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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 30 - Témoignages du 11 avril 2017


OTTAWA, le mardi 11 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour poursuivre son étude sur les incidences financières et considérations régionales du vieillissement démographique au pays.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.

Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont ici présents dans la salle et à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne. Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne à sencanada.ca, le site web du Sénat du Canada. Vous y trouverez aussi plus d'information concernant le comité, dont ses rapports antérieurs, les projets de loi étudiés et les listes de témoins.

Maintenant, je demanderais à tous les sénateurs de se présenter, en commençant par la sénatrice à ma gauche.

[Français]

La sénatrice Lucie Moncion : Bonjour. Je suis Lucie Moncion, de l'Ontario.

Le sénateur Pratte : Bonjour. André Pratte, de la province de Québec.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le président : Merci, sénateurs.

[Français]

À la table, nous retrouvons également la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, M. Sylvain Fleury et M. Olivier Leblanc-Laurendeau, qui soutiennent les travaux de ce comité.

[Traduction]

Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les incidences financières et considérations régionales du vieillissement démographique au pays.

Nous accueillons deux témoins aujourd'hui, chers collègues. Premièrement, nous recevons Queenie Choo, directrice générale de S.U.C.C.E.S.S. L'organisme S.U.C.C.E.S.S. a été fondé pour aider les néo-Canadiens d'origine chinoise à surmonter les obstacles linguistiques et culturels. S.U.C.C.E.S.S. est devenu un organisme multiculturel de services polyvalents qui aide les gens à tous les stades de leur vie et dans leur expérience au Canada. À l'heure actuelle, l'organisme est reconnu comme étant l'un des plus importants fournisseurs de services sociaux de la Colombie- Britannique et comme étant un modèle. S.U.C.C.E.S.S. est surtout actif dans le secteur des soins de santé, administre de nombreux centres pour aînés et dirige des groupes de sensibilisation à la qualité de vie des personnes âgées.

[Français]

Notre deuxième témoin se joint à nous par vidéoconférence. Il s'agit de Pierre-Carl Michaud, professeur titulaire au Département d'économie appliquée de HEC Montréal. De plus, le professeur Michaud est cotitulaire de la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques. Cette chaire, honorables sénateurs, est le résultat d'une collaboration entre trois grandes universités québécoises : HEC Montréal, l'Université du Québec à Montréal et l'Université Laval. Elle vise à proposer aux décideurs des analyses sur les enjeux économiques et sociaux liés aux changements démographiques et documente, entre autres, les effets de ces changements sur la sécurité financière des citoyens et des gouvernements. Professeur Michaud, bienvenue. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Avant de demander à Mme Choo de faire sa présentation. . .

[Traduction]

... chers collègues, j'aimerais établir un consensus. Le comité a reçu les déclarations des témoins dans une seule langue officielle. Acceptez-vous que ces documents soient distribués même s'ils ne sont rédigés que dans une seule langue officielle?

[Français]

Le sénateur Neufeld : Oui.

Le président : Merci, sénateur Neufeld.

[Traduction]

Avant de demander à Mme Choo de faire son exposé, je demanderais au sénateur Forest de se présenter.

[Français]

Le sénateur Forest : Bonjour et bienvenue. Éric Forest, sénateur du Québec, de la région du Golfe.

Le président : Madame Choo, la parole est à vous.

[Traduction]

Queenie Choo, directrice générale, S.U.C.C.E.S.S. : Merci beaucoup. Je suis ravie d'être ici au nom de S.U.C.C.E.S.S. et de contribuer à la conversation sur les incidences financières et les considérations régionales du vieillissement démographique au pays.

La Colombie-Britannique, comme d'autres régions du Canada, connaît un vieillissement de sa population. Bien que la population totale de la province ait augmenté de 12 p. 100 au cours des 10 dernières années, la population des aînés a augmenté de 42 p. 100.

En Colombie-Britannique, de nombreux aînés sont des immigrants. Quarante-et-un pour cent des citoyens de 65 ans et plus en Colombie-Britannique sont des immigrants. Ce taux augmente à 57 p. 100 dans le district de Metro Vancouver. En comparaison, seulement 30 p. 100 des aînés au Canada sont des immigrants.

En ce qui concerne l'incidence de la proportion croissante de personnes âgées, permettez-moi de parler de certaines des conséquences associées à l'inaction pour s'attaquer à cette nouvelle réalité démographique.

La majorité des aînés veulent continuer de vivre dans leur maison. Bon nombre d'entre eux sont en mesure de le faire lorsque leurs besoins fondamentaux sont satisfaits grâce à du soutien approprié tel que des centres de jour pour adultes, des soins à domicile et des services de soutien à domicile. Cependant, lorsque du soutien approprié n'est pas offert au bon moment et au bon endroit, les aînés sont plus susceptibles de se retrouver dans une salle d'urgence, d'être admis dans des hôpitaux de soins actifs, de séjourner plus longtemps à l'hôpital ou de devoir déménager dans des établissements de soins de longue durée, et ce, même quand ils ne sont pas encore obligés de le faire, car d'autres formes de soutien sont souvent moins dispendieuses.

Selon un rapport, en maintenant les aînés à la maison, on peut faire des économies de plus de 43 000 $ par année par personne.

En Colombie-Britannique, plus de 1 800 aînés sont en attente d'une place dans un établissement de soins de longue durée. De ce nombre, 23 p. 100 attendent dans des lits de soins actifs, le délai d'attente moyen étant de 46 jours. Le fait d'avoir 23 p. 100 d'aînés qui attendent dans des lits de soins actifs coûte 19,8 millions de dollars additionnels.

Pour des soins de longue durée qui sont adaptés aux réalités culturelles, le délai d'attente est encore plus long. Par exemple, à l'établissement de soins pour bénéficiaires internes de 113 lits de S.U.C.C.E.S.S., le délai d'attente moyen est de quatre ans.

Lorsqu'il est question d'une population vieillissante, nous devons également tenir compte des membres de leur famille, dont bon nombre fournissent des soins non reconnus et non rémunérés à leurs proches. En Colombie- Britannique, 97 p. 100 des aînés qui sont admissibles à des services de soins à domicile ont un aidant naturel non reconnu et non rémunéré. Des recherches ont également révélé que les aînés immigrants, plus particulièrement ceux dont la langue maternelle n'est pas l'anglais, sont plus susceptibles de recevoir du soutien à domicile de leurs aidants naturels.

Les aidants naturels consacrent beaucoup de temps à offrir des soins. En Colombie-Britannique, ils consacrent en moyenne 19 heures de soins non reconnus et non rémunérés par semaine à leurs proches. On estime que plus de 25 p. 100 des aidants naturels ont la double responsabilité de prendre soin de leurs parents âgés et de leurs jeunes enfants. Avec un si grand nombre de responsabilités, ils présentent des risques élevés d'épuisement.

À mesure que la population d'aînés augmentera au cours des prochaines années, on s'attend à ce que l'on s'en remette davantage aux aidants naturels. La population vieillit au Canada. Nous ne pouvons plus nous permettre de ne rien faire. J'aimerais formuler les recommandations suivantes sur la façon de mieux soutenir les aînés afin de produire de meilleurs résultats en matière de santé, tout en réduisant les coûts de santé à long terme au Canada.

Premièrement, nous avons besoin d'une stratégie nationale sur les soins aux aînés et d'une approche proactive. La stratégie devrait mettre l'accent sur le continuum de soins dont les aînés ont besoin, depuis l'intervention précoce jusqu'aux soins en fin de vie. La stratégie devrait reconnaître les divers besoins des aînés et des familles et refléter l'évolution démographique de la population canadienne, dont l'augmentation du nombre d'aînés immigrants. La stratégie devrait adopter une approche holistique et intégrée et répondre aux besoins de manière exhaustive des familles et des aidants naturels : soutien à domicile, bien-être, prévention des maladies, soins primaires, soins actifs et soins spécialisés, aide à la vie autonome, besoins en matière de soins de longue durée et, plus important encore, soins adaptés aux réalités culturelles.

Deuxièmement, nous devons reconnaître que la population de personnes âgées au Canada est diversifiée, et des soins adaptés aux réalités culturelles produiront de meilleurs résultats en matière de santé. Citons notamment des facteurs tels que la langue, des mets et des activités issus d'une culture particulière, et cetera. Grâce à des soins adaptés à la culture, les aînés sont en meilleure santé, car ils peuvent communiquer leurs besoins et peuvent interagir avec d'autres personnes âgées, ce qui réduit la souffrance morale et l'isolement social et renforce le sentiment d'appartenance. C'est un modèle axé sur le bien-être qui permet de réduire les dépenses au titre de la santé dans le système à long terme.

Troisièmement, nous devons élargir les programmes appropriés dans l'ensemble du continuum de soins pour veiller à ce que les aînés disposent du soutien approprié au bon moment. Citons notamment des soins à domicile adaptés aux réalités culturelles, une augmentation des services d'aide à la vie autonome et des lits de soins en établissement pour que lorsque les aînés en sont à cette étape dans le continuum de soins, ils n'aient pas à attendre des années avant d'avoir une place dans un établissement de soins adaptés aux réalités culturelles pendant que leur état de santé se détériore. Il faut aussi assurer une transition harmonieuse de la vie à la maison vers les services d'aide à la vie autonome ou des établissements de soins pour bénéficiaires internes, avec des délais d'attente plus courts, moins de perturbations et une planification plus prévisible qui améliore la rentabilité globale.

Quatrièmement, une approche axée sur l'intervention précoce et sur la prévention est nécessaire. Nous devons appuyer les programmes qui favorisent la santé et le bien-être des aînés. Mentionnons notamment plus d'activités pour contribuer à ce que les aînés comprennent mieux l'importance du maintien de la santé et de la prévention des maladies. Les aînés peuvent demeurer plus longtemps dans leur maison, rester autonomes et actifs, et ils sont plus susceptibles d'avoir recours aux services de santé plus coûteux à un âge plus avancé.

Cinquièmement, nous devons soutenir tous les membres de la famille qui sont souvent des aidants naturels pour les aînés. Cette tendance est très répandue parmi les familles d'immigrants. Ces aidants naturels non reconnus présentent des risques d'épuisement. Nous devons les soutenir en offrant plus de programmes de jour, plus de soutien à domicile, des lits réservés aux soins de relève et des incitatifs fiscaux pour atténuer les difficultés financières et les problèmes d'épuisement physique et psychologique auxquels sont confrontées les familles.

En raison du vieillissement de la population et d'une espérance de vie plus longue, nous devons absolument prendre ces mesures immédiatement pour atteindre de meilleurs résultats en matière de santé et une meilleure rentabilité, ce qui sera bénéfique pour tous les Canadiens à long terme. Merci beaucoup.

[Français]

Le président : Maintenant, nous demanderons au professeur Michaud de faire sa présentation.

Pierre-Carl Michaud, professeur titulaire, Départment d'économie appliquée, HEC Montréal, à titre personnel : Merci, sénatrices et sénateurs. Au nom de mes collègues cotitulaires de la Chaire de recherche Industrielle Alliance, je me réjouis de cette occasion de témoigner devant votre comité aujourd'hui. Ce témoignage n'engage cependant que moi- même, puisque je m'adresse à vous en mon nom personnel. Bien que je regrette de ne pouvoir y être en personne, la technologie nous permet heureusement de discuter.

Depuis qu'on entend parler du vieillissement de la population, nous « arrivons à ce qui commence », pour reprendre l'expression du poète québécois Gaston Miron. En effet, les premières cohortes de baby-boomers, qui sont très nombreux, reçoivent déjà des chèques de la Sécurité de la vieillesse, et les cohortes suivantes y arriveront dans une fenêtre qui se refermera d'ici une quinzaine d'années. Il est trop tard pour trouver des solutions démographiques à ce défi, et cela est assez bien compris.

Les conséquences de ces changements pour les finances publiques sont bien connues dans la mesure où les comportements et les politiques ne changent pas. Au fédéral, l'incidence du vieillissement se fait surtout sentir par le biais des dépenses en prestations de la Sécurité de la vieillesse, y compris le Supplément de revenu garanti. On sait qu'avec l'importance grandissante des revenus de retraite provenant du Régime de pensions du Canada et de son pendant québécois, les dépenses du gouvernement fédéral pour les personnes âgées vont décroître, demeurer constantes en pourcentage du PIB, et ce, malgré le vieillissement démographique.

C'est au niveau des provinces qu'on envisage des défis importants, d'abord parce que, malgré des efforts importants, il sera difficile de restreindre la croissance annuelle des dépenses en matière de santé à moins de 4 p. 100, ce qui correspond à peu près à la croissance prévue des revenus. Le vieillissement a certes eu un effet plus faible par le passé sur les dépenses en matière de santé, mais la combinaison des progrès technologiques dans le domaine de la santé, qui sont souhaitables, et du nombre croissant de ménages âgés créera une croissance avoisinant les 4,5 à 5 p. 100 à l'avenir.

On peut, et on doit augmenter l'efficience du système, mais les gains marginaux peuvent difficilement régler le problème de croissance. En soins de longue durée, comme y a fait référence le témoin précédent, nos travaux à la chaire de recherche montrent que la faible capacité qui a été développée en soins de longue durée au cours des dernières années risque de mettre des pressions énormes sur les coûts si le développement de nouvelles infrastructures devient nécessaire rapidement.

Ce qui est moins connu, c'est la façon dont la population et les gouvernements vont réagir au cours des prochaines années. Par exemple, nos travaux à la chaire de recherche montrent que les Canadiens, en particulier les Québécois, continuent de plus en plus à travailler à un âge avancé. Nous avons estimé que cela permettra d'amoindrir, sans les éliminer, les effets du ralentissement de la croissance de la population dite « en âge de travailler ».

D'autre part, la capacité de nos gouvernements d'augmenter les revenus fiscaux est limitée, et il est probable, et sans doute peu souhaitable, que l'effet dans les provinces se fasse sentir en termes de réduction des services à la population. C'est ce qu'il faudra éviter.

La population vieillissante offre une occasion intéressante de revoir certaines politiques mises en place alors que la population était plus jeune. Parmi les options que j'aimerais examiner lors de la période d'échange, citons les éléments de repositionnement suivants. Nous avons besoin de politiques qui lancent un message clair selon lequel le prolongement de la vie active est valorisé. Il faut éviter les messages contradictoires, notamment le retour à l'âge de 65 ans pour l'admissibilité au programme de la Sécurité de la vieillesse sans l'accompagner d'autres mesures qui valorisent le travail. Des gestes concrets peuvent être posés, parce que bon nombre d'entre nous vivent de plus en plus vieux et en bonne santé.

Malgré un récent accord avec les provinces sur l'avenir du Transfert canadien en matière de santé, il pourrait être souhaitable d'envisager des transferts fédéraux établis en fonction des besoins découlant d'un vieillissement démographique plus important dans certaines provinces. L'objectif sous-jacent pourrait ainsi être atteint par l'entremise du transfert de points d'impôt. Il est important de reconnaître ce déséquilibre. Les provinces ont une longue expertise en matière de développement et de gestion des soins de santé, et je ne vois pas le gouvernement fédéral se substituer aux provinces dans ce rôle durant les 20 prochaines années.

Une fiscalité axée sur la taxation de la consommation, et neutre par rapport à l'épargne, peut aussi aider à amoindrir les effets du vieillissement démographique. C'est un élément de flexibilité qui a plusieurs vertus d'un point de vue économique. De plus, il faut s'attarder aux effets en termes de redistribution intergénérationnelle du système fiscal actuel.

Il faudra donc faire des choix difficiles, et la période propice se referme rapidement.

Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé pour vous faire part de ces remarques d'introduction.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Madame Choo, merci de votre déclaration. Vous avez parlé du continuum de soins et des aînés qui ont besoin de différents types de soins en vieillissant, mais je veux que vous reveniez un peu en arrière et que vous nous parliez du continuum de soins offerts aux aînés par les aidants naturels. De toute évidence, comme vous l'avez tous les deux mentionné, nous vivons plus longtemps, et bien des gens sont en meilleure santé plus longtemps, si bien que la vie professionnelle ou la vie active des gens est plus longue qu'elles l'étaient dans le passé. Pourriez-vous nous brosser un tableau plus complet du rôle que les aînés jouent, en tant qu'aidants naturels pour répondre aux besoins de leur famille, mais aussi plus tard dans la vie, en tant que bénéficiaires de soins, et nous expliquer comment ce continuum répond aux besoins d'un grand nombre de familles d'immigrants?

Mme Choo : Merci beaucoup, sénateur Woo, de la question. Évidemment, personne ne veut demeurer inactif et avoir l'impression de ne rien pouvoir faire en vieillissant. Nous voulons tous continuer d'avoir un sentiment d'accomplissement, d'engagement et de contribution au sein de la collectivité et de la société; nous ne voulons pas rester inactifs.

À partir du moment où ils arrivent au Canada, et je parle des immigrants, bien entendu, ils veulent continuer d'apporter une contribution non seulement à leur famille, mais aussi à leur collectivité. C'est ce que nous cherchons à faire. Nous voulons faire participer ces gens dès le départ, qu'ils doivent continuer de travailler pour leur famille ou qu'ils soient à la retraite, mais continuent de s'engager dans la collectivité en faisant du bénévolat ou d'autres travaux qui leur permettent de contribuer à l'ensemble des compétences dont leur collectivité a besoin.

À partir du moment où ils deviennent des bénéficiaires de ce continuum de soins, je pense qu'il existe de nombreuses façons créatives de faire participer les aînés. Nous croyons qu'ils seraient une valeur ajoutée à la collectivité, avant et après leur retraite, s'ils demeurent actifs et contribuent à la collectivité. Ils ne sont pas uniquement des bénéficiaires de soins; ils offrent également leur contribution à la collectivité en retour. Je pense que l'important, c'est de rester actif physiquement, socialement et mentalement.

Le sénateur Woo : Merci.

Monsieur Michaud, je m'intéresse beaucoup aux idées que vous avez lancées sur les ajustements fiscaux à apporter pour gérer la population vieillissante. Je vous demanderais de nous fournir un peu plus de détails, et plus particulièrement au sujet des taxes à la consommation. Suggérez-vous d'augmenter la TPS, par exemple? De plus, en ce qui concerne l'idée d'apporter des ajustements au système fiscal pour corriger les inégalités intergénérationnelles, que suggérez-vous plus précisément?

M. Michaud : En ce qui concerne le système fiscal, lorsque nous pensons à la façon dont les recettes fiscales sont perçues auprès des tranches d'âge différentes, nous voyons clairement que la consommation ou les dépenses des ménages sont moins importantes avec l'âge qu'avec le revenu. Donc, à première vue, lorsque nous examinons la question, nous constatons que lorsque nous connaissons un changement démographique ou un vieillissement de la population, les changements dans les revenus du gouvernement seront moins marqués lorsque nous mettons davantage l'accent sur les taxes à la consommation que sur l'impôt sur le revenu. C'est essentiellement l'orientation que les pays scandinaves et de nombreux pays européens, par exemple, ont décidé d'adopter.

En principe, si vous travaillez en vase clos, c'est le système de perception des recettes fiscales que vous voulez avoir. Bien entendu, il faudrait augmenter la TPS et la taxe provinciale équivalente. De toute évidence, nous devons prendre en considération le fait que nous vivons dans un monde où nous rivalisons avec les États-Unis et d'autres pays tels que le Mexique où l'on ne peut pas avoir des taxes à la consommation comme en Europe, car on se retrouverait avec beaucoup de pertes fiscales.

Mais il est possible de modifier ou d'altérer les choses à l'avenir, si l'on reconnaît ces changements.

Pour ce qui est des transferts intergénérationnels, à mesure que l'on se tourne vers les taxes à la consommation, on dépend moins de ces transferts implicites très importants entre générations, ce qui est attribuable en majeure partie au fait que les travailleurs paient des impôts et que les personnes âgées, par exemple, dépensent plus d'argent en vieillissant. Il y a donc ces deux avantages.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de votre présence ici. Ce que vous avez dit dans votre exposé sur les soins à domicile et les avantages et les économies connexes m'a beaucoup intéressée. Le gouvernement vient de s'engager à financer un programme de soins à domicile pour les 10 prochaines années. Votre organisation compte-t-elle dépenser une partie de cet argent? Avez-vous des suggestions quant à la façon dont on devrait dépenser ces fonds?

Mme Choo : Merci, madame la sénatrice Marshall, de cette question. En fait, une transition vers des soins à domicile et en milieu communautaire est ce que vise notre système depuis longtemps. Aucun aîné ne veut être admis dans un centre de soins pour bénéficiaires internes prématurément. Il est important d'aider les aînés à demeurer à la maison le plus longtemps possible.

Mais il y a quelques problèmes de convivialité, pour ainsi dire. Le système de soins à domicile doit peut-être être flexible et tenir compte de la démographie et des besoins culturels de ces gens, de leur pays d'origine, de leur langue et de leurs préférences culturelles. Cette approche aidera les aînés à trouver un bon établissement ou à demeurer à la maison, et c'est important.

Personne ne veut déménager dans une résidence avec aide à la vie autonome ou un centre de soins pour bénéficiaires internes si elle n'y est pas obligée. Ce sont là les dépenses qui pourraient être évitées, et l'ensemble du système pourrait réaliser des économies si les aînés demeuraient à la maison plus longtemps.

La sénatrice Marshall : Tout le monde attend avec impatience de recevoir cet argent et de pouvoir le dépenser. D'après mon expérience avec les soins à domicile, c'est quelque chose qui pourrait rapidement déraper.

Avons-nous songé, alors que nous attendons cette entrée d'argent, à la façon dont les dépenses seront gérées? Avons-nous réfléchi à cet aspect? Habituellement, il y a tellement d'argent dans la caisse, et vous le dépensez jusqu'au dernier sou ou vous ne pouvez plus faire de dépenses, alors vous vous retrouvez avec une population qui ne reçoit rien. Vous avez un groupe qui obtient de bons services et du bon financement, puis vient le temps où vous avez tout dépensé l'argent et un groupe ne reçoit rien.

A-t-on réfléchi à cet aspect? Ce qui me préoccupe lorsqu'on essaie de contrôler les dépenses, c'est qu'il ne faut pas mettre en péril le programme.

Mme Choo : C'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'une stratégie relative aux aînés. Il est important d'examiner les besoins évalués plutôt que d'offrir les soins sans en avoir tenu compte.

Par ailleurs, il faut s'assurer que le système est rentable. Lorsqu'une personne doit sortir de son domicile et en revenir sept fois par jour, ce n'est pas efficace pour le système. Des changements doivent être apportés.

Il y a des modèles créatifs qui aident les aînés à demeurer à la maison, et des soins et du soutien à domicile sont offerts. Nous devons examiner ces modèles plutôt que de créer un énorme système où nous faisons des dépenses effrénées. Or, nous ratons la cible visant à aider les aînés à demeurer à la maison le plus longtemps possible tout en maintenant la qualité de vie à laquelle nous faisons référence.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

Monsieur Michaud, je vous remercie de votre exposé. Je suis une baby-boomer. Nous étions prévenus, et maintenant nous sommes en plein dedans. Le moment est donc arrivé.

Des provinces, le Nouveau-Brunswick notamment, préconisent, en mettant de la pression sur lui, que le gouvernement fédéral ajoute un complément d'argent au transfert en matière de santé pour les indemniser du vieillissement de la population. Vous en avez parlé dans votre déclaration préliminaire.

Avez-vous une idée des modalités précises de cet ajout? Comment feriez-vous? Verserait-on tel montant à toute personne de plus de 80 ans? Avez-vous réfléchi à la façon d'indemniser ou de financer cette demande?

M. Michaud : C'est une excellente question. Je ne suis au courant d'aucun calcul ni d'aucune simulation qui nous dirait quelle sorte d'objectifs nous pourrions invoquer pour appliquer cette idée. Il serait intéressant d'y donner suite. Je soupçonne qu'on pourrait utiliser un indicateur bien connu comme le nombre de personnes de plus de 80 ans. Un autre bon indicateur serait aussi le nombre de personnes par catégorie d'âge, disons au-dessus de 65 ans.

Les critères devraient être que la statistique est communément admise et qu'elle est calculée par Statistique Canada ou une autre organisation homologue. On éviterait, par exemple, de la fonder sur la santé de la population ou sur un autre indicateur des besoins dont l'étalon de mesure ou la définition seraient contestables ou qui, encore, pourrait faire l'objet de manipulations.

La définition serait meilleure et peut-être plus ciblée, mais on risque de moins pouvoir s'entendre sur son étalon de mesure.

[Français]

Le président : Avant de céder la parole au sénateur Pratte, on vient de m'informer que le professeur Michaud doit nous quitter d'ici 45 minutes. On pourrait donc lui adresser nos questions en premier.

Le sénateur Pratte : Monsieur Michaud, bienvenue au comité. Dans votre présentation, vous avez parlé de gestes qui pourraient être posés pour permettre un prolongement de la vie active. Avez-vous des idées concrètes à ce sujet, en tenant compte du fait que ces mesures sont parfois extrêmement controversées? Par exemple, l'augmentation de l'âge de l'admissibilité aux prestations de la Sécurité de la vieillesse, même s'il s'agissait seulement de deux ans, et à très long terme, a été une mesure très controversée. À quel genre de mesures pensez-vous?

M. Michaud : Quand on réfléchit à un système de retraite, on essaie toujours d'envisager un système qui est neutre, qui ne crée pas d'effets dissuasifs et qui encouragera donc potentiellement les gens à travailler plus longtemps. Parmi les mesures évoquées, celle du report de l'âge pour recevoir les prestations de la Sécurité de la vieillesse, pour certains ménages, surtout pour les ménages à faible revenu, est un incitatif très puissant, parce que l'on force ces gens qui reçoivent ce genre de revenu à travailler davantage pour parvenir à subvenir à leurs besoins. Donc, de manière générale, les mesures qui auront une meilleure acceptabilité sociale seront des mesures qui sont neutres, qui éliminent les effets dissuasifs que l'on voit à l'heure actuelle.

Il faut donc arriver avec des mesures concrètes. Si on regarde ce que plusieurs autres pays ont fait, il est clair que les crédits d'impôt de type remboursable et les primes au travail, mais qui sont spécifiques aux ménages âgés, ont eu certains effets dans certains pays. C'est donc une première mesure qui s'adresse aux travailleurs.

Il y a également eu des mesures d'incitation pour les entreprises, des mesures fiscales qui permettaient et encourageaient potentiellement les entreprises à engager des travailleurs plus âgés, parce que c'est l'un des problèmes que l'on voit. Parfois, les gens doivent quitter leur emploi, car le régime de retraite de l'entreprise fait en sorte qu'ils n'ont pas intérêt à continuer avec cet employeur. Par contre, on aimerait que ces personnes nous démontrent un désir de continuer à travailler, peut-être dans une occupation différente. Cependant, cela soulève une question d'adéquation avec les besoins des entreprises, et des mesures peuvent être prises en ce sens afin d'encourager ou de donner le signal aux entreprises qu'on valorise la possibilité d'engager des travailleurs âgés.

Du côté du système de retraite, le Supplément de revenu garanti apporte des incitatifs pour deux raisons. D'abord, après l'âge de 65 ans, pour chaque dollar de revenu de travail que pourraient gagner les gens à faible revenu qui décident de travailler et qui reçoivent potentiellement les prestations de Supplément de revenu garanti, ils se font enlever 75 cents de supplément de revenu. Ça, c'est en aval, mais en amont, dans le cas des gens qui décident, à l'âge de 62 ans, de reporter d'une année la réception des prestations du Régime de pensions du Canada ou du RRQ, leurs prestations augmentent, si on fait un bon travail pour offrir ces incitatifs. Cependant, s'ils décident de toucher, à partir de l'âge de 65 ans, cette rente ou ce bénéfice additionnel, s'ils sont potentiellement récipiendaires de prestations du Supplément de revenu garanti, ils seront encore touchés par cet incitatif. Cela ne concerne donc pas seulement les incitatifs après l'âge de 65 ans, mais cela les affecte aussi en amont. C'est donc une mesure qu'on pourrait examiner. Il est sûr que l'on doit trouver un équilibre entre nos objectifs de réduction de la pauvreté chez les personnes âgées et nos incitatifs en ce qui concerne le travail.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Madame Choo, vous préconisez une stratégie nationale de prestation de soins aux personnes âgées. Comme la plupart de vos autres recommandations semblent intéresser les compétences des provinces, vu qu'il s'agit de soins de santé, quel rôle entrevoyez-vous pour cette stratégie nationale?

Mme Choo : Je propose aussi, entre autres choses, des incitations fiscales pour les aidants de partout au Canada.

Actuellement, des provinces ou des territoires accordent déjà ces incitations pour les aidants naturels, mais ça ne se fait pas partout au Canada.

J'espère donc qu'on aura la chance d'envisager de les aider, vu que, particulièrement, 95 p. 100 de nos personnes âgées reçoivent des soins par des aidants naturels. Si nous les négligeons, ils risquent l'épuisement psychologique et physique et social. Ça signifie que les personnes âgées qui ont besoin de soins se retrouveront dans le système général. À long terme, ça entraînera des dépenses. Je recommande donc vivement de s'attaquer au problème de l'épuisement des aidants comme moyen de s'attaquer à certains des problèmes actuels.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci, monsieur Michaud, de votre présence parmi nous. Je regardais la modélisation que vous proposez quant aux projections avec différents scénarios; si on aligne la conjoncture la moins optimiste possible, cela donne des résultats qui sont assez inquiétants. Pour le Québec, la dette brute passerait à 150 p. 100 du produit intérieur brut. En ce qui concerne le solde budgétaire, il est équilibré en ce moment, et il passerait à plus de 18 p. 100. Quelles sont les mesures que le gouvernement actuel ou le prochain gouvernement pourrait prendre pour freiner cette réalité?

De plus, vous avez parlé de créer un environnement propice pour inciter les gens à demeurer plus longtemps sur le marché du travail, mais que pensez-vous de la reconnaissance des diplômes? Cela pourrait-il être l'un des facteurs atténuants?

M. Michaud : Concernant les projections auxquelles vous faites référence, en fait, on voulait permettre aux gens de varier les hypothèses. Souvent, lorsqu'on débat de ces questions, on se retrouve à argumenter autour d'hypothèses, ainsi, on voulait présenter un éventail de scénarios.

Si on prend le scénario le plus catastrophique, il est sûr qu'on constate que la dette provinciale n'est pas soutenable. Cependant, les scénarios les plus probables ont un effet important sur la soutenabilité des finances publiques dans les provinces. C'est certainement la croissance du produit intérieur brut. Ce n'est pas une nouvelle pour personne, mais il est important de le rappeler. Quand on établit des mesures qui peuvent aider à stimuler l'économie et la productivité, ce sont des mesures qui doivent être encouragées à court terme.

Bien sûr, il faut aider les gens à demeurer sur le marché du travail le plus longtemps possible, à être plus productifs, et du point de vue des investissements publics, les investissements en infrastructure ont potentiellement un rôle à jouer. Il faut une stratégie qui mise sur l'augmentation de la productivité.

Il est certain qu'on peut contrôler les dépenses, qu'on peut tenter de les freiner, mais la pression est si forte, comme je le disais dans mes remarques d'introduction, qu'on risque de se retrouver dans une situation où il sera relativement plus facile de simplement limiter les dépenses. Cependant, il risque d'y avoir une incidence importante sur la qualité de vie des gens. Donc, ce n'est pas une approche que je préconiserais. Je crois que je miserais davantage sur les revenus et que j'essaierais d'avoir une politique favorable à la croissance pendant les deux prochaines décennies.

Le sénateur Forest : J'ai une question complémentaire. Dans le fond, quand on regarde l'ensemble de la situation de l'employabilité, de la situation démographique, certains secteurs sont beaucoup plus touchés que d'autres. On pense aux aidants naturels, non pas aux secteurs professionnels dans le domaine de la santé, mais tout ce qui touche les secteurs de base ± les aides-infirmiers, les plombiers ou les électriciens. Y aurait-il des gains à faire une analyse complète du marché du travail pour être en mesure d'élaborer des incitatifs ciblés dans certaines catégories? Si ça continue, bientôt, un plombier coûtera plus cher qu'un professeur d'université. Le samedi soir, le plombier coûte cher.

M. Michaud : Êtes-vous en train de me dire de retourner aux études?

Le sénateur Forest : Je vous dis plutôt de vérifier vos tuyaux.

M. Michaud : Tout à fait. Je crois qu'il y a des professions ou des secteurs du marché du travail qui risquent d'être beaucoup plus en demande dans les années à venir. Il faut former ces gens, leur donner de bonnes orientations en matière d'éducation et valoriser ces postes. De là à dire qu'il faut prévoir des incitatifs fiscaux pour le faire, si on peut s'en sortir sans nécessairement investir de l'argent dans cette thématique, en veillant plutôt à bien orienter les gens au niveau de l'éducation professionnelle, je crois effectivement que beaucoup de ces postes pourraient être en demande. Il serait malheureux qu'on ne puisse pas répondre aux besoins. Comme vous le dites, je crois que cela sera important. Si on veut que les personnes âgées travaillent davantage, il faudrait en même temps les aider si elles sont des aidantes naturelles en même temps. Il faudra trouver des emplois complémentaires à ces deux besoins. Je pense que c'est une piste intéressante à examiner.

La sénatrice Moncion : Je n'ai pas vraiment de question à poser, mais plutôt une réflexion. Je dois dire que nous avons vécu ce genre de situation dans ma famille.

Il y a plusieurs éléments. Premièrement, quand on dit que les personnes âgées devraient rester le plus longtemps possible dans leur maison parce que c'est l'endroit où elles se sentent bien, je suis plus ou moins d'accord. Les personnes âgées, à un moment donné, ne sont plus capables de s'occuper d'une maisonnée. Je vais vous le dire en bon français, c'est « un beau paquet de troubles » de s'occuper de l'entretien d'une maison — le gazon l'été, la neige l'hiver, et cetera.

Je ne sais pas si c'est répandu, mais à Ottawa, les gens âgés qui ont les moyens tendent à vendre leur maison pour aller s'établir dans des appartements. En réduisant considérablement le lot de travail lié à l'entretien de la maison, ils ont la chance de demeurer autonomes. À mon avis, c'est peut-être dans des logements consacrés aux personnes âgées autonomes que les gouvernements devraient investir.

Le vieillissement comprend différentes étapes de transition. D'abord, les personnes âgées sont autonomes, ensuite semi-autonomes et, finalement, elles perdent complètement leur autonomie. C'est dans la période où elles sont semi- autonomes qu'elles ont le plus besoin de services. Il faudrait peut-être essayer de changer les mentalités. Beaucoup de personnes âgées ne veulent pas quitter leur maison et se retrouver dans des résidences pour personnes âgées, parce qu'elles considèrent que ce sont des endroits pour les vieux et qu'on y va pour y mourir. On aménage dans ces résidences pour y vivre, plutôt. Il y a toute une question de changement des mentalités, parce que cette question concerne les gens qui s'occupent des personnes âgées, de même que la capacité de payer des personnes âgées.

Vous parlez de les faire travailler plus longtemps, mais cela crée un autre problème à l'autre bout de l'échelle : il y a des jeunes qui veulent entrer sur le marché du travail. Je n'ai donc pas nécessairement de question à vous poser, mais il y a quand même des changements à faire. Je ne sais pas quel genre de conseil ou d'information vous pouvez nous donner de plus. On parle toujours d'investissements gouvernementaux, de prévoir plus d'argent, et cetera, mais il me semble qu'il y a aussi une question d'organisation dans le dossier du vieillissement de la population et du transfert de la richesse, des services et des soins. Ce n'est pas vraiment une question.

M. Michaud : Le seul commentaire que je puisse faire, c'est que vous avez raison, c'est une problématique importante. Les ménages âgés ou les personnes seules âgées se retrouvent dans une situation difficile. Souvent, elles ont une maison qui a une valeur importante, en termes de capitaux. Cependant, leur seule alternative, c'est de s'en aller dans une résidence pour personnes âgées où l'on retrouve des gens qui ne sont vraiment pas autonomes.

Ce qui est un peu particulier, c'est qu'on n'a pas encore au Canada de dispositif bien développé pour permettre aux gens d'utiliser une partie de l'argent lié à la valeur nette de leur maison, soit pour rester à domicile ou pour aller dans un environnement plus adapté à leur situation. Je ne suis pas sûr que la solution soit nécessairement la mise en place de programmes par le gouvernement à ce chapitre, mais il est clair qu'il y a une transition manquante dans le passage d'une maison à valeur nette importante vers la résidence pour soins en fin de vie. Il est possible de mieux guider les gens.

[Traduction]

Mme Choo : Excellente question. C'est ce dont il était question dans mon mémoire, c'est-à-dire vieillir au bon endroit. C'est très important. Comme M. Michaud l'a dit, nous devrions tirer parti de certaines idées innovantes, par exemple employer la technologie pour aider les gens à rester à la maison et pourvoir aux besoins et aux exigences qu'on aura évalués pour permettre aux personnes âgées de rester chez elles.

Les laisser chez elles sans leur donner d'aide serait courir au désastre. En même temps, nous voulons éviter des indemnisations excessives. Quant à leurs besoins réels, les personnes âgées doivent pouvoir en discuter, ainsi que de l'aide qui peut leur être accordée pour qu'elles puissent demeurer au bon endroit. C'est tellement important. Le bon endroit pourrait être chez soi, dans un logement avec assistance ou l'inscription à un programme de jour pour adultes le jour ou la semaine. Les options sont multiples. Le système doit se donner une approche coordonnée, c'est une lacune, pour les cas où des aides sont exigées.

La sénatrice Moncion : Mon père, par exemple, a vécu chez lui jusqu'à l'âge de 90 ans. À 91 ans, il est parti de chez lui, où il recevait de l'aide, mais il n'en voulait pas beaucoup, pour emménager non pas dans un logement avec assistance, mais dans une maison de retraite, où il recevait des soins tout en étant encore autonome. Dans quelques semaines, il fêtera ses 96 ans dans un centre d'hébergement, où il reçoit des soins de longue durée. Sa transition a duré une quinzaine d'années en tout, depuis le départ de ma mère de la maison jusqu'au moment où il est allé vivre dans un établissement pour retraités.

Il en avait les moyens, même si c'était très cher. La transition s'est bien déroulée pour lui, mais je crois que notre société a besoin d'un changement de culture à l'égard des personnes âgées, particulièrement celles qui ne veulent pas quitter la maison. C'est une mentalité à changer.

J'ai vu ici, à Ottawa, des maisons de retraite adaptées au revenu. Les personnes à faible revenu peuvent toujours vivre dans des appartements où elles reçoivent des soins et accèdent à quelques services, mais c'est adapté à leur revenu. Les peu fortunées paient un loyer mensuel de 30 ou de 40 $ et elles ont accès à un bon endroit pour vivre. Elles peuvent finir par devoir aller en logement avec assistance, mais on y offre seulement la transition et tous les services qu'on peut y fournir. C'est cher, mais ils sont fournis.

Mme Choo : Absolument. C'est très important. Vieillir au bon endroit permet aux personnes âgées de parler de la transition sans interruption, et nous devons comprimer le temps d'attente. L'attente impose beaucoup d'efforts à l'aidant naturel, dont la santé se dégrade en même temps. À long terme, la santé en subit donc les contrecoups.

La sénatrice Moncion : Je suis d'accord.

Le sénateur Neufeld : Ma question est destinée aux deux témoins. Le Canada n'est pas le seul pays des baby- boomers. Cette génération, visiblement, peuple toute la terre. D'autres pays pourraient-ils nous inspirer une solution sensée à cet énorme problème? Chacun est différent, chaque pays est différent. Beaucoup de personnes âgées vivent au Japon. Que font-elles? Pourriez-vous nous aider un peu et nous dire si c'est une bonne idée?

Mme Choo : Excellente question. Comme vous parlez du Japon, j'ai une anecdote. Au patient japonais qui vient le consulter, son médecin lui demande pourquoi, et il se fait répondre : « Parce que je veux rester en bonne santé. » Voilà la mentalité là-bas. C'est pour rester en bonne santé, pas quand on éprouve des problèmes. Ça donne une idée aussi d'autres modes de vie plutôt axés sur la santé que sur la maladie.

Le monde offre beaucoup d'excellents exemples de la conduite à tenir face au vieillissement de la population. Je pense que nous devons nous en inspirer dans l'examen de nos particularités régionales, de nos exigences et de nos préférences, examiner ces idées qui tiennent compte de la sensibilité culturelle des régions et des besoins des collectivités. C'est également très important.

Le sénateur Neufeld : Monsieur Michaud, avez-vous des idées?

M. Michaud : Oui. Je pense que tous les pays sont aux prises avec cette transition difficile. J'invite le comité à examiner l'assez bon travail des pays du Nord de l'Europe : ils fournissent des soins de longue durée de qualité, de bonnes assurances, et ils facilitent la transition des personnes âgées. Les pays qui s'en tirent bien ont souvent pris des mesures au cours des décennies antérieures, ayant prévu ce problème et ayant déjà mis en œuvre des politiques avant qu'il ne survienne. Nous nous trouvons ici dans une situation particulière où nous discutons de ces politiques alors que le vieillissement de la population a commencé.

Le sénateur Neufeld : Je voudrais faire une observation plutôt que poser une question. Je m'inquiète d'où proviendra l'argent. L'économie de la Colombie-Britannique va bien, et la province maintient l'équilibre budgétaire depuis quatre ans et continuera peut-être de le faire. Mais quand les soins de santé ponctionnent la moitié du budget et que, pour tout le reste, il faut piger dans l'autre poche, que reste-t-il? On dit qu'il faut de plus en plus d'argent. Où, finalement, en trouvera-t-on? En augmentant les impôts et par toutes sortes de mesures semblables? Mais, on l'a déjà dit, cet alourdissement de la fiscalité nuit à notre pouvoir concurrentiel sur le marché mondial. D'où l'argent viendra-t-il? Ça m'inquiète. Je suis peut-être un peu plus âgé que la sénatrice Marshall. Je suis l'un de ces baby-boomers qui auront peut-être besoin de soins un jour. Ça me préoccupe, ça m'a toujours préoccupé.

Dans les 18 années pendant lesquelles j'ai fait partie du gouvernement, en Colombie-Britannique, j'ai assisté à l'énorme ponction destinée à la santé et, en sus, aux services sociaux. Pour nos autres missions, il ne reste que des miettes. Avez-vous une opinion à ce sujet?

Mme Choo : Merci. Ce que vous dites est juste. Plus n'est pas nécessairement mieux. Mon credo est qu'il faut agir plus intelligemment plutôt que demander plus. Demander plus pourrait ne pas être la bonne solution.

La qualité de vie ne se mesure pas. Nous devons examiner ce que les baby-boomers voudront, dans l'avenir, vous et moi et les autres baby-boomers. J'en suis une aussi. Les perspectives en matière de santé de la génération qui nous a précédés sont très différentes des nôtres. Nous devons réfléchir à ce que les gens veulent. Quelles sont les données démographiques? Les facteurs régionaux?

Un autre sujet de réflexion pour vous est que nous ne pouvons pas construire tous les établissements de soins en résidence dont auront besoin les baby-boomers à mesure qu'ils vieilliront, parce que, ensuite, ils resteront vides. Je tenais à le dire, pour expliquer que plus n'est pas mieux. La solution pourrait être que nous devons être plus futés.

[Français]

Le sénateur Forest : Madame Choo, vos propos selon lesquels ces établissements seront complètement vides sont fort pertinents. Aujourd'hui, on est confronté à un phénomène avec la génération précédente qui s'accommodait beaucoup plus facilement des soins. Lorsque nous, les baby-boomers, arriverons à cette étape, ce ne sera pas facile. Nous avons mené des carrières, nous sommes exigeants et nous demandons des services de qualité. À mon avis, les professionnels de la santé seront heureux lorsqu'ils auront terminé leur journée, parce que ce ne sera pas facile pour eux de nous prendre en charge.

Le défi repose surtout sur notre capacité de maintenir les gens qui le souhaitent et qui sont capables à la maison. C'est tout le défi des soins à domicile. Il s'agit d'un objectif que le gouvernement fédéral a clairement cerné, mais dans les champs de compétence qui sont partagés entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Si vous aviez une seule recommandation pour améliorer la qualité des soins afin de maintenir les personnes âgées à domicile, quelle serait-elle? Quelle serait votre grande priorité où il s'agirait de poser des gestes concrets et non pas seulement de parler d'un programme éventuel?

[Traduction]

Mme Choo : Je vous remercie pour la question. Si j'avais une baguette magique, je coordonnerais mieux les soins à domicile, les soins en milieu communautaire et le logement. Il existe beaucoup de modèles innovants. Inutile que sept personnes se présentent à la porte et offrent le service quand le client, le patient, ne comprend pas ce dont il a besoin et que son état ne justifie pas l'arrivée de ces personnes étranges. Je commanderais la coordination complète du logement pour les personnes âgées et la mise à niveau des soins à domicile et en milieu communautaire à l'endroit même où ces personnes vivent pour leur éviter sept visites par jour. Les soins seraient fournis en fonction des besoins, dans l'immeuble où elles vivent. Nous pouvons élaborer une approche inspirée du concept de campus de soins et favoriser le vieillissement au bon endroit. Merci.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ma question concerne les aidants naturels. Quelle sorte de programme proposez-vous pour venir en aide aux aidants naturels?

[Traduction]

Mme Choo : Excellente question. Dans les fonctions que j'ai exercées auparavant, j'ai créé un programme pour éprouver un modèle permettant de déterminer s'il est utile de soulager les aidants de leur épuisement professionnel. Beaucoup de programmes semblables existent maintenant, comme la mise à disposition de lits réservés aux soins de relève. On soulage ainsi les aidants naturels, qui peuvent prendre des vacances sans être obligés de continuer à se charger des soins. Le centre de soins de jour pour adultes est un autre endroit où envoyer les êtres chers une ou deux fois par semaine pour soulager les aidants naturels et les libérer pour qu'ils fassent leurs propres courses et vaquent à d'autres occupations nécessaires que de prodiguer des soins.

Grâce à de nombreux programmes innovants tels que le groupe de soutien aux aidants naturels, ces aidants peuvent mettre en commun certaines de leurs expériences. On brise leur isolement. Ils peuvent bénéficier de l'appui moral de leurs confrères ou consœurs. Beaucoup peuvent se soutenir mutuellement de cette manière. Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples.

L'incitation fiscale pour les aidants dont j'ai parlé, certaines provinces et certains territoires l'accordent déjà, mais pas tous. Elle pourrait soulager non seulement les fardeaux psychologiques et sociaux, mais elle répondrait à certains problèmes financiers qu'éprouvent les aidants qui travaillent si durement jour et nuit.

[Français]

Le président : Monsieur Michaud, avez-vous des commentaires à faire quant à la question de la sénatrice Moncion?

M. Michaud : Oui, on oublie souvent qu'on n'a pas de régime d'assurance très développé pour les soins de longue durée au Canada. Pourtant, cela pourrait répondre aux nombreux besoins dont on vient de discuter.

Très peu de gens âgés de 55 à 65 ans se procurent des assurances pour s'assurer qu'ils bénéficieront de soins de longue durée de qualité à domicile ou dans un établissement privé. Lorsqu'on parlait tout à l'heure des préoccupations quant aux générations actuelles qui prennent leur retraite, nous devons aussi nous interroger sur les obstacles qui nous empêchent de mettre en place un tel dispositif. Il faut se demander s'il serait intéressant d'entamer une discussion sur la mise en oeuvre d'un régime qui permettrait aux gens à la fois de payer maintenant pour les soins à venir, d'épargner pour cette possibilité et d'utiliser la valeur nette de leur résidence principale. C'est un dispositif important qui pourrait aider non seulement à payer pour les soins à domicile, mais aussi à rémunérer les aidants naturels, les membres de la famille.

Il y a un gros problème d'adéquation des ressources avant même d'aborder la question de la participation du gouvernement. Une fois qu'on aura informé le public de cette problématique, les gens voudront épargner, parce qu'ils se rendront compte que le gouvernement aura de la difficulté à les aider. Il faut se demander pourquoi très peu de gens se prémunissent contre ces risques à l'heure actuelle.

La sénatrice Moncion : Mon autre question concerne la privatisation des soins de santé de longue durée. On constate que les gouvernements provinciaux ont confié l'administration des établissements de soins de longue durée à des entreprises. Les entreprises travaillent en partenariat avec le gouvernement pour générer des profits, en fin de compte. Y a-t-il des solutions constructives par rapport à ce marché qui est devenu extrêmement lucratif pour des entreprises qui profitent du vieillissement de la population?

[Traduction]

Mme Choo : En fait, un article a comparé la qualité des soins reçus par les personnes âgées confiées à des organisations et à des centres de soins sans but lucratif et à des centres de soins privés. La qualité de vie et la qualité des soins sont bien meilleures quand elles sont assurées par une organisation sans but lucratif que par un établissement de soins privés. Nous devons très bien réfléchir à la démarche à adopter dans ce domaine.

Aucun de nous n'est ici parce qu'il ne se soucie pas de la qualité de vie des personnes âgées. Elles sont très vulnérables. Elles doivent parfois compter sur des tiers pour des décisions qui les concernent. Quand nous confions une population vulnérable aux soins d'un établissement, nous devons donc croire que ces soins sont de qualité. C'est un avertissement.

Quand des études ont montré qu'un établissement privé à but lucratif qui profite des besoins des personnes âgées n'offre pas de soins de qualité, je me mets à douter et je me demande comment cet établissement tirerait son épingle du jeu avec le profit encore à faire.

La sénatrice Andreychuk : Comment répondre au vieillissement de la population et au nombre croissant de personnes âgées? C'est l'un des problèmes, mais le système nous en pose beaucoup d'autres. Vous avez dit que, parfois, sept intervenants se présentaient à la porte en même temps. Ça me semble le problème, ce morcellement extrême. L'ayant moi-même vécu, parce que j'avais un parent qui prenait de l'âge, je m'aperçois que le docteur peut seulement fournir des réponses sur certains sujets. Même chose pour les services de soins à domicile, qui peuvent être de ressort provincial et qui peuvent ne fournir que quelques réponses; sans compter les préposés aux services auxiliaires.

Ça me semble coûteux. C'est un cauchemar administratif qui stresse encore plus les aidants et les patients, parce qu'on se présente, les pilules n'ont pas été fournies pour cause de maladie d'un préposé pendant tel quart de travail. Dans mon cas, je me suis aperçue que je pourchassais ceux qui étaient censés alléger mes responsabilités. Comment changer le système actuel pour qu'il tienne compte de la globalité de la situation plutôt que d'être obnubilé par le fournisseur du service? Tant que nous n'aurons pas résolu ce problème, nous subirons beaucoup de bureaucratie et nous aurons besoin de l'aide de beaucoup d'organismes privés.

Nous allons au pas de course et nous devons répondre de tout ça, mais très peu de soins se prodiguent pendant que deux personnes s'épuisent.

Mme Choo : Absolument. Je l'ai entendu souvent. C'est ce dont je parle dans mon mémoire, d'une démarche coordonnée, intégrée, parce qu'on a morcelé les tâches et l'offre des différents secteurs et que les clients et les familles ne sont plus au centre des préoccupations. Qui devrait piloter les programmes de soins et les besoins des clients?

Très souvent, il n'y a pas de transition. Supposons qu'une personne âgée, après une chute, aille à l'hôpital et que, après chirurgie, elle revienne chez elle. Il n'y a pas beaucoup de cohérence et de continuité. Il faut d'abord déterminer les médicaments à prendre, ensuite le niveau de soins, qu'il faut ajuster selon les besoins de la personne plutôt que d'après l'offre du système.

C'est justement ce dont vous parlez. Il y a deux personnes qui en souffrent énormément, à savoir le membre de la famille et la personne âgée. Nous devons changer notre façon de procéder.

Plutôt que d'opposer soins de courte durée et soins communautaires, toute une séquence de soins devrait être offerte aux aînés, ou à n'importe qui d'ailleurs. Ainsi, on ne demanderait pas aux personnes âgées de passer par le réseau pour se faire dire que ce sont les seuls soins auxquels ils ont droit.

C'est pourquoi j'ai fait un rapprochement entre logement et soins, de sorte que les personnes vieillissantes soient au bon endroit. Il existe une multitude de programmes novateurs qui règlent certains de ces problèmes, mais ils n'ont pourtant pas été généralisés à l'ensemble du pays. Les pratiques exemplaires sont bien documentées, mais elles n'ont pas encore été mises en œuvre.

La sénatrice Andreychuk : Je reviens aux propos du sénateur Neufeld quant à l'endroit où nous allons trouver l'argent. Ce que j'ai pu constater après avoir examiné la question pendant 10 ans, c'est que le système actuel est inutilement coûteux puisque le patient embarque dans une voiture et doit encore et encore conduire d'une maison à l'autre, ou d'un établissement à l'autre, où chacun fait sa partie du travail.

Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que nous réaliserions des économies si nous remodelions le système? Il y a aussi des problèmes entre les instances fédérales et provinciales.

Mme Choo : Tout à fait. C'est pourquoi j'ai parlé d'une approche intégrée et mieux coordonnée du berceau jusqu'au tombeau, où le gestionnaire de cas aiderait les aînés à se frayer un chemin dans l'ensemble du système. Même si un patient doit se rendre dans un autre établissement de soins, il a toujours « sa » personne-ressource qui peut l'orienter dans le réseau, et aussi aider sa famille à trouver les programmes disponibles, pour éviter qu'elle n'ait à faire les recherches ou à attendre. Il existe de nombreuses technologies. Nous pourrions tirer parti de technologies comme la surveillance à domicile, pour assurer la tranquillité d'esprit des personnes soignantes et des aidants naturels.

Je propose que nous examinions vraiment le système. Qui dit que nous ne pourrions pas placer le gestionnaire de cas à l'établissement de soins de courte durée, de sorte que dès que la personne âgée y est admise pour la première fois, le gestionnaire soit en mesure de prendre son dossier en main jusqu'à son domicile ou sa destination? Lorsque la personne âgée obtient son congé de l'établissement de soins de courte durée, qui dit que nous ne pourrions pas intégrer l'ensemble du réseau dans un modèle de gestionnaire de cas?

Si nous combinons cette solution au logement, nous pourrons assurément éliminer les pertes dans le réseau. En effet, les gens doivent se déplacer plusieurs fois par jour pour des soins, mais le résultat n'est pourtant pas meilleur.

[Français]

Le président : Monsieur Michaud, avant que vous nous quittiez, j'aurais une question à vous poser.

Lorsque vous dites qu'il faut éviter les messages contradictoires comme le retour de l'âge de la retraite à 65 ans, qu'elles seraient les mesures de rechange qui permettraient d'améliorer le programme de la Sécurité de la vieillesse sans en augmenter l'âge d'admissibilité?

M. Michaud : Lorsqu'on a ramené l'âge de la retraite à 65 ans, on a quand même gardé la possibilité de reporter les prestations pour les gens qui décident volontairement de le faire. Donc, il y a une bonification. Je crois que c'était une bonne idée. Il est certain que le message qui est communiqué, c'est que l'âge de la retraite est passé de 67 à 65 ans. Le programme de la Sécurité de la vieillesse a une valeur symbolique en termes de l'âge, mais ce n'est pas ce qui détermine, pour la grande majorité des gens, l'âge de la retraite. Ce sont davantage les incitatifs fiscaux, pour le RPC et le RRQ. Donc, dans le cas de la Sécurité de la vieillesse, il s'agirait d'encourager les gens à reporter leurs prestations, si cela les intéresse. Cependant, il faut leur laisser le choix.

Nous devons aussi travailler sur la récupération du Supplément de revenu garanti et de la Sécurité de la vieillesse, qui, elle aussi, est récupérée à partir de revenus d'environ 70 000 $ à un taux de 33 p. 100. On peut travailler sur ces éléments sans remettre en cause les bienfaits de ce programme.

Le président : Merci beaucoup, professeur Michaud.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer au deuxième tour, à commencer par le sénateur Neufeld.

Le sénateur Neufeld : Vous avez proposé d'accorder un allégement fiscal aux proches aidants, mais certaines provinces et instances le font déjà. J'aimerais que vous nous disiez desquelles il s'agit. Ils ne me viennent pas spontanément à l'esprit. Comment gérer une telle mesure? C'est facile à dire, mais comment intégrer le tout au réseau? Qui décidera quelles familles obtiendront un allégement fiscal? Est-ce que tout le monde y aura droit? Dans ce cas, cela ne me plairait pas étant donné que certaines personnes ont les moyens de s'occuper de leurs parents, ont probablement prévu de le faire, ou ont des parents qui ont économisé de l'argent à cette fin. Donnez-moi une idée de la façon dont vous mettriez en œuvre quelque chose de semblable afin que la mesure fonctionne sans engendrer une énorme bureaucratie.

Mme Choo : Nous ne voudrions absolument pas compliquer la gestion du réseau. Je crois que les provinces de l'Atlantique, et plus particulièrement Terre-Neuve, ont mis en place une sorte d'incitation fiscale pour aider les aidants naturels.

Y a-t-il eu des problèmes au départ? C'est possible. Mais je pense que depuis plusieurs années maintenant, le système a évolué de façon à régler certains des problèmes administratifs. Sénateur Neufeld, je pense qu'il faut mettre en place un système pour régler le problème que vous avez soulevé, c'est-à-dire quelles personnes devraient y être admissibles, et comment une mesure devrait être gérée. Comme vous l'avez dit, certains aidants naturels pourraient même ne pas vouloir d'aide. En revanche, d'autres pourraient l'accepter étant donné qu'ils doivent laisser leur emploi à temps plein au profit d'un travail à temps partiel. Ils ont donc besoin d'un crédit pour alléger leur fardeau financier.

Je pense qu'il faut offrir ces options aux aidants naturels. C'est aussi une façon de reconnaître leur engagement à l'égard de leurs proches, de même que le fait qu'ils donnent plus que ce pour quoi ils reçoivent une compensation financière, étant donné que bon nombre de nos aînés sont en fait soignés à la maison par des aidants naturels. Si nous ne prenons pas bien soin des aidants naturels, vous savez ce qu'il se passera dans le réseau. Tous ceux qui ont besoin de soins aboutiront dans le système de santé, ce qui pourrait finir par coûter très cher à long terme.

Le président : J'ai une question à l'intention de Mme Choo. Vous avez proposé de favoriser l'immigration afin d'atténuer les répercussions du vieillissement démographique. Ma question est la suivante : lorsque nous envisageons des mesures d'atténuation, comment le Canada et les provinces peuvent-ils attirer de nouveaux talents dans les secteurs qui connaîtront une pénurie de main-d'œuvre? J'ai aimé ce que vous avez dit tout à l'heure à propos du Canada atlantique. Pourriez-vous nous donner un aperçu de chaque région canadienne, selon votre expérience?

Mme Choo : Bien sûr. Grâce au système d'Entrée express en place du côté de l'immigration, notre pays recherche aux quatre coins du monde les compétences dont il aura besoin.

Nous connaissons bel et bien une pénurie de main-d'œuvre dans certaines régions du pays, notamment les régions nordiques, qui ont besoin de beaucoup de travailleurs, de même que les villes du Canada atlantique, où il n'y a pas assez de gens pour combler les emplois.

C'est pour cette raison que le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté vient de faire une annonce à propos du Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers. L'objectif est de s'assurer, avant leur arrivée, que les personnes de partout dans le monde répondront aux besoins des employeurs afin de pallier la pénurie de main-d'œuvre, notamment dans le Canada atlantique.

D'un océan à l'autre, à commencer par la côte Ouest, nous attirons bel et bien de nombreux immigrants de partout dans le monde afin de répondre aux besoins de main-d'œuvre, qui sont notamment attribuables à notre taux de natalité à la baisse. Nous avons besoin de gens pour soutenir notre système, non seulement du côté des métiers spécialisés et de la main-d'œuvre qualifiée, mais aussi sur le plan fiscal, afin d'aider notre système à long terme.

Les villes de Vancouver, de Toronto et de Montréal sont prisées pour attirer des immigrants, et les grandes provinces de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario attirent énormément d'immigrants et de réfugiés. Voilà qui montre que nous sommes à la recherche des gens ayant les compétences nécessaires pour contribuer à notre économie et pallier notre problème de main-d'œuvre.

Le président : Merci, madame Choo. Je vais revenir sur une question de la sénatrice Moncion à propos des aidants naturels. Cela dit, certaines provinces offrent actuellement des programmes d'incitations fiscales à l'intention des aidants naturels. Pourriez-vous nous dire quelle devrait être la prochaine étape, d'après votre expérience? Voilà qui fait également suite à la question du sénateur Neufeld.

Mme Choo : Je pense bel et bien que nous devons sérieusement envisager d'offrir au pays une incitation fiscale pour les aidants naturels. C'est important étant donné que le vieillissement démographique s'accentue au pays, et qu'il faudra compter dans une large mesure sur les aidants naturels pour s'occuper de leurs proches. Cela se produira très prochainement. Je pense qu'il est important de se pencher sur une telle mesure. Si nous connaissons parallèlement des pénuries de main-d'œuvre dans le milieu des soins de santé, cela pourrait être une façon d'attirer des nouveaux venus dans les régions du pays où nous avons besoin de travailleurs pour combler les lacunes en matière de santé.

Lorsque les Canadiens ne sont plus capables de combler le manque, je pense que les immigrants peuvent nous aider à cet égard.

Le président : Le gouvernement fédéral prend actuellement des initiatives concernant les encouragements fiscaux. Avez-vous des commentaires? Êtes-vous au courant de ces initiatives?

Dans le cas contraire, n'hésitez pas à nous soumettre plus tard des informations supplémentaires. Vous pourrez toujours nous les faire parvenir par l'entremise de la greffière. Avez-vous d'autres remarques sur les programmes que nous offrons actuellement? Certains sont provinciaux et d'autres sont fédéraux, mais ma question porte sur les initiatives fédérales.

Mme Choo : Dans le cas des programmes fédéraux, nous devons nous demander quelles sont les occasions à saisir. Nous devons réviser le programme une fois qu'il est en place depuis un certain temps. Quelles autres choses pourraient aider le système? Quels sont les résultats obtenus? Je pense qu'une évaluation complète serait utile.

Le président : Au nom du comité des finances nationales, je vous remercie infiniment de votre témoignage, madame Choo.

(La séance est levée.)

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