Rapport du comité
Le lundi 8 février 2021
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 17 décembre 2020, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
MOBINA S. B. JAFFER
Observations au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-7)
Pour cette étude, votre comité a tenu de nombreuses réunions pendant trois jours complets, avec plus de 19 heures d’auditions. Au total, le comité a entendu 66 témoins, dont le ministre de la Justice, des autorités de régulation, des organisations professionnelles, des groupes de défense, des personnes handicapées, des universitaires, des juristes et des médecins, des experts, des représentants autochtones, des soignants et d’autres parties prenantes. Le comité a également reçu de nombreuses témoignages écrits. Cela s’ajoute aux 81 témoins entendus au cours de plus de 35 heures de réunions pendant l’étude de la teneur du projet de loi en novembre 2020.
Le comité a entendu de nombreux témoins qui avaient plusieurs années d’expérience directe de l’administration de l’aide médicale à mourir au au Québec et ailleurs au Canada. Ces témoins ont expliqué de façon précise aux membres du Comité le cadre qui régit l’aide médicale à mourir : règlements, procédures, guides, directives et règles de pratique. Ils leur ont aussi fait part de leur expérience professionnelle et personnelle de l’évaluation des patients et de l’administration de l’aide médicale à mourir, et de ce que vivent les patients et leurs proches.
Le comité fait les observations suivantes:
Demande d’aide médicale à mourir provenant du patient
La demande d’aide médicale à mourir devrait provenir exclusivement du patient. Bon nombre de témoins ont dit au comité que le rapport de force inhérent aux relations entre les patients et les médecins fait qu’il est très difficile de garantir que les patients font un choix libre et éclairé et qu’ils ne sont pas indûment contraints de demander l’aide médicale à mourir.
Mécanisme de surveillance
Le gouvernement du Canada devrait créer un organe ou un mécanisme de surveillance chargé de voir au respect de la règlementation en matière d’aide médicale à mourir, de superviser le cadre de responsabilisation et de veiller à ce que tous les patients reçoivent les bons soins médicaux, notamment en s’assurant qu’aucune forme d’abus ou de coercition ne précède l’administration de l’aide médicale à mourir.
Droit à l’égalité
Le projet de loi C-7 élargit l’accès à l’aide médicale à mourir à d’autres personnes, mais accentue les iniquités à l’endroit des personnes les plus marginalisées. Il ne contribue pas à surmonter les obstacles actuels qui empêchent d’avoir accès non seulement à l’aide médicale à mourir, mais aussi aux modes alternatifs de soulagement de la souffrance, comme les soins de santé, les soins personnels et les programmes d’aide sociale, de logement et de soutien financier. Par conséquent, il ne permet pas une vraie liberté de choix, surtout pour les personnes marginalisées, à cause de la discrimination fondée sur la capacité physique, du racisme, du classisme et du sexisme.
Véritable liberté de choix et accès à du soutien
Le gouvernement du Canada a omis d’exposer en détail les mesures visant à faire respecter le droit à une véritable liberté de choix pour tous et d’établir des échéanciers pour ces mesures, y compris les normes relatives aux soins de longue durée, aux soins palliatifs et aux soins de santé communautaire, ainsi que les programmes d’aide au logement et au revenu visant à ce que tous aient concrètement accès aux autres moyens de soulager la souffrance prévus à l’alinéa 241.2(3.1)g) du projet de loi.
Accès aux données
Les données actuelles de Santé Canada ne tiennent pas compte de plusieurs facteurs importants en ce qui concerne les personnes à qui est administrée l’aide médicale à mourir ou qui en font la demande. La collecte de données désagrégées permettra d’améliorer les futurs examens et rapports et de suivre les effets de l’inégalité systémique ainsi que les déterminants sociaux de la santé en fonction de l’accès à l’aide médicale à mourir. Le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que Santé Canada recueille les données désagrégées nécessaires en ce qui concerne les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir, notamment les données relatives à différents facteurs, comme la race, la situation en matière de logement, le revenu, l’institutionnalisation, le niveau de scolarité, l’origine ethnique, l’identité ou l’expression de genre, l’état de santé et l’accès à d’autres mesures que l’aide médicale à mourir.
Consultation des Autochtones
Pendant la rédaction du projet de loi C-7, le ministère de la Justice a entrepris des consultations publiques auprès de dirigeants et d’experts autochtones, mais le Comité tient à souligner qu’elles étaient incomplètes. En effet, le ministère n’a pas invité de représentants métis ou inuits à sa table ronde autochtone. De plus, le projet de loi ne répond pas aux questions que la table ronde autochtone a soulevées pendant les consultations à propos de l’accès limité à des options de soins de santé adaptées aux cultures des peuples autochtones et du racisme systémique au sein du système de santé.
Examen parlementaire
Le préambule du projet de loi C-7 précise qu’un comité du Parlement entreprendra un examen des dispositions législatives sur l’aide médicale à mourir et à l’état des soins palliatifs au Canada en juin 2020. Il ne précise pas que l’examen parlementaire doit traiter de l’accès des populations autochtones à l’aide médicale à mourir ou à des soins palliatifs adaptés aux cultures autochtones. L’examen parlementaire des dispositions législatives sur l’aide médicale à mourir devrait comprendre des travaux de recherche et d’analyse portant sur l’accès des peuples autochtones à l’aide médicale à mourir, leur recours à ces soins et les soins palliatifs adaptés aux cultures des communautés autochtones.
Services de soutien
Plusieurs témoins ont dit qu’il faut de meilleures mesures de soutien aux personnes handicapées, de meilleurs soins palliatifs et de meilleurs services en matière de santé mentale en plus de l’aide médicale à mourir, ou en remplacement de celle-ci. Il faut aussi que plus de fonds soient consacrés à ces services de soutien. Les populations autochtones, surtout celles des régions éloignées, doivent surmonter plus d’obstacles pour avoir accès à des services de soutien adaptés à leur cultures pouvant remplacer l’aide médicale à mourir. Les futurs examens parlementaires devront accorder une attention particulière à l’accès des communautés autochtones à des services de soutien adaptés à leur culture.
Obligations relatives aux droits internationaux de la personne
Il est imporant d’effectuer un suivi par des experts indépendants des droits de la personne du respect, par le gouvernement du Canada, de ses obligations internationales en la matière, ainsi que le respect des normes qui régissent la qualité des soins de longue durée, des soins palliatifs, des soins à domicile, du logement et du revenu conformément aux déterminants sociaux de la santé, qui seront au coeur des futurs examens du projet de loi C-7 et des autres dispositions canadiennes sur l’aide médicale à mourir.