Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 24 - Témoignages du 7 février 2017
OTTAWA, le mardi 7 février 2017
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour étudier le programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures.
Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à mes collègues et aux membres du public à la présente réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Notre comité a pour mandat d'examiner les questions liées, de façon générale, au budget des dépenses du gouvernement fédéral ainsi qu'aux finances publiques.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la conception et la mise en œuvre du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures.
Je m'appelle Larry Smith. Je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité. Permettez-moi de présenter brièvement les autres membres du comité, y compris, bien sûr, de nouveaux membres qui sont avec nous aujourd'hui, dont certains que nous connaissons depuis longtemps et d'autres que nous allons apprendre à connaître.
Premièrement, je vous présente le sénateur Douglas Black, de l'Alberta, qui est avocat de formation. Il est sénateur depuis 2013. Il siège également au Comité des banques et du commerce ainsi qu'au Comité de l'énergie et de l'environnement. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le sénateur.
[Français]
Le sénateur Éric Forest, de la belle province de Québec, est un vrai joueur de hockey. Pendant plus de 10 ans, il a été maire de Rimouski, au Québec; son engagement a contribué à solidariser le monde municipal. Il a travaillé, et continuera, sans doute, à travailler au développement de l'Est du Québec. Bienvenue, sénateur Forest.
La sénatrice Lucie Moncion, de North Bay, en Ontario, nous apporte un important bagage de connaissances et d'expertise du milieu coopératif, jumelé à une vaste expérience pratique du milieu franco-ontarien. Bienvenue, sénatrice.
[Traduction]
Le sénateur Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique, apporte une riche expérience en stratégie et en politiques pour les entreprises ainsi qu'en matière de gouvernements et d'organisations à but non lucratif. Il est un penseur de premier plan sur les questions économiques internationales dans les relations Canada-Asie.
[Français]
Aujourd'hui, nous recevons M. Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget.
[Traduction]
Bien sûr, il parle à certains de nos sénateurs réguliers, principalement Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve, province surnommée Le Rocher, où elle a été vérificatrice générale.
[Français]
Nous avons aussi avec nous, du Québec, le sénateur Ghislain Maltais, qui est un vétéran de la politique québécoise.
Le directeur parlementaire du budget, M. Fréchette, et son groupe ont publié la semaine dernière un rapport très pertinent à l'étude que nous menons depuis près d'un an sur les infrastructures.
[Traduction]
Nous accueillons M. Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget, qui viendra nous parler de son Premier rapport au Parlement sur le nouveau plan en matière d'infrastructure du Canada - Suivre la piste des fonds. Il est accompagné par des membres de son équipe : Chris Matier, directeur principal, Analyse économique et financière et prévisions, et Peter Weltman, directeur principal, Analyse des coûts et des programmes. Soyez les bienvenus. Jason n'est pas avec nous, n'est-ce pas?
Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Jason se joindra à nous plus tard. Je m'en excuse. Il veut que tout soit clair comme de l'eau de roche ce matin, alors il se fera un devoir d'être ici, croyez-moi.
Le président : La plupart d'entre vous se souviennent que M. Fréchette a comparu devant le comité en octobre pour discuter avec nous des flux de trésorerie pour les projets d'infrastructure et de l'évaluation des retombées économiques des dépenses en infrastructure.
[Français]
Monsieur Fréchette, vous pouvez commencer votre présentation.
[Traduction]
Ai-je oublié le sénateur André Pratte? Effectivement, et j'ai lu à votre sujet tout au long des vacances de Noël. Je suis désolé.
Le sénateur Pratte : Dois-je lire quelque chose entre les lignes à ce sujet?
Le président : Non, tout est positif. Je vous ai serré la main plus tôt, André, et je m'excuse.
[Français]
Le sénateur André Pratte est très bien connu en raison de l'expertise journalistique qu'il a bâtie tout au long d'une carrière exemplaire au journal La Presse.
[Traduction]
Est-ce que vous me pardonnez?
Le sénateur Pratte : Oui, je vous pardonne.
Le président : Merci. J'ai atterri il y a quelques jours et, comme vous pouvez le voir, ma tête est encore dans les nuages, mais je suis honoré d'être de retour au sein de notre comité.
Les dépenses d'infrastructure constituent l'un des principaux sujets que nous examinons, car elles sont cruciales pour la croissance économique future de notre pays.
Si je peux me permettre, je dirais que le plus important quand on cherche à suivre la piste des fonds pour savoir où ils sont dépensés, c'est d'examiner les points positifs et de déterminer si le comité peut faire quelque chose pour améliorer la réalisation des projets d'infrastructure. Je pense que ce devrait être notre objectif. Lorsque nous écoutons les témoins et que nous examinons les évaluations, je ne pense pas qu'il serait bénéfique de chercher à trouver des erreurs dans les actions posées par chacun. Je pense que nous devrions essayer de voir comment nous pouvons améliorer le système parce qu'il est très important pour notre pays.
Cela étant dit, j'espère, monsieur Fréchette, que vous appuierez cette façon de penser. Il est bien d'être vigilant, mais il faut aussi voir ce qui peut être amélioré. Je pense que cela fait partie de votre rôle en tant que directeur parlementaire du budget.
Je souhaite la bienvenue à un autre membre du Sénat, la sénatrice Omidvar, qui est ma partenaire d'en face. Merci beaucoup, sénatrice, d'être venue aujourd'hui. C'est formidable de vous avoir parmi nous.
Monsieur Fréchette, la parole est à vous.
[Français]
M. Fréchette : Merci, monsieur le président.
Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant vous pour poursuivre notre discussion sur le nouveau plan en matière d'infrastructure du Canada.
Je note que votre comité compte maintenant de nouveaux membres. Je me permets donc de mentionner que deux rencontres ont déjà eu lieu, le 8 juin et le 5 octobre derniers, depuis que l'équipe du Bureau du directeur parlementaire du budget s'est engagée à appuyer les travaux de votre comité sur le financement des infrastructures.
Nous sommes heureux de vous présenter notre premier rapport au Parlement qui vise à aider les parlementaires à comprendre les résultats, les attentes et les risques éventuels liés au programme d'infrastructures.
[Traduction]
Le suivi des investissements de 12 milliards de dollars en infrastructure, c'est-à-dire les 11,3 milliards de dollars annoncés dans le budget de 2016 et les 700 millions de dollars annoncés dans l'énoncé économique de l'automne, ne sera pas facile puisque le financement sera réparti entre divers programmes sur une période de deux ans par l'intermédiaire de 31 ministères et organismes.
Pour leur faciliter la tâche, nous comptons publier une série de rapports, à commencer par le présent document du DPB intitulé Suivre la piste des fonds. Évidemment, ces rapports s'ajouteront à nos publications régulières, comme le Suivi des dépenses, qui est en voie d'être remanié pour être encore plus pertinent, et bien sûr, les Perspectives économiques et financières semestrielles.
Dans le même ordre d'idée, pour faciliter les discussions de ce matin, nous avons préparé pour le comité un tableau récapitulatif de nos prévisions en ce qui concerne les progrès du nouveau plan en matière d'infrastructure du Canada et ses retombées économiques potentielles.
[Français]
Avant de conclure, monsieur le président, je peux vous assurer que mes collègues et moi sommes très conscients du fait que, à titre de sénateurs et de sénatrices, l'aspect régional des dépenses en infrastructure est d'une grande importance pour vous. Au cours des prochains mois, nous allons poursuivre notre examen en gardant à l'esprit cet aspect de la répartition des projets dans notre analyse, surtout si certaines tendances se démarquent.
Je profite de l'occasion pour vous présenter mon collègue, Jason Jacques, ici présent.
[Traduction]
Comme je l'ai dit, il souhaite que tout soit clair comme de l'eau de roche ce matin.
Le président : Je pensais qu'il apporterait des beignes de Tim Hortons. Jason, occupez-vous de nous maintenant.
[Français]
M. Fréchette : Mes collègues et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Madame la sénatrice Marshall, voulez-vous commencer?
La sénatrice Marshall : J'ai un certain nombre de questions. Merci beaucoup pour le tableau. Je dois vous complimenter sur vos rapports; ils étaient très instructifs.
Je vois quel montant a été approuvé pour les projets, mais j'aimerais savoir exactement combien d'argent a été dépensé à ce jour. Je vois que vous avez indiqué dans les tableaux que vous nous présentez que vous prévoyez des dépenses de 2,7 milliards de dollars au cours de l'exercice, mais savez-vous quelle somme a été dépensée à ce jour ou à la date la plus récente pour laquelle vous auriez cette information?
M. Fréchette : Merci de me poser la question. Avant de demander à Peter de vous guider à ce sujet, je vais vous résumer les tableaux que vous avez devant vous. Comme vous pouvez le voir, le Tableau 1 fait état de ce qui a été annoncé dans le budget, comme vous l'avez mentionné, à savoir les 3,9 et 7,3 milliards sur deux ans. En avril, si vous vous en souvenez, le DPB a fait des estimations des répercussions économiques, qui sont indiquées dans la partie inférieure du tableau 1.
Le tableau 2 correspond à nos propres attentes en fonction de notre analyse de ce qui sera dépensé en 2016-2017 et des répercussions de ces 2,7 milliards de dollars qui devraient être dépensés cette année. Vous pouvez voir l'incidence sur le PIB et sur l'emploi.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais demander à Peter de répondre à l'autre partie de la question.
Peter Weltman, directeur principal, Analyse des coûts et des programmes, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci. Jason et moi répondrons à cette question.
Ce rapport ne présente pas ce qui a été réellement dépensé, comme vous l'avez souligné à juste titre. C'est simplement ce qui a été approuvé. Les données que nous recueillons de notre côté sont simplement des données concernant les projets, c'est-à-dire qui portent sur ce qui a été approuvé et les étapes des projets. Le Suivi des dépenses, dont s'occupe Jason, permet de suivre les dépenses du gouvernement fédéral.
Puis-je vous céder la parole sur cette question?
Jason Jacques, directeur, Analyse économique et financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : Comme suite à ce que Peter a indiqué et en me basant sur les tableaux, je peux dire que nous surveillons actuellement les dépenses réelles du gouvernement du Canada, par l'entremise du système comptable du gouvernement fédéral, et que nous faisons un suivi détaillé des dépenses des gouvernements provinciaux et de certaines administrations municipales. Les principales municipalités et les gouvernements provinciaux constituent une riche source de données, à l'instar bien sûr du système de comptes nationaux de Statistique Canada parce que bien entendu nous suivons aussi les chiffres annuels sur le PIB.
Malheureusement, en ce qui concerne le montant total de ce qui a été dépensé pour les infrastructures jusqu'au 7 février 2017, nous ne pouvons pas vous le dire précisément. Ce que nous pouvons vous dire, c'est le montant qui devrait avoir été dépensé à ce jour. Au cours des six premiers mois de l'année, d'après les données dont nous disposons, nous estimons qu'environ un demi-milliard de la somme prévu dans le budget de 2016 pour les infrastructures aura probablement été injecté dans l'économie. Vous avez parlé de 2,7 milliards de dollars pour l'année. Au cours des six premiers mois de l'année, cela représente environ 500 millions de dollars. Nous prévoyons actuellement une augmentation vertigineuse au cours des six derniers mois de l'année en ce qui a trait aux dépenses déclarées.
La sénatrice Marshall : Dans votre Suivi des dépenses, vous avez indiqué que les subventions et les contributions avaient augmenté de façon significative, soit de 10 p. 100. Les fonds d'infrastructure sont-ils toujours versés par l'entremise de subventions? Existe-t-il une corrélation?
M. Jacques : Il devrait y en avoir une. En fait, les fonds d'infrastructure sont versés par divers mécanismes, pas exclusivement des subventions et des contributions. Pour en revenir au Suivi des dépenses, vous avez vu juste en ce qui concerne la hausse des subventions et des contributions. En procédant à un examen plus détaillé et en examinant précisément les paiements de transfert provenant d'Infrastructure Canada, on constate qu'il n'y a pratiquement pas eu d'augmentation au cours des six premiers mois de l'année. La hausse observée est attribuable aux programmes existants et aux échéanciers distincts des programmes existants et des nouveaux programmes.
La sénatrice Marshall : Lorsque je regarde le tableau dans votre rapport sur le plan en matière d'infrastructure, à la page 10, où figurent tous les ministères et organismes et où on compare les sommes allouées approuvées par le Conseil du Trésor à la valeur des projets approuvés, je constate que certains ministères et organismes ont approuvé très peu de projets à ce jour. Avez-vous simplement compilé les chiffres ou avez-vous parlé aux ministères pour savoir pourquoi il y a un tel retard?
Prenez par exemple Affaires autochtones et du Nord. Les fonds qui leur sont alloués représentent 1,9 milliard de dollars, mais les projets approuvés ne représentent que 239 millions de dollars. Nous savons donc que de nombreux projets importants de ce ministère pourraient être financés, mais ils ne semblent pas avoir été approuvés. Avez-vous parlé aux ministères pour savoir pourquoi?
M. Weltman : Oui. Nous avons recueilli des renseignements auprès de tous les ministères et, dans certains cas, ils m'ont donné les raisons de cet écart. Dans le cas des Affaires autochtones et du Nord, il y avait deux raisons. Tout d'abord, pour tout dire, ce ministère n'a pas l'habitude de recueillir les données sur les projets de cette manière et de soumettre des rapports à cette fréquence. Dans la plupart des cas, il s'agit de programmes existants, qu'il gère comme il l'a toujours fait. Habituellement, il fait rapport des montants dépensés à la fin de l'année dans les Résultats ministériels.
Comme nous demandons maintenant des informations en cours d'année, il lui a fallu un peu plus de temps pour coordonner cette activité avec toutes les régions et tous les responsables de programme et de projet, et pour tout rassembler. Il procède actuellement à une mise à jour et nous devrions obtenir une liste à jour des projets, probablement dans les deux ou trois prochaines semaines.
Je peux dire aussi, si je me fie à l'historique de ces programmes, que, de façon générale, le ministère des Affaires autochtones et du Nord dépense pratiquement tous les fonds pour ces programmes. L'argent est utilisé, mais nous aurons une meilleure idée, nous l'espérons, dans quelques semaines, quand nous aurons une liste à jour des projets.
J'ajouterais à cela quelques points. Certaines agences de développement régional n'ont pas dépensé l'intégralité des fonds qui leur ont été alloués parce qu'elles obtiennent généralement une liste de propositions et qu'elles doivent ensuite les approuver. Dans de nombreux cas, elles avaient une longue liste de propositions, mais elles n'avaient pas encore approuvé de projets, alors c'est pourquoi il est indiqué qu'elles n'ont pas dépensé les fonds alloués. Dans certains cas, elles ont dépensé plus que les fonds alloués parce qu'elles ont réaffecté des fonds.
La sénatrice Marshall : J'ai vu ça.
Pourquoi le Conseil du Trésor alloue-t-il seulement 10,8 milliards de dollars et non l'ensemble des 13,6 milliards de dollars? Quelle est la raison? Pourquoi retient-il une partie des fonds?
M. Weltman : Les 10,8 milliards de dollars ont été approuvés lors de la réunion du Conseil du Trésor suivant le budget, alors il pourrait y avoir eu des approbations subséquentes. Depuis que j'ai rédigé le rapport, je me suis entretenu avec le Conseil du Trésor et le ministère des Finances pour tenter d'obtenir des réponses à ces mêmes questions.
La sénatrice Marshall : D'accord. Nous verrons.
M. Weltman : Il a peut-être maintenant donné son approbation, mais je ne le sais pas encore.
Le président : Passons maintenant au sénateur André Pratt de Montréal.
[Français]
Le sénateur Pratte : J'aimerais réconcilier les données qui se trouvent aux tableaux des différents ministères, à la page 9 de la version anglaise, et à la page 10 de la version française, et le tableau qui apparaît dans votre présentation d'aujourd'hui.
Quand on regarde votre rapport, on a l'impression qu'il y a vraiment un décalage très important entre l'allocation des fonds et les projets approuvés. On comprend qu'une partie de cela dépend soit de la façon dont les ministères compilent les données, soit du type de programme. Il y a des programmes qui fonctionnent par allocation, où l'argent est versé uniquement au moment où tous les projets ont été approuvés. On a tout de même l'impression qu'il y a un décalage important, car, quand on regarde les attentes, les prévisions de votre bureau, au bout de deux ans, vous votre attendez à ce que 92 p. 100 des sommes soient dépensées. C'est bien cela? Vous vous attendez à ce que 92 p. 100 des 11,283 milliards de dollars soient dépensés, à 800 millions près, et que l'impact sur la création d'emplois en équivalents temps plein corresponde, grosso modo, à ce qui était ciblé, soit à près de 8 000 emplois équivalents temps plein.
Donc, lorsque je regarde tout cela, à l'œil, en supposant que vos prévisions soient justes et qu'elles atteignent cet objectif, il me semble que c'est tout de même assez bien, non?
M. Fréchette : Merci de votre question. En ce qui concerne la réconciliation entre le tableau d'aujourd'hui et le tableau du rapport, je vais demander à M. Weltman de répondre à cette portion de votre question. Cependant, je peux vous dire que vous avez très bien lu le tableau présenté aujourd'hui. Il s'agit essentiellement de notre projection.
Ce que le tableau d'aujourd'hui présente et qui n'apparaît pas dans l'autre tableau pour la période 2017-2018, c'est le montant de 700 millions de dollars qui a été annoncé dans la mise à jour de l'automne. Ce montant est à l'origine de l'augmentation de 7,688 milliards de dollars annoncée pour 2017-2018. Ce sont les dépenses que nous prévoyons.
Si on compare nos projections du mois d'avril à nos chiffres actuels, nous sommes un peu pessimistes. En 2016-2017, les 2,731 milliards de dollars correspondaient aux sommes que nous prévoyions qui seraient dépensées du montant total annoncé dans le budget. On se retrouve tout de même en dessous, selon nos projections. Nos projections sont relativement justes, et il faut en faire, évidemment. Alors, c'est ce qu'on va suivre au cours de la période.
Ce tableau remonte à l'automne; il y a donc un décalage. Comme M. Weltman l'a mentionné dans sa réponse précédente, nous ne disposons pas de tous les renseignements en temps réel. Il y a toujours un délai avant d'obtenir l'information de la part des ministères, d'où la difficulté à tout réconcilier. Nos projections sont donc basées sur nos propres projections, comme M. Jacques l'a mentionné.
Le montant auquel nous arriverons sera-t-il vertigineux dans le dernier trimestre de l'année? Nous croyons que oui, mais on n'atteindra pas la cible des 3,9 milliards.
Le sénateur Pratte : J'aimerais clarifier mon point. Quand je lis votre rapport, je suis porté à être assez inquiet, parce qu'il y a une différence considérable entre l'allocation des fonds et les projets approuvés. En regardant le tableau, je me dis que, dans le fond, il y a un décalage, mais selon le directeur parlementaire du budget, il y aura un rattrapage assez important en fin d'année et en 2017-2018, de sorte que je n'ai pas à m'inquiéter autant. Devrais-je être inquiet?
M. Fréchette : Vous avez bien lu notre tableau. L'inquiétude est moins grande qu'en novembre, au moment où ces données ont été publiées. Comme nous l'avons mentionné, les ministères ont tendance à sortir des fonds rapidement. Je pense que tous ceux qui ont connu le milieu des subventions et des programmes d'infrastructure savent très bien que les fonds ont tendance à être versés au cours des derniers mois de la période.
Vous devez être un peu moins inquiet à la lecture du tableau d'aujourd'hui qu'à la lecture du tableau du rapport.
Le sénateur Maltais : Monsieur Fréchette, les provinces sont-elles prêtes à recevoir ces 11,7 milliards de dollars?
M. Fréchette : Vous me posez une question difficile, surtout que je connais des sénateurs autour de la table qui sont très au courant de ces faits.
Vous le savez très bien, et c'est ce qu'on a dit dans le rapport. Les fonds sont approuvés; le Conseil du Trésor a approuvé les sommes. Entre le moment où les fonds sont approuvés et le moment où les projets peuvent se mettre en branle, évidemment, il y a toujours un délai. Est-ce que ce sont les provinces, est-ce que ce sont les municipalités? Je ne peux pas vraiment répondre à cette question.
Le sénateur Maltais : Je connaissais la réponse. Nous sommes le 7 février aujourd'hui, et au cours des 60 à 70 prochains jours, normalement, les provinces vont déposer leur budget dans l'ensemble du pays.
Les provinces, somme toute, savent quelles sommes elles vont demander par le truchement du programme d'infrastructure. L'infrastructure, c'est de la capitalisation, dans une province, et ce n'est pas inscrit à la liste d'épicerie courante. Pour elles, cela a une incidence sur le budget, parce qu'elles doivent financer cette section par des obligations. Les municipalités, qui sont une créature des gouvernements provinciaux, doivent aussi prévoir dans leur budget leur participation, le montant de leur participation. Elles doivent avoir l'autorisation du ministère des Affaires municipales de leur province. Elles doivent aussi aller sur le marché des obligations pour le financer. C'est la chaîne normale et, à la fin de ce processus, on se retrouve en octobre ou en novembre. Comment pensez-vous débourser de l'argent?
M. Weltman : Quand les provinces et les municipalités signent l'entente, elles donnent une assurance qu'elles vont dépenser l'argent, qu'elles vont commencer ces projets. C'est vraiment à elles de répondre à ces exigences.
Si vous nous demandez comment elles vont dépenser l'argent d'ici la fin mars, je pense que, comme on l'a dit auparavant, les données ne sont pas à jour et on ne connaît peut-être pas les progrès des projets.
Le sénateur Maltais : Ce n'est pas tout à fait cela ma question. Il faut que les provinces financent les projets au moyen de leur propre budget. Il faut que les municipalités se préparent à les financer.
Le sénateur Forest : Non, non, non.
Le sénateur Maltais : Cela prend un certain temps avant que ces projets se réalisent. Il y a aussi le ministère de l'Environnement qui touche à cela. Beaucoup de gens mettent des bâtons dans les roues. Ce que je veux savoir, c'est à quel moment les projets seront lancés. À la fin de l'été... en novembre, au Québec, il est difficile de creuser. Est-ce, par exemple, à partir de la fin mai, du début juin que les chantiers seront en marche en ce qui concerne le Québec et les autres provinces? Est-ce que, en mai, en juin, nous pourrons constater directement l'effet des travaux?
Le président : Peut-être que M. Fréchette et son équipe pourront répondre à la question. Ainsi, nous pourrons profiter de la présence de l'ancien maire de Rimouski qui pourrait nous donner ses commentaires.
M. Fréchette : C'est ce que je redoutais, justement, que l'ancien maire de Rimouski donne ses commentaires sur cette question.
Le sénateur Maltais soulève un point intéressant pour ce qui est de la gestion budgétaire des provinces. Il arrive que des provinces attendent vers la fin ou attendent le dépôt de leur budget pour avoir des entrées de fonds qu'ils auront financées, comme vous l'avez mentionné auparavant.
C'est vrai, lorsqu'il s'agit de programmes d'infrastructure de façon générale, qu'il y a un certain risque moral — et je vous vois opiner de la tête. C'est-à-dire que, parfois, les provinces sont enclines à attendre d'avoir un incitatif venant du gouvernement fédéral. C'est la même chose pour les municipalités, elles attendent d'avoir un signal avant d'aller de l'avant.
Ce n'est pas nouveau. C'est un concept qui existe depuis toujours. Est-ce que cela aide les provinces? Comme je vous le dis, le directeur parlementaire du budget se penche davantage sur la question de l'incidence économique, de l'incidence sur la création d'emplois à l'échelle fédérale et nationale, que sur la préparation des provinces et des municipalités.
Cela dit, nous savons tous, autour de la table, que les délais de mise en œuvre de certains de ces programmes, à l'échelle régionale et municipale, sont plus longs. Je ne sais pas si M. Jacques voudrait ajouter quelque chose?
[Traduction]
M. Jacques : Je tiens seulement à ajouter que, comme nous l'avons mentionné plus tôt, dans le cadre du suivi actuel du budget de 2016 et de la mise en œuvre du plan en matière d'infrastructure, nous sommes en contact avec les quatre plus grandes provinces du pays afin d'avoir une bonne idée des retards de leur côté et de leur évaluation de la mise en œuvre. D'après les consultations avec les provinces, et selon notre expérience, les chiffres dans le tableau indiquent qu'il n'y aura pas de retards supplémentaires du côté des provinces et territoires dès que le gouvernement fédéral sera prêt à mettre en œuvre les programmes.
À l'heure actuelle, les chiffres ne donnent pas à penser qu'il pourrait y avoir des retards supplémentaires, comme dans votre exemple, au Québec ou dans la municipalité de Rimouski en ce qui concerne la mise en œuvre.
Parce que je travaille avec les chiffres et que je suis comptable, j'aime les chiffres; ils permettent de mettre les choses en contexte. Il est toujours important de se rappeler que plus de 85 p. 100 des dépenses publiques d'infrastructure sont effectuées par les provinces et les municipalités. Donc, même si le gouvernement fédéral est la plus importante entité au pays et que son budget de 2016 prévoit une augmentation substantielle des dépenses d'infrastructure, les provinces et les municipalités consacrent énormément d'argent aux infrastructures. Elles gèrent les projets et, en général, même lorsque le gouvernement fédéral ne prévoit pas des dépenses supplémentaires, comme il l'a fait dans le budget de 2016, les gouvernements infranationaux dépensent tout de même plus de 70 milliards de dollars par année pour des projets d'infrastructure. Les dépenses au titre des infrastructures sont donc déjà considérables.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci, monsieur le président, je suis heureux d'être ici pour parler d'infrastructures dans le cadre de cette première rencontre. À titre d'information, les municipalités au Québec sont responsables de 55 p. 100 de toutes les infrastructures publiques du Québec. J'ai été, pour ma part, à l'autre bout de la chaîne en ce qui concerne le programme d'infrastructures. Pour vous donner un exemple, il y a 120 000 kilomètres de routes au Québec, dont 100 000 kilomètres sont sous responsabilité municipale et seulement 20 000 kilomètres sous responsabilité provinciale. Quand vous réalisez un projet, vos chiffres tiennent compte des projets annoncés et non des projets signés. Si je prends l'exemple de Rimouski, il y a des projets de l'ordre de 38 millions de dollars qui ont été signés par le ministre, mais qui ne sont pas annoncés, donc vos chiffres n'en tiennent pas compte. C'est exact?
M. Weltman : Les contributions d'Infrastructure Canada ne figurent pas dans les chiffres, soit les projets qui ne sont pas annoncés. Nos chiffres tiennent compte d'autres projets, parmi les autres ministères, qui ne sont pas annoncés et qui sont inclus ici, mais dans votre cas, non, ça ne sera pas inclus.
Le sénateur Forest : De la façon dont ça fonctionne, le projet est annoncé par le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. La municipalité reçoit le projet, on réalise les travaux, mais on ne va pas sur le marché des obligations tant et aussi longtemps que le projet n'est pas terminé. On finance temporairement, mais tant que le projet n'est pas terminé, il n'est pas mis sur le marché des obligations. Ça laisse une latitude beaucoup plus grande en termes de fonctionnement, au même titre qu'il n'y a pas de décaissement du ministère comme tel. Donc, cela nous donne une marge, au lieu de ralentir les progrès.
Je pense que vos propos étaient fort pertinents. Il est clair que cela ne figure pas nécessairement dans vos activités de base, mais je pense que nous avons tous la même préoccupation à vouloir que nos programmes d'infrastructures soient plus efficients. On a connu au Québec, si vous vous souvenez du premier volet, toute une dérive au niveau du coût des travaux. Mon propos ce matin est de dire qu'il faudrait que, dans notre rapport sur les infrastructures, nous insistions sur une plus grande proximité au niveau des municipalités. Ce sont elles qui livrent la grande majorité des projets. Si on prend par exemple la taxe sur l'essence, ce sont les municipalités qui livrent les travaux. Dans le cadre du remboursement de la TPS, ce sont les municipalités qui livrent les résultats. Pour beaucoup de projets en matière d'infrastructure de Chantiers Canada, ce sont les municipalités qui livrent les projets. Elles sont le bras agissant, mais il n'y a pas de lien.
Tantôt, notre collègue, le sénateur Maltais, mentionnait que, par exemple, on ne peut pas réaliser de travaux d'aqueducs et d'égouts en décembre, janvier et février au Canada, sauf quelques exceptions. Cela a été l'un des éléments importants lors du premier volet de 2007-2013 où, au Québec, on a commencé des travaux presque deux ans en retard, qui devaient être livrés pour le 31 mars. Donc, on se privait complètement d'une fenêtre qui nous permettait de faire des travaux.
L'offre et la demande étaient déséquilibrés, en termes d'échéances et, de plus, les personnes qui nous donnaient des soumissions se disaient ceci : « Il faut que je livre pour le 31 mars, donc je vais me créer une réserve, car je vais peut-être être obligé de faire de l'aqueduc ou de l'égout au mois de février avec des coûts exorbitants. » Je pense qu'il y a un souci, car nous avons trois niveaux de gouvernement, municipal, provincial et fédéral, mais il y a aussi le niveau du contribuable, qui paie des taxes aux trois ordres de gouvernement.
Il y a une première phase qui correspond à un faible pourcentage du programme sur 10 ans et, à mon avis, nous devons réfléchir à un environnement qui serait beaucoup plus favorable, qui favoriserait une plus grande efficience des fonds publics et un meilleur partenariat entre les trois ordres de gouvernement, qui ont la responsabilité de livrer les programmes au meilleur coût et avec la meilleure efficacité possible.
Mon commentaire visait à faire suite aux propos précédents et à expliquer comment on fonctionne avec le marché des obligations. Mais je voulais surtout préciser que nous devons, comme comité, réfléchir à la façon dont le gouvernement peut être plus efficient et éviter de créer un environnement qui pourrait favoriser des dérives budgétaires, pour en avoir plus pour l'argent dépensé.
Le sénateur Maltais : Ce que vous dites, sénateur Forest, c'est vrai, c'est clair. Pour ma part, j'ai travaillé à un autre palier de gouvernement où il fallait faire des prévisions pour financer les projets. On prévoyait des entrées d'argent, au début de l'année, qui allaient servir à cela, mais au cas où cet argent n'arrivait pas, il fallait se préparer à financer les projets d'abord. Si les sommes prévues n'arrivaient pas pour quelque raison que ce soit, il fallait tout de même être en mesure de payer notre part et de payer sa part à la municipalité, parce que ce sont les provinces qui financent les municipalités, en fin de compte. Les gouvernements ont les mains blanches là-dedans et cela touche les municipalités. En outre, c'est le même contribuable qui paie, vous avez tout à fait raison.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Merci, monsieur Fréchette, pour votre exposé. J'ai deux séries de questions à vous poser. La première porte sur la sélection des projets et la seconde sur la Banque de l'infrastructure du Canada qu'on propose de mettre sur pied. Je vais commencer par la première.
À mon avis, la sélection des projets est la partie la plus importante de tout grand programme de dépenses en infrastructure. Je sais que cela ne relève pas de votre responsabilité, mais je me demande si vous pouvez nous dire ce que vous savez sur le processus de sélection des projets dans les différents organismes responsables, et nous dire en particulier s'il y a une utilisation uniforme de l'analyse coûts-avantages. Je ne veux pas être trop pointilleux à ce sujet, mais je suis curieux de connaître les types de méthodologies utilisées dans l'analyse coûts-avantages.
M. Fréchette : C'est une excellente question et une bonne suite à ce que le sénateur précédent a mentionné non seulement au sujet de l'efficacité ou de l'efficience des projets, mais aussi de la productivité et des retombées économiques des projets.
Je prends du temps pour permettre à Peter d'organiser sa pensée.
Lorsque vous construisez un égout ou un pont, en définitive, ce n'est toujours qu'un pont ou un égout si vous n'utilisez aucune nouvelle technologie par exemple. C'est vraiment ce que le comité devrait examiner; à savoir non seulement l'efficacité ou l'efficience des projets, mais aussi le choix. En gros, votre question porte sur la reddition de comptes concernant l'argent des contribuables que le gouvernement fédéral attribue aux provinces et aux municipalités.
M. Weltman : Nous avons réalisé quelques études sur les dépenses d'infrastructure. Nos commentaires sont fondés sur ces études, mais c'est tout ce qu'elles sont; ce ne sont pas des analyses de la manière dont les projets sont sélectionnés.
Il y a une petite partie du rapport qui porte sur une étude de McKinsey, qui est un outil d'analyse utile sur la façon de favoriser des gains de productivité en investissant dans les infrastructures. Étant donné que notre pays est une fédération et que la plupart des paiements sont des paiements de transfert, ce n'est pas très clair en ce qui a trait à la sélection des projets. Au niveau provincial, ce sont les provinces qui s'en chargent et, au niveau municipal, ce sont les municipalités et leurs élus.
Dans le cadre de mes recherches, j'ai remarqué que les États unitaires ont tendance à avoir des listes nationales et stratégiques de projets prioritaires et à fonctionner d'une façon un peu plus centralisée. L'Australie en est un exemple, tout comme le Royaume-Uni et le Chili. Ce n'est pas le cas au Canada, pour le moment. Je ne sais pas si cela viendra.
C'est tout ce dont je suis vraiment en mesure de parler. Par contre, c'est une excellente question pour ceux qui participent de près à la sélection des projets.
Le sénateur Woo : Savez-vous si des analyses coûts-avantages sont utilisées pour les projets sélectionnés? Dans la mesure où certains projets sont lancés à l'échelle fédérale en raison des fonds alloués — je crois bien — les ministères fédéraux procèdent-ils à une analyse coûts-avantages lorsqu'ils doivent prendre une décision au sujet d'un projet d'investissement majeur? C'est un outil standard; il n'y a rien de magique là-dedans.
M. Weltman : Non, il n'y a rien de magique là-dedans. Les questions que nous posons souvent — sans que ce soit à titre officiel — alors que nous faisons notre travail d'établissement des coûts, portent sur le genre d'analyse réalisée pour appuyer une demande budgétaire ou un projet.
En ce qui a trait à ces projets, ce n'est pas une question que nous posons précisément aux ministères, mais c'est certainement une bonne question que nous pourrions poser en prévision de notre prochain rapport.
Le sénateur Woo : On fait mention dans le rapport de la mise sur pied prévue de la Banque de l'infrastructure du Canada. C'est une idée très intéressante. Je sais qu'elle provient du rapport du Conseil consultatif en matière de croissance économique. Je me demande si vous en savez davantage sur l'établissement de cette banque, notamment sur la capitalisation de 20 milliards de dollars, la source de cette somme, la manière de l'obtenir. De façon plus importante encore, cette banque fonctionnera-t-elle comme un fonds d'investissement en infrastructure ou comme une institution de prêts?
Deuxièmement, y aura-t-il des objectifs sociaux associés à ses activités de prêt ou d'investissement, à l'instar d'institutions financières multilatérales ou internationales qui ont des objectifs de développement, c'est-à-dire des banques de développement? Y a-t-il des renseignements que vous pouvez nous donner sur la nature, la structure et l'orientation de la Banque de l'infrastructure du Canada qu'on propose?
M. Fréchette : Merci de me poser la question. Nous n'avons pas beaucoup de réponses à vos questions sur la Banque de l'infrastructure du Canada, mais Peter peut expliquer comment la banque pourrait fonctionner.
M. Weltman : Ce sont toutes des questions auxquelles nous avons essayé d'obtenir des réponses.
Tout ce que je peux vous dire maintenant, et cela peut aider le comité, c'est que le ministère des Finances et Infrastructure Canada ont la responsabilité conjointe de mettre sur pied cette banque de l'infrastructure. Un certain monsieur au ministère des Finances, dont le nom m'échappe à ce moment-ci, est responsable de ce projet. Je serai à Toronto demain matin pour assister à une conférence sur les infrastructures et j'espère obtenir plus de détails au sujet de certaines des questions que vous avez posées. Je ne peux pas vous en dire davantage pour l'instant.
Le sénateur Woo : Savez-vous quand la banque sera mise en place?
M. Weltman : Ce sera environ au moment où le budget sera présenté, d'après les dernières informations que j'ai reçues.
La sénatrice Omidvar : J'ai deux séries de questions, et elles sont tout à fait différentes, alors je vous prie d'être patients.
Je suis curieuse au sujet de ce qui figure à la fin de la page 8 et au début de la page 9 de votre rapport. Il est question du programme des infrastructures sociales, qui doit contribuer à l'atteinte des objectifs en matière de financement des infrastructures. Vous parlez de projets de construction de logements et d'établissements sanitaires et de la réfection de divers édifices locaux, de centres culturels communautaires et d'aires de loisirs extérieurs.
Je viens d'une région où il y a un énorme arriéré en ce qui concerne la réparation des logements sociaux. Est-ce que ce programme des infrastructures sociales servira uniquement à financer les municipalités, ou est-ce qu'il y a quelque chose dans cette dernière partie de la phrase que je ne comprends pas? Est-ce que quelque chose sera fait concernant le logement social?
M. Weltman : Oui. La SCHL est responsable de tout cela. On a doublé les fonds alloués au logement social abordable. C'est le nom du programme. D'après ce que je comprends, ces logements sont généralement offerts par divers groupes, qu'il s'agisse de propriétaires, de municipalités, d'organismes sans but lucratif ou d'associations communautaires. La SCHL met des fonds de côté et émet des chèques à mesure que les projets sont achevés.
La sénatrice Omidvar : Qu'en est-il des services de garde? Lorsque les fonds ont été annoncés, on a parlé des infrastructures sociales. Il n'est pas seulement question des infrastructures matérielles, mais aussi des infrastructures moins concrètes. Où sont les services de garde dans tout cela?
M. Weltman : Ils en font partie.
La sénatrice Omidvar : Quel organisme s'en occupe?
M. Weltman : Des fonds ont été affectés au ministère des Affaires autochtones et du Nord pour les services de garde dans les réserves. Des fonds ont aussi été affectés à la SCHL. Si je me souviens bien, je crois que des fonds ont également été alloués à EDSC pour les services de garde.
La sénatrice Omidvar : Je remarque avec un certain intérêt que, dans votre document, vous faites état de l'incidence du plan en matière d'infrastructure sur l'emploi et les emplois à temps plein. Je comprends que cela ne relève pas de votre responsabilité. Quelqu'un est-il chargé de ventiler l'incidence sur l'emploi par région, par province, par sexe et selon d'autres éléments démographiques? En tant que sénatrice, j'aimerais savoir qui a bénéficié de ces emplois qui ont été créés et qui a été laissé de côté.
M. Jacques : C'est une excellente question. Les personnes qui pourraient le mieux répondre à cela sont au ministère des Finances. Ces personnes seraient certainement beaucoup mieux placées pour y répondre, car elles ont accès aux données internes du gouvernement et elles peuvent utiliser leurs modèles économiques et financiers très perfectionnés pour répondre à certaines des questions très précises que vous posez concernant les régions, le sexe et d'autres éléments démographiques.
M. Fréchette : La question de la sénatrice Omidvar est excellente. J'ajouterais à cela l'analyse comparative entre les sexes, question de mettre certaines personnes des ministères dans l'embarras.
J'ai eu une discussion avec quelqu'un qui m'a posé cette question : Qu'en est-il de ce plan en matière d'infrastructure? Tout le monde parle de l'incidence sur l'économie et l'emploi. Vous avez mentionné les services de garde et le logement. Ma réponse à cette personne c'est, qu'en tant que parlementaire, il est difficile de le savoir, mais c'est un point très important. Je suis persuadé que certaines personnes souhaitent qu'on procède à une analyse comparative entre les sexes de l'incidence de tous ces programmes d'infrastructure.
La sénatrice Omidvar : Je tiens à signaler qu'il devrait s'agir d'une analyse ACS+, qui signifie une analyse comparative entre les sexes et de l'équité.
Le président : D'après nos notes, Infrastructure Canada est le seul ministère à avoir publié une liste de ses projets financés. Combien d'autres ministères ont des fonds d'infrastructure? J'essaie de comprendre la coordination entre Infrastructure Canada et d'autres ministères. Il semble y avoir un problème de coordination. Je ne suis pas sûr que ce soit un problème, mais quand on regarde le nombre d'intervenants et d'organisations avec lesquelles ont doit traiter, on ne peut que se demander si tout est bien coordonné du début à la fin.
Pourriez-vous nous dire quels autres ministères ont des budgets de dépenses pour les infrastructures? Infrastructure Canada est le seul à avoir publié une liste de ses projets financés. Pourquoi les autres ministères ne font-ils pas la même chose?
J'essaie de comprendre la question de la coordination parce que c'est peut-être une occasion pour le gouvernement de trouver des façons d'améliorer les résultats.
M. Weltman : J'aime l'expression de Jason quand il dit qu'il souhaite que ce soit clair comme de l'eau de roche. C'est ce qui a motivé le lancement de ce rapport.
En tout, 31 ministères ont reçu des fonds dans le cadre du nouveau plan en matière d'infrastructure du Canada. La plupart de ces ministères continuent de fournir les mêmes programmes qu'ils ont fournis par le passé. Par exemple, en ce qui a trait au logement social et aux réserves, ce sont tous des programmes qui existent depuis un certain temps, mais ils ont été inclus dans ce nouveau plan d'infrastructure. Le plan de renouvellement des infrastructures fédérales est en fait une recapitalisation des biens des ministères.
Ces ministères ne sont pas habitués à cela et ne publient normalement pas une liste de leurs projets dans le cadre des programmes actuels. Comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est pour cela qu'il y a eu un tel retard dans l'obtention des données que nous avons commencé à demander. Beaucoup de données sont gardées à l'interne; il n'a jamais vraiment été prévu d'en faire un usage public.
Infrastructure Canada finance des projets d'infrastructure depuis environ 2002, de sorte qu'au fil du temps, ce ministère a mieux réussi à normaliser ses processus et à publier régulièrement des renseignements sur les investissements qu'il fait. Je pense que cela explique la différence. Par contre, il semble y avoir une lacune à cet égard dans les autres ministères, et c'est ce que nous essayons de pallier.
Le sénateur Pratte : Je veux m'assurer de bien comprendre. Si ce n'était pas de ce que vous faites avec ces rapports, personne au gouvernement fédéral ne tâcherait de rassembler cette information pour les 31 ministères et Infrastructure Canada. N'y a-t-il donc personne qui essaie de suivre la piste de ces 10 milliards de dollars pour s'assurer que les fonds se rendent où ils devraient aller et pour s'assurer qu'ils sont dépensés.
M. Fréchette : Jason attendait cette question.
M. Jacques : Selon nos connaissances actuelles, il est évident que le travail de suivi et de coordination se fait au sein des divers organismes centraux.
En réponse au commentaire très judicieux formulé par le sénateur Smith, je vous dirais que le rapport trimestriel le plus récent du Bureau de l'infrastructure du Canada fait état de ce problème que vous avez soulevé et des défis auxquels il est confronté en ce qui a trait à la coordination du programme d'infrastructure. Ce bureau le définit réellement comme un risque opérationnel important pour l'organisation en ce qui a trait à la mise en œuvre réussie de l'engagement pris dans le cadre du budget de 2016.
Toutefois, il y a certainement du travail sur ce plan qui s'effectue en ce moment au sein de la fonction publique parce que, de la même façon que nous préparons ces rapports pour vous afin de vous aider dans vos délibérations, il est évident qu'à l'interne, au conseil des ministres, des informations de ce type sont requises pour appuyer la prise de décisions concernant des affectations supplémentaires dans le cadre du budget de 2017 ou pour éventuellement corriger le tir en cours de route.
Le sénateur Pratte : Donc, il y a du travail qui est réalisé, mais nous ne savons pas où ces informations se trouvent ni où elles se trouveront?
M. Jacques : Il y a certainement du travail qui est réalisé au ministère des Finances et il y a certainement aussi du travail réalisé au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous ne sommes pas en mesure de dire si ce travail est identique à celui que nous vous avons présenté la semaine dernière, mais, je le répète, il vise à répondre aux mêmes types de questions. Les questions que vous posez aujourd'hui sont les mêmes que celles auxquelles les membres du conseil des ministres et le ministre Morneau doivent obtenir des réponses lorsqu'ils élaborent le budget.
[Français]
Le sénateur Forest : J'aimerais poser une question complémentaire. Ce n'est pas évident, parce que si on examine les deux premiers programmes ayant trait au remboursement de la TPS aux municipalités, le remboursement de la TPS dépend de la façon dont les municipalités dépensent. En ce qui a trait à la taxe sur l'essence, le remboursement s'effectue proportionnellement. Selon les plans d'intervention soumis par les municipalités à leur gouvernement respectif — au Québec, pour le Québec —, il est clair que cette strate d'enveloppes est divisée proportionnellement, et on s'occupe alors de projets pour lesquels on avait déjà prévu d'intervenir. Les deux premières couches sont nominatives en fonction de ce qui est dépensé en matière de TPS et de ce qui est consommé au niveau de l'essence. Par la suite, ce sont les municipalités qui ont la responsabilité d'intervenir en ce qui a trait à leurs propres infrastructures.
Selon moi, ce qui est important ce matin, c'est l'examen des deux premières années sur 10 ans, soit 20 p. 100 de la période visée, pour lesquelles un budget a été établi, soit 17,3 p. 100 de l'enveloppe totale. C'est un peu comme une formation; durant les deux premières années, il faut bien s'assurer que le fonctionnement de ces programmes est efficace, parce que les sommes que représentent les 82,7 p. 100 restants du montant de quelque 180 milliards de dollars représentent beaucoup, beaucoup d'argent.
Il s'agit là de la portion qui provient d'Infrastructure Canada; à cela, il faut additionner la portion que les provinces investiront et que les municipalités investiront également. Dans le cadre des programmes divisés en trois tiers, lorsqu'on investit une somme de 80 milliards de dollars, une somme de 80 milliards de dollars est également investie par le gouvernement du Québec et une troisième somme de 80 milliards de dollars est investie par les municipalités du Québec. Cela produit un effet de levier important, et il s'agit là d'énormément d'argent provenant de fonds publics.
[Traduction]
La sénatrice Moncion : Je veux revenir à la question du sénateur Woo concernant la banque de l'infrastructure.
[Français]
Je sais que la Banque de l'infrastructure du Canada n'est pas encore établie et que vous travaillez à sa mise en place, mais j'aimerais vous faire part d'une situation qui pose problème au Canada. Lorsque le gouvernement fait partie des institutions prêteuses qui font concurrence aux institutions financières, cela crée un déséquilibre entre le financement avantageux offert par le gouvernement fédéral et celui qui est offert par les institutions financières.
Par exemple, lorsque la Banque de développement du Canada consent des prêts aux petites et moyennes entreprises, elle se trouve en concurrence directe avec des institutions financières. C'est la même chose pour le financement agricole. Si on se dirige vers une banque de l'infrastructure et que la même situation se produit, cela créera encore une fois des inégalités entre le marché de la libre concurrence et le gouvernement fédéral. Ce n'est pas nécessairement une question que je pose, mais davantage un commentaire que j'émets pour faire valoir l'importance de tenir compte de ces éléments dans le cadre du développement de ces infrastructures au sein du gouvernement fédéral.
J'aimerais aussi aborder un autre point qui concerne davantage le sénateur Forest, soit celui des municipalités qui investissent dans des projets d'infrastructure et qui doivent emprunter auprès d'institutions financières pour le financement de relais. Les intérêts payés par les municipalités leur sont-ils remboursés ou est-ce que cela fait partie des coûts reliés aux projets d'infrastructure? Cela fait aussi partie des effets importants sur les sommes qui sont consacrées ou qui viennent toucher les projets.
Le sénateur Forest : Dans le cadre de l'élaboration du budget d'un projet, des frais de contingence et de financement à court terme sont prévus. Si ces coûts sont considérés comme admissibles, par exemple, par le gouvernement du Québec dans le cas des municipalités québécoises, ils sont effectivement remboursés.
La sénatrice Moncion : Cela revient à ajouter aux projets des sommes qui pourraient être moindres, parce que vous payez quand même des intérêts à des taux plus élevés avec les institutions financières, par rapport à une banque d'infrastructure qui finance des infrastructures et pour laquelle, souvent, l'argent provient du gouvernement fédéral et qui coûte moins cher, ce qui permet de diminuer les fameux coûts liés aux intérêts. Cela fait une différence aussi en ce qui a trait à la libre concurrence avec les institutions financières. Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte dans la mise en place de cette banque.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Savez-vous si c'est la première fois que des fonds pour les infrastructures sont affectés à tous les ministères ou est-ce normalement fait par l'entremise d'Infrastructure Canada? Je me souviens qu'il y a peut-être cinq ou six ans, le vérificateur général a effectué une vérification d'un programme d'infrastructure, et cette vérification s'est avérée être positive. Il semblerait qu'il y a un modèle en place pour la reddition de comptes en matière d'informations sur le rendement, qui, selon vous, fait défaut à l'heure actuelle. Je suis curieuse : Si un modèle existe déjà, pourquoi ne l'utiliserait-on pas pour le programme d'infrastructure actuel?
M. Weltman : La vérification n'était pas vraiment une vérification de gestion; il s'agissait d'une vérification des finances. Il s'agissait d'un programme de subventions et de contributions, et je pense que c'était dans le cadre de certains programmes de relance. Il s'agissait de vérifier si les fonds étaient versés correctement, si les factures étaient soumises correctement et s'il y avait un processus en place permettant de s'assurer de l'admissibilité des dépenses.
Le rendement peut être évalué de différentes façons. Si vous l'évaluez en fonction de la Loi sur la gestion des finances publiques, alors oui, il a obtenu une bonne note. Pour revenir à certaines questions, je dirais que, si vous l'évaluez en fonction de l'efficacité, cela ne faisait pas partie de la portée de la vérification, si je me souviens bien.
D'autre part, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le nouveau programme en matière d'infrastructure du Canada a été mis sur pied, et Infrastructure Canada attribue la majeure partie ou une bonne part des fonds. Les autres fonds proviennent d'autres ministères, mais dans le cadre de programmes qui sont, pour la plupart, des programmes existants ou renouvelés. C'est la façon dont le financement a été réparti. Que les ministères utilisent le même modèle ou non dépend de la nature des programmes qu'ils fournissent.
M. Jacques : Vous avez parlé d'une vérification antérieure réalisée par le vérificateur général. La comparaison la plus pertinente pourrait être la vérification de gestion du Fonds de la taxe sur l'essence. Elle est directement liée à certaines des observations que nous avons faites dans le rapport publié la semaine dernière.
La sénatrice Marshall : Est-ce que c'est celle qui a été réalisée par la commissaire?
M. Jacques : Oui, c'est bien ça. Merci de me corriger.
La sénatrice Marshall : Je voulais m'en assurer.
M. Jacques : Je le répète, les conclusions de cette vérification correspondent au point que nous avons fait valoir la semaine dernière concernant l'absence de résultats clairs et de données sur les résultats. C'était une constatation similaire.
Comme j'ai eu l'occasion de lire son rapport et d'entendre son témoignage devant le comité, je peux dire que la commissaire a fait une constatation semblable dans le cadre de la vérification.
La sénatrice Marshall : Oui, elle a témoigné devant le comité. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Maltais : J'ai deux petites questions. On voit, à la page 10 de votre tableau, une allocation de 2,144 millions de dollars consacrée au Secrétariat du Conseil du Trésor. Qui présente un programme d'infrastructures au Conseil du Trésor du Canada?
M. Weltman : Ce montant fait partie des sommes consacrées à Services partagés Canada, et il s'applique au renouvellement de l'infrastructure technologique au sein des ministères.
Le sénateur Maltais : Je pense que le sénateur Forest a une excellente réponse à cela : ils ont seulement changé le coffre-fort.
Monsieur Fréchette, est-ce que cela inclut toutes les agences canadiennes comprises dans le budget fédéral? Est-ce que cela inclut, par exemple, la SCHL? Est-ce que cela inclut les revenus du Régime de pensions du Canada?
M. Fréchette : Vous parlez du programme d'infrastructures?
Le sénateur Maltais : Non. Dans l'ensemble de ce que vous voyez dans le budget fédéral.
M. Fréchette : Simplement pour clarifier votre question, vous voulez dire lorsque nous faisons notre analyse du budget comme tel?
Le sénateur Maltais : Oui.
M. Fréchette : Nous incluons toutes les mesures gouvernementales, tous les programmes.
Le sénateur Maltais : J'aimerais passer une remarque à ce sujet, et le sénateur Pratte sera d'accord avec moi, puisque nous sommes tous deux membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Est-ce que vous savez que le Régime de pensions du Canada est l'organisme qui acquiert le plus de terres agricoles, à des fins spéculatives? Je ne vois pas les fonctionnaires du Régime de pensions aller cultiver du soya, des carottes ou des pommes de terre au Nouveau-Brunswick. Si on cherche de l'argent dans une banque canadienne, on pourrait peut-être investir dans les infrastructures qui donnent des rendements à long terme.
Savez-vous ce que cela occasionne comme dommages? Les jeunes ne peuvent plus acquérir de terres agricoles à cause des spéculations de cette entreprise, qui appartient à tous les Canadiens, parce que le Régime de pensions du Canada les achète dans le but de spéculer et non pas dans le but de les exploiter. Les membres du comité se sont posé de drôles de questions à ce sujet, parce qu'à notre grande surprise, nous avons tous appris en même temps que le Régime de pensions du Canada était le plus grand acquéreur de terres agricoles, et qu'il achetait beaucoup plus de terres que toutes les banques mises ensemble. Or, c'est simplement dans un objectif de spéculation, ce qui empêche les jeunes agriculteurs de prendre la relève et de prendre de l'expansion. Donc, au lieu d'investir dans les terres agricoles, on pourrait investir dans les futures banques. Ne cherchons pas de l'argent, car nous en avons, mais il suffit de le transférer à la bonne place.
M. Fréchette : C'est un point intéressant que vous soulevez. Toutes ces grandes agences d'investissement recherchent les meilleurs placements pour les fonds de placement, afin d'obtenir des rendements qui profiteront à d'autres éventuellement.
Le programme d'infrastructures de Montréal, notamment pour le REM, est un très bel exemple. On ne parle pas uniquement des agences d'investissement canadiennes. Il y a des fonds de pension gérés un peu partout à travers le monde. Ils recherchent ce genre de placements, comme les terres agricoles, parce qu'un rendement y est rattaché. On sait très bien que, maintenant, le rendement sur les terres agricoles est extrêmement élevé. Est-ce qu'il sera aussi élevé sur les infrastructures comme le pont Champlain ou d'autres grandes infrastructures qui seront construites au Canada? C'est précisément le cœur du débat, et cela revient exactement à ce dont on a discuté auparavant et à ce qu'on a mentionné dans le rapport, non seulement en termes d'efficacité, mais en termes de productivité et de rendement pour ces grandes agences d'investissement.
Le sénateur Maltais : Cependant, cela a un effet pervers. Oui, cela offre une meilleure rentabilité aux gens qui vont retirer leur pension dans les cinq prochaines années, mais l'effet pervers, c'est qu'il n'y aura plus de relève agricole, parce que les agriculteurs ne seront plus capables d'acheter les terres et qu'ils deviendront de simples employés. Ce n'est pas acceptable. Quelqu'un, au gouvernement, doit absolument se rendre compte de la situation. C'est beau faire de l'argent, mais il ne faut pas que ce soit au détriment de notre capacité à produire des aliments. C'est aussi simple que cela. Si c'est pour faire de l'argent afin d'avoir un meilleur fonds de pension dans 10 ans, bravo! Mais si c'est pour faire de l'argent et empêcher la relève agricole au Canada, ce n'est pas du tout bravo.
C'est le commentaire que je voulais apporter. Tout comme le sénateur Pratte, les confrères qui sont membres du comité peuvent confirmer mes propos.
Le président : N'oubliez pas que le mandat du directeur parlementaire du budget et de ses collègues est de faire des analyses et non pas des commentaires politiques.
Le sénateur Maltais : Mais il ne peut pas venir à tous les comités.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Je voudrais revenir sur la question du sénateur Maltais concernant l'affectation des fonds aux ministères, en particulier à Services partagés Canada, qui bénéficie de la cinquième plus importante affectation de fonds, mais qui n'a chiffré aucun projet à ce moment-ci.
Je crois que l'un des témoins a mentionné que la plupart de ces fonds serviraient peut-être, autrement dit, à moderniser la technologie ou à apporter des améliorations à l'interne. Cela soulève la question suivante : Ce genre de dépenses ne font-elles pas partie des budgets d'immobilisations ordinaires des ministères? Si tel est le cas, comment faire la distinction entre les dépenses d'immobilisations normales d'un ministère pour acheter de nouveaux meubles ou se procurer un nouveau serveur et les dépenses dans le cadre de ce programme d'infrastructure spécial et ponctuel? Mettons-nous cela dans la mauvaise catégorie? C'est l'essentiel de ma question.
M. Weltman : La réponse que j'ai donnée auparavant, c'est que ce nouveau plan d'infrastructure comprend beaucoup de programmes existants. Je cherche le montant total qui a été affecté — je sais qu'il est ici quelque part — pour le renouvellement des infrastructures fédérales. Il s'agit effectivement d'immobilisations, de recapitalisation. C'est effectivement cela, et c'est la même chose pour le financement des infrastructures. C'est de la recapitalisation ou l'ajout de nouveaux capitaux, ce genre de choses.
Cela devrait-il figurer dans les budgets ordinaires? C'est dans les budgets ordinaires.
Cela devrait-il être présenté comme un plan d'infrastructure? Ce n'est pas du tout à moi de décider, mais c'est ce pour quoi ces fonds sont affectés.
Le président : Excellente question, sénateur.
Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
Le sénateur Forest : J'aurais deux questions à poser. Sur l'enveloppe de 182 milliards de dollars, environ 44 p. 100 est de l'argent frais et le reste est alloué aux problèmes existants.
Dans vos analyses, avez-vous fait l'adéquation, sur les 186,7 milliards de dollars de l'ensemble du programme, entre le pourcentage qui était consacré aux infrastructures fédérales, provinciales et municipales? En adéquation, sous la responsabilité du gouvernement fédéral, quel est le pourcentage de l'ensemble des infrastructures canadiennes qui sont sous la responsabilité des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux?
M. Fréchette : Je savais que certains des membres du comité allaient avoir d'excellentes questions.
À l'heure actuelle, on se concentre sur la première phase, c'est-à-dire les deux premières années. En ce qui concerne l'enveloppe de 182 milliards de dollars qui sera versée au cours des 12 prochaines années, on n'a pas examiné tous les montants.
Quant aux infrastructures fédérales comme telles, vous ne parlez pas seulement des dépenses liées aux ministères. La question précédente concernait les dépenses liées à des améliorations au sein des ministères. Vous parlez d'infrastructures fédérales comme le pont Champlain ou le pont de Windsor.
Le sénateur Forest : Sur l'ensemble du parc des infrastructures au Canada, certaines sont de la propriété et de la responsabilité fédérale. Il peut s'agir du pont Champlain, d'installations portuaires, d'installations aéroportuaires ou encore d'immeubles; je parle donc du parc global des infrastructures. J'essaie de voir l'adéquation qui tient la route entre ce qui est de responsabilité fédérale, provinciale et municipale.
Au Québec, sur l'ensemble des infrastructures du Québec, 55 p. 100 des infrastructures sont de responsabilité municipale. Cependant, lorsque je regarde le Programme d'infrastructures Québec-municipalités (PIQM), 8 p. 100 du budget est consacré aux municipalités. Il y a une iniquité, et cela ne tient pas la route. Y avez-vous réfléchi?
M. Fréchette : Nous n'avons pas fait cette analyse jusqu'à présent. Ce que nous avons dans le budget, c'est 961 projets pour un total de 1,5 milliard de dollars qui a été attribué parmi 21 ministères et agences. Je ne parle pas des infrastructures, comme vous l'avez mentionné. Ces sommes sont essentiellement consacrées à des projets d'amélioration au sein des ministères, comme pour les laboratoires d'Agriculture et d'Agroalimentaire Canada, en termes de capacité de recherche.
[Traduction]
Jason, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Jacques : Seulement à titre de référence, dans le budget de 2016 — et je regarde la page 257 — sur la somme totale de 3,9 milliards de dollars, ou près de 4 milliards de dollars cette année, consacrée aux infrastructures, environ 1,2 milliard de dollars sont destinés aux biens fédéraux. C'est la somme pour 2016-2017 qui visait les biens que le gouvernement du Canada possède ou gère.
Le montant résiduel d'environ 2,8 milliards de dollars serait destiné à des biens que nous ne gérons pas directement, c'est-à-dire des biens provinciaux et municipaux, ainsi que des biens qui se trouvent dans les réserves.
[Français]
Le sénateur Forest : À titre d'exemple, à plusieurs endroits au Canada, les installations portuaires sont en piteux état et elles sont sous la responsabilité de Transports Canada. Je regardais la cible qui est à 145 millions de dollars pour les deux premières années du programme. Actuellement, 18 millions de dollars y sont affectés. Il faudrait poser la question au ministre des Transports, mais j'ai de la difficulté à comprendre. Quand on regarde le nombre d'installations portuaires situées à Percé, dans les Maritimes ou sur la côte Ouest qui sont en mauvais état et qui posent des problèmes au niveau de la sécurité et de l'usage, j'arrive mal à m'expliquer cet écart important qui existe par rapport à l'investissement ciblé.
J'ai vérifié l'ancien budget en matière d'infrastructure qui prévoyait moins de 1 million de dollars pour l'ensemble des installations portuaires du Canada, ce qui est incompréhensible. L'effort collectif que veut susciter le premier ministre en appelant l'ensemble des corps publics à investir massivement en faveur de l'infrastructure m'est incompréhensible, car ce ministère, qui a des besoins énormes, ne reçoit pas davantage d'argent.
M. Fréchette : Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner. Tout est dans le choix des projets, et c'est ce que nous avons mentionné dans le rapport. Lorsqu'on dit que les sénateurs de ce comité et les autres parlementaires ont un contact avec les gens du ministère, cela devient aussi une question de reddition de comptes. Y a-t-il des projets qui sont plus justifiés que d'autres? L'objectif global, c'est d'améliorer la classe moyenne, mais il y a des choix qui doivent être faits pour améliorer les investissements en matière d'infrastructure.
Comme je l'ai dit dans ma présentation, notre examen ne porte pas sur les microprojets, mais plutôt sur l'impact final du programme, sur la création d'emplois et sur le PIB. Il y a tout ce travail que le comité peut faire pour soulever les questions liées à la reddition de comptes et au choix des projets.
[Traduction]
Le président : Merci. Si vous n'avez pas d'autres questions, je vais vous poser une question pour terminer, monsieur Fréchette.
Quelles leçons peut-on tirer de la première phase et que devrait-on faire différemment au cours de la deuxième phase? Y a-t-il des commentaires que vous pouvez formuler en vous appuyant sur votre analyse initiale qui pourraient nous aider en tant que comité? Je sais que vous êtes plutôt un groupe d'analyse, mais y a-t-il des commentaires simples que vous pourriez nous faire à partir de vos observations sur la première phase qui permettraient de mieux exécuter la deuxième phase?
M. Fréchette : Mon premier commentaire, c'est que nous préférerions avoir plus de temps — six mois de plus — pour voir dans quelle direction nous allons avec la première phase.
Ce matin, bon nombre de ces questions sur la reddition de comptes, la surveillance qu'exercent les ministères sur l'utilisation des fonds et la mesure dans laquelle tous ces fonds du gouvernement fédéral ont été dépensés, concernaient la nécessité de suivre la piste des fonds. Ce n'est pas étonnant que le titre de notre rapport soit exactement cela : Suivre la piste des fonds. L'objectif n'est pas seulement d'aider le Parlement à y parvenir, mais aussi d'envoyer un message fort au ministère.
Voilà ma réponse. Je ne sais pas si Jason, qui aime ce genre de questions, aimerait ajouter quelque chose.
M. Jacques : La seule autre chose dont j'aimerais parler concerne une question qui, selon moi, a été soulevée par de nombreux membres, c'est-à-dire la sélection des projets, leurs résultats et, de façon plus importante, leur lien avec le budget.
Avec son budget, le gouvernement visait deux grands objectifs. Il voulait à court terme stimuler l'économie avec des dépenses d'infrastructure, effectuées de manière expéditive, pour favoriser la croissance économique au cours des deux prochaines années. Il avait aussi un deuxième objectif, qui était de stimuler la productivité à plus long terme.
Nous sommes tout à fait en mesure d'évaluer les retombées économiques, tout comme la plupart des gens, grâce à notre organisme national de la statistique de calibre mondial. Nous sommes toutefois moins bien en mesure d'évaluer les retombées sur le plan de la productivité. Afin de pouvoir le faire, nous avons tous besoin des réponses aux questions que vous posez : Comment ces projets ont-ils été sélectionnés? Une analyse coûts-avantages a-t-elle été effectuée? Y a-t-il eu des projets qui ont été retirés de la liste? Qui mesure les résultats en temps opportun? La réponse à cette dernière question ne fait pas que nous renseigner au sujet des 7 à 10 p. 100 des fonds alloués; elle va aussi établir un cadre pour les 80 p. 100 des fonds qu'il reste à dépenser au cours des prochaines années.
À notre avis, les questions pointues que vous posez sont certes les bonnes, car si nous n'obtenons pas les réponses à ces questions, personne ne saura jamais si les objectifs énoncés dans le budget de 2016 ont été atteints.
Le président : J'aimerais remercier votre bureau, monsieur Fréchette, d'avoir contribué à la réunion d'aujourd'hui. Je vais expliquer à l'intention de nos nouveaux membres que nous sommes clairement rendus au stade où nous devons faire le point. Nous devons préparer notre premier rapport. Je pense qu'il est important de présenter un premier rapport. Nous pourrons ensuite continuer à étudier la mise en œuvre en tant que telle, qui est liée à un bon nombre des questions qui ont été posées aujourd'hui. Ainsi, dans quelques mois, nous pourrons présenter un deuxième rapport ou même un rapport final, en fonction du stade où nous serons rendus.
Je vous remercie beaucoup d'être venus discuter avec nous et de nous avoir fait part de vos activités et de vos efforts. Nous sommes vraiment reconnaissants du temps que vous nous avez consacré.
(La séance se poursuit à huis clos.)