherche littéraire, et je n’ai trouvé qu’une occurrence de l’expression « in all of us », et c’était dans la note de suicide du chanteur grunge Kurt Cobain.

Bien sûr, si nous commençons à le rafistoler ici et là, nous risquons de transformer l’hymne national en un document en perpétuelle mutation. Il pourrait falloir concevoir une cérémonie pour le dépôt du projet de loi annuel de modification du Ô Canada au Sénat.

L’égalité des hommes et des femmes est importante, mais que cette modification permettra-t-elle vraiment d’accomplir? En fait, rien du tout. Nous sommes en train d’éroder un peu notre mémoire collective, en traitant l’hymne national comme un essai universitaire à réviser à volonté en fonction des aléas de la rectitude politique.

Enfin, j’aimerais demander aux honorables sénateurs de réfléchir à ceci : pourquoi les députés ont-ils pris l’initiative de récrire notre poésie nationale? Qu’est-ce qui a bien pu donner aux parlementaires de l’autre chambre le don littéraire nécessaire pour écrire des vers au nom du peuple canadien? Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre devrait-il récrire les chansons de Leonard Cohen? Le Comité mixte d’examen de la réglementation devrait-il retoucher les sculptures et les tableaux de l’édifice du Centre? Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires devrait-il recouler les bronzes de la Colline du Parlement?

Nous savons que Margaret Atwood a officiellement appuyé la modification, mais ce ne sont pas toutes les femmes qui l’appuient dans la sphère publique. La chroniqueuse de la revue Maclean's Emma Teitel s’oppose à ce changement, en affirmant qu’il s’agit d’une solution en quête d’un problème, d’un geste vide.

Candice Malcolm, auteure à succès sur amazon.ca, qui a écrit Generation Screwed, qualifie ce changement d’« insulte aux femmes ».

Le sondage mené par Forum Research en juillet dernier révèle que 65 p. 100 des répondants sont contre cette modification, dont 45 p. 100 des femmes.

Enfin, combien de Canadiens la Chambre a-t-elle consultés? A-t-elle consulté la League of Canadian Poets? A-t-elle consulté la Writers Union of Canada? A-t-elle consulté l’Association des auteurs-compositeurs canadiens? A-t-elle consulté le poète officiel du Parlement, Elliott Clarke?

Je serais porté à croire qu’ils seraient tous en faveur de ce changement. Je ne le sais pas, ils seraient probablement pour, mais on ne leur a jamais posé la question. Ils aimeraient bien qu’on la leur pose. Mais même s’ils l’appuyaient, ils ne représenteraient encore qu’une élite littéraire et non le point de vue de la plupart des Canadiens.

En somme, honorables sénateurs, l’« Ô Canada » est assez vieux; il est bien établi; il est inclusif dans sa forme actuelle; il fait désormais partie de qui nous sommes. S’il y a des gens qui ne comprennent pas l’usage de la langue, nous devrions déployer plus d’efforts pour transmettre nos propres traditions plutôt que de changer des mots à tort et à travers.

Faut-il vraiment brandir un sabre digne de Procuste contre ce voyageur de l’antiquité? Merci.

Stephen Simpson, à titre personnel : Je tiens à féliciter mon compagnon de son magnifique discours très érudit. Je suis heureux d’aborder la question sous un angle quelque peu différent, mais je ne saurais être plus d’accord avec ce qu’il avait à dire.

Je discuterai de la chose avec ma famille. Nous en parlons depuis déjà très, très longtemps. J’ai eu une conversation avec mon cousin de Terre-Neuve, qui m’a envoyé un courriel, un jour, par lequel il me disait :

Si le sens spirituel du « Ô Canada » qu’on retrouve dans les mots anglais « we stand on guard for thee » retrouvait toute sa grandeur, sa relation naturelle avec le respect traditionnel des premiers peuples et de la terre, contrairement aux judéo-chrétiens « God keep our land » qui ont été introduits en 2002, la question du genre ne se poserait presque pas.

En 1908, le juge a écrit le troisième vers du premier couplet en anglais, « true patriot love thou dost in us command ». Clairement, c’est le Canada, ou plus précisément « the spirit of our land » qui mérite notre « true patriot love » en échange de sa bonté. C’est le sens spirituel et politique sous-entendu. Il peut également être interprété comme un appel à l’action : grâce à notre amour et à notre souci de la terre, nous bénéficierons de son pouvoir d’assurer notre subsistance et de ses ressources. Tout manquement à ce devoir nous voue au péril ultime.

Nous, les membres du clan Weir, voyons le « Ô Canada » comme un texte poétique à ne pas toucher. Le problème auquel nous étions confrontés, en 2002, c’est que depuis plus de 80 ans, l’éditeur Gordon V. Thompson publiait la mauvaise version de l’hymne, soit une version précédente qui comptait les cinq répétitions litigieuses de « stand on guard », que critiquaient à juste titre les ministres libéraux de l’époque.

Le problème aurait dû être résolu il y a longtemps, mais en raison de contraintes liées aux droits d’auteur et parce que le juge est décédé en 1926, la famille s’est trouvée impuissante. Seul le Parlement, avec le renoncement aux droits de propriété, pouvait en changer les paroles, mais les députés ne le savaient pas, ne s’en préoccupaient pas ou ne voulaient pas écouter nos protestations. Il y avait un enjeu populaire, ils voulaient le poursuivre pour en tirer profit. Il en a résulté les mots que nous connaissons aujourd’hui.

Depuis peu, il semble que certaines personnes considèrent le vers « true patriot love in all thy sons command » sexiste et offensant. Cela n’a rien à voir avec le pouvoir politique et tout à voir avec le service rendu à notre pays. Il n’y a pas du tout de distinction de genre ici. Ce vers servait à remplacer l’original archaïque de 1908 « in us thou thus command ». On parle ici de l’appel de la terre, de l’esprit de la terre, comme toutes nos Premières Nations le comprendraient, qui commandent « our true patriot love ».

Je vais vous lire la version finale de mon grand-père, telle qu’elle a été présentée aux Canadian Clubs en 1921, et qui avait reçu une réponse enthousiaste. Pour quelque raison inexplicable, cette version finale n’est jamais parvenue entre les mains de l’éditeur et du coup, elle n’a jamais vu le jour. C’est ce que je souhaite rectifier aujourd’hui. Je vais vous lire l’original, pas que nous ne le connaissions pas. C’est la seule version que mes compatriotes d’école et moi n’avons jamais connue :

O Canada! Our Home and Native Land!

True patriot love in all thy sons command,

With glowing hearts we see thee rise,

The True North strong and free,

And stand on guard, O Canada,

We stand on guard for thee.

La strophe se finit sur ces vers, puis on enchaîne avec le refrain :

O Canada, glorious and free!

O Canada, we stand on guard for thee!

O Canada, we stand on guard for thee!

Ainsi, le refrain fait le lien avec la première strophe, et la répétition est nécessaire puisque c’est l’introduction au concept du premier R. Stanley Weir.

C’est tout, simplement. Plus de « from far and wide », plus de mention de Dieu, qui « keep our land, glorious and free », qui retirait aux Canadiens leurs devoirs et responsabilités envers le pays. Le fait de confier ce rôle à Dieu constitue une rupture poétique. C’est le résultat d’une ingérence du gouvernement peu après que ma famille nous ait légué les droits à l’égard de cet hymne. Il faut se méfier des politiciens lorsqu’ils prennent la plume.

La véritable ironie, c’est que la responsabilité de garder « our True North strong and free » a été retirée à tous les Canadiens par décision parlementaire et confiée à un dieu, le père historique de tous les misogynes.

Je suis venu ici aujourd’hui pour rétablir les faits, confiant que la véritable version anglaise du « O Canada » de Weir mise en veilleuse depuis si longtemps, voie enfin le jour et devienne notre véritable hymne national de plein droit.

Cette version finale de Weir, qui date d’environ 1921, a l’avantage de la simplicité. Elle ne contient aucun nouveau mot à apprendre. C’est une œuvre finale polie qui a été perfectionnée au fil du temps par un éminent juge, universitaire, écrivain et poète. Ce devrait être son héritage ultime.

Merci beaucoup.

Le président : Je vous remercie infiniment tous les deux. Je donnerai maintenant la parole à mes collègues. Je rappelle à tous que cette séance doit se terminer au plus tard à 10 h 30. Chaque intervenant pourra poser une question par tour, et nous commencerons par le sénateur Eggleton, qui sera suivi par la sénatrice Stewart Olsen.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Simpson, vous avez qualifié d’archaïque la version originale de 1908 et les mots « in us thou dost command ». Je viens d’entendre M. Champion nous dire que nous devrions respecter le libellé original, le poème d’origine, puisque c’est le poème d’origine.

M. Simpson : Je suis tout à fait d’accord.

Le sénateur Eggleton : Mais vous l’avez qualifié d’archaïque. Pourquoi a-t-il été modifié en 1913 ou en 1914?

M. Simpson : C’était l’œuvre du juge.

Le sénateur Eggleton : En quelle année était-ce, soit dit en passant?

M. Simpson : Il l’a révisée à maintes reprises au fil du temps, et je ne sais pas à quand cette version remonte, mais je pense que seule la version de 1908 contenait les mots « thou dost in us command ». En 1917, et après la Première Guerre mondiale, la version « all our sons command » a gagné en popularité. Comme Shakespeare le disait, cela ne coule pas de source. C’était difficile à prononcer. La nouvelle version était plus euphonique, plus raffinée.

Le sénateur Eggleton : J’essaie d’en comprendre la justification. Était-ce à cause de la Première Guerre mondiale?

M. Simpson : Non, parce qu’il mentionne que c’est là où les mots « stand on guard » sont apparus. Ils n’ont rien à voir avec la guerre ou la défense. Il s’agit de nous prémunir contre les forces insidieuses qui pourraient faire rage dans nos propres foyers.

Le sénateur Eggleton : Il a donc remplacé les mots « in us command » par « thy sons command »?

M. Simpson : Non. C’était par rapport à « stand on guard ».

Le sénateur Eggleton : Il y a deux mots qu’il est question de changer ici : « thy sons ». Ce changement a-t-il ou non été apporté à cause de la Première Guerre mondiale?

M. Simpson : Non.

Le sénateur Eggleton : Très bien. Je vous remercie.

M. Simpson : Nous ne nous opposons pas à cela non plus, la famille.

La sénatrice Petitclerc : J’ai lu votre témoignage du 2 juin devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Vous aviez dit alors que beaucoup de personnes ne comprenaient pas ces mots aujourd’hui et que c’est pourquoi elles voulaient modifier la version anglaise de l’hymne national.

Je comprends qu’il y a un usage historique, mais j’ai choisi d’appuyer le projet de loi C-210, comme beaucoup d’hommes, de femmes, d’intellectuels et d’artistes, à titre d’ancienne athlète paralympique moi-même, comme bien des vieux et des jeunes. Prétendez-vous que ceux et celles qui appuient le projet de loi C-210 sont mal informés? Vous avez utilisé les mots « peu instruits », que je ne comprends pas tout à fait. Que voulez-vous dire sur ceux qui appuient le projet de loi C-210?

M. Champion : Je pense que c’est une question d’influence, d’éducation et d’acculturation. Quel genre de culture vous a-t-on donnée quand vous étiez jeune? Quel type d’influence s’exerçait sur votre éducation? De manière générale, il est tout à fait légitime d’avoir des divergences d’opinions, bien sûr, mais si c’est le manque d’exposition de tout un chacun à la tradition poétique de notre culture qui justifie ce changement, je pense que cela affaiblit un peu la justification. Par exemple, je pense qu’il serait présomptueux pour un groupe d’anglophones peu exposés à la culture francophone de proposer un changement aux paroles de l’hymne national en français.

Il est légitime d’avoir des divergences d’opinions, mais je suppose que tout dépend de l’influence des idéologies contemporaines sur l’éducation de chacun. Je pense que si un tel changement reçoit autant d’appuis, c’est en partie parce que l’éducation est davantage axée sur la politique que sur la poésie et l’histoire.

Les gens sont plus exposés à ces idéologies à l’école, alors qu’autrefois, on enseignait l’histoire, la tradition, la poésie et ce genre de choses. C’est la raison pour laquelle je crois qu’on observe un changement depuis une dizaine d’années dans les sondages d’opinion.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Champion, vous avez mentionné diverses révisions apportées à l’hymne national. Je me rappelle du moment où l’on en a éliminé quelques « stand on guard ». C’était peut-être avant même que la version officielle ne soit adoptée.

M. Champion : Effectivement.

Le sénateur Eggleton : Je ne vois pas cela comme un obstacle au changement. Nous l’avons déjà changé, puisque nous avons modifié à toutes fins pratiques notre hymne national avant même qu’il ne soit adopté officiellement. Je me rappelle de m’être adapté aux nouvelles paroles, et je ne l’ai pas vécu comme un grand problème.

En 1965, nous nous sommes adaptés à un nouveau drapeau au Canada. Le pays ne s’est pas effondré pour autant. Beaucoup de gens se préoccupaient alors de la nature historique du pavillon rouge et du fait qu’il s’agissait d’un drapeau de Vimy. Nous avons alors réussi à tenir compte de l’évolution du pays.

Je ne comprends pas pourquoi il serait si difficile de dire : « c’est la version de 1980, un point c’est tout. » En 1980, même Francis Fox a dit qu’il pourrait y avoir des changements et qu’ils seraient les bienvenus. Il y a déjà eu neuf tentatives de modifications.

Je ne comprends vraiment pas pourquoi le changement constituerait un tel obstacle, s’il est rationnel et justifiable.

M. Champion : S’il y a déjà eu neuf propositions ou de multiples tentatives, donc il y a lieu de se demander pourquoi aucune n’a porté fruit. Peut-être les gens croyaient-ils que le changement n’était pas vraiment nécessaire ou que c’était une perte de temps.

L’imposition d’un nouveau drapeau est un très bon exemple qui a créé énormément de division. Une fois le nouveau drapeau adopté, ceux qui avaient perdu la bataille sont passés à autre chose, et c’est tant pis. C’est la démocratie.

Le sénateur Eggleton : Cela pourrait arriver dans ce cas-ci.

M. Champion : Oui, c’est possible. Par contre, c’est une rupture avec le passé quand on fait cela.

Si les Canadiens pouvaient finir par se calmer, par accepter qui ils sont plutôt que de toujours se chercher une autre identité, comme je l’observe, comme je l’ai écrit au sujet de la quête d’un nouveau drapeau, qui n’a généré aucun enthousiasme au Québec, alors que la démarche se voulait unificatrice.

Quand la fête du Dominion a été remplacée par la fête du Canada, en 1982, il n’y avait que 13 députés présents, lors d’un vote très rapide, dans une ambiance léthargique.

Nous avons une certaine habitude au Canada de changer des traditions simplement pour changer, alors que bien souvent, il n’y a vraiment qu’une minorité qui appuie ce changement. Je pense que cela fait partie de notre histoire, au Canada, et je me demande pourquoi. Je vais m’arrêter sur cette réflexion.

Le sénateur Eggleton : Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je ne m’étendrai pas sur le sujet.

La sénatrice Seidman : Monsieur Simpson, jugez-vous votre témoignage spécial puisque vous êtes un membre de la famille de l’auteur? Pour moi, il est important que nous entendions un membre de sa famille, un proche de la personne qui a écrit cet hymne si important pour notre pays. Je sais que vous avez exprimé un certain cynisme à l’égard de ce que les parlementaires ont essayé de faire du poème écrit par votre grand-père, vous avez dit que nous l’avions modifié de façon déplacée et que nous ne le comprenions pas vraiment.

M. Simpson : Effectivement.

La sénatrice Seidman : J’accorde énormément de valeur à votre parole, et j’aimerais connaître votre opinion encore mieux que vous ne l’avez déjà exprimée, à titre de petit-fils de la personne qui a écrit notre hymne national.

M. Simpson : Bien sûr, la tradition revêt une importance cruciale. Il y a un problème de rectitude politique, et je suppose que tout le monde embarque en se disant que c’est une excellente idée selon le goût du jour. C’est toutefois une tentative sous l’impulsion du moment, et cela ne durera pas.

Avec le temps, j’ai commencé à trouver étrange, en relisant son histoire, qu’il ait lui-même apporté autant de modifications à son œuvre, mais c’était une façon de la polir. L’inspiration poétique peut arriver d’un coup, BAM! Mais il arrive aussi qu’elle vienne par étincelles et qu’on doive combler les interstices. C’est tout le travail de l’imagination, de l’intuition, de l’inspiration.

J’ai trouvé assez intéressant qu’il se soit autant démené pour trouver les mots « glorious and free ». Quand il a finalement trouvé ce vers, il a pu laisser tomber des « we stand on guard », mais ce n’était que dans la toute dernière version de son œuvre. Au début, Gordon avait la version « we stand on guard, we stand on guard for thee », qui est épouvantable. Il y a de quoi la critiquer, parce que c’est finalement ce qu’il a modifié. Il s’en est rendu compte lui-même. On peut voir que son esprit travaillait à polir l’œuvre. Ce n’était pas tout à fait cela. Ce n’était pas cela. Il a dû la retravailler. Il a finalement trouvé l’inspiration, comme je l’ai décrit ici, et le vers est devenu : « O Canada, glorious and free. » Il y a ensuite la répétition de « we stand on guard ». Comme je l’ai déjà dit, c’est bien sûr la façon dont il terminait le premier couplet. Comme vous l’avez dit, on ne peut pas intégrer ces mots au refrain s’ils n’apparaissent pas dans les couplets, c’est de la poésie, l’écriture est importante.

La sénatrice Seidman : Je comprends. Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : J’écoute tout cela avec intérêt. C’est difficile pour moi. Je comprends que d’une part, ce serait une bonne chose, dans l’espoir que ce soit bénéfique pour les femmes, bien sûr. Par contre, je ne crois pas qu’un petit groupe de personnes à Ottawa, les législateurs, devraient ainsi modifier une tradition du Canada sans avoir l’appui de la majorité des Canadiens.

Monsieur Champion, je crois que vous avez mentionné le sondage qui a été réalisé. Croyez-vous que si la question avait été claire, comme au Québec pour le référendum — et je ne propose pas la tenue d’un référendum —, que si l’on avait demandé aux Canadiens « Voudriez-vous modifier l’hymne national afin d’éviter toute distinction de genre », ils auraient répondu oui ou non?

M. Champion : Il faudrait des pouvoirs de clairvoyance pour le savoir.

La sénatrice Stewart Olsen : Qu’en pensez-vous?

M. Champion : Je suppose que ce serait différent d’une région à l’autre du Canada. Tout dépendrait des caractéristiques régionales. Les réponses ne dépendraient probablement pas du genre des répondants autant qu’on pourrait s’y attendre. Ce serait un élément important. Il pourrait ne même pas y avoir une majorité de femmes qui appuient une position ou l’autre. Je pense que la question demeure ouverte.

Dans quelle mesure les Canadiens croient-ils qu’elle mérite même d’être posée? Ils pourraient se fâcher et voter pour un Brexit afin qu’on ne le change pas. Je ne sais pas, j’imagine des choses.

Quand cela a été fait en Australie, en 1974, il y a eu un vote, et les législateurs avaient proposé trois ou quatre chansons différentes. La question était claire. Je pense que 25 p. 100 des répondants avaient choisi « Waltzing Matilda », de loin la meilleure chanson australienne que je connaisse, mais ils ont fini par adopter « Advance Australia Fair ». Il y a encore des gens qui s’en plaignent aujourd’hui. Comme vous le savez, les mots en ont été changés pour éviter toute discrimination sexuelle. Mais encore une fois je n’entrerai pas dans ce débat et j’insiste pour dire que la formule actuelle est déjà inclusive et que ce n’est vraiment pas une question de genre. Je pense qu’on politise la question à outrance en mettant autant l’accent sur le mot « sons ».

Et même si on parlait vraiment des fils du Canada, dont plus de 100 000 sont morts à la guerre, je ne dis pas que c’est le cas, mais si c’était le cas dans l’imagination des Canadiens, ne serait-ce pas légitime aussi? Est-ce que ce ne sont pas en très grande majorité des hommes qui sont morts à la guerre? Bien sûr, les femmes souffraient à la maison. Je suis réserviste. Je m’entraîne avec des femmes, et il ne fait aucun doute que les femmes font énormément de sacrifices. Mais en temps de guerre, la mort est historiquement le sacrifice ultime fait en grande majorité par des hommes au nom de quiconque ne peut pas aller se battre ou n’y va pas pour une raison ou une autre. C’est une chose à prendre en considération.

Le sénateur Munson : Je vous remercie beaucoup d’être ici aujourd’hui. Je vais poursuivre dans la même foulée. Je respecte votre point de vue, mais en toute déférence, je suis probablement en désaccord avec vous. Le mot qui nous importe ici, est le mot « inclusion », et l’inclusion peut prendre diverses formes. Nous avons entendu un témoignage empreint de beaucoup de ferveur et de compassion, hier, de la part de Kristen Kit, une athlète paralympique qui a comparu devant nous et qui nous a parlé de sa participation aux jeux de Rio. Elle nous a parlé avec émotion du sentiment d’exclusion que ressentaient les athlètes féminines quand elles se tenaient devant notre drapeau, ce drapeau que nous acceptons comme le drapeau du Canada, et qu’elles entendent les mots « thy sons », qui ne reflètent pas qui elle est, qui elle et ses compatriotes sont.

Vous avez parlé de la connotation de 100 000 hommes, mais après l’avoir entendue, je pense à ma tante Eileen, qui est toujours vivante, qui a 80 ans bien avancés ou qui est au début de ses 90 ans. Elle aussi est allée à la guerre. J’ai cinq oncles qui ont participé à la guerre, dont un qui n’en est jamais revenu. Quand j’entends tous ces débats, ce n’est pas un simple moment désinvolte de notre vie. C’est un moment très profond de notre évolution nationale, et dans le respect que nous nous vouons les uns aux autres pour ce qui est du mot « inclusion ».

Je me souviens d’avoir eu, à la maison, des discussions avec mon père au sujet du Dominion du Canada, du Red Ensign et de toutes sortes de choses. Au fil du temps, et à mesure que nous examinons la question, nous en arrivons à un stade de notre évolution en tant que nation. Je voulais le dire pour le compte rendu. Bien que je respecte ce que votre grand-père a fait — mon Dieu, nous le chantons fièrement à pleine voix — mais cette petite mesure, ces deux termes tout simples, marqueront une avancée importante dans l’évolution de notre nation et de notre identité.

M. Simpson : Je pense que le problème réside dans le fait que cette question de genre est une interprétation erronée d’un thème poétique. Si vous partez du tout début, « thou dost in us command », qui inspire? C’est le Canada et pas les Canadiens ou les Canadiennes qui sont inspirés. Cela se rapporte à l’âme du pays, à la nature spirituelle au cœur même de notre identité qui nous inspire notre véritable amour du pays. Cela n’a rien à voir avec l’exercice du pouvoir politique, sur les hommes ou les femmes. Cela se rapporte simplement à l’appel que nous lance notre patrie pour que nous soyons des gardiens responsables de la nation.

Alors je trouve vraiment que l’idée qu’il est ici question de genre est fausse.

L’honorable sénateur a mentionné l’idée de « thou dost us command ». J’en ai discuté avec ma famille. Personne ne s’y oppose, si vous arrivez à le prononcer, car cela n’est pas évident. « Thou dost in us command », c’est bien, car cela porte précisément sur le fait que « thou » ne fait pas allusion au peuple et que « command » se rapporte à l’amour que nous inspire ou pas notre patrie. Tout argument qui essaie d’en faire une question sexospécifique la politise, en fait une maudite question politique. Cela n’a absolument rien à voir avec tout cela. C’est bidon.

La sénatrice Petitclerc : Nous avons effleuré la question, mais j’aimerais seulement connaître votre opinion. C’est très simple. À la Chambre, des gens ont livré des témoignages très sincères en faveur et contre ce projet de loi, et je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que notre hymne national est un symbole très fort et puissant.

Veut-on rester dans le passé pour des raisons traditionnelles ou historiques ou par peur du changement? J’estime que l’inclusion est un cadeau que nous pouvons offrir à l’ensemble des Canadiens d’aujourd’hui et de demain. Selon vous, pourquoi un importe-t-il plus que l’autre? Pourquoi le passé serait-il plus important que le présent et le futur?

M. Champion : Je suppose que si on devait recenser toutes les personnes qui ont vécu dans le passé et toutes celles qui vivront dans le futur, elles seraient nettement plus nombreuses que celles qui vivent dans le présent. Le risque d’apporter le moindre changement dans le présent est toujours qu’il ne représente pas vraiment les millions de personnes qui nous ont précédés et celles qui, espérons-le, nous succéderont.

D’une certaine façon, lorsque les Anglicans discutaient de ce qu’ils devaient faire avec « thee » et « thou » et avec les termes qui englobent à la fois les hommes et les femmes dans leurs livres religieux, on essayait de déterminer s’il y avait lieu de jeter le vieux Book of Common Prayer, c’est-à-dire le livre de la prière commune. Je ne suis pas anglican, mais je connais la tradition. Ils ont fini, bien sûr, par présenter ces nouveaux livres qui sont déjà dépassés. Ils l’ont fait dans les années 1970, si bien qu’ils sont, évidemment, démodés. C’est que, comme les gens avaient coutume de dire, quand on épouse l’esprit d’une époque, on se retrouvera veuf à l’époque suivante.

Nous avons une image de l’époque dans laquelle nous vivons. Pourquoi avons-nous le pouvoir, alors, d’apporter une modification qui rompt avec autant de générations précédentes et de générations futures? Comment pouvons-nous être certains que notre changement représente une amélioration? Pourquoi présumons-nous que le changement est plus inclusif? Pourquoi supposons-nous que le préjudice devrait être du côté du changement? Encore une fois, je ne connais pas l’opinion de la majorité. Il est possible que les gens trouvent l’hymne très émouvant dans sa version actuelle. Personnellement, je ne le chante pas. Je n’entonne pas l’hymne national quand il est joué. J’ai différentes raisons, mais je me lève et j’écoute la musique.

J’ai remarqué que bien des Canadiens ne le chantent pas. Ils n’en connaissent pas les paroles, ils n’ont pas de voix ou ils le trouvent trop difficile à chanter. De façon objective, ce n’est probablement pas le plus bel hymne au monde. Il y a l’hymne de la Russie et celui des États-Unis. La concurrence est féroce. Les gens sont émus par la Marseillaise depuis des générations. C’est un hymne vraiment entraînant. Il existe une version traditionaliste de « La Marseillaise des Blancs » qui, selon moi, est encore plus entraînante que la version révolutionnaire, mais c’est une autre histoire.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. C’est un réel plaisir de vous accueillir tous les deux aujourd’hui. Je suis intriguée par l’histoire de la composition de ce poème par Stanley Weir, qui est devenu notre hymne national.

Monsieur Simpson, pouvez-vous nous donner quelques détails de plus concernant la façon dont les droits d’auteur pour l’hymne national ont été cédés au gouvernement du Canada? Vous sembliez dire tout à l’heure que cela ne vous réjouissait pas exactement parce qu’il y avait eu un changement à l’époque. Pourriez-vous nous donner un peu plus de contexte sur ce point?

M. Simpson : L’ennui, c’est que le juge Weir est décédé en 1926. En 1921, il a fait sa présentation aux cercles canadiens, qui a été accueillie avec enthousiasme. Dans la famille, on la connaissait comme la version de Weir. C’est la seule que j’aie entendue pendant mon enfance. C’est la seule que nous ayons jamais chantée au Québec. Je ne sais pas qu’elle était la situation dans le reste du pays. Je sais que ma mère avait l’habitude de se demander d’où venait cette autre version horrible avec ses « stand on guard » supplémentaires. La famille l’ignorait. Nous n’en savions rien. Les deux fils sont morts pendant les deux guerres mondiales et les quatre sœurs étaient… comment l’un d’entre eux aurait-il pu prendre une position en particulier quand la mère était la seule qui était vraiment écrivaine?

Cependant, le problème était que le juge était décédé, que Thompson imprimait cet hymne et que, bien sûr, au fil du temps, ces mots, avec tous les « stand on guard » supplémentaire, sont devenus les paroles acceptées parce que les vieux de la vieille connaissaient cette version de l’hymne par cœur. Soudainement, à l’échelle nationale, après environ 80 ans d’impression de la mauvaise propagande, on allait payer un juste prix.

Nous ne pouvions rien y faire parce que l’éditeur détenait les droits d’auteur et que le juge était décédé. Alors la seule façon de modifier l’hymne était d’abandonner les droits d’auteur et de les céder au gouvernement, qui apporterait cette merveilleuse modification dans sa grande sagesse. Nous savions sacrément bien ce qu’il ferait : il opterait pour l’opportunisme politique. C’est donc ce qui est arrivé. Ils ont fini par ajouter des expressions comme « far and wide » pour se débarrasser des « stand on guard ».

S’ils avaient vraiment écouté, ils auraient découvert que ce n’était pas du tout ce que le juge voulait. Ils s’acharnaient inutilement. Ce n’était pas la version qu’il avait fignolée et qui ne contenait pas les « stand on guard » supplémentaires. Alors dès qu’ils ont eu une emprise sur elle, ils n’y ont vu que du feu. Oh là là, ça y est. Invoquons Dieu pour faire plaisir aux grenouilles de bénitier. Ajoutons telle ou telle chose pour tel ou tel groupe. « Far and wide ». Eh! Des choses pour les enfants. Voulons-nous être comme les États-Unis? Ils ont leurs visions de l’histoire. Ils parlent de l’âme des nations et du pays. Il n’y a que cela de vrai. Avons-nous le même Dieu, au sens métaphorique, que les États-Unis? J’espère que non. C’est une des raisons pour laquelle les allusions religieuses doivent être retranchées. Nous ne voulons pas être associés à cela. Et si on en juge par les politiques du jour, c’est vers cela que nous nous orientons, grâce à la grandeur des États-Unis et au travail de l’OTAN, qui a tout fait sauter de l’Afrique du Nord à l’Afghanistan au nom de la liberté, de la démocratie et de l’amour. C’est seulement aux États-Unis qu’on voit une chose pareille!

Le président : Revenons au Canada, sénateur MacDonald.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur le président.

M. Simpson : Mon cousin m’a prévenu : « Ne te lance pas dans une diatribe ».

Le sénateur MacDonald : Je tiens à vous remercier tous les deux d’être venus. Je n’allais pas poser de questions au départ parce que j’en ai parlé au Sénat. Je suis bien d’accord avec vous.

Je dois mentionner la référence à Dieu. Je n’ai jamais compris pourquoi elle avait été intégrée à l’hymne. J’ai dit dans mon allocution qu’il s’agissait d’une américanisation de l’hymne; c’était mon opinion à l’époque et ce l’est toujours.

M. Simpson : J’aimerais vous faire remarquer qu’au bout du compte, pour faire plaisir aux grenouilles de bénitier de l’époque, le juge avait rédigé un couplet entier, que nous avons quelque part, au sujet des Églises. Un ecclésiastique lui avait ensuite répondu que ce n’était pas nécessaire parce qu’ils aimaient l’hymne tel qu’il était.

Le sénateur MacDonald : Le vrai problème ici n’est-il pas simplement le manque d’appréciation de l’écriture et de la signification des mots, qui peuvent parfois être complexes et multiples? Que répondriez-vous à cela, monsieur Champion?

M. Champion : Je crois que j’ai déjà un peu répondu à cette question, sénateur MacDonald. Dans l’optique de notre tradition, l’hymne est inclusif tel quel.

J’ai écrit au poète Robert Bringhurst, en Colombie-Britannique, parce que je me suis demandé qui avait consulté les poètes. Alors j’ai pris contact avec l’un d’entre eux — un ami à moi avait son adresse courriel. Il estimait que ni la version anglaise ni la version française n’était très poétique : « Elles tendent toutes les deux vers le bas de l’échelle littéraire ». Il a dit que le Parlement ne risquait pas de gâcher un chef-d’œuvre littéraire et ajouté que la nostalgie était assurément une question plus importante, mais qu’il ne fallait pas la confondre avec la poésie.

Personnellement, j’estime que l’expression « in all thy sons command » est plus poétique et coule mieux. « Dost in us » me rappelle le mot « dustiness », poussiéreux, et cela m’a fait penser au comité de la Chambre.

« In all of us », comme je l’ai mentionné, n’est pas une expression que l’on retrouve dans un quelconque poème. Le seul endroit où vous pouvez la retrouver est sur une feuille gribouillée par Kurt Cobain — Dieu ait son âme. Vous savez, si Dieu existe, s’il a une âme, comme le veut la prière bien connue.

Je pense simplement qu’il y a comparativement plus de mérite poétique dans la version actuelle que dans la modification proposée. Je suis sûr qu’il y aurait lieu de tenir de plus amples consultations auprès de certaines des personnes que j’ai citées, par exemple, les membres de la Writer’s Union et de la League of Canadian Poets. Ces gens comprennent ce qu’est de la bonne poésie. Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas convaincu que le Parlement soit nécessairement l’endroit où faire ce genre d’analyse grammaticale, sauf pour prendre une décision finale le moment venu.

Le président : Merci, et merci à tous les deux d’être venus. Je pense que vous avez illustré aujourd’hui la complexité des facteurs qui entrent en ligne de compte pour arrêter une décision relative à des questions semblables qu’un pays doit traiter. En fait, selon moi, vous avez donné toutes sortes de raisons pour lesquelles il est possible de modifier un hymne de cette nature et d’autres raisons pour lesquelles il ne faudrait pas le faire, en vous fondant sur une différente perspective quant à la façon d’examiner les questions au fil du temps.

Je pense que vous nous avez convaincus que nous avons le droit, au Parlement, d’aborder cette question puisqu’on nous a demandé de formuler une opinion à ce propos. Comme elle a été soumise à l’examen du Parlement, il faut la traiter. À mon avis, si nous devions consulter les nombreuses personnes que vous, monsieur Champion, avez suggéré que nous consultions, nous ne nous réussirions pas nécessairement à dégager un consensus sur la bonne façon de procéder — vous l’avez même laissé entendre. Voilà pourquoi nous avons un Parlement, bien sûr.

Je tiens à vous remercier beaucoup tous les deux pour l’approche extrêmement claire, réfléchie et globale dont vous nous avons fait part. Les questions que vous avez suscitées de la part des sénateurs aujourd’hui et vos réponses nous ont donné un complément d’informations. Il nous reste maintenant à en tenir compte pour formuler des conseils au Sénat du Canada, qui aura le dernier mot à cet égard.

D’accord, chers collègues, je nous ramène à la séance pour procéder à notre étude article par article. Je rappelle à toutes les personnes inscrites comme membres ou suppléants qui sont officiellement inscrites comme membres du comité pour la réunion d’aujourd’hui qu’elles peuvent s’exprimer et voter. Celles qui ne peuvent que s’exprimer n’ont pas le droit de vote si on en vient à ces questions. Tous les sénateurs sont, bien sûr, invités à rester pour la discussion.

La première question que je dois vous poser est la suivante : Plaît-il au comité de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l’hymne national (genre)?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci. Je vais maintenant poser les questions comme je le fais normalement. Dans l’intérêt des sénateurs qui ont été nommés récemment, il est normal que la première question soit la suivante : L’étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

Le président : Il est normalement convenu, comme aujourd’hui, que ce soit le cas. Ensuite, nous y reviendrons si tous les articles sont adoptés. D’accord, l’article 1 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Il est adopté. L’annexe est-elle adoptée?

Des voix : D’accord.

Le président : Elle est adoptée. Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Il est adopté. Le projet de loi est-il adopté?

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Des voix : D’accord.

Le président : Il est adopté avec dissidence. Le comité souhaite-t-il envisager d’annexer des observations au rapport?

Des voix : Non.

Le président : Non. Merci. Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D’accord.

Le président : Il est convenu que j’en fasse rapport. Chers collègues, cela met fin à notre discussion du projet de loi. Je tiens à vous remercier de la façon dont vous vous êtes comportés dans le cadre de cette étude. Il est évident que presque tous les aspects de la question peuvent susciter des divergences d’opinions. Je ne vais pas en parler plus en détail étant donné que nous avons soulevé la question de la poésie, et cetera. Au cours d’une vie, je pense que nous pourrions examiner la question de nombreuses façons. De nombreux arguments pourraient nous être présentés, comme ce fut le cas aujourd’hui. Je pense donc que nous avons reçu beaucoup de commentaires très utiles pour nous aider à arrêter une décision dans ce dossier. Nous allons maintenant renvoyer la question au Sénat pour qu’il prenne une décision éclairée, le moment venu, à cet égard.

Sur ce, je veux vous souhaiter à tous un très joyeux temps des Fêtes et vous remercier pour vos contributions au Sénat cette année par le truchement de ce comité. Nous allons commencer une nouvelle année avec de nouveaux effectifs dans une certaine mesure, et nous nous réjouissons à la perspective de faire de nouvelles avancées au profit des Canadiens par l’intermédiaire de cet important comité. Sur ce, je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)

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