Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 34 - Témoignages du 30 mai 2017 (séance du matin)
OTTAWA, le mardi 30 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour poursuivre son étude sur les incidences financières et les considérations régionales du vieillissement démographique au pays.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je suis le sénateur Percy Mockler, président du comité et sénateur du Nouveau-Brunswick. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à tous les gens présents dans la salle et aux téléspectateurs de l'ensemble du pays qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je vous rappelle que les réunions du comité sont publiques et qu'elles sont diffusées sur le site web du Sénat, à l'adresse sencanada.ca.
[Français]
Vous y trouverez aussi de l'information concernant le comité, notamment les rapports du comité, les projets de loi à l'étude, ainsi que la liste des témoins qui ont comparu devant le comité.
[Traduction]
Je demanderais maintenant à tous les sénateurs de se présenter, à commencer par le sénateur qui se trouve à ma droite.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l'Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
Le président : Merci.
J'aimerais aussi vous présenter la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que les analystes de la Bibliothèque du Parlement, MM. Olivier Leblanc-Laurendeau et Sylvain Fleury.
[Traduction]
Ensemble, ils facilitent le travail du comité.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude spéciale sur les incidences financières et les considérations régionales du vieillissement démographique au pays. Il s'agit de la dernière réunion publique sur ce sujet avant la préparation d'un rapport provisoire.
Pour la première partie de la réunion, nous recevons deux personnes qui s'intéressent à la question du vieillissement.
[Français]
D'une part, nous accueillons une ancienne collègue du Sénat, l'honorable Sharon Carstairs, qui a siégé au Sénat de 1994 à 2011, après une longue expérience politique au Manitoba, notamment à titre de leader de l'opposition.
[Traduction]
Elle était présidente du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, qui a publié un rapport déterminant intitulé Le vieillissement de la population, un phénomène à valoriser.
Sénatrice Carstairs, merci d'être ici aujourd'hui pour nous faire part de votre point de vue sur le vieillissement de la population au Canada.
Nous avons aussi invité l'honorable Bernard Lord, qui a été premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1999 à 2006. Il est le président-directeur général de Medavie depuis septembre 2016.
Merci d'avoir accepté notre invitation, monsieur Lord.
[Français]
Merci de partager avec nous votre vision sur le vieillissement de la population canadienne.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous allons d'abord entendre Mme Carstairs, qui présentera un exposé, puis nous entendrons M. Lord.
L'honorable Sharon Carstairs, C.P., ancienne sénatrice, à titre personnel : L'étude sur le vieillissement déposée au Sénat en avril 2009 présentait de manière relativement détaillée ce qu'il fallait faire pour mieux assurer la sécurité des personnes âgées dans notre société. Elle formulait des recommandations quant à leur sécurité physique, en matière de soins de santé et de revenus, et à leur capacité de vieillir dans l'endroit de leur choix.
Malheureusement, peu de choses ont changé depuis. Nous sommes terriblement mal préparés pour nous occuper de notre société vieillissante dans presque tous ces domaines, surtout dans le Canada atlantique, puisque c'est là qu'on trouve le plus fort pourcentage de personnes âgées.
Tant que le gouvernement du Canada prendra ses décisions en fonction de la population et non en fonction des tendances démographiques de la population vieillissante, nous ne pourrons faire de changements importants. Par exemple, les fonds destinés aux personnes âgées sont calculés en fonction du nombre de personnes dans une province et non de la population âgée de cette province, ce qui fait que ceux qui vivent là où les besoins sont les plus importants sont désavantagés. Ainsi, l'Alberta, dont la population âgée ne représente que 13 p. 100 de la population, reçoit plus de financement par habitant que les provinces de l'Atlantique, dont la population âgée représente 20 p. 100 de la population.
Au Canada, de nombreuses personnes âgées vivent bien, tant sur le plan financier que sur le plan de la santé. Mais, ce n'est pas le cas de celles qui n'ont que la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti et les prestations minimales du Régime de pensions du Canada comme revenu. Ces personnes-là vivent en dessous du seuil de pauvreté. Elles sont donc contraintes de vivre dans des logements inadéquats, de choisir entre une alimentation de bonne qualité et les médicaments dont elles ont besoin et, par manque d'argent pour participer à des activités, de vivre souvent isolées et sans interaction avec les autres.
Les changements apportés récemment au RPC seront bénéfiques pour les personnes âgées de demain, mais pas pour celles d'aujourd'hui. Il est temps que le Canada envisage un Régime de revenu annuel garanti, et les personnes âgées qui vivent sous le seuil de la pauvreté constituent le meilleur groupe pilote pour un tel programme.
Il s'avère beaucoup plus compliqué d'atteindre un certain niveau de sécurité en matière de santé. Il faut d'abord commencer par vieillir en bonne santé. Le fait est que plus une personne âgée est à l'aise financièrement, plus il lui est facile de mener un mode de vie sain. Elle peut acheter des aliments de bonne qualité et tous les médicaments dont elle a besoin et prendre part à des activités physiques et culturelles, qui coûtent souvent cher. Participer à de telles activités peut prévenir l'isolement social, qui peut avoir une incidence négative sur la santé.
Le gouvernement fédéral se doit d'encourager le vieillissement en bonne santé, mais a refusé jusqu'à ce jour de concrétiser même de très simples recommandations. Par exemple, le rapport sur le vieillissement recommandait que le programme fédéral ParticipACTION, qui encourage les enfants à être plus actifs — un objectif noble —, soit élargi aux personnes âgées pour les encourager à entretenir leur santé en étant plus actifs. La marche, par exemple, est le plus simple et le moins cher de tous les exercices et un des plus sains puisqu'il engendre peu de stress musculaire. On devrait encourager les personnes âgées à marcher dehors par beau temps et à l'intérieur, par exemple dans des centres commerciaux, par mauvais temps. Les personnes qui se joignent à un groupe ont aussi plus d'interactions, ce qui manque à de nombreuses personnes âgées malheureusement. Une campagne de publicité pour promouvoir cela serait une bonne idée. Cette recommandation se trouvait dans notre rapport, mais elle a été ignorée.
Les médicaments sur ordonnance coûtent cher au Canada et peu de Canadiens ont une assurance-médicaments pour les payer. L'aide que les Canadiens peuvent recevoir pour ces médicaments diffère d'une région à l'autre, mais elle est particulièrement faible dans les provinces moins bien nanties pour des raisons économiques. Un formulaire national et l'achat en gros des médicaments les plus courants — certains pays ont une liste d'environ 4 000 médicaments, par exemple — aideraient les personnes âgées à acheter les médicaments dont elles ont besoin pour traiter leurs maladies chroniques comme le diabète, l'hypertension, l'hypercholestérolémie et d'autres.
Je pense que les provinces approuveraient la création d'un tel formulaire. Les provinces de l'Atlantique, par exemple, ont déjà pris certaines mesures pour acheter ensemble des médicaments à un prix très réduit. Cependant, les économies d'échelle seraient encore plus grandes si tous les territoires et toutes les provinces y contribuaient.
Je crois en un régime d'assurance-médicaments national, mais il faudra une véritable volonté politique pour le mettre en place et des années de négociations et de planification. On pourrait rapidement établir un formulaire national et procéder aux achats en gros sans les irritants et les querelles de pouvoir habituels entre le provincial et le fédéral. Le gouvernement fédéral se doit de montrer la voie dans ce domaine.
Le gouvernement actuel a fait un grand bond en avant en négociant un nouvel accord sur la santé et en prévoyant des investissements ciblés en matière de soins à domicile et palliatifs et de santé mentale. Il faut apporter un changement structurel fondamental en matière de soins de santé, qui mettra l'accent sur le maintien des gens chez eux dans la mesure du possible au lieu de les envoyer à l'hôpital. Pour ce faire, il faut qu'il y ait des services de soins à domicile.
C'est particulièrement important pour notre population vieillissante. Nous savons que de nombreuses personnes âgées sont hospitalisées dans des services de soins intensifs parce qu'elles n'ont pas suffisamment d'aide chez elles ou parce que leur foyer n'est pas adapté à leurs besoins. Il y a un manque criant d'autres types d'hébergement, notamment des résidences offrant des services et des centres de soins de longue durée.
La santé des aidants membres de la famille demeure un aspect du problème largement ignoré. Souvent, ce sont des personnes âgées ayant leurs propres problèmes de santé qui s'occupent de personnes âgées souffrant d'affections potentiellement mortelles ou chroniques. Bien souvent, l'aidant voit ainsi sa santé se détériorer et il n'est pas inhabituel de voir deux patients très malades au lieu d'un. Cette situation est aussi une source de stress supplémentaire pour les membres de la famille plus jeunes, ce qui a une incidence sur leur propre vie familiale et professionnelle. C'est pourquoi les programmes de soins à domicile doivent vraiment prendre en compte les aidants pour que les besoins de la famille ainsi que ceux du patient soient comblés. Le maintien à domicile des personnes âgées est un bon objectif en soi, mais il ne va pas sans problème.
Le gouvernement précédent a fait des progrès en vue de garantir la sécurité de notre population vieillissante. De nombreuses personnes âgées, surtout celles qui sont isolées, sont victimes d'abus, de mauvais traitements ou d'exploitation financière. Trop souvent, ce sont des membres de la famille qui en sont responsables. Malheureusement, cela se traduit souvent par un stress supplémentaire pour l'aidant. La campagne publicitaire lancée par le gouvernement précédent a contribué à sensibiliser la population à cet enjeu. Je n'ai cependant pas vu de publicités récemment et il reste beaucoup à faire. Les personnes âgées sont souvent victimes d'appels téléphoniques frauduleux et d'escroqueries sur le Web ou à leur porte. Il faudrait que le gouvernement fédéral lance des alertes et mène des enquêtes plus rigoureuses sur ces fraudes, notamment sur les soi-disant appels de l'Agence du revenu du Canada, et y mette un terme rapidement pour protéger ces personnes âgées vulnérables.
Ceux qui connaissent mon travail en soins palliatifs ne seront pas surpris de me voir m'attaquer à ce problème. Même s'il ne s'agit pas exclusivement d'un problème de vieillissement, la réalité est que 70 p. 100 des personnes qui meurent au Canada sont âgées de plus de 65 ans. En 1994, lorsque j'ai entrepris mon travail sur la mort et les mourants, environ 5 p. 100 des Canadiens qui avaient besoin de soins palliatifs y avaient accès. Ce chiffre frôle maintenant les 35 p. 100. Il y a cependant encore 65 p. 100 des Canadiens mourants qui ne peuvent pas recevoir de soins de fin de vie de qualité, ce qui signifie qu'ils meurent souvent dans une souffrance rebelle, attachés à des machines dont ils ne veulent pas ou dont ils n'ont pas besoin, et sans la dignité à laquelle ils sont en droit de s'attendre.
Le Canada a mis sur pied des stratégies sur le diabète, le sida et le cancer. En fait, selon mon dernier calcul, nous avons 13 stratégies nationales du genre. Or, nous n'avons toujours pas de stratégie nationale sur les soins palliatifs. C'est inadmissible, selon moi, et en dépit de l'excellent travail du Sénat, les gouvernements qui se sont succédé n'ont rien fait. Les soins palliatifs, par exemple, ne font toujours pas partie des services de base offerts aux Autochtones alors que leur santé relève exclusivement du gouvernement fédéral. Cela ne fait aucun doute : tous les Canadiens ont droit aux meilleurs soins à la fin de leur vie; or, de nombreux Canadiens se les voient refuser, ce qui est, à mon avis, une honte nationale.
Enfin, je m'en voudrais de ne pas insister sur le fait que tous ces problèmes sont encore plus graves pour les peuples autochtones. Ils ont une durée de vie plus courte, des problèmes de santé beaucoup plus graves et des logements de piètre qualité. Leur santé relève en grande partie du gouvernement fédéral, qui, au fil des années, n'arrive toujours pas à garantir à ces Canadiens l'égalité des soins.
Je ne vous ai présenté que quelques-uns des problèmes en attente d'une solution et j'attends avec impatience vos questions.
[Français]
Bernard Lord, chef de la direction, Medavie : Merci, monsieur le président, sénateurs et sénatrices. Je suis heureux d'être avec vous ce matin, et je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler d'une population vieillissante et de ses impacts sur la communauté.
[Traduction]
Je vous remercie de cette invitation. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Si j'ai accepté votre invitation, c'est en raison de votre mandat visant à étudier les incidences financières et les considérations régionales du vieillissement démographique au pays.
Notre organisme, Medavie, croit pouvoir aider. Nous avons des idées, des solutions à proposer et des initiatives que nous mettons en œuvre pour aider une population vieillissante. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de nous, de ce que nous faisons, et vous faire part des idées et initiatives que nous avons mises en œuvre pour mieux prendre soin de la population vieillissante.
Je vous ai transmis un document de présentation. Je suis présentement à la diapositive 2. Qui sommes-nous? Medavie est un organisme de soins à but non lucratif, dont l'objectif est d'offrir des solutions novatrices en matière de soins de santé. Nous voulons faciliter l'accès à des soins de qualité en vue d'atteindre de meilleurs résultats en santé, que ce soit par l'entremise de la Croix Bleue Medavie, des Services de santé Medavie ou de la Fondation pour la santé Medavie.
Permettez-moi de vous en dire un peu plus sur chacun de ces volets. Je vous invite à regarder la diapositive 3, sous le titre « Croix Bleue Medavie ». Nous sommes le plus important fournisseur de la Croix Bleue au Canada. Nous offrons des assurances collectives et des assurances individuelles, et nous offrons des programmes gouvernementaux provinciaux. Les Services de santé Medavie offrent des services d'ambulance terrestre et aérienne. Nous sommes le plus important fournisseur de services ambulanciers du Canada. Nous offrons également des communications médicales, une formation clinique et des solutions mobiles intégrées en matière de santé. Comme nous sommes un organisme sans but lucratif, nous avons créé la Fondation pour la santé Medavie.
[Français]
Nous avons créé la Fondation Medavie pour la santé, qui vise trois objectifs principaux.
[Traduction]
Les trois principaux objectifs de la fondation sont de favoriser la santé mentale des enfants et des jeunes, d'alléger le fardeau associé au diabète de type 2 et d'aider les personnes affectées par le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT; c'est notre nouvelle cause.
À la diapositive suivante, vous verrez que Medavie assure 2,9 millions de Canadiens par l'entremise de la Croix Bleue.
[Français]
Nous couvrons 2,9 millions de Canadiens par l'entremise de notre programme Medavie et la Croix Bleue. Nous avons du personnel dans huit provinces, mais nous offrons nos services partout au pays, d'un océan à l'autre, et nous employons plus de 5 500 personnes. Nous desservons une population de près de 2,5 millions de personnes dans le cadre de nos services de santé d'urgence et nous administrons plus de 3,5 milliards de dollars de réclamations annuellement et répondons à plus de 350 000 demandes de services d'urgence au Canada.
[Traduction]
L'organisme a été fondé il y a 75 ans et les valeurs de l'époque — même avant qu'il porte le nom de Croix Bleue (Canada atlantique) —, soit le partage, la bienveillance et la compassion, sont toujours les mêmes pour Medavie. Je crois qu'il est important de garder en tête ces valeurs dans le cadre de l'étude de la démographie et du vieillissement de la population, à titre de façon de mettre en œuvre les initiatives et les solutions.
La prochaine diapositive montre quelques-uns des services que nous offrons. Nous offrons des services de santé et de gestion des garanties, des services médicaux d'urgence et des services de sécurité publique 911. Je tiens à préciser que nous gérons le système du 911 et la totalité du système de SMU de certaines provinces. De plus, nous avons des installations de formation clinique. En fait, nous offrons une formation aux ambulanciers paramédicaux dans les deux langues officielles, non seulement pour notre personnel, mais aussi pour celui des Forces armées du Canada.
[Français]
Nous offrons de la formation aux paramédics et aux membres des Forces armées canadiennes dans les deux langues officielles, en anglais et en français.
[Traduction]
Nous avons également une clinique de soins de santé primaires, et nous offrons les services de télésanté 811.
Ce matin, nous avons entendu parler des défis auxquels nous sommes tous confrontés. Le Canada est confronté à des défis financiers. Les gouvernements de l'ensemble du pays travaillent fort — certains plus que d'autres — à équilibrer le budget. Nous sommes confrontés à des défis économiques afin de veiller à ce que notre économie suive les réalités changeantes du monde et les changements dans les règles commerciales mondiales. Nous sommes confrontés à des défis sociaux; nous devons assurer notre prospérité et veiller à ce que tous puissent en profiter. Nous sommes confrontés à des défis en matière d'environnement et d'énergie, et nous sommes bien sûr confrontés à des défis démographiques et sanitaires.
Votre Comité examine les incidences financières et considérations régionales associées à ces enjeux démographiques ainsi que leur impact sur la santé des Canadiens. Dans son exposé et son rapport, l'ancienne sénatrice Carstairs a mis en lumière quelques-uns des vrais enjeux auxquels nous sommes tous confrontés. Permettez-moi de vous donner quelques exemples très clairs de ce que cela signifie dans le Canada atlantique, car l'un de vos objectifs est d'examiner les considérations régionales associées au vieillissement.
La diapositive 7 présente les données sur la croissance de la population du Canada et du Canada atlantique au cours des 15 dernières années, soit de 2001 à 2016. Comme vous pouvez le constater, au cours de cette période, la population du Canada a crû de 17 p. 100, tandis que celle du Canada atlantique a crû d'un peu plus de 2 p. 100. Toutefois, si l'on regarde les données relatives aux 65 ans et plus, on remarque que cette population a crû de plus de 52 p. 100 dans l'ensemble du pays et de plus de 50 p. 100 dans le Canada atlantique.
Il n'est pas nécessaire d'être titulaire d'un doctorat en science démographique pour comprendre que l'impact est plus important dans le Canada atlantique, que le vieillissement de la population dans cette région du pays est plus rapide que dans le reste du pays. Mais, à mon avis, ce n'est pas le seul enjeu. Je crois qu'il s'agit aussi d'une occasion de trouver des solutions pour aborder la situation tout en offrant les soins dont les personnes âgées ont besoin.
[Français]
À la diapositive no 8, on voit l'augmentation des dépenses en matière de santé depuis 1976, en dollars courants. Vous voyez la courbe, vous la connaissez bien. Il n'y a aucun doute que, ce matin, je vous dis des choses que vous savez déjà, mais il est important de se le rappeler pour bien comprendre la problématique. On constate l'évolution constante de la demande de soins de santé, des dépenses en matière de soins de santé. Des courbes comme celles-ci sont souvent appelées le « bâton de hockey ».
[Traduction]
La courbe du bâton de hockey; c'est ce que nous vivons sur le plan des dépenses en matière de santé au Canada. Je serai heureux de vous parler de mon expérience à titre de premier ministre du Nouveau-Brunswick, de la portion du budget que nous devions consacrer aux soins de santé chaque année et de combien il fallait ajouter, chaque année, à cette enveloppe. Si vous me posez des questions à ce sujet, je serai heureux d'y répondre.
La prochaine diapositive, la diapositive 9, porte sur les dépenses en matière de santé au Canada. Il est vrai que nous comptons sur un très bon système public au Canada, mais il y a aussi des dépenses engagées par le secteur privé. Au Canada, on parle d'un ratio de 70-30 : 70 p. 100 des dépenses en matière de santé sont engagées dans le secteur public, tandis que 30 p. 100 sont couvertes par le secteur privé, soit par le citoyen directement, soit par une assurance privée, le reste par une autre source.
À la diapositive 10, vous verrez les chiffres tirés de nos propres données, les données de Medavie. Nous avons examiné comment les gens dépensent leur argent et pour quels services. Comment utilisent-ils leur couverture Medavie? Comme vous pouvez le constater, 76 p. 100 de la couverture sert aux soins de santé et 24 p. 100 sert aux soins dentaires. Donc, dans le diagramme circulaire de gauche, on remarque que 68 p. 100 des dépenses vont à l'achat de médicaments, 2 p. 100 aux frais d'hospitalisation et 5 p. 100 aux soins de la vue, un segment des soins de santé complémentaires dont je parlerai dans un instant. Le deuxième diagramme circulaire, à droite, présente les dépenses pour les soins dentaires qui comptent pour 24 p. 100 de la couverture. En détail, 86 p. 100 des dépenses vont aux soins de base, 11 p. 100 à des soins majeurs et 3 p. 100 à des soins d'orthodontie.
La prochaine diapositive, la diapositive 11, concerne les soins de santé complémentaires. Il s'agit d'une tendance que l'on verra de plus en plus. Outre la couverture pour les services traditionnels dont ils ont besoin, les Canadiens demandent une couverture pour des soins de santé complémentaires. Oui, ils sont couverts; soit ils paient eux-mêmes pour ces services, soit ces services sont couverts par une assurance maladie privée. On parle ici de massothérapie, de physiothérapie, de lunettes, de chiropractie. Chaque année, ces dépenses augmentent et la tendance est essentiellement la même pour tous ces services. La raison est simple : la démographie des patients change. J'y reviendrai dans un instant.
La diapositive 12 est très importante. Elle présente les données relatives aux 2,9 millions de personnes auxquelles nous offrons une couverture. Nos clients vivent tous, pour la plupart, dans le Canada atlantique, mais nous avons des clients partout au pays, d'un océan à l'autre. Vous pouvez voir sur cette diapositive, pour les polices d'assurance individuelle et collective, les données relatives aux demandes de règlement liées à des troubles cardiaques présentées en 2016. Comme vous pouvez le constater, plus les gens vieillissent, plus le nombre de demandes augmente. On remarque la même tendance en ce qui a trait à l'asthme et à la MOPC et au diabète. Le graphique situé en haut à droite, à la diapositive 12, montre la croissance par personne par rapport à l'année précédente en ce qui a trait au diabète de type 2. Le problème n'est pas seulement que plus de personnes en sont atteintes chaque année, c'est que le taux de croissance augmente. Il a augmenté de 10 p. 100 en 2013, de 10 p. 100 en 2014 et de plus de 15 p. 100 en 2016. On parle ici du taux de croissance des personnes atteintes de diabète de type 2. Ce que nous savons de cette maladie, c'est qu'elle est évitable. Près de 80 p. 100 des cas de diabète de type 2 sont évitables. Il suffit d'apporter des changements à son style de vie.
[Français]
Si vous allez à la diapositive 13, nous avons l'évolution des patients. C'est important lorsqu'on parle du vieillissement de la population, car cela a un impact sur le type de patient que le système de santé doit traiter. Lorsqu'on parle du système de santé canadien et que l'on pense aux années 1960 lorsqu'il a été créé, souvent, les demandes concernaient une fracture ou une blessure; les gens devaient se rendre à l'hôpital ou avaient une maladie qui était contagieuse et allaient voir un médecin à l'hôpital. Maintenant, on voit des patients qui ont des maladies chroniques de longue durée.
[Traduction]
Ils ont besoin de médicaments; les problèmes de santé mentale augmentent; la demande relative à la gestion de l'invalidité est en forte croissance. Cela signifie que les solutions d'aujourd'hui pour traiter la population d'aujourd'hui sont différentes de celles d'il y a 20 ans ou 40 ans. Nous devons assurer une meilleure coordination de la prestation de soins dans différents environnements par une variété de professionnels hautement qualifiés. Il n'y a plus de solution unique où tous les patients se présentent à l'hôpital pour y recevoir les soins dont ils ont besoin.
La diapositive 14 présente l'évolution des tendances des appels aux services d'urgence au cours des cinq dernières années en fonction de la croissance de la population. Nous offrons un service ambulancier pour l'ensemble des provinces du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Comme vous pouvez le constater, le nombre d'appels aux services d'urgence a augmenté de 21 p. 100 au Nouveau-Brunswick et de 42 p. 100 à l'Île-du-Prince-Édouard au cours des six dernières années. Vous pouvez voir également les tendances en fonction de la croissance de la population : plus la population vieillit, plus le nombre d'appels aux services d'urgence augmente.
À la diapositive 15, vous pouvez voir les données relatives aux mêmes tendances, mais à Saskatoon. Nous offrons des services d'urgence en Saskatchewan, dans la région de Saskatoon, et l'on peut voir que les mêmes tendances se dessinent. Il y a eu une augmentation de près de 60 p. 100 du nombre d'appels aux services d'urgence à Saskatoon au cours des six dernières années, tandis que la population de plus de 65 ans a crû de près de 20 p. 100 au cours des cinq dernières années.
Le transport des patients vers les hôpitaux est l'un des secteurs d'activité de Medavie.
[Français]
Un des services que nous offrons, c'est le transport des gens à partir du lieu où ils sont, souvent de leur domicile, vers l'hôpital. Cependant, une meilleure solution est de traiter les gens où ils sont. . .
[Traduction]
. . . traiter les gens là où ils vivent, là où ils veulent être traités. Quand on y pense, cela a non seulement une incidence sur les patients, mais aussi une incidence importante sur leurs familles. Lorsque l'on parle du vieillissement, on parle surtout de patients âgés, mais, comme l'a souligné la sénatrice Carstairs, les gens qui prennent soin de ces patients sont souvent, eux aussi, des personnes âgées. Si l'on peut éviter aux patients d'avoir à se déplacer vers les centres d'urgence et si l'on peut les traiter chez eux, cela est bénéfique tant pour le patient que pour sa famille.
Nous avons décidé de nous attaquer à cet enjeu en travaillant avec différents professionnels de la santé et différentes organisations. Si vous regardez à la diapositive 16, vous verrez que nous avons mis en œuvre des programmes, initiatives et projets pilotes dans différentes régions, de la Nouvelle-Écosse à la Saskatchewan, en passant par l'Ontario et même le Massachusetts — nous menons aussi des activités dans cet État — et l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons des projets pilotes différents. Vous pouvez voir sur cette diapositive les résultats de ces projets pilotes qui ciblent certains segments ou groupes de la population et la réduction importante du nombre de visites dans les urgences qu'ils ont entraînée. Je serai heureux de vous en parler un peu plus dans un instant.
La diapositive 17 concerne une autre initiative que nous avons lancée pour assurer la coordination des services ambulanciers, des soins à domicile et de Télésanté et travailler en collaboration avec des professionnels de la santé afin d'offrir des soins plus avantageux aux patients et contribuables. Je serai heureux de vous fournir plus de détails au cours de la période des questions.
Le président : Merci à vous deux. Avant de passer aux questions des membres, je demanderais à la vice-présidente du comité de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Cools : Je suis la sénatrice Anne Cools. J'ai eu le grand plaisir et privilège de travailler avec la sénatrice Carstairs au Sénat à l'époque où elle avait le privilège d'occuper le poste de leader du gouvernement au Sénat.
Monsieur Lord, je tiens à vous remercier et à souligner le fait que nous avons l'incroyable chance d'avoir avec nous aujourd'hui deux témoins bien renseignés dans ce domaine et bien outillés pour nous en parler. J'espère que mes collègues profiteront de cette occasion de vous interroger avec enthousiasme.
La sénatrice Eaton : Je vais d'abord m'adresser à M. Lord. Je suis convaincue, sénatrice Carstairs, que vous avez votre propre opinion sur le sujet. Est-ce que chaque province devrait être libre de fixer ses propres priorités, peut-être en fonction de leur démographie ou des besoins de leur population? Devrait-on maintenir en place un régime de soins de santé où les priorités sont fixées par le gouvernement fédéral et où l'on a recours à une solution unique?
M. Lord : C'est une très bonne question. J'avais plusieurs opinions à partager sur le sujet plus tôt et elles me reviennent maintenant.
Ce qu'il y a de merveilleux dans une fédération, c'est que le fait d'avoir des provinces différentes permet différentes innovations. Il est important au Canada de profiter du fait que nous formons une fédération où il n'est pas nécessaire que les choses soient identiques d'une province ou d'une région à l'autre.
D'ailleurs, les soins de santé en sont un exemple. Il y a 50 ans, une des provinces de la fédération a décidé de faire les choses autrement comparativement aux autres provinces du pays et d'innover — évidemment, je fais référence à la Saskatchewan. Cette façon de faire différente a eu un impact important sur le reste du pays. En analysant ce que proposait la Saskatchewan, les autres provinces ont compris qu'il s'agissait peut-être d'un bon régime. Ce régime constitue la base du régime que nous avons aujourd'hui. Il a été créé à partir d'une idée et solution novatrices d'abord mises en œuvre dans une province.
Dans un pays aussi grand que le nôtre, avec les différences et la diversité qui existent dans les différentes régions et provinces, lorsqu'il est question du vieillissement de la population, de la démographie, comme l'a souligné Mme Carstairs, les données montrent bien que la situation est différente dans le Canada atlantique comparativement à Vancouver, en Colombie-Britannique, ou au centre-ville de Toronto. On comprend alors qu'il serait préférable d'adapter les solutions en fonction des réalités de chaque région et province.
C'est ce qu'il y a de merveilleux dans une fédération. Une fédération permet aux provinces d'innover. Si les gouvernements provinciaux échouent, les électeurs le leur feront savoir, j'en suis convaincu.
Mme Carstairs : Le fait que l'innovation provienne d'endroits différents au pays explique le succès du régime de soins de santé canadien. À mon avis, le problème, c'est que ces innovations ne sont pas partagées. Ce rôle appartient au gouvernement fédéral et, honnêtement, il ne l'a pas assumé.
L'une des choses que nous avons tenté de faire au chapitre des soins palliatifs a été de ne pas créer une bureaucratie à Ottawa. Prions le ciel pour qu'il n'y ait pas une bureaucratie de plus. Je souhaitais créer un centre d'échange d'idées et de pratiques exemplaires pour toutes les provinces. Au pays, les gens tendent à vouloir réinventer la roue. Ce n'est pas économiquement efficient et certainement pas efficace pour traiter les patients.
Par exemple, le Manitoba a fait figure de chef de file au pays en créant le premier programme de soins à domicile. Le Nouveau-Brunswick a rapidement suivi avec ses Programmes extramuraux. Si les provinces sont informées de ce qui se fait ailleurs au pays, elles pourront non seulement assurer la prestation de services, mais le faire de façon plus économiquement efficiente et efficace. À mon avis, ce rôle revient au gouvernement fédéral, mais, malheureusement, il n'a pas su relever le défi.
La sénatrice Eaton : Dans votre exposé, vous avez dit qu'auparavant, 5 p. 100 des Canadiens avaient accès à des soins palliatifs et qu'aujourd'hui 35 p. 100 ont accès à ces soins. Auriez-vous des recommandations à formuler pour notre rapport sur la façon d'élargir cet accès plus rapidement et de manière plus économique?
Mme Carstairs : D'abord, précisons que la majorité des Canadiens aimerait mourir à la maison. Malheureusement, pour certains, cela ne sera jamais possible. Ils devront mourir dans un hôpital de soins de courte durée en raison du niveau et de l'intensité de soins dont ils ont besoin. Le gouvernement fédéral n'a jamais investi dans des centres de soins palliatifs, une option beaucoup moins dispendieuse que les hôpitaux de soins de courte durée. C'est la raison pour laquelle on ne trouve aucun centre de soins palliatifs à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador ou en Nouvelle-Écosse. Le Nouveau-Brunswick compte deux centres de soins palliatifs.
Si le gouvernement fédéral refuse de jouer un rôle de leader à ce chapitre et de changer son approche en matière de financement et l'orientation de son soutien, il ne réalisera jamais d'économies d'échelle. Pour mettre la situation en perspective, il en coûte de 80 $ à 100 $ par jour pour permettre à une personne de mourir à la maison. Dans un centre de soins palliatifs, on parle d'environ 350 $ par jour et, dans un hôpital de soins de courte durée, les coûts peuvent grimper jusqu'à 1 600 $ par jour.
[Français]
Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre témoignage fort éclairant, parce que c'est l'un des enjeux majeurs que doit relever le Canada. Lorsqu'on regarde notre courbe démographique, l'importance que prennent les personnes âgées de 65 ans et plus — je m'y inclus — quant à leurs préoccupations et surtout quant à leur poids politique, on prend conscience d'un phénomène, que ce soit à l'échelon municipal, provincial ou fédéral. Il y a des personnes âgées qui disposent d'un bon fonds de retraite, qui ont mené une bonne carrière, qui sont bien structurées et qui peuvent répondre à leurs besoins convenablement et efficacement. Cela modifie passablement les services à offrir, parce qu'elles veulent mener une retraite active, et tant mieux. Il faut offrir de nouveaux services.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'on a aussi une catégorie de personnes âgées très mobilisées, mais un peu moins pourvues en termes de connaissances ou de moyens, et qu'on retrouve souvent dans nos clubs de l'âge d'or. Au cours de mon ancienne carrière à la municipalité, j'ai constaté qu'il y a une catégorie de personnes âgées qui sont isolées et marginalisées, qu'on ne voit nulle part, ni aux réunions du conseil municipal, ni dans les clubs de l'âge d'or. Ce sont ces gens démunis, qui ne sont pas en mesure de revendiquer leurs droits, qui auraient le plus besoin de soutien. Ils sont souvent isolés et, quand on réussit à les identifier, ce qu'ils souhaitent, c'est réussir à manger tous les jours et à se loger, souvent dans un espace assez restreint.
Dans cette optique, comment voyez-vous la responsabilité du gouvernement fédéral et celle d'organisations comme Medavie? Comment peut-on arriver à poser des gestes qui ciblent cette clientèle de personnes âgées, qui est la plus fragilisée de toute notre société?
M. Lord : Merci de votre question, sénateur. Vous touchez à un sujet qui me tient à cœur. Lorsqu'on pense aux personnes âgées aujourd'hui, il est très important de voir les défis auxquels on fait face comme une occasion. Ce n'est pas simplement un problème, mais aussi une occasion de redonner aux gens qui ont bâti notre société. Il est parfois facile d'oublier que tout ce qu'on a aujourd'hui, on le doit aux gens qui sont venus avant nous. Des sacrifices ont été faits par de nombreuses personnes qui sont maintenant âgées et dans le besoin. Ils ont contribué à bâtir le pays dans lequel nous vivons, qui est clairement l'un des meilleurs au monde. Nous avons donc une responsabilité envers ces gens.
Il faut bien comprendre la dynamique qui crée ces situations et savoir comment établir des services pour les aider, où qu'ils soient. Une chose qu'il est important de comprendre, c'est que, parfois, il faut aller voir ces gens. Lorsqu'on regarde notre système de santé, le désir de changement, la reconnaissance du besoin est souvent présente. On l'entend dans les comités du Sénat et de la Chambre des communes. Vous pouvez visiter toutes les capitales des provinces canadiennes; les gens vont vous dire qu'il faut procéder à des changements. Cependant, ces changements sont parfois difficiles à effectuer.
Il faut reconnaître que le système de santé que nous avons est très bon dans le sens que les gens qui y travaillent sont excellents et dévoués, mais que la structure du système représente une population qui n'est pas celle d'aujourd'hui. Il faut accepter que des modifications soient faites pour aller justement répondre aux besoins des individus dont vous parlez, ces personnes âgées, marginalisées, seules, qui ne savent pas vers où se tourner. Il y a des gens en région rurale dont les enfants se retrouvent dans des centres urbains à parfois des milliers de kilomètres de distance. Ils ne sont pas là pour offrir le même soutien, comme c'était le cas il y a quelques générations. Il faut donc adapter nos systèmes.
Chez Medavie, nous aidons ceux qui peuvent adapter le système à le faire, et notre mission est de mettre sur pied des projets et des initiatives permettant de modifier le système de soins de santé en gardant les valeurs qui nous tiennent à cœur, tout en adaptant les services et le financement aux besoins d'aujourd'hui. Je vais vous donner un exemple : si l'on coordonnait mieux les services extra-muros, de télésoins et d'urgence, on pourrait augmenter pour une certaine population âgée — et même les autres — le nombre de visites à domicile d'au moins 10 à 15 p. 100 au cours des trois premières années et réduire les visites à l'urgence dans la même proportion. Voilà un exemple d'un meilleur service à coût réduit.
Le fait de réduire les coûts nous donne des options : le gouvernement peut ensuite offrir d'autres services, réduire les impôts ou payer des dettes. Le gouvernement a des options, et cela nous permet de mieux adapter nos services aux besoins des gens que vous décrivez, qui sont souvent seuls à la maison et ne savent pas où se tourner. Il faut adapter les services à ces gens.
Le sénateur Forest : En résumé, je m'inquiète du fait que l'espace public de cet enjeu soit seulement occupé par les gens bien mobilisés, bien structurés et qui ont les moyens de communiquer leurs besoins, et que ceux qui tombent entre deux chaises représentent justement la clientèle qui a réellement besoin de soutien.
[Traduction]
Mme Carstairs : Vous avez tout à fait raison. Ce sont les personnes marginalisées qui tombent entre deux chaises. Je vais vous donner quelques exemples où les provinces ont pris des initiatives pour renverser cette tendance.
Le Québec a adopté un mandat vigoureux pour s'assurer que toutes les personnes de 65 ans et plus sont inscrites au Régime de rentes du Québec et touchent une pension de vieillesse. Des responsables font du porte-à-porte pour s'en assurer. Mais, c'est la seule province au pays qui a pris cette initiative. Le fait de toucher un revenu joue un rôle important dans la qualité de vie de nombreuses personnes âgées au sein de leur communauté. Il s'agit d'un élément important.
On m'a informée récemment d'une initiative extrêmement positive lancée en Nouvelle-Écosse. Dans cette province, les paramédicaux suivent une formation en soins palliatifs. Donc, lorsqu'ils se rendent chez une personne en fin de vie, grâce à leurs connaissances et expertise, ils permettent à ces personnes de rester chez elles. Ils ne les transportent pas à l'hôpital. Peu importe que la visite s'étire sur une heure, une heure et demie ou deux heures, ils prennent le temps nécessaire pour s'assurer que la personne reçoit un analgésique qui lui convient.
Voilà le genre de projet-pilote expérimental de premier ordre dont M. Lord a parlé. Ce ne seront toutefois pas des projets de premier ordre s'ils se limitent à un certain groupe. Ils doivent être élargis à d'autres.
M. Lord : Cet exemple est l'un de nos programmes, en fait.
La sénatrice Marshall : Je vais commencer par la sénatrice Carstairs, parce qu'elle a déjà répondu à ma première question sur les progrès qui ont été réalisés jusqu'à maintenant, depuis la publication du rapport. Nous avons eu l'occasion de discuter plus tôt. Vos commentaires me portent à croire que vous êtes déçue, du moins à certains égards.
J'aimerais avoir votre avis et celui de M. Lord sur les raisons pour lesquelles nous n'avons pu progresser davantage. Est-ce en raison des coûts, ou est-ce en raison d'une déstabilisation de la situation causée par le nombre extrêmement élevé de gens qui passent par le système, les baby-boomers? Lorsque j'ai lu le rapport, j'ai constaté que beaucoup de choses sont essentiellement demeurées inchangées, par exemple les soins à domicile et l'accès aux médicaments. Il semble que nous n'avons pas beaucoup progressé.
J'aimerais avoir vos observations à ce sujet. Le coût pourrait être un aspect, mais il convient de se demander si le gouvernement joue un rôle prépondérant. Le devrait-il? Nous semblons fonctionner en vase clos. J'ai eu une certaine expérience des soins à domicile, et les coûts semblaient exploser, bien au-delà de la capacité du gouvernement de payer, et ce dès le lancement des programmes. J'aimerais avoir vos observations et celle de M. Lord à ce sujet.
Mme Carstairs : À mon avis, la structure de notre système de soins de santé doit être revue en profondeur. Nous n'obtiendrons aucun changement significatif tant que nous n'aurons pas réellement tenté de transférer les ressources financières d'un type de soins à un autre type de soins.
M. Lord a parlé de l'augmentation du budget des soins de santé à l'époque où il était premier ministre de sa province. J'ai été députée et chef de l'opposition à l'Assemblée législative du Manitoba peu avant, et j'ai constaté la même chose pour le budget du Manitoba. De nos jours, dans les provinces comme le Manitoba ou les provinces de l'Atlantique, la part du budget provincial consacrée aux soins de santé dépasse maintenant les 50 p. 100. Il faut trouver des économies d'échelle. C'est ce qu'on tente de faire dans les provinces de l'Atlantique; ils tentent de regrouper les services pour réaliser des économies, mais l'idéal serait de pouvoir faire certaines choses à l'échelle nationale, notamment l'achat de médicaments. Les prix des médicaments au Canada sont scandaleux. Un inhalateur qui coûte 1,19 $ à Cuba se vend 37 $ au Canada. De toute évidence, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond quant au prix des médicaments au pays. Nous devons trouver des façons de réduire ces coûts.
Bon nombre des recommandations contenues dans ce rapport n'étaient pas coûteuses, mais elles exigeaient une revue de nos modes de prestation des services. Je dirais que l'un des principaux obstacles, c'est que lorsqu'il a été conçu, en 1965, le système de soins de santé était fondé sur le modèle des soins actifs en milieu hospitalier. Or, à l'époque dans laquelle nous vivons, les soins de santé que nous devons offrir ne se limitent plus aux soins actifs.
M. Lord : Permettez-moi d'ajouter, sur ce dernier point, que le système est conçu pour les patients. Nous appelons cela un système, mais cela comporte de nombreux éléments. Le principe de base est fonction de la population d'il y a 20 ou 40 ans. De nos jours, les patients vivent plus longtemps, ce qui est en soi une bonne nouvelle, soit dit en passant. Il convient de ne pas perdre de vue l'aspect le plus important : les Canadiens vivent plus longtemps. C'est une bonne nouvelle, mais nous ne voulons pas vivre sans avoir les soins dont nous avons besoin. Le revers de la médaille, c'est que les gens vivent plus longtemps, mais ils souffrent d'une maladie chronique et même, dans bien des cas, de plus d'une maladie chronique. En effet, les cas de personnes atteintes d'une seule maladie chronique sont rares. Souvent, on parle de deux ou trois, voire plus, dans certains cas. Par conséquent, le niveau et le type de soins dont ils ont besoin sont très différents du modèle de soins actifs auquel on pense habituellement, où les soins sont offerts en milieu hospitalier par les médecins et le personnel infirmier. Nous devons modifier notre approche et nous adapter.
Je veux traiter de votre question sur le rythme du changement. La réalité, c'est que nos dépenses en soins de santé ont atteint des sommets inégalés. Vous avez vu le graphique. De temps à autre, je dis à la blague à ceux qui se portent candidats aux élections que s'ils veulent s'assurer de respecter une seule promesse, ils n'ont qu'à promettre d'augmenter les dépenses en santé, car c'est la plus facile à respecter. C'est une certitude.
L'important n'est pas de savoir combien nous dépensons, mais plutôt de savoir à quelles fins. Actuellement, au Canada, nous offrons des traitements et des services qui n'étaient pas offerts il y a 20 ans, mais les demandes et les attentes ont crû bien plus rapidement que l'offre de services. Voilà pourquoi il est essentiel et nécessaire d'apporter des changements. Certes, le système évolue, mais nous devons accélérer le rythme des changements. Il y a une certaine résistance qui découle parfois de la peur.
Au Canada, on avait l'habitude de considérer les questions linguistiques comme le troisième rail de la politique canadienne, mais aujourd'hui, c'est probablement le système de santé. Les gens évitent cet enjeu, car ils craignent de se heurter à une forte opposition. Cela dit, nous devons le modifier. Nous devons trouver des façons de l'améliorer, même si cela signifie qu'il faudra apporter des changements qui ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre au début.
La sénatrice Marshall : D'après mon expérience du système de soins de santé et du système de soins communautaires, en tant qu'ancienne fonctionnaire et politicienne, je crains que les changements structurels dont nous avons besoin ne se concrétisent pas, étant donné la taille considérable du système de soins de santé. Je pense qu'on verra peut-être des foyers d'innovation, mais je ne m'attends pas à ce qu'on puisse apporter des changements structurels. À mon avis, les changements seront rares; ils découleront de la nécessité d'endiguer les coûts et non d'une modification de la structure du système de soins de santé. Cela revient à tenter un virage à 180 degrés.
M. Lord : Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais il n'est pas nécessaire de vouloir tenter l'impossible pour obtenir le résultat souhaité, car cela mènerait probablement à l'échec. Je pense qu'il importe plutôt d'apporter des changements graduels qui ont une incidence positive et significative pour les gens. C'est possible, et cela se fait déjà. Nous devons simplement encourager et faciliter ce genre de choses.
Je tiens à répéter que les gens qui travaillent dans le système de soins de santé sont des gens extrêmement dévoués. Ils travaillent avec acharnement lorsqu'ils interviennent auprès des patients et ils offrent des soins exceptionnels. Parlez aux Canadiens. Ils vous diront que lorsqu'ils reçoivent les soins dont ils ont besoin, ces soins sont d'excellente qualité. Le problème, c'est que l'attente est parfois trop longue.
La sénatrice Marshall : Toutefois, certains d'entre nous voudraient accélérer les choses.
M. Lord : Je suis du nombre.
La sénatrice Moncion : Sénatrice Carstairs, j'ai lu votre rapport, que j'ai trouvé très bon. Vous y avez abordé tous les enjeux. Mes questions portent sur les quelques points sur lesquels je suis en désaccord avec vous.
Vous parlez d'aspects qui n'ont pas semblé progresser. Dans de nombreuses collectivités rurales, on a observé que les gens collaborent pour offrir des soins à domicile, parce que c'est un service nécessaire. Des progrès ont donc été réalisés dans le domaine des soins à domicile au cours des sept ou huit dernières années.
Comment pouvons-nous déterminer les coûts associés à cet aspect des soins à domicile? Voilà où je vois les progrès les plus marqués. Les collectivités financent des centres de soins palliatifs. Des groupes financent les soins à domicile destinés aux personnes plus âgées, qui forment la majorité des patients. Ce matin, un déjeuner a été organisé sur la Colline du Parlement pour financer les soins de santé à domicile. Des gens de partout au Canada œuvrent dans le secteur des soins à domicile; leur devise est la suivante : « Ça se passe maintenant ». Que pouvons-nous faire pour que ces gens aient les fonds nécessaires pour offrir des soins — des soins de qualité, à mon avis — aux gens des régions rurales?
Mme Carstairs : Eh bien, je pense que cela varie d'une collectivité rurale à l'autre.
La sénatrice Moncion : Je parle du Nord de l'Ontario.
Mme Carstairs : Je suis allée dans des collectivités rurales où les services ne sont pas d'aussi bonne qualité.
Cela dit, j'estime que les gens des collectivités rurales ont généralement tendance à resserrer les liens de façon plus positive que ceux des collectivités urbaines, où le sentiment d'isolement est souvent beaucoup plus présent qu'en milieu rural. J'espère que les nouveaux fonds accordés aux provinces pour l'amélioration des services de soins à domicile et de soins palliatifs serviront à mettre en œuvre et à appuyer les programmes comme ceux dont vous parlez.
Malgré la générosité dont ils font preuve, les citoyens ont des ressources limitées, en temps, en argent et même pour le transport. Je souligne au passage que le transport est un enjeu majeur dans les collectivités rurales. Amener les patients à l'hôpital ou dans un centre de soins palliatifs — ou même aider les familles à se déplacer — est souvent extrêmement difficile.
Donc, concrètement, j'espère que les nouveaux fonds favoriseront ce genre de choses. Ce financement est essentiel pour faire bouger les choses. Réserver ces fonds aux soins à domicile, aux soins palliatifs et aux soins en santé mentale pourra peut-être accélérer l'élimination du cloisonnement.
La sénatrice Marshall a soulevé un excellent point. Le système que nous utilisons depuis 1965 ne peut être transformé du jour au lendemain. C'est impossible. Des intérêts particuliers sont en jeu, comme ceux des fonctionnaires, des administrateurs d'hôpitaux ou encore des médecins qui considèrent que leur spécialité a préséance sur toute autre spécialité du centre hospitalier. Il faut innover pour changer les choses, car cela ne se fera pas du jour au lendemain.
À mon avis, ce rôle ne revient pas au gouvernement fédéral; je pense que l'innovation doit venir des gouvernements provinciaux. Toutefois, étant donné leurs ressources financières limitées, les provinces — notamment le Manitoba, où j'étais auparavant, ou la Nouvelle-Écosse, où j'ai vécu pendant 21 ans — ne pourront apporter ces changements sans financement externe.
La sénatrice Moncion : Nous examinons le rôle du gouvernement fédéral, mais il y a des limites au financement qu'il peut offrir aux provinces. La santé est de compétence provinciale; il est donc très difficile pour le gouvernement fédéral d'intervenir dans ce dossier. Il faut donc, comme toujours, chercher à établir un équilibre entre la capacité et la volonté des provinces de faire certaines choses, d'une part, et la capacité du gouvernement fédéral d'intervenir, d'autre part. C'est un défi qui existe depuis toujours. Comment pouvons-nous régler la question? Monsieur Lord, vous avez de l'expérience à cet égard, puisque vous avez été premier ministre d'une province.
M. Lord : C'est exact. La santé est de compétence provinciale et elle doit le demeurer. Je ne pense pas que la santé devrait être de compétence fédérale. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à nous d'en décider ce matin, de toute façon.
Je pense que les provinces pourront innover davantage que ne pourrait le faire une entité nationale unique. Les défis dont la sénatrice Marshall a parlé seraient encore plus importants à l'échelle nationale qu'ils le sont à l'échelle provinciale.
Je suis plutôt optimiste de nature. Je pense que les décideurs de politiques publiques et les élus se rendront compte que les Canadiens méritent et veulent davantage que ce qui leur est offert. Les pressions qui nous poussent à nous adapter à la nouvelle réalité sont bien présentes et continueront de s'intensifier. Nous répondrons aux attentes. Notre entreprise répondra à ces attentes et participera à la mise en œuvre de ces solutions novatrices. Je crois que les décideurs en feront autant. Sinon, nous laisserons tomber une génération entière.
La sénatrice Moncion : En effet.
M. Lord : Ce ne serait pas vraiment acceptable. Lorsque je réfléchis à la façon d'y arriver, j'en conclus que dans la sphère publique, les choses sont plutôt simples : tout est une question de choix et de priorités. Chaque semaine, vous siégez à ce comité, ou à un autre, puis vous présentez des demandes à la Chambre des communes. Le gouvernement reçoit d'innombrables demandes de fonds publics, mais la capacité de l'économie d'assurer la pérennité de tous ces programmes et tous ces services est limitée, tout comme la capacité de payer des contribuables, d'ailleurs. Par conséquent, nous devons définir clairement les priorités, même si cela entraîne parfois des choix difficiles. On voit déjà ce genre de choses, mais il faut en faire plus.
Il faut encourager les provinces et les administrations qui sont prêtes à redoubler d'ardeur pour innover et surmonter les difficultés. Il convient de les aider, et c'est là le rôle que nous souhaitons jouer, chez Medavie. Nous sommes un organisme à but non lucratif présent dans huit provinces. Nos racines sont principalement dans les provinces de l'Atlantique, mais nous œuvrons dans l'ensemble du pays. Nous croyons que notre organisme peut aider à mettre en place ces solutions pour améliorer les soins offerts aux Canadiens. C'est notre mandat; notre organisme vise à faciliter l'accès à des soins de meilleure qualité pour améliorer les résultats en matière de santé.
Une idée novatrice comme celle de combiner les services extra-muros, de télésoins et d'urgence, permettrait d'augmenter le nombre de visites à domicile. Nous pouvons réduire le nombre de déplacements inutiles à l'hôpital. Nous pouvons effectuer des visites de suivi à domicile plus fréquentes, comparativement à un établissement de soins aigus. C'est une meilleure solution pour les patients et pour les familles, et c'est ce que veulent les patients. Pour les contribuables, cela entraînerait une économie de coûts, par personne, ce qui est un avantage important. On n'a qu'à regarder la courbe de croissance projetée pour le constater.
C'est peut-être simplement ma nature, mais je suis optimiste. Le changement qu'on observe n'est pas seulement lié à l'évolution des besoins des patients, mais aussi à leurs connaissances et à leurs attentes. Ils exigeront plus. Les Canadiens font preuve d'une grande patience, mais ils finiront par exiger des changements importants, car ils n'accepteront pas de ne pas obtenir les soins dont ils ont besoin, ou de voir que leurs proches ne reçoivent pas les soins qu'ils méritent.
Mme Carstairs : Je tiens à faire un bref commentaire. Je ne suis pas d'accord avec vous deux pour dire que la santé est une compétence provinciale. Aux termes de la Loi de 1982, le Canada en fait une compétence partagée. Le gouvernement fédéral est le cinquième plus important fournisseur de soins de santé au pays, après la Colombie- Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Québec. Il assure la prestation des soins de santé aux Autochtones. Il assure la prestation des soins de santé aux militaires et aux anciens combattants. Il assure la prestation des soins de santé à tous les Canadiens incarcérés. Il assure la prestation des soins de santé aux réfugiés. Dire que le gouvernement fédéral ne peut jouer un rôle à cet égard est tout simplement inexact.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie tous les deux d'être ici. Vous nous avez présenté deux points de vue très différents et fort intéressants. J'ai une question pour chacun d'entre vous et, par respect pour mes collègues, je serai aussi concise que possible.
Monsieur Lord, votre organisme est fascinant, et je pense qu'il reflète l'orientation actuelle que prennent les soins de santé. Vous m'excuserez de le mentionner, monsieur le président, mais au sein du Comité des affaires sociales, nous menons une étude sur la robotique et les avantages les plus fascinants qu'ils peuvent offrir aux provinces. Je sais que vous avez parlé de télémédecine, mais faites-vous quelque chose d'autre en complément, et comment la robotique est- elle acceptée du côté des provinces? C'est une technologie qui permet de réaliser des économies considérables.
M. Lord : Avant de répondre à la question, je tiens à dire, sans équivoque, que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le dossier des soins de santé. C'est toujours principalement une question de compétence provinciale. Il existe des façons de créer des partenariats pour s'assurer que cela fonctionne, et nous sommes heureux de faciliter ces partenariats quand il convient de le faire.
Lorsque vous envisagez d'adopter de nouvelles technologies pour offrir des soins, c'est essentiel. Nous investissons. Nous avons aussi investi des montants d'argent considérables dans l'analytique pour déterminer qui sont les patients et où ils se trouvent. Par le truchement de notre fondation, nous avons notamment financé un petit programme novateur de concert avec l'Association canadienne du diabète. Je vous ai montré des tableaux. Nous observons la hausse des cas de diabète dans tous les segments de la population, pas seulement les gens qui vieillissent. Le diabète est en hausse partout. Nous avons décidé de financer un programme pour les mentors personnels afin d'aider les gens qui sont pré- diabétiques pour faire en sorte qu'ils ne deviennent pas diabétiques et qu'ils n'aient pas du tout de symptômes, et cela fonctionne.
Une partie de ces résultats nous vient des analyses réalisées à partir des données que nous avons tous dans nos systèmes afin d'aider les patients avant qu'ils en arrivent à ce point critique. En nous servant de ces renseignements, nous pouvons offrir des soins. Au lieu d'attendre que les gens soient malades et qu'ils viennent frapper à notre porte, nous pouvons les aider à cerner les besoins qu'ils auront et, espérons-le, à apporter les changements nécessaires à leur style et à leurs habitudes de vie pour prévenir le diabète et avoir moins de maladies chroniques en vieillissant.
Idéalement, tout le monde voudrait vivre en santé jusqu'à l'âge de 101 ans et partir en rêvant pendant la nuit. Malheureusement, la plupart des gens ont tendance à être malades pendant très longtemps avant que cela se produise. Alors, allégeons ce fardeau. Et une façon de le faire est au moyen de l'analytique et des données. À un moment donné, la robotique finira peut-être par jouer un rôle dans notre façon d'offrir des soins. Nous parlons du vieillissement des patients, mais la main-d'œuvre aussi vieillit.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est intéressant.
Madame Carstairs, je pense que les arguments que vous soulevez sur le système de soins de santé fédéral sont très justes. Comme j'ai siégé à nombre de ces comités, j'estime qu'il est temps — et je me demande si vous êtes du même avis — que Santé Canada revoie ses objectifs et leur fonctionnement.
Je comprends ce que vous dites lorsque vous affirmez que les provinces sont responsables des soins de santé. Je comprends aussi que le fédéral verse du financement et que les provinces ne vous permettent pas de dire qu'elles doivent justifier la façon dont elles le dépensent. Alors pour différents programmes, cela devient difficile.
Que pensez-vous de l'idée que Santé Canada se penche attentivement sur la meilleure façon pour le ministère de verser aux provinces les montants énormes d'argent qu'il accorde et de les renseigner?
Mme Carstairs : Absolument. Nous faisons l'examen des forces armées et des dépenses militaires. Nous faisons l'examen des Affaires étrangères. Nous n'avons pas mené d'examen essentiel de Santé Canada depuis sa création. Oui, nous pourrions avoir différentes idées concernant l'issue de ce type d'examen mais, au bout du compte, il est clair qu'il faut le faire, et le plus tôt sera le mieux. Honnêtement, Santé Canada n'honore pas non plus le mandat qui est le sien s'il n'offre pas de soins palliatifs comme service essentiel aux Autochtones, par exemple.
Mais je veux revenir à la question de la robotique, sénatrice Stewart Olsen, car lorsque j'essayais de faire en sorte que le Portail canadien en soins palliatifs devienne fonctionnel... Ceux d'entre vous qui ne sont jamais allés sur le site web de ce portail devraient le faire. Il reçoit maintenant 1,5 million de visiteurs chaque année. Il est dans les deux langues officielles et il offre le type d'appui nécessaire à la maison : de l'information, du soutien aux personnes en deuil et des interactions avec les autres.
La première fois que je l'ai mentionné dans une allocution, un homme s'est levé et a dit : « Je ne veux pas parler à un ordinateur si je suis à l'article de la mort. » Une autre femme s'est aussi levée pour demander si elle pouvait répondre à ce commentaire. J'ai bien sûr accepté. Elle a dit : « Je vis à Kelowna, en Colombie-Britannique, et j'ai un cancer du sein au stade 4, et le meilleur soutien que je reçois me vient d'une ligne d'appel à Gander, à Terre-Neuve. »
En conséquence, la robotique est une chose de l'avenir. Elle se concrétisera. Les gens s'y adapteront et s'y ajusteront, mais il est clair que la chirurgie robotique remplacera nos chirurgies actuellement les plus agressives, qu'elle fera le travail plus efficacement et qu'elle le fera, bien honnêtement, à un coût considérablement moins élevé qu'à l'heure actuelle.
Le sénateur Pratte : Notre étude porte sur les incidences financières et les considérations régionales du vieillissement démographique au pays. Il a, entre autres, été question de rajuster la formule de péréquation en fonction du profil d'âge de la population de chaque province. Je me demande si vous seriez d'accord avec pareille idée et si vous pensez qu'elle pourrait ouvrir la formule de péréquation à d'autres idées avec lesquelles nous pourrions ne pas être d'accord. D'autres provinces pourraient dire : « Pourquoi ne tenez-vous pas aussi compte de la grandeur d'une province ou d'un territoire? » ou d'autres facteurs, ce qui m'inquiète un peu. Une fois qu'on ouvre une formule, qui sait quelles autres idées pourraient être soulevées?
Mme Carstairs : Je vais aborder ce point en premier, car il faisait partie des recommandations de notre rapport, et si vous pensez qu'il n'y a pas été question de péréquation, vous avez tort. Il en a été question, et nous avons rejeté cette possibilité. Nous l'avons rejetée en faveur d'un fonds spécial qui verserait du financement complémentaire aux provinces aux populations croissantes et non proportionnelles au reste du pays. C'est à cause des difficultés que cela suppose. Ouvrir la formule de péréquation est un peu comme ouvrir la Constitution. C'est une question très complexe.
M. Lord : C'est une discussion intéressante à laquelle j'ai eu le plaisir de participer pendant un certain nombre d'années, et je suis ravi de l'avoir fait.
Je pense qu'il est important de tenir compte des différents types de transferts qui sont faits aux provinces. Je recommande que, si le gouvernement fédéral veut tenir compte de la population vieillissante, qui est plus importante dans certaines provinces que d'autres, il ne devrait pas le faire dans le cadre de la péréquation, mais bien d'autres transferts fédéraux.
Vous pourriez avoir une situation où une province ne reçoit pas de paiements de péréquation, mais où elle devrait recevoir un dédommagement ou plutôt un soutien supplémentaire dans le contexte d'un transfert en matière de santé ou de programmes sociaux en raison de sa population vieillissante.
Il y a beaucoup d'idées fausses. Je ne parle pas ici en tant que PDG de Medavie, bien que ce soit mon rôle. Je vais m'éloigner de ce poste pour redevenir, pendant un instant, un ancien élu.
Le gouvernement fait nombre de transferts à chaque province. La péréquation ne vise pas que certaines provinces. C'est vrai pour la péréquation, mais chaque province reçoit des transferts fédéraux. La péréquation est un autre paiement qui vient du gouvernement fédéral et qui est prévu dans la Constitution, et elle s'est retrouvée dans la Constitution en raison du travail, principalement, de nombreux premiers ministres provinciaux, dont le président qui a étudié de très près la question, le premier ministre Richard Hatfield, du Nouveau-Brunswick, et qui s'est assuré qu'elle figurerait dans la Constitution.
C'est une idée que vous pouvez, en gros, simplifier puisque nous sommes tous des Canadiens, quel que soit l'endroit où nous vivons.
Le sénateur Pratte : Je me demande si vous pourriez expliquer davantage ce point, dont il a été question dans le livre que le président a vanté avec beaucoup d'enthousiasme sur l'idée de deux Canada. Dans les provinces de l'Atlantique, la population vieillit très rapidement. Vous y avez fait allusion dans vos remarques liminaires, monsieur Lord. Dans certaines provinces, en particulier celles de l'Atlantique, la population vieillit très rapidement; or, si on ne fait rien, elles seront laissées pour compte non seulement à cause du vieillissement, mais parce que celui-ci entraîne un ralentissement de la croissance économique, et cetera. Cela présente un risque pour le pays en entier.
M. Lord : Oui, il y a un risque, et les provinces atlantiques sont des précurseurs de ce qui pourrait survenir ailleurs au pays. Aucune province ne devrait se croire à l'abri d'une population vieillissante. C'est seulement que le taux de changement et son rythme diffèrent d'une région à l'autre.
Avant que je réponde à cette question de façon précise, si vous me le permettez, je pense qu'il est important pour les provinces atlantiques de faire aussi leur part. Il ne suffit pas de venir ici, ou ailleurs, et de dire : « Donnez-nous plus de financement; notre population vieillit. » Je crois que le Canada atlantique doit renforcer son économie et s'adapter aussi à cette réalité changeante. Ce n'est pas le problème de quelqu'un d'autre. Je vis au Canada atlantique. C'est notre défi, mais j'estime que c'est aussi un enjeu canadien. Nous pensons au Canada atlantique, mais si vous allez dans le Nord de l'Ontario rural, au Manitoba et dans certaines parties de la Saskatchewan, vous verrez que la situation est très semblable. Vous le verrez aussi dans certains secteurs à l'extérieur de Montréal, au Québec.
[Français]
Dans les régions, chez nous, au Saguenay, les défis démographiques sont très similaires à ceux des provinces atlantiques. Il faut reconnaître cette différence, cette réalité, et la nécessité de s'adapter à cette réalité. Si les gens souhaitent que les choses soient comme elles l'étaient dans le passé, il sera difficile de répondre à ces besoins. Cependant, il y a une adaptation qui doit se faire et nous devons reconnaître qu'il y a une évolution au niveau démographique qui fait en sorte que les systèmes et les structures doivent s'adapter aussi.
[Traduction]
J'ai mentionné le vieillissement de la population au Nouveau-Brunswick. Si vous augmentez d'environ 2 p. 100 la population des 15 dernières années, vous remarquez une hausse de plus de 50 p. 100 du nombre de personnes de 65 ans. Si vous prenez le nombre de personnes qui participent à la vie active au Nouveau-Brunswick, vous constatez qu'il y a moins d'une personne qui travaille pour chaque personne qui ne travaille pas. Au fur et à mesure que la population vieillit, on en viendra à avoir une personne qui travaille pour deux personnes qui ne travaillent pas. Il pourrait s'agir d'étudiants ou d'aînés, et ils exercent de nombreuses pressions sur la personne qui travaille.
Nous dirons que la seule façon de régler cette question est de hausser les impôts, car nous voulons payer tout le monde. Au bout du compte, ce système ne tient pas, alors je pense qu'il est important de noter que les questions que vous vous posez sont fondamentales pour l'avenir du pays et qu'elles auront une incidence considérable sur notre façon de prodiguer des soins de santé, d'offrir d'autres services et de financer toutes les choses dont nous avons besoin.
Voilà pourquoi j'ai accepté l'invitation parce que, de toutes les questions auxquelles nous devons répondre, celles qui portent sur les données démographiques... Il nous arrive de dire : « Accueillons plus de personnes et espérons que cela va marcher », mais on ne peut compter là-dessus comme solution, car si cela ne fonctionne pas, le problème reste entier. Voilà pourquoi il est si important d'adapter nos systèmes et de nous faire à l'idée que nous vieillissons et vivons plus longtemps, ce qui, en soit, est un bon problème à avoir. Ne perdons pas cela de vue. C'est un bon défi, et non un problème. Je suis simplement heureux de proposer des idées et, dans le cadre de mon travail, de proposer des initiatives pour régler le problème.
Le sénateur Ngo : Merci de nous avoir donné d'aussi bons renseignements. Ma question a déjà été abordée brièvement par tous les autres sénateurs. Le Canada devrait-il se concentrer davantage sur Internet et les médias sociaux à l'avenir pour aider les baby-boomers? Pendant que nous parlons, nous ne rajeunissons pas. Compte tenu de notre petite population et de notre vaste superficie, cela pourrait-il façonner l'avenir pour ce qui est de limiter les dépenses dans les soins de santé et rehausser la qualité de vie?
M. Lord : Il sera nécessaire à l'avenir d'utiliser tous les outils à notre disposition, y compris les médias sociaux, l'analytique et la robotique, pour s'adapter à cette nouvelle réalité. À mon sens, ce n'est pas une question de limiter les dépenses, mais plutôt de mieux utiliser les investissements que nous faisons et les impôts payés par les contribuables. Quand nous dépensons les fonds publics, nous ne devrions jamais oublier que quelqu'un a eu à travailler pour verser cet argent au départ. Quelqu'un a travaillé pour payer ces impôts. Quand le gouvernement reçoit et dépense l'argent des contribuables, il a l'obligation de le faire au meilleur escient possible. Si des changements, des innovations et l'utilisation de nouvelles technologies sont nécessaires, alors nous devrions le faire.
Mme Carstairs : La technologie est ici pour rester, bien que certains d'entre nous ont tendance à être plus analphabètes de l'informatique que d'autres et y sont réfractaires jusqu'au bout. Je pense, en particulier, à mon époux, qui s'y oppose de toutes ses forces. C'est la façon de faire de l'avenir, mais nous ne devons pas oublier qu'il y a actuellement des octogénaires et des nonagénaires qui, pour la plupart, ne s'adapteront pas à cette technologie. Alors, on ne peut pas simplement faire appel à la technologie dans tous les cas.
C'est frustrant pour certaines personnes de 95 ans de prendre le téléphone et d'écouter les messages enregistrés se succéder — vous l'avez tous vécu et vous savez tous ce que c'est —, si bien qu'elles raccrochent et ne s'occupent pas du problème qu'elles doivent régler.
Il faut toujours mettre en balance notre recours à la technologie, qui est absolument essentiel à notre avenir, et le besoin de reconnaître que certaines personnes ne sont pas encore rendues là.
M. Lord : Si je peux ajouter quelque chose sur ce point, lorsque nous versons des paiements de réclamation au nom de nos clients, nous couvrons près de 3 millions de Canadiens avec nos régimes de la Croix Bleue à Medavie, et nous avons différents groupes. Il y a des gens qui veulent voir quelqu'un en personne pour recevoir le paiement de leurs réclamations. Ils viennent à notre bureau de Paiement express pour être servis par une personne. Ils arrivent avec leur relevé papier pour être remboursés et veulent partir avec un chèque. Nous offrons vraiment ce service. Il y a d'autres gens qui ne veulent ni contact humain ni papier et qui préfèrent tout régler par téléphone. Nous offrons aussi ce service.
Il est important de s'adapter aux différents groupes que nous avons en même temps; il n'existe pas de solution unique qui convienne à tout le monde. Comment pouvons-nous offrir la meilleure solution à ceux qui le veulent? Vous pouvez dire qu'une option coûte moins cher que l'autre, mais il est important de répondre aux besoins de cette personne.
Le sénateur Marwah : Madame Carstairs, vous avez mentionné qu'il y avait 13 stratégies nationales, mais, malgré cela, nous n'avons toujours pas instauré de stratégie nationale en matière de soins palliatifs.
Monsieur Lord, je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que ce sera réglé avec une centaine de petites étapes nécessaires pour réformer le système, mais j'estime qu'une stratégie en matière de soins palliatifs est une première étape d'une évidence aveuglante pour déterminer comment régler ce problème.
Pourquoi les gouvernements qui se sont succédé ne s'y sont-ils pas attachés? Ils ne sont pas stupides. Cela ne représente pas une menace pour un fournisseur de soins, un médecin ou qui que ce soit. Alors pourquoi cette réticence à élaborer une stratégie? C'est un problème d'une évidence aveuglante.
Mme Carstairs : Je l'ignore. Nous sommes presque arrivés à instaurer une stratégie nationale en 2005. Le gouvernement qui a accédé au pouvoir par la suite a décidé que ce n'était pas ainsi qu'il voulait procéder. On ne m'a jamais donné d'explication à ce sujet. Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi de ne pas instaurer de stratégie nationale en matière de soins palliatifs. Comme je l'ai déjà dit à la table du Cabinet, nous allons tous mourir, et ce pourrait être du diabète, d'une insuffisance cardiaque ou de la maladie d'Alzheimer, mais nous allons tous mourir. Si nous pouvons instaurer des stratégies sur tout le reste, je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas avoir de stratégie sur la façon d'aider les gens à mourir dans la dignité au Canada.
M. Lord : Tout ce que je peux dire à ce sujet, c'est que notre organisme serait très heureux d'appuyer une telle stratégie et de participer à son élaboration. Nous mettons déjà en œuvre des solutions. Certains de nos employés accomplissent aujourd'hui un travail utile en prodiguant de véritables soins à domicile pour aider les patients durant cette transition, qui constitue, dans certains cas, la dernière étape de leur vie. Nous serions tout à fait disposés à aider le gouvernement, à l'échelle tant fédérale que provinciale, à trouver des réponses. Il s'agit de questions fondamentales pour notre mandat.
La sénatrice Eaton : J'ai une très brève question à poser. Y a-t-il une place dans le régime canadien de soins de santé pour un système privé plus important?
M. Lord : Cela dépend de ce qu'on entend par système privé.
La sénatrice Eaton : Disons un système dans lequel les gens peuvent payer des frais s'ils souhaitent obtenir un service plus rapide?
M. Lord : Les gens paient déjà certains soins offerts dans le système. On utilise, de temps à autre, des mots qui suscitent la peur, pour ainsi dire. « Pourquoi n'y a-t-il pas eu de changement? » Parfois, il y a une résistance. Ensuite, les gens lancent des mots comme « privatisation », « américanisation » ou « système de santé à deux vitesses ». Cela peut créer beaucoup de crainte et de résistance. La crainte accapare l'esprit non seulement des citoyens, mais aussi des élus. Les élus prennent peur lorsqu'ils entendent parler de ces choses.
Peu importe s'ils ont une assurance privée, je pense que les citoyens canadiens se rendent compte qu'il y a un certain niveau de soins. Le système est beaucoup plus complexe qu'avant. Le secteur privé a un rôle à jouer au Canada. Pour ce qui est de savoir si ce rôle se prête au contexte hospitalier, c'est là une autre question dont je n'ai pas l'intention de parler aujourd'hui parce que je ne veux pas que ce soit le point de mire de notre discussion d'aujourd'hui.
La sénatrice Eaton : En tant qu'élu officiel, vous n'avez rien à dire?
M. Lord : J'ai beaucoup de choses à dire, mais je représente également une entreprise. Il y a un rôle à jouer. Nous offrons des services de soutien du secteur privé. Je pense qu'il y a un rôle pour les particuliers et les organismes comme le nôtre. Ce n'est pas une question de privatisation. Il s'agit parfois d'une meilleure solution qui coûte moins cher aux contribuables.
Permettez-moi de reformuler ma pensée : le gouvernement peut être le bailleur de fonds, c'est-à-dire le payeur unique, mais il n'a pas besoin d'être le seul fournisseur de tous les services. En permettant à d'autres organismes, notamment du secteur privé ou du secteur sans but lucratif, d'offrir certains services et en les obligeant à rendre des comptes, nous pouvons alléger le fardeau qui pèse sur le système.
Mme Carstairs : Je crois que nous observons déjà une grande participation du secteur privé, et ce sera de plus en plus le cas. Je crois fondamentalement que tous les Canadiens sont égaux et qu'ils ont tous droits à l'égalité des services. Je crains toutefois pour ce principe lorsqu'il est parfois question du secteur à but lucratif. Le type d'organismes dont parle Bernard Lord, c'est-à-dire les organismes sans but lucratif, effectuent un travail excellent et important, et ils joueront un rôle de plus en plus actif. Par contre, je me méfie du secteur à but lucratif dans le contexte de la prestation des soins de santé.
La sénatrice Marshall : Je suis intriguée par les 13 stratégies dont a fait mention la sénatrice Carstairs. Pourriez-vous nous en fournir la liste? Je crois que ce serait utile pour la rédaction de notre rapport final. Je me demande si cette information pourrait être mise à la disposition du comité.
Mme Carstairs : Je n'ai pas la liste à portée de la main. Je suis au courant des stratégies sur le sida, le diabète et le cancer, mais je suis sûre que vos recherchistes à la Bibliothèque du Parlement pourront trouver, sans aucune difficulté, toutes les autres stratégies nationales en matière de soins de santé.
Le président : Il est maintenant 11 heures. Nous vous remercions de nous avoir fait part de vos observations, de votre vision et de vos suggestions.
Chers collègues, pour la deuxième partie de la séance, nous allons entendre un exposé préparé par Statistique Canada, qui nous donnera un aperçu de la situation démographique au Canada, assorti de quelques prévisions pour nous permettre de dégager certains des défis inhérents au vieillissement de la population canadienne.
[Français]
Nous accueillons M. Laurent Martel, directeur de la Division de la démographie. Monsieur Martel, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. La parole est à vous.
Laurent Martel, directeur, Division de la démographie, Statistique Canada : Merci. C'est avec plaisir que je suis avec vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler de certaines tendances régionales associées au vieillissement démographique au Canada.
L'objectif de mon exposé d'aujourd'hui est de vous montrer que les moyennes nationales masquent des différences régionales importantes. Vous me direz sans doute : « Eh bien, il en a toujours été ainsi; ce n'est rien de nouveau. » C'est vrai, mais il y a des raisons de croire qu'en matière de démographie, les différences régionales au Canada sont en train de s'accentuer du simple fait que l'immigration et la migration interne sont devenues des vecteurs essentiels de la croissance démographique dans bien des régions du pays. Certaines régions profitent de l'immigration et des migrations internes et d'autres, pas tellement. C'est ce qui explique les disparités régionales non seulement dans le taux de croissance démographique, mais aussi dans la structure par âge.
Tout d'abord, je tiens à vous rappeler que, comparativement aux autres pays du G7, le Canada a encore l'une des populations les plus jeunes lorsqu'on tient compte de la proportion de personnes âgées. Cette proportion est moins élevée au Canada que dans les autres pays du G7, à l'exception des États-Unis. En effet, la proportion de personnes âgées est moins élevée aux États-Unis qu'au Canada en raison d'une plus forte fécondité depuis 30 ans. Au cours des dernières décennies, le nombre moyen d'enfants par femme aux États-Unis est demeuré le même, soit deux enfants par femme — presque l'équivalent du taux de remplacement —, comparativement à une moyenne de 1,6 enfant par femme au Canada. Ainsi, la fécondité est plus faible au Canada qu'aux États-Unis, d'où une proportion moins élevée de personnes âgées chez notre voisin du Sud.
Le Japon se distingue de tous les pays du G7, puisqu'il présente la plus forte proportion de personnes âgées : un Japonais sur quatre a 65 ans et plus. La combinaison de trois facteurs — une très faible fécondité, l'espérance de vie la plus élevée au monde et une immigration presque inexistante — explique pourquoi ce pays présente une population plus âgée qu'ailleurs et à la baisse depuis 10 ans.
Toutefois, le vieillissement de la population au Canada s'est accéléré au cours des dernières années. Par exemple — et c'est l'un des principaux résultats du recensement de 2016 —, pour la première fois dans l'histoire du recensement, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus surpasse le nombre d'enfants. C'est ce que montre le graphique dans le haut de la diapositive. Nous assistons à un tournant générationnel au Canada et, selon toute vraisemblance, il n'y a pas lieu de revenir en arrière. Selon les projections démographiques, l'écart entre le nombre de personnes âgées et le nombre d'enfants devrait augmenter à l'avenir.
Le nombre de personnes âgées au Canada a augmenté rapidement entre 2011 et 2016. La raison est simple : les premiers-nés du baby-boom, c'est-à-dire ceux qui sont nés après la Seconde Guerre mondiale, ont atteint 65 ans au cours des cinq dernières années.
La croissance rapide du nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a fait en sorte que, pour la première fois, là encore, on a dénombré davantage de personnes âgées que d'enfants au Canada. C'est ce que montre le graphique au bas de la diapositive.
La hausse de la proportion de personnes âgées enregistrée entre 2011 et 2016, c'est-à-dire au cours des cinq dernières années, était la plus élevée depuis 1871. C'est un signe évident que la population canadienne vieillit plus rapidement que jamais. En 1871, quatre ans après la Confédération, plus de deux Canadiens sur cinq avaient moins de 15 ans, tandis que seulement 4 p. 100 de la population était âgée de 65 ans et plus. Bien entendu, à cette époque, l'espérance de vie des Canadiens était beaucoup moins élevée — environ 40 ans —, et seulement une personne sur trois pouvait espérer atteindre l'âge de 65 ans. Aujourd'hui, l'espérance de vie des Canadiens est de 82 ans, soit plus que le double de ce qu'elle était en 1871, et 9 personnes sur 10 peuvent espérer atteindre l'âge de 65 ans.
Outre l'avancée en âge des baby-boomers, ces changements durables sont également attribuables à deux autres tendances qui devraient se poursuivre : l'augmentation de l'espérance de vie des Canadiens, bien entendu, fait croître progressivement le nombre et la proportion de personnes âgées, alors que la faible fécondité persistante depuis les années 1970 limite le nombre d'enfants et diminue leur poids démographique au sein de la population totale.
Si l'immigration, soutenue depuis 30 ans, a un effet important sur la croissance démographique au Canada — et j'y reviendrai dans quelques instants —, elle n'a que peu d'incidence sur le vieillissement de la population, en partie, parce que les immigrants arrivent au Canada dans la trentaine, ce qui est proche de l'âge moyen de la population canadienne.
L'immigration ne peut pas ralentir de façon considérable le vieillissement, mais elle peut expliquer, du moins en partie, les disparités régionales, car les régions qui accueillent des immigrants ne vieillissent pas aussi rapidement que les autres. J'y reviendrai tout à l'heure aussi.
Le nombre de personnes âgées a surpassé le nombre d'enfants au Canada, mais pas partout. Il s'agit d'un autre résultat important du recensement de 2016. C'est le premier signe de l'existence de grandes différences entre les régions du pays. En 2016, les territoires et les provinces des Prairies étaient les seules régions où l'on a dénombré davantage d'enfants que de personnes âgées.
Au Nunavut, près du tiers de la population était âgé de moins de 15 ans, et seulement 4 p. 100 de la population avait 65 ans et plus. Le vieillissement démographique dans les territoires est également plus lent qu'ailleurs, la proportion de personnes âgées n'ayant augmenté que de 0,5 p. 100 au cours des cinq dernières années, ce qui constitue la plus faible hausse parmi les provinces et les territoires. Une proportion importante de la population vivant au Nunavut déclare une identité inuite, et les taux de fécondité des Inuits sont nettement plus élevés que ceux du reste de la population canadienne. L'espérance de vie y est également plus faible qu'ailleurs, notamment en raison des conditions de vie différentes.
La proportion d'enfants est également plus élevée dans les provinces des Prairies, soit près d'une personne sur cinq. À l'opposé, dans les provinces de l'Atlantique, près d'une personne sur cinq était âgée de 65 ans et plus en 2016, ce qui représente la plus forte proportion parmi les provinces et les territoires. Pour vous donner un exemple, en comparaison, cette proportion n'était que de 12 p. 100 en Alberta, soit un écart de près de 8 points de pourcentage par rapport aux provinces de l'Atlantique. Une fois de plus, il existe d'énormes différences entre les régions du Canada.
Passons à la diapositive numéro 6, et je vais poursuivre en français.
[Français]
Il y a des différences entre les provinces, on peut regarder l'écart qui sépare les provinces qui ont la plus forte et la plus faible proportion de personnes âgées. On le voit ici sur le graphique grâce aux barres noires qui sont autour de la ligne rouge. Cette ligne rouge représente l'évolution de la proportion de personnes âgées depuis 1851, jusqu'en 2061. Nous utilisons les projections démographiques de Statistique Canada pour étendre la période jusqu'en 2061.
En regardant la ligne rouge, on voit que le vieillissement démographique du pays est en cours depuis longtemps, ce n'est pas un nouveau phénomène, mais aussi que le pays vient d'amorcer la phase rapide de la hausse de cette proportion, hausse rapide qui se poursuivrait jusqu'en 2031. À terme, en 2061, dans 45 ans, un Canadien sur quatre pourrait être âgé de 65 ans et plus, ce qui nous ferait rejoindre la proportion actuellement observée au Japon.
Les barres vous indiquent la différence de pourcentage entre les provinces qui ont la plus forte et la plus faible proportion de personnes âgées. Cette différence en 2016 était de 8 points de pourcentage. Durant la deuxième partie du XXe siècle, c'était plutôt 5 points de pourcentage. Comme on peut le voir sur le graphique, cette différence pourrait atteindre 15 points de pourcentage dans les prochaines années, montrant bien que la structure par âge des différentes régions du Canada est appelée à être de plus en plus différente dans l'avenir. C'était l'un des messages principaux que je voulais vous transmettre aujourd'hui.
Ces différences qu'on observe entre les régions du pays sont liées aux facteurs de la croissance démographique des provinces et des territoires, facteurs qui sont différents d'une région à l'autre. En démographie, les régions qui croissent rapidement présentent souvent des populations plus jeunes, et les régions qui croissent moins rapidement, des populations plus âgées. C'est le cas au Canada, où il y a des croissances démographiques rapides et des populations plus jeunes dans l'ouest du pays et au nord, et des croissances démographiques plus faibles et des populations plus âgées dans l'est du pays. Par exemple, de 2011 à 2016, les trois provinces canadiennes qui présentaient les plus fortes croissances démographiques étaient celles des Prairies, soit les barres en bleu foncé sur le graphique. Les croissances démographiques étaient nettement plus faibles dans les provinces de l'Atlantique.
Le Nunavut et l'Alberta avaient les plus fortes croissances démographiques parmi l'ensemble des provinces et des territoires avec un taux qui représentait plus du double de la moyenne nationale. À l'inverse, une légère diminution de la population a été observée au Nouveau-Brunswick de 2011 à 2016. Vous pouvez donc constater l'étendue de la situation, car certaines provinces ont une très forte croissance démographique, et d'autres, principalement dans l'Atlantique, des croissances beaucoup plus faibles, voire négatives dans certains cas.
Les différences régionales découlent de facteurs sous-jacents à cette croissance démographique. Je vais vous les présenter dans la diapositive à la page 8 du document.
Ce graphique est intéressant, car il décompose la croissance démographique de différentes régions, et les croissances démographiques sont illustrées pas une petite barre noire. On décompose cette croissance selon les trois grands facteurs de la croissance démographique. Il y a l'accroissement naturel, qui est tout simplement le solde des naissances et des décès que l'on voit en orange. Il y a l'accroissement migratoire international, qui est le solde des immigrants moins les émigrants, et qui est représenté en gris sur le graphique, et il y a l'accroissement migratoire interprovincial ou le solde des migrants internes, représenté en jaune pour chaque province et territoire.
On peut d'abord remarquer qu'au Canada, selon la première barre à gauche, les deux tiers de la croissance démographique canadienne sont reliés à l'accroissement migratoire international. Seulement le tiers de l'accroissement démographique canadien récent reposait sur ce qu'on appelait l'accroissement naturel, donc tout simplement le solde des naissances et des décès. On remarquera que pour les provinces de l'Atlantique, l'accroissement naturel, en orange, est à peu près inexistant. Il n'y a à peu près pas d'orange pour les provinces atlantiques. Pour la première fois, récemment, certaines provinces de l'Atlantique ont enregistré davantage de décès que de naissances, ce qui est une première au Canada.
Le déficit entre les naissances et les décès devrait augmenter au cours des prochaines années sous l'effet du vieillissement de la population. On comprendra bien que, dans ce contexte, la croissance démographique et l'évolution future de la structure par âge de certaines régions du Canada ne peuvent reposer que sur la capacité d'attirer des immigrants internationaux ou de retenir les personnes qui vivent déjà dans ces régions, par exemple, en tentant de retenir les jeunes adultes dans leur région et de prévenir leur départ pour d'autres régions du Canada.
Toujours sur la figure et à l'inverse, l'accroissement naturel en orange demeure un facteur très important de la croissance démographique dans les provinces des Prairies et dans les territoires. Les Prairies attirent également de nombreux immigrants internationaux, et l'Alberta est la grande bénéficiaire des échanges migratoires avec les autres provinces, bénéficiant donc d'un apport de jeunes adultes qui viennent y travailler. À mesure que l'accroissement naturel va perdre de son importance au cours des prochaines années en raison du vieillissement démographique, la croissance de la population des régions canadiennes devrait de plus en plus reposer sur leur capacité d'attirer des migrants ou de retenir leur population. Celles qui réussiront connaîtront des croissances plus élevées et des populations plus jeunes qu'ailleurs.
Sur la prochaine diapositive, on peut maintenant voir la situation à l'échelle des grandes villes canadiennes pour aussi mieux comprendre le lien qui existe entre la croissance démographique et le vieillissement démographique. Chacun des points sur ce graphique illustre la position d'un centre urbain ou d'une région rurale canadienne par rapport à deux facteurs : sur l'axe des X, la croissance démographique, et sur l'axe des Y, la proportion de personnes âgées, donc le degré de vieillissement démographique de ces différentes régions.
En bas et à droite du graphique, on retrouve les régions qui croissent rapidement et où la proportion de personnes âgées est très faible. Il n'est pas surprenant d'y retrouver une ville comme Iqaluit, capitale du Nunavut, mais aussi les grands centres urbains des provinces des Prairies.
À l'inverse, en haut et à gauche du graphique, on retrouve les régions qui croissent très faiblement, où la population diminue déjà et qui présentent une forte proportion de personnes âgées, donc un degré de vieillissement démographique plus avancé. On y retrouve essentiellement des régions rurales du Canada principalement situées dans les régions de l'Atlantique. La ligne bleue qui traverse le graphique illustre le sens de la relation qui existe entre le vieillissement démographique et la croissance démographique.
Dans l'ensemble, tous ces points illustrent très bien la diversité des situations retrouvées entre les régions du Canada à l'égard de la croissance et du vieillissement démographique. Il est bien possible qu'à l'avenir l'écart s'agrandisse entre tous ces points, à mesure que l'immigration et l'immigration interne prendront de l'importance dans la croissance démographique des différentes régions du pays.
À la prochaine diapositive, on peut constater qu'une population plus âgée veut également dire une population plus féminine, illustrée ici par le nombre d'hommes pour 100 femmes au sein de la population totale. On voit à gauche la tendance nationale de 1871 à 2016, et on voit, à droite, pour 2016, les différences entre les provinces et territoires. À gauche, il est indiqué qu'à mesure que la population canadienne a vieilli, le nombre d'hommes pour 100 femmes a diminué. En 2016, on comptait 96 hommes pour 100 femmes, et cette situation à l'échelle nationale est reliée au fait que les femmes jouissent d'une espérance de vie plus longue que celle des hommes. Donc, on retrouve davantage de femmes d'âge avancé. Mécaniquement, à mesure que la population vieillit et que cette population âgée représente davantage de personnes dans l'ensemble de la population, logiquement, la population devient de plus en plus féminine.
À droite du graphique, on peut voir que seuls les territoires et l'Alberta présentaient en 2016 une situation inverse à la moyenne nationale, c'est-à-dire que dans les territoires et en Alberta, davantage d'hommes que de femmes sont dénombrés, donc c'est l'inverse.
Une proportion beaucoup plus importante de la population des territoires est composée de jeunes. Le tiers de la population du Nunavut a moins de 15 ans. Évidemment, il y a davantage d'hommes de jeune âge que de femmes. C'est ce qui explique les différences. En Alberta, il s'agit également d'un effet de migration interne, c'est-à-dire que cette province attire beaucoup de jeunes adultes qui sont séduits par un marché de l'emploi plus favorable qu'ailleurs.
[Traduction]
Pour conclure, il y a quelques points importants que je vous invite à garder à l'esprit dans le cadre de votre travail au comité.
Au cours des prochaines années, nous assisterons, selon toute vraisemblance, à une plus grande variabilité de la croissance démographique entre les provinces et les territoires, étant donné que les migrations internationales et interprovinciales deviennent le principal moteur de la croissance démographique dans bien des régions du Canada. En conséquence, les changements dans le poids démographique des provinces de l'Est et de l'Ouest devraient se poursuivre.
Les différences au sein de la population active des provinces et des territoires risquent de s'amplifier au cours des prochaines années. Nous pourrions voir des pénuries de main-d'œuvre et des rapports de dépendances plus élevés dans les provinces de l'Atlantique, une diversité démographique accrue parmi la population d'âge actif au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique — trois provinces qui attirent un grand nombre d'immigrants chaque année —, ainsi qu'une main-d'œuvre plus jeune dans les Prairies.
La population rurale du Canada diminuera probablement dans certaines régions. Cette tendance s'observe déjà dans certains endroits, surtout dans les provinces de l'Atlantique.
Il risque d'y avoir de plus en plus de différences importantes entre les provinces et les territoires en ce qui concerne la présence de groupes de population précis nécessitant des services et des programmes ciblés. Je pense ici aux personnes âges — les provinces de l'Atlantique en comptent la plus forte proportion —, ainsi qu'aux immigrants et à leurs enfants. Les Autochtones vivent surtout dans les Prairies, et il s'agit d'un segment de la population qui connaît une forte croissance. Cet aspect ne fait pas partie de mon exposé, mais sachez que nous avons établi des prévisions concernant les peuples autochtones au Canada, et c'est une population qui croît rapidement. Pour ce qui est des besoins de la population en matière de services publics, de programmes sociaux et d'infrastructures, je songe ici au logement et au transport en commun. Ces besoins devraient se préciser davantage en fonction des diverses régions du Canada, compte tenu des différentes réalités démographiques.
Je voudrais terminer en disant que les données dont je vous ai fait part aujourd'hui, à savoir les données du recensement, les estimations de la population et les projections produites par Statistique Canada, sont susceptibles de devenir plus importantes et plus pertinentes pour la conception des politiques publiques, car nous observons des différences accrues entre les diverses régions du Canada. Je vous remercie.
Le président : Merci de cet exposé éclairant. Vous avez abordé une variété de questions concernant toutes les régions du Canada. C'était bien présenté et très professionnel. Quels sont les principaux risques pour ces régions du Canada lorsqu'on tient compte du vieillissement démographique dans son ensemble?
M. Martel : C'est là une bien grande question. Quels sont les principaux risques liés à la population? Premièrement, il faut reconnaître que notre pays est en train de changer. Je parle souvent de l'émergence de deux Canada. Durant la période du baby-boom, toutes les régions du Canada affichaient une croissance parce qu'il y avait tout simplement un grand nombre de naissances dans toutes les provinces; ainsi, les disparités régionales sur le plan de la croissance n'étaient pas si importantes dans les années 1950, 1960 et 1970. Cette époque est maintenant révolue. La contribution de l'accroissement naturel à la croissance démographique canadienne dans les diverses régions est en déclin, si bien que la croissance dépend maintenant de l'immigration et de la capacité des régions d'attirer des migrants, de retenir leur population ou de l'empêcher de migrer ailleurs.
S'agissant des risques, si les provinces échouent en matière d'immigration et de migration interne, elles risquent d'avoir une population beaucoup plus vieillissante, ce qui a des liens avec l'économie à certains égards. En effet, une population plus âgée a différents besoins. Ses habitudes de consommation ne sont pas tout à fait les mêmes. Une population vieillissante n'exige pas les mêmes services. Ce sont là les risques inhérents aux différents besoins des divers segments de population. Pour le gouvernement fédéral, il serait plus difficile d'élaborer des politiques uniformisées à l'avenir parce que vous définirez des politiques qui sont pertinentes pour une partie du pays, mais pas pour une autre où les caractéristiques démographiques ne sont pas les mêmes. Vous aurez donc à rectifier le tir en fonction des différences démographiques.
Le président : La séance tire à sa fin, et c'est le sénateur Neufeld qui posera la dernière question.
Le sénateur Neufeld : Je n'ai peut-être pas compris votre diapositive, mais à la diapositive no 9, vous parlez des grands centres urbains et des régions rurales du Canada — je viens de la Colombie-Britannique —, et on y voit la mention de Victoria et de Vancouver, qui sont de grands centres urbains. Il y a aussi Abbotsford et Mission. Cela correspond-il à votre notion de régions rurales pour les besoins de cette diapositive?
M. Martel : Non, sur cette diapositive, nous utilisons un concept issu du recensement, à savoir les « régions métropolitaines de recensement », ou RMR; il s'agit des 35 plus grands centres urbains. Ce graphique contient aussi bien les RMR que les non-RMR, c'est-à-dire les régions situées à l'extérieur des grands centres métropolitains. C'est pourquoi, comme vous pouvez le voir, Abbotsford et Mission figurent parmi les 35 RMR du Canada, tout comme Toronto, Montréal, Vancouver et Victoria. Il s'agit d'une région de 100 000 habitants ou plus. Ce sont là les grands centres urbains du pays. Nous avons également indiqué les régions situées en dehors de ces grands centres métropolitains, et la plupart d'entre elles se trouvent dans le coin supérieur gauche du graphique. Cela montre que, dans les régions rurales, la situation relative à la croissance et au vieillissement démographique diffère complètement de celle de certains grands centres urbains, comme ceux situés dans les provinces des Prairies. C'est ainsi que nous avons élaboré cette diapositive. Elle repose sur l'unité géographique standard utilisée dans le recensement canadien, que l'on désigne par « régions métropolitaines de recensement ».
Le président : Honorables sénateurs, je vous rappelle que nous poursuivrons notre étude cet après-midi à 14 h 15, dans la pièce 2 de l'édifice Victoria. Avant de lever la séance, je tiens à profiter de l'occasion pour remercier les sténographes et les interprètes du soutien qu'ils apportent à notre comité.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)