Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 34 - Témoignages du 30 mai 2017 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mardi 30 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 14 h 19, pour poursuivre son étude du Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2018.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je m'appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. À ce moment-ci, je demanderais aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Cools : Je suis Anne Cools, de Toronto en Ontario. Je suis la vice-présidente du comité et je me fais un devoir d'assister à toutes les réunions, tout comme mes collègues.

La sénatrice Eaton : Bienvenue. Je suis la sénatrice Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Galvez : Je suis la sénatrice Galvez, du Québec. Je remplace le sénateur Pratte, aussi du Québec.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Woo : Sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

Le président : Merci beaucoup, sénateurs. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du Budget principal des dépenses de 2017-2018.

[Traduction]

La semaine dernière, dans la foulée de l'abaissement par Moody's de la cote de crédit des grandes banques canadiennes, le comité a tenu une réunion pour tenter de cerner le risque que cela pouvait présenter sur les plans des dépenses du gouvernement et, par conséquent, sur les crédits qui lui sont accordés.

Nous accueillons notre premier témoin. De Moody's Investors Service, M. David Beattie, vice-président principal, Groupe des institutions financières.

Nous saisissons l'occasion pour vous remercier d'avoir accepté notre invitation de nous faire part de vos opinions et commentaires, afin de nous informer sur un sujet dont tous les Canadiens parlent, discutent ou auquel ils pensent.

Dans un deuxième temps, nous entendrons un représentant du Fonds monétaire international.

Je vous demanderais de présenter votre exposé et de nous faire part de vos observations, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.

Vous avez la parole.

David Beattie, vice-président principal, Groupe des institutions financières, Moody's Investors Service : Merci beaucoup.

Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis un vice-président principal et analyste en crédit du Groupe des institutions financières chez Moody's Investors Service, à Toronto.

Je suis l'analyste principal en ce qui concerne les banques canadiennes depuis que je me suis joint à Moody's, en 2011. Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de participer aux audiences d'aujourd'hui et de vous parler de Moody's, de la méthode que nous utilisons pour coter les banques et des raisons pour lesquelles nous avons récemment abaissé la cote de six banques canadiennes.

Moody's est la plus ancienne agence de notation de titres au monde, ayant introduit les cotes en 1909. Aujourd'hui, nous formons l'une des sources les plus largement utilisées dans le monde pour la recherche et les notations financières. Notre rôle consiste à diffuser des opinions prospectives quant à la solvabilité relative de sociétés, de banques et d'entités gouvernementales face à leurs obligations financières et aux titres adossés à des crédits mobiliers. Les notations de Moody's ne sont qu'un point de vue de la solvabilité d'un émetteur ou de sa capacité de payer une créance. Il importe aussi de savoir que nous sommes un observateur du marché du crédit, et non un participant direct.

Les opinions prospectives de Moody's portent uniquement sur une caractéristique des titres à revenus fixes : la probabilité que la créance soit remboursée conformément aux modalités du titre de créance. Nos notations financières sont un reflet d'une évaluation à la fois de la probabilité qu'une partie à un titre de créance manque à ses obligations et du montant de la perte que le détenteur du titre de créance est susceptible de subir en cas de défaut. En attribuant des opinions sur le crédit, nos analystes respectent les méthodes de notation publiées par Moody's, lesquelles, selon nous, favorisent la transparence et l'uniformité dans nos notations à l'échelle mondiale.

Nos notations sont exprimées sous la forme d'un système de lettres et de chiffres sur une échelle qui compte 21 catégories. Ces dernières varient de AAA à C. Le niveau AAA représente la perte sur créance la plus faible prévue. Le niveau AA représente une perte sur créance prévue relativement plus élevée et les cotes se poursuivent ainsi jusqu'à la fin de l'échelle.

Le système de notation de Moody's n'est pas un système réussite/échec. Il s'agit plutôt d'un système fondé sur la probabilité. Dans le cadre de ce système, la probabilité prévue et l'ampleur des pertes sur crédit augmentent à mesure que le niveau de notation diminue.

Pour ce qui est du processus, les mesures de notation de Moody's sont déterminées par un vote majoritaire d'un comité composé d'analystes du crédit expérimentés qui connaissent l'industrie et la perspective internationale.

Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la façon dont nous évaluons les banques, plus particulièrement. La première étape de notre analyse commence par notre évaluation du milieu dans lequel la banque évolue. À cette fin, nous tenons compte de six éléments clés. Nous prenons trois de ces éléments qui proviennent de l'analyse qu'a faite notre groupe souverain de la force économique d'un pays, de sa force institutionnelle et de sa vulnérabilité face aux risques conjoncturels. Nous superposons ensuite trois rajustements bancaires, un pour les conditions de crédit, un pour les conditions de financement et un pour la structure de l'industrie.

Ensuite, nous examinons la santé financière de la banque en question, c'est-à-dire que nous évaluons les principaux indicateurs de liquidité et de solvabilité, ainsi que d'autres paramètres. Nous évaluons ensuite des facteurs qualitatifs, notamment le niveau de diversification de la banque, sa complexité et si sa stratégie, ses politiques de gestion ou d'entreprise sont susceptibles de réduire ou d'accroître son profil de risque global.

Nous tenons également compte de la probabilité d'appui de la part des établissements affiliés à la banque et d'une évaluation de l'exposition relative à divers types de créanciers advenant un défaut de la banque.

Finalement, nous évaluons la probabilité de soutien du gouvernement dans un scénario d'échec.

Comme vous le savez, Moody's a récemment abaissé d'un cran la cote de crédit de six banques canadiennes et de trois de leurs établissements affiliés. Leurs notations principales concernant le crédit et les dépôts sont les suivantes : AA2 pour la Banque Toronto-Dominion et A1 pour la Banque de Montréal, la Banque Scotia, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque Nationale du Canada et la Banque Royale du Canada. Ces notations demeurent très élevées dans le contexte de nos notations à l'échelle mondiale.

Cette mesure est un reflet de notre attente d'un environnement opérationnel plus difficile pour les banques au Canada pour le reste de 2017 et les années subséquentes. Un facteur clé de ces mesures a été le changement dans notre évaluation de l'environnement opérationnel au Canada pour les banques, ce que nous avons appelé le macroprofil, qui passe de « très fort moins » à « fort plus ». Ce changement est attribuable au fait que, selon nous, les conditions de crédit au Canada se sont détériorées. Des niveaux d'endettement élevés et une expansion rapide du crédit peuvent être l'indication de problèmes liés à la qualité du crédit qui émergeront plus tard.

Il est important de mentionner que les banques canadiennes demeurent très bien cotées, comparativement à leurs homologues à l'échelle mondiale. Cette situation est attribuable à la très grande qualité de leurs actifs et à une structure concentrée de l'industrie qui donne à chacune des banques une excellente échelle, efficience et stabilité des bénéfices. De plus, le macroprofil du Canada est robuste.

Par contre, une croissance continue de l'endettement des consommateurs canadiens et des prix élevés du logement laissent les consommateurs et les banques canadiennes plus vulnérables que par le passé aux risques de détérioration auxquels l'économie canadienne est confrontée. Un environnement opérationnel difficile pour ces banques pourrait mener à une détérioration dans la qualité des actifs de la banque et à une hausse de leur sensibilité aux chocs externes. Dans le cadre de notre perspective de 2017 sur les banques, nous avons constaté que les prix élevés du logement au Canada et les niveaux élevés connexes du ratio de la dette au revenu des ménages demeurent des vulnérabilités pour les banques du pays.

Même si nous ne nous attendons pas à ce que les conditions macroéconomiques au Canada s'améliorent à court terme, les notations des banques canadiennes pourraient être révisées à la hausse si cela se produisait. En revanche, les notations des banques touchées pourraient être abaissées si leurs facteurs fondamentaux fléchissent, comme en témoigneraient un environnement opérationnel encore plus difficile ou une détérioration de leurs paramètres financiers.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Beattie. Nous commençons les questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, monsieur Beattie, d'être venu.

Je m'intéresse particulièrement à l'abaissement de la notation des banques, parce que dans sa déclaration, Moody's fait référence à la qualité des actifs, au secteur du logement. Comme vous le savez probablement, la SCHL assume une part importante de l'assurance hypothécaire et laisse le gouvernement vulnérable si quelque chose devait arriver dans le secteur du logement.

Je me demande si vous pourriez apporter des précisions relativement à certains aspects de cette déclaration. On y fait référence à la détérioration de la qualité des actifs des banques et à une hausse de leur sensibilité aux chocs externes. Quels seraient ces chocs externes?

M. Beattie : Les chocs externes pourraient survenir en bien des endroits. Nous ne savons pas toujours ce qui va déclencher des problèmes dans l'environnement, qu'il s'agisse d'une politique commerciale, d'une politique financière, d'autres choses qui pourraient survenir dans d'autres pays un peu partout dans le monde et qui auraient une incidence sur l'économie canadienne. Par contre, nous sommes convaincus que lorsqu'un système bancaire dispose d'un important effet de levier intégré, cela le rend moins susceptible de réagir aux chocs, et ces derniers pourraient donner lieu à des taux d'intérêt plus élevés, par exemple, ou à des taux de chômage plus élevés.

La sénatrice Marshall : Tenez-vous compte du fait que la SCHL assure un nombre important d'hypothèques? Est-ce que cela aurait été un facteur?

M. Beattie : Tout à fait. Il s'agit bien évidemment d'un point fort du système bancaire canadien, le fait qu'une assurance hypothécaire parrainée par le gouvernement soit en place. Lorsque nous avons examiné les conditions de crédit au Canada, et il s'agissait d'une détérioration dans les conditions de crédit telles que nous les mesurons qui était le principal facteur dans la diminution dans notre macroprofil, notre mesure de l'environnement opérationnel, nous tenons compte des circonstances atténuantes. Quelques caractéristiques structurelles clés du marché hypothécaire canadien sont favorables aux banques canadiennes, et la SCHL en est un.

Nous avons aussi tenu compte du fait que les banques canadiennes détiennent un très faible niveau d'hypothèques à risque et du degré moins élevé de titrisation des créances hypothécaires, ce qui signifie que les banques qui sont à l'origine des hypothèques ont tendance à les conserver dans leurs livres et à les rembourser au fil du temps. Tous ces facteurs étaient positifs, et nous en avons tenu compte lorsque nous avons décidé de poser ce geste.

La sénatrice Marshall : Il y a aussi une déclaration selon laquelle toutes les notations pertinentes pour ces banques continuent de présenter des perspectives négatives, soit un reflet de la mise en place prévue d'un régime de règlement opérationnel au Canada. Qu'est-ce que cela signifie?

M. Beattie : En 2014, un document de consultation publique a été publié relativement à un régime de recapitalisation interne au Canada, un régime de règlement opérationnel. Nous attendons toujours d'en connaître les détails. Mais puisque nous avions une indication claire d'un point de vue stratégique que cette mesure s'en venait, cela nous a amenés à revoir nos hypothèses d'appui du gouvernement actuellement intégrées aux notations des banques canadiennes. Chacune des banques canadiennes a dans la plupart des cas deux crans de reprise positive dans ses notations en raison de notre attente d'un appui du gouvernement en cas de nécessité d'un règlement. De toute évidence, une fois que nous aurons les règles d'un régime de recapitalisation interne, une partie de l'acceptation qu'il s'agit de la politique du gouvernement dorénavant ferait en sorte que nous aurions l'obligation de revoir nos hypothèses de soutien et, vraisemblablement de les abaisser.

La sénatrice Marshall : Cela m'amène à ma question suivante. Maintenant que les cotes ont été abaissées, quels critères examineriez-vous pour les relever?

M. Beattie : Si les conditions de crédit s'améliorent, si l'effet de levier au Canada — nous mesurons l'effet de levier. Notre principal paramètre est celui du ratio de la dette du secteur privé au PIB. Ce ratio se détériore au Canada depuis plusieurs années. S'il s'améliorait, alors cela nous amènerait éventuellement à réévaluer notre point de vue sur le macroprofil ou l'environnement opérationnel dans lequel les banques évoluent, ou si les paramètres financiers des banques individuelles s'amélioraient de façon importante, nous réexaminerions le tout.

Nous examinons nos notations de façon continue, et tout changement dans le rendement des banques ou dans l'environnement opérationnel que nous voudrions intégrer et voir se refléter dans nos notations.

La sénatrice Marshall : Pour revenir à la SCHL, elle assume une portion importante de l'assurance hypothécaire. Deux entreprises du secteur privé participent également à ce programme, mais vous les regardez et vous dites qu'il s'agit d'un aspect positif pour les banques, parce que la SCHL est là. Tenez-vous compte uniquement de la SCHL ou de la position financière du gouvernement, ou est-ce que vous vous dites que l'assurance hypothécaire est prise en charge et, par conséquent, vous n'allez pas plus loin?

M. Beattie : Nous avons une notation souveraine pour le gouvernement du Canada, et toutes les obligations du gouvernement en ce qui concerne la SCHL seraient prises en compte dans cette notation, qui est au taux le plus élevé possible.

Nous avons une notation et une analyse distinctes sur la SCHL. Je ne suis pas l'analyste principal de cet aspect, mais nous avons publié l'an dernier un test de tension au sujet de l'industrie hypothécaire au Canada. J'étais un coauteur du rapport. Nous avons évalué les banques et la SCHL, et le résultat dans le cadre d'un scénario de crise très élevé était que la SCHL était adéquatement capitalisée pour régler une crise grave sans faire appel au gouvernement pour des fonds supplémentaires.

La sénatrice Marshall : L'automne dernier, le gouvernement a mis en œuvre d'autres exigences, notamment la simulation de crise. Disposez-vous de renseignements quant à savoir si elles fonctionnent ou si elles sont prises en considération?

M. Beattie : Chaque fois que les divers paliers de gouvernement ont adopté une nouvelle mesure macroprudentielle pour essayer de freiner l'accélération des prix du logement au Canada, nous avons rédigé une recherche qui a un effet positif sur le crédit. Nous considérons qu'il s'agit là de facteurs positifs. Il est difficile d'analyser à quel point nous en serions si ces choses n'avaient pas été faites, de sorte que nous pensons que ces mesures sont louables et que sans elles, nous nous trouverions dans une situation pire.

La sénatrice Eaton : Monsieur Beattie, renseignez-moi. Lorsque vous avez abaissé la notation des six grandes banques, les avez-vous considérées comme un tout, ou est-ce parce qu'elles avaient toutes besoin de voir leur notation abaissée? S'agit-il davantage d'une moyenne?

M. Beattie : Non, il ne s'agit pas d'une moyenne. Nous les examinerions une à la fois. Dans le cas présent, la détérioration des conditions de crédit constituait le principal facteur de notation.

La sénatrice Eaton : Elles sont donc toutes également responsables de l'abaissement de leur notation.

M. Beattie : C'est une façon de voir les choses.

Je dirais qu'elles se sont toutes engagées de façon importante à offrir du crédit aux consommateurs canadiens. Leurs divisions canadiennes chargées des services aux particuliers et aux entreprises sont, pour chacune, leurs plus importantes activités uniques, de sorte que dans la mesure où il y a un problème dans l'environnement opérationnel qui ajoute un risque pour la dette commerciale et l'endettement des consommateurs, nous en tenons compte. Lorsque nous regardons l'environnement opérationnel, il s'agit de notre analyse fondamentale de chacune des banques. Comme chacune est significativement exposée aux services bancaires aux particuliers et aux entreprises au Canada, nous avons estimé qu'il convenait de prendre ces mesures.

D'ailleurs, deux banques n'ont pas vu leur notation abaissée. Nous estimions qu'elles présentaient des caractéristiques précises d'un profil d'entreprise qui faisaient qu'elles seraient moins touchées par un problème dans le marché du logement.

La sénatrice Eaton : Croyez-vous que les mesures prises tant par le gouvernement fédéral que — je ne sais pas pour le Québec, mais je le sais pour l'Ontario. La première ministre Wynne a pris des mesures dans l'espoir de ralentir l'activité dans le marché du logement de Toronto. Croyez-vous que ces mesures auront un effet bénéfique? Est-ce qu'elles fonctionneront? À Vancouver, ils ont fait la même chose.

M. Beattie : Je pense que cette mesure a de toute évidence déjà un effet bénéfique. Reste à voir si elle ralentira complètement ou renversera la tendance à la hausse des prix du logement.

La sénatrice Eaton : Mais cela n'a aucune incidence sur toutes ces personnes qui détiennent des hypothèques qui mettent les banques à risque?

M. Beattie : Pour que cela touche les détenteurs individuels d'hypothèques, il faudrait que la valeur de la résidence à l'égard de laquelle ils ont acquis une dette diminue soudainement, et que cette valeur soit nettement inférieure à ce qu'elle était, alors cela entraînerait des difficultés financières pour ces détenteurs d'hypothèques.

La sénatrice Eaton : La semaine dernière, nous avons accueilli un représentant du ministère des Finances. Je pense que c'est la sénatrice Marshall et moi-même qui avons abordé avec lui la question, à savoir que si le taux de la Banque du Canada augmente, cela enverra une onde de choc dans le marché du logement. Selon lui, si le taux de la Banque du Canada augmentait, ce serait parce que l'économie canadienne est devenue tellement vigoureuse que cela n'aurait pas d'incidence sur les personnes qui détiennent des hypothèques.

M. Beattie : Je ne suis ni un économiste ni un décideur, de sorte que la Banque du Canada prendra de toute évidence des mesures en fonction de ses responsabilités. Je peux dire que par le passé, la hausse des taux dans le cadre d'un système très sollicité a tendance à exercer davantage de pression sur les emprunteurs.

Le président : Honorables sénateurs, je sais que M. Beattie a un horaire à respecter. Il nous reste environ 10 minutes. Cela dit, je vais donner la parole à la sénatrice Galvez, suivie du sénateur Oh.

La sénatrice Galvez : Je ne suis pas non plus une économiste, mais je veux apprendre.

Hier, j'écoutais le ministre des Affaires étrangères d'un pays d'Amérique du Sud. Nous parlions de Moody's et d'autres indicateurs relatifs à la santé des banques — non seulement l'endettement international et dans le secteur du logement, mais d'autres facteurs tels le secteur financier, celui de l'assurance, de l'industrie et des investissements étrangers. Je crois comprendre que la situation du Canada n'est pas à son mieux — ces banques, plus particulièrement — pour ce qui est du logement, mais je suis certaine qu'il y a des aspects positifs qui entrent en jeu dans les notations finales.

En ce qui concerne le Canada, pourriez-vous s'il vous plaît nous dire quelle est l'incidence des autres secteurs sur cette notation finale?

M. Beattie : Comme je l'ai indiqué dans mes observations, le macroprofil, qui est notre mesure de la santé de l'environnement opérationnel, repose sur deux groupes : notre groupe du risque souverain, qui est chargé de la notation du gouvernement du Canada; et notre secteur bancaire, dont je suis chargé. Les aspects dont vous parlez, qui seraient beaucoup plus reliés à la santé économique du gouvernement et de l'économie dans son ensemble, seraient véritablement reflétés par les éléments qui entrent dans notre macroprofil et qui viennent de notre groupe souverain. Cet aspect ne relève pas de mon expertise.

Mon travail consiste à examiner les aspects bancaires de l'environnement opérationnel, la structure du financement, les conditions de crédit et la structure de l'industrie elle-même et à les superposer.

Je crains bien que votre question ne soit pas de mon ressort. Je pourrais consulter mes collègues du groupe des risques souverains, si vous voulez.

La sénatrice Galvez : Oui, je vous en serais reconnaissante.

Le sénateur Oh : Monsieur Beattie, les banques canadiennes sont toujours considérées comme les plus conservatrices qui soient. Lors de la crise financière de 2008, nous étions probablement reconnus comme l'un des plus solides systèmes bancaires dans l'ensemble des pays du G7.

M. Beattie : En effet, oui.

Le sénateur Oh : Le Canada était solide pour son système bancaire.

Quelle est la dernière fois que Moody's a abaissé la cote collective des six banques à charte comme cela? Et comment nos banques à charte se comparent-elles avec les banques américaines selon les normes d'aujourd'hui?

M. Beattie : Nous avons pris une mesure qui n'est pas différente de celles que nous avions prises en janvier 2014. Les deux grands déterminants de cette décote étaient le ratio élevé de la dette de consommation sur le revenu et le prix élevé des maisons. En un sens, c'est une progression sur le même continuum de détérioration et d'augmentation du niveau d'endettement dans le système sur cette période.

Les banques canadiennes n'ont pas été décotées pendant la crise financière de 2007-2008, mais, à l'époque, l'environnement d'exploitation où elles opéraient, principalement ici au Canada, n'était pas aussi intense qu'aujourd'hui.

Le sénateur Oh : Comment les banques américaines se comparent-elles aux banques canadiennes aujourd'hui?

M. Beattie : Nous avons un concept appelé l'évaluation du crédit de base, qui est notre point de départ fondamental pour l'analyse des banques. L'évaluation du crédit de base des banques canadiennes serait en moyenne plus élevée que celle du système bancaire américain. Les banques canadiennes seraient globalement dans le premier décile de notre univers coté banques dans le monde.

La sénatrice Cools : J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre témoin d'aujourd'hui, M. Beattie.

Je ne suis pas sûre de bien comprendre certaines de vos déclarations et de vos conclusions. Cela témoigne de mon très peu d'expérience bancaire, qui se limite à gérer au quotidien mon compte bancaire, comme la plupart d'entre nous le faisons.

Pour formuler vos conclusions, vous avez utilisé un langage élégant. Vous avez parlé de capacité financière, puis de détérioration des conditions de crédit. Le langage est élégant et manifestement très spécialisé et propre à votre activité. Mais là vous me perdez.

Vous me dites que vous prenez ces décisions par vote majoritaire. Le vote n'est jamais précis. On vote souvent avec son cœur. Pourriez-vous m'expliquer un peu plus? Parlez-moi de vos instruments de mesure.

M. Beattie : Les principaux éléments de nos cotes bancaires sont ceux que j'ai décrits dans le document. Nous commençons par l'évaluation fondamentale de l'environnement d'exploitation : est-il mieux ou pire? Selon nous, même une très solide banque dans un piètre environnement d'exploitation risque plus d'être en défaut du respect de ses obligations que la même banque dans un solide environnement d'exploitation. C'est le point de départ.

Ensuite, nous analysons nos mesures quantitatives de solvabilité, soit la qualité de l'actif, le capital et la rentabilité. Nous ajoutons cela à notre évaluation de la liquidité des banques, parce que la confiance bancaire est souvent liée à des considérations de liquidité et à la capacité de réunir des fonds. Nous examinons la liquidité et la mesure de la dépendance à l'égard du financement de gros, où la confiance est une considération plus névralgique que les dépôts.

Voilà les éléments essentiels qui servent à évaluer une banque. Nous cherchons à être aussi transparents dans notre analyse des banques individuelles et de ses points forts et de ses faiblesses selon ces mesures.

Nous utilisons des mesures quantitatives et les comparons au niveau d'ensemble, à l'aide du macro-profil comme moyen de péréquation entre les pays.

Nous ajoutons ensuite les considérations qualitatives et, peut-être, si la situation le justifie, certaines mesures quantitatives secondaires comme la diversification, la gouvernance et le comportement d'entreprise.

Enfin, nous nous attardons à l'aide disponible des affiliées ou des gouvernements.

Comme je l'ai mentionné, nous avons toujours tenu pour acquis que le gouvernement canadien se porterait au secours d'une institution en difficulté, pour des raisons de stabilité financière. On comprendra facilement que, si le régime de secours est mis en place, et qu'il prévoit clairement que les contribuables n'assumeront pas la facture s'il arrive qu'une banque canadienne connaisse des difficultés, cela signifiera que le niveau d'aide au Canada a été réduit — pas nécessairement éliminé mais réduit.

La sénatrice Cools : Vous parlez davantage de sciences sociales que des sciences mathématiques pures de la mesure.

M. Beattie : Non, nous utilisons des mesures financières rigoureuses et calibrées. Nous avons un ratio « prêts problèmes sur l'actif total » pour mesurer la qualité de l'actif. Nous avons le ratio « capital total sur l'actif total » pour évaluer la suffisance du capital. Nous utilisons plusieurs mesures quantitatives qui ont été testées et se sont révélées de bons prédicteurs des problèmes à venir.

La sénatrice Cools : Mais la décision finale se prend au vote.

M. Beattie : La décision finale se prend au vote en comité, c'est juste. C'est ainsi que nous travaillons et, sauf erreur, la plupart des agences de notation utilisent une méthode semblable.

La sénatrice Cools : Très bien. Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre présentation, qui est fort appréciée, dans un domaine aussi spécialisé. Vous dites que l'un des facteurs déterminants de votre évaluation est le macro-profil canadien, qui est influencé par les conditions de crédit du Canada, compte tenu du consommateur. Qu'est-ce qui explique que vous avez décoté six banques importantes? À titre d'exemple, la Fédération des caisses Desjardins du Québec, qui se trouve dans un environnement canadien similaire à d'autres banques, n'a pas obtenu les mêmes résultats. Les dernières cotes, si j'ai bien compris, remontent à 2014?

[Traduction]

M. Beattie : Je ne suis pas l'analyste principal du Groupe Desjardins. Je peux quand même vous dire que, lorsque nous en avons discuté en comité, nous avions deux grandes raisons pour l'exclure de l'exercice. D'abord elle n'est pas à strictement parler une banque. Elle tire une grande proportion de ses bénéfices de l'assurance des risques divers aux niveaux personnel et commercial et de l'assurance-vie, et nous n'avons pas jugé que c'était là des secteurs d'activité risquant d'être touchés par les craintes que nous avions au sujet des conditions de crédit au Canada.

Nous avons aussi étudié son exposition aux marchés de l'habitation avec les plus fortes hausses du prix des maisons, celles qui se trouvent dans la région du Grand Toronto et la région du Grand Vancouver, et le Groupe Desjardins, par ses caisses, opère presque exclusivement au Québec. Il risquait donc moins d'avoir une position de risque de logement, qui nous inquiétait le plus dans notre analyse.

Désolé, quelle était la deuxième partie de notre question?

[Français]

Le sénateur Forest : Cela m'explique les particularités plus spécifiques au groupe Desjardins. Ma dernière question est la suivante : ai-je bien compris que, la dernière fois où l'on avait décoté des banques canadiennes, c'était en 2014?

[Traduction]

M. Beattie : Oui. En 2014, j'ai participé à cette décote également et, bien honnêtement, elle était motivée par des préoccupations semblables au sujet du prix élevé des logements et du niveau élevé d'endettement des consommateurs par rapport à leur revenu. Notre méthodologie n'était pas aussi explicite que pour les mesures que nous utilisons aujourd'hui pour l'environnement d'exploitation, mais il y avait un très net sentiment de croissance de l'utilisation du système dans son ensemble qui exerçait une pression à la baisse que nous avons jugé nécessaire de refléter dans les notations à ce moment-là.

C'est un continuum. Ce n'est pas une fonction échelonnée, et il faut prendre une décision après un point donné. Il y a une part de subjectivité dans la décision de revoir une cote.

[Français]

Le sénateur Forest : En résumé, si l'on regarde le portrait global, il est clair que lorsqu'on se compare, une décote, ce n'est jamais une bonne nouvelle. Selon vos propos, si l'on se compare à l'ensemble du système bancaire mondial, nos institutions bancaires font tout de même très bonne figure.

[Traduction]

M. Beattie : Oui, c'est très juste. Elles sont parmi les mieux cotées au monde chez Moody's. Nous pensons qu'elles sont des institutions gérées avec la plus grande prudence qui ont connu d'excellents résultats de façon constante au fil du temps. C'est une diminution d'une coche de leur classement, mais elles demeurent des banques très bien cotées.

Le président : J'ai quelques questions, monsieur Beattie, au sujet de l'actif des banques. Certains types d'actifs sont- ils plus à risque que d'autres?

Et de quels mécanismes les banques disposent-elles afin de se protéger de ce que nous appelons les chocs externes?

M. Beattie : Pour la première partie de votre question au sujet des catégories d'actifs qui seraient les plus inquiétantes, bien honnêtement, même si le gros de la dette de consommation est sous forme de dette hypothécaire — environ 60 p. 100 de la dette de consommation totale est reliée au logement — ce n'est pas là que nous prévoyons d'importantes augmentations de pertes en cas de crise. Ce serait dans les catégories d'actifs moins bien garantis : les soldes de carte de crédit, le crédit automobile indirect — il est garanti par un véhicule, mais cette garantie n'est pas aussi bonne qu'une maison — et les marges de crédit non garanties. Telles seraient les catégories d'actifs où nous prévoyons les plus grandes pertes en cas de défaut. En cas de défaut hypothécaire, vous avez toujours la garantie pour compenser la perte. Lorsque c'est un compte de carte de crédit qui est en défaut, on a habituellement une radiation totale.

Le président : Dans le cas du logement, nous avons vu ce qui est arrivé au sud de la frontière en 2008. Quelle note attribuez-vous à l'immobilier au Canada comme facteur d'influence de cette décote?

M. Beattie : Notre optique du risque de logement au Canada comme facteur d'endettement privé par rapport au PIB, qui est notre principale mesure quantitative des conditions de crédit, est qu'il est manifestement un important facteur de cette préoccupation. Mais le marché canadien de l'habitation, comme je l'ai mentionné tantôt, présente plusieurs caractéristiques structurelles très favorables qui protègent les banques contre les pertes dans le logement; en particulier la SCHL, les faibles niveaux de prêt à risque, et les faibles niveaux d'activité du type production pour distribution que nous ressentons, par comparaison avec les conditions qui régnaient aux États-Unis avant l'effondrement du marché du logement, sont des influences positives.

Le président : Monsieur Beattie, au terme de ce premier volet de notre étude du budget, on m'informe que le Comité sénatorial des finances a reçu Moody's, et je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir accepté notre demande de comparaître aujourd'hui.

M. Beattie : Absolument. Merci de m'avoir reçu.

Le président : S'il y a un suivi quelconque à faire, nous vous écrirons par l'entremise de la greffière pour vous en faire part.

[Français]

Sénateur Forest, avez-vous une autre question?

Le sénateur Forest : Simplement un commentaire. Il ne faudrait pas que Moody's prenne l'habitude de décoter les banques pour se faire inviter chez nous à l'avenir.

Le président : Merci, sénateur Forest, je croyais que vous aviez une question.

[Traduction]

Monsieur Beattie, merci beaucoup.

Honorables sénateurs, pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons l'honneur d'accueillir Mme Cheng Hoon Lim, sous-directrice du Département de l'hémisphère occidental du Fonds monétaire international.

Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Je vous demanderai de faire votre présentation, qui sera suivie des questions des sénateurs.

[Français]

Madame Lim, la parole est à vous.

[Traduction]

Cheng Hoon Lim, sous-directrice du Département de l'hémisphère occidental, Fonds monétaire international : Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs, de votre invitation à comparaître cet après-midi.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissez peut-être pas bien le FMI, le Fonds monétaire international, voici un peu d'information de contexte.

Nous sommes une institution coopérative de 189 pays membres. Notre responsabilité de base consiste à surveiller le système monétaire international et à suivre les politiques économiques et financières de nos pays membres.

Dans le cadre de ce processus de surveillance, qui se situe aux niveaux mondial, régional et national, le FMI repère les risques éventuels pour la stabilité, et il recommande les rajustements de politiques qui s'imposent pour soutenir la croissance économique et promouvoir la stabilité économique et financière.

Il se trouve que nous travaillons actuellement avec les autorités canadiennes à ce processus de consultation annuelle et, chose qui ne surprendra personne, le marché de l'habitation s'est imposé comme enjeu important pour l'économie.

De fait, il est difficile d'éviter de lire les analyses du marché de l'habitation. Le marché de l'habitation est dans l'actualité presque tous les jours, et c'est probablement à cause des problèmes de Home Capital, qui n'est pourtant pas un cas systémique mais un événement isolé. La décote Moody's a déclenché des inquiétudes plus vastes pour la santé du marché de l'habitation.

Or, quelles sont ces inquiétudes? D'où viennent-elles? Il y en a trois qui sont fréquemment citées.

En premier lieu, il y a le fait que les plus grandes banques canadiennes ont une grande exposition au secteur de l'habitation. Les six grandes banques représentent 93 p. 100 des actifs totaux du système bancaire. Elles attribuent environ un tiers — 35 p. 100 — de leur actif total aux prêts à la consommation et aux prêts hypothécaires, dont ils tirent 50 p. 100 de leur chiffre d'affaires. Les prêts hypothécaires à eux seuls pèsent 45 p. 100 des prêts totaux des banques.

Le deuxième facteur fréquemment cité est le très haut niveau d'endettement des ménages canadiens. M. Beattie vous a expliqué tantôt que la dette des ménages par rapport au revenu disponible est un problème pour l'institution chez Moody's, au niveau de leur décote : le ratio de la dette des ménages par rapport au revenu disponible a atteint 170 p. 100. C'est l'un des plus élevés des économies du G7.

Le troisième facteur est l'accélération rapide du prix des logements que nous avons observée ces deux dernières années à Vancouver et ces quelques derniers mois à Toronto, et qui a progressé à un rythme difficile à expliquer par les indicateurs de base.

Selon un sondage sur l'abordabilité, le prix des maisons à Vancouver a monté de l'équivalent d'une année complète du revenu du ménage.

Certes, ces préoccupations sont valides, et j'aimerais souligner aujourd'hui que nous devons les garder en perspective. Le marché de l'habitation est en surchauffe, mais les points chauds sont principalement concentrés à Vancouver et à Toronto. Le niveau élevé de la dette est un point de vulnérabilité pour le système financier étant donné l'exposition des banques, mais il y a des protections en place pour assurer la résilience du système bancaire.

Le BSFI exerce une surveillance très serrée. Il révise continuellement ses attentes en matière de normes de souscription par les banques. C'est la ligne directrice B-20 qu'il émet aux banques au sujet de toute leur souscription hypothécaire.

Le système bancaire a des coussins suffisants de capital et de liquidité. Les prêts hypothécaires au Canada sont des prêts à plein recours, sauf dans deux provinces.

Enfin, une proportion importante des prêts hypothécaires au Canada sont pleinement garantis par le gouvernement.

Par ailleurs, les autorités ont réagi proactivement à la conjoncture du marché de l'habitation. Elles ont institué des mesures prudentielles et fiscales pour corriger les déséquilibres de l'habitation et atténuer les risques.

Nous faisons bon accueil à ces mesures et nous constatons qu'elles commencent à avoir l'air de fonctionner pour réduire les déséquilibres de l'habitation, mais étant donné que la dette des ménages est si élevée et que l'exposition des banques est si considérable, nous recommanderions un nouveau renforcement de la résilience du secteur des ménages et des banques. À cet égard, nous avons trois recommandations.

La première est le renforcement des mesures prudentielles et fiscales pour tempérer l'activité de spéculation et d'investissement. Parmi ces mesures, nous encouragerions les autorités à envisager de plafonner le ratio de la dette des ménages sur leur revenu. Il s'agirait du montant de dette qu'un emprunteur pourrait contracter auprès d'une banque, pour la limiter à un certain seuil du revenu de l'emprunteur.

En général, par contre, nous recommanderions que ces mesures ne fassent pas de distinction entre résidants et non- résidents. Jusqu'ici, rien n'indique que l'activité des non-résidents est le principal facteur d'augmentation du prix des maisons.

La deuxième recommandation vise une plus grande coordination entre les organismes fédéraux et provinciaux de réglementation pour resserrer la surveillance et résoudre les problèmes dès qu'ils surgissent.

Et notre troisième recommandation est de dégager des ressources spécialisées — et je sais que le gouvernement fédéral a maintenant des fonds pour cela dans le budget — afin de recueillir plus de données détaillées sur les transactions immobilières. C'est important pour mieux comprendre la dynamique sous-jacente — comment elle évolue; qui achète et qui vend — et améliorer l'efficacité des politiques qui dictent la réponse des autorités et empêcher de les déjouer.

Je m'arrête ici et je serai heureuse de répondre à vos questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de votre présence. J'ai lu votre rapport de 2016 intitulé Consultation au titre de l'article IV. C'est un document de plusieurs pages. J'ai été intéressée par le point où il est question du Canada et de la matrice d'évaluation des risques. Y a-t-il eu une évaluation des risques? Quel a été le résultat de la matrice d'évaluation des risques pour le Canada?

Mme Lim : La grille d'évaluation des risques est un cadre qui oriente notre réflexion sur les chocs possibles qui pourraient se répercuter sur l'économie canadienne. Dans le rapport que vous avez sous les yeux, un des risques que nous avons analysés est une correction très marquée du prix des maisons.

Comme je l'ai dit plus tôt, il y a un lien fort entre le secteur de l'habitation et le système bancaire. Si, pour une raison quelconque, il devait survenir un choc dans le système, comme une hausse du chômage, qui se répercuterait sur la capacité des ménages de gagner un revenu, cela diminuerait leur capacité d'assurer le service de leur dette, ce qui aurait des répercussions sur les portefeuilles des banques. C'est une façon pour nous d'analyser les canaux par lesquels un choc négatif pourrait se répercuter sur l'économie canadienne.

La sénatrice Marshall : Quelle cote le Canada a-t-il eue l'an dernier? Vous travaillez probablement à votre rapport de 2017. Cela révèle une probabilité élevée, puis moyenne à élevée, une autre moyenne à élevée et, enfin, une moyenne. Où le Canada se serait-il situé?

Mme Lim : Pour ce qui est du secteur de l'habitation, l'impact est élevé en ce sens que, s'il y a un choc dans le secteur de l'habitation, l'économie le saura, l'économie le ressentira.

Dans notre évaluation, comme dans celle de Moody's, il y a deux façons d'envisager un choc : la première est la probabilité de survenance de l'événement et l'autre est son impact. Côté impact, nous voyons un impact élevé parce que le secteur de l'habitation est un volet important de l'économie canadienne.

Quant à la probabilité de sa survenance, nous considérons que la probabilité est moindre. Dans le rapport de l'an dernier, sauf erreur, elle était de faible à moyenne.

La sénatrice Marshall : Cette évaluation me fait penser que c'est quelque chose qui a probablement atténué la conclusion : en effet, on y voit que l'impact sur le système bancaire serait grave, mais atténué par l'assurance hypothécaire et la capacité de la SCHL et des assureurs privés d'absorber des pertes.

Pourriez-vous nous parler de l'assurance hypothécaire, du rôle de la SCHL et de la façon dont cela se rattache au gouvernement fédéral au Canada? C'est l'une des questions qui me préoccupent. Ce qui se passe à la SCHL aura des répercussions directes sur les résultats d'exploitation et la position budgétaire du gouvernement du Canada. Vous examinez la SCHL et dites qu'elle sera là et qu'elle souscrit un gros volume d'assurance hypothécaire, qui lui procure donc un coussin. Pourriez-vous nous en parler?

Mme Lim : Vous avez raison. Ce qui se passe à la SCHL aura un impact sur le bilan du gouvernement, mais je vous signale que la SCHL a augmenté sa réserve de capitaux en haussant le montant de la prime hypothécaire. C'était il y a un an, je crois. La société avait établi une structure en échelle de sorte que la prime hypothécaire des prêts avec le ratio prêts/dépôts le plus élevé, c'est-à-dire les prêts qui présentent le risque le plus élevé, augmentait davantage.

J'estime que la SCHL agit avec prudence. Elle s'assure de disposer de capitaux suffisants pour résister à un choc dans le secteur du logement qui ajouterait un passif éventuel à son bilan.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous donner un exemple de ce qui serait considéré comme un choc?

Mme Lim : Par exemple, en raison d'une tendance au protectionnisme commercial et à la fragmentation économique, cette évolution des politiques entraîne une baisse du commerce mondial au sein des économies avancées.

Comme nous le savons, l'économie du Canada est ouverte, c'est-à-dire qu'elle dépend grandement des flux transfrontaliers du commerce. S'il y a un choc pour le commerce mondial qui entraîne une baisse de la demande d'autres pays pour les biens canadiens, il y aura moins d'emplois pour les Canadiens. Le chômage augmenterait donc, et ce serait un choc.

La sénatrice Marshall : Qu'en est-il des taux d'intérêt? À l'heure actuelle, les taux d'intérêt sont très bas. De nombreux reportages récemment parus dans les médias ont fait état de sondages selon lesquels de nombreux consommateurs peinent à joindre les deux bouts, et peuvent à peine gérer leurs dépenses domestiques à l'heure actuelle. D'autres reportages nous apprennent que les taux d'intérêt vont augmenter. Serait-ce un autre exemple de choc pour l'économie?

Mme Lim : Oui, ce serait un autre exemple.

Je tiens à souligner que les autorités, en octobre dernier je crois, ont resserré les critères d'admissibilité. Autrement dit, si vous souhaitez contracter un emprunt hypothécaire assuré, vous devez désormais vous qualifier non seulement au taux d'intérêt affiché, mais aussi au taux affiché majoré de deux points de pourcentage. Ce resserrement vise à s'assurer que les ménages qui contractent ces emprunts résisteront davantage à une augmentation des taux d'intérêt, au moins jusqu'à concurrence du critère des deux points de pourcentage supplémentaires.

La sénatrice Marshall : Je ne sais pas si cette question relève de votre champ de compétence, mais je lis constamment dans les médias que le secteur du logement représente une importante composante de notre produit intérieur brut. Vous avez dit plus tôt que votre organisation regroupe 189 pays membres, et que nous étions au premier rang des pays du G7 en ce qui concerne la dette du secteur privé par rapport au PIB.

Quel pourcentage du PIB le secteur du logement devrait-il normalement représenter? Est-ce une question à laquelle vous pouvez répondre?

Mme Lim : C'est une très bonne question, mais il est très difficile d'y répondre. Il existe différents seuils, mais il est clair que lorsque la dette du secteur privé par rapport au PIB dépasse 100 p. 100 du revenu, il faut faire preuve de vigilance.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

La sénatrice Eaton : Vous parlez de chocs pour le système, et je me disais que les problèmes dans le domaine du bois d'œuvre représentaient un choc pour de nombreuses provinces, notamment le Québec, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick. Nous observons donc un choc en ce moment même.

Notre dette devrait atteindre environ 125 milliards de dollars dans les cinq prochaines années.

Vous avez soulevé la question dans l'une de vos lettres de 2016 concernant la reprise dans le secteur du pétrole. Or, les prix du pétrole n'ont pas remonté comme prévu. Comble de malheur, nous assistons maintenant à une alliance entre les néo-démocrates et les verts en Colombie-Britannique qui pourrait retarder, voir annuler le projet du pipeline Kinder Morgan, à moins que le gouvernement fédéral ne réagisse avec fermeté.

Estimez-vous que tout cela nous entraîne vers le fond, ou voyez-vous au contraire des motifs pour afficher un optimisme raisonnable quant à l'avenir, disons pour la prochaine année ou les suivantes?

Mme Lim : Nous avons pour principe de ne pas commenter de transactions ou d'ententes en particulier.

La sénatrice Eaton : Mais si vous examinez le portrait d'ensemble, les prix du pétrole qui stagnent, un projet de pipeline incertain, l'augmentation de la dette?

Mme Lim : Bien entendu, l'économie canadienne se porte mieux quand le prix du pétrole est élevé, mais nous devons garder à l'esprit que le choc pétrolier de 2014 a incité un grand nombre de sociétés d'exploitation de sables bitumineux à rationaliser leurs opérations, ce qui signifie qu'elles réduisent les coûts. Malgré un prix du pétrole beaucoup plus bas, elles sont effectivement mieux en mesure de poursuivre leurs activités aujourd'hui qu'elles auraient pu le faire il y a deux ans.

Même si les prix du pétrole vont vraisemblablement osciller entre 45 $ et 55 $ le baril, nous ne considérons pas que cela aura une incidence sur les sociétés pétrolières comme en 2014.

Le sénateur Oh : Merci pour toutes ces informations.

Les prix des logements au Canada, en comparaison avec d'autres régions du monde, sont probablement encore les plus bas. C'est l'un des pays où il fait le mieux vivre dans le monde. Je voyage beaucoup, et je constate que les prix de nos maisons sont les plus bas par rapport à l'Asie et à l'Europe.

Vous êtes préoccupée par la dette des ménages, qui est si élevée, mais le Canada est si vaste. Les deux seules villes touchées sont Toronto et Vancouver. Dans le reste du pays, les prix des maisons restent probablement les mêmes ou n'augmentent que de 10 à 15 p. 100.

Je suis ici depuis 40 ans. J'ai probablement assisté à trois corrections du prix des maisons, qui montent et redescendent, et le taux d'intérêt le plus élevé pour les prêts hypothécaires s'est établi à 23 p. 100 en 1984.

Comment justifier un ton si alarmiste quand il n'y a que deux villes dans ce grand pays où les prix sont plus élevés qu'ailleurs?

Mme Lim : Je suis d'accord avec vous. J'ai dit au départ que le secteur de l'habitation soulevait certaines inquiétudes, mais qu'il fallait relativiser le tout parce qu'une grande part de l'appréciation des prix que nous avons observée a été concentrée principalement dans ces deux villes. En Alberta, par exemple, nous constatons que les prix des maisons sont à la baisse.

La Banque du Canada dirait probablement que le marché du logement continue d'évoluer suivant trois trajectoires, et qu'il n'existe pas un marché du logement au Canada, mais bien trois. La politique publique doit tenir compte de ces différences régionales.

Je suis toutefois d'accord avec vous pour relativiser les choses.

Le sénateur Neufeld : Il y a trois mois en Colombie-Britannique, le gouvernement a instauré une autre taxe sur l'investissement étranger dans l'industrie du logement, et je pense que l'Ontario s'apprête à en faire autant.

À votre avis, cela est-il utile ou pas?

Mme Lim : Même avant la taxe de 15 p. 100, si c'est bien de cela que vous parlez, imposée aux acheteurs non- résidents à Vancouver, les prix dans cette ville avaient déjà commencé à diminuer. Lorsque la taxe a été mise en place, nous avons constaté une accélération de la baisse des prix des maisons, et aussi de l'activité dans le secteur.

À savoir si cela se poursuivra ou si l'effet risque surtout d'être temporaire, les données les plus récentes, soit celles d'avril, montrent que les prix des maisons recommencent à augmenter. Je pense que ces mesures ont placé les acheteurs éventuels dans une certaine expectative, mais je ne suis pas sûre qu'elles aient changé quoi que ce soit à la situation sous-jacente.

Le sénateur Neufeld : Vous avez également déclaré que ce ne sont pas les investissements internationaux, mais bien les investissements locaux qui font augmenter les prix des logements à Vancouver. Vous ai-je bien compris? Je n'ai pas tout lu ce que vous avez écrit, mais ce n'est assurément pas ce que nous entendons depuis longtemps à Vancouver. De nombreuses maisons sont vendues et demeurent inhabitées, ou les enfants peuvent y vivre pendant quelques années pour étudier en Colombie-Britannique, mais ils rentrent ensuite dans leur pays d'origine. Je vis en Colombie- Britannique et c'est une situation dont j'ai assez souvent entendu parler. Je m'interroge simplement, parce que ce que vous avez dit est totalement différent de ce que j'entends.

Mme Lim : Nous nous fondons sur des données, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous recommandons aux autorités de recueillir des données sur les transactions immobilières. Nous avons peu de raisons de croire que l'augmentation des prix de l'immobilier est causée par les acheteurs non-résidents.

À Vancouver, des enquêtes ont révélé que les acheteurs non-résidents représentaient 13 p. 100 du total des transactions immobilières avant l'entrée en vigueur de la taxe, et que ce pourcentage a chuté à environ 3 à 4 p. 100 après l'instauration de la taxe. Cette dernière a bel et bien eu un effet, mais peut-on parler d'un effet significatif à 13 p. 100?

Je pense qu'il est important de garder à l'esprit que les mesures fiscales pourraient être plus globales. Elles pourraient être fondées sur l'activité, et pas nécessairement sur la résidence. Donc, si les autorités locales craignent l'activité spéculative qui fait grimper les prix des logements, la taxe devrait être fondée sur l'activité.

Le sénateur Neufeld : Je dirais qu'un grand nombre de gens qui vendaient leur maison habitaient probablement à Vancouver depuis 30 ou 40 ans et ont constaté tout à coup que leur maison valait 10 fois le prix qu'ils avaient payé. Ils en ont donc profité pour acheter une maison moins chère dans une autre région de la Colombie-Britannique. D'après moi, c'est à peu près ce qui s'est passé. Ces personnes ont déménagé dans la banlieue. Êtes-vous d'accord?

Mme Lim : Je pense que votre interprétation est sans doute la bonne. Certaines personnes ont profité d'un marché en hausse, et il n'y a rien de mal à cela. Ce que nous voulons éviter, c'est une spéculation excessive qui fait augmenter les prix à un niveau si élevé qu'ils deviennent inabordables, compte tenu des niveaux de revenu.

Le sénateur Neufeld : En ce qui me concerne, les prix élevés du pétrole sont bons pour l'économie canadienne, mais je peux vous dire qu'on ne voit pas les choses sous cet angle dans certaines régions du Canada. Dans l'Est du Canada, on ne considère pas qu'il est bon pour l'économie canadienne que les prix du pétrole soient élevés. Je suppose que tout dépend de l'endroit où vous vivez.

La sénatrice Galvez : Vous avez parlé des chocs sur les marchés et aussi des risques. Tel que je le conçois, le risque représente la probabilité que quelque chose se produise multiplié par l'impact ou la gravité de l'événement.

Ici au Canada, les changements climatiques prennent la forme d'inondations, de montée des niveaux d'eau, et les deux endroits en particulier dont nous discutons ici sont la région près des Grands Lacs et celle qui est à proximité de l'océan à Vancouver.

Les maisons dans ces régions sont très chères, et c'est aussi la raison pour laquelle elles ont un tel poids sur le marché et sur l'équilibre des finances publiques.

Si un événement majeur se produit et affecte de vastes zones de ces villes en particulier, comment le marché et les banques réagiront-ils?

Mme Lim : Espérons que nous pourrons éviter une telle catastrophe.

On peut voir le marché du logement comme une situation économique normale dans le sens où tout dépend de l'offre et de la demande. Si une telle catastrophe se produisait et affectait le désir d'acheter des maisons dans ces régions, alors évidemment, cela aurait un effet d'amortissement sur les prix des maisons. Mais je dirais qu'il s'agit d'un scénario plus hypothétique.

La sénatrice Galvez : C'est pourtant arrivé cette année dans cette région, alors que 3 000 maisons ont dû être évacuées. Ce n'est pas si hypothétique puisque de nombreuses personnes ont perdu beaucoup de choses dans leur maison. C'est ce qui se produit actuellement.

Le sénateur Woo peut vous dire que cela s'est aussi produit à Singapour. Cela devient de moins en moins hypothétique.

Mme Lim : Je comprends votre raisonnement, merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci beaucoup. C'est une information fort intéressante. Les deux grands points de surchauffe en ce qui a trait à l'immobilier, ce sont Vancouver et Toronto depuis quelques mois. Il s'agit d'une conjoncture ponctuelle et pas nécessairement structurée. En tenant compte de cela, en se comparant aux autres pays du G7, quelle est la plus grande menace de la robustesse de l'économie canadienne?

[Traduction]

Mme Lim : J'en ai parlé plus tôt. Ce qui se passe sur la scène du commerce mondial sera important pour le Canada, et une grande partie du dénouement dépendra également des politiques adoptées par l'administration américaine.

Les prix du pétrole pourraient aussi constituer une autre source possible de risque. Nous pourrions assister à une nouvelle baisse des prix du pétrole.

Partout dans le monde, nous observons une reprise de l'économie. Nous voyons aussi une reprise du secteur manufacturier à l'échelle mondiale, mais c'est un long processus depuis la crise de 2008. Certains craignent que l'on entre dans une période de faible croissance pendant une longue période. Si cette tendance se maintient, elle aura elle aussi un effet de ralentissement sur le Canada, qui ne pourra exporter autant si la demande extérieure est faible.

Ce sont là quelques-uns des risques externes qui pourraient avoir une incidence sur le Canada.

La sénatrice Marshall : J'avais une autre question pour vous. Quand je vous ai parlé plus tôt, j'ai dit que nous utilisions les consultations au titre de l'article IV de 2016. Savez-vous quand le rapport de 2017 sera publié?

Mme Lim : Probablement au début de juillet.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie.

La sénatrice Anne C. Cools (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Je tiens à remercier notre témoin. Elle nous a appris beaucoup de choses et nous lui en savons gré.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant deux représentants de la SCHL. Je vous prie de m'excuser si je prononce mal votre nom. Souhaitons la bienvenue à Wojo Zielonka, chef des finances et premier vice-président, Marchés financiers, et à Romy Bowers, chef de la gestion des risques. J'aimerais bien savoir comment gérer les risques.

Quoi qu'il en soit, la parole est à vous. Peut-être voulez-vous choisir la façon dont vous aimeriez procéder?

Wojo Zielonka, chef des finances et premier vice-président, Marchés financiers, Société canadienne d'hypothèques et de logement : J'ai quelques remarques d'introduction.

[Français]

Je suis ravi d'être ici aujourd'hui avec ma collègue, Romy Bowers, chef de la gestion des risques à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, et d'avoir l'occasion de vous faire part de quelques remarques d'introduction.

[Traduction]

En tant qu'autorité en matière d'habitation au Canada, la SCHL a pour mandat de contribuer à la stabilité des marchés de l'habitation et du système financier du pays. Nous nous acquittons de ce mandat de différentes façons, par le biais de nos activités d'assurance prêt hypothécaire et de titrisation, qui sont des éléments clés du système canadien de financement de l'habitation; par un suivi permanent des marchés de l'habitation, pour repérer les tendances émergentes et déceler les moindres signes inquiétants; et par la prestation de conseils au gouvernement du Canada sur tout ce qui touche l'habitation et son financement.

Comme vous le savez, l'assurance prêt hypothécaire facilite l'accès à la propriété pour les acheteurs canadiens admissibles, soutenant ainsi la stabilité de notre système financier et la croissance économique. Les programmes de titrisation de la SCHL facilitent l'accès à du financement aux fins de l'octroi de prêts hypothécaires résidentiels.

Il est important de noter que nous exerçons nos activités d'assurance prêt hypothécaire et de titrisation dans un contexte commercial, sans recourir au financement de l'État. En fait, un peu plus tôt ce matin, nous avons annoncé la mise en place d'un cadre de dividende qui prévoit le possible versement par la SCHL d'un dividende au gouvernement lorsque son niveau réel de capital dépasse son niveau cible de capital.

Selon notre rapport financier pour le premier trimestre, compte tenu de son rendement soutenu, la SCHL versera un dividende de 145 millions de dollars à son actionnaire, le gouvernement du Canada. Nous prévoyons aussi lui verser un dividende exceptionnel pendant l'exercice.

Néanmoins, le gouvernement assume un risque important en accordant une garantie financière à nos activités d'assurance et de titrisation. Nous prenons ce risque très au sérieux.

En sa qualité de société d'État chargée de contribuer à la stabilité financière du pays, la SCHL se doit selon nous d'être un chef de file en gestion des risques liés à l'habitation. La gestion des risques est notre préoccupation principale : elle est au cœur de tout ce que nous faisons.

À l'issue d'un examen auquel l'avaient soumise le gouvernement et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), la SCHL a depuis quelques années nettement renforcé ses politiques et pratiques de gestion des risques, notamment en ce qui concerne les fonctions d'audit interne, l'assurance de la qualité des prêteurs, la simulation de crise, la gestion du capital ou encore la gouvernance exemplaire. C'est un travail continu. Par exemple, nous avons revu l'an dernier notre Cadre d'appétit pour le risque pour en faire un modèle conditionnel qui évolue en fonction des circonstances.

Ainsi, la stabilité financière sera prioritaire à moins qu'un bouleversement économique ne survienne et, face à pareille éventualité, nous serions prêts à assumer un rôle plus actif afin de favoriser l'accès au logement pour les Canadiens. Ceci reflète l'un des avantages du système canadien de financement de l'habitation, à savoir que la SCHL est un outil stratégique tout au long du cycle économique.

Nous collaborons aussi avec nos collègues du ministère des Finances, de la Banque du Canada et du BSIF pour trouver des moyens de mieux répartir les risques au sein du système financier tout en préservant l'appui du gouvernement au financement de l'habitation.

En conseillant le gouvernement du Canada en matière d'habitation, la SCHL a contribué à l'élaboration d'une série de mesures destinées à stabiliser les marchés de l'habitation, notamment le remaniement en profondeur des programmes d'assurance prêt hypothécaire annoncé par le ministre des Finances en octobre dernier.

À notre avis, le régime d'assurance prêt hypothécaire avait des effets stimulants indésirables sur le marché. Nous avons tenté d'éliminer les distorsions, sans en créer. Nous sommes convaincus que ces mesures étaient nécessaires pour aider à protéger la sécurité financière des nouveaux propriétaires, de même que la stabilité économique du Canada.

Il fallait également agir parce que le niveau d'endettement des ménages canadiens atteint maintenant le sommet historique de 167 p. 100 du revenu disponible. Selon la Banque du Canada, il s'agit du plus important facteur de vulnérabilité pour notre économie.

Certains faits nouveaux, notamment la situation de Home Capital et la révision à la baisse des notations des six principales banques canadiennes par Moody's, suscitent des inquiétudes au sujet de la stabilité du système canadien de financement de l'habitation. Moody's est une agence de notation respectée et ses constatations ont du poids aux yeux des acteurs sur le marché. Parmi les motifs qu'elle a soulignés pour expliquer cette révision à la baisse, il y a les taux d'endettement élevés des ménages et les prix élevés des logements. Cela concorde avec notre propre analyse de la conjoncture.

Cela dit, l'état actuel de nos risques financiers ne nous inquiète pas et nous continuons d'avoir confiance dans le système canadien de financement de l'habitation. Les banques canadiennes se classent régulièrement parmi les plus solides au monde. De plus, selon les résultats de notre plus récente simulation de crise, la rentabilité de la SCHL est satisfaisante et son niveau de capital est suffisant pour résister aux perturbations économiques les plus graves.

La révision à la baisse des notations des six grandes banques canadiennes n'est pas sans précédent, mais elle nous rappelle que nous devons rester vigilants face aux risques susceptibles de compromettre la stabilité du système financier canadien.

Merci encore de nous avoir donné l'occasion de nous joindre à vous aujourd'hui. Nous répondrons volontiers aux questions que les membres du comité pourraient avoir en ce moment.

La vice-présidente : Merci.

Madame Bowers, voulez-vous dire quelques mots?

Romy Bowers, chef de la gestion des risques, Société canadienne d'hypothèques et de logement : Oui. Merci beaucoup de votre invitation.

Pour renchérir les commentaires de mon collègue, je veux expliquer brièvement en quoi consiste le programme de la simulation de crise à la SCHL.

La simulation de crise est une technique de gestion des risques visant à comprendre comment les principaux facteurs de risque influent sur le bilan et la situation financière d'une entreprise, puisque cet exercice a pour objet de tester la résilience d'une institution à des événements exceptionnels, mais plausibles. La simulation de crise est utilisée par les banques et les sociétés d'assurances pour tester l'adéquation de leur capital.

Ces dernières années, compte tenu de son statut de société d'État, la SCHL, comme vous l'avez probablement constaté, publie les résultats de ses exercices de simulation de crise. Nous le faisons, car nous sommes une société d'État et que nous voulons que nos activités de gestion des risques soient davantage transparentes.

Une fois l'an, nous menons de pair la simulation de crise et le processus de planification intégrée. La simulation de crise est un outil fort utile pour la direction, car ses résultats nous aident à comprendre la résilience opérationnelle de notre organisme et à établir des réserves de capital suffisantes pour préserver notre bilan.

Étant donné la nature de nos activités, l'assurance prêt hypothécaire pour être plus précise, les principaux facteurs de perte pour nous sont un taux de chômage élevé et une diminution marquée du prix des logements.

Ces dernières années, nous avons mis au point divers scénarios macroéconomiques portant, par exemple, sur une baisse du prix du pétrole, un tremblement de terre à Vancouver et une déflation mondiale.

Un de ces scénarios revêt une importance particulière pour nous; nous l'appelons le scénario 5-30. Il s'agit essentiellement d'une simulation du ralentissement que les États-Unis ont connu en 2007-2008 dans le contexte canadien. Ce scénario est important pour nous parce qu'à titre de cadres supérieurs, nous estimons devoir conserver suffisamment de capital au bilan pour résister à des perturbations de cette nature.

Sous l'effet du scénario, nos pertes ont considérablement augmenté. Si on se rapporte au plan quinquennal, elles sont huit fois plus élevées par rapport à ce qu'elles auraient été dans des conditions économiques sans danger. Nos ratios de capital, très solides au début, diminuent pour se rapprocher étroitement du niveau minimal requis par le BSIF, qui est l'organisme responsable de la surveillance de la SCHL.

Nous estimons, comme je l'ai déjà dit, qu'il est de notre devoir de conserver une réserve de capital suffisante pour résister à des perturbations de cette ampleur et nous veillons à ce que le scénario soit exécuté une fois l'an au moment d'établir notre politique en matière de dividende, un sujet que Wojo vient tout juste d'aborder.

Dans d'autres discussions qui ont eu lieu au comité, il a été mentionné que la SCHL est assujettie à la surveillance du BSIF qui examine toutes nos pratiques de gestion des risques, et la simulation de crise n'y échappe pas. Le BSIF publie des exigences concernant les programmes de simulation de crise et il s'attend à ce que les institutions financières s'y conforment, et nous le faisons.

Depuis 2012, année où la SCHL a été assujettie à la surveillance du BSIF, nous nous sommes efforcés de renforcer nos capacités de gestion des risques et d'investir dans notre capacité de simuler des crises. Nous procédons sans cesse à une analyse comparative de nos pratiques de gestion des risques et nous sommes en mode d'amélioration continue afin de renforcer nos capacités en matière de simulation de crise.

Pour vous situer un peu, au cours des trois dernières années, la SCHL a ajouté à son effectif environ 50 employés affectés à la gestion des risques et beaucoup d'entre eux participent à nos travaux de simulation de crise.

Conformément aux attentes du BSIF, nous avons instauré de très rigoureux mécanismes de contrôle et de gouvernance de nos activités de simulation de crise. Le niveau de supervision le plus élevé est assuré par notre conseil d'administration, mais les comités de la haute direction, la fonction d'audit interne, les finances et les ressources humaines appliquent d'autres outils de contrôle et de supervision à la gestion des risques.

Je voulais simplement rendre la simulation de crise un peu moins rebutante. Nous serions heureux de répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Par souci de clarté, je pense que je vous ai entendu dire que la SCHL n'est surveillée par le Bureau du surintendant des institutions financières que depuis 2012. Est-ce que c'est si récent? Que s'est-il passé avant?

M. Zielonka : C'est une décision qui a été prise. En 2012, le BSIF a commencé à surveiller nos activités. Nous ne sommes pas réglementés de façon officielle, mais à toutes fins pratiques, nous nous conformons aux lignes directrices du BSIF et nous avons droit à une inspection sur place chaque année.

Avant 2012, il y avait un conseil d'administration et il y avait des audits. Le vérificateur général procède à des examens spéciaux; il est d'ailleurs l'un de nos auditeurs conjoints et la supervision se faisait ainsi et il n'y avait pas de surveillance supplémentaire exercée par le BSIF.

La vice-présidente : C'est intéressant. Merci beaucoup.

La sénatrice Eaton : Dans vos remarques, monsieur Zielonka, vous avez dit que Moody's est une agence de notation respectée, mais qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter si elle a révisé à la baisse la notation des six grandes banques canadiennes. Cependant, elle ne l'avait pas fait en 2008. Pour quelle raison, à votre avis, l'a-t-elle fait maintenant? Est- ce uniquement à cause du secteur du logement? N'étions-nous pas aussi exposés à d'autres perturbations en 2008? Cette révision à la baisse maintenant ne semble pas vous inquiéter.

M. Zielonka : Pour être précis, je pense que l'agence Moody's évalue les banques canadiennes et est mieux placée pour parler en leur nom. Elle évalue les banques canadiennes par rapport aux autres banques à l'échelle internationale.

La sénatrice Eaton : Je l'ai compris, mais c'est le ton sur lequel vous avez dit que sa révision à la baisse de la notation des banques ne faisait aucune différence qui m'a surprise. Cette révision à la baisse ne vous préoccupe pas particulièrement.

M. Zielonka : Bien, les banques canadiennes sont tout de même très bien notées. Même si leur notation a été révisée à la baisse, nous devons nous rappeler que les banques canadiennes sont parmi les banques les mieux notées au monde, et que c'est encore le cas.

La sénatrice Eaton : Il s'agit quand même d'une révision à la baisse.

M. Zielonka : Il reste que c'est une révision à la baisse, tout à fait.

La sénatrice Eaton : Dans l'un de ses rapports, le FMI a indiqué avoir l'impression que la supervision du secteur du logement au Canada était répartie entre le ministère des Finances, le surintendant des institutions financières, la SCHL et les gouvernements provinciaux. Y aurait-il lieu de la centraliser davantage, par exemple, d'en confier toute la responsabilité à la SCHL plutôt que d'avoir autant d'opinions qui interviennent pour prendre une seule décision?

M. Zielonka : Cette décision ne nous revient pas. Il y a régulièrement des consultations. Il y a, à Finances Canada, un comité appelé le comité consultatif supérieur qui donne des conseils au...

La sénatrice Eaton : Mais ce n'est pas une structure en bonne et due forme.

M. Zielonka : Ce n'est pas une structure officialisée, en effet, mais c'est un comité qui se réunit régulièrement et auquel nous siégeons quand il est question du secteur du logement. Il y a donc beaucoup de coordination. Nous consultons périodiquement nos collègues des divers organismes. Nous coordonnons beaucoup nos activités aujourd'hui.

La sénatrice Eaton : Qu'en est-il des provinces?

M. Zielonka : Dans nos activités de titrisation, en particulier, nous négocions avec des institutions financières réglementées par les provinces et nous consultons aussi parfois les organismes de réglementation provinciaux. Il y a une certaine coordination pour ce qui est des institutions assujetties à la réglementation provinciale.

En ce qui a trait aux dossiers du marché du logement élargi, je pense que ces interactions se passent à divers niveaux. Le ministère des Finances, je présume, communique aussi avec ces organismes. Il y a divers liens.

La sénatrice Eaton : Vous ne pensez donc pas qu'il faudrait centraliser davantage?

M. Zielonka : Ce n'est pas vraiment à moi de spéculer sur la solution idéale, car ce n'est pas quelque chose...

La sénatrice Eaton : Je vous demande votre opinion.

M. Zielonka : Les deux formules présentent des avantages. Ce n'est pas une réalité à laquelle nous sommes confrontés; il est donc un peu difficile de...

La sénatrice Eaton : Parfois, nous, les membres du comité, nous essayons et améliorons des choses. Nous nous efforçons de trouver des moyens d'indiquer dans nos rapports une autre façon de faire ou d'examiner les choses et si personne ne nous fait réellement part de son opinion, rien ne changera jamais.

Merci.

La sénatrice Marshall : Encore une fois, bienvenue.

Qu'est-ce qui représente le risque le plus important pour la SCHL? Est-ce dans le domaine de l'assurance hypothécaire?

M. Zielonka : Comme l'a dit ma collègue Romy, le scénario susceptible d'avoir pour nous des résultats négatifs se caractérise par une augmentation du taux de chômage assortie d'une diminution du prix des logements.

Un recul du prix des logements n'est pas nécessairement un mauvais scénario en soi. Même si la valeur de leur logement a reculé, les gens continuent de rembourser leur prêt hypothécaire. Il y a un problème seulement quand une personne perd son emploi et qu'elle est incapable de vendre son logement au prix qu'elle l'a acheté afin de couvrir le prêt hypothécaire. C'est là que les choses tournent mal.

En fin de compte, c'est le taux de chômage qui nous préoccuperait, car il fluctue toujours.

La sénatrice Marshall : Est-ce que cela se refléterait dans l'assurance hypothécaire? J'essaie simplement de comprendre.

M. Zielonka : Au début, cela se refléterait dans l'assurance hypothécaire. C'est là qu'il y aurait des pertes.

Nous avons aussi des activités de titrisation, et c'est un peu différent, car nous sommes exposés seulement quand une série d'événements se produisent, y compris la faillite des institutions financières, quand les propriétaires et les assureurs hypothécaires arrêtent de payer pour une raison quelconque et qu'ainsi, les institutions financières n'existent essentiellement plus. Il faudrait alors titriser.

Ce sont des événements extrêmes que nous ne prévoyons pas pour l'instant.

La sénatrice Marshall : D'accord, mais si certains risques venaient à se matérialiser... J'essaie simplement de comprendre le lien que vous faites au ministère des Finances. Nous avons abordé ce sujet la dernière fois que vous êtes venu ici, et ce n'est toujours pas évident pour moi. Je vais relancer la balle.

La dernière fois que vous avez témoigné devant le comité, vous avez dit avoir les ressources financières nécessaires pour être autonome pendant un certain temps. À quel point faudrait-il que les problèmes soient graves pour que vous demandiez de l'aide financière au ministère des Finances? Jusqu'à quel point pouvez-vous voguer seule comme société?

M. Zielonka : Avant de devoir réclamer du financement, il faudrait que l'événement soit cataclysmique.

La sénatrice Marshall : Catastrophique.

M. Zielonka : Catastrophique sur deux plans. Nous avons un imposant portefeuille de placements.

Il y a deux réponses à cette question. L'une porte sur le moment où notre capital passe sous la barre des niveaux de capital auxquels sont assujettis les assureurs hypothécaires privés. On pourrait imaginer le scénario suivant : une hausse de 5 p. 100 du taux de chômage et une diminution de 30 p. 100 du prix des logements dans l'ensemble du pays.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous quantifier en dollars?

M. Zielonka : En fait, oui.

Mme Bowers : Dans ce cas-là, nos pertes s'élèveraient, sur la période visée dans le plan quinquennal, à environ 10 millions de dollars.

La sénatrice Marshall : Et votre volet assurance hypothécaire représente quoi, 500 milliards de dollars?

Mme Bowers : Exact.

La sénatrice Marshall : Parlez-nous un peu du cadre de dividende que vous avez mentionné dans vos remarques préliminaires; c'est un sujet qui m'intéresse. Qui a fixé le montant de 145 millions de dollars? L'avez-vous négocié avec le gouvernement? Est-ce que la décision relève exclusivement du conseil d'administration ou est-ce que le montant a été dicté par le ministère des Finances? Comment en êtes-vous arrivés à la somme de 145 millions de dollars?

M. Zielonka : Laissez-moi vous expliquer un peu.

Au cours des derniers mois, le gouvernement a donné des consignes à propos de ce que les sociétés d'État devraient, à son avis, faire. Les consignes se résument essentiellement à ceci : Si vous avez du capital excédentaire, remettez-le. Il y a en fait un cadre de capital et un cadre de dividende.

Nous avons instauré deux mesures. Nous avons examiné la situation et nous avons constaté que nous avons un capital excédentaire significatif qui dort dans nos coffres. Nous envisageons donc la possibilité de verser un dividende spécial au gouvernement. Voilà pour la première partie.

Puis, notre revenu net trimestriel est important et nous avons donc instauré une politique de dividende que notre conseil d'administration a approuvée il y a quelques semaines. C'est en accord avec les principes du gouvernement relativement au cadre. La politique en question laisse un grand pouvoir discrétionnaire aux administrateurs, mais en fin de compte, elle stipule que si nous avons du capital excédentaire et que nous n'en avons pas besoin, il faut le rembourser.

La sénatrice Marshall : Le remettre.

M. Zielonka : Le remettre.

Nous avons donc l'intention de remettre sur une base trimestrielle une partie de notre revenu net. Puis, à la fin de l'année, nous remettrions tout revenu net excédentaire dont nous n'avons pas besoin.

La sénatrice Marshall : Y a-t-il une version papier de ce cadre du gouvernement?

M. Zielonka : Je pense qu'il y en a une. Elle a été transmise à la société d'État à vocation financière, en particulier.

La sénatrice Marshall : Pourquoi alors s'agit-il d'un dividende? On parle de sommes dues ou d'un compte d'investissements par le gouvernement, n'est-ce pas? Pourquoi parle-t-on de dividende et non de remboursement d'un prêt ou d'avances?

Le ministère des Finances, le gouvernement et la SCHL sont reliés ainsi. Dans les Comptes publics, il y a des fonds en rapport avec la SCHL pratiquement partout. Alors, pourquoi un dividende et non le remboursement d'un prêt ou d'une avance de fonds?

M. Zielonka : Dans la structure de capital de la SCHL, nous avons un capital d'apport de 25 millions de dollars qui a servi à établir la société à l'époque. Je ne suis pas certain que cela remonte à 1946, année de la création de la Société, mais c'est le montant que nous avons établi. Il s'agit du surplus d'apport. Tous nos bénéfices se sont accumulés avec le temps et ainsi, nos bénéfices non répartis représentent un montant très important.

Nous avons une dette dont une partie est attribuable à des prêts que nous avons consentis au nom du gouvernement dans le cadre de divers programmes qu'il a offerts au fil du temps. Le remboursement de cette dette n'aurait en fait aucun effet sur le niveau de notre capital. La seule façon de vraiment diminuer ce niveau, de réduire ce surplus, c'est soit de verser un dividende soit de retourner le surplus d'apport. Étant donné que le surplus d'apport ne représente que 25 millions de dollars, cela n'aurait en fait qu'un effet limité; voilà qui explique le choix d'un dividende.

La sénatrice Marshall : Une dernière question. Est-ce la première fois que vous versez un dividende au gouvernement?

M. Zielonka : Absolument.

La sénatrice Marshall : De tout temps?

M. Zielonka : De tout temps.

La sénatrice Marshall : C'est donc un revenu de 145 millions de dollars pour le gouvernement?

M. Zielonka : Exact.

La sénatrice Marshall : Merci.

La sénatrice Galvez : Dans une perspective sociale, j'ai une expérience de professeur d'université et je traite avec les millénaires et avec les membres de la génération Z. Ce sont des ingénieurs et ils me disent qu'ils ne seront jamais en mesure d'être propriétaire d'un logement. À quel point est-ce vrai? Je parle de l'ensemble du Canada, car mes étudiants sont autant en Colombie-Britannique qu'en Ontario.

M. Zielonka : Je ne sais pas à quel point c'est vrai. C'est de plus en plus difficile dans des villes comme Toronto et Vancouver. L'abordabilité du logement représente tout un défi, car nous avons vu les prix augmenter. Dans une certaine mesure, une partie de la stratégie nationale sur le logement que le gouvernement a annoncée et qui porte notamment sur l'abordabilité vise à essayer de régler ces problèmes.

Les problèmes d'abordabilité sont attribuables non seulement à la demande, qui a pour effet de faire monter les prix, mais également à l'offre et à la capacité d'offrir suffisamment. Certaines de nos grandes villes sont confrontées à ce défi.

La représentante du FMI a indiqué que le marché canadien du logement compte au moins trois marchés du logement; c'est probablement beaucoup plus. Certes, le prix du logement a explosé à Vancouver et à Toronto, mais des hausses plus modestes ont été constatées dans beaucoup d'autres marchés au Canada. Tout dépend vraiment du marché que vous ciblez. Or, je pense que les jeunes ont de plus en plus de défis à relever. C'est un fait qui, à mon avis, est préoccupant.

Le sénateur Neufeld : Merci d'être ici aujourd'hui. La sénatrice Marshall a posé la plupart des questions que j'avais à propos du dividende.

Est-ce que vos taux pour l'assurance-prêt et la garantie de titrisation ont augmenté dernièrement? Sont-ils les mêmes qu'il y a cinq ans? J'imagine qu'ils varient selon le type de prêt, mais ont-ils augmenté à ce point pour verser 145 millions de dollars dans un trimestre et un autre montant à la fin de l'année?

M. Zielonka : Je répondrais que dans tous nos programmes, les prix ont augmenté. Cependant, ces hausses n'ont aucun lien avec le dividende parce que le montant que nous versons en dividendes est le résultat d'activités que nous avons essentiellement consignées dans les livres à tout le moins au cours des 20, 25 dernières années. Notre revenu net est imposant. Dans les 10 dernières années seulement, notre contribution aux résultats financiers du gouvernement sous forme de revenu net et des impôts et taxes que nous payons est de l'ordre de 20 milliards de dollars.

Le dividende que nous versons, sous forme de ce que nous considérons un dividende spécial, est une mesure de rattrapage pour le revenu antérieur. Quant au dividende versé sur une base trimestrielle, cela porte sur nos activités passées.

Pour ce qui est des contrats que nous souscrivons aujourd'hui, il faut qu'ils se valorisent, ce qui prend du temps, on n'en tire pas profit tout de suite. Cela vient avec le temps. Et c'est seulement lorsque nous réalisons un profit qu'il est possible d'en disposer sous forme de versements de dividendes au gouvernement.

Je ne suis pas certain d'avoir entièrement répondu à votre question.

Le sénateur Neufeld : Bref, c'est 145 millions pour le premier trimestre, et cela monte à 600 millions pour l'année. C'est bien cela? C'est la tendance qui se dessine?

M. Zielonka : En fait, on s'attend à bien plus que cela. La façon dont nous avons conçu le versement de dividendes est la suivante : nous envisageons de verser environ la moitié de notre revenu net au cours du premier trimestre et ensuite, comme nous prévoyons qu'il augmentera au cours de l'année, la proportion du revenu net augmentera aussi.

J'ajoute que le versement du dividende n'a aucun impact sur les résultats financiers du gouvernement. Tous nos revenus sont consolidés. Au fur et à mesure que nous avons des revenus, ils sont comptabilisés comme composante de la situation financière du gouvernement, essentiellement comme composante de l'excédent ou du déficit budgétaire. En réalité, le versement du dividende est juste une opération comptable. Nous transférons de l'argent au gouvernement, et cet argent est porté au bilan du gouvernement au lieu d'être porté au nôtre.

Le sénateur Neufeld : Plutôt que de hausser vos taux, vous pourriez les baisser pour favoriser l'accès au logement, n'est-ce pas? Quand j'ai parlé de 600 millions de dollars, je pensais que c'était beaucoup, mais vous dites que ce sera encore bien plus, sans compter le dividende exceptionnel en fin d'exercice.

M. Zielonka : Selon moi, la démarche que nous adoptons pour fixer nos taux est la bonne. Elle est fondée sur le risque. Nous nous basons sur le risque que nous assumons pour déterminer nos taux. Il s'agit d'un risque à long terme. Nous prenons en considération ce qui, d'après nous, serait le risque encouru sur la durée de notre contrat d'assurance prêt hypothécaire, laquelle peut aller jusqu'à 25 ans.

Dans nos programmes de titrisation, nous imposons une prime de garantie. C'est au cas où se produirait un événement catastrophique à l'extrême. On ne peut pas prévoir quand cela peut arriver, mais dans ce cas, il vaut mieux disposer des ressources nécessaires pour couvrir cette perte plutôt que de les avoir utilisées pour verser des dividendes plus tôt, avant qu'ils aient été dégagés, ou pour subventionner une prise de risque qui ne devrait pas l'être.

Nous essayons de gérer cela prudemment, dans un contexte commercial, et ce que nous facturons correspond effectivement au risque que nous assumons.

Le sénateur Neufeld : Même si vous reversez ce montant au gouvernement du Canada, vous avez encore assez d'argent pour faire face à un événement catastrophique?

M. Zielonka : Oui, absolument.

Le sénateur Neufeld : J'ai une autre question à poser à Mme Bowers.

Lorsque la représentante du FMI a témoigné, elle a parlé d'ajouter deux points de pourcentage aux taux affichés actuellement. Ces deux points de pourcentage supplémentaires font-ils partie des données que vous prenez en compte? Qu'est-ce que vous utilisez lorsque vous simulez un événement catastrophique?

Mme Bowers : Quand nous faisons une simulation de crise, nous tenons compte du facteur que représentent les taux d'intérêt en cas de hausse soudaine des tarifs d'assurance.

Le sénateur Neufeld : C'est environ 2 p. 100?

Mme Bowers : C'est une bonne valeur.

De notre point de vue, les facteurs les plus importants risquant d'entraîner des pertes considérables pour la SCHL, ce sont une augmentation drastique du chômage et, parallèlement, une baisse des prix de l'immobilier résidentiel. Ce sont là les deux facteurs qui entraînent vraiment des pertes. Les données historiques démontrent que tant que les gens ont un emploi, ils peuvent habituellement payer leurs prêts hypothécaires. Nous avons découvert que si ces deux facteurs sont intégrés en priorité dans nos simulations de risque, c'est ce qui est à l'origine de pertes importantes. Dans ce contexte, c'est ce sur quoi nous nous concentrons.

Le sénateur Neufeld : À quand remonte le dernier événement catastrophique auquel vous avez été confrontés?

Mme Bowers : Je crois que l'un des sénateurs a posé une question sur les grands risques auxquels la SCHL s'expose.

Le sénateur Neufeld : Non, je veux dire à quand remonte le dernier événement catastrophique auquel vous avez eu à faire face?

Mme Bowers : J'ai évoqué une baisse d'environ 30 p. 100 des prix de l'immobilier résidentiel à l'échelle nationale. Au Canada, cela ne s'est jamais produit, heureusement — touchons du bois. Nous n'avons pas beaucoup de précédents historiques au Canada et notre marché hypothécaire n'est pas semblable à celui des États-Unis, mais l'un des défis que nous devons relever est de nous assurer de comprendre la nature du risque auquel le Canada est exposé. C'est ce qui rend l'exercice difficile. La simulation de crise est un art et une science, et nous nous efforçons constamment de garantir que nous avons établi les meilleurs modèles et que nous avons les meilleures compétences pour concevoir ce qui pourrait mal tourner dans ce contexte.

Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que la SCHL a été établie dans les années 1940?

M. Zielonka : En 1946.

Le sénateur Neufeld : Vous n'avez connu aucune catastrophe depuis 1946?

M. Zielonka : Non — pas que je sache.

La vice-présidente : Il y a quelques années, deux banques ont fait faillite. L'une d'elles était la Norbanque, je crois. En 1985, la Norbanque, et il y en a eu une autre qui s'appelait la Banque commerciale canadienne ou quelque chose comme cela. Je m'en souviens très bien.

M. Zielonka : Certaines institutions financières ont fait faillite, mais je ne qualifierais pas cela d'événement catastrophique. Ce sont des choses qui arrivent.

L'an dernier, une banque, la Maple Bank, a fait faillite. Nous avons géré la situation et elle n'a eu aucune répercussion sur nous. Nous avons eu un surcroît de travail, mais les résultats nets de la SCHL n'ont pas été affectés, ni d'ailleurs ceux du gouvernement.

Nous nous efforçons de gérer le portefeuille de risques qui est le nôtre. Si une grande banque faisait faillite, cela aurait sans doute un coût, mais notre rôle est aussi de stabiliser le marché. Être en mesure d'intervenir est un facteur clé.

À titre de commentaire sur une remarque du sénateur Neufeld à propos d'une hausse des taux d'intérêt, je dirais que selon nous, ce n'est pas ce qui risque le plus d'entraîner des pertes. Les consommateurs continueront de payer leur prêt hypothécaire; par contre, c'est la réduction de leur capacité d'acheter des biens et des services dans ce contexte qui serait plus préoccupante. Je crois que c'est là qu'il pourrait y avoir un problème, car les dépenses de consommation ont un impact sur la croissance du PIB. C'est cela qui est inquiétant. Et plus le niveau d'endettement est élevé, plus le problème est grand, car le risque encouru augmente. C'est, dans une certaine mesure, là où veulent en venir Moody's et le FMI en constatant que le niveau d'endettement augmente.

[Français]

Le sénateur Forest : En ce qui concerne le travail et le rendement, il y a la question des dividendes, mais sur le plan financier, il y a des rendements assez importants.

Vous avez affirmé que vous avez la responsabilité de conseiller le gouvernement du Canada en matière de logement. Actuellement, on parle de stress, parce que bon nombre de jeunes familles souhaiteraient revenir... On a connu l'époque des banlieues où les jeunes familles rêvaient de vivre dans une fermette non loin de la ville avec l'allée pavée et la piscine dans la cour arrière. Aujourd'hui, on constate l'inverse, soit que les jeunes familles aimeraient vivre au centre- ville pour être en mesure d'avoir une voiture au lieu de deux et d'emprunter des trajets plus courts pour les déplacements. C'est un marché qui est foncièrement occupé par de grands promoteurs, particulièrement en ce qui concerne les immeubles à condo de luxe, dont la majorité des propriétaires sont des gens qui ont beaucoup de moyens.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement ne pourrait-elle pas mettre en place des mesures incitatives pour accompagner une offre de services en matière de logement? Même dans les grands centres urbains ou dans les villes moyennes, on retrouve très peu de logements de cinq pièces, par exemple, pour les familles. C'est vraiment un phénomène lorsqu'on regarde les valeurs actuelles de la société canadienne sur le plan de l'environnement et des déplacements qui sont plus importants. À l'heure actuelle, ces gens n'ont pas accès à ce type de propriétés. Ils se retrouvent de plus en plus loin des centres-villes. Pour reprendre les propos de la sénatrice Galvez plus tôt, il n'y a pas de forme de responsabilité sociale pour mettre en place des mesures incitatives afin de repeupler nos centres-villes de jeunes familles qui assureront la survie de nos centres urbains et leur développement en cohérence avec leurs valeurs. La question des dividendes me préoccupe, parce que normalement ils sont versés à une société qui est capitalisée avec des actions. Cela signifie que la Société canadienne d'hypothèques et de logement a un capital-actions détenu par le gouvernement du Canada, n'est-ce pas? Vous pouvez me répondre dans l'ordre ou dans le désordre.

M. Zielonka : Ce n'est pas une question simple à répondre, car elle comporte différents liens. Nous constatons un changement profond dans la démographie au Canada, en particulier dans les grandes villes comme Toronto, Montréal et Vancouver. C'est pour cette raison que bon nombre de jeunes veulent habiter dans les centres-villes. C'est pourquoi on retrouve beaucoup d'immeubles à condo. En tant qu'institution, nous avons une obligation de permettre à tous les Canadiens d'avoir accès à la propriété.

Il y a différents types d'accès, et il est possible d'être propriétaire ou locataire. Nous voulons offrir toutes les différentes formes.

[Traduction]

Le versement de notre dividende n'a aucun effet sur les crédits ni sur les décisions du gouvernement concernant les secteurs auxquels il veut affecter principalement ses ressources. Dans sa Stratégie nationale sur le logement, le gouvernement a établi un plan très ambitieux qui aura un effet sur tous ces différents moyens d'aider les Canadiens à bénéficier d'une plus grande souplesse et d'un plus large choix en matière de logement.

Au niveau municipal, notre capacité à exercer une influence sur le logement et sur la façon dont les Canadiens y ont accès est beaucoup plus limitée, car des compétences municipales, provinciales et autres entrent en ligne de compte plutôt que les compétences fédérales. Donc, en tant qu'organisme gouvernemental, nous avons la capacité de contribuer à la mise en application de la politique gouvernementale, mais nous sommes quelque peu limités dans notre action.

Nous pouvons agir dans le cadre de certains de nos programmes. En ce qui concerne l'assurance hypothécaire — je n'ai pas le chiffre en tête —, mais les primo-acquéreurs constituent en fait plus de la moitié des gens qui souscrivent notre assurance prêt hypothécaire.

Nous essayons d'être au service de tous les Canadiens, mais c'est parfois un peu difficile à cause des changements démographiques et d'un contexte en mutation.

Je ne sais pas si j'ai répondu complètement à votre question.

[Français]

Le sénateur Forest : C'est effectivement un défi important. Avant même que la Société canadienne d'hypothèques et de logement soit un partenaire de premier plan qui n'intervient plus depuis quelques années au niveau municipal, il est clair que les municipalités offrent des logements sociaux pour aider un type de clientèle fragilisée. Le sens de ma question ne concerne pas nécessairement la clientèle du logement social, mais une clientèle de jeunes couples dont les valeurs aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'auparavant, comme lorsque j'étais jeune. C'était un phénomène de banlieues. Désormais, les jeunes familles veulent revenir dans les centres-villes, mais en ont-elles les moyens? Dans toutes les grandes villes, peu importe la taille — on le voit même à Rimouski — , on constate un tel phénomène. Il y a vraiment des limites à avoir accès à un logement convenable pour les familles, sans parler du logement social.

M. Zielonka : L'assurance hypothécaire pour le logement collectif est une préoccupation, car bon nombre de ses activités sont axées sur les immeubles à condo et les maisons en rangée.

Le sénateur Forest : Les maisons de ville.

M. Zielonka : Oui. Ce n'est pas possible d'acquérir une propriété avec trois chambres à coucher et une cour arrière de 100 pieds carrés sur 100 au centre-ville. Ce n'est pas réaliste. Je pense qu'il y a parfois une différence entre les ambitions des jeunes et la réalité.

[Traduction]

J'ai vécu en Europe, et il y a une grosse différence entre ce qui serait qualifié de logement luxueux en Europe et ici, au Canada. Un appartement de 300 ou 400 pieds carrés serait parfaitement acceptable en Europe, et les gens en seraient très satisfaits. Ici, au Canada, c'est quelque chose qui pose souvent un problème. Et la maison de 1 600 pieds carrés où beaucoup d'entre nous ont sans doute été élevés par des parents qui la jugeaient convenable ne l'est plus aux yeux de bien des jeunes.

Il y a un écart que nous avons du mal à combler. Je ne vois pas très bien comment faire face à cette difficulté.

[Français]

Le sénateur Forest : En être conscient est déjà un début de solution.

[Traduction]

La vice-présidente : Pas d'autres questions, chers collègues?

Alors, la séance est levée.

(La séance est levée.)

Haut de page