Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 14 - Témoignages du 5 octobre 2016
OTTAWA, mercredi le 5 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude sur le programme de financement des infrastructures du gouvernement fédéral.
Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, membres de l'auditoire, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le comité a pour mandat d'examiner de façon générale les questions qui concernent les budgets fédéraux ainsi que les finances du gouvernement. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la conception et l'application du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures.
Je m'appelle Larry Smith. Je suis sénateur du Québec et président de ce comité. Permettez-moi de présenter rapidement nos autres membres. À ma gauche, il y a notre vice-présidente, la sénatrice Ann Cools. Madame la sénatrice, soyez la bienvenue.
La sénatrice Cools : Merci.
Le président : À ma gauche, il y a le sénateur André Pratte. M. Pratte a longtemps été l'éditorialiste en chef du journal La Presse.
À ma droite, nous retrouvons une juge et un rouage important du Sénat depuis de nombreuses années...
La sénatrice Andreychuk : Pas tant que ça, n'est-ce pas, sénatrice Cools?
La sénatrice Cools : Quand même pas mal.
Le président : ... la sénatrice Andreychuk.
La sénatrice Andreychuk : La sénatrice aguerrie.
Le président : À la droite de la sénatrice Andreychuk, nous avons l'ancienne vérificatrice générale de la province de Terre-Neuve, Mme Beth Marshall.
La sénatrice Nicole Eaton...
La sénatrice Eaton : C'est un peu comme une déception.
Le président : Pas le moins du monde.
Pour nous prêter main-forte, ce soir, nous pouvons aussi compter sur la sénatrice Ataullahjan, qui est nouvelle au comité. Soyez la bienvenue.
Durant la deuxième partie de la séance, conformément au plan de travail proposé pour notre étude, nous allons recevoir des représentants d'organismes de surveillance indépendants. Pour commencer, nous allons entendre un témoignage en provenance de l'Ontario.
J'en profite pour signaler que le comité a jusqu'ici invité cinq provinces à venir témoigner, des invitations qui, à quelques reprises, ont été accompagnées d'appels et de courriels de suivi. Malheureusement, le Québec, le Nouveau- Brunswick et la Colombie-Britannique ont décliné notre invitation, et nous n'avons toujours pas reçu de réponse de l'Alberta.
Nous avons lancé une invitation au ministre ontarien de l'Infrastructure, mais, malheureusement, des conflits d'horaire l'ont forcé à décliner notre proposition. Toutefois, par bonheur, Infrastructure Ontario a accepté de bon gré de nous envoyer son principal représentant, M. Bert Clark, qui est président et chef de la direction de cet organisme. M. Clark vient nous donner un aperçu du fonctionnement des programmes d'infrastructure à l'échelon provincial. Infrastructure Ontario est une société d'État qui appartient à la province. Sa fonction est de fournir une vaste gamme de services pour appuyer les initiatives que le gouvernement de l'Ontario met en œuvre pour moderniser les infrastructures et les biens immobiliers publics, et pour en maximiser la valeur.
Monsieur Clark, soyez le bienvenu. Je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire pour nous. Votre déclaration sera suivie d'une période de questions à l'intention des sénateurs.
Bert Clark, président et chef de la direction, Infrastructure Ontario : Merci de me recevoir ici, ce soir. Je vais être bref. Des copies de ma présentation vous ont été distribuées à l'avance.
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire un mot au sujet d'Infrastructure Ontario. Infrastructure Ontario est une société d'État qui appartient au gouvernement de l'Ontario. Les membres de son conseil d'administration sont nommés par le gouvernement et c'est à eux que je dois me rapporter. Le conseil est composé de personnes accomplies qui possèdent beaucoup d'expérience dans divers domaines comme le droit du secteur privé, l'ingénierie, les finances et la comptabilité. Tous les membres attachent une grande importance au bon fonctionnement de la fonction publique.
Infrastructure Ontario s'investit dans trois secteurs d'activité : l'immobilier, le prêt et les grands projets. Mon exposé de ce soir met l'accent sur les grands projets.
Infrastructure Ontario gère des projets complexes et de grande envergure au nom de la province et d'autres entités du secteur public. Dans la dernière décennie, nous avons réalisé 55 projets. La valeur en capital totale de ces projets dépasse les 18 milliards de dollars. Une importante partie des nouveaux immeubles qui ont été construits sont des hôpitaux. Grâce à notre aide, de nouveaux hôpitaux ont pu être érigés dans de nombreuses villes, dont Sudbury, North Bay, Oakville, Kingston, Hamilton, London, Ottawa et St. Catharines.
À cela, il faut ajouter des travaux de construction en cours de l'ordre de 15 milliards de dollars et des dossiers d'approvisionnement actifs à hauteur de 5 milliards de dollars. Nous nous attendons en outre à ce que ce volume de travail augmente dans un avenir rapproché. Toute cette activité fait en sorte que nous avons l'un des marchés les plus actifs et les plus constants au monde en matière d'infrastructures.
La dernière décennie a été formidable pour la construction d'infrastructures, mais ce secteur n'a pas toujours connu un tel succès en Ontario. Avant la création d'Infrastructure Ontario, l'expérience de la province quant aux grands projets d'infrastructures était similaire à celle d'autres administrations : les projets étaient souvent terminés en retard et avec des dépassements de coûts, et les infrastructures proprement dites n'étaient pas construites pour durer.
Nous avons changé certaines choses pour veiller à ce que les délais soient respectés et que les biens immobiliers soient entretenus correctement. Tout d'abord, sachez que rien ne peut remplacer une bonne planification préalable. L'application en amont d'une diligence raisonnable peut réduire le risque d'avoir à apporter des changements durant la construction. Il n'est pas rare que les projets fassent l'objet de pressions pour que l'on procède à leur mise en œuvre avant même que toute la planification appropriée n'ait été faite. C'est notre rôle de veiller à ce que toute cette planification soit terminée avant d'aller de l'avant.
Deuxièmement, le bon déroulement des projets nécessite la présence d'employés du secteur public possédant des compétences spécialisées dans la réalisation de grands projets complexes, et Infrastructure Ontario peut compter sur une équipe rassemblant des gens dotés d'une grande expérience dans ce domaine. Ces personnes sont aussi expérimentées que les partenaires du secteur privé qui sont de l'autre côté de la table, ce qui est absolument essentiel pour uniformiser les règles du jeu.
Troisièmement, il est essentiel d'avoir de bons partenaires. Nous choisissons avec beaucoup de soin les gens du secteur privé avec qui nous travaillons. À vrai dire, les règles qui régissent l'approvisionnement public et certains accords commerciaux ne rendent pas toujours les choses faciles. Nous avons cependant élaboré des processus équitables et transparents pour nous assurer que les soumissionnaires ont les connaissances « locales » nécessaires, et nous tenons maintenant aussi compte des antécédents des candidats au moment de choisir nos partenaires potentiels.
Quatrièmement, nous ne souscrivons pas à la tendance en vogue dans le secteur public consistant à fractionner les grands projets en projets de moindre envergure. Il n'y a probablement pas de plus grand responsable des dépassements de coûts que le fait de morceler les grands projets aux fins d'impartition et de laisser au secteur public le soin de gérer les risques liés à l'intégration.
Cinquièmement, nous retenons toujours une importante somme d'argent jusqu'à ce que le projet soit terminé. En cas de litige, rien ne protège mieux le secteur public que le fait d'avoir retenu une partie de l'argent. Cette pratique constitue aussi un levier de négociation sans pareil pour nous. En revanche, il est important de ne pas retenir trop d'argent, car cela peut donner lieu à des coûts financiers non justifiés. Un certain montant de financement privé est parfois approprié, mais il est essentiel de déterminer le bon montant. Un montant trop modeste peut s'avérer risqué et un montant trop élevé peut coûter cher.
En dernier lieu, il nous arrive souvent de retenir une partie des coûts de construction — même après que l'infrastructure a été bâtie — et de faire des versements étalés sur toute la durée de vie de l'infrastructure. Cela nous donne un moyen de nous assurer que l'infrastructure a été bien construite. Si les choses ne se déroulent pas comme prévu, nous ne payons pas.
Bon nombre de ces idées sont décrites dans le document de travail qu'Infrastructure Ontario a préparé en collaboration avec le Bureau du vérificateur général de l'Ontario et dont je suis heureux de vous remettre une copie.
Au cours de 10 dernières années, ces pratiques nous ont très bien servi. Un examen de notre feuille de route réalisé en mars 2015 a confirmé que 98 p. 100 des projets achevés ont été livrés sans dépassement de coûts ou en deçà des coûts prévus. De plus, 73 p. 100 de ces projets ont été livrés à temps ou dans le mois suivant la date de livraison prévue. Nous tentons sans cesse de nous améliorer. Permettez-moi de vous faire part d'un certain nombre de choses que nous avons faites récemment.
Nous cherchons actuellement à relever nos standards en matière de santé et de sécurité. Nous avons apporté un certain nombre de changements à cet égard ces derniers temps. Nous tentons constamment de trouver des moyens de réduire autant que possible les inconvénients pour les collectivités touchées par les grands projets de construction. Dans cette optique, nous avons récemment commencé à utiliser un système qui évalue les soumissions concurrentes en fonction de l'effet qu'elles auront sur la circulation et qui facture aux entrepreneurs les bouleversements de circulation non planifiés. Nous exigeons de tous les entrepreneurs qu'ils nous fournissent un rapport d'une firme comptable certifiant qu'ils ont des processus internes en place pour veiller à l'application de pratiques éthiques en matière de soumissions. Nous avons réduit la proportion de financement privé dans toutes nos opérations afin d'assurer qu'il n'y ait pas de coûts non justifiés à cet égard, compte tenu des risques. Aussi, nous faisons le suivi de la prestation des entrepreneurs qui travaillent pour nous afin d'éclairer nos choix futurs en matière de partenaires.
En ce qui concerne la suite des choses, nous nous attendons à continuer d'être l'un des marchés les plus actifs et les plus constants qui soient en matière d'infrastructures. Chaque année, nous publions un portrait de l'état du marché afin d'aider les soumissionnaires potentiels à planifier leur participation à notre programme. La mise à jour pour cette année contiendra la plus grande quantité de travaux que nous ayons eue à ce jour. Il y a déjà un certain nombre de chantiers pour trains légers, et le programme régional du train express du Grand Toronto vient tout juste d'être lancé. La prochaine décennie promet d'être des plus stimulantes pour nous, et nous sommes bien déterminés à couronner de succès tous nos projets.
Je serai heureux de répondre à toutes vos questions. Merci.
Le président : Merci, monsieur Clark. Commençons par la sénatrice Marshall, suivie de la sénatrice Eaton.
La sénatrice Marshall : Par souci de clarification, pouvez-vous nous dire si tous les projets du gouvernement passent par Infrastructure Ontario?
M. Clark : Non.
La sénatrice Marshall : Seulement certains d'entre eux? Quels projets vous confie-t-on, et quels sont ceux que l'on ne vous confie pas?
M. Clark : De façon générale, nous nous occupons pour la province des projets de construction d'une valeur de plus de 100 millions de dollars. Ce sont les projets complexes et de grande envergure pour lesquels il est nécessaire de recourir à un organisme comme le nôtre. Ce serait une des catégories de projets.
En effet, je n'ai pas dit que nous gérons également le portefeuille des biens immobiliers de la province de l'Ontario, qui, avec ses 45 millions de pieds carrés, arrive deuxième sur le plan de la taille derrière le portefeuille du gouvernement fédéral. Or, cette responsabilité donne lieu chaque année à la réalisation d'environ 1 800 petits projets. Bref, nous faisons tous ces petits projets qui ont trait au portefeuille des biens immobiliers et nous administrons les projets de très grande envergure que la province entreprend.
La sénatrice Marshall : Qui choisit les projets de très grande envergure que vous devez réaliser? Est-ce le gouvernement?
M. Clark : Oui.
La sénatrice Marshall : Alors vous ne décidez pas de cet aspect-là des choses. Vous vous contentez de réaliser les projets qu'on vous confie?
M. Clark : Oui. Nous n'avons rien à dire quant au processus de sélection des projets d'envergure. Nous accueillons ces choix comme des décisions stratégiques du ministère de la Santé ou de celui des Transports. Le Conseil du Trésor décide de ce qu'il veut bâtir. On nous confie le projet assorti d'un budget. Notre obligation est de le réaliser.
La sénatrice Marshall : D'accord. Alors le Conseil du Trésor vous confie un projet à réaliser. Qui finance le projet?
M. Clark : L'argent provient de sources diverses. Infrastructure Ontario a été créé parce que deux grands projets d'hôpitaux — un à Sudbury et un autre à Thunder Bay — ont connu d'énormes dépassements de coûts. La province avait une longue liste de projets à réaliser et elle ne pouvait pas se permettre que ces dépassements se produisent à tout coup. Elle avait besoin d'une entité qui allait faire les choses autrement.
Infrastructure Ontario a donc été créé avec le mandat que je viens de décrire. Dans certains de nos premiers projets, nous demandions au secteur privé d'allonger tout l'argent nécessaire pour réaliser le projet, puis de revenir nous voir une fois le projet terminé. Nous ne voulons pas interagir avec vous pendant le projet de construction. Si vous dépassez le budget, c'est votre problème. Vous vous débrouillez pour trouver le financement nécessaire, puis vous revenez nous voir une fois le projet terminé, et nous commencerons à vous payer à partir de ce moment-là. Nous vous payerons tous les mois pendant les 30 années qui suivront la construction.
La sénatrice Marshall : Donc, c'est comme si vous louiez l'infrastructure?
M. Clark : C'est à peu près cela, oui. Cela n'avait pas la structure d'une location, mais il y avait beaucoup d'aspects semblables.
La sénatrice Marshall : D'accord.
M. Clark : Les versements mensuels sont conditionnels à l'exécution. Nous voulons que l'immeuble soit toujours disponible. Il doit être bien entretenu. Il y a un barème de réductions qui s'applique si les tuyaux fuient ou si la température n'est pas toujours ce qu'elle devrait être. Le projet devait être financé dans le privé et comporter un petit montant en provenance de caisses de retraite canadiennes. Les banques canadiennes et les compagnies d'assurance canadiennes devaient avancer l'argent. Voilà notre modèle d'il y a 10 ans.
La sénatrice Marshall : À cette époque, auriez-vous pu savoir ce que vos coûts de location auraient pu être? Le gouvernement l'aurait su, n'est-ce pas?
M. Clark : En s'y engageant?
La sénatrice Marshall : Oui.
M. Clark : C'est ce que nous avons soumis à l'appel d'offres. Nous avons dit que celui qui était en mesure de nous fournir ce produit au coût le plus bas allait obtenir le marché. Ce prix était l'essentiel de l'appel d'offres.
La sénatrice Marshall : C'était votre façon de procéder auparavant. Qu'en est-il de maintenant?
M. Clark : Au cours des 10 dernières années, nous avons remis en question le besoin d'exiger que la totalité des coûts de construction soit financée pendant 30 ans comme moyen de transférer le risque. Nous nous sommes posé la question suivante : qu'arriverait-il si nous financions la moitié des coûts de construction au lieu d'exiger des entrepreneurs qu'ils essaient de trouver tout cet argent? Ces frais de financement ne sont pas des paiements de location, mais un paiement mensuel à perpétuité. Avez-vous vraiment besoin de demander aux entrepreneurs de financer la totalité de la construction pendant 30 ans pour les tenir responsables?
Nous avons commencé à réduire ce montant en avançant 25 cents pour chaque dollar. Puis, nous sommes passés à 40 cents. Maintenant, pour certaines infrastructures, nous pouvons aller jusqu'à 85 cents pour chaque dollar investi, et le secteur privé finance les 15 cents restants pour nous. Cela suffit à assurer le transfert du risque.
La sénatrice Marshall : Alors, qui paie pour votre part de la dette? Est-ce le gouvernement?
M. Clark : Oui. En fin de compte, lorsque le ministère de la Santé ou le ministère des Transports fait un paiement, l'argent provient des sources générales de l'État, au même titre que lorsqu'il a besoin d'emprunter pour financer le déficit, il a recours à l'emprunt centralisé. Les ministères empruntent au taux le plus bas. Cela faisait partie de l'argument. Nous avons dit qu'étant donné que nous étions en mesure d'emprunter à moindre coût que ce que le secteur privé nous demandait, il était important de veiller à ce que nous n'empruntions que lorsque nous avions besoin de ces fonds privés pour nous donner un pouvoir coercitif et permettre un réel transfert du risque. S'il n'est pas nécessaire d'avoir une dette privée de cette ampleur, autant l'éviter.
La sénatrice Marshall : Le comité a entendu différents témoins au sujet d'une banque pour les infrastructures. Avez- vous l'impression que le gouvernement de l'Ontario compte de plus en plus sur vous ou que c'est la demande qui est restée stable au cours des dernières années? Avez-vous l'impression que le gouvernement aime ce que vous faites et qu'il vous en confie toujours un peu plus, ou diriez-vous simplement que la demande est plus soutenue qu'avant?
M. Clark : J'essaie de penser à un grand projet public pour lequel la province de l'Ontario n'aurait pas eu recours à nous, mais je n'en trouve pas.
Il faut reconnaître que notre feuille de route est excellente, ce qui est une bonne chose, car nous avons embauché des experts en la matière.
Vous avez parlé d'une banque pour les infrastructures. Je n'ai pas parlé d'immobilier, qui est l'un de nos mandats. Je n'ai pas parlé des prêts non plus. En fait, nous sommes une banque pour les infrastructures. J'emprunte de la province de l'Ontario et je prête aux municipalités. La logique est la suivante : si une petite municipalité veut dépenser 2 millions de dollars sur son système de traitement des eaux, elle n'aura pas facilement accès à un financement abordable échelonné sur 30 ans, même si elle jouit d'un excellent crédit, ce qui est le cas de beaucoup d'entre elles. À vrai dire, en Ontario, je crois que l'on n'a jamais vu une municipalité faire faillite. La chose a été vue aux États-Unis, mais pas au Canada. Quoi qu'il en soit, ces petites municipalités ont de la difficulté à obtenir un financement abordable et à long terme en raison des montants qu'elles cherchent à emprunter.
Pour emprunter 100 millions de dollars, les petites municipalités peuvent avoir accès à un marché financier très efficace au Canada. Nous avons dit que cela n'avait aucun bon sens, puisque cela les empêchait de faire les travaux nécessaires. Convaincues qu'elles ne pourraient pas avoir accès à ces fonds, elles s'adressaient donc à un ordre de gouvernement supérieur pour qu'il leur donne l'argent. Le gouvernement de l'Ontario a rétorqué : « Vous avez la santé financière nécessaire pour emprunter cet argent, alors pourquoi devrais-je vous le prêter? » Les municipalités ont expliqué qu'elles ne le pouvaient pas. C'est pourquoi c'est maintenant nous qui leur prêtons l'argent, et ces prêts sont consentis à peu près au prix coûtant. Nous n'essayons pas de dégager un profit, nous nous contentons de couvrir le coût des opérations. Les prêts consentis jusqu'ici s'élèvent à environ 6 milliards de dollars, et ils ont servi à financer des choses comme l'achat de camions de pompier dans un petit village ou la rénovation de logements abordables à Ottawa et à Toronto, où les besoins étaient criants. Pour ce dernier cas, les prêts atteignent les centaines de millions de dollars. Bref, nous sommes une banque pour les infrastructures. Je suis tout à fait d'accord avec ce concept.
La sénatrice Marshall : Et vous n'avez pas eu de surprises jusqu'à maintenant. Merci. Tout cela était très instructif.
La sénatrice Eaton : Monsieur Clark, le gouvernement fédéral a dit qu'il allait mettre beaucoup d'argent sur les infrastructures au cours de deux prochaines années afin de stimuler la croissance. Cela aura-t-il une incidence sur vos opérations? En d'autres mots, si des partenariats entre la province et le gouvernement fédéral sont créés pour des choses comme la construction d'un immeuble, l'ajout de logements sociaux ou la construction d'un métro, serez-vous invités à participer? L'association devra-t-elle passer par le gouvernement de l'Ontario avant d'arriver à vous ou s'adressera-t-on directement à vous? Comment envisagez-vous la chose?
M. Clark : De façon générale, Infrastructure Ontario ne prend pas part aux négociations entourant le financement d'un projet. Il y a cependant des exemples de projets qui ont été financés par le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement fédéral et une municipalité — il s'agissait de projets de transport en commun. Ces arrangements sont fixés avant que l'on ne fasse appel à nos services. Une fois que les questions de financement ont été réglées, ils nous demandent de réaliser le projet pour eux.
La sénatrice Eaton : Par conséquent, vous n'êtes pas un bureau central.
M. Clark : J'attends que les gens se fassent une idée de ce qu'ils veulent bâtir et de la façon dont ils vont financer le projet. Puis, ils se tournent vers nous et nous disent : « Réalisez ce projet en respectant l'échéance et le budget fixés. »
La sénatrice Eaton : Vous aviez commencé à parler du parc immobilier du gouvernement. Est-ce vous qui administrez ses logements sociaux?
M. Clark : Non. En Ontario, les logements sociaux relèvent des municipalités. On peut penser, par exemple, à la Toronto Community Housing Corporation.
La sénatrice Eaton : Vous n'avez rien à voir avec cela?
M. Clark : Non, mais nous lui prêtons de l'argent. Ce n'est cependant pas nous qui administrons son parc immobilier.
La sénatrice Eaton : Vous avez dit que le bon déroulement des projets nécessite la présence d'employés du secteur public possédant des compétences spécialisées dans la réalisation de grands projets complexes.
Si vous aviez à conseiller une autre province sur la façon de mettre sur pied un organisme semblable au vôtre, que lui recommanderiez-vous de rechercher chez les gens avec qui elle compte travailler?
M. Clark : Vous voulez trouver des gens qui sont exactement comme ceux qui sont de l'autre côté de la table.
La sénatrice Eaton : Si l'on prend l'exemple de votre organisme, quels types de personnes avez-vous? Des comptables agréés? Des ingénieurs?
M. Clark : Exactement. Nous avons des ingénieurs, des gestionnaires de projets, des architectes, des experts en matière juridique, des experts en approvisionnement. Notre organisation compte beaucoup de gens.
La sénatrice Eaton : Combien avez-vous d'employés?
M. Clark : Nous sommes 500, mais cela comprend tous ces secteurs d'activité. Pour la réalisation des projets d'envergure, nous sommes probablement 150. Il y a une division de l'immobilier, une division des prêts et, bien entendu, un département des ressources humaines et tout le reste.
La sénatrice Eaton : Merci.
Le président : Si nous vous le demandions, pourriez-vous nous fournir un organigramme afin que nous puissions comprendre comment fonctionne votre organisation?
M. Clark : Oui.
Le président : Cela serait-il possible?
M. Clark : Oui.
La sénatrice Ataullahjan : Je suis en train de feuilleter votre exposé. Vous avez dit que vous aviez accordé des emprunts à près de 400 emprunteurs pour appuyer différents projets. Habituellement, pour quels types de projets consentez-vous à prêter de l'argent?
M. Clark : Des projets municipaux. Comme je l'ai dit, il peut s'agir de logements sociaux, de camions de pompier, de patinoires, de locaux à bureaux à fonction administrative, de traitement des eaux et d'égouts — tout ce qui concerne les immobilisations. Il peut s'agir de n'importe quoi qui fait partie des responsabilités municipales en matière d'infrastructures. Nous ne remettons pas en question l'objet de leurs emprunts, pourvu qu'ils servent aux infrastructures. Par exemple, nous ne voudrions pas financer le déficit de fonctionnement d'une municipalité, mais si elle vient nous demander de l'argent pour construire une patinoire, nous ne lui demandons pas de nous expliquer pourquoi elle a besoin d'une patinoire.
La sénatrice Ataullahjan : Lorsque vous parlez de ces 400 emprunteurs, s'agit-il surtout de municipalités?
M. Clark : Oui, en majorité. Environ 75 à 80 p. 100 de nos emprunteurs proviennent du monde municipal.
Nous avons une liste d'emprunteurs admissibles plus vaste, qui comprend notamment le logement à but non lucratif, mais la grande majorité de nos prêts sont accordés aux municipalités.
La sénatrice Ataullahjan : Merci.
La sénatrice Andreychuk : Selon ce que je comprends, vous ne prenez aucune décision politique sur les bénéficiaires du financement, même si l'argent passe par vous.
M. Clark : Oui.
La sénatrice Andreychuk : Est-ce que vous travaillez à de nouveaux projets d'infrastructures, à la construction de nouveaux immeubles, ou est-ce que vous remplacez des infrastructures? C'est difficile de comprendre de quelles infrastructures il s'agit. Est-ce qu'il s'agit de construire un nouveau centre communautaire ou une patinoire, ou de remplacer un système d'égouts? Est-ce qu'il s'agit de remplacer un palais de justice ou une prison, et cetera?
M. Clark : Nous réalisons de nombreuses constructions neuves.
La sénatrice Andreychuk : Mais est-ce que c'est pour remplacer de vieux immeubles?
M. Clark : On a remplacé l'ancien hôpital de North Bay par un nouveau. Parfois, c'est une toute nouvelle construction. Il n'y avait pas de système léger sur rail à Eglinton. Nous en construisons un. Nous prolongeons l'autoroute 407 jusqu'à Pickering. C'est du nouveau.
Nous avons de grands projets de rénovation. À l'hôpital St. Michael's, nous procéderons à des rénovations et à de nouvelles constructions. Comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes aussi responsables du portefeuille immobilier de la province, qui représente un espace de 45 millions de pieds carrés. Nous rénovons toujours les infrastructures existantes, mais nous avons construit beaucoup de nouvelles infrastructures, surtout dans le domaine des soins de santé.
Il y a 10 ans, l'âge moyen des hôpitaux en Ontario était de 42 ans. L'hôpital St. Michael's est beaucoup plus vieux que cela. Les soins de santé ont beaucoup changé au cours de ces 42 années. . . en fait, ce serait 50 années, aujourd'hui. On ne pourrait plus pratiquer la médecine moderne dans ces hôpitaux. Les civières ne passaient plus dans certains corridors, alors nous avons construit plusieurs hôpitaux neufs dans la région du Grand Toronto, notamment les hôpitaux Bridgepoint, Humber et Halton. Bien honnêtement, vous seriez beaucoup plus à l'aise de voir l'un de vos proches dans ces nouveaux hôpitaux que dans ceux avec lesquels nous devions composer il y a 10 ans.
La sénatrice Andreychuk : Les questions qui me préoccupent ne relèvent pas de votre domaine. Est-ce que vous tenez compte des coûts d'exploitation des infrastructures lorsque vous entreprenez un projet? Souvent, nous construisons les infrastructures, mais notre capacité d'entretien et d'exploitation est insuffisante. Nous devons planifier le cycle de vie des infrastructures.
Comment transmettez-vous l'information au sujet de la durée et de la valeur des projets si vous n'êtes pas responsable des décisions politiques?
M. Clark : Non, je ne prends aucune décision politique.
Vous avez tout à fait raison : c'est très facile de contourner le budget des dépenses en capital année après année, de ne pas peindre une chose ou en huiler une autre. On a prouvé qu'une telle gestion des biens immobiliers ou des biens était beaucoup plus coûteuse qu'un entretien approprié.
Il y a certains facteurs. Quand on pense au report de l'entretien... combien coûte un dollar reporté? Est-ce que c'est un, deux, trois ou quatre dollars? Tout le monde sait que ce coût est multiplié et qu'on finit par dépenser plus lorsqu'il faut remplacer quelque chose au lieu de l'entretenir. C'est ce qui nous préoccupait au début; c'est la raison pour laquelle, pour bon nombre de nos projets, le secteur privé est responsable de la conception, de la construction et de l'entretien. Donc, lorsque les intervenants du secteur privé construisent les infrastructures, ils savent qu'ils devront bien l'exploiter pendant 30 ans et que s'ils ne le font pas, on ne les paiera pas. C'est donc ainsi qu'ils abordent les travaux. C'est une mesure qui favorise la bonne gestion des biens.
Lorsqu'on voit un bien non pas comme un projet de construction, mais comme quelque chose qu'il faudra entretenir pendant 30 ans, alors on peut faire preuve de beaucoup d'innovation; on fait les bons choix de matériaux.
Pour vous donner un exemple simple, l'installation de tuiles de céramique coûte peut-être plus cher que celle du linoléum, mais vous n'aurez probablement pas besoin de les remplacer au cours du cycle de vie de l'immeuble, tandis que vous devrez changer le linoléum cinq fois. Quand on fait le calcul, cela revient plus cher que la céramique. On fait le bon choix.
Donc, puisque nous incitons les intervenants à adopter cette approche axée sur le cycle de vie, cela change leur façon de voir les choses.
Le sénateur Tkachuk : J'ai deux petites questions à vous poser. Vous avez dit que vous aviez environ 500 employés; est-ce exact?
M. Clark : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Combien y a-t-il de personnes affectées au service des ressources humaines?
M. Clark : Je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact.
Le sénateur Tkachuk : Donnez-moi une idée.
M. Clark : De 15 à 20 personnes, environ.
Le sénateur Tkachuk : C'est bien. Merci.
La sénatrice Cools : Vous dites que vous êtes une banque?
M. Clark : Nous sommes une banque.
La sénatrice Cools : Est-ce que cela signifie que vous êtes une banque à charte?
M. Clark : Non, nous sommes une banque en ce sens que nous sommes prêteurs.
La sénatrice Cools : Mais vous n'êtes pas une banque au sens légal?
M. Clark : Non.
La sénatrice Cools : J'étais curieuse, parce que le Canada a probablement les meilleurs contrôles au monde en ce qui a trait à la création des banques. Le Canada a toujours été très fort pour octroyer les chartes en vue de la création des banques. Vous faites des prêts, mais je voulais savoir si vous aviez une structure bancaire officielle.
M. Clark : Non, nous ne sommes pas une banque à charte.
Le président : Depuis combien de temps travaillez-vous pour cet organisme? Quel modèle avez-vous utilisé pour sa création? Était-il déjà en place lorsque vous êtes arrivé? Nous essayons de comprendre. Comment l'organisme a-t-il été créé?
M. Clark : J'ai été le premier employé en 2005. J'ai travaillé pour Infrastructure Ontario pendant environ deux ans et demi. J'ai ensuite quitté l'organisme pour travailler en tant que courtier en valeurs mobilières. Je finançais des infrastructures en Amérique du Nord. On m'a réengagé il y a quatre ans et demi à titre de président et chef de la direction.
Donc j'étais là dès le jour un; j'ai participé à la création de l'organisme. C'est faisable, puisque je l'ai fait. Comme pour toute entreprise en démarrage, les 18 premiers mois étaient un peu improvisés, mais dès le départ, nous avions établi un conseil distinct, une entité distincte dotée de personnel qui relevait d'un conseil dépolitisé, ce qui est important. Nous ne sommes pas responsables des politiques. Nous ne faisons pas de politique. Nous réalisons des projets.
Une fois ce processus terminé, il faut embaucher des gens du secteur privé, ce qui signifie que la structure de paie est probablement différente de celle de la fonction publique. Mais sans cela, on ne pourra pas recruter les gens qui peuvent négocier jour après jour avec le secteur privé.
Le président : Vous êtes-vous servis d'un modèle pour bâtir votre organisme?
M. Clark : Il y a certaines variantes de notre organisme en Colombie-Britannique, qui a un programme qui s'appelle Partnerships BC. Le premier organisme de mise en place de l'infrastructure s'appelait Partnerships UK. L'Australie a un organisme similaire également.
Je crois que ce qui nous rend uniques, c'est que nous gérons le portefeuille immobilier, nous accordons les prêts et nous gérons les grands projets. Je dirais qu'au cours des 10 dernières années, aucune autre administration... il y a peut- être une ville en Chine qui réalise plus de projets de construction que nous, mais aucune autre région en Amérique du Nord n'a construit plus d'infrastructures publiques que l'Ontario. Nous avons laissé une marque importante dans le secteur des immobilisations en matière de santé, et nous prévoyons réaliser des projets uniques dans le domaine des transports en commun.
Le président : Avez-vous des liens avec Partnership BC?
M. Clark : Oui.
Le président : Donc, vous échangez des renseignements, des connaissances et des expériences?
M. Clark : Oui. Nous nous rencontrons régulièrement et nous essayons d'échanger nos pratiques exemplaires.
Le président : Est-ce que d'autres provinces ont voulu profiter de votre expertise?
M. Clark : Oui. La Saskatchewan a créé une version réduite de notre organisme il y a deux ou trois ans et a livré plusieurs projets avec succès. Il y a donc la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et nous.
Le gouvernement fédéral a mis sur place PPP Canada, mais c'est une version beaucoup plus légère de ce que nous faisons. C'est plus un organisme subventionnaire qu'une organisation responsable de la prestation des projets.
Je crois que nous avons reçu la visite de quelque 60 administrations, qui nous demandent conseil. J'ai aidé la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement avec leurs projets. Donc oui, nous avons imité des organismes, et certains organismes nous imitent.
Le président : Avez-vous d'autres questions, chers collègues?
La sénatrice Marshall : Est-ce que vous faites de l'argent ou vous en perdez?
M. Clark : Je ne vise ni l'un, ni l'autre, pour être honnête. Chaque année, je veux que notre processus budgétaire soit...
La sénatrice Marshall : Vous voudriez atteindre le seuil de rentabilité?
M. Clark : Oui, nous rapprocher le plus possible...
La sénatrice Marshall : Est-ce que vous en êtes là? Avez-vous atteint le seuil de rentabilité?
M. Clark : Nous y sommes presque, oui, à quelques millions près. Au bout du compte, si je surfacture les clients du secteur public, c'est un mouvement circulaire de l'argent, donc je veux seulement être...
La sénatrice Marshall : Vous avez dit que vos projets municipaux étaient rentables?
M. Clark : Oui. Nous réalisons un léger profit. Nous faisons des provisions parce que certains prêts ne fonctionnent pas; les profits servent donc à maintenir un bassin à cette fin. Pour les grands projets et les projets immobiliers, je veille seulement à ne pas perdre d'argent.
Le président : Avez-vous parlé avec les personnes que vous connaissez, comme Partnership BC et les gens de la Saskatchewan, de la création d'un modèle canadien qui pourrait servir aux projets de transformation nationaux?
Par exemple, nous avons au sein de notre réseau de transport le corridor sud, cette superstructure qui nous permet de transporter les biens à travers le Canada vers les marchés d'exportation des États-Unis. Vous avez entendu parler des nouveaux corridors. Avez-vous discuté de la possibilité de vous associer à deux ou trois autres groupes au pays pour créer une organisation nationale responsable des projets de transformation nationaux?
M. Clark : Non. Nous travaillons sur des projets ontariens. Tout ce qui dépasse les frontières des administrations relève du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral est responsable du projet de passage frontalier international de la rivière Detroit. Le pont Champlain ne traverse pas de frontière, mais il traverse une rivière. Le gouvernement est responsable de ces projets.
Le président : Quel est l'avenir de votre organisation? Vous êtes un bâtisseur. Vous êtes une personne dynamique et très compétente. Jusqu'où pourrez-vous aller?
M. Clark : Les 10 prochaines années seront phénoménales. Les infrastructures font l'objet d'un consensus. Il n'y a personne qui pense qu'il y a assez d'infrastructures ou qu'elles n'ont pas besoin d'être rénovées. C'est une très bonne nouvelle pour un organisme qui construit des infrastructures. Nous savons que les investissements viendront.
Je crois qu'en tant que Canadiens, nous avons tendance à nous culpabiliser plus que nous le devrions. En vérité, nous réalisons des progrès en matière d'infrastructures. Nous avons réussi de grandes choses avec les hôpitaux et nous avons des projets très ambitieux dans le secteur des transports et du transport en commun. On construit un train léger sur rail à Ottawa et à Waterloo, et le système léger sur rail d'Eglinton. On a finalisé le lien air-rail à Toronto qui est maintenant en fonction. Le train léger sur rail arrivera sur l'avenue Finch et la rue Hurontario à Mississauga et à Hamilton.
Aucune administration américaine ne pourrait réaliser ce genre d'activités, alors je ne m'inquiète pas; je peux me concentrer sur les infrastructures. Je crois qu'il y a encore du travail à faire dans le domaine de l'immobilier. Comme tous les organismes publics qui gèrent un vieux portefeuille ou de vieux biens, nous avons connu des périodes de sous- investissement grave qui ont laissé des traces, et mon travail consiste à trouver des façons de moderniser les biens.
Le président : La sénatrice Ataullahjan souhaite poser une question. Nous devrons ensuite conclure. Notre témoin doit prendre la route parce que sa femme accouchera bientôt.
La sénatrice Ataullahjan : Y a-t-il eu des études sur la faisabilité des projets que vous financez et sur l'utilisation des infrastructures? Je pense au lien vers l'aéroport.
M. Clark : D'accord.
La sénatrice Ataullahjan : Vous avez dû réduire le prix de 50 p. 100 et je ne sais pas si le nombre d'usagers a augmenté ou s'il est plus utilisé.
M. Clark : Ce n'est pas à nous de déterminer si on a besoin d'un hôpital, à quoi il doit servir et combien de salles d'urgence seront nécessaires. Si on construit une nouvelle route, c'est le ministère des Transports qui décide si on en a besoin; il en va de même pour le transport en commun. Nous ne remettons jamais en question nos actionnaires ou nos clients. C'est à eux de prendre la décision et c'est à nous de livrer la marchandise.
La sénatrice Ataullahjan : Merci.
Le président : Avez-vous des conseils à nous donner avant de partir?
M. Clark : Je crois qu'il faut être fiers de ce que nous avons accompli en matière d'infrastructures. Les pensions canadiennes figurent parmi les investisseurs les plus actifs et les plus sophistiqués au monde en matière d'infrastructures. Nos sociétés d'assurance-vie investissent dans les infrastructures. Les administrations qui — comme nous — profitent d'un financement à long terme pour leurs infrastructures sont peu nombreuses.
Les petites caisses de retraite investissent beaucoup dans notre programme. Nos entrepreneurs et sociétés d'ingénierie visent les marchés internationaux et ont une expertise de calibre mondial. Je crois que nous devrions être fiers de notre position en matière d'infrastructures.
Il y a encore du travail à faire. Les 10 prochaines années seront occupées, mais nous devons en être fiers.
Le président : Connaissez-vous les programmes d'infrastructures fédéraux et savez-vous comment ils sont gérés? Auriez-vous des recommandations à faire au gouvernement fédéral afin qu'il améliore son système de prestation?
M. Clark : Je crois que le gouvernement fédéral pourrait tirer profit d'une organisation similaire à Infrastructure Ontario. À l'heure actuelle, les projets d'infrastructures du gouvernement fédéral sont réalisés par Travaux publics, le ministère responsable des frontières, du domaine militaire et du logement militaire; c'est donc une approche assez fractionnée. Je crois que le regroupement des activités et la création d'un organisme responsable de la prestation des projets à l'aide de pratiques modernes et exemplaires a très bien fonctionné pour nous et que le gouvernement fédéral devrait y songer.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Clark. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous rencontrer et vous souhaitons le meilleur avec votre enfant à naître.
M. Clark : Merci beaucoup.
[Français]
Le président : Nous allons maintenant entendre les représentants des deux organismes de surveillance indépendants.
Tout d'abord, nous recevons M. Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget. Monsieur Fréchette, je vous souhaite la bienvenue.
[Traduction]
Deux membres de son équipe l'accompagnent : le directeur parlementaire adjoint du budget, Mostafa Askari, et le directeur principal de l'analyse des coûts et des programmes, Peter Weltman.
Nous avons invité M. Fréchette à témoigner pour discuter du travail de son bureau en matière de surveillance des flux de trésorerie pour les projets d'infrastructure et en matière d'évaluation des retombées économiques des dépenses en infrastructure.
Nous accueillons Mme Julie Gelfand, qui est commissaire à l'environnement et au développement durable au Bureau du vérificateur général du Canada. Elle est accompagnée de Mme Kim Leach, qui est directrice principale.
Nous sommes particulièrement intéressés par le rapport de la commissaire présenté au printemps de 2016, intitulé, en anglais, Federal Support for Sustainable Municipal Infrastructure.
[Français]
Le rapport s'intitule, en français, Le soutien fédéral à l'appui de l'infrastructure municipale durable.
[Traduction]
Je crois savoir que les représentants des deux organismes ont préparé un exposé. Nous commencerons par vous, madame Gelfand, puis ce sera au tour de M. Fréchette.
[Français]
Julie Gelfand, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Je suis heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de notre rapport du printemps 2016 sur le soutien fédéral à l'appui de l'infrastructure municipale durable. Ce rapport a été déposé à la Chambre des communes le 31 mai 2016. Je suis accompagnée de Kimberley Leach, directrice principale, qui était chargée de l'audit. Si vous avez des questions plutôt techniques, c'est elle qui y répondra.
[Traduction]
Toute infrastructure planifiée aujourd'hui doit être pensée non seulement en fonction de la réalité actuelle, mais bien en fonction de ce que sera le Canada en 2040, en 2050 et même au-delà. Nous considérons donc que nous devons construire des immeubles, des routes, des ponts, des aqueducs, des égouts et des réseaux de transport résilients qui nous permettront de nous déplacer, de travailler, de faire rouler l'économie et de vivre dans des collectivités dynamiques et saines. Cette infrastructure doit aussi être construite de façon à répondre aux besoins des générations futures.
Quand la résilience est intégrée à l'infrastructure, elle est aussi intégrée aux collectivités qui sont alors mieux en mesure de se rétablir rapidement après un désastre ou un phénomène météorologique violent.
Notre audit a porté sur des programmes d'infrastructure fédéraux visant à améliorer la durabilité des collectivités canadiennes. En fait, nous avons examiné un fonds en particulier dont l'objectif clairement énoncé consistait à assainir l'eau et l'air et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le fait que ces objectifs figurent parmi les objectifs du Fonds de la taxe sur l'essence explique pourquoi le commissaire à l'environnement et au développement durable y prêtait intérêt. Nous avons examiné si les objectifs du Fonds fédéral de la taxe sur l'essence et du Fonds municipal vert avaient été atteints. Nous avons également examiné si Infrastructure Canada, en collaboration avec des partenaires, avait coordonné adéquatement les nombreux programmes fédéraux distincts dont il a la charge, y compris le Nouveau Fonds Chantiers Canada. Dans notre audit, vous verrez un tableau dans lequel on énumère les divers fonds accessibles aux municipalités. Quand je pense à une petite municipalité, je me demande comment les gens font pour s'y retrouver parmi tous les différents fonds offerts. Comment font-ils pour comprendre tout cela?
Donc, encore une fois, nous avons examiné les programmes qui finançaient l'infrastructure municipale et qui visaient entre autres à améliorer la performance et la durabilité des collectivités canadiennes sur le plan environnemental.
[Français]
L'audit ne portait pas sur le financement de l'infrastructure qui a été annoncé dans le budget de 2016. Toutefois, j'estime que nos constatations et recommandations peuvent éclairer la conception et la prestation des nouveaux programmes dans le cadre de la phase 2 du nouveau plan d'infrastructures fédéral. Dans l'ensemble, nous avons constaté qu'après une décennie de programmes de financement fédéraux dans lesquels des milliards de dollars ont été investis, il est très difficile de déterminer dans quelle mesure ces programmes ont permis d'obtenir les avantages escomptés sur le plan environnemental.
Nous avons également constaté qu'Infrastructure Canada n'avait pas tous les renseignements et les outils nécessaires à la prise de décisions stratégiques et coordonnées en matière de financement pour répondre aux défis à long terme que doivent relever les municipalités à l'égard de l'infrastructure. Par exemple, Infrastructure Canada ne disposait pas de renseignements suffisants sur l'état des infrastructures, les besoins de financement et les obstacles à la durabilité. Ces lacunes en matière d'information limitent la capacité du gouvernement fédéral de s'assurer que ces programmes répondent aux besoins actuels et futurs des collectivités canadiennes.
Nous avons recommandé que le ministère travaille de concert avec Statistique Canada afin de créer une source de données normalisée, fiable et régulièrement mise à jour en ce qui concerne l'inventaire des infrastructures publiques de base et l'état de ces infrastructures.
[Traduction]
En ce qui concerne l'examen des projets d'infrastructure aux fins de financement, nous avons constaté qu'Infrastructure Canada n'avait pas adéquatement cerné et géré les risques environnementaux; cela me préoccupe, évidemment.
Le ministère s'attendait à ce que les propositions de projets d'envergure contiennent des renseignements sur les risques environnementaux, mais il n'a pas utilisé ces renseignements pour analyser les risques liés au changement climatique, par exemple. Lorsque les risques environnementaux ne sont pas pris en compte, il se peut que les projets ne soient pas conçus de façon à réduire au minimum les effets environnementaux ou à résister aux impacts des phénomènes climatologiques futurs. À même date que ce rapport, nous avons déposé un autre rapport, qui portait sur les phénomènes météorologiques violents et sur l'état de préparation du Canada à cet égard. Cela veut dire qu'un jour, les municipalités pourraient se trouver confrontées à des coûts élevés et imprévus.
Nous avons constaté qu'Infrastructure Canada ne disposait pas d'indicateurs, de cibles et d'un calendrier définitifs pour mesurer la performance sur le plan environnemental et rendre compte des résultats d'un projet ou d'un programme.
En particulier, le ministère n'avait pas évalué dans quelle mesure l'argent consacré à des projets financés par le Fonds de la taxe sur l'essence avait contribué, comme prévu, à assainir l'air et l'eau et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En fin de compte, c'était un des principaux objectifs de ce fonds, et le ministère a été incapable de nous dire si les dépenses engagées avaient permis effectivement d'assainir l'air et l'eau et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Par contre, le Fonds municipal vert, plus petit et géré par la Fédération canadienne des municipalités, a mesuré les avantages environnementaux issus des projets qu'il a financés et en a fait rapport. C'est donc possible.
[Français]
De plus, les programmes de financement fédéraux que nous avons examinés n'encourageaient pas activement le recours à des méthodes novatrices pour atténuer les risques environnementaux. L'innovation est essentielle pour répondre aux besoins futurs des municipalités canadiennes, particulièrement en raison des pressions exercées sur les ressources financières disponibles et de l'apparition de nouveaux risques comme ceux liés aux changements climatiques et aux temps violents.
Au moment de l'audit, Infrastructure Canada nous a informés qu'elle n'avait pas reçu le mandat de choisir les projets de façon à encourager les projets d'infrastructure novateurs. Cela veut dire qu'il y a un risque que les approches innovatrices vertes ne viennent pas remplacer les technologies vieillissantes. À la lumière de nos constatations, dans notre recommandation finale, nous suggérons, entre autres, à Infrastructure Canada, en collaboration avec ses partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux, de proposer une vision à long terme en établissant les priorités du gouvernement fédéral relatives à l'infrastructure.
Avec une vision à long terme, les Canadiens sauront à quels résultats s'attendre des milliards de dollars consacrés à l'infrastructure par la voie de programmes fédéraux et dans quelle mesure ces programmes contribuent à la durabilité des collectivités au profit des générations futures.
[Traduction]
Infrastructure Canada a accepté cette recommandation ainsi que les autres recommandations du rapport. De plus, le budget de 2016 tient compte de l'engagement du gouvernement du Canada à donner suite aux éléments des recommandations. J'aimerais également souligner qu'à la suite de ma comparution devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes le 2 juin 2016, on a demandé aux représentants d'infrastructure Canada de comparaître de nouveau devant le comité dans un an pour faire état des progrès accomplis par rapport aux recommandations.
Le gouvernement fédéral s'est engagé à faire des investissements futurs importants dans l'infrastructure et à élaborer un plan d'infrastructure à long terme fondé sur la collaboration avec ses partenaires et les intervenants.
Il est important que le gouvernement établisse des objectifs pour les fonds et qu'il soit capable d'évaluer si ces objectifs sont atteints. De plus, il est primordial que l'infrastructure construite résiste aux effets du changement climatique et réponde aux besoins des générations futures.
Monsieur le président, voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Gelfand.
[Français]
Le président : Monsieur Fréchette, c'est à votre tour.
Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci, monsieur le président, madame la vice-présidente et honorables sénateurs, pour cette invitation à comparaître devant votre comité pour discuter du Programme fédéral d'investissements en infrastructures.
Cette séance se veut une suite à notre rencontre du 8 juin dernier, au cours de laquelle nous avons brièvement discuté de l'appui que le Bureau du directeur parlementaire du budget pourrait fournir à votre comité dans le cadre de son étude sur les infrastructures. Nous avons déjà entrepris des démarches en ce sens, et nous aimerions vous faire part de celles-ci.
[Traduction]
Sans plus tarder et avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais demander à mon collègue, Peter Weltman, de vous présenter un aperçu de l'avancement de nos travaux. Et après cette courte présentation PowerPoint, le directeur parlementaire du budget adjoint, M. Mustafa Askari, et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Peter Weltman, directeur principal, Analyse des coûts et des programmes, Bureau du directeur parlementaire du budget : Il s'agit d'une très brève présentation. Elle vise simplement à vous montrer ce que nous avons fait dans le passé pour ce genre de dossier et vous montrer ce que nous faisons actuellement.
Encore une fois, à titre de rappel, vous voyez ici le mandat du Bureau, c'est-à-dire ce que nous devons fournir au Parlement. Il s'agit, dans ce cas, de fournir une estimation des coûts financiers et, pour ce projet précis, nous examinerons le suivi des dépenses en infrastructure.
En nous reportant encore une fois à un projet antérieur, nous avons examiné quelque chose qui s'appelait le Fonds de stimulation de l'infrastructure, qui faisait partie des mesures de stimulation prévues dans le budget de 2009. Nous avons étudié comment l'argent a été distribué, parce que par définition, une mesure de stimulation vise à injecter l'argent dans l'économie rapidement, et c'est ce que nous voulions mesurer. L'idée était de savoir combien de temps il faudrait pour que les retombées de telles mesures se fassent réellement sentir, si le Parlement devait approuver des mesures semblables.
Cela vous donne une idée de ce que nous avons fait. Nous avons fait des mises à jour trimestrielles régulières, mais cela vous donne un aperçu de ce que nous pouvons faire lorsque nous recevons des données périodiquement. Dans le cas de ce programme précis, nous voulions évaluer quelle incidence les retards dans l'exécution des projets pourraient avoir sur le programme lui-même et déterminer les écarts possibles au terme du programme. Je voulais simplement présenter les principaux points, brièvement.
Ensuite, des demandes de financement ont été faites pour les projets; si vous prenez l'ensemble des 4 000 projets du programme et que vous regardez les dates de début et de fin des projets ainsi que les dépenses prévues, vous pouvez voir que cette courbe — la courbe des dépenses cumulatives — commence à zéro le 1er avril et se termine à environ 10 milliards de dollars. On avait donc un programme fédéral de 4 milliards de dollars, auquel se sont ajoutées les contributions provinciales et municipales.
On nous a fourni quatre mises à jour trimestrielles. Ces mises à jour ont été fournies à Infrastructure Canada, et nous avons fait un suivi similaire. Comme vous pouvez le voir, après trois mois, la courbe mauve commence à descendre légèrement sous la courbe verte. On constate que certains projets commencent à accuser du retard, puis qu'il y a des retards supplémentaires, comme le démontre cette courbe orange, six mois après le début du programme. Neuf mois après le début du programme, on voit que ce creux est un peu plus prononcé. Ensuite, évidemment, nous avons cette ligne rouge, après un an. Essentiellement, c'est ce que nous regardons.
Il est également intéressant de voir comment tout semble indiquer, à la toute fin, que le financement a été utilisé en totalité. Toutefois, en réalité, on constate qu'il y a un écart pour beaucoup de projets au cours des étapes initiales.
Ce que nous avons fait, c'est que nous avons pris ces informations et avons fait des projections pour savoir combien de projets pourraient être mis en œuvre ou non à l'avenir. Vous voyez ici les résultats que nous avons obtenus; nous avons établi une fourchette.
Encore une fois, il s'agit de vous donner une idée de ce que nous avons réussi à accomplir dans le passé. Voilà le genre de choses que nous ferons également pour les dépenses d'infrastructure du budget de 2016. À cela s'ajoutera toute information ou toute analyse demandée par le comité.
Voici quelques leçons que nous avons apprises. Les données sont limitées, et je crois que Mme Gelfand a aussi abordé cet aspect. De plus, ces données sont autoconsignées. Donc, il n'y a aucun audit sur la façon dont les gestionnaires de projets remplissent les formulaires. Un bon exemple, c'est que la définition utilisée par le ministère pour l'un des champs qui nous a servis à mesurer les écarts était très différente de la nôtre, et les gens du ministère n'acceptaient pas notre définition.
Nous avons créé une base de données pour le suivi des projets pour chaque dollar du budget de 2016 consacré aux infrastructures, notamment pour les logements sociaux ou le transport en commun. Nous avons créé une feuille de calcul pour déterminer quels projets ont été financés dans le cadre de ce programme.
Nous avons demandé des renseignements détaillés auprès de 28 ministères. À ce jour, nous avons obtenu 19 réponses. La base de données porte actuellement sur quelque 2 200 projets. Nous entreprendrons donc cette analyse lorsque la feuille de calcul sera complétée et que nous serons en mesure d'offrir un portrait des projets visés par le financement annoncé.
Une des considérations — et je pense que Mme Gelfand y a fait référence — est liée aux programmes de paiements de transfert, le mode privilégié pour la répartition du financement. Le problème, c'est que les exigences de production de rapports sont très limitées, de sorte qu'il est difficile de vérifier si des factures viennent appuyer les demandes de contribution avant le versement des contributions. Un projet peut aller de l'avant tant qu'il satisfait aux critères. Actuellement, nous n'avons pas les données nécessaires pour procéder à des analyses supplémentaires visant à déterminer si le projet atteint les objectifs, par exemple, mais nous pourrions les avoir à l'avenir.
Voici un exemple d'un autre outil que nous utilisons. Nous comparons les pratiques de surveillance des stimulants aux États-Unis et au Canada. Nous pourrions donc établir des comparaisons avec d'autres pays afin d'évaluer ou d'analyser la nature des programmes d'infrastructure.
C'est tout. Merci.
Le président : Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais que vous reveniez à la dernière diapositive.
M. Weltman : Celle-ci?
Le président : Lorsque je dirigeais la société Ogilvie Flour Mills, les gens du service des finances me présentaient souvent des rapports de ce genre. Cela me rendait nerveux, car j'avais l'habitude de dire que plus les chiffres sont petits et difficiles à voir, plus il est probable que quelque chose ne va pas. Donc, lorsque vous comparez les États-Unis au Canada, que peut-on conclure de ce graphique ou de ce tableau?
M. Weltman : Cela révèle simplement que les États-Unis mènent beaucoup plus d'activités de surveillance de leurs programmes de stimulation que le Canada. C'est exactement ce qui se passe.
Le président : Qu'est-ce que cela signifie? Y a-t-il plus d'activités aux États-Unis? À quoi cela nous mène-t-il? J'aimerais que vous établissiez un lien avec ce dont Mme Gelfand parle dans son rapport, car je pense qu'il y a là un lien très intéressant.
M. Weltman : Cela indique si on y met les efforts et le financement nécessaire — cela a été très coûteux aux États- Unis —, il est possible de fournir des informations très complètes sur les dépenses gouvernementales, qu'on parle de mesures de stimulation en général ou des infrastructures en particulier. Cela allait jusqu'aux entrepreneurs liés au projet, aux dirigeants des entreprises qui menaient les projets, à une vérification pour savoir si certains d'entre eux avaient déjà eu des ennuis avec le gouvernement fédéral, aux données de localisation et à la mise à jour régulière sur les projets. En fait, on demandait à des gens d'une région donnée de passer devant le site d'un projet pour vérifier si ce qui se passait sur le terrain correspondait à ce qui était publié sur le site web.
Le président : Il convient de mettre les choses en perspective, étant donné que le mandat du DPB est d'analyser les informations. Donc, lorsque nous posons des questions au directeur parlementaire du budget, nous devons être justes à son égard et nous en tenir à son mandat.
Mme Gelfand, du Bureau du vérificateur général, a peut-être une plus grande latitude pour ce qui est d'exprimer son opinion sur ce qui est bon et sur ce qui ne l'est pas. Ai-je raison? Ainsi, nous pourrons tous garder les choses en perspective et poser des questions équilibrées aux gens de ces deux groupes, ce qui nous permettra d'obtenir le plus d'informations possible.
Nous pouvons maintenant passer aux questions.
La sénatrice Cools : J'aimerais parler d'une page qui n'est pas au tableau actuellement, mais qui s'intitule « Considérations — choix de l'outil ». À la troisième puce, on lit ce qui suit : « En outre, seul le Cabinet peut établir les modalités de tous les programmes de paiements de transfert. »
Dites-moi, outre le Cabinet, qui d'autre pourrait établir les modalités?
M. Weltman : On pourrait conclure...
La sénatrice Cools : C'est là le rôle du Cabinet.
M. Weltman : C'est exact.
La sénatrice Cools : C'est ainsi que ces décisions sont prises; le ministre des Finances est là aussi, puis les gens du Conseil du Trésor répartissent le tout, et cetera. Voilà comment fonctionne le gouvernement.
M. Weltman : Une des suggestions — et c'est aussi pertinent, je crois —, étant donné que nous ne pouvons analyser que ce que nous avons, c'est que si le Parlement a besoin d'informations plus précises ou veut des rapports autres que ceux prévus dans les règlements du Conseil du Trésor, il faut que le Parlement nous demande de le faire en son nom. Cela ne se fera pas automatiquement.
La sénatrice Cools : Donc, vous agissez au nom du Parlement pour obtenir ces informations? En vertu de quelle autorité?
Le président : Ces gens se chargent de l'analyse.
La sénatrice Cools : J'en suis consciente, sauf que dans le cas présent, ce n'est pas une question d'analyse, mais une question de discrétion.
M. Weltman : Non. En fait, cela provient directement de la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor.
La sénatrice Cools : Je suis d'accord, mais c'est ce que le Cabinet fait. Il décide de la façon dont l'argent est dépensé, et il y a en beaucoup, surtout dans ce secteur.
Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Si je peux apporter une précision, je ne pense pas que le but de ce paragraphe était de laisser entendre qu'il devrait y avoir une solution de rechange. Ce n'est qu'un élément d'information. C'est ainsi que le système fonctionne avec la politique du Conseil du Trésor et le Cabinet. Le Cabinet prend la décision. C'est tout. On n'a jamais insinué qu'il devrait y avoir une solution de rechange à la façon de faire.
La sénatrice Cools : D'accord.
M. Weltman : Il n'y a pas de jugement.
La sénatrice Cools : Je croyais que vous disiez que ces décisions devraient être prises ailleurs. Je suis très contente de l'entité qui les prend à l'heure actuelle.
Le sénateur Tkachuk : Ma question s'adresse à Mme Gelfand. Avez-vous songé à la raison pour laquelle le gouvernement fédéral finance une usine de traitement des eaux à Watrous en Saskatchewan, par exemple? Avez-vous examiné cette question?
Mme Gelfand : Cette usine précise?
Le sénateur Tkachuk : Non, pas celle-là en particulier, mais vous avez parlé de toutes les municipalités. Que font les municipalités pour avoir accès à tous les ministères du gouvernement fédéral? Devraient-elles construire leurs propres usines de traitement des eaux? J'entends par là qu'elles ont l'impôt foncier. Pourquoi finançons-nous tous ces projets?
Mme Gelfand : Je pense que c'est une décision stratégique que le gouvernement du Canada a prise.
Le sénateur Tkachuk : Exactement.
Mme Gelfand : Dans le cas du traitement des eaux, il a adopté un règlement que les municipalités devront respecter, et un grand nombre de municipalités ne pourront pas se conformer à ce règlement sur les effluents que le gouvernement leur a imposé.
Mais c'est le gouvernement qui décide. Il lui revient de déterminer ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas. Je vous ai parlé de ce graphique. Il y a toutes sortes de fonds différents et de possibilités différentes pour financer des projets comme les services communautaires, le traitement de l'eau potable, l'énergie, les routes, les systèmes de transport intelligents, les ponts, le transport et le stockage du carbone et la restauration des friches industrielles. Le gouvernement du Canada a dit que ces projets sont tous admissibles à du financement.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends cela.
Mme Gelfand : Et nous avons vérifié...
Le sénateur Tkachuk : Vous êtes vérificatrice, n'est-ce pas? Vous vérifiez ces éléments.
Mme Gelfand : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Estimez-vous que c'est une bonne façon de faire, ou pensez-vous qu'il y a peut-être une autre façon de faire, ce que les vérificateurs font?
Mme Gelfand : C'est exact. Nous avons examiné si les objectifs étaient atteints, si des rapports sur les dépenses étaient rendus publics, si les objectifs étaient sensés, précis et mesurables. Nous avons examiné le processus de gestion, pour ainsi dire, la façon dont l'argent est dépensé et la façon de faire rapport au gouvernement du Canada.
Le sénateur Pratte : Nous sommes ici pour voir comment nous pouvons tirer des leçons du passé — vous avez étudié le passé — pour le programme d'infrastructure actuel.
[Français]
C'est un programme de 120 milliards de dollars et, si je comprends bien, il y a des points communs dans ce que vous avez trouvé, c'est-à-dire que dans les deux cas, vous n'avez pas trouvé suffisamment d'information pour déterminer si les objectifs visés par les programmes avaient été atteints. Dans le cas de la commissaire à l'environnement, en ce qui a trait au programme de taxe sur le carbone, il y avait des objectifs de nature environnementale, mais il n'y avait pas suffisamment d'information pour déterminer s'ils ont été atteints. Dans le cas du directeur parlementaire du budget, dans le rapport que vous aviez préparé sur le Fonds de stimulation de l'infrastructure. . .
[Traduction]
. . . J'ai lu quelque part que les renseignements étaient insuffisants pour voir si les objectifs relatifs aux emplois, entre autres, avaient été atteints.
[Français]
Dans le cadre du programme actuel, je n'ai rien vu dans tout ce qui nous a été présenté jusqu'ici qui indique que nous sommes mieux placés. Y a-t-il des choses que le gouvernement du Canada et qu'Infrastructure Canada devraient faire pour être en mesure d'obtenir toute l'information nécessaire afin de s'assurer que les 120 milliards de dollars seront dépensés et que les objectifs environnementaux seront atteints, puisqu'il y a des fonds verts, notamment, assortis d'objectifs de stimulation de l'économie? Parce que c'est cela qui est important. Le programme vise à stimuler l'économie, donc à créer des emplois, à faire croître la classe moyenne et aussi à atteindre des objectifs de nature environnementale. C'est une grande question, mais dans le fond, c'est le cœur de la question.
M. Fréchette : Pour répondre à votre question, sénateur, c'est ce qu'on fait. C'est le rôle qui nous a été confié. C'est un peu l'entente que nous avons conclue au mois de juin dans le cadre de nos discussions avec ce comité, selon lesquelles nous tenterions, au sein du Bureau du directeur parlementaire du budget, de suivre ces dépenses. Le graphique que vous avez vu avec les lignes de couleur représente exactement ce que nous voulons faire. Est-ce que l'argent sort? Est-ce qu'il sera dépensé au cours des deux prochaines années ou pas? C'est ce dont nous voulons faire rapport au Comité des finances de façon régulière, peut-être aux trois mois, par exemple. C'est notre rôle.
Quant à la création d'emplois, ce n'est pas nécessairement notre rôle d'évaluer le nombre d'emplois qui ont été créés, car beaucoup d'autres le font. Nous allons examiner l'utilisation des fonds et leur sortie. S'agissant de l'autre partie de la réponse, je vais passer la parole à ma collègue.
Mme Gelfand : Je vous recommande de regarder les recommandations inscrites dans notre rapport, ainsi que la réponse du ministère, parce qu'effectivement, nous lui avons demandé d'élaborer des mesures de rendement que nous pourrions suivre, à l'aide d'information. Nous avons demandé au ministère de veiller à ce qu'il reçoive l'information nécessaire, de recueillir des données fiables sur la condition des infrastructures de base, et nous lui avons recommandé de travailler avec Statistique Canada et de gérer les risques associés aux changements climatiques. Nous avons fait des recommandations spécifiques, et Infrastructure Canada nous a répondu.
Vous pourriez, à titre de parlementaires, faire le suivi auprès du ministère pour déterminer s'il a vraiment l'intention de mettre en œuvre nos recommandations.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Si vous le permettez, je pense que ce sont des questions que nous devons absolument poser à certains de nos témoins. Nous devrons peut-être les réinviter, mais je pense que ce sont des questions que nous devons poser. Lorsqu'ils ont comparu devant nous, je ne pense pas que nous avons obtenu des réponses convaincantes à ces questions. Nous savons qu'ils dépenseront l'argent; c'est certain. De toute évidence, lorsque vous dépensez ces sommes, vous créerez des emplois. Mais quant à savoir s'ils sont en mesure de vraiment mesurer ces répercussions, je ne suis pas certain.
Le président : Ou ce qu'ils mesurent.
Le sénateur Pratte : Et ce qu'ils mesurent, la façon dont ils le font et si nous pouvons avoir une idée de la situation après un an, deux ans et trois ans.
Mme Gelfand : Plus précisément, les représentants ont répondu qu'Infrastructure Canada travaillera avec des signataires pour élaborer une stratégie de rendement appropriée et efficace pour mesurer les résultats. Vous pourriez lui demander ce qu'il fait à cet égard.
Infrastructure Canada mettra en œuvre une stratégie plus pragmatique de reddition de comptes sur le rendement pour le Fonds [...]
C'est pour le Fonds de la taxe sur l'essence, mais cette stratégie devrait être applicable à n'importe quel fonds.
[...] et ira de l'avant avec les trois résultats spécifiques et mesurables [...]
On peut lire ceci plus bas :
Infrastructure Canada travaillera avec les signataires pour colliger les résultats indiqués dans leurs prochains rapports sur les résultats qui seront publiés en 2018 afin de démontrer les résultats du programme [...]
En fait, pour ce qui est du Fonds de la taxe sur l'essence, un rapport provisoire, qui avait été préparé en 2008 ou 2009, a été déposé au Parlement. Il n'avait jamais été rendu public. Il y a donc tous ces renseignements que nous colligeons. Ils ne sont pas communiqués aux parlementaires ou au public.
Vous pourriez donc assurer un suivi, examiner ce que le ministère a dit et où il en est dans le dossier. Ce serait génial.
Le sénateur Pratte : Merci.
La sénatrice Eaton : Madame Gelfand, dans votre exposé, vous avez dit : « Notre audit a porté sur des programmes d'infrastructure fédéraux visant à améliorer la durabilité des collectivités canadiennes ».
Nous savons que le gouvernement actuel dépensera plus d'argent que le gouvernement précédent sur les Premières Nations. Dans votre audit, pouvez-vous voir, en ce qui concerne les collectivités des Premières Nations, si ce qui est créé est conforme et viable et s'il résistera aux répercussions environnementales?
Mme Gelfand : Nous ne l'avons pas fait dans le cadre de cette vérification. Nous ne sommes pas entrés autant dans les détails. En tant que Bureau du vérificateur général, nous pouvons faire et nous faisons de nombreuses vérifications sur la situation des Premières Nations. Je crois qu'il est prévu d'examiner les dépenses d'infrastructure, et je pense que nous l'avons fait dans le passé.
La sénatrice Eaton : Oui, car il y aura beaucoup d'argent qui sera versé, et je pense que ce sera intéressant.
L'autre point intéressant que vous avez soulevé est que le Canada n'avait pas ciblé ou géré correctement les risques environnementaux. Parlez-vous des municipalités et des systèmes d'égouts, sans penser aux inondations? Parlez-vous des tremblements de terre? Parlez-vous du fait que des villes comme Toronto n'enfouissent par leurs lignes électriques?
Mme Gelfand : Ce que nous examinions, au moment de sélectionner les projets, de choisir les initiatives à financer, ce sont les outils et les mécanismes qui étaient utilisés et si les risques environnementaux étaient pris en compte.
Le ministère a demandé des renseignements sur les risques environnementaux aux gens qui présentaient des projets, mais lorsqu'il s'est penché sur les projets qu'il devrait financer, il n'a pas pris en considération les risques environnementaux. Il examinait dans son analyse si le projet pouvait être mené à bien. Le projet était-il prêt à démarrer? Tout le financement était-il en place? Ce sont là tous les éléments pris en compte, non pas de savoir si le projet est viable, mais s'il va réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Le projet pourra-t-il résister à des phénomènes météorologiques violents? Il a obtenu l'information. Il ne l'a toutefois pas utilisée dans son analyse.
La sénatrice Eaton : C'est surprenant, car si l'on pense au Québec et à la tempête de verglas, il y a combien d'années de cela et combien de personnes ont été privées d'électricité, et combien de personnes il y a de cela deux Noëls passés ont manqué d'électricité pendant 10 jours? C'est extraordinaire.
Monsieur Fréchette, que pensez-vous d'Infrastructure Ontario en tant que modèle pour les autres provinces ou pour le Canada?
M. Fréchette : Je ne peux pas répondre à cette question. Nous ne comparons pas l'infrastructure entre les provinces.
La sénatrice Eaton : Non, mais c'est une façon de bâtir des infrastructures et de les gérer.
M. Askari : C'est vraiment un problème de gestion gouvernementale. Nous n'intervenons pas dans ces dossiers.
La sénatrice Eaton : Je croyais simplement que vous auriez peut-être une opinion.
M. Askari : Je ne pense pas que vous voulez entendre nos opinions personnelles.
La sénatrice Eaton : Je suis certaine que nous pourrions apprendre quelque chose de vos opinions personnelles.
Le président : Ce qui ressort clairement des déclarations de M. Fréchette et de son groupe est que lorsque l'on examine les fonds non utilisés, le temps qu'il a fallu pour obtenir de l'argent, si c'est ce qu'ils prennent en considération, combien d'argent obtenez-vous pendant un délai donné et combien d'argent est inutilisé? Ce sont là des indicateurs. Leur travail ne consiste pas à dire s'ils pensent que c'est bon ou mauvais, mais ces facteurs peuvent nous amener à comprendre certaines des conclusions que le vérificateur général a formulées concernant les mesures, la rétroaction officielle, le calendrier. Ces facteurs, directement ou indirectement, tombent en place et nous donnent une vue d'ensemble.
Étant donné que nous n'en avons pas discuté aujourd'hui, vous pourriez peut-être, madame Gelfand, faire une observation à ce sujet : Il y 12 ministères horizontaux qui gèrent les infrastructures, et en ce qui a trait à Infrastructure Canada, la sénatrice Eaton s'intéresse plus particulièrement au développement autochtone, alors lorsque nous posons la question : « Contrôlez-vous l'argent qui est versé à tous ces secteurs? », la réponse est non, car il y a 12 ministères qui gèrent les infrastructures par eux-mêmes. Cela laisse entendre qu'il y a un problème de contrôle en matière d'efficacité. S'il y a 12 ministères, ont-ils tous la même méthode de travail et la même marche à suivre? Cela nous ramène à quelques-unes des questions qui ont été soulevées.
Je veux m'assurer que nous sommes justes envers les deux parties pour ce qui est des questions que nous leur posons afin de maximiser l'information que nous obtenons.
Mme Gelfand : Nous nous sommes penchés sur la question de la coordination. Nous avons examiné comment Infrastructure Canada coordonne ses activités au sein du gouvernement et de son ministère, et s'il communique ou non avec les autres ministères.
Kimberley Leach, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous avons fait une recommandation à cet effet. C'est l'une des dernières recommandations formulées dans notre rapport, au point 1.100. On recommande qu'Infrastructure Canada, en collaboration avec ses partenaires municipaux, provinciaux, territoriaux et fédéraux devraient prendre un certain nombre de mesures. La première est de clarifier les rôles et les responsabilités du gouvernement fédéral, qui est l'un des éléments clés de la coordination. Il doit également mieux répondre aux besoins d'information, comme nous en avons déjà parlé. Les données posent problème.
Il doit fournir du soutien aux municipalités pour qu'elles puissent adopter de bonnes pratiques de gestion des actifs. Je sais que le comité a parlé des éléments associés à la gestion des actifs. Il doit clarifier les rôles du gouvernement fédéral afin de promouvoir l'utilisation d'approches novatrices, et fournir une vision à long terme qui énonce les priorités en matière d'infrastructure fédérale qui sont assorties d'objectifs clairs, de mesures du rendement et de reddition de comptes.
C'était notre recommandation générale en ce qui concerne ce qu'Infrastructure Canada pourrait faire pour mieux coordonner ses activités.
Le président : Quand ses représentants se sont-ils engagés à vous revenir là-dessus?
Mme Leach : Ils ont approuvé la recommandation. C'est une réponse très longue, qui comprend de nombreux éléments, mais ils ont accepté de faire rapport sur les progrès en 2018.
Comme Julie l'a expliqué au début de la réunion, lorsque nous avons saisi le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de cette question, il a demandé à Infrastructure Canada de revenir au comité un an plus tard, qui était en juin 2016, pour faire rapport sur les progrès accomplis.
Le président : 2018, c'est dans deux ans. Quelqu'un parmi nous sera-t-il encore en vie d'ici à 2018? Est-ce ainsi que le gouvernement fonctionne pour déterminer s'il fait des progrès? On pourrait penser qu'il y aura des vérifications avant deux ans et demi.
Mme Leach : Je tiens à préciser qu'il y a un certain nombre d'aspects dans cette recommandation. L'engagement de 2018 vise à faire rapport sur les progrès accomplis en matière de gestion des actifs, mais il y a d'autres éléments dans cette recommandation qui étaient assortis d'un délai plus court.
La sénatrice Andreychuk : Madame Gelfand, ce que vous dites, c'est que vous ne comprenez pas ce que le gouvernement fera en matière de performance environnementale et de reddition de comptes. Vous savez qu'il va faire quelque chose, mais vous ne connaissez pas la mécanique. Nous parlons de transparence, n'est-ce pas? Il n'a pas divulgué comment il procédera, alors nous ne savons pas s'il ne l'a pas fait, ou s'il le fait mais ne le divulgue pas et, par conséquent, on ne peut pas évaluer le rendement par rapport aux lignes directrices et aux vérifications.
Nous n'avons absolument aucune idée si les indicateurs de performance environnementale qu'il utilise sont adéquats conformément aux normes internationales ou autres, n'est-ce pas?
Mme Gelfand : Je pense que c'est pire que cela. Je ne pense pas qu'il dispose des renseignements nécessaires pour nous dire si la situation s'améliore. L'air ou l'eau sont-ils plus propres? Avons-nous réduit les émissions de gaz à effet de serre? Il ne possède pas les données pour tirer des conclusions.
Il a dépensé 13 milliards de dollars pour le Fonds de la taxe sur l'essence de 2005 à 2015. L'un des objectifs énoncés était d'assainir l'air et l'eau et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je ne pense pas que je serais intervenue dans ce dossier lié à l'infrastructure en tant que la commissaire à l'environnement et au développement durable à moins d'avoir entendu : « Mon Dieu, le ministère avait tous ces objectifs axés sur la viabilité; je veux intervenir et voir ce qui se passe ».
Ce n'est pas un manque de transparence. Il n'a pas l'information. Il n'a pas mis sur pied de systèmes de gestion du rendement pour pouvoir recueillir les données, alors il ignore ce qu'il en est.
À mon avis, ce n'est pas qu'il n'a pas l'information et ne nous la divulgue pas. Il n'a pas l'information. Il ne sait pas ce qu'il en est.
La sénatrice Andreychuk : Vous a-t-il fait savoir qu'il ne le sait pas, ou avez-vous dû le découvrir par vous-même et tirer cette conclusion? C'est ce que j'entends par « transparence ».
Mme Gelfand : Non, il a dit qu'il ne le savait pas.
La sénatrice Andreychuk : Vous a-t-il donné une raison?
Mme Gelfand : Il n'a jamais établi de systèmes de mesure du rendement. C'est un petit ministère. Il a été créé par décret. Il n'a pas beaucoup de personnel. Son travail consiste à distribuer l'argent et il estime que le Fonds de la taxe sur l'essence visait à offrir du financement stable aux municipalités. Le problème, c'est que le Fonds de la taxe sur l'essence était également assorti d'un autre objectif et nous vérifions cet autre objectif, mais il ne pouvait pas nous répondre s'il l'avait atteint ou non. C'est mon travail. Mon travail consiste à déterminer si le gouvernement annonce que nous allons envoyer une femme sur la lune, pas de dire si nous devrions ou non envoyer une femme sur la lune. Mon travail est de vous dire si nous le faisons efficacement.
Le gouvernement du Canada fixe un objectif : nous assainirons l'air et l'eau et nous réduirons les émissions de gaz à effet de serre, alors mon travail est de demander si nous l'avons fait efficacement, et le ministère ne peut pas fournir de réponse.
La sénatrice Andreychuk : Il avait d'autres objectifs que celui relatif à l'environnement...
Mme Gelfand : Non, c'était l'un des objectifs.
La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit que c'était un des objectifs seulement.
Mme Gelfand : Un des deux principaux objectifs. C'est tout au moins ce qu'ils nous ont indiqué.
La sénatrice Andreychuk : Vous ne vous êtes pas intéressés à l'autre objectif?
Mme Gelfand : Non.
La sénatrice Andreychuk : Qui devrait s'en charger, le vérificateur général?
Mme Gelfand : Eh bien, j'aurais peut-être dû.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que quelqu'un a été congédié?
Mme Gelfand : Personne n'a perdu son emploi.
Le sénateur Tkachuk : Bien sûr que non.
La sénatrice Andreychuk : Mais vous ne savez pas s'ils ont atteint l'autre objectif, ni même s'ils ont pris des mesures d'évaluation à cet égard, ou êtes-vous en train de nous dire qu'ils ont raté la cible dans les deux cas?
Mme Leach : L'autre objectif consistait à offrir du financement stable à long terme.
Mme Gelfand : Ils y sont à peu près parvenus.
La sénatrice Andreychuk : Ils ont atteint cet objectif.
Monsieur Fréchette, vous heurtez-vous aux mêmes problèmes lorsque vous tentez de faire des évaluations de rendement? Constatez-vous que rien n'est fait ou tout simplement que l'on ne vous communique pas les renseignements?
M. Fréchette : Nous ne faisons pas vraiment d'évaluations de rendement.
La sénatrice Andreychuk : Je ne parle pas des évaluations comme telles, mais de l'information...
M. Fréchette : L'information? Dans certaines situations, les choses ont été plus difficiles. Comme l'indiquait Peter dans son exposé, nous avons dû écrire en l'espèce à 28 administrateurs généraux des ministères, comme nous le faisons toujours, et nous avons reçu jusqu'à maintenant 19 réponses. La date limite approche à grands pas et plusieurs nous ont demandé un délai supplémentaire, ce qui ne nous cause pas de problème. Nous sommes patients. Pour autant que nous obtenions l'information et les données demandées, nous serons satisfaits. La situation s'améliore, mais il fut un temps où c'était plus difficile.
Le sénateur Cowan : Je ne veux pas me montrer facétieux, mais s'ils n'ont pas cherché à déterminer si les dépenses engagées ont permis d'assainir l'air et l'eau et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, qu'ont-ils mesuré au juste? Ont-ils seulement cherché à connaître les sommes dépensées?
Mme Leach : Oui, combien a été dépensé pour les différents types de projets; combien pour les routes, combien pour les égouts et des projets semblables. Ils peuvent déterminer ce qui avait été concrètement réalisé avec l'argent, mais pas nécessairement les résultats obtenus. Ils pourraient vous dire combien de routes, de systèmes d'égout et de ponts ont été construits, mais ils ne sauraient vous indiquer si cela s'est traduit par de l'air ou de l'eau plus pur, ou encore par une diminution des gaz à effet de serre.
Le sénateur Tkachuk : Il ne faut toutefois pas en conclure que les résultats n'étaient pas au rendez-vous. C'est simplement qu'ils n'ont pas été évalués.
Mme Gelfand : Vous avez tout à fait raison. Il est possible que toutes ces choses aient été réalisées, mais nous ne le savons pas. C'est dans le domaine du possible, mais ils ont des comptes à vous rendre. Il s'agit après tout de 13 milliards de dollars en fonds publics qui étaient censés permettre d'assainir l'air et l'eau et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Cowan : Nous ne pouvons pas affirmer que cela n'a pas été fait?
Mme Gelfand : Exactement, pas plus que nous savons si cela a été réalisé.
La sénatrice Andreychuk : La machine du Sénat est tellement bien huilée que le sénateur Cowan vient tout juste de vous poser ma prochaine question. Je voulais savoir qu'est-ce qu'on mesurait d'autre, mais nous sommes dans l'ignorance à tous les points de vue. Impossible pour nous de savoir si les choses se sont bien déroulées ou non. Je voulais vous demander s'ils y sont parvenus sans nous le dire ou encore s'ils ont raté leur cible. C'est mauvais dans un cas et légèrement pire dans l'autre, mais nous ne savons toujours pas à quoi nous en tenir.
Nous venons de recevoir le représentant d'Infrastructure Ontario, une province où il est possible de clairement déterminer qui réalise un projet pour la construction d'un édifice, par exemple, mais la personne en question n'était pas responsable des résultats obtenus à l'égard des différents aspects, mis à part les structures et les contrats. Nous ne savons toujours pas si ces palais de justice étaient nécessaires. On nous a dit qu'il s'agissait de décisions politiques.
Le président : Nous avons notamment demandé aux gens d'Infrastructure Canada s'ils possédaient l'expertise technique requise, s'ils pouvaient compter sur des ingénieurs. Ce n'est pas le cas. Ils misent essentiellement sur des bureaucrates qui analysent les formulaires. Les gens d'Infrastructure Ontario qui ont comparu tout à l'heure ont indiqué qu'ils ont recours à des professionnels qui sont des gestionnaires de projet et savent exactement ce qui se passe. Il faut donc considérer que nous avons au fédéral du personnel administratif qui excelle dans l'analyse des formulaires et des demandes, mais qui ne possède pas l'expertise technique nécessaire pour comprendre ce qui se passe. Il devient donc extrêmement difficile d'établir des objectifs d'évaluation du fait que l'on ne peut pas compter sur les compétences voulues pour déterminer s'ils ont été atteints.
Par ailleurs, le bureau de M. Fréchette nous a remis un excellent rapport. Nous avons notamment exprimé notre volonté d'évaluer les résultats obtenus de 2006 jusqu'à 2014-2015, lorsqu'il y a eu coupure avec le changement de gouvernement. Dans les faits, nous n'avons pas actuellement un programme de 120 milliards de dollars. Il s'agit plutôt de quelque 60 milliards de dollars de fonds non utilisés qui ont été reportés et qui s'ajoutent à un autre montant de 60 milliards de dollars. En jetant un coup d'œil sur les graphiques présentés dans le dernier rapport du DPB, vous verrez que les nouveaux fonds commencent à entrer en jeu pendant l'exercice 2016-2017, ce qui est plutôt intéressant.
Est-ce bien cela? Je veux seulement situer les choses un peu mieux dans leur contexte pour guider notre examen des recommandations.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup pour vos exposés très intéressants.
Je ne suis pas certain que ce soit votre rôle, mais il est question ici de mesures de rendement, et vous devez de toute évidence évaluer les mesures choisies par le gouvernement. Lors de notre dernière séance, nous avons reçu un groupe d'experts — des économistes — qui nous ont dit qu'il y avait plusieurs façons d'évaluer l'impact économique. Les multiplicateurs ne sont plus favorables. Il y a notamment le nombre d'emplois et peut-être aussi le niveau de service tout comme la mesure dans laquelle on parvient à atténuer les répercussions environnementales.
Si je vous demandais de nous donner cinq indicateurs précis permettant d'évaluer l'impact de ces programmes d'infrastructure, quels seraient-ils? Devrait-on se limiter simplement aux emplois? Pourriez-vous en nommer quatre autres? Est-il possible d'évaluer l'impact d'un projet sur le PIB? Si vous étiez premier ministre pendant une journée, quels sont les cinq que vous choisiriez?
M. Askari : Je ne souhaite pas vraiment être premier ministre, mais nous évaluons en fait l'impact économique qui comprend à la fois les répercussions sur le PIB et sur l'emploi. Il y a toutefois certaines considérations à prendre en compte. Nous faisons essentiellement une projection de l'impact que devrait avoir un investissement dans les infrastructures. À cette fin, nous nous fondons sur les modèles à notre disposition et les multiplicateurs dont vous avez parlé. Il faut savoir que nous avons un multiplicateur établi d'après nos propres modèles, que le ministère des Finances a les siens et qu'il y en a bien d'autres qui existent. Ainsi, on mesure l'impact sur le PIB et on en déduit les répercussions en matière d'emploi, ce qui nous permet d'évaluer l'impact économique global. C'est de cette manière que nous procédons.
Tout cela est donc fait à partir de projections. Il peut être difficile d'évaluer les impacts d'un investissement dans les infrastructures sur le PIB et l'emploi, car on ne peut pas toujours les distinguer des autres facteurs qui influent sur ces résultats économiques. C'est le plus grand défi.
À titre d'exemple, de nombreuses études ont été menées aux États-Unis, surtout après la crise de 2009 et les investissements considérables consentis dans les infrastructures par la suite. Ces études ont produit une grande variété de résultats quant aux impacts anticipés et réels. Il est malheureusement difficile de savoir à quoi s'en tenir dans de telles circonstances.
Je vous dirais à ce sujet que le gouverneur de la banque a indiqué lors d'une récente allocution que des études plus approfondies s'imposent, notamment pour évaluer l'impact des infrastructures sur l'économie. Ce n'est pas chose facile, et des recherches à ce sujet pourraient être utiles. Pour notre part, dans une perspective très générale, nous avons indiqué dans notre rapport produit après le budget dans quelle mesure les investissements dans les infrastructures allaient faire augmenter le PIB et, par le fait même, le nombre d'emplois qui pourraient être créés.
Le sénateur Mitchell : Merci. Avez-vous cherché à évaluer la qualité des emplois créés et leur nature, à savoir notamment s'il s'agissait de bons emplois et s'il y en avait autant pour les femmes que pour les hommes? Je pose la question, car ce sont souvent les hommes qui sont favorisés lorsque des emplois sont créés dans le cadre de projets d'infrastructure.
M. Askari : Non, car nos estimations se font à un niveau très général. Nous n'évaluons pas séparément chacun des projets. Nous déterminons les sommes investies par le gouvernement dans l'économie dans le cadre de projets d'infrastructure et suivons leur cheminement au sein du système pour voir dans quelle mesure elles font augmenter le PIB. Nous établissons ensuite un lien entre le PIB et l'emploi pour en arriver à un chiffre. Ce sont les seuls renseignements dont nous disposons.
Le sénateur Mitchell : Ma prochaine question est de nature plus ouverte, si je puis dire. Comme je le mentionnais précédemment au sénateur Pratt, il y a un constat qui me revient sans cesse à l'esprit dans le cadre de cette étude. Tous ces projets d'infrastructure m'apparaissent plutôt désuets alors que nous sommes en plein XXIe siècle.
Madame Gelfand, vous avez indiqué que le Canada doit construire des routes et des immeubles plus résistants. De quoi aura l'air le Canada en 2040 ou en 2050? Aurons-nous besoin de routes différentes pour les véhicules automatisés? Nous considérons les infrastructures seulement dans une optique de construction, mais ne peut-il pas y avoir maintenant des infrastructures virtuelles? N'y a-t-il pas un tout nouvel éventail d'infrastructures possibles pouvant créer une économie totalement différente? Nous continuons à construire des autoroutes périphériques dont nous n'aurons peut-être plus besoin. Existe-t-il des nouveaux types d'infrastructures capables d'entraîner la création d'un plus grand nombre d'emplois et de générer une plus grande richesse à long terme qu'un simple projet de construction d'une route qui emploie 2 000 travailleurs pendant six mois, puis plus rien par la suite?
Mme Gelfand : C'est une excellente question. Nous avons justement recommandé aux gens d'Infrastructure Canada qu'ils nous présentent, en collaboration avec tous leurs partenaires, une vision à long terme exposant les priorités fédérales en matière d'infrastructure, assorties d'objectifs clairs et de mesures d'évaluation du rendement et de reddition de comptes.
Vous vous interrogez donc au sujet de notre vision? De quoi aura l'air notre pays? Qu'est-ce que nous devrions financer?
J'ai beaucoup mis l'accent sur la résistance parce que je considérais les risques de conditions météorologiques extrêmes. Vous n'avez qu'à penser à ce qui se passe actuellement en Haïti. Nous savons que de telles situations vont être plus fréquentes. Nous avons eu la tempête de verglas. Dans le Sud de l'Ontario, il y a eu des inondations à Windsor.
Si les infrastructures que nous construisons ne sont pas suffisamment résistantes, nos collectivités ne pourront pas tenir le coup étant donné tous les risques environnementaux associés aux changements climatiques.
Le sénateur Mitchell : Vous êtes donc en train de nous dire que les changements climatiques commencent vraiment à nous coûter assez cher?
Mme Gelfand : Nous savons qu'ils entraînent déjà des coûts considérables.
Puis-je répondre à votre autre question concernant les cinq indicateurs? Je ne vais pas vous proposer des indicateurs économiques, mais je voulais vous dire que la Fédération canadienne des municipalités a établi des indicateurs de rendement pour mesurer l'efficacité du Fonds municipal vert.
Le président : Avez-vous des détails à ce sujet?
Mme Gelfand : La fédération en a.
Le président : Est-ce que vous connaissez ces indicateurs?
Mme Gelfand : Est-ce que nous connaissons les indicateurs?
Mme Leach : Nous en traitons effectivement dans notre rapport. Par exemple, on vérifie si un projet censé réduire les émissions de gaz à effet de serre produit effectivement les résultats escomptés. Pour ce faire, on ne se limite pas à la période suivant immédiatement la construction. Il y a en effet une disposition de retenue des fonds pendant l'année qui suit leur versement. On revient alors en arrière pour évaluer au moyen de différentes mesures si le projet a atteint ses objectifs environnementaux au cours des 12 derniers mois.
Mme Gelfand : Vous pouvez le lire dans notre mémoire. Je connais bien la manière dont nous procédons avec nos bases de données, et je peux vous dire que nous avons sans doute pris connaissance de ces attentes de la fédération quant au rendement avant d'en traiter dans notre rapport. Nous n'avons fourni aucun détail à ce sujet, mais il y a fort à parier que les gens de notre bureau ont été mis au fait de ces attentes.
Le président : Si vous les avez, pourriez-vous les transmettre à notre greffière? Nous assurons également le suivi auprès de la Fédération canadienne des municipalités. Nous leur demanderons aussi de nous les communiquer. Nous avons reçu les représentants de la fédération qui ont fait montre d'un grand professionnalisme. Nous avons demandé à nos collègues sénateurs d'aller parler aux maires de leur région, car si nous savons qu'ils apprécient beaucoup le Fonds de la taxe sur l'essence, la mesure la plus importante pour les petites municipalités, il nous faut aussi déterminer, comme nous cherchons à le faire ce soir, dans quelle mesure ce fonds permet de produire les résultats souhaités.
Mme Gelfand : Puis-je vous parler d'une autre conclusion de notre rapport?
Le président : Je vous en prie.
Mme Gelfand : Quelqu'un s'interrogeait au sujet des extrants et des résultats obtenus. Nous savons notamment, et nous l'avons indiqué dans notre rapport, que le tiers des sommes provenant du Fonds de la taxe sur l'essence est consacré à des travaux visant les routes et les ponts. Alors, est-ce que cela contribue ou non à une hausse des émissions de gaz à effet de serre?
Il y avait même l'exemple d'un nouveau type d'asphalte qui réduit la friction et diminue par le fait même les émissions de gaz à effet de serre. Je ne sais pas trop comment cela est possible. Je me demande surtout si l'on peut encore freiner lorsque la friction est moins forte.
Nous avons aussi noté que l'on avait amélioré les systèmes d'assainissement de l'eau à Lévis, au Québec. On a par ailleurs construit un centre de traitement des déchets organiques à Guelph, et nous savons également que cinq grandes villes ont investi les sommes provenant du Fonds de la taxe sur l'essence dans leur réseau de transport en commun. Il s'agit de Vancouver, Calgary, Edmonton, Ottawa et Toronto.
Nous sommes donc au fait de quelques-unes des mesures qui ont été prises. On n'a toutefois pas pu nous dire si ces mesures se sont traduites par un assainissement de l'air et de l'eau ou par une réduction des gaz à effet de serre, mais nous savons que la Fédération canadienne des municipalités est capable de le faire. Cela démontre que c'est chose possible.
M. Weltman : Il est important de ne pas oublier — ce qui nous ramène à la diapositive dont la sénatrice Cools a parlé — que les fonds d'Infrastructure Canada sont principalement transférés à d'autres ordres de gouvernement.
Il y a donc des modalités établies par le gouvernement, lesquelles visent notamment à limiter, dans une certaine mesure, les exigences pouvant être imposées à un autre ordre de gouvernement pour ce qui est des comptes à rendre. Selon moi, c'est une réalité qu'il faut absolument garder à l'esprit. Je sais qu'il y a eu une question à ce sujet la semaine dernière. J'ai assisté à la séance où les gens d'Infrastructure Canada ont exposé les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral devrait déterminer la manière dont les petites provinces et les municipalités pourraient dépenser les fonds. Je crois que c'est une autre considération qui entre en jeu. Il est important de ne pas l'oublier.
Le président : Vous avez tout à fait raison. Je vous dirais cependant que la sénatrice Eaton a posé de nombreuses questions au ministère des Affaires autochtones. Nous avons reçu le président de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, l'organisme qui régit les prêts consentis pour la construction de maisons. Nous lui avons demandé : « Lorsque vous prêtez de l'argent à une première nation, quelles garanties peut-elle vous offrir? » Il nous a répondu : « Aucune garantie, elle ne relève pas de notre compétence. »
Il y a un trop grand nombre de programmes. Nous savons qu'il y en a plus d'une vingtaine, car Infrastructure Canada a eu l'obligeance de nous en fournir la liste avec les échéanciers. Pour sa part, le directeur parlementaire du budget nous a démontré que plusieurs milliards de dollars injectés dans le système depuis 2006 n'avaient pas été utilisés. Nous pouvons donc constater que les programmes nécessaires n'ont pas tous été mis en œuvre.
Il devrait toutefois y avoir des mécanismes régulateurs permettant de s'assurer que l'entité qui reçoit des fonds fournit certains indicateurs de rendement à celles qui les lui versent. Je pense que c'est la façon logique de procéder.
Pourquoi ne pouvons-nous pas procéder de cette manière?
M. Askari : Pour que les choses soient bien claires, les graphiques que nous vous avons présentés ne concernent pas les nouveaux fonds pour les infrastructures, ces 60 milliards de dollars non utilisés par le gouvernement précédent, comme vous l'avez mentionné. Ces graphiques portent uniquement sur le Fonds de stimulation de 2009.
Le président : Je comprends cela, mais vous nous avez également fourni d'autres graphiques présentant une ventilation des fonds versés de 2006 à 2015, et indiquant à quel moment les nouveaux investissements de 60 milliards de dollars vont entrer en jeu. Sans vouloir critiquer l'ancien gouvernement, cela nous montre qu'une large proportion de ces 60 milliards de dollars — je crois qu'il s'agissait d'abord de 33 milliards puis de 53 milliards réservés par les conservateurs au cours de cette période — n'a jamais été utilisée.
Comme ces sommes n'ont pas été utilisées, elles demeurent dans les livres ou elles sont reportées. J'en conclus, non pas que vous critiquez qui que ce soit, mais que vous démontrez que ces sommes n'ont pas servi à réaliser un projet ou un autre.
M. Askari : Je dois préciser que le gouvernement a indiqué dans le cadre du budget de 2016 que les sommes non utilisées à cet égard seront réparties entre les provinces par l'entremise du Fonds de la taxe sur l'essence.
Le président : C'est exact.
M. Askari : Cela va se faire en mode accéléré.
Mme Leach : Je voulais porter à l'attention du comité un document dont nous avons pu prendre connaissance lors de notre vérification. Il s'agit du plan d'infrastructure de l'Australie. Je ne sais pas si quelqu'un vous en a déjà parlé, mais on y trouve un certain nombre des mesures dont le comité a discuté aujourd'hui et lors de séances précédentes. Ce plan a été rendu public en février 2016. Plutôt que de se limiter à indiquer l'utilisation que l'on compte faire de l'argent, on propose une véritable approche stratégique. Quelles sont nos priorités nationales? Comment allons-nous nous assurer que les objectifs visés sont atteints? On s'appuie sur des données probantes pour établir des priorités nationales en matière d'infrastructures.
Il y a donc une distinction à faire entre une approche stratégique s'articulant autour de différents éléments et un plan d'infrastructure à long terme qui précise uniquement les investissements qui seront faits. Ce n'est pas du tout la même chose.
Mme Gelfand : Je pense que nous avons ici un exemplaire de ce document.
Le président : C'est vrai?
Mme Leach : J'ai tout au moins la table des matières et le résumé.
Le président : Est-ce que vous pourriez nous transmettre le tout?
Mme Leach : Certainement.
Le président : Ce serait merveilleux.
Passons maintenant aux observations finales de nos témoins avant de mettre fin à la séance. Certains d'entre nous avons dû siéger en comité et au Sénat depuis le début de la journée. Il y en a qui ont froid, d'autres qui sont fatigués ou qui se sentent faibles parce que nous n'avons pas mangé depuis ce matin. Nous ne voulons pas que vous nous preniez en pitié même si vous avez certes eu droit à un bon repas avant de comparaître devant nous, mais nous mourrons de faim. Il est temps pour nous de conclure.
Avez-vous un dernier commentaire, monsieur Fréchette? Messieurs Askari et Weltman, vous pouvez intervenir également.
M. Fréchette : Nous nous réjouissons à la perspective de poursuivre notre collaboration avec votre comité et nous sommes disposés, comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, à vous fournir tous les renseignements supplémentaires dont vous pourriez avoir besoin pour vous faire une meilleure idée de l'avenir des investissements dans les infrastructures. C'est en gros ce que nous avions à vous dire.
Le président : Le Bureau du directeur parlementaire du budget a fait de l'excellent travail pour nous fournir rapidement de précieuses informations aux fins de notre étude, et j'encourage tous mes collègues à en prendre connaissance si ce n'est pas déjà fait. Merci de votre contribution. Madame Gelfand?
Mme Gelfand : Je vous suis vraiment reconnaissante de nous avoir invités à comparaître devant vous pour discuter de ces questions. J'ose espérer que vous préparerez votre rapport final en gardant à l'esprit qu'il faut pouvoir compter sur des infrastructures résistantes et durables.
Il va de soi que les emplois sont importants, mais il en va également de l'avenir de nos collectivités qui doivent être en mesure de résister aux changements climatiques qui s'annoncent.
Le président : Si vous pouviez nous soumettre un résumé d'une page exposant les principaux points que vous avez fait valoir, cela nous serait d'une grande utilité. Est-ce chose possible?
Mme Gelfand : Certainement.
Le président : Ce serait formidable.
Je tiens donc à vous remercier au nom de tous les membres du comité.
[Français]
Je remercie les témoins pour l'information qu'ils ont partagée avec nous ce soir; c'était très intéressant. Nous avons d'autres travaux à faire dans le cadre de notre étude. Merci et bonne soirée.
(La séance est levée.)