Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 32 - Témoignages du 9 mai 2017 (séance du matin)
OTTAWA, le mardi 9 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé la teneur du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 9 h 33, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je m'appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux gens qui sont avec nous, ainsi qu'à ceux qui nous regardent à la télévision ou en ligne un peu partout au pays.
[Français]
J'aimerais aussi rappeler à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur le site web officiel du Sénat du Canada.
[Traduction]
Tous les autres travaux du comité peuvent également être consultés en ligne, y compris les rapports précédents, les projets de loi qui ont fait l'objet d'une étude et les listes de témoins.
Je demanderais maintenant aux honorables sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.
[Français]
Le sénateur Woo : Bonjour, je m'appelle Yuen Pau Woo, sénateur de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, sénatrice de l'Ontario.
Le sénateur Pratte : André Pratte, sénateur du Québec.
Le sénateur Forest : Éric Forest, sénateur du Québec, de la région du Golfe.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais présenter la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay...
[Français]
J'aimerais également présenter nos deux analystes, M. Sylvain Fleury et M. Olivier Leblanc-Laurendeau, qui apportent également leur soutien aux travaux de ce comité.
[Traduction]
Aujourd'hui, honorables sénateurs et mesdames et messieurs les spectateurs et témoins, nous commençons notre étude du projet de loi C-44, qui nous a été renvoyé par le Sénat hier soir. Le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, est ce que nous appelons la Loi d'exécution du budget. Ce type de projet de loi est tout à fait conforme au mandat donné au Comité sénatorial permanent des finances nationales par le Sénat du Canada.
Pour commencer notre examen du projet de loi, nous accueillons plusieurs hauts fonctionnaires et professionnels. Avec les sénateurs — il s'agit d'une approche axée sur le travail en équipe, afin de pouvoir mener une analyse adéquate de la reddition de comptes et de la transparence liées au projet de loi C-44 dont nous sommes saisis.
J'aimerais rappeler à tous les sénateurs et aux témoins que le parrain du projet de loi est le sénateur Woo, un membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Félicitations, sénateur Woo.
Honorables sénateurs, si des sections de ce dossier soulèvent moins l'intérêt au fil de nos délibérations, avec votre accord et s'il y a consensus, je demanderai aux hauts fonctionnaires de leur consacrer moins de temps, et les parties qui vous intéressent davantage seront analysées de façon beaucoup plus approfondie.
Aujourd'hui, nous accueillons les trois premiers témoins. Le témoin principal sera M. James Wu, chef, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier au ministère des Finances Canada. Il est accompagné de...
[Français]
. . . M. Nicolas Moreau, directeur, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier.
[Traduction]
De plus, nous accueillons Mme Anne David, conseillère/économiste, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier. Maintenant, je vous demanderais d'ouvrir votre dossier à la section 2, intitulée « Dette publique ». Nous demanderons à M. Wu de livrer un exposé sur cette section. Il s'agit de la section 2 de votre dossier, celle intitulée « Dette publique », qui porte sur les articles 103 à 107.
[Français]
Monsieur Wu, la parole est à vous.
[Traduction]
James Wu, chef, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Sénateurs, nous sommes heureux d'être ici pour vous aider à examiner la section 2 de la partie 4 du projet de loi C-44. Cette partie débute à l'article 103 du projet de loi et édicte la Loi autorisant certains emprunts, qui rétablira l'obligation d'obtenir l'approbation parlementaire pour les plans d'emprunt du gouvernement. Je crois que cet enjeu a soulevé l'intérêt de certains de vos collègues.
Avant 2007, l'autorisation d'emprunt provenait du Parlement, mais une Loi d'exécution du budget adoptée en 2007 a éliminé l'exigence liée à l'approbation du Parlement. Le gouvernement, dans son programme électoral, a donc récemment décidé de rétablir l'obligation d'obtenir l'approbation du Parlement.
Dans le budget de 2016, le gouvernement a annoncé cette initiative et certains ajustements initiaux ont été apportés à la loi. Dans le projet de loi C-44 dont vous êtes saisis, vous trouverez la première Loi autorisant certains emprunts proposée qui mettrait en œuvre ce cadre.
L'approche adoptée consiste à offrir une transparence et une reddition de comptes au Parlement tout en conservant également la souplesse de financer efficacement les politiques et les activités budgétaires du gouvernement. J'expliquerai certains de ces éléments dans mon exposé.
Vous constaterez que l'essentiel de la Loi autorisant certains emprunts se trouve dans l'article 103.
J'aimerais souligner trois éléments principaux. Tout d'abord, dans cette Loi autorisant certains emprunts, nous visons les emprunts du gouvernement, ainsi que ceux des sociétés d'État mandataires. C'est la première fois qu'une autorisation d'emprunt vise les sociétés d'État mandataires. Nous croyons qu'il s'agit d'une façon plus appropriée et plus transparente de refléter les activités d'emprunt du gouvernement.
Le deuxième élément, c'est que nous incluons l'ensemble des activités d'emprunt. En effet, dans le cadre de pouvoirs d'emprunt précédents, on approuvait la notion de flux et les émissions annuelles étaient approuvées, mais maintenant, nous proposons de demander l'approbation de l'ensemble des dettes liées aux activités d'emprunt du gouvernement et des sociétés d'État.
Le troisième élément indique que nous proposons de faire rapport au Parlement, tous les trois ans, des activités d'emprunt du gouvernement et des sociétés d'État relativement à un montant maximum. Nous croyons que cela permettra d'offrir une transparence accrue. Comme certains d'entre vous s'en souviennent peut-être, dans le cadre précédant 2007, aucun rapport au Parlement n'était exigé si les besoins financiers du gouvernement n'augmentaient pas.
Ce sont les éléments de haut niveau contenus dans l'article 103.
Permettez-moi de vous décrire comment ce chiffre a été obtenu. La partie 4 de l'article 103 prévoit un maximum, à savoir 1,168 billion de dollars. Comme je vous l'ai mentionné, cela comprend plusieurs éléments. Le premier est l'endettement actuel du gouvernement — c'est-à-dire les emprunts contractés par le gouvernement —, qui s'élève à 691 milliards de dollars. Il y a ensuite les emprunts des sociétés d'État, qui représentent 276 milliards de dollars. Ces deux montants combinés représentent 967 milliards de dollars, le total de la dette actuelle. De plus, nous prévoyons, par l'entremise de prévisions budgétaires, les besoins financiers du gouvernement sur trois ans dans le cadre du budget. La somme découlant des prévisions sur trois ans est de 103 milliards de dollars pour le gouvernement, et 43 milliards de dollars pour les sociétés d'État. De plus, nous ajoutons une marge de prudence ou une réserve de 5 p. 100, c'est-à-dire 56 milliards de dollars.
Le total donne les 1,168 billion de dollars mentionnés plus tôt. Pour vous mettre en contexte, cela représente une augmentation des emprunts de l'ordre de 146 milliards de dollars sur cette période de trois ans pour le gouvernement et les sociétés d'État.
L'exigence en matière de rapports commence à l'article 8. Pour vous résumer certains éléments, nous proposons essentiellement d'exiger que le rapport soit présenté peu après le dépôt du budget, afin que nous puissions faire correspondre nos prévisions aux prévisions budgétaires contenues dans le budget. Cela comprendrait les éléments liés aux emprunts du gouvernement, ainsi qu'aux emprunts des sociétés d'État. L'élément principal se trouve dans l'alinéa c), où l'on précise que le ministre évaluera si le gouvernement doit rajuster le montant maximum, c'est-à-dire s'il devrait être augmenté ou même diminué. Cela se ferait tous les trois ans.
Permettez-moi de m'arrêter ici. C'est l'élément principal de cette section. Il y a un autre élément lié aux taux de change, et je serais heureux d'en parler brièvement, mais je crois qu'il s'agit d'une question distincte.
Le président : Nous vous serions reconnaissants de renseigner le comité à cet égard, et nous passerons ensuite aux questions.
M. Wu : Je serai heureux de le faire, monsieur le président.
Les articles 104 et 105 contiennent un amendement technique pour rajuster la Loi sur l'administration financière et la Loi sur l'exploitation du champ Hibernia, afin de remplacer les références au taux de change affiché à midi par un autre taux moyen ou un autre taux établi par le ministre dans la Loi sur l'administration financière, car la Banque du Canada, qui fournit ces taux, ne fournira plus ou ne créera plus le taux de change affiché à midi.
La Banque du Canada, conformément aux recommandations ou aux lignes directrices du Conseil de stabilité financière et de l'Organisation internationale des commissions de valeurs, a décidé de ne plus fournir un taux de change affiché à midi et a plutôt adopté un taux moyen quotidien. C'est vraiment technique.
Le président : Avant de demander à la sénatrice Marshall d'entamer la première série de questions, je demanderais à la sénatrice Andreychuk de se présenter, s'il vous plaît.
La sénatrice Andreychuk : Sénatrice Andreychuk, de la Saskatchewan.
La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Wu, d'avoir livré cet exposé. Vous avez répondu à la plupart de mes questions dans votre exposé. Toutefois, il m'en reste quelques-unes.
Lorsque vous avez présenté la ventilation des 1,168 billion de dollars, vous avez dit que 276 milliards de dollars concernaient les sociétés d'État. Êtes-vous en mesure de nous dire quelle somme est attribuée à la SCHL? Dans le projet de loi, la SCHL est mentionnée individuellement et toutes les autres sociétés d'État sont rassemblées sous le terme « sociétés mandataires ». Quelle somme est affectée à la SCHL? Quelle partie des 276 milliards de dollars lui revient?
M. Wu : Je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question. Deux éléments sont liés à la SCHL. Tout d'abord, on prévoit 282 millions de dollars pour les activités opérationnelles de la SCHL. Pour la Fiducie du Canada pour l'habitation, une filiale de la SCHL et une entité ad hoc, on a prévu 217 milliards de dollars. Cela représente une grande partie de la dette de l'État.
La sénatrice Marshall : Le reste serait attribué aux autres sociétés mandataires.
Ces autres sociétés mandataires sont-elles nombreuses, ou s'agit-il seulement de la Société pour l'expansion des exportations? Existe-t-il seulement une demi-douzaine de ces sociétés ou sont-elles plus nombreuses?
M. Wu : Oui, il y en a environ une demi-douzaine.
La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous les nommer?
M. Wu : Avec plaisir. Laissez-moi consulter ma liste.
Comme vous l'avez mentionné, sénatrice, il y a la Banque de développement du Canada, la SCHL, que nous avons abordée, la Société du crédit agricole Canada, la Société d'assurance-dépôts du Canada, Exportation et développement Canada, Postes Canada, la Monnaie royale canadienne, la Commission canadienne du lait, la Corporation commerciale canadienne, l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, et il y a également une entité appelée Parc Downsview Park, ainsi que la Société des ponts fédéraux Limitée.
J'aimerais préciser que toutes ces sociétés n'ont pas nécessairement des emprunts importants et que seulement environ une demi-douzaine sont mentionnées, comme vous l'avez suggéré.
La sénatrice Marshall : La SCHL serait probablement la plus importante.
M. Wu : Oui, en effet.
La sénatrice Marshall : La SCHL est-elle mentionnée de façon distincte parce que c'est la plus importante?
M. Wu : Je vous remercie d'avoir posé la question. Oui. Elle est mentionnée de façon distincte, car c'est la plus importante, et aussi en raison de sa structure différente, car elle utilise la Fiducie du Canada pour l'habitation. Étant donné qu'elle a la Fiducie du Canada pour l'habitation, une entité ad hoc, mais une filiale de la SCHL, nous devions lui faire précisément référence.
La sénatrice Marshall : Ma dernière question concerne la période de trois ans pour les rapports. Quel est le raisonnement qui appuie cette mesure? Habituellement, on demande des rapports annuels. Ce n'est pas comme s'il s'agissait de renseignements confidentiels. En effet, vous pouvez les obtenir auprès de la SCHL et de ces sociétés mandataires et calculer les sommes vous-même, n'est-ce pas? Quel est le raisonnement qui appuie la période de trois ans?
M. Wu : En ce qui concerne votre premier commentaire, oui, en effet. Ces sociétés fournissent non seulement ces renseignements, mais notre stratégie de gestion de la dette annuelle, ainsi que le rapport sur la gestion de la dette en particulier, fournissent ces renseignements au Parlement chaque année.
On a choisi un processus sur trois ans parce qu'on souhaitait atteindre un équilibre entre la transparence offerte au Parlement, le potentiel de modifier la loi et la limite d'emprunt, et la nécessité d'accorder au gouvernement la souplesse opérationnelle dont il a besoin pour remplir ses politiques budgétaires, et donc lui fournir une période d'emprunt d'environ trois ans pour gérer ses politiques budgétaires.
La sénatrice Marshall : Même si les renseignements sont facilement accessibles?
M. Wu : Oui, en effet.
La sénatrice Eaton : Vous pourriez peut-être m'expliquer quelque chose, monsieur Wu. Je croyais que les sociétés d'État étaient des entités indépendantes.
M. Wu : En effet, elles sont conçues pour être indépendantes.
La sénatrice Eaton : « Conçues pour être indépendantes »? Je suis désolée.
M. Wu : Je serai heureux d'en parler dans un moment. Ces sociétés fonctionnent également selon des modalités commerciales. Ces sociétés d'État sont des sociétés mandataires. Cela signifie que les responsabilités des sociétés mandataires sont, en vertu de la loi, les responsabilités du gouvernement du Canada. Lorsqu'on a examiné le pouvoir d'emprunt et les activités d'emprunt du gouvernement, on a déterminé qu'il fallait inclure les emprunts des sociétés mandataires, puisqu'elles sont les responsabilités du gouvernement, afin d'offrir une plus grande transparence.
La sénatrice Eaton : Leurs emprunts doivent donc passer par le ministre des Finances?
M. Wu : Oui, en effet. Le ministre des Finances les approuve.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre présentation. Afin d'évaluer le rythme quant à la capacité d'emprunt, nous sommes actuellement dans un effort tout à fait particulier dans le cadre du programme des infrastructures. J'imagine que le projet d'investir près de 120 milliards de dollars sur cinq ans est comptabilisé à l'intérieur de vos prévisions. À l'échéance des trois ans, ce programme sera presque terminé, et il sera à la fin du deuxième volet. Si on enlevait le volet de l'infrastructure de votre enveloppe de 103 milliards, à quoi ressemblerait le rythme de croisière des emprunts du gouvernement, si ce n'était de cet effort tout à fait ponctuel et particulier du gouvernement?
Nicolas Moreau, directeur, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Ce dont il faut tenir compte, c'est que les besoins financiers sont basés sur ce qui a été annoncé dans le budget. On prévoit un déficit au cours des cinq prochaines années. Il est difficile d'exclure la partie consacrée aux investissements comme tels. Le gouvernement a annoncé des investissements majeurs qui sont déjà comptabilisés dans les déficits anticipés. Par contre, en ce qui concerne la croissance de la dette, il faut se référer au déficit anticipé par rapport au pourcentage du PIB et le ramener en proportion de la dette.
Je n'ai pas de chiffre précis quant au taux de croissance, mais toute prévision du point de vue de la croissance de la limite qu'on impose est fonction des besoins de refinancement et de financement du gouvernement, selon le budget énoncé.
Le sénateur Forest : Donc, à l'intérieur de ces 103 milliards, il y a des problèmes ponctuels et récurrents qui auront un impact à la hausse ou à la baisse sur le plafond maximal d'endettement autorisé.
M. Moreau : Le plafond est fonction des déficits. Si l'on suit l'hypothèse que les déficits sont cycliques, il ne devrait pas y avoir de pression perpétuelle sur le plafond à moyen terme.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Vous avez parlé d'une marge de sécurité d'environ 5 p. 100. Comment avez-vous choisi cette proportion?
M. Wu : Le cadre actuel du pouvoir d'emprunt contient également une marge. En ce moment, elle est, en moyenne, de 40 à 45 milliards de dollars. À l'échelle nationale, lorsque nous avons envisagé d'établir une marge pour les imprévus pour ce nouveau cadre, nous avons choisi 5 p. 100. La proportion de 5 p. 100 découle d'un résultat de 56 milliards de dollars, ce qui a été jugé approprié, car nous ajoutons également la dette de l'État.
Permettez-moi de m'expliquer. Le cadre actuel, qui prévoit une marge de 40 à 45 milliards de dollars, s'applique seulement à la dette du gouvernement. Il a été jugé approprié d'établir une marge un peu plus élevée pour englober les sociétés d'État.
Le sénateur Pratte : Je suis nouveau ici, mais si je comprends bien, même s'il y avait une énorme récession, par exemple, et que le gouvernement décidait qu'il devait investir d'énormes sommes dans l'économie — ce qui l'obligerait à emprunter plus de 1,168 billion de dollars —, il devrait s'adresser au Parlement pour emprunter davantage. Est-ce exact?
M. Wu : Je devrais apporter des éclaircissements.
Le sénateur Pratte : Si sa dette devait dépasser 1,168 billion de dollars. Ou peut-être que je comprends mal.
M. Wu : Non. Je suis désolé. J'aurais dû mieux expliquer un élément. J'ai mentionné qu'en 2016, le gouvernement avait déjà apporté des rajustements à la loi. Il y a un rajustement qui vise ce scénario. En effet, dans la Loi no 1 d'exécution du budget de 2016, on a proposé une modification à la Loi sur l'administration financière pour permettre au gouvernement d'emprunter au-delà de la limite fixée pour des raisons extraordinaires, ce qui pourrait inclure les scénarios que vous avez mentionnés.
Un cadre régit le fonctionnement de cette mesure. Par exemple, si le ministre ou le gouvernement doit contracter un tel prêt, il faut retourner au Parlement et déposer un rapport sur les raisons qui motivent cet emprunt.
Le sénateur Pratte : Je me souviens de cela.
Le président : Nous abordons maintenant la section 4, à l'onglet 4 de votre dossier. Cette section s'intitule « Loi sur Services partagés Canada » et comprend les articles 113 et 114.
Nous entendrons maintenant Pat Breton, directeur général, Acquisitions et relations avec les fournisseurs à Services partagés Canada.
Pat Breton, directeur général, Acquisitions et relations avec les fournisseurs, Services partagés Canada : Ce matin, comme je l'ai mentionné, je parlerai des articles 113 et 114, qui se trouvent dans la section 4 de la partie 4.
Services partagés Canada propose des modifications à notre loi pour fournir au ministre responsable de SPC des pouvoirs similaires à ceux de la ministre de SPAC. Ce sont des changements de nature administrative. Les changements proposés permettraient de mettre en œuvre deux éléments distincts, mais liés entre eux.
Premièrement, cela permettrait au ministre de déléguer à d'autres ministres la capacité de fournir des biens et des services dans le cadre du mandat de SPC, notamment des biens et des services liés aux courriels, au centre de données, au réseau et aux appareils technologiques en milieu de travail. Cela se trouve dans l'article 113.
Deuxièmement, dans des circonstances exceptionnelles, le ministre responsable de SPC pourrait déléguer certains éléments de son mandat à un autre ministre fédéral. Cette délégation permettrait donc à d'autres ministères de se fournir certains services à eux-mêmes. Cela figure au paragraphe 114. Un peu comme SPAC exerce actuellement ces pouvoirs, ces changements seraient régis par des lettres d'instruction que le ministre responsable de SPC ferait parvenir à ses collègues.
Avant de vous donner quelques exemples concrets des changements proposés, je pourrais peut-être vous expliquer comment nous en sommes arrivés là. En septembre 2015, le mandat de SPC a été clarifié. Après deux ou trois ans d'existence, on s'est rendu compte qu'il y avait un certain chevauchement entre les mandats de SPC et de SPAC, ce qui a semé la confusion à l'interne et au sein des fournisseurs, a réduit l'efficacité du processus en raison de l'absence d'un pouvoir d'achat regroupé, et a accentué les vulnérabilités au chapitre de la sécurité. Lorsqu'on a précisé le mandat, SPC a assumé la responsabilité d'un certain nombre de mécanismes d'approvisionnement de SPAC. Toutefois, on n'avait pas adopté la modification législative pour soutenir ces outils.
Cela a entraîné une augmentation importante du nombre de transactions de faible valeur. En l'espace de 18 mois, soit du 20 septembre 2015 au 30 mars 2017, SPC a traité 23 000 transactions supplémentaires, dont 80 p. 100 avaient une valeur inférieure à 25 000 $.
Je vais vous donner quelques exemples du type d'achats que nous envisageons de déléguer. Il y aurait tout d'abord les périphériques tels que les claviers et les clés USB. À l'heure actuelle, tous les ministères et organismes doivent s'adresser à SPC pour des transactions aussi simples que l'approvisionnement de clés USB. Ce n'était pas l'objectif visé lorsqu'on a créé SPC; cela ne s'inscrit pas dans la prestation de ses services. Cependant, c'est une conséquence du transfert qui a eu lieu il y a deux ans. Cela dit, il serait donc important de déléguer ces éléments aux ministères.
Un autre domaine plus stratégique serait les produits d'impression et les appareils multifonctions. SPC est justement en train de mener un processus d'approvisionnement et de créer des catalogues de produits regroupés et jugés sécuritaires dont les ministères et les organismes pourraient bénéficier, si cette mesure est adoptée. Dans ce cas, SPC fera une bonne partie du travail préparatoire qui permettra ensuite aux ministères de choisir à partir de ces catalogues de fournitures.
Ensuite, en ce qui concerne les ordinateurs portatifs, les ordinateurs de bureau et les tablettes, nous jugerons de chaque cas séparément. Dans certains cas, nous pourrons réaliser des économies d'échelle en regroupant et en normalisant les achats du gouvernement. À ce moment-là, nous évaluerons la situation en fonction des différentes catégories.
Pour ce qui est d'autoriser un autre ministre à fournir les services de SPC à son ministère, dans des circonstances exceptionnelles, je vais donner quelques exemples au comité. Je pense tout d'abord aux ambassades et aux consulats à l'étranger. En vertu de nos lois, SPC est tenu de fournir tous les services liés à son mandat partout où le gouvernement assure une présence. Cette façon de faire est inefficace sur le plan opérationnel et, à vrai dire, elle est impossible dans bon nombre de situations. Ces initiatives habiliteraient des ministères comme Affaires mondiales Canada à fournir localement ces services aux employés locaux. Les missions du MDN à l'étranger seraient également considérées comme des circonstances exceptionnelles.
Même s'ils sont de nature administrative, les changements proposés accorderaient une plus grande souplesse à SPC pour lui permettre de s'acquitter de son mandat et d'améliorer les services qu'il fournit à ses clients.
Monsieur le président, je vais m'arrêter ici pour répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Breton.
Avant de laisser la sénatrice Marshall ouvrir le bal, je vais demander à la vice-présidente du comité de se présenter.
La sénatrice Cools : Avec plaisir. Je m'appelle Anne Cools et je suis la vice-présidente du comité. Je siège au Sénat depuis 33 ans, et je prévois prendre ma retraite l'année prochaine, le 12 août plus précisément, lorsque j'aurai 75 ans. Comme toujours, je suis ravie d'être ici. Je suis un membre du comité de longue date; j'en fais partie depuis longtemps. J'étais chargée de prononcer les discours sur les lois de crédits.
Et lorsque M. Trudeau est arrivé au pouvoir, beaucoup de gens m'ont demandé si je voulais occuper ce poste à nouveau, et j'ai accepté. Je vous remercie, et je suis ravie de vous accueillir ici aujourd'hui.
Le président : Merci.
La sénatrice Cools : J'aurai également quelques questions pour M. Breton.
Le président : Merci, sénatrice Cools.
La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Breton, pour votre déclaration. Une fois que le ministre a délégué ses pouvoirs, en est-il toujours responsable ou si la responsabilité appartient maintenant au ministre à qui il les a délégués?
M. Breton : Cela dépend des circonstances, mais de façon générale, SPC demeure l'autorité contractante pour les biens et les services de TI pour le compte du gouvernement du Canada. Nous prévoyons que ce pouvoir de délégation servira principalement à l'établissement de catalogues; SPC ferait en quelque sorte le travail préparatoire; il établirait les règles et les obligations que devraient respecter les ministères pour avoir accès aux catalogues. Cependant, du point de vue de la gestion des finances et des actifs, les ministères utiliseront leurs propres fonds et autoriseront les achats individuels à partir de ces catalogues.
La sénatrice Marshall : Ils en seraient donc responsables. Ce qui a été délégué serait-il divulgué publiquement, ou si c'est quelque chose qui demeurerait à l'interne?
M. Breton : Ce serait divulgué. Les transactions figureraient également dans les exigences ministérielles en matière de divulgation proactive et d'autres formes de gouvernement ouvert.
La sénatrice Marshall : Est-ce que le système de paie Phénix a été délégué ou pourrait l'être? Je crois que c'est la ministre de l'Approvisionnement qui en est responsable. Pourriez-vous utiliser cet exemple pour nous expliquer si cela a déjà été délégué ou si cela pourrait l'être?
M. Breton : Ce programme et sa mise en œuvre ne relevaient pas du mandat de SPC pour ce qui est d'un service à fournir. Cela relevait donc...
La sénatrice Marshall : Entièrement de...
M. Breton : ... la ministre de SPAC. Le rôle de SPC serait d'appuyer l'infrastructure de TI sous-jacente, les centres de données et ainsi de suite.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
La sénatrice Cools : Monsieur Breton, j'ai du mal à comprendre cette délégation de pouvoirs à un autre ministre. Si je me fie au document que j'ai ici, Services partagés Canada peut « déléguer à un autre ministre la capacité » — j'estime que c'est davantage un pouvoir qu'une capacité, mais bon — « de fournir une partie ou la totalité des services de SPC liés à son mandat; par exemple, le ministre responsable d'Affaires mondiales Canada à l'appui des ambassades à l'étranger. »
J'ai toujours pensé que chaque ministère avait sa propre loi. Il y a par exemple la Loi sur le ministère de la Justice. La liste est longue. J'ai toujours eu l'impression qu'un ministre avait un degré élevé de responsabilité pour ce qui est de demeurer dans les limites de la loi de son ministère. Toutefois, selon la façon dont c'est formulé ici — je réagis peut-être un peu trop —, il me semble que c'est très arbitraire.
Pourriez-vous clarifier la question ou peut-être dissiper mes doutes?
M. Breton : Absolument. Vous avez raison, madame la sénatrice, la loi habilitante des ministères et des ministres est très bien établie. À l'heure actuelle, SPC se charge de l'approvisionnement de tous les biens et services de courriel, de centres de données, de réseaux et d'appareils technologiques en milieu de travail. La modification proposée accorderait au ministre responsable de SPC le pouvoir de déléguer à un autre ministre certains pouvoirs afin d'effectuer des approvisionnements ou, dans certains cas exceptionnels, de fournir des services pour son ministère.
J'ai donné l'exemple des missions à l'étranger. La prestation des services partagés de SPC serait inefficace sur le plan opérationnel si nous devions faire appel à un employé de SPC autorisé par le ministre responsable de SPC pour établir des connexions Internet à Tel-Aviv ou ailleurs dans le monde. En ce moment, l'employé local d'Affaires mondiales Canada n'est pas habilité à le faire parce que son ministre et ses pouvoirs ne l'autorisent pas à mener des activités qui sont liées au mandat de SPC.
Honnêtement, après quelques années, nous avons réalisé que certains scénarios d'utilisation n'avaient peut-être pas été étayés suffisamment au moment où SPC a été établi, et ce n'était pas intentionnel, mais il y avait des règles un peu trop rigides concernant le partage des pouvoirs entre les ministres. Par conséquent, nous disposerions d'une plus grande marge de manœuvre pour être en mesure de fournir un meilleur service à nos clients.
La sénatrice Cools : Pourvu que vous respectiez le cadre de votre loi la majeure partie du temps.
M. Breton : C'est exact.
La sénatrice Cools : Autrement, je ne serais pas satisfaite de vous. Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : Ai-je bien compris que le ministre responsable de Services partagés Canada peut seulement déléguer à un autre ministre, et non à une société d'État ou à une société autonome?
M. Breton : Non.
Le sénateur Forest : Il ne peut que déléguer à quelqu'un qui est responsable devant le Parlement?
M. Breton : C'est cela. L'article 7 de la Loi sur Services partagés Canada indique comment cette délégation est déterminée au sein d'un ministère. Cela se fait d'un ministre à un autre.
Le sénateur Forest : Très bien.
Le président : Y a-t-il d'autres questions? J'aurais une question, si vous me le permettez, à poser à M. Breton. Je comprends bien ce que vous nous avez donné comme précision. Par contre, de quelle manière est-ce que votre proposition changerait ou améliorerait la performance de Services partagés Canada?
M. Breton : Cela nous permettrait d'avoir les ressources nécessaires pour que notre personnel puisse travailler sur d'importants projets et, en même temps, cela permettrait à d'autres départements d'utiliser nos outils eux-mêmes. Voilà l'efficacité que cela apporterait.
Le président : Il y aurait certainement une amélioration dans l'efficacité et dans la reddition de comptes.
M. Breton : Exactement.
Le président : Merci. S'il n'y a pas d'autres questions, honorables sénateurs, nous allons entamer la section 6 de la partie 4.
[Traduction]
Nous en sommes maintenant à l'onglet no 6, qui porte sur l'aide financière aux étudiants. Nous allons accueillir les représentants d'Emploi et Développement social Canada.
[Français]
Nous allons demander à Steven Côté, David Moore, Christine Nagy et Atiq Rahman de se présenter.
[Traduction]
Nous en sommes donc à la section 6, Aide financière aux étudiants, qui couvre les articles 116 à 121 et que vous trouverez dans votre cartable, à l'onglet no 6.
Nous accueillons donc les représentants d'Emploi et Développement social Canada : M. David Moore, directeur, Élaboration du programme, Programme canadien pour l'épargne-études; M. Atiq Rahman, directeur général par intérim, Programme des prêts aux étudiants du Canada; M. Steven Côté, directeur, Politique et recherche, Programme des prêts aux étudiants du Canada; et Mme Christine Nagy, conseillère principale en planification, Programme canadien pour l'épargne-études.
La greffière vient de m'informer que M. Rahman fera une déclaration, suivi de M. Moore, au sujet des articles 116 à 121.
[Français]
Monsieur Rahman, la parole est à vous, s'il vous plaît.
[Traduction]
Atiq Rahman, directeur général par intérim, Programme des prêts aux étudiants du Canada, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : Merci, monsieur le président. Je vais vous parler de l'article 116.
La Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants limite actuellement qui peut être un étudiant admissible aux citoyens canadiens, aux résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et aux personnes protégées au sens du paragraphe 95(2) de cette loi. Par conséquent, les personnes inscrites à titre d'Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens, mais qui ne sont pas citoyens canadiens, ne sont pas admissibles à une aide financière aux étudiants sous le régime de la LFAFE.
Des modifications à la LFAFE seront présentées afin de prévoir que les personnes inscrites à titre d'Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens sont admissibles à une aide financière aux étudiants, peu importe leur citoyenneté. Voilà pour l'article 116. Merci, monsieur le président.
Le président : Merci. C'est maintenant au tour de M. Moore?
David Moore, directeur, Élaboration du programme, Programme canadien pour l'épargne-études, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : Oui, c'est exact.
Le président : Nous allons donc poursuivre avec les explications, puis nous passerons à la période de questions.
M. Moore : Merci. Mon exposé portera sur les articles 117 à 121 de la section 6 de la partie 4. Je vais vous mettre un peu en contexte. Les Canadiens utilisent des régimes enregistrés d'épargne-études, ou REEE, pour épargner en prévision des études postsecondaires de leurs enfants. Les épargnes placées dans un REEE s'accumulent à l'abri de l'impôt jusqu'à ce qu'elles soient utilisées pour payer des études à temps plein ou à temps partiel dans une école de métiers, un cégep, une université, un collège ou un programme d'apprentissage.
Le gouvernement du Canada offre deux incitatifs à l'épargne-études liés au REEE pour encourager les Canadiens à épargner en prévision des études postsecondaires de leurs enfants.
Par conséquent, les deux incitatifs à l'épargne-études sont la Subvention canadienne pour l'épargne-études, qui aide les familles à épargner en vue des études de leurs enfants et qui prévoit un montant majoré pour les ménages à revenu faible ou moyen.
Le deuxième incitatif à l'épargne-études est le Bon d'études canadien, qui fournit une subvention aux familles à faible revenu dont les enfants sont nés en 2004 ou après, et l'épargne personnelle n'est pas exigée pour y être admissible. Cela dit, en vertu de la loi actuelle, les demandes au titre du Bon d'études canadien et de la Subvention canadienne pour l'épargne-études, pour le montant majoré, qui sont présentées par une personne autre que le principal responsable du bénéficiaire sont refusées.
Par conséquent, on modifie la Loi canadienne sur l'épargne-études, qui régit l'administration de ces incitatifs à l'épargne-études, pour permettre à l'époux ou au conjoint de fait visé du responsable de l'enfant de présenter une demande dans le cadre du Bon d'études canadien et de profiter du montant majoré de la Subvention canadienne pour l'épargne-études.
En autorisant l'époux ou le conjoint de fait du responsable du bénéficiaire à avoir également accès à ces incitatifs à l'épargne-études au nom de l'enfant, on s'attend à ce qu'il y ait une diminution du nombre de demandes refusées et, par le fait même, une hausse des paiements au titre du Bon d'études canadien. Cela dit, il convient de souligner qu'on n'a aucunement modifié les critères d'admissibilité au Bon d'études canadien et au montant majoré de la Subvention canadienne pour l'épargne-études.
Dans le même ordre d'idées, on modifie la Loi canadienne sur l'épargne-études afin de permettre à l'époux ou au conjoint de fait visé du responsable de désigner la fiducie où doit être versé le BEC ou le montant majoré de la Subvention canadienne pour l'épargne-études et de demander au ministre de renoncer à certaines exigences de la loi ou des règlements pour éviter qu'un préjudice injustifié ne soit causé. Enfin, on établit les règles pour le versement du montant majoré de la Subvention canadienne pour l'épargne-études en cas de pluralité de fiducies désignées. Merci.
Le président : Les sénateurs ont-ils des questions au sujet de la section 6?
S'il n'y en a pas, à ce moment-là, le président va reconnaître que la section 6 a été pleinement expliquée. Merci beaucoup à nos témoins, les fonctionnaires, pour votre exposé.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer à la partie 1, qui se trouve à l'onglet A de votre cartable, Modification de l'impôt sur le revenu et de textes connexes, articles 2 à 34.
Les modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu et aux textes connexes se trouvent à la partie 1 du projet de loi C- 44, aux articles 2 à 34, à l'onglet A de votre cartable.
Nos prochains témoins nous arrivent du ministère des Finances Canada. Il s'agit de M. James Greene, conseiller principal, Direction de la politique de l'impôt; M. Pierre Leblanc, directeur, Division de l'impôt des particuliers; Direction de la politique de l'impôt; et M. Trevor McGowan, chef législatif principal, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt.
Je vais maintenant demander à M. McGowan de prendre la parole et de nous expliquer les articles 2 à 34, après quoi nous enchaînerons avec la période de questions.
Trevor McGowan, chef législatif principal, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Je vais passer en revue chacune des mesures par ordre de sujets, mais je vais vous donner le numéro des articles auxquels elles correspondent dans le projet de loi. Ils ne sont pas organisés selon la mesure, mais plutôt selon l'ordre dans lequel ils apparaissent dans la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est une loi plutôt vaste. J'ai ici un tableau très pratique que je pourrais remettre aux membres du comité après la séance, si vous le voulez.
La première mesure de la partie 1 — qui se rapporte à la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu — concerne les anciens combattants. Il s'agit d'une modification purement corrélative. La section 12 de la partie 4 mettra en place une allocation de reconnaissance pour aidant à verser à la personne désignée par le vétéran, en remplacement de l'allocation pour relève d'un aidant familial. Cette dernière allocation était non imposable. Par conséquent, cette modification fait en sorte que l'allocation de reconnaissance pour aidant soit également non imposable.
Cela figure aux articles 2, 16 et 29 du projet de loi.
Bon nombre de ces modifications donnent suite à l'examen des dépenses fiscales. Je parle ici des places en garderie et de l'élimination du crédit d'impôt à l'investissement pour la création de places en garderie. Le crédit représente 25 p. 100 des dépenses admissibles engagées lors de la création d'une nouvelle place en garderie, jusqu'à concurrence d'un crédit de 10 000 $ par place créée. Les employeurs qui ont dépensé 40 000 $ dans la création de places en garderie pour les enfants de leurs employés ont droit au crédit maximal de 10 000 $. Cette mesure s'est révélée inefficace pour accroître le nombre de places en garderie offertes par les employeurs. Des investissements fédéraux de 500 millions de dollars par année ont été annoncés dans le budget de 2017 pour l'éducation préscolaire et la garde d'enfants. Le changement s'appliquera généralement aux dépenses engagées après la veille de la date du budget. Toutefois, le crédit continuera d'être accordé à l'égard des dépenses admissibles engagées avant 2020 aux termes d'une convention écrite conclue avant la date du budget.
Nous arrivons ensuite à l'élimination de la déduction pour prêts à la réinstallation pour les employés qui obtiennent des prêts de leurs employeurs. Pour ces prêts admissibles, la différence entre le taux d'intérêt commercial et tout autre taux d'intérêt perçu sur ces prêts est une prestation d'emploi, assimilable à un revenu. Une déduction compensatoire était accordée pour les prêts jusqu'à hauteur de 25 000 $. Comme des particuliers à revenu supérieur en profitaient en grande partie, c'était considéré comme injuste. L'élimination prendra effet à partir de l'année d'imposition 2018.
Ça se trouve dans les articles 5, 8, 10, 21 et 22 du projet de loi.
La mesure suivante, qui éliminerait l'exonération d'impôt pour les allocations non soumises à une justification et accordées aux membres d'assemblées législatives et à certains conseillers municipaux, entrerait en vigueur le 1er janvier 2019. Soulignons qu'elle vise les allocations non soumises à une justification. Bien sûr, conformément à la règle générale, les allocations ou tout remboursement contre reçu ou une quelconque explication restent exonérés d'impôt, comme c'est le cas pour tous les employés. Par exemple, le remboursement du montant figurant sur le reçu pour le taxi pris de l'aéroport à l'hôtel où on séjourne au cours d'un voyage d'affaires n'est pas imposable. Cette exonération est maintenue pour les membres des assemblées législatives et les conseillers municipaux visés.
C'est à l'article 6 du projet de loi.
Ensuite, il y a l'exonération d'impôt pour les assureurs de biens servant à l'agriculture et à la pêche. Certains assureurs, des biens servant à l'agriculture et à la pêche, les assureurs admissibles, mais pas tous les assureurs des agriculteurs, profitent d'une exonération d'impôt sur leur revenu d'assurance de ces biens. C'est contraire aux principes normaux de neutralité, et l'exonération sera éliminée à compter de l'année d'imposition 2019.
C'est dans les articles 7, 24 et 33 du projet de loi.
Vient ensuite l'élimination de la déduction additionnelle au titre de dons de médicaments. Cette déduction s'ajoute à la déduction déjà accordée à toutes les sociétés, pour le don, à un organisme de charité, d'un bien à sa juste valeur marchande. Elle est accordée aux sociétés faisant des dons de médicaments admissibles à des organismes de charité admissibles. Elle s'est révélée ne pas encourager les dons. Elle sera éliminée à l'égard des dons faits après le jour du dépôt du budget, c'est-à-dire après le 22 mars 2017. Ces sociétés pourront continuer de se prévaloir des règles normales prévoyant d'accorder une déduction égale à la juste valeur marchande des dons faits ou des biens donnés à des organismes de charité.
C'est dans les articles 9, 25 et 32 du projet de loi.
La mesure suivante est la fusion des crédits pour aidants naturels. Elle remplace le crédit actuel pour aidants naturels, le crédit provisoire pour personne à charge et le crédit d'impôt pour aidants familiaux par le nouveau crédit canadien pour aidant naturel. C'est principalement une mesure de simplification qui réunit en un seul programme trois programmes parfois incohérents et quelque peu complexes. Elle comporte aussi des versements plus généreux, de 310 millions de dollars jusqu'en 2021-2022. Elle entre en vigueur en 2107-2018, à raison de 50 millions de dollars par année et, jusqu'en 2020-2021, les versements peuvent atteindre 65 millions par année. À la simplification s'ajoute la générosité.
Elle est visée par les articles 11, 12 et 14 du projet de loi.
La mesure suivante est l'élimination du crédit d'impôt pour le transport en commun, à compter du 1er juillet 2017. Ce crédit s'est révélé inefficace pour l'atteinte de son objectif déclaré d'augmenter le nombre d'usagers des transports en commun, et les modifications dans le contexte des dépenses supplémentaires annoncées dans le budget de 2017 pour les transports publics en commun étaient, je crois, de 20,7 milliards de dollars en 11 ans.
C'est visé par les articles 13 et 20 du projet de loi.
La modification suivante concerne le crédit d'impôt pour frais médicaux et ce qui constitue des frais admissibles. Elle élargirait l'admissibilité à ce crédit dans le cas des dépenses supportées pour la conception d'un enfant, aux cas où des frais médicaux ne sont pas entraînés par un état pathologique sous-jacent, mais le sont pour la conception, par exemple chez les couples dont les conjoints sont de même sexe. Pour être admissible à ce crédit, il faudra l'attestation d'un médecin.
C'est à l'article 15 du projet de loi.
La modification suivante concerne le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Pour être admissible, il faut l'attestation d'un médecin ou d'un des spécialistes énumérés dans une liste à laquelle, c'est la modification, on ajoute les infirmières praticiennes. Pour beaucoup de Canadiens, notamment ceux qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées, ces infirmières sont leur principal point de contact avec le système de santé.
C'est visé par les articles 16 et 17 du projet de loi.
La modification suivante concerne le crédit d'impôt pour frais de scolarité. Elle en élargit l'admissibilité aux frais payés à des établissements d'enseignement de niveau postsecondaire pour des cours augmentant les compétences professionnelles. Actuellement, ce crédit est admissible dans deux systèmes absolument séparés. Dans l'un deux, on peut suivre des cours de niveau postsecondaire dans un établissement postsecondaire, une université, par exemple; dans l'autre, on peut suivre des cours pour augmenter ses compétences professionnelles, par exemple des cours de langue seconde, dans un établissement admissible. Mais les cours suivis dans une université pour augmenter ses compétences professionnelles ne sont pas, en vertu des règles actuelles, admissibles au crédit. Même si ces cours sont admissibles dans un système, les universités le sont dans l'autre. La modification permettrait de rendre admissibles au crédit d'impôt pour frais de scolarité des cours donnés à l'université pour augmenter ses compétences professionnelles.
C'est aux articles 18 et 19 du projet de loi.
La mesure suivante prolonge d'un an le crédit d'impôt pour exploration minière, relativement aux accords conclus jusqu'au 31 mars 2018. Ce crédit aide certaines petites entreprises d'exploration minière. Il vise les investisseurs qui détiennent des actions accréditives. Ces actions permettent aux entreprises d'exploitation de ressources naturelles de se procurer des fonds défiscalisés et de renoncer à certaines dépenses admissibles pour leurs détenteurs, lesquels peuvent ainsi obtenir, à l'égard de ces petites entreprises, un crédit supplémentaire d'impôt de 15 p. 100. Cette prolongation favorisera l'exploration admissible jusqu'à la fin de 2019.
C'est dans l'article 23 du projet de loi.
Vient ensuite l'élimination de la surtaxe de 10,5 p. 100 sur les bénéfices provenant de la fabrication du tabac ou de produits du tabac au Canada. Elle s'applique aux fabricants canadiens et non à ceux de l'étranger, et elle se situe dans le contexte de l'augmentation, dont vous entendrez plus tard parler, du droit d'accise sur le tabac. Les règles du jeu deviennent ainsi les mêmes pour les entreprises canadiennes et étrangères. Il n'y a pas de relâchement fiscal, grâce à la majoration du taux des droits d'accise.
Le volet impôt sur le revenu fait l'objet des articles 26 et 27 du projet de loi.
La mesure suivante concerne la distribution des feuillets de renseignements T4 par les employeurs à leurs employés. Elle permet aux employeurs de les distribuer par défaut par voie électronique, sans le consentement préalable des employés. Cependant, elle est assujettie à trois importantes mesures de protection des employés. La première, bien sûr, est la mise en place des mesures appropriées de protection de la vie privée; ensuite, il faut raisonnablement s'attendre à ce que l'employé puisse accéder aux feuillets par voie électronique, de sorte que s'il part à la retraite ou en congé, il devrait obtenir les copies sur support papier; enfin, il faut remettre à l'employé une copie sur support papier s'il en fait la demande.
C'est visé par les articles 28 et 31 du projet de loi.
Enfin, le supplément de la prestation nationale pour enfants a été remplacé par l'Allocation canadienne pour enfants. Cependant, divers programmes de beaucoup de provinces renvoient au calcul de l'ancien supplément. La variable qui renfermait l'ancien supplément a été laissée dans le calcul de l'allocation, mais de manière à ne pas en gêner le calcul. Le supplément devait être abrogé le 1er juillet 2017, mais, pour donner plus de temps aux provinces pour réviser leurs règles, pour qu'elles ne renvoient plus à l'ancien supplément, on a prolongé l'échéancier d'un an. L'abrogation entrera en vigueur le 1er juillet 2018.
Ça se trouve aux articles 30 et 34du projet de loi.
Voilà qui termine la partie 1.
Le président : Merci.
Le sénateur Pratte : Vous avez dit que le crédit d'impôt à l'investissement pour la création de places en garderie a été éliminé en raison de l'inefficacité du programme. Comment le ministère est-il arrivé à cette conclusion? Je suppose que vous possédez des statistiques sur le nombre de places créées ou pas?
James Greene, conseiller principal, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances du Canada : En moyenne, de 2011 à 2015, une quinzaine de contribuables a réclamé le crédit chaque année. Le coût total des crédits s'élevait à moins de 200 000 $ par année.
Le sénateur Pratte : Il s'agit de 15 compagnies, parce que, visiblement, ce programme s'adressait à des compagnies?
M. Greene : Oui.
Le sénateur Pratte : Chaque année, 15 compagnies ont réclamé le crédit?
M. Greene : C'est exact. Le programme était aussi accessible aux entreprises non constituées en sociétés. Effectivement, elles étaient essentiellement très peu nombreuses à demander ce crédit, même s'il était assez généreux, puisqu'il équivalait à 25 p. 100 des coûts admissibles.
Le sénateur Pratte : Pour le crédit d'impôt pour le transport en commun, encore une fois, de quelles sortes de données s'est-on servi pour les mesures? D'après certaines réactions au budget, par exemple celle de la Commission de transport de Toronto, les statistiques montreraient un effet sur le nombre d'usagers.
Pierre Leblanc, directeur, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Comme Trevor l'a dit, pendant l'examen des dépenses fiscales et l'évaluation de l'efficacité du crédit d'impôt pour le transport en commun, nous avons examiné un certain nombre d'études de l'efficacité de ce crédit, faites par des chercheurs de l'extérieur. L'une des principales, effectuée récemment par Rivers et Plumtree, n'a pas seulement examiné l'effet du crédit mais aussi celui d'autres facteurs sur l'utilisation des transports en commun : revenu, âge, éloignement du lieu de travail, exercice d'un emploi. D'après eux, le crédit exerçait en soi, dans tout le Canada, un effet extrêmement limité. Selon la méthode d'estimation utilisée, c'était une augmentation de 0,25 à 1 point de pourcentage.
D'après notre évaluation, un crédit d'impôt qui coûte plus de 200 millions de dollars par année et dont l'objectif déclaré est d'augmenter l'utilisation des transports en commun, ce n'est pas assez.
La sénatrice Marshall : Monsieur McGowan, pendant que vous parliez, j'écoutais d'une oreille tout en consultant le livre qui montre le coût de la prestation ou le coût pour l'État.
J'arrive à comprendre votre réponse à la question du sénateur Pratte sur les transports en commun. Ensuite le crédit d'impôt à l'investissement pour la création de places en garderie présente uniquement des coûts ou des bénéfices nuls pour l'État ou le contribuable, d'après la réponse de M. Greene. Mais certains d'entre eux présentent soit un coût net ou un bénéfice net pour l'État, mais, dans une année particulière, le bilan est nul. La comptabilisation des sommes facturées — je ne crois pas que nous l'ayons faite — montre cependant, pour la plupart des années, un bénéfice pour l'État, mais, ensuite, deux années n'affichent aucun bénéfice ni coût pour l'État.
Pouvez-vous l'expliquer? Est-ce parce que les montants sont négligeables ou...?
M. McGowan : Vous avez absolument raison. Merci pour cette observation. Les amendements concernant la comptabilisation des sommes facturées ne font pas partie de ce projet de loi.
Tout dépend de la mesure. Par exemple, la première qui satisfait aux critères que vous avez mentionnées est le crédit d'impôt pour exploration minière. Je vous donne un peu de contexte. Le crédit lui-même est prolongé d'une année. Le crédit sur les dépenses est annoncé sur un accord jusqu'à la fin de mars 2018, puis on cessera de l'accorder. Voilà pourquoi il présente un coût supplémentaire initial, et c'est le coût du crédit.
Par contre, pour les superactions accréditives pour l'exploration minérale, le montant du crédit s'ajoute au revenu dans l'année suivante, ce qui le rend imposable. Voilà pourquoi on constate une augmentation des revenus de l'État l'année suivante. Ça n'existera plus à partir de 2019-2020.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Forest : J'aimerais revenir à la mesure visant l'abolition du crédit d'impôt relatif au transport en commun.
La ville de Toronto, par exemple, est une grande ville dont le profil des usagers, comparativement à celui des usagers des villes de taille moyenne, peut être différent, puisqu'il est constitué d'une classe de Canadiens et de Canadiennes qui ont plus de moyens financiers que la population des villes de taille moyenne. Avec des coûts de l'ordre de 225 millions de dollars, l'objectif du gouvernement est de favoriser l'augmentation de l'usage du transport en commun et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais également de soutenir les Canadiens et les Canadiennes qui sont moins favorisés économiquement.
Vos analyses ont-elles tenu compte de la différence entre ces deux profils d'usagers, soit celui des grands centres qui est, somme toute, sensiblement différent de celui des usagers des villes de taille moyenne? Il y a davantage de citoyens plus fragilisés économiquement dans les villes de taille moyenne, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans les mêmes proportions pour les grandes villes.
De plus, ces villes de taille moyenne qui n'ont pas de société de transport en commun doivent débourser beaucoup plus d'argent afin d'assumer le coût global du transport. Les usagers assument environ 32 p. 100 des coûts, et il y a peu de programmes gouvernementaux fédéraux et provinciaux disponibles pour aider ces villes dans la prestation des services de transport en commun.
M. Leblanc : Nous avons effectivement tenu compte des différences entre les villes de grande taille, de moyenne taille et de petite taille. Puisqu'il s'agit d'un crédit national, notre évaluation a déterminé que, de façon globale, il n'y avait pas d'effet important sur l'utilisation du transport en commun.
On veut bien sûr tenir compte des populations fragilisées, mais comme il s'agit là d'un crédit non remboursable, cela veut dire que dans le cas des personnes à faible revenu qui n'ont pas assez d'argent, leur revenu est trop faible pour qu'elles paient des impôts et donc, elles ne peuvent pas bénéficier de ce crédit d'impôt. La valeur de ce crédit est donc nulle pour elles, et c'est un autre facteur dont nous avons tenu compte.
Pour les petites villes, l'approche du gouvernement est d'investir de façon importante dans des dépenses directes liées aux infrastructures de transport en commun. J'ai l'impression que cela bénéficiera à tout le pays, mais d'autres personnes que moi peuvent parler davantage de ces investissements. Trevor a mentionné plus tôt des investissements de plus de 20 milliards de dollars sur une période de 11 ans; il s'agit là d'un investissement très important.
Vous avez aussi parlé de l'effet sur les émissions de gaz à effet de serre. En ce qui a trait au coût de ce crédit, soit 200 millions de dollars, les études démontrent que, pour chaque tonne de gaz à effet de serre, il en coûtera des milliers de dollars avec cet instrument pour réduire les gaz à effet de serre. Si on dresse une comparaison avec d'autres moyens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, on s'aperçoit qu'il s'agit là d'un instrument très dispendieux à cette fin.
Le sénateur Forest : D'un côté, on enlève un crédit d'impôt pour le transport en commun et, de l'autre, on prolonge un crédit d'impôt pour l'exploitation minière. Il y a un travail de relations publiques à faire quant à la perception du public.
Le président : Je comprends qu'il s'agissait là d'un commentaire et non d'une question.
[Traduction]
Si c'est la fin des questions, passons à la partie 2. Je remercie les fonctionnaires des renseignements qu'ils nous ont communiqués. La partie 2 rassemble les modifications apportées à la Loi sur la taxe d'accise, les mesures relatives à la TPS/TVH.
[Français]
Nous allons demander à M. Pierre Mercille, qui nous exposera les détails, de se présenter.
[Traduction]
Nous passerons ensuite à la partie 2, à l'onglet B, intitulé « Modifications de la Loi sur la taxe d'accise (mesures relatives à la TPS/TVH) ».
[Français]
Vous retrouverez cette information à l'onglet B de votre cartable, à la partie 2, sous la rubrique « Modification de la Loi sur la taxe d'accise », dans les mesures relatives à la TPS et à la TVH, aux articles 35 à 41.
Sans plus tarder, du ministère des Finances, nous accueillons M. Pierre Mercille, chef législatif principal, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt.
[Traduction]
Sur ce, je demande à M. Mercille de livrer son exposé et de nous expliquer les articles 35 à 41.
[Français]
Monsieur Mercille, la parole est à vous.
Pierre Mercille, chef législatif principal, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Merci. Comme vous l'avez dit, la partie 2 du projet de loi met en œuvre des mesures relatives à la taxes sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée.
[Traduction]
La première mesure soustrait de nouveau la Naloxone au régime de la TPS/TVH quand elle est fournie sans ordonnance pour traiter d'urgence une surdose par opioïdes hors du milieu hospitalier. Cette mesure, en général, est entrée en vigueur le 22 mars 2016.
La deuxième mesure modifie la définition d'« entreprise de taxis ». Sous le régime de la TPS/TVH, tous les conducteurs ou exploitants de taxis sont tenus de s'inscrire aux fins de la TPS et d'exiger la taxe sur leurs prix pour le transport, sans égard au niveau de leurs ventes. Ces règles, qui sont en place depuis le début de la TPS, assurent un traitement égal de tous les exploitants de taxis.
Les services commerciaux de covoiturage facilités par des applications web fournissent des services de transport de passagers semblables aux services de taxi. Cependant, les premiers peuvent ne pas être assujettis aux mêmes règles régissant la TPS/TVH que les entreprises de taxis, faute de répondre à la définition actuelle d'« entreprise de taxis » de la Loi sur la taxe d'accise. Pour assurer une application cohérente de la TPS/TVH aux services de taxi et aux services de covoiturage, la définition d'« entreprise de taxis » est modifiée de manière à obliger les fournisseurs de services de covoiturage — c'est-à-dire les conducteurs et les exploitants indépendants — de s'inscrire à la TPS/TVH et d'exiger la taxe sur leurs prix pour le transport, comme le font les conducteurs et les exploitants de taxis.
Cette modification entrera en vigueur le 1er juillet 2017.
La dernière mesure de la partie 2 du projet de loi abroge le remboursement de la TPS/TVH accordé aux non- résidents (particuliers et voyagistes) au titre du montant de TPS/TVH payable relativement à la partie canadienne de l'hébergement incluse dans un voyage organisé admissible. Complexe, coûteux à administrer, le remboursement ne profite qu'à une marge étroite de l'industrie canadienne du tourisme. On a donc jugé inefficace cette mesure fiscale. L'abrogation s'appliquera généralement à l'offre d'hébergement ou de voyages organisés faite aux non-résidents après le 22 mars 2017, date du dépôt du budget de 2017. Cependant, on continuera provisoirement d'accorder le remboursement pour l'offre de voyages organisés ou d'hébergement faite à des non-résidents après cette date, mais avant le 1er janvier 2018, si les contreparties de l'offre sont payées au complet avant cette date.
[Français]
Cela conclut la description des trois mesures relatives à la TPS/TVH qui sont contenues dans la partie 2 du projet de loi.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Mercille. Nous passons maintenant à une question de la sénatrice Marshall, suivie du sénateur Pratte.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Ma question est générale : est-il vrai que le gouvernement estime que les services de taxi et de covoiturage prélèveront 3 millions au cours de l'exercice 2017-2018? Je veux m'assurer de la justesse de ces chiffres et de bien les interpréter.
M. Mercille : Oui, mais vous devez reconnaître que ce ne sera pas un exercice complet étant donné que la mesure n'entrera en vigueur que le 1er juillet 2017. Je suppose que l'estimation annuelle de 2018-2019 est meilleure, car le montant sera de 1 million de dollars.
La sénatrice Marshall : C'est pour cette raison que c'est seulement 75 p. 100. Merci.
[Français]
Le sénateur Pratte : Concernant l'application de la TPS/TVH à ce nouveau secteur de l'industrie du taxi, est-ce que vous prévoyez un défi particulier rattaché à l'application de la TPS à ce secteur de l'industrie? Est-ce que, parce qu'il s'agit d'une nouvelle catégorie de personnes dont les revenus sont extrêmement variables, ils sont plus difficiles à suivre et plus difficilement identifiables? Si oui, est-ce que des mesures particulières sont prévues pour suivre ce nouveau segment de l'industrie?
M. Mercille : Mon premier commentaire est le suivant. Une des raisons pour lesquelles l'entrée en vigueur a été fixée au 1er juillet 2017 plutôt qu'au lendemain du budget, c'est que les conducteurs offrant ces services devront s'inscrire auprès de l'Agence du revenu du Canada ou auprès de Revenu Québec, s'ils sont sur le territoire québécois.
On voulait accorder une période de temps pour que l'ARC puisse diffuser des documents publics afin de faciliter l'inscription de ces conducteurs. Certaines personnes vont offrir leurs services à temps plein, tandis que d'autres vont le faire à temps partiel. C'est la même chose dans l'industrie du taxi. C'est pourquoi il existe beaucoup de publications et d'information pour les chauffeurs de taxi. D'ailleurs, l'ARC veut mettre cette documentation à jour pour pouvoir fournir de l'information aux conducteurs offrant des services de covoiturage.
Le sénateur Pratte : Savez-vous comment on est arrivé à l'évaluation des revenus prévisibles générés? Parce que le chiffre de 4 millions auquel on est arrivé est tout de même modeste.
M. Mercille : Étant plutôt dans le domaine législatif, je ne suis pas un expert du quantitatif. Toutefois, je pense que la région de Toronto avait un peu plus de données disponibles. Il y a eu une extrapolation quant aux endroits où ces services pourraient être offerts dans le reste du Canada, car ce ne sont pas des services qui sont disponibles partout, mais il y a de plus en plus de compagnies qui font concurrence à une certaine compagnie qui est davantage connue.
Le sénateur Pratte : Et qu'on ne nommera pas ici. En quoi consiste le régime de pénalités dans le cas d'un chauffeur qui refuserait de s'inscrire?
M. Mercille : Le même régime de pénalités s'applique à tous les inscrits à la TPS. S'ils ne remettent pas la taxe, ils vont devoir payer le montant et des intérêts, parce qu'ils n'auront pas remis l'argent à temps. Il y a également une pénalité pour non-production de déclaration qui peut s'appliquer.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Merci de votre témoignage. Ma question porte sur le remboursement accordé aux non-résidents relativement à l'hébergement inclus dans les voyages organisés. Je la pose en partie au nom de ma collègue de la Colombie-Britannique, Nancy Greene Raine, qui s'intéresse particulièrement à la question.
Pour que ce soit clair, vous dites que la période de transition inclura les voyages organisés qui sont payés en entier avant la fin de 2017. Est-ce que cela signifie qu'ils ont été payés en entier seulement pour ce qui est de l'hébergement inclus ou que l'ensemble du voyage a été payé. Il s'agit un peu d'une précision technique.
M. Mercille : Tout d'abord, deux situations sont possibles. Il peut être question d'un touriste non-résident qui achète un voyage organisé à un fournisseur canadien. Il est également possible qu'un non-résident offre des voyages organisés au Canada, mais qu'il le fasse à l'extérieur du pays pour des clients qui ne sont pas au Canada. Dans ce cas-ci, il n'achète que l'hébergement, et il achète à des particuliers des services d'autobus et toutes sortes d'autres services — des visites touristiques, des tours guidés et toutes sortes d'autres choses —, et il les offre à un organisateur de voyages.
Dans le cas de l'hébergement, le paiement de la contrepartie est seulement pour l'hébergement. Quand un non- résident achète un voyage organisé, il faut que l'ensemble du voyage ait été payé avant le 1er janvier 2018.
Je tiens à souligner que c'est seulement pour les voyages organisés offerts après la date du budget cette année, pendant la période visée par une disposition transitoire. La disposition stipule toutefois que tous les voyages organisés qui ont été offerts avant le jour du budget demeureront admissibles à un remboursement.
Selon les dispositions sur la TPS, en général, une fourniture a été payée lorsque l'entente est conclue, pas quand la contrepartie est versée. Donc, si la personne a signé l'entente en 2018 — disons pour un voyage organisé en Colombie- Britannique — et qu'un dépôt ou quelque chose dans le genre a été fait, elle continuera d'avoir droit au remboursement parce que l'entente a été conclue avant l'annonce dans le budget.
Le sénateur Woo : Je récapitule. Si je comprends bien, un voyage organisé auquel on s'est inscrit avant le jour du budget, le budget de 2017, même s'il n'a pas été payé en entier, pourrait malgré tout faire l'objet d'un remboursement. Quand les touristes arriveront en 2018 pour leur voyage, ils auront encore droit au remboursement en vertu des règles existantes, n'est-ce pas?
M. Mercille : Oui, car l'entente a été conclue avant la date du budget.
[Français]
Le président : J'aimerais avoir plus de précisions sur cette mesure. Dans la définition d'entreprise de taxi, qu'est-ce qui explique que la règle du petit fournisseur en matière de TPS et de TVH ne s'appliquera pas aux entreprises de taxi et au service de covoiturage? Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement et nous donner des précisions sur la mesure proposée?
M. Mercille : La mesure proposée ne concerne pas les taxis traditionnels, parce qu'ils sont déjà couverts dans la définition de service de taxi. L'amendement vise à traiter les services de covoiturage et les entreprises de taxi sur le même pied d'égalité. Pourquoi les entreprises de taxi ne sont-elles pas assujetties au règlement des petits fournisseurs? Parce que, en général, les personnes qui gagnent moins de 30 000 $ par année ne sont pas obligées de s'inscrire aux fins de la TPS/TVH. Elles peuvent le faire si elles le souhaitent, mais ce n'est pas obligatoire.
Ce règlement existe depuis l'entrée en vigueur de la TPS. Cette mesure avait pour but de simplifier la procédure et de faire en sorte que tous les chauffeurs de taxi soient traités de la même façon. Dans les entreprises de taxi, les tarifs par kilomètre ou les tarifs horaires sont réglementés par les provinces ou les municipalités. On voulait s'assurer que les personnes, inscrites ou non, aient le même montant dans leur poche en fonction du tarif fixé. Les provinces savent que des taxes s'appliquent sur les tarifs qui sont réglementés pour l'utilisation d'un taxi.
Le président : Le petit fournisseur qui gagne moins de 30 000 $ peut donc choisir s'il veut s'inscrire ou non à un compte de TPS?
M. Mercille : Cela ne s'applique pas aux chauffeurs de taxi et, dans un proche avenir, cela ne touchera pas non plus les fournisseurs de services de covoiturage. Cette mesure s'applique seulement aux autres entreprises.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Mercille, de votre présentation. Maintenant, nous allons passer à la partie 3.
[Traduction]
La partie 3 se trouve à l'onglet C et regroupe les articles 42 à 67. Elle contient des modifications à la Loi sur l'accise, à la Loi de 2001 sur l'accise et à la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2014.
[Français]
Nous avons le privilège de recevoir M. Gervais Coulombe, chef, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada.
[Traduction]
Merci d'avoir accepté notre invitation. Je vous prie de nous expliquer les articles 42 à 67.
[Français]
Monsieur Coulombe, la parole est à vous.
Gervais Coulombe, chef, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup. Honorables sénateurs et sénatrices, je suis ici ce matin pour vous donner des explications sur les deux mesures en matière d'accise qui font partie du projet de loi no 1 d'exécution du budget. La première mesure traite de la taxation du tabac, dont les détails se trouvent aux articles 45 à 48, 51, 54, 58 à 63, ainsi que 66 du projet de loi.
[Traduction]
Parallèlement à l'élimination de la surtaxe des fabricants de tabac prévue à la partie 1 que mon collègue, Trevor McGowan, a expliquée plus tôt aujourd'hui, le budget de 2017 propose de rajuster le taux de droit d'accise sur le tabac afin que les revenus générés par la surtaxe, à leur niveau maximal du début des années 2000, soient dorénavant perçus sous le régime du droit d'accise. Par exemple, le taux de droit d'accise sur les cigarettes augmentera d'environ 53 cents par cartouche de 200 cigarettes, en passant de 21,03 $ à 21,56 $ par cartouche. Le prix de détail moyen d'une cartouche de 200 cigarettes est d'environ 104 $. Des hausses similaires viseront également les autres produits du tabac.
Pour garantir une application uniforme de la hausse à toutes les cigarettes et aux différents niveaux de vente, une taxe équivalente sur les stocks sera imposée aux fabricants, aux importateurs, aux grossistes et aux détaillants détenant plus de 30 000 cigarettes à compter de la fin du jour du budget.
[Français]
Toutes ces mesures sont en vigueur depuis le 23 mars 2017, soit au lendemain du dépôt du budget. Le changement proposé en matière de taxation du tabac générera environ 55 millions de dollars en revenus additionnels pour l'exercice financier 2017-2018. La deuxième mesure, dont je souhaite vous parler, traite de la taxation de l'alcool en matière d'accise. Vous trouverez les amendements proposés aux articles 42 à 44, 49 à 50, 52 à 53, 55 à 57, ainsi que 64 à 65 du projet de loi.
[Traduction]
Le budget propose une augmentation de 2 p. 100 des taux de droit d'accise sur les produits alcoolisés en rajustant automatiquement les taux de droit pour tenir compte de l'inflation en date du 1er avril, à compter de 2018. Le gouvernement impose généralement un droit d'accise aux produits alcoolisés, soit la bière, le vin et les spiritueux, qui sont destinés au marché canadien des marchandises acquittées. Les taux de droit d'accise sur l'alcool ont été haussés la dernière fois au milieu des années 1980. Leur efficacité et leur valeur réelle se sont donc érodées au fil du temps.
En 2017, la mesure proposée représentait une hausse du droit d'accise de 5 p. 100 par caisse de 24 bouteilles de bière, soit une augmentation de 2,56 $ à 2,61 $ par caisse. Pour les bouteilles de vin, la hausse était inférieure à 1 p. 100 et correspondait à une augmentation d'environ 0,465 $ à 0,4725 $, c'est-à-dire 47 cents, essentiellement, et elle était de 7 p. 100 par bouteille normale de spiritueux, ce qui signifie que le droit d'accise fédéral est passé d'environ 3,51 $ à environ 3,58 $ par bouteille de 750 millilitres de spiritueux ayant une concentration d'alcool de 40 p. 100.
La mesure proposée générera des revenus supplémentaires d'environ 13 millions de dollars en 2017 et en 2018.
[Français]
Toutes ces mesures s'appliquent également à compter du 23 mars 2017, soit le lendemain du dépôt du budget.
Ceci complète mes remarques préliminaires pour la partie 3 du projet de loi. Je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de votre exposé. Je n'avais jusque-là entendu aucun exposé sur la taxation du tabac, mais beaucoup sur la taxation de l'alcool. Quand je regarde l'estimation des revenus qu'on s'attend à générer au moyen de cette mesure, je constate que ceux de la taxation du tabac affichent une tendance à la baisse, tandis que la taxation de l'alcool montre une tendance à la hausse. Percevait-on moins de taxes sur l'alcool et y avait-il moins de fumeurs auparavant? Pourquoi observons-nous une tendance à la baisse d'un côté et une tendance à la hausse de l'autre?
M. Coulombe : Merci de poser la question. Dans le cas du tabac, on a observé au cours des 30 dernières années une tendance générale à la baisse du nombre de fumeurs au Canada. C'est la raison pour laquelle le ministère applique un facteur de rajustement à la baisse de ces revenus pour les années à venir.
Pour ce qui est des produits alcoolisés, selon les produits, je pense que certains sont peut-être moins consommés au fil du temps. D'autres affichent une hausse. Dans l'ensemble, le montant augmente légèrement au fil du temps. Les mesures proposées, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, comprennent l'indexation automatique des taux de droit d'accise sur l'alcool. Par exemple, si l'inflation est de 1,5 ou de 1,3 p. 100 au cours du présent exercice, les taux seront majorés en fonction d'un pourcentage équivalent à compter du 1er avril 2018. Par conséquent, le ministère a dû inclure les revenus prévus en fonction des hausses futures de l'indice des prix à la consommation.
La sénatrice Marshall : Je ne sais pas si c'est une bonne question pour vous, mais je vais tout de même la poser. Les préoccupations liées à la santé sont-elles ce qui a motivé les modifications apportées à la taxation du tabac et de l'alcool, ou s'agissait-il plutôt de générer des revenus pour le gouvernement?
M. Coulombe : Dans le cas de la mesure sur le tabac, comme l'ont expliqué mes collègues en parlant de la partie 1, la première motivation était d'éliminer la surtaxe. On a jugé que c'était un moyen inefficace de taxer indirectement le tabac. La surtaxe visait seulement les fabricants canadiens de produits du tabac, alors que plus de la moitié de ces produits sur le marché canadien est importée. Ces produits importés n'étaient donc pas assujettis à la surtaxe et ne le sont pas depuis de nombreuses années. C'était surtout motivé par l'élimination de la surtaxe.
Au fil du temps, les gouvernements ont essayé de maintenir la stabilité du fardeau fiscal global associé aux produits du tabac. Vous vous souvenez peut-être que les taux de droit d'accise sur le tabac ont été revus à la hausse lorsque la TPS est passée de 7 à 5 p. 100 et ensuite de 6 à 5 p. 100. Cela s'inscrit dans le concept du maintien du fardeau fiscal au fil du temps pour des raisons liées à la santé.
En ce qui a trait à l'alcool, le principal objectif est de procéder à une hausse de 2 p. 100 — c'est une décision politique — et de s'assurer que ces taux suivent dorénavant l'inflation prévue pour d'autres biens. Les taux de droit d'accise, de par leur nature, sont présentés — vous pourriez le voir dans les documents budgétaires — sous forme de montant fixe par unité d'alcool, par exemple la bière, le vin et les spiritueux. Par conséquent, à défaut d'indexer ces taux de temps en temps, ils s'érodent et perdent leur valeur. C'est surtout cela qui motive cette mesure.
La sénatrice Marshall : Les producteurs d'alcool sont au courant d'une hausse du prix, mais ils n'aiment vraiment pas l'indice des prix à la consommation, l'indexation de la taxe. Merci beaucoup.
Le sénateur Woo : Merci de votre exposé, monsieur Coulombe. Pouvez-vous nous donner une idée de la taxe d'accise fédérale sur l'alcool par rapport à d'autres prélèvements et taxes, à d'autres droits d'accise sur l'alcool? Je sais que cela varie d'une province à l'autre, mais pourriez-vous nous donner une idée de l'importance relative du prélèvement fédéral réalisé au moyen de la taxation de l'alcool.
M. Coulombe : Merci de poser la question. Selon les Comptes publics du Canada, les droits d'accise sur l'alcool perçus par le gouvernement fédéral lui ont permis de recueillir environ 1,6 milliard de dollars au cours de l'exercice qui a pris fin le 31 mars cette année. Collectivement, les provinces et les territoires en perçoivent davantage, au moins quatre fois plus, et le chiffre est donc supérieur à 7 milliards de dollars.
Les provinces et les territoires ont habituellement recours à des marges bénéficiaires. Certains d'entre vous connaissent peut-être la LCBO et la SAQ du côté du Québec. Ce sont des monopoles d'État sur le marché de la vente au détail. Dans leur structure de prix, car elles fixent le prix de vente des produits sur leurs tablettes, elles peuvent se servir de différentes marges bénéficiaires, qui sont souvent calculées comme un pourcentage du coût qu'elles ont payé pour leurs produits.
Je ne sais pas si ce que j'ai dit à propos de revenus quatre fois plus élevés répond à votre question.
Le sénateur Woo : Ils sont quatre fois plus élevés, à peu près, selon les provinces.
M. Coulombe : Oui.
Le sénateur Woo : Je veux revenir à la question de l'indexation abordée par la sénatrice Marshall et à la logique qui s'y rattache.
La logique de l'indexation pour le tabac renvoie clairement à une question de santé. Je suppose qu'on veut donc maintenir un certain effet dissuasif en veillant à ce que la taxe d'accise sur le tabac augmente en même temps que les prix.
Je n'ai pas pleinement saisi la logique de l'indexation en ce qui a trait à l'alcool. Vous pourriez peut-être nous aider en expliquant si d'autres taxes d'accise sont indexées et quelle est la logique sous-jacente.
M. Coulombe : La logique sous-jacente se rapporte à l'inflation. Les droits d'accise sont un montant fixe qui repose sur une quantité donnée. Ils ne sont donc pas rajustés en fonction de l'inflation au fil du temps. Un dollar de 1980 n'a pas la même valeur qu'à l'heure actuelle.
La principale logique de cette mesure, dans la façon dont elle a été présentée, est que nous voulons maintenant nous assurer d'avoir dorénavant en place un mécanisme similaire à celui qui est utilisé, par exemple, dans la Loi de l'impôt sur le revenu, où il y a divers seuils.
Le sénateur Woo : Des tranches.
M. Coulombe : Des tranches. De nombreux montants sont rajustés pour tenir compte de l'indice des prix à la consommation, qui est, bien entendu, l'indice général de l'inflation.
Pour en arriver aux mécanismes que nous avons ici, nous avons reproduit le modèle mis au point aux fins de l'impôt sur le revenu en 2014. Ce modèle a été intégré à la Loi de 2001 sur l'accise pour assurer des rajustements périodiques des taux liés au tabac, et dans le présent budget, le gouvernement a maintenant décidé de mettre en œuvre ces mécanismes pour ce qui est du droit d'accise sur les produits alcoolisés.
Le sénateur Woo : Dans l'éventualité où on aurait recours à l'indexation et que l'inflation reviendrait à des taux plus normaux ou atteindrait même des taux anormalement élevés, il y aurait un écart entre la taxe d'accise perçue sur les produits importés et le montant perçu à l'égard de certains produits alcoolisés produits au pays qui ne sont pas visés par cette taxe, par exemple les vins de la VQA. Pensez-vous que l'écart pourrait devenir suffisamment prononcé pour justifier une mesure commerciale de la part des pays qui exportent au Canada?
M. Coulombe : Il est très difficile dans mes fonctions de m'étendre ou d'émettre des hypothèses sur les prochains rajustements inflationnistes, mais en regardant le taux d'inflation des dernières années, nous constatons que la cible de la Banque du Canada est toujours de 2 p. 100, je crois. Nous nous sommes penchés sur les rajustements inflationnistes les plus récents, et ils sont inférieurs à 2 p. 100. D'après ce que j'ai lu dans les journaux, je ne m'attends pas à voir d'énormes rajustements dans un proche avenir.
Bien entendu, rien n'empêchera le gouvernement et le Parlement de prendre des mesures, dans l'éventualité où l'inflation dépasserait les taux prévus.
Le sénateur Woo : Merci.
[Français]
La sénatrice Moncion : Est-ce que le calcul a été fait, ou est-ce que les effets ont été évalués quant à la clause « escalatoire » sur l'alcool par rapport au marché américain et au marché européen? Quels effets cela va-t-il avoir? Par exemple, est-ce que cela va rendre nos produits alcoolisés hors de prix par rapport aux marchés avec lesquels nous avons une concurrence ou aux marchés qui importent?
M. Coulombe : Merci de votre question. En ce qui a trait aux exportations canadiennes vers les marchés européen, américain et mondiaux, nous devons nous rappeler que les exportations sont exemptées des droits d'accise. Nous savons que l'ensemble de la production de spiritueux canadienne est une industrie qui exporte beaucoup, en matière de pourcentage global de l'industrie. Aucune mesure d'accise n'a un impact sur sa compétitivité sur les marchés internationaux. Lors de l'importation au Canada de produits alcoolisés, le droit d'accise qui s'applique à l'importation est essentiellement le même que celui qui se rapporte au produit domestique, sous réserve de deux crédits, de deux programmes spéciaux en matière de vin. Donc, dans le cas du vin fait au Canada à partir de 100 p. 100 de raisins canadiens, les 47 cents par bouteille, que je mentionnais plus tôt, ne s'appliquent pas à ces produits.
Dans le cas de la bière canadienne, je crois que les brasseurs canadiens bénéficient, pour les 75 000 premiers hectolitres, ou 7,5 millions de litres brassés, de taux réduits. Par exemple, un très petit micro-brasseur qui brasse moins de 2 000 hectolitres de bière par année ne paie l'équivalent que de 10 p. 100 du taux général. La bière importée est assujettie au plein montant du droit à l'accise comme le vin, les spiritueux et tout.
La sénatrice Moncion : Quand on parle de la clause inflationniste annuelle, elle va s'appliquer à quel endroit?
M. Coulombe : À tous ces taux, que ce soit les taux réduits pour les petits brasseurs au Canada, ou les taux généraux d'accise à l'importation au Canada ou à la production au Canada. Tous ces taux seront assujettis aux ajustements inflationnistes prévus dans la mesure.
La sénatrice Moncion : Est-ce que ce serait plus facile de transférer le coût au client?
M. Coulombe : C'est la personne qui remet ici le droit à la production ou à l'importation. Il peut y avoir un report de paiement jusqu'à ce que les monopoles d'État et provinciaux sortent leurs produits de la taxe d'accise; en fait, on réduit énormément le nombre de personnes qui ont à remettre le droit en imposant plus haut dans la chaîne de distribution.
Le sénateur Pratte : J'aurais deux petites précisions à vous demander. Vous avez donné plus tôt comme exemple l'impact sur les spiritueux, mais, même si cela m'intéresse vivement, l'impact sur la bière m'a échappé.
M. Coulombe : Il s'agit de 5 cents par caisse de 24.
Le sénateur Pratte : C'est-à-dire, 2 $ et ...? Vous avez donné des exemples.
M. Coulombe : Le chiffre précis, présentement, avant le budget de 2017, est de 2,56 $ la caisse de 24, avec des bouteilles normales de 356 millilitres. Ce sont des exemples, et on sera maintenant à 2,61 $.
Le sénateur Pratte : Pour une caisse de?
M. Coulombe : 24 bouteilles.
Le sénateur Pratte : Et quand vous avez fait les projections de revenus générés par l'augmentation de cette taxe, est- ce que vous avez prévu un impact sur la demande?
M. Coulombe : Aucun.
Le sénateur Pratte : Parce que vous estimez qu'il n'y en a aucun?
M. Coulombe : À 2 p. 100, et avec l'inflation, surtout que la mesure future est basée sur l'inflation, tous les prix montent et les salaires augmentent. Il n'y a eu aucune estimation, car c'est jugé trop peu important pour qu'il y ait un impact, surtout que le 2 p. 100 s'applique à une composante qui est déjà extrêmement petite par rapport au prix final du produit au consommateur. Ce n'est pas une augmentation de 2 p. 100 du prix final, c'est une augmentation de 2 p. 100 du droit d'accise, et comme dans l'exemple sur la bouteille de vin, nous sommes dans la marge d'arrondissement. On était à 47 cents parce qu'on arrondissait vers le haut, et on est encore à 47 cents parce qu'on arrondit vers le bas.
Le sénateur Forest : Merci pour ces explications. Cela me touche en ce qui concerne les nouvelles industries de micro- brasserie qui se pointent au Canada, mais au niveau des alcools, ce qui me préoccupe beaucoup dans cette taxe... Je vous donne un exemple : le meilleur gin actuellement sur le marché s'appelle le gin Saint-Laurent, produit à Rimouski. À la SAQ, on le vend 48 $ la bouteille, même si on peut obtenir une grande marque à 28 $. Donc, quant au 2 p. 100, ce gin fabriqué de façon artisanale, comme les scotchs et autres produits qui sont beaucoup plus dispendieux, va absorber... Si je compare avec une grande marque, il va y avoir un impact beaucoup plus grand au détail que le gin d'une grande brasserie. Il va y avoir un impact assez important sur les alcools très alcoolisés faits de façon artisanale.
M. Coulombe : Merci pour la question. Le droit d'accise est toujours un droit fixe sur le volume produit et non pas sur la valeur du produit. En conséquence, par exemple, le gin dont vous me parlez, à 40 p. 100 d'alcool par volume, puisque le taux de taxation s'applique sur l'alcool pur dans les spiritueux, le taux de droit d'accise pour une bouteille de 350 millilitres serait de 3,58 $ au lieu de 3,51 $ avant le budget. Le taux de 3,58 $ est le même que pour la bouteille de gin au prix de détail de 25, 50, 100 ou 200 $, tout comme la bouteille de champagne dont le droit d'accise est le même qu'une bouteille de vin.
Le sénateur Forest : Cela n'a rien à voir avec la qualité.
M. Coulombe : D'autres taxes s'occupent d'aller chercher cette charge fiscale. Notre assiette ici concerne l'alcool.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : L'indexation d'une taxe est-elle quelque chose de nouveau? Est-ce que cela constitue un précédent?
M. Coulombe : L'indexation des droits d'accise en général est une chose qui gagne en popularité. Je pense aux produits du tabac. De nombreuses organisations du milieu de la santé ont présenté des pratiques exemplaires et affirmé qu'à cause de la nature d'un droit d'accise fixe, il devrait y avoir des mécanismes de rajustement des taux au fil du temps afin de maintenir leur valeur réelle en fonction de l'inflation.
Au début des années 1980, des mécanismes inscrits dans une loi fédérale prévoyaient le rajustement de certains droits d'accise, mais ils n'étaient pas nécessairement axés sur l'indice général des prix à la consommation. Comme point de référence, on se servait parfois de la seule inflation visant l'alcool et d'autres produits, et l'effet domino a causé des problèmes.
La sénatrice Marshall : Est-ce quelque chose de nouveau?
M. Coulombe : Le mécanisme utilisé ici existait dans le contexte de l'impôt sur le revenu et a été appliqué à l'accise en 2001 et en 2004 pour les produits du tabac. On y a maintenant recours dans la Loi sur l'accise pour ce qui est du vin, de la bière et des spiritueux.
La sénatrice Marshall : Le mécanisme a pour effet que les aspects du budget qui font l'objet d'une hausse doivent être revus tous les ans, ce qui ne sera plus le cas maintenant une fois que ce sera indexé. Ce sera fait automatiquement.
M. Coulombe : Ce sera automatique, oui.
Le président : Monsieur Coulombe, auriez-vous l'obligeance de faire parvenir à la greffière le raisonnement qui sous- tend la disposition sur l'indexation de la taxe sur l'alcool par rapport à d'autres formes d'indexation dans le régime fiscal canadien? Cette question a été portée à l'attention de la présidence.
Au nom du comité, je remercie tous les témoins qui ont participé aujourd'hui — nos hauts fonctionnaires et nos fonctionnaires. Une fois de plus, vous avez fait preuve de bienveillance, d'intérêt et d'esprit d'équipe pour appuyer les objectifs du comité des finances, qui sont la prévisibilité, la reddition de comptes et la transparence.
Mesdames et messieurs les sénateurs, merci d'avoir permis à la présidence, à la première séance consacrée à cette question, d'avoir fait progresser l'étude du projet de loi C-44. Nous avons terminé ce matin les parties 1, 2 et 3 ainsi que les sections 2, 4 et 6.
Il y aura cet après-midi une autre rencontre sur le même sujet à 14 h 15, dans la salle 160-S de l'édifice du Centre.
(La séance est levée.)