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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Le Comité Sénatorial Permanent des
Finances Nationales

Fasicule no 42 - Témoignages du 24 octobre 2017 (séance du matin)


OTTAWA, le mardi 24 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 33, pour étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je me nomme Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici présents avec nous et aux auditeurs de partout dans notre pays, qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je rappelle aux intéressés que nos audiences sont publiques et accessibles en ligne, sur le site web du Sénat, sencanada.ca.

J’invite maintenant mes collègues à se présenter.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Pratte : Sénateur André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Black : Doug Black, de l’Alberta.

[Français]

Le sénateur Forest : Sénateur Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l’Ontario.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le président : J’aimerais également vous présenter la greffière du comité, Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, Sylvain Fleury et Alex Smith qui, ensemble, appuient les travaux du présent comité.

Ce matin, le comité poursuit son étude sur les modifications proposées au cours de l’été 2017 par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu et qui portent sur l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

[Traduction]

Chers collègues, nous accueillons aujourd’hui des représentants du secteur agricole rural à qui on a demandé de faire connaître leurs opinions, leurs observations et leurs recommandations sur les répercussions des modifications proposées.

Nous sommes heureux d’accueillir d’abord M. Mark Brock, qui est président des Producteurs de grains de l’Ontario; puis M. Philippe Etter, producteur laitier de l’est de l’Ontario; ensuite M. Mark Wales, président du Comité de gestion des activités et des finances du Conseil canadien de l’horticulture; enfin, depuis Regina, par vidéoconférence, M. Ray Orb, président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities.

Monsieur Orb, est-ce que vous nous entendez?

Ray Orb, président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities : Oui, très bien. Merci.

Le président : Merci à vous tous d’avoir accepté notre invitation. Je vous rappelle de bien vouloir, chacun de vous, limiter la durée de votre déclaration préliminaire à sept minutes. Après vos exposés, les sénateurs vous questionneront.

Monsieur Brock, vous avez la parole.

Mark Brock, président, Producteurs de grains de l’Ontario : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l’occasion que vous m’accordez de formuler des observations sur les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu.

Ma conjointe Sandy et moi exploitons, immédiatement à l’extérieur des limites de London, en Ontario, une culture commerciale et un élevage de bétail.

Je suis ici en ma qualité de président des 28 000 producteurs de grains de l’Ontario, dont les cultures couvrent 6 millions d’acres. Notre industrie pèse 9 milliards de dollars dans l’économie et elle crée plus de 40 000 emplois.

Nos membres se recrutent dans les fermes familiales cultivant du maïs, du blé, du soja, de l’orge et de l’avoine. Les aliments et les produits renouvelables que nous produisons sont consommés en Ontario ou exportés.

Les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu sont peut-être l’une des questions les plus controversées que j’aie eu à examiner en ma qualité de président des Producteurs de grains de l’Ontario. Leurs conséquences non voulues touchent de trois manières nos fermes familiales : en diminuant le capital disponible pour agrandir les entreprises agricoles; en augmentant le fardeau de la réglementation; en rendant plus difficile le transfert des exploitations agricoles à la génération suivante.

Pour ces motifs, nous avons demandé au gouvernement de faire marche arrière avec les modifications proposées et de plutôt collaborer avec l’industrie pour combler les lacunes de la politique fiscale touchant les sociétés privées. Nous continuons de croire qu’il faut plus de temps pour prévenir les nombreuses conséquences non voulues susceptibles de découler de modifications si importantes.

La semaine dernière, le premier ministre Trudeau et le ministre Morneau ont fait d’autres annonces sur ces modifications fiscales. Elles nous semblent de bon augure, et nous nous en réjouissons, mais les détails implicites et le processus de formulation de ces modifications continuent de nous inquiéter. Nous espérons que le secteur aura amplement de temps pour faire ses analyses et exprimer son opinion avant la fin du processus législatif. Comme peu de détails sont connus, il nous est difficile de formuler des observations définitives sur les modifications révisées. Cependant, à partir de ce que nous savons, je tiens à vous faire connaître le fruit de certaines de nos réflexions.

Avec l’exemption des gains en capital, il est évident que la proposition initiale frappait durement les transferts intergénérationnels d’exploitations agricoles et, particulièrement, les jeunes agriculteurs. Les modifications proposées auraient augmenté de plusieurs millions de dollars les impôts annuels, les niveaux d’endettement et le coût du transfert de l’entreprise à la génération suivante.

Il faut se réjouir du retrait de la proposition concernant les gains en capital de l’ensemble des modifications proposées. Cela signifie qu’on ne refuse plus d’exempter ces gains accumulés pendant que l’enfant avait moins de 18 ans. L’annonce n’a pas semblé corriger le fait qu’il est encore plus rentable de vendre sa société à un étranger qu’à son enfant.

Pour être efficaces, les plans de relève doivent offrir de la certitude aux parents et à l’enfant. Le régime fiscal doit reconnaître les contributions autres que celles du travail des membres de la famille, autoriser la souplesse dans la rémunération des enfants n’exécutant aucun travail agricole et conserver les capitaux dans la société, où ils peuvent aider à sa croissance et à celle de l’ensemble du secteur.

La proposition initiale prévoyait un critère de rationalité pour la répartition du revenu afin de déterminer si les dividendes et les gains de capital reçus d’une société familiale continueraient d’être imposés comme ils le sont actuellement. Le non-respect du critère entraînerait l’imposition, au taux supérieur, du revenu du particulier.

La semaine dernière, le premier ministre a laissé entendre que les règles révisées ne s’appliqueraient pas à quelqu’un dont l’apport à l’entreprise a été important. Qu’on nous éclaire sur la signification « d’important ». Nos inquiétudes premières concernant la subjectivité de ce critère étaient les suivantes : subjectif, il mettrait l’entreprise agricole à la merci de l’interprétation d’un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada, sans grand recours contre cette interprétation. Les familles d’agriculteurs vivent sur leur lieu de travail, et leurs membres contribuent à l’entreprise familiale par des moyens indirects et souvent impossibles à suivre. Les conséquences du non-respect du critère étaient très punitives et peu raisonnables, et ces règles ne semblent pas avoir changé. Le critère introduira de l’incertitude dans les plans de relève des exploitations agricoles et dans les structures de rémunération et il augmentera les coûts de la conformité quand les entreprises agricoles chercheront à documenter les faits ou à se défendre contre l’imposition d’un critère. Les conjoints qui restent à la maison pour prendre soin des enfants ou pour occuper un emploi d’appoint pour soutenir l’entreprise familiale sont susceptibles d’être touchés au maximum.

Les modifications initiales des règles régissant le revenu passif auraient rendu difficile aux entreprises agricoles l’accumulation de réserves en vue d’achats majeurs ou de modifications innovantes. Le ministre Morneau a annoncé, la semaine dernière, un seuil de 50 000 $ pour ce revenu, auquel les nouvelles règles ne s’appliqueraient pas. Il a dit qu’il équivaudrait approximativement à un million de dollars d’investissements passifs dans une société. C’est une bonification notable de la proposition initiale. Mais l’ombre au tableau est que cela ne tient aucunement compte de l’échelle des entreprises. Par exemple, une grande société agricole a besoin de plus de capitaux passifs qu’une petite. Comme les terres se sont appréciées, il n’est certainement pas exceptionnel que l’achat d’un terrain coûte plus d’un million de dollars. Une société agricole qui détiendrait des investissements passifs à cette fin risquerait de dépasser ce seuil. On ignore à peu près quel serait le taux d’imposition de ce revenu passif supérieur à 50 000 $, mais on est en droit de s’inquiéter vu que, dans les propositions initiales, le revenu passif était imposé à plus de 70 p. 100.

Transferts intergénérationnels. La semaine dernière, le gouvernement a annoncé qu’il faciliterait le transfert de l’entreprise d’une génération à la suivante. Cela semble un pas dans la bonne direction, mais nous avons besoin d’être mieux informés sur les modalités de ce processus et sur la facilité concrète du transfert. La participation de l’industrie dans ce processus est importante.

Ça fait le tour de nos principales inquiétudes sur ces enjeux, mais je voudrais vous faire part de quelques réflexions.

Les secteurs agricoles ontarien et canadien sont prêts pour la croissance. Vers la fin de l’année dernière, Dominic Barton, président du Conseil consultatif en matière de croissance économique auprès du premier ministre a recommandé au gouvernement fédéral de focaliser son attention sur le déblocage du potentiel de l’agriculture au Canada. Il se fondait sur le grand nombre d’emplois et l’application de beaucoup de techniques innovantes dans le secteur ainsi que sur la forte demande mondiale de produits agricoles.

Le potentiel de croissance est réel, et nos entreprises ont besoin d’un environnement qui permettra à nos membres de saisir l’occasion. Il importe, pour que nous restions concurrentiels face aux agriculteurs des États-Unis et du reste du monde, de profiter de changements à la fiscalité non nuisibles pour les fermes familiales.

Je tiens à faire cette remarque personnelle : les familles agricoles sont uniques en leur genre. Nos actifs semblent considérables, mais nous avons besoin de superficie pour produire, et les coûts continuent d’augmenter. La culture des céréales et des oléagineux ne se pratique pas sur 10 ou 15 acres. Il faut une superficie considérable pour gagner sa vie. On peut dire que chaque génération hérite de la terre, qu’elle l’exploite et qu’elle la transmet à la suivante qui répétera le processus. La plupart du temps, nous n’avons même pas une idée de la valeur des terrains que possède notre entreprise.

Les membres de la famille contribuent de différentes manières à nos exploitations. Ma fille poursuit actuellement ses études secondaires et, sous peu, elle ira à l’université. Sa contribution à notre exploitation est importante et elle le sera toujours. Notre travail est le plus intense à la récolte et au temps des semailles, le printemps. Dans nos décisions opérationnelles, nous devons tenir compte de la météo. Nous ne faisons pas du neuf à cinq dans une usine de trucs quelconques. Puisqu’on envisage d’appliquer un critère de rationalité au partage des revenus, il faut y intégrer notre caractère particulier.

Le transfert de l’entreprise familiale à la génération suivante peut poser des difficultés. C’est à la fois notre foyer et notre lieu d’affaires. Tous ne peuvent pas rester pour diriger l’entreprise avec succès. Les règles qu’on élabore doivent en tenir compte. Il ne peut pas être plus attrayant pour ma mère de vendre l’entreprise à un investisseur institutionnel que de la transmettre à son fils ou à sa petite-fille.

Nous demandons au gouvernement de s’engager dans un processus transparent pour les agriculteurs, compte tenu de la nature particulière de leur activité et pour éviter à l’exploitation des conséquences non voulues. Faites appel à nous. Nous pourrons vous aider à élaborer une solution valable pour nos agriculteurs et qui focalisera le gouvernement sur les 3 p. 100 de la population qu’il vise par ces modifications. Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Etter.

[Français]

Philippe Etter, producteur laitier, à titre personnel : Bonjour, chers sénateurs et membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter mes préoccupations face aux différentes modifications proposées par le ministre des Finances. Tout d’abord, j’aimerais vous expliquer mon parcours dans le milieu agricole, puis mon raisonnement sur les effets que peuvent avoir certains des changements sur les entrepreneurs agricoles de notre pays.

Je suis moi-même un jeune producteur laitier du village de Sarsfield à l’est d’Ottawa et également vice-président de l’Union des cultivateurs franco-ontariens qui représente plus de 2 000 fermes francophones en Ontario.

En ce qui concerne mon parcours personnel, après avoir terminé mes études en finance à l’Université d’Ottawa, j’ai décidé de retourner dans le domaine familial afin de me préparer à reprendre leur entreprise. C’est en janvier 2013 que nous avons effectué le transfert de l’entreprise de mes parents. C’est une structure à deux entreprises distinctes que nous avons préconisée en sachant que mes parents allaient continuer à cultiver la terre. Pour ma part, j’ai créé une société privée dont je suis l’unique actionnaire pour la ferme laitière. Nous avons privilégié cette approche après avoir consulté différents experts dans le domaine, soit notre comptable, notre avocat, notre conseiller en gestion et des fiscalistes.

Il s’agit de plusieurs mois, voire des années, de travail, de rencontres, de discussions et surtout de planification pour en arriver à un transfert logique et cohérent entre les deux sociétés. Maintenant que vous êtes au fait que je suis moi-même un jeune producteur de la relève, vous comprendrez que pour moi cette relève agricole est primordiale pour l’avenir de l’industrie agricole canadienne.

Chaque jour, 2 millions de personnes travaillent en agriculture et en agroalimentaire, soit un emploi sur huit. L’agriculture représente un vecteur économique majeur au pays puisque nous sommes le cinquième exportateur de produits agricoles au monde. Cela dit, l’âge moyen des agriculteurs au Canada ne cesse d’augmenter, ce qui veut dire qu’en théorie, il y aura au cours de la prochaine génération, un transfert massif d’entreprises agricoles à la future relève. Il existe plusieurs barrières à l’entrée pour les jeunes qui veulent vivre de l’agriculture.

Voici quelques problèmes auxquels font face les nouveaux entrepreneurs agricoles : des investissements en capitaux très importants avec, bien sûr, le risque financier qui s’y rattache, un manque de main-d’œuvre criant et aussi, avec la taille des entreprises aujourd’hui, une conciliation travail-famille qui est de plus en plus difficile. Tout cela représente un facteur de stress important pour ceux qui veulent reprendre des entreprises agricoles.

Vous savez que les agriculteurs sont des gens passionnés et qu’il faut avoir cette passion pour réussir et persévérer dans le milieu, mais à la fin de la journée, un raisonnement économique doit prévaloir. C’est pourquoi je crois que les différents changements proposés par le ministre des Finances auront des effets néfastes sur le nombre de jeunes entrepreneurs agricoles qui décident de reprendre l’entreprise familiale.

Nous devrions trouver des moyens d’encourager ceux-ci à retourner au travail de la terre. Je vais donc passer à quelques mesures qui ont été énumérées. En premier lieu, prenons les récents changements aux différentes règles sur la déduction accordée aux petites entreprises. Dans notre cas spécifique, nous serons touchés, parce que même si nous sommes deux sociétés distinctes, puisque nous avons un lien et qu’il y a un échange de produits et de services entre les deux, la portion de revenu généré par l’entreprise de mes parents ne sera plus éligible à un taux d’imposition réduit.

L’autre aspect que j’aimerais aborder est le transfert d’une entreprise au sein d’une famille par rapport à une vente à un particulier. Initialement, certains des changements et des provisions auraient eu un impact majeur sur le transfert d’entreprise. Ainsi, il aurait été préférable de vendre à un particulier qu’à sa propre famille. Enfin, le ministre des Finances s’est rétracté pour en corriger le tir, mais c’est le message envoyé qui me préoccupe. Nous devrions encourager la relève et non conserver les croyances que ce sont des tactiques d’évitement fiscal lorsqu’une entreprise est transférée au sein d’une famille.

Un troisième aspect que j’aimerais aborder est la question des investissements passifs. En réalité, l’agriculteur a besoin de nombreux capitaux et investissements. Dans la plupart des cas, la quasi-majorité des fonds sont réinvestis dans l’entreprise. Cependant, je crois qu’il est sage pour un bon gestionnaire d’entreprise aguerri de diversifier ses sources de revenus, dans la mesure du possible, pour diminuer son risque.

Cela dit, les nouvelles règles qui seront insérées dans le budget de 2018 vont certainement limiter ou décourager certains de diversifier leurs investissements à l’extérieur du domaine agricole.

Enfin, les agriculteurs et les agricultrices sont un moteur de l’économie canadienne et représentent la vitalité de nos campagnes. Il y a une perspective de croissance importante pour ceux et celles qui veulent s’investir dans le domaine, reste que nous devons nous donner les moyens pour les encourager. Donc, dicter des règles fiscales pour contrer des abus faits par une minorité, sans vraiment en comprendre les effets, aurait sur la quasi-majorité des entrepreneurs agricoles des répercussions majeures.

Je vous remercie.

[Traduction]

Mark Wales, président du Comité de gestion des activités et des finances, Conseil canadien de l’horticulture : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour.

Présentons d’abord le Conseil canadien de l’horticulture. C’est une association bénévole basée à Ottawa, qui représente tous les producteurs de fruits et de légumes du Canada, plus de 120 types de cultures, dont les recettes agricoles se sont élevées à 6 milliards de dollars en 2016.

Pour comprendre l’importance du secteur horticole, nous en avons analysé les répercussions économiques. La part, dans le PIB, des exportations de produits, de leur consommation domestique au Canada et de leur utilisation dans d’autres industries du Canada, le long de la chaîne de valeur, a été estimée, en 2016, à 15,7 milliards de dollars, qui, à leur tour, pourvoient à 181 600 emplois dans l’économie canadienne. Tout ça à partir de l’exploitation agricole, avec un producteur et sa famille.

Quant à moi, je suis producteur de légumes à Aylmer, en Ontario, près de la rive nord du lac Érié. Je cultive des piments forts, de l’ail, du maïs et du soja. Depuis le 18 juillet dernier, je consacre la plus grande partie de mon temps, pendant la saison de la récolte, à étudier les modifications originelles des règles fiscales et à en étudier le libellé avec mon fils, qui est propriétaire d’une entreprise de comptabilité dont beaucoup de clients sont des exploitations agricoles et de petites entreprises.

Maintenant que Finances Canada a annoncé des révisions de ces propositions, je continue de travailler, pendant la période la plus intense de mon activité, à leur analyse et à l’étude de leurs éventuelles conséquences pour les exploitations agricoles.

Il y a une semaine, mes observations auraient été différentes de celles d’aujourd’hui, mais les nombreux changements survenus me font espérer qu’ils ont été améliorateurs.

Le conseil est heureux que le premier ministre Trudeau et le ministre des Finances Morneau aient tenu compte de nos inquiétudes. Les modifications annoncées la semaine dernière sont de bon augure pour tous les agriculteurs. Nous sommes encouragés par elles et nous analyserons le texte plus en détail dans les semaines à venir, ainsi que le budget de 2018, où nous sommes susceptibles de trouver de nouvelles règles sur les investissements passifs.

Le conseil est déterminé à poursuivre sa collaboration avec le gouvernement pour que le régime fiscal soit équitable et qu’il ménage nos agriculteurs durs à la peine, particulièrement nos jeunes, qui sont la prochaine génération de producteurs d’aliments dans notre pays.

Ce matin, je discuterai de certaines des modifications, comme nous les comprenons aujourd’hui, et de leurs répercussions chez les agriculteurs.

D’abord, le gouvernement a modifié la disposition sur la répartition du revenu et il publiera une loi révisée plus tard au cours de l’automne. Comme vous pouvez le savoir, la proposition initiale annonçait que les membres des familles devaient satisfaire à un critère de rationalité, ce qui a suscité beaucoup de questions et d’incertitudes chez les agriculteurs, qui ignoraient ses modalités d’application. Personne, bien sûr, ne voudrait en laisser l’interprétation à un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada qui ne comprend rien à l’agriculture.

Même si les familles d’agriculteurs peuvent s’absenter parfois de l’exploitation, leur contribution est extrêmement précieuse, parce qu’elles y travaillent quand ça compte, particulièrement pendant les périodes particulièrement décisives de l’ensemencement, de la plantation et de la récolte. Dans certains cas, la jeune génération peut devenir la spécialiste des technologies dans l’exploitation et y contribuer à l’innovation et à l’adoption de technologies. Même si cette contribution peut ne pas prendre beaucoup de temps, elle est extrêmement précieuse. Les jeunes sont les seuls à savoir faire fonctionner la plus grande partie de l’équipement que nous employons aujourd’hui. Nous, les vieux, nous nous contentons de le conduire et de l’utiliser.

D’après les modifications révisées, il existe désormais un critère de contribution importante. Le conseil continue de craindre l’incertitude qu’il risque de provoquer chez les agriculteurs. Cependant, nous avons fait savoir au cabinet du premier ministre et à Finances Canada que nous étions prêts à contribuer volontiers à la révision des guides techniques pour nous assurer que la nouvelle modification des règles fiscales est équitable et qu’elle ne touche pas ceux qui ont un apport même indirect dans les exploitations agricoles. Nous continuons d’offrir notre aide à Finances Canada sur cette proposition et les autres, pour éviter aux agriculteurs qu’ils finissent par être les victimes accidentelles des modifications du régime fiscal.

Ensuite, les révisions apportées à la proposition concernant les placements passifs ne devraient pas toucher la majorité des petites entreprises, notamment les exploitations agricoles. Finances Canada a proposé un seuil annuel de 50 000 $ de revenu de placements passifs, lesquels équivaudraient au rendement d’un investissement moyen de un million de dollars au taux annuel de 5 p. 100.

Les agriculteurs qui utilisent les investissements passifs comme moyen d’épargne pourront continuer de le faire sans craindre d’être imposés davantage. Alors que nous continuons d’examiner cette proposition, nous soulevons la question des investissements regroupés, comme les ventes importantes de terres, de biens immobiliers ou de quotas, et nous conseillons au gouvernement d’inclure une disposition permettant le report de ce seuil annuel de 50 000 $.

Enfin, nous sommes particulièrement encouragés de voir que le gouvernement ait abandonné deux propositions qui auraient touché de façon non intentionnelle les entreprises agricoles. Le gouvernement a indiqué qu’il ne mettrait en œuvre aucune des mesures proposées visant à restreindre l’accès à l’exonération cumulative des gains en capital, ni aucune des propositions relatives à la conversion du revenu en gains en capital.

Les agriculteurs craignaient que les mesures initiales relatives à la conversion du revenu et à l’exonération des gains en capital entraînent plusieurs conséquences imprévues, notamment en ce qui a trait à l’impôt advenant un décès et aux difficultés potentielles relativement aux transferts intergénérationnels d’une entreprise.

Le CCH est impatient de travailler avec Finances Canada dans le cadre de ses efforts visant à faciliter le transfert de l’entreprise à la relève. Nous poursuivrons le dialogue avec le gouvernement pour nous assurer que la voix des agriculteurs est entendue.

Au-delà de ces changements, nous sommes ravis que le gouvernement tienne sa promesse de réduire le taux d’imposition des petites entreprises, qui passera à 9 p. 100 d’ici 2019. Dans son dernier budget, le gouvernement a reconnu le secteur agroalimentaire comme l’un des plus importants — et je dirais même le plus important — pour l’économie canadienne et s’est fixé comme objectif de porter les exportations agroalimentaires du Canada à 75 milliards de dollars annuellement d’ici 2025.

Grâce aux récentes révisions des changements fiscaux proposés, les fermes familiales continueront de prendre de l’expansion, de contribuer à l’économie canadienne et de subvenir aux besoins de leurs familles sans s’inquiéter du transfert de leurs exploitations et des résultats de leur travail acharné à la prochaine génération.

Le CCH est déterminé à collaborer avec le gouvernement pour veiller à ce que notre régime fiscal soit juste et ne porte pas atteinte aux vaillants travailleurs ainsi qu’à leurs familles.

Le président : Merci, monsieur Wales.

Je vais maintenant céder la parole à M. Orb, qui se joindra à nous par vidéoconférence.

M. Orb : Bonjour. Je m’appelle Ray Orb et je suis président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities. La SARM est l’association indépendante qui représente les 296 municipalités rurales de la Saskatchewan.

Nous défendons depuis longtemps nos membres et les collectivités rurales dans lesquelles nous vivons, travaillons et investissons. En tant que porte-parole des régions rurales de la Saskatchewan, je suis heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui et de vous parler de nos préoccupations au sujet des mesures de planification fiscale qui comportent l’utilisation de sociétés privées.

La SARM a consulté des comptables professionnels agréés et des conseillers d’affaires pour mieux comprendre les conséquences négatives que ces changements fiscaux auront sur les régions rurales de la Saskatchewan ainsi que les répercussions à long terme de ces changements sur nos municipalités rurales et notre paysage économique.

Nous comprenons que le gouvernement n’ira pas de l’avant avec les mesures relatives à la conversion du revenu en gains en capital. La SARM aimerait souligner l’importance des fermes familiales et de la capacité de transmettre des fermes et des entreprises de génération en génération en Saskatchewan. Les terres agricoles représentent 61,1 millions d’acres en Saskatchewan, et la province compte 34 523 fermes. La Saskatchewan a la plus forte proportion d’exploitations agricoles constituées en sociétés dans toutes les Prairies.

Les agriculteurs prennent des risques importants quand ils investissent leur temps, leurs ressources et leurs actifs dans une entreprise qui les transforme en preneurs de prix. La SARM se réjouit de l’engagement du gouvernement fédéral de ne pas adopter les mesures relatives à la conversion du revenu en gains en capital. Toutefois, la SARM demeure préoccupée par les autres changements fiscaux proposés.

L’augmentation des taux d’imposition pour les parties liées qui gagnent un revenu au sein de sociétés privées — le fait de dire que les propriétaires d’entreprises utilisent des échappatoires pour payer un taux d’imposition inférieur à celui que paierait un employé comparable pour un revenu similaire est une comparaison injuste et amène les gens à croire à tort que les deux apports de revenu sont identiques sur le plan économique.

Lorsqu’on parle de revenu imposable, la situation des propriétaires d’entreprise, qu’il s’agisse de magasins de détail, d’entreprises manufacturières, de professionnels de la santé ou d’agriculteurs, est bien différente de celle des employés.

La plupart des médecins au Canada sont aussi des propriétaires de petites entreprises qui créent des emplois locaux, achètent du matériel et des fournitures, louent ou achètent des immeubles et paient leurs impôts. Les médecins sont essentiels à la prospérité des collectivités et fournissent des soins aux résidants de nos collectivités rurales.

L’élimination des mesures incitatives pour les sociétés aura pour effet de réduire le nombre d’entrepreneurs, de professionnels et de jeunes entreprises disposés à prendre des risques à l’avenir sans la possibilité d’un rendement accru. Les changements fiscaux proposés feront stagner ou, même pire, mineront notre économie du savoir en faisant fuir des professionnels hautement qualifiés qui sont de véritables moteurs de l’innovation, de la recherche, des progrès technologiques et des percées dans le domaine de la médecine.

Les modifications proposées à l’égard des sociétés privées pourraient décourager l’entrepreneuriat et modifier le paysage des collectivités rurales de la province. Les propriétaires d’entreprise prennent des risques importants lorsqu’ils investissent leur temps et leurs actifs sans aucune garantie de réussite. Il n’y a aucun filet de sécurité pour les propriétaires d’entreprise. Si l’entreprise ne réalise pas de profits, les propriétaires ne sont tout simplement pas rémunérés. Ils n’ont pas accès à une paye de vacances, à des congés de maladie, à une compensation pour des heures supplémentaires, à une pension, à une indemnité de départ et à d’autres avantages auxquels les employés ont droit en vertu de la loi.

Les propriétaires de petites entreprises sont responsables du succès de leur entreprise, ce qui signifie qu’ils doivent être disponibles dans une bien plus grande mesure que les employés. Cela crée du stress et exige une certaine souplesse au sein de l’unité familiale.

À l’heure actuelle, on ne tient pas compte des autres membres de la famille, conjoints, parents ou enfants, qui doivent renoncer à la sécurité d’un revenu stable, composer avec les périodes de faibles profits puis appuyer la personne qui joue un rôle actif au sein de l’entreprise. La modification proposée visant à augmenter le taux d’imposition des particuliers sur le revenu gagné par une personne liée au sein d’une société privée pourrait pénaliser considérablement de nombreux propriétaires d’entreprise. La proposition actuelle augmente le taux d’imposition sur le revenu au-delà des montants raisonnables tout en ne fournissant aucune garantie réelle sur ce qui est raisonnable pour les facteurs de contribution limitée qui sont proposés.

Il n’est pas inhabituel que l’un des deux conjoints occupe un emploi afin de faire vivre la famille alors que l’autre conjoint démarre une entreprise. Comme si ce n’était pas assez, l’employé salarié, qui doit payer de l’impôt sur le plein montant de son revenu d’emploi, en vertu des règles proposées, pourrait ne pas être en mesure de tirer profit de l’entreprise prospère parce qu’il n’y a pas contribué directement.

Les changements proposés les moins définis — soit les changements aux taux d’imposition sur les investissements passifs détenus par les sociétés accumulés grâce aux bénéfices après impôt des entreprises actives — sont potentiellement les plus importants. Les propriétaires d’entreprise représentent une part importante de l’économie canadienne, et les propriétaires d’entreprise prospères sont l’une des meilleures sources de capital d’investissement pour les nouvelles entreprises.

Les règles proposées réduiront la capacité et l’envie des propriétaires d’entreprise qui réussissent d’aider les autres propriétaires à démarrer leur entreprise. Une diminution du nombre de nouvelles entreprises influera sur la création d’emplois et mènera à une baisse de l’innovation et possiblement à une économie canadienne stagnante et peu performante. Les méthodes proposées pour augmenter les taux d’imposition des sociétés ou des particuliers liés au revenu généré par ces investissements passifs réduiront l’épargne des entreprises, augmenteront les risques d’affaires et donneront lieu à moins de recherche sur les nouvelles possibilités d’affaires.

Ces éléments diminuent la probabilité que les entreprises réussissent à long terme, ce qui, encore une fois, nuit à l’ensemble de l’économie de la Saskatchewan et du Canada en général. Le régime fiscal actuel qui permet de reporter l’impôt sur les actifs détenus dans une société favorise les investissements intelligents et à long terme grâce aux profits supplémentaires dont on n’a pas besoin dans l’immédiat pour développer l’entreprise. Les propriétaires d’entreprise sont mieux placés pour savoir comment générer davantage de richesse pour eux-mêmes, leur famille et l’économie canadienne plutôt que d’ajouter des fonds supplémentaires au budget du gouvernement.

Les changements proposés risquent de faire diminuer le nombre d’entrepreneurs, de professionnels et de jeunes entreprises, ce qui aura un effet direct sur la création d’emplois au sein de l’économie locale.

Ces mesures vont causer, au fil des générations, des dommages considérables à des secteurs clés de l’économie canadienne, plus particulièrement, dans les régions rurales de la Saskatchewan.

Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion de m’exprimer sur cette question. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci, monsieur Orb.

La sénatrice Eaton : La semaine dernière, l’un de nos témoins a indiqué que la stratégie industrielle ne correspondait pas à la politique fiscale. En vous écoutant tous les quatre, je constate que vous avez sensiblement la même opinion. Vous estimez que la politique fiscale ne favorise pas la politique agricole.

Je dis cela parce que je conduisais moi-même un tracteur à l’âge de 12 ans, au besoin, sur la ferme de mon oncle, alors je sais très bien comment fonctionne la répartition du revenu. Et je comprends aussi que le revenu passif est souvent utilisé, comme vous l’avez dit, pour acheter une moissonneuse-batteuse dispendieuse, d’autres vaches ou la terre voisine, et de nos jours, on sait qu’on ne va pas très loin avec un million de dollars.

Est-ce que je me trompe en disant que la politique fiscale devrait favoriser davantage l’agriculture, d’autant plus que le pays en entier semble compter sur vous et sur vos produits agricoles dans le cadre de nos accords de libre-échange? Monsieur Wales, vous semblez convaincu que le gouvernement va dans la bonne direction. Pensez-vous qu’avec la répartition du revenu, l’introduction d’un critère du caractère raisonnable est un pas dans la bonne direction?

M. Wales : Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration, nous avons encore probablement beaucoup de travail à faire à ce sujet. Je me suis entretenu avec le Bureau du premier ministre et Finances Canada, et il semble qu’ils soient disposés à se pencher sur la question. En fait, c’est ce qui nous préoccupe le plus, car cela peut être très subjectif au bout du compte. Il faut donc s’assurer de bien faire les choses.

La sénatrice Eaton : Feuilles de temps? Vous étiez debout à six heures ce matin pour traire les vaches. Est-ce que vous faisiez le repas pour toute l’équipe à midi?

M. Wales : Avez-vous participé à la vente aux enchères afin d’obtenir un bon prix pour une pièce d’équipement ou une terre voisine? Dans le milieu rural — cela ne se limite pas qu’aux fermes —, il y a un grand nombre d’entreprises dans le Canada rural dont nous dépendons, que ce soit un concessionnaire de machineries agricoles ou une entreprise locale de réparation. Ce sont généralement des entreprises familiales qui sont transférées d’une génération à l’autre. Notre réussite dépend d’elles comme la leur dépend de nous.

Chose certaine, il faut se pencher sur la question de la répartition du revenu. Pour ce qui est du reste, je considère qu’il n’y a pas vraiment de problème. Le gouvernement s’est rendu compte des dommages qu’il aurait pu causer s’il avait mis en œuvre ses mesures relatives aux gains en capital et à l’investissement passif. En ce qui a trait aux investissements passifs, si vous étiez un éleveur de bétail avant le 19 mai 2003, tout allait bien. Toutefois, dès le lendemain, les frontières se sont fermées à nos exportations en raison de la crise de l’ESB, et ce, pendant presque une décennie. Il faut donc avoir mis de l’argent de côté pour être en mesure de faire face à des périodes difficiles souvent imprévisibles. Nous travaillons tous à la merci de dame Nature. Au bout du compte, malgré tous les plans et les projets qu’on peut réaliser, c’est elle qui a le dernier mot. Nous sommes confrontés à des contraintes de temps très serrées, particulièrement en ce qui concerne la plantation et la récolte. Dans le secteur des fruits et des légumes, il y a de nombreuses cultures que nous devons récolter en l’espace de 24 heures, et on a besoin de toute l’aide possible.

Comme je l’ai indiqué, notre plus grande préoccupation est la répartition du revenu. Il faut s’assurer de bien faire les choses.

La sénatrice Eaton : Monsieur Brock, avez-vous quelque chose à ajouter concernant le revenu passif?

M. Brock : Absolument. Pour revenir à ce que vous avez dit au sujet d’une politique fiscale qui favorise une industrie, c’est probablement le débat le plus général que nous pourrions avoir. Quand je suis sorti de l’université en 1997, j’occupais trois emplois tout en étant agriculteur, car je devais m’assurer de payer l’hypothèque sur notre exploitation agricole. J’ai fait l’objet d’une vérification de l’ARC il y a deux ans pour mon crédit pour la TVH et mon salaire, alors je me questionne sur cet argument et la validité de montrer ce revenu passif ou la répartition du revenu, car ce n’est pas très subjectif. C’est très noir ou blanc, et il y a beaucoup d’inquiétude au sujet de l’application des règles, qui pourrait varier selon le vérificateur.

Les vérificateurs font de l’excellent travail. Ils font ce qu’ils ont à faire et respectent les règles qu’on leur impose au moment de faire une vérification. Toutefois, nous sommes préoccupés par la subjectivité d’un critère du caractère raisonnable et la question du revenu passif, et je crois que nous devons nous assurer de bien faire les choses, car lorsqu’on élabore des politiques en vase clos, on peut se retrouver avec quelque chose qui nuit à l’industrie. Comme en fait état le budget fédéral ainsi que le Conseil consultatif en matière de croissance économique, présidé par Dominic Barton, le secteur agricole est une lueur d’espoir dans le ciel de l’économie canadienne. Il faut tenir une discussion générale et voir dans quelle mesure la politique fiscale influence la politique globale et permet de faire avancer l’agriculture à l’avenir.

La sénatrice Andreychuk : J’aimerais poursuivre dans cette même veine. Lorsqu’il est question de la Loi de l’impôt, on considère tous les revenus agricoles. Ensuite, comme la sénatrice Eaton l’a dit, on essaie de voir comment la politique agricole peut vous soutenir. J’aimerais que M. Orb ou M. Brock me disent ce qu’ils pensent du fait que, dans d’autres pays, l’agriculture est perçue comme un secteur très utile pour la société. L’agriculture est liée à la santé, à la sécurité, à la salubrité des aliments, à la compétitivité ainsi qu’aux négociations sur les politiques commerciales.

Nous avons parlé des fermes, mais il est aussi question du Canada rural, car les petites entreprises ne se limitent pas aux médecins que nous souhaitons garder ici. Il peut s’agir de la cour à bois, de la petite confiserie qui peut rester ouverte un peu plus tard. En ce qui me concerne, je vois souvent des familles d’immigrants dans le Canada rural, et nous voulons que l’immigration soit répartie sur tout le territoire. Pourriez-vous me parler du fait que ce n’est pas seulement les fermes et le revenu passif, mais bien toute la collectivité qui est touchée, n’est-ce pas? Monsieur Brock?

M. Brock : Monsieur Orb serait probablement mieux en mesure que moi de répondre à cette question, d’un point de vue municipal. Quand je regarde autour de moi, je vois ce magnifique paysage rural dans lequel j’ai le luxe de vivre. Par contre, si je disais : « D’accord, on va retirer l’agriculture de cette collectivité rurale », cela entraînerait des répercussions sur toute la collectivité, puisque nous sommes l’épine dorsale de l’économie. Il y a trois concessionnaires d’équipement dans ma petite localité. Cela donne la possibilité à des familles d’immigrants de venir démarrer leurs petites entreprises pour offrir des services à notre industrie. Il y a un effet d’entraînement. Le succès de notre secteur se répercute sur un grand nombre d’autres entreprises. Lorsqu’il y a une incidence négative sur les principaux secteurs d’activités d’une région, c’est toute la région qui s’en ressent.

J’ai un ami qui est entrepreneur en construction. Il dit : « Je me porte bien quand les agriculteurs se portent bien. » Cela me frappe vraiment quand j’en parle avec des gens d’autres secteurs que l’agriculture. Ils savent quand l’économie agricole va bien, parce qu’ils vont bien eux aussi.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Orb?

M. Orb : Oui, je peux vous répondre si vous m’entendez bien.

Le président : Oui, nous vous entendons.

M. Orb : Merci. J’aimerais répondre à la question de la sénatrice Andreychuk que l’agriculture est l’épine dorsale non seulement de la Saskatchewan rurale, mais du Canada rural. Je pense qu’on l’oublie souvent. C’est l’agriculture qui paie les factures. La majorité des municipalités rurales de la Saskatchewan dépend des revenus générés par les fermes, de l’impôt que paient les agriculteurs aux municipalités. Il est très important de souligner que si la politique fiscale change, elle doit laisser aux agriculteurs tous les outils fiscaux nécessaires pour mener leurs activités. L’agriculture n’est pas qu’un secteur qui génère des profits; c’est un mode de vie. C’est ainsi qu’elle est perçue dans à peu près tous les pays du monde, à mon avis. C’est un mode de vie qu’il faut préserver. Il permet de créer des aliments sains pour la population, non seulement au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde, grâce à l’exportation. Je pense donc que c’est très important.

Nous déplorions la période choisie pour les consultations. Cela n’a pas encore été mentionné. Nous croyons que la période choisie pour la consultation sur la réforme proposée ne convenait pas, parce que beaucoup d’agriculteurs étaient occupés, en pleine période de récolte, et n’ont pas pu y participer. Nous avons donc demandé une prolongation. Malheureusement, il n’y en a pas eu.

Le sénateur Black : Messieurs, je vous remercie tous d’être ici pour faire part au comité du point de vue de votre industrie. Comme vous l’avez indiqué, et je le souligne à titre de sénateur de l’Alberta — et je sais que ma collègue la sénatrice Andreychuk, qui vient de la Saskatchewan, partage mon sentiment —, nous voulons que vous sachiez que nous savons que vous êtes l’épine dorsale de notre économie. Particulièrement à une période où l’industrie de l’énergie en Saskatchewan comme en Alberta est de plus en plus contrainte, les possibilités en agriculture sont pratiquement illimitées, si nous suivons les conseils de Dominic Barton, comme quelqu’un l’a recommandé. Nous devons nous assurer de ne pas nuire au cheval qui pourrait fort bien nous permettre de franchir la ligne d’arrivée.

Maintenant que je vous ai divulgué mon biais favorable à l’agriculture, j’aimerais vous poser une question sur le fractionnement du revenu. Je ne comprends pas trop pourquoi les représentants de votre industrie ne disent pas simplement au gouvernement : « Les propositions modifiées ne sont tout simplement pas satisfaisantes. Vous êtes probablement en train de créer des règles carrément impossibles à administrer. » Pourquoi ne vous autorisez-vous pas à riposter? Pourquoi ne dites-vous pas simplement : « Non, il n’est pas possible de définir le fractionnement du revenu à la ferme. C’est à nous de le déterminer, pas à vous »?

M. Brock : Je pense que vous avez bien raison. Effectivement, dans toute négociation de bonne foi, quand on trace une ligne dans le sable, on n’a généralement plus la possibilité de négocier au-delà de cette ligne ensuite. Nous essayons seulement de nous assurer que la politique fiscale soit juste. Je serais personnellement plus en faveur d’un revenu familial. Nous dirions : « Voici notre revenu familial et voici l’impôt familial que nous paierons. » Je pense que ce serait beaucoup plus logique, parce que comme vous le disiez, je pense que nous avons dans notre propre structure d’entreprise et notre propre structure familiale les outils fiscaux qui peuvent aider notre entreprise comme notre famille. Bref, pour vous répondre, je suis d’accord : je préférerais un régime fiscal familial. C’est mon point de vue; je ne sais pas s’il y a grand-chose d’autre à ajouter.

M. Etter : Je vous remercie de cette question.

Comme nous le savons tous, je serais pour que notre gouvernement structure sa politique de manière à ce qu’elle touche le moins possible les gens qui utilisent cette stratégie. Par exemple, je ne nommerai aucune profession, mais supposons qu’un époux travaille à l’extérieur, puis qu’il partage son revenu avec sa conjointe. La réalité est telle que dans notre secteur, c’est rarement ainsi.

Soit l’homme, soit la femme travaille. Il travaille à la ferme ou à l’extérieur de la ferme, et elle peut l’aider ou non. Cela ne s’applique pas vraiment dans ce contexte.

M. Wales : Je vous remercie de cette question. C’est un exercice intéressant qui se poursuit depuis le 18 juillet. L’une des choses dont nous nous sommes rendu compte — et je pense que la plupart d’entre nous n’en avions pas conscience —, c’est qu’il y avait déjà des règles concernant le versement d’un salaire à un membre de la famille. Ces règles existaient depuis très longtemps. Ce devait être considéré comme une contribution. Ces règles existaient déjà. Bien sûr, elles ne s’appliquaient pas aux dividendes d’une société privée sous contrôle canadien, donc c’est ce que le gouvernement a voulu changer. Je partage les sentiments de M. Etter et de M. Brock : il était probablement très rare au début qu’on utilise le fractionnement du revenu en contexte agricole. Nous avons bien sûr offert de les aider à obtenir tous les documents nécessaires pour les évaluateurs de l’ARC, et nous travaillerons avec eux. Nous l’avons fait déjà pour bien d’autres secteurs de l’économie.

Je fais partie d’un groupe de travail en Ontario sur la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Quand notre industrie a été assujettie à cette loi, en 2006, un comité a été créé, et j’y siège depuis lors. Nous travaillons avec la CSPAAT, en Ontario, le ministère du Travail et Agriculture et Agroalimentaire Canada, pour suivre la mise en œuvre de cette loi. Nous nous réunissons de trois à quatre fois par année, nous analysons les tendances et les problèmes et trouvons des solutions.

Vous pourriez faire la même chose pour veiller à ce que ces nouvelles mesures soient mises en œuvre adéquatement. C’est la clé, parce que ce n’était pas une pratique courante au départ, mais elle existait. Nous voulons que le caractère unique du travail agricole soit reconnu, parce que la contribution des membres de la famille à la ferme est souvent vaste et variée et qu’elle diffère de l’emploi type du lundi au vendredi, de neuf à cinq.

Je suis persuadé que nous pourrions le faire et que nous venons d’ouvrir un dialogue à ce sujet que nous n’avions pas avant. Je suis persuadé que nous pouvons nous adapter. Sinon, nous retournerons à la planche à dessin. Nous y travaillons depuis 930 jours déjà, depuis le début. Je félicite le gouvernement de son écoute.

J’aimerais également féliciter les médias de garder cet enjeu bien vivant et de faire en sorte que quiconque sera touché par ces mesures ait la chance de partager son histoire. Ce n’est pas si fréquent : les reportages ne présentent parfois qu’une version de l’histoire. Je pense que les journalistes ont fait du bon travail pour que tous les types de petites entreprises au Canada aient la chance d’exprimer l’effet de ces mesures sur elles, et je pense que cela a eu une incidence sur la décision du gouvernement.

M. Orb : Nous aimerions beaucoup que le gouvernement trouve la bonne formule pour régir le fractionnement du revenu, parce que nous nous sommes déjà rendu compte que quand le gouvernement décide d’adopter une loi, il est plus difficile de la modifier après son entrée en vigueur qu’avant. C’est exactement la raison pour laquelle cette consultation a lieu. Nous sommes très heureux que le comité sénatorial nous permette de témoigner aujourd’hui, parce que ce sera probablement pour nous la dernière occasion d’exprimer nos opinions sur le sujet.

Nous avons comparu devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes à Calgary, il y a quelques semaines. Nous y avons donné des exemples d’agriculteurs de la Saskatchewan qui ont besoin de conserver les dispositions sur le fractionnement du revenu, parce que ces sociétés privées, même s’il s’agit de fermes familiales, sont parmi les plus grandes fermes au pays. Je pense que les 27 p. 100 des fermes constituées en sociétés de la Saskatchewan sont les plus grandes fermes du pays. Nous avons besoin de conserver cet outil fiscal.

Le problème, c’est que la mise en place de règles subjectives pourrait compromettre le fonctionnement de certaines fermes et entreprises. Ces règles deviendraient subjectives en ce sens que c’est quelqu’un d’autre qui devrait décider de la formule sans tenir compte de ce que la famille estime viable. C’est une erreur, et nous devons veiller à ce que le gouvernement rectifie le tir. Merci.

La sénatrice Marshall : Merci d’être ici aujourd’hui.

J’ai une question à vous poser, monsieur Wales, après quoi j’aurai une question générale à poser à tous.

Monsieur Wales, j’ai lu le mémoire que vous avez soumis au ministère des Finances, dans lequel vous dites que le Conseil canadien de l’horticulture « s’est fait garantir que les fonds d’Agri-investissement et les terres agricoles louées ne seront pas touchés » par les règles d’investissement passif. Vous dites ensuite que « compte tenu de la complexité et du flou des propositions, elles suscitent en vous d’autres inquiétudes ».

Que voulez-vous dire par la première phrase? Qui vous a garanti que les règles concernant l’investissement passif ne s’appliqueraient pas à certains éléments?

M. Wales : Nous avons eu des consultations avec le Cabinet du premier ministre et le ministère des Finances. Je ne nommerai personne, mais je n’ai pas peur de répéter que les personnes avec qui nous en avons discuté ont reconnu certaines choses. Je suis content que vous ayez mentionné Agri-investissement. C’est un programme gouvernemental qui aide les agriculteurs à mettre de l’argent de côté pour parer aux ralentissements imprévus. Il a été conçu en 2007 par le gouvernement précédent. Il est très populaire auprès des agriculteurs : presque 90 p. 100 d’entre eux s’en prévalent. Par définition, selon les nouvelles règles proposées, ce serait considéré comme un investissement passif.

Quel serait le but d’utiliser un programme gouvernemental pour économiser en prévision d’un ralentissement s’il faut ensuite payer jusqu’à 72 p. 100 d’impôt sur le revenu généré? C’est contre-productif.

Plus d’une source nous a indiqué clairement que les comptes d’Agri-investissement n’étaient clairement pas ciblés a priori et qu’ils ne le seraient pas.

J’essaie de me rappeler l’autre partie de la question.

La sénatrice Marshall : Vous faites cette affirmation avec assurance, puis vous enchaînez avec moins d’assurance en disant que « compte tenu de la complexité et du flou des propositions, elles suscitent en vous d’autres inquiétudes ».

M. Wales : Il ne faut pas qu’ils l’oublient, il faut toujours leur rappeler. Cela fera partie des discussions sur le fractionnement du revenu aussi, parce que nous voulons être sûrs que le gouvernement rectifie le tir. Je ne veux pas me battre encore pour cela dans deux, cinq ou dix ans. Il faut rectifier le tir maintenant.

Les entreprises agricoles doivent planifier leurs activités à long terme. Nous essayons d’attirer la prochaine génération d’agriculteurs, et un bon plan de relève s’étend probablement sur une dizaine d’années en tout. Il faut cinq ans pour le concevoir. Il y a bien des choses difficiles dont il faut parler pendant la transition. De nos jours, les gens préféreraient se faire arracher des dents plutôt que de parler de planification de la relève, mais il faut bien faire les choses pour que les familles exploitant une ferme puissent planifier leur avenir.

On ne peut pas planifier quand on ne sait pas ce qui nous attend, mais on peut au moins planifier un peu si on sait que le régime fiscal traitera tout le monde équitablement et qu’il ne nuira pas à la prochaine génération. La dernière chose qu’on veut, c’est que la relève hérite d’une facture fiscale ahurissante en début de carrière agricole. Ce serait le pire résultat possible pour tout le monde.

La sénatrice Marshall : Dans votre mémoire, vous indiquez également estimer l’impôt supplémentaire que doit payer la famille agricole type à 1,5 million de dollars sur 20 ans. Ce chiffre se fonde-t-il sur les propositions révisées du ministère des Finances ou sur la proposition d’origine?

M. Wales : Il se fonde sur la proposition d’origine. Comme je l’ai mentionné au début, mes commentaires d’il y a un peu plus d’une semaine diffèrent de mes commentaires d’aujourd’hui.

La sénatrice Marshall : J’aimerais entendre les observations de tous les témoins en réponse à ma prochaine question. Les propositions dépendent selon que les fermes sont constituées en sociétés privées ou non. Je présume que c’est le cas de vos membres. La plupart des membres de chacune des organisations que vous représentez sont-ils constitués en sociétés? Je sais que M. Etter comparaît aujourd’hui en son nom propre. J’essaie seulement de saisir l’ampleur de l’effet des nouvelles règles sur les membres de vos organisations. Est-ce 95p. 100 de vos membres qui sont constitués en sociétés? Il y a 28 000 producteurs de grains. La plupart sont-ils constitués en sociétés? Pouvez-vous nous donner une idée de l’étendue du phénomène?

M. Brock : Je ne peux pas vous donner de pourcentage précis, mais j’utilise habituellement la règle des 80-20. Il y a probablement 80 p. 100 des terres agricoles de l’Ontario qui sont exploitées par 20 p. 100 des agriculteurs, qui sont constitués en sociétés. Ma propre ferme est constituée en société par souci de planification de la relève et sur les recommandations de mes conseillers agricoles. Ma mère a deux sociétés agricoles, parce que mes parents sont divorcés. L’une des deux a été créée lors du divorce, pour que les actifs restent dans la famille. L’autre société est celle qu’elle possède avec ses propres frères et sœurs depuis le décès de ma grand-mère.

Ce sont les outils fiscaux que nous utilisons pour conserver nos actifs, afin que les générations futures puissent exploiter la ferme. Les choses se compliquent quand on parle d’investissement passif, et c’est la même chose pour le fractionnement du revenu. Mon frère est enseignant ici, à Ottawa, et il deviendra probablement actionnaire de l’une des fermes de ma mère. Je lui verserai alors probablement des dividendes, mais il risque d’être imposé à un taux très élevé sur ces dividendes, parce qu’elles ne seront pas jugées raisonnables.

Cela met mon capital à risque, parce qu’il pourrait se dire : « Pourquoi est-ce que je te laisserais mon capital si je suis imposé à un taux ridicule? »

Il y a beaucoup de sociétés privées, mais je ne sais pas quel pourcentage elles représentent.

La sénatrice Marshall : Vous croyez que c’est de l’ordre de 20 p. 100.

M. Brock : J’ai entendu des chiffres assez élevés. Ce serait plus que 20 p. 100. C’est désormais une façon d’attirer les jeunes en agriculture, parce que le parent peut geler ses avoirs afin d’intégrer son fils ou sa fille à sa société privée, mais de tout de même conserver des fermes inactives. C’est très compliqué. Les sociétés privées ont un peu simplifié les choses, si bien qu’elles ont gagné en popularité.

La sénatrice Marshall : Si l’on présume que ces fermes représentent 20 p. 100 ou plus en tout, elles n’utilisent pas toutes le fractionnement du revenu et elles ne se heurtent pas toutes au problème des nouvelles règles sur le revenu passif.

M. Brock : La proportion est assez grande. Pour répondre à votre question, il y a beaucoup de fermes familiales constituées en sociétés privées qui subiront les effets de ces changements potentiels. Elles sont beaucoup plus nombreuses qu’elles ne l’auraient probablement été il y a 20 ou 30 ans.

Quelqu’un d’autre a peut-être un meilleur chiffre à vous donner.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement estime à 250 millions de dollars les revenus supplémentaires générés pas le fractionnement du revenu, et d’après l’information dont nous disposons, il semble y avoir environ 29 000 sociétés qui seront touchées par les nouvelles règles sur le revenu passif. J’essaie de saisir l’ampleur du phénomène.

Monsieur Orb, est-ce que la plupart de vos membres sont constitués en sociétés? Pouvez-vous me donner une idée de la popularité de cette formule et du fractionnement du revenu?

M. Orb : La plupart de nos fermes ne sont pas constituées en société en Saskatchewan. Nous avons des chiffres. Nous estimons à environ 27 p. 100 la proportion des fermes constituées en sociétés en Saskatchewan, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit des plus grandes fermes de la Saskatchewan. Certaines fermes familiales constituées en sociétés s’étendent sur plus de 100 000 acres de terrain.

Elles sont constituées en sociétés pour la raison même mentionnée par M. Brock. Nous devons le faire pour pouvoir prendre de l’expansion, afin de rester concurrentiels et de survivre.

La majorité des fermes constituées en sociétés dans la province sont exploitées par des familles. Ce sont les plus grandes fermes de la Saskatchewan et les plus grandes fermes du pays.

La sénatrice Marshall : Vos membres seront-ils touchés eux aussi par ce dont parlait M. Wales, c’est-à-dire le fonds Agri-investissement et les terres agricoles louées, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement? Cet enjeu touchera-t-il vos membres?

M. Orb : Tout à fait. Si nous pouvions donner un conseil au gouvernement fédéral, ce serait simplement de renier toute la réforme proposée. Il a mené des consultations, et la majorité des personnes qui lui ont répondu, en personne, par lettre ou par courriel, se sont exprimées contre ces changements. Il faut insister pour que le gouvernement fédéral renonce à toutes les modifications fiscales proposées et non seulement à celle relative à la limite aux gains en capital.

Cela nous inquiète parce que les représentants du gouvernement doivent dire, et pas seulement par des communiqués de presse chaque semaine, qu’ils ont changé d’avis sur ces choses. Nous n’en connaissons pas les détails. Nous croyons que les représentants du gouvernement devraient se lever à la Chambre des communes et admettre qu’ils ont fait une erreur, puis reculer sur toutes les modifications proposées.

La sénatrice Marshall : D’après ce que je comprends, la question des gains en capital est toujours en jeu. Le ministre a dit : « Nous prendrons le temps de réévaluer cet aspect de notre projet de réforme fiscale. » Je ne crois pas qu’il se soit engagé à la retirer.

Si environ 27 p. 100 des fermes sont constituées en sociétés, serait-ce la majorité qui utilise le fractionnement du revenu?

M. Orb : Je ne sais pas exactement à combien de fermes cette situation s’applique, mais elle s’applique probablement à beaucoup d’entre elles.

Dans notre exposé, nous réclamons aussi un examen de la situation des médecins de famille, parce qu’ils sont en pénurie. Nous avons une pénurie de médecins en région rurale, non seulement en Saskatchewan, mais partout au pays, et si nous rendons leurs règles de fonctionnement encore plus difficiles, ils quitteront le Canada, tout simplement. Ils ne sont pas obligés de rester ici. Cela présente un risque bien réel pour la santé des Canadiens, en fait.

La sénatrice Marshall : Que pensez-vous du seuil de 50 000 $ pour l’investissement passif? Vous convient-il?

M. Orb : Non.

La sénatrice Marshall : Vous n’êtes pas d’accord avec cela non plus.

M. Orb : Nous ne sommes pas d’accord avec cela non plus. Nous croyons que cette proposition, dans sa forme actuelle, devrait être retirée, tout simplement.

Le président : Voulez-vous répondre à cette question, monsieur Wales?

M. Wales : Oui, concernant les statistiques sur le nombre de fermes constituées en société, je pense que la Fédération canadienne de l’agriculture représente 220 000 fermes familiales au Canada et qu’elle estime à un peu plus de 25 p. 100 les fermes constituées en sociétés; elles produisent toutes sortes de produits.

Ce qui est réellement préoccupant avec les modifications proposées aux gains en capital, c’est qu’éventuellement, on tentera probablement de transférer le trois quarts des exploitations agricoles à la génération suivante. Même lorsque des exploitations agricoles ne sont pas constituées en société, on effectue habituellement le transfert à la génération suivante en les constituant en société ou en formant une fiducie familiale et en effectuant ensuite un gel des avoirs, ce qui permet d’intégrer les membres de la famille. Donc, même si votre exploitation agricole n’était pas constituée en société, elle le deviendrait éventuellement, car ce serait l’instrument approprié pour effectuer un transfert intergénérationnel.

Ces règles auraient tôt ou tard découragé les propriétaires des 75 p. 100 de fermes non constituées en sociétés, car ils se seraient demandé pourquoi ils devraient prendre la peine de vendre leur exploitation à leurs enfants, étant donné qu’ils devraient payer de 30 à 40 p. 100 de taxes supplémentaires sur la vente des actifs agricoles, qui valent des millions de dollars. Toutefois, ils n’auraient pas à payer ces taxes supplémentaires s’ils vendaient l’exploitation agricole à une tierce partie, ce qui signifie que très rapidement, la propriété des terres échapperait aux jeunes Canadiens pour se retrouver n’importe où ailleurs.

Le sénateur Pratte : Selon ce que je comprends, même avant les propositions du 18 juillet, la Loi de l’impôt sur le revenu ou les règlements présentaient des obstacles au transfert intergénérationnel d’une exploitation agricole aux enfants des propriétaires. Monsieur Brock, je crois que vous en avez parlé dans votre mémoire en précisant que nous devions nous pencher sur ce problème.

Pourriez-vous brièvement nous parler davantage des obstacles fiscaux qui se posent actuellement lors d’un transfert intergénérationnel? Et avez-vous des recommandations que notre comité devrait communiquer au gouvernement pour qu’il règle ce problème?

M. Brock : Je vous remercie d’avoir posé la question. Je ne connais pas les points précis de la politique fiscale actuelle qui représentent un obstacle pour le transfert intergénérationnel. À notre avis, si vous examinez les taxes et la politique fiscale, c’est l’un des enjeux principaux qui doivent être réglés.

Je crois que l’intention de ce processus était de trouver une façon de réformer l’impôt sur le revenu, afin qu’il soit plus approprié. Aujourd’hui, vous avez entendu beaucoup parler de la façon dont il ne faut pas procéder, peut-être en ce qui concerne certaines politiques agricoles, mais lorsqu’on mène ce type d’examen, on a l’occasion de se demander comment les Canadiens peuvent veiller à ce que les actifs soient transférés d’une génération à l’autre dans une même famille sans créer d’obstacle à ce transfert.

La dernière chose que je veux voir, c’est une situation dans laquelle ma mère pourrait me vendre une exploitation agricole, mais qu’il soit plus profitable, sur le plan fiscal, de la vendre à un investisseur institutionnel quelconque, qu’il s’agisse d’un fonds de pension ou d’un autre régime.

Je ne crois pas que ce soit l’intention de notre politique fiscale. Si nous parlons de l’impôt, parlons de nos succès liés à d’autres enjeux qui n’ont peut-être pas été abordés. Cette disposition existait auparavant. Je crois que nous devons l’examiner et l’empêcher de devenir un obstacle au transfert intergénérationnel des terres.

Le sénateur Pratte : Y a-t-il d’autres commentaires à cet égard?

[Français]

M. Etter : Pour avoir vécu et travaillé avec beaucoup de jeunes qui vont transférer l’entreprise, je crois que les ressources sont là, que ce soit dans le secteur privé ou autre. Souvent, les agriculteurs sont dépassés. On s’entend que c’est 365 jours par année, 7 jours sur 7, donc ils ne savent pas nécessairement par où commencer. Il faut comprendre qu’avec la taille des entreprises d’aujourd’hui et les aspects techniques spécifiques, la première chose à faire est de bien s’entourer de professionnels qui comprennent le milieu agricole. Ce ne sont pas tous les fiscalistes et les comptables qui comprennent les particularités des montants dans lesquels nous travaillons. J’aimerais poser une question en lien avec ce que M. Brock a mentionné : dans une entreprise qui comprend d’autres frères et sœurs, qui participent à l’entreprise ou qui travaillent à l’extérieur, comment arriverons-nous à les inclure dans l’entreprise?On ne peut jamais être équitable, mais il faut trouver une stratégie pour pouvoir effectuer ce transfert. La dernière chose que l’on souhaite c’est que cela cause une querelle et que l’exploitation soit vendue, comme le mentionnait M. Brock, à des intérêts étrangers. C’est avec cela, je crois, que nous avons un peu de difficulté en ce moment.

[Traduction]

M. Wales : Je vous remercie d’avoir posé la question. J’ai deux réponses. La première, c’est que je sais que la Fédération canadienne de l’agriculture a cerné des parties précises de la Loi de l’impôt sur le revenu qui pourrait être modifiées, et je ne me souviens pas lesquelles, mais je les ai vues. Je ne sais pas si la FCA présentera un mémoire au comité. Je sais qu’elle a comparu devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, et que ces renseignements se trouvent donc dans le compte rendu.

L’un des défis qui se posent lors d’un transfert intergénérationnel — et comme je l’ai mentionné, je sais que la plupart des gens aimeraient mieux se faire arracher une dent que de parler de ces problèmes —, c’est lorsque des propriétaires ont des enfants adultes qui travaillent sur l’exploitation et qui formeront la génération suivante d’agriculteurs, et qu’ils ont d’autres enfants qui ont une autre carrière et qui reviennent aider à l’occasion. Ces propriétaires souhaitent donc transférer une valeur à tous leurs enfants. Ils veulent traiter tous leurs enfants de manière équitable, sans entraver les activités de ceux qui travailleront tous les jours sur l’exploitation agricole. Ils souhaitent également traiter leurs enfants qui ne sont pas agriculteurs de manière équitable.

Cela complique tous les types de transfert, la structure de partage, et tout le reste. Je ne me souviens pas des dispositions précises, mais des membres de la FCA ont cerné des dispositions qui doivent visiblement être modifiées. Je suis tout à fait d’accord avec leurs préoccupations à cet égard.

Le sénateur Neufeld : Certaines de mes questions ont déjà été posées. Monsieur Brock, avant la publication du 18 juillet, le gouvernement a-t-il mené des consultations auprès des Producteurs de grains de l'Ontario?

M. Brock : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Neufeld : Pas à votre connaissance.

Monsieur Wales, a-t-on mené des consultations auprès de votre organisme avant le 18 juillet? Vous avez dit qu’une consultation avait été menée dans les 90 jours suivant la publication, mais qu’en est-il de la période avant la publication?

M. Wales : Il n’y a eu aucune consultation avant cela. En fait, la première fois que j’ai entendu parler de ce dossier, c’est lorsque mon fils m’a appelé, le 19 juillet, pour me demander si mon organisme travaillait sur le dossier. À ma connaissance, aucun organisme agricole au pays n’a participé à des discussions ou reçu des communications sur les changements proposés.

Le sénateur Neufeld : Monsieur Orb, a-t-on consulté votre organisme avant le 18 juillet?

M. Orb : Je peux répondre à cette question… Le son coupe de temps en temps.

Il n’y a pas vraiment eu de préavis. Nous avons appris, presque par accident, dans un article publié dans les médias d’Ottawa que le gouvernement fédéral se penchait sur cet enjeu. Nos membres sont très contrariés, car il faillait essentiellement… Il fallait permettre aux gens d’avoir davantage de temps pour faire quelque chose, et cela n’a pas été fait. Cela nous préoccupe toujours.

Le sénateur Neufeld : Mais essentiellement, vous dites tous que des consultations ont été menées depuis le 18 juillet. Est-ce exact?

M. Brock : C’est exact.

M. Etter : C’est exact.

M. Wales : Oui, on a mené des consultations. Mais encore une fois, en ce qui concerne la Loi de l’impôt sur le revenu, la plupart de ces règlements ont été créés il y a presque 40 ans — je crois qu’il s’agissait de la commission Carter — et il a fallu six ans ou plus pour mener un examen et élaborer les règlements auxquels nous sommes assujettis depuis quatre décennies.

Il s’agit donc de 72 jours de consultations avec, selon ce que je comprends, plus de 21 000 mémoires, et les changements se sont produits environ deux semaines avant l’échéance. On a mené quelques consultations pendant les 72 jours, mais — et je donne tout le mérite au gouvernement — on nous a écoutés et on a apporté des changements. Et nous les surveillerons pour veiller à ce qu’ils mettent en œuvre, de façon appropriée, les changements qu’ils ont promis d’apporter.

Le sénateur Neufeld : Ce que je trouve intéressant, c’est que le gouvernement n’a pas mené de consultations avant le 18 juillet, même s’il affirme qu’il tient à mener des consultations dans tous les cas. Je présume que dans une certaine mesure, cela ne me surprend pas. Mais cela m’indique aussi que des intervenants d’un ministère — et je présume qu’il s’agit du ministère des Finances — ont décidé de mettre en œuvre ce changement sans se préoccuper des réactions négatives.

Je suis préoccupé lorsqu’on parle de fractionnement des revenus et d’autres éléments connexes, et je me demande comment les intervenants de l’ARC interpréteront ces éléments lorsqu’ils se rendront sur votre exploitation agricole pour mener un audit, car ils viennent d’Ottawa, un milieu très différent. Cela m’inquiète beaucoup.

Ma seconde question se rapporte au revenu passif. Monsieur Brock, vous en avez parlé dans le contexte d’une société ou d’une ferme de différente taille. C’est du pareil au même. Que vous ayez une grande ou une petite exploitation, c’est 50 000 $. Pourriez-vous nous parler plus en détail de l’effet négatif que cela aurait?

M. Brock : C’est une de ces situations où il est assez facile, de nos jours, de dépenser un million de dollars ou d’avoir besoin de millions de dollars pour gérer une entreprise. Nous cherchons diverses façons d’atténuer les risques sur notre ferme, et je pense que nous voulons nous assurer que toutes les fermes soient outillées pour pouvoir en faire autant.

Des fermes de plus petite taille utilisent peut-être d’autres mécanismes, et une exploitation agricole plus importante dispose peut-être d’une réserve de liquidité. Des amis à moi que je connais très bien dans l’Ouest canadien ont un fonds de roulement appréciable en raison des questions d’ordre météorologique. Il arrive souvent que ce montant représente deux fois et demie les dépenses. En conséquence, c’est facile de se retrouver avec 2 ou 3 millions de dollars — ou 3 ou 4 millions de dollars — de fonds de roulement dans un compte d’investissement ou autre, en cas de catastrophe.

Au fur et à mesure que nos fermes ont pris de l’expansion et que nos entreprises se sont complexifiées — et je sais que les dépenses de ma propre exploitation ont augmenté considérablement par rapport à sa croissance — un million de dollars ne semble plus être un montant élevé. Dans le cas de grandes exploitations qui veulent maintenir un certain fonds de roulement, le montant peut facilement dépasser le million de dollars. En conséquence, nous sommes très préoccupés par l’incidence que cela pourrait avoir sur les fermes qui l’utilisent comme outil afin d’atténuer les risques pour leur entreprise.

Le sénateur Neufeld : Exactement; je comprends.

La seconde question porte sur le revenu passif. Qui pense à un impôt de 72 p. 100 au départ? Qui penserait qu’on prélèverait un impôt de 72 p. 100 sur un quelconque montant supérieur à ce que vous êtes autorisés à garder? Quelle que soit la taille de l’exploitation, il s’agit bien de 72 p. 100.

Connaissez-vous un autre endroit dans les pays du G7 ou du G8 où on prélève un impôt de 72 p. 100? Peut-être. J’ignore d’où vient ce chiffre et comment quelqu’un a pu le fixer en pensant que quiconque trouverait que 72 p. 100 était acceptable.

Est-ce que l’un de vous peut m’aider un peu? Avez-vous déjà entendu parler de ce genre de choses dans les pays avec lesquels nous faisons affaire? Peut-être que c’est le cas. Dites-moi si je fais fausse route. Est-ce que l’un d’entre vous peut m’aider?

M. Wales : Je ne connais pas d’autre pays qui le fasse. Votre investissement passif est déjà imposé à 50 p. 100. Je ne suis pas certain que bien des gens en aient été conscients. Alors, si vous passez de 50 à 72 p. 100, la proposition visait à vous forcer à payer de l’impôt immédiatement sur les dividendes.

La proposition originale serait non seulement passée à 72 p. 100, mais elle aurait aussi pu revenir en arrière pour réimposer le capital initial qui a généré l’investissement au départ. Je vais vous donner un exemple. Si vous aviez 100 000 $ de profits dans votre société, normalement, l’impôt des petites entreprises aurait été autour de 15 000 $, si bien qu’il vous aurait resté 85 000 $ à réinvestir dans l’entreprise, sur lequel payer des dividendes ou à investir dans un projet de placement passif.

L’analyse que j’ai vue de la proposition initiale aurait fait en sorte que l’ARC s’empare de 35 000 $ de plus et qu’elle prélève un impôt de 72 p. 100 sur les recettes découlant des 50 000 $ restants, ce qui aurait réduit considérablement tout montant que vous auriez pu avoir pour sauver l’entreprise au fil du temps.

C’était une mauvaise idée dès le départ. Si les gens se rendaient vraiment compte qu’ils payaient déjà 50 p. 100 d’impôt sur ce revenu d’investissement, peut-être qu’ils y penseraient à deux fois avant de faire pareil placement.

D’après ce que j’ai vu, il serait toujours admissible de garder un montant dans ce type de placement pour répondre aux besoins actuels ou à court terme de l’entreprise. À l’heure actuelle, on ne considère pas qu’il s’agisse d’un investissement passif. Ce qui posait vraiment problème, c’étaient les gens qui plaçaient constamment des centaines de milliers de dollars en investissements passifs et qui les gardaient, en gros, pour leur retraite. Ce sont ces montants que le gouvernement était censé cibler.

Cependant, lorsque vous instaurez une règle, si, au lieu de vous servir d’un bistouri, vous employez un marteau de forgeron, les conséquences imprévues peuvent être nombreuses. C’est ce que nous avons constaté.

Nous devrons travailler avec eux. Les règles régissant les investissements passifs n’entreront pas en vigueur avant le budget de 2018. Nous aurons le temps, d’ici là, de solliciter les commentaires et, après coup, de nous assurer que les règles ciblent exactement les personnes qu’elles doivent cibler, et ce, comme il se doit.

Le sénateur Neufeld : Quelqu’un d’autre aimerait-il formuler un commentaire?

M. Brock : Non, je n’ai jamais entendu cela. Au bout du compte, je pense que j’en reviens à une approche plus philosophique de la chose. Comment faire pour stimuler l’économie? Comment s’assurer d’avoir les possibilités, les outils et les façons d’investir dans l’innovation et la production au sein de sa propre entreprise pour prendre de l’expansion, créer des emplois et diversifier ses activités?

Les vérifications dont on fait l’objet et les tests de vraisemblance où le taux d’imposition par défaut est le plus élevé me font peur, car ils me dissuadent de faire des choses et me placent dans une situation dans laquelle je ne suis pas certain des répercussions fiscales. Ensuite, je fais preuve d’une prudence excessive, car la dernière chose que je souhaite est de me retrouver dans un contexte où une de ces règles s’applique à moi et d’avoir ensuite à payer une amende énorme.

Je pense que cela nous rend excessivement prudents.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre participation. L’agriculture est un secteur de base, pas seulement sur le plan économique, mais également pour subvenir aux besoins des Canadiens et Canadiennes. Je pense que vos témoignages nous éclairent énormément à ce sujet.

Si j’ai bien compris, les modifications apportées à la réforme sont, somme toute, encourageantes, mais le fait que les règles d’application ne sont pas claires, particulièrement en ce qui concerne l’Agence du revenu du Canada, est très inquiétant pour vous? Normalement, en économie, un contexte d’incertitude ne contribue pas vraiment à favoriser l’activité économique.

[Traduction]

M. Brock : Absolument. Le problème est qu’il y a deux approches à l’heure actuelle. Il y a d’abord la politique en matière d’imposition et ces avis éclairés, et il y a ensuite les règles et la mise en œuvre.

Nous nous préoccupons de l’écart entre l’intention de la politique et la façon dont les règles seront appliquées à ma ferme. Je peux rencontrer quelqu’un à Ottawa qui me dira : « Non, ces règles n’auront aucune incidence sur vous », mais ce n’est pas la personne qui viendra à ma ferme pour procéder à la vérification.

C’est à cet égard que l’écart nous préoccupe. Vous pouvez avoir nombre de bonnes idées en matière de politique, et c’est encourageant de les voir changer leur optique là-dessus, mais ce ne sont toujours pas les personnes qui procéderont aux vérifications à ma ferme. Nous devons prévenir tout écart qui pourrait nous causer de l’inquiétude.

[Français]

M. Etter : M. Brock avait mentionné cet aspect dans le contexte de l’incertitude et je pense que c’est un parfait exemple. Quand j’investis, je ne veux pas devoir faire 12 appels téléphoniques pour m’assurer des implications et laisser peut-être passer un investissement parce que j’ai trop attendu, j’ai trop analysé. Oui, je comprends qu’il faut bien analyser. Cependant, à la fin de la journée, si on prend plus de temps pour analyser l’impact que cela aura sur les taxes que d’investir et de gérer l’entreprise, il est clair qu’on tourne en rond. Cela ne pourra pas fonctionner.

[Traduction]

M. Wales : Comme je l’ai mentionné dans mes remarques, on en revient vraiment aux documents d’orientation que l’ARC prépare pour ses vérificateurs. C’est à cet égard que nous devons vraiment participer à cette discussion. L’industrie ne peut pas être laissée pour compte. Nous devons travailler avec ses représentants pour nous assurer que le document d’orientation définisse des paramètres sur ce que le vérificateur devrait ou non examiner, et comment il devrait s’acquitter de ses tâches pour donner de la certitude. Ce sera notre principale préoccupation à l’avenir.

Comme tout le monde l’a mentionné, cette industrie a un potentiel extraordinaire. Nous ne pouvons pas avancer sans la relève. Elle est cruciale pour l’exploitation. Les fermes continueront toujours, je l’espère, d’être des fermes familiales. Je ne veux pas que cela change un jour. Nous ne voulons pas du type de sociétés agricoles qu’on retrouve aux États-Unis et de toutes les questions entourant la sécurité alimentaire et autres que les Étatsuniens doivent gérer.

Les fermes offriront d’excellentes possibilités d’emploi. Notre industrie deviendra très technique, mais nous avons besoin de certitude à l’égard de ces règles. Cela peut marcher. J’ai travaillé avec le gouvernement de l’Ontario à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, alors nous enseignons aux inspecteurs ce qu’est une ferme et ce qui n’en est pas une, car les règles diffèrent légèrement, et ils ont besoin de reconnaître qu’un milieu de travail agricole n’est pas le même qu’un milieu de travail industriel.

C’est réalisable. On l’a déjà fait, mais on doit s’assurer que le gouvernement collabore avec nous à chaque étape du processus. Il devrait vraiment y avoir des représentants du vaste secteur des biens et services avec lesquels on devrait revoir les documents et s’assurer que l’on convienne tous que c’est la façon la plus juste de procéder.

Le président : Monsieur Orb, avez-vous des commentaires?

M. Orb : Merci. Malheureusement, je n’ai pas pu entendre l’interprète. Le message que j’ai reçu des autres membres du groupe est que, en ce qui concerne les préoccupations entourant certaines des modifications que veut instaurer le gouvernement fédéral, peut-être qu’il pourrait le faire dans le budget. Cependant, si un projet de loi omnibus accompagne le budget, nous n’aurons pas d’autres occasions de formuler nos commentaires à cet égard, car le budget sera probablement adopté dans son ensemble. Nous devrons le traiter plus tard. Si l’ARC cherche à apporter des modifications, peut-être pour y ajouter des tests de rationalité et des choses du genre, c’est subjectif et cela varie d’une ferme à l’autre. Cela nous préoccupe vraiment. Nous voulons avoir de jeunes agriculteurs. Dans certaines fermes, les fils et les filles ne participent même pas à l’exploitation en ce moment. Ils étudient peut-être à l’université ou suivent de la formation qui facilitera leur retour à la ferme familiale pour aider à l’exploiter. Il faut donc qu’il reste des règles pour les encourager.

[Français]

Le sénateur Forest : On connaît bien le modèle opérationnel de l’Agence du revenu du Canada. Elle porte un jugement et on doit par la suite se débattre pour défaire ce jugement.

Je pense qu’un des enjeux primordiaux est d’éclaircir les règles d’application de cette réforme et ce qui va en demeurer.

Au Québec, on a une loi qui protège les terres agricoles. Comme vous l’avez souligné avec justesse plus tôt, monsieur Etter, il y aura, du point de vue démographique, un transfert massif de l’ensemble des entreprises canadiennes, mais particulièrement dans le secteur agricole. Je crois que l’exploitation d’une ferme agricole, c’est plus qu’un emploi, c’est vraiment une vocation. Au sein d’une famille, ce n’est pas nécessairement toute la progéniture qui a cette vocation.

Quand un agriculteur veut mettre fin à son exploitation agricole aujourd’hui, c’est foncièrement inéquitable parce que cela a le désavantage de transférer la ferme à un étranger et non à la famille.

Selon vous, si on veut arrimer la politique fiscale à notre politique qui encouragerait le transfert intergénérationnel et le développement, quel serait le principal changement que l’on devrait apporter à la loi afin qu’elle rende équitable ce transfert intergénérationnel?

[Traduction]

M. Brock : Merci d’avoir posé la question. Nous devons nous assurer de ne pas dissuader la vente à un membre de la famille. À l’heure actuelle, il est plus profitable de vendre à un étranger. Faisons les choses dans les règles de l’art pour éviter des sanctions.

À l’avenir, je ne pense pas. Certes, vous devez instaurer une politique fiscale en matière d’agriculture qui reflètera la stratégie de croissance que vous avez prévue. Globalement, vous voulez de cette stratégie de croissance. Ensuite, vous prenez la stratégie de croissance pour l’agriculture et le Canada en tant que pays, et vous vous demandez ce qui l’entrave. Lorsque vous examinez la situation du point de vue des entraves, quelles sont les répercussions ou les politiques fiscales qui créent ces obstacles? Ajustons-les ou éliminons-les pour que l’industrie puisse prospérer.

Le problème, c’est d’examiner les choses en vase clos. Nous devons les étudier dans le contexte d’une politique plus générale pour ensuite déterminer quelles sont les entraves dans ces divers secteurs de politiques.

[Français]

M. Etter : J’aimerais ajouter mes commentaires à la suite des propos de M. Brock.

Je vais donner un exemple. Quand un couple s’assoit avec ses enfants pour procéder au transfert de sa terre, mais qu’il décide de la vendre à une entité privée X parce que c’est plus avantageux que de la transférer à ses enfants en raison des mesures incitatives, il y a un gros problème.

Certains l’ont fait et les fruits de cette vente ont peut-être été distribués au sein de la famille, mais je crois que ce n’est vraiment pas bénéfique pour l’économie canadienne. Il faudrait que le changement amène des mesures incitatives en ce qui a trait au transfert d’entreprise et que les politiques fiscales soient justes et équitables afin que les jeunes comme moi qui veulent reprendre les terres puissent le faire. Nous avons besoin de ces jeunes.

[Traduction]

M. Wales : J’aimerais pouvoir me souvenir de ces deux articles de la Loi de l’impôt sur le revenu dont les membres de l’ICA ont déterminé qu’ils devraient être modifiés. Un autre point qui doit être retravaillé est celui voulant que l’exonération cumulative des agriculteurs sur le gain en capital se chiffre actuellement à un million de dollars. Au cours des cinq ou six dernières années, la valeur des terres agricoles a doublé presque partout au Canada. Il faut que ce nombre augmente davantage au fil du temps de façon mesurée avec le taux d’inflation ou quelque chose du genre. Il doit augmenter, sinon le transfert intergénérationnel sera imposé. Plus la facture sera élevée, plus les parents pourraient avoir à retirer des fonds prévus pour la génération suivante afin de bénéficier d’un revenu de retraite et de payer l’impôt. Nous devons nous assurer que le processus soit aussi harmonieux et équitable que possible. Pour y arriver, un pas dans la bonne direction serait de hausser l’exonération cumulative sur le gain en capital d’une manière régulière, connue et prévisible au fil du temps.

M. Orb : Je suis d’accord avec M. Wales qu’il faudrait peut-être demander au gouvernement fédéral de se pencher sur l’exonération cumulative sur le gain en capital. Elle n’est pas très élevée.

À l’avenir, si le gouvernement fédéral cherche à apporter des modifications… qu’on pourrait faire valoir que les petites entreprises agricoles… Je crois qu’il s’agit de la classe moyenne… Le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme pour aider… et cibler. Il semble ne pas avoir été pris en compte et touché par cela. Nous savons que l’agriculture… l’industrie. Nous voulons nous assurer… de notre… national… que les consultations semblent être menées de façon plus équitable. Le gouvernement fédéral est… Je ne suis pas certain que ce soit exactement le cas, mais nous voulons nous assurer que le gouvernement fédéral annonce bientôt qu’il change d’idée en ce qui concerne toutes les modifications d’ordre fiscal qu’il propose d’apporter.

Le président : Monsieur Orb, nous éprouvons des difficultés techniques. On m’informe que c’est de votre côté, alors nous allons faire preuve de prudence dans nos échanges avec vous puisque nous avons manqué près de la moitié de vos commentaires.

M. Orb : Je suis désolé.

Le président : Ce n’est pas grave. Merci.

La sénatrice Moncion : Un des commentaires que vous avez formulés, monsieur Brock, concernait les membres de votre famille — votre mère qui compte deux entreprises constituées en société et les vôtres — qui feront probablement partie de la succession de votre mère. Vous parliez des dividendes qu’ils recevront et pour lesquels ils paieront de l’impôt sur le revenu. Ne pensez-vous pas qu’il soit juste pour eux de payer l’impôt sur le revenu qui devrait découler des gains obtenus d’une exploitation dans laquelle ils ne travaillent pas? Ils en bénéficieraient bien qu’ils ne travaillent pas à la ferme.

M. Brock : C’est la partie nébuleuse de la planification de la succession familiale où se mélangent émotions et réalité financière. Oui, mon frère devrait payer de l’impôt sur les revenus tirés d’une entreprise familiale, j’en conviens tout à fait. D’une certaine façon, c’est efficace pour payer certains impôts, mais s’assurer qu’ils n’entravent pas l’utilisation des capitaux.

Nous devons tenir cette discussion. Nous verrons parfois dans les successions que les affaires familiales ne sont pas toujours égales. Nous pourrions avoir des frères et sœurs qui sont actionnaires de la société par l’intermédiaire du processus de planification de la succession. Ils participeront aux activités de la société dans une certaine mesure ou pas du tout, et ils en tireront des revenus, car c’est ce qui leur revient de la succession d’un parent propriétaire des terres, de l’exploitation laitière ou autres.

Nous essayons de trouver un équilibre. Alors que nous payons de l’impôt sur le revenu lorsqu’il y a lieu de le faire, comment nous assurer de ne pas immobiliser ou perdre des capitaux et pénaliser le membre de la famille agricole qui essaie de gérer l’entreprise?

C’est la question complexe voulant que, si le taux d’imposition sur le dividende de mon frère a une incidence, il dirait qu’il ne veut plus investir dans ma société. Cependant, je n’ai pas habituellement les moyens de racheter sa part, alors j’aurais à liquider ma part du capital, si bien que je n’aurais plus ce financement à utiliser dans ma ferme. Si pareille situation se produit trop fréquemment, on observera un exode ou un changement au niveau de la propriété des terres. Je ne pense pas que ce soit la politique agricole globale que nous recherchions au Canada. Je ne pense pas qu’elle incite les jeunes à participer à ce processus.

La sénatrice Moncion : Ce type de situation ne déborde-t-il pas nettement le cadre de l’étude du gouvernement à l’heure actuelle?

M. Brock : Je ne suis pas certain. Je ne suis pas au courant de tous les détails des changements proposés, ou des changements proposés à la proposition.

Je pense que cela touche la mise en œuvre également. On comprend l’intention que nous ne sommes pas censés être touchés par certaines règles, mais je ne sais pas comment cela sera communiqué à l’ARC pour les audits. C’est ce qui nous préoccupe.

Certains éléments semblent nous indiquer que les changements ne s’appliqueront pas à nous, mais est-ce que ce sera toujours le cas dans les faits?

La sénatrice Moncion : Un des enjeux concernant le transfert intergénérationnel est de savoir comment le membre de la fratrie qui veut garder la ferme obtiendra les moyens de l’acheter. C’est habituellement là où le bât blesse. On peut procéder au transfert, mais il y a alors le problème de l’impôt et de l’argent, car les jeunes agriculteurs n’ont pas, la plupart du temps, les garanties nécessaires pour contracter le prêt qui leur permettrait d’acheter la ferme de leurs parents ou du propriétaire. À mon avis, c’est là où se trouve le gros du problème intergénérationnel à l’heure actuelle. Il y a aussi les questions fiscales.

À titre d’information, toutefois, voici une information qu’on nous a fournie plus tôt. En 2006, une évaluation du nombre de petites et moyennes entreprises et de fermes qui allaient être transférées sur une période de 15 ans, et nous sommes actuellement dans les cinq dernières années. L’évaluation a révélé que 82 p. 100 des transferts allaient avoir lieu entre 2006 et 2021, et qu’en 2015, 60 p. 100 auraient été faits. Un autre 22 p. 100 sera transféré au cours des années suivantes. Ce ne sont que des commentaires, de l’information. Nous savons cela depuis longtemps.

Monsieur Wales, heureuse de vous revoir. Vous parliez des fermes et des fermiers. Il y a environ 220 000 fermiers, mais seulement environ 25 p. 100 d’entre eux sont constitués en société. Cela me surprend un peu, en raison des incitatifs fiscaux et des complications liées à notre régime fiscal qui nécessitent l’intervention d’un avocat ou d’un expert en fiscalité.

Qu’est-ce qui pousse les agriculteurs à ne pas se constituer en société?

M. Wales : Encore une fois, c’est un chiffre qui me surprend également, même si, de façon générale, les fermiers sont peu susceptibles de se constituer en société au début de leur carrière. On commence habituellement quand on est célibataire, puis on se marie en cours de route, ou peu importe sa situation. Je suis un fermier de première génération, mais il y a quatre générations sur la ferme de mon partenaire : sa mère, qui a 92 ans, sa fille et son gendre et leurs deux enfants, qui y vivent également. Il y a donc quatre générations sur la ferme et on essaie de trouver un plan de succession, parce que la mère a deux autres filles qui aimeraient avoir un droit de propriété et elle aimerait leur accorder.

La constitution en société se produit habituellement lorsque la ferme croît et que la situation se complique. Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, la constitution en société et ce qu’on appelait les dispositions de type « pipeline » sont habituellement ce qu’on utilise pour paver la voie au transfert intergénérationnel. Il n’est pas rare de voir un transfert qui implique trois générations. Les grands-parents peuvent encore posséder des terres, les parents peuvent posséder une partie des biens, et les enfants peuvent avoir leurs propres biens, mais tout le monde fait partie de l’entreprise familiale dorénavant, et les grands-parents peuvent léguer dans leur testament des parts de l’entreprise à certains de leurs enfants. Cela devient vraiment compliqué.

Comme je l’ai mentionné, cela prend en moyenne 10 ans pour établir un plan de succession réalisable, et ils ne fonctionnent pas tous pour les raisons déjà mentionnées.

Je suis d’avis, assurément, qu’il faut imposer ceux qui reçoivent des dividendes. On paie tous de l’impôt quand on reçoit des dividendes d’une société privée sous contrôle canadien. Là où il y a un problème, c’est quand l’impôt devient punitif. On doit tous payer de l’impôt sur les dividendes qu’on reçoit d’une société, peu importe laquelle. C’est une façon juste de fonctionner, mais il ne faut pas pénaliser quelqu’un parce qu’il ne travaille pas cinq jours par semaine, 52 semaines par année dans l’entreprise.

En fin de compte, la plupart des entreprises agricoles font un transfert et se constituent en société, mais cela se produit souvent au moment où on veut passer la main à la génération suivante.

La sénatrice Moncion : Merci.

Le sénateur Oh : Merci à nos témoins. Après 1 h 45 de discussions, je pense qu’il est clair que les fermiers s’inquiètent beaucoup des nouvelles propositions fiscales.

Des témoins nous ont déjà fait part des répercussions que les propositions auront sur les conjoints, en particulier les femmes, en raison de leur participation dans des formes de travail non rémunéré comme le soin des enfants. Toutefois, l’un des objectifs du ministre Morneau est de s’assurer que tout changement au régime fiscal favorise l’égalité entre les sexes.

Croyez-vous que la proposition actuelle vient porter un coup à la contribution des femmes au sein de leur famille et de leur entreprise? La complexité de la proposition fera-t-elle en sorte que le gouvernement fédéral verra le travail non rémunéré comme une contribution sans importance?

M. Brock : Merci de poser la question. Je peux vous répondre du point de vue de ma propre famille. Ma femme joue un rôle plus important que moi à la ferme. Dans ce cas, ce serait en fait son revenu qui serait réparti sur le mien, car je m’occupe d’autres choses. Je suis à la ferme en permanence, mais c’est elle qui s’en occupe principalement.

Nous voulons nous assurer qu’il n’y a pas d’obstacle pour personne à la ferme. Après la naissance de notre fils, il y a un bon bout de temps, nous partagions les tâches pour en prendre soin. Je m’occupais de lui le matin pendant qu’elle allait à l’étable, et elle s’occupait de lui dans l’après-midi pendant que je faisais mon travail de bureau.

Nous voulons nous assurer qu’il n’y a pas d’obstacle à la contribution. Ma fille travaille à la ferme. Elle aide tout le temps et elle veut aller étudier en agriculture et revenir travailler à la ferme familiale. Je veux m’assurer qu’il n’y a pas d’obstacle pour l’en empêcher, et il faut veiller à ce que la politique fiscale ne lui en crée pas non plus.

[Français]

M. Etter : Moi aussi, je vais utiliser un exemple personnel : ma conjointe travaille au service public et j’ai l’entreprise à mon nom. Notre plan est qu’un jour, si elle le désire, elle puisse venir travailler à la ferme. Toutefois, si elle veut devenir partenaire à la ferme, il y aura d’énormes implications et nous devrons travailler avec un fiscaliste. Je suis entièrement ouvert à cela. Certains professionnels vont même jusqu’à nous aviser d’être très prudents en faisant cela. Cela ne devrait pas être le cas. Amener sa conjointe ou son conjoint dans une entreprise ou une société ne devrait pas avoir d’impact fiscal négatif sur cette décision.

[Traduction]

M. Wales : Je suis d’accord avec votre question. Il ne fait pas de doute que les propositions initiales créaient un déséquilibre entre les sexes. On ne peut le nier : elles faisaient en sorte qu’il serait difficile d’être juste à l’égard du conjoint et des enfants. Il faudra maintenant s’assurer que les propositions touchant notamment la répartition du revenu, dans tout ce qui concerne la définition de la contribution, sont adéquates. Autrement, on se retrouvera encore dans la même situation injuste, et ce n’est pas ce qui devrait se produire.

Le président : Monsieur Orb, est-ce que vous nous entendez? Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Orb : Oui, je vous entends. Nous craignons encore de voir le gouvernement emprunter cette voie. Si le gouvernement ne tient pas ses engagements, nous voulons qu’il se lève et qu’il annonce devant tout le monde à la Chambre des communes qu’il ne tiendra pas ses engagements sur les changements proposés qui vont nuire aux conjoints à la ferme.

La sénatrice Cools : Je vais commencer par remercier les témoins et leur exprimer mon émerveillement devant leur façon de gérer les situations de manière si bien informée.

J’aimerais aussi vous rappeler, car il se pourrait que vous ne soyez pas au courant, que le Sénat s’intéresse à l’agriculture et aux besoins des agriculteurs depuis de nombreuses années. Le Sénat a un Comité de l’agriculture.

De plus, et vous l’ignorez peut-être, mais pendant des années, le gouvernement avait l’habitude de choisir comme sénateurs des personnes qui travaillaient en agriculture. Je me rappelle très bien certains noms, notamment un homme que la sénatrice Andreychuk a aussi connu — le sénateur Sparrow —, et il était à la tête du Comité de l’agriculture lorsque celui-ci a effectué une étude très importante sur l’érosion des sols. C’était il y a très, très longtemps. Le sénateur Bud Olson a aussi joué un rôle très important, et il était lui aussi agriculteur et producteur de viande. L’un était originaire de la Saskatchewan, et l’autre de l’Alberta. Je voulais mentionner qu’une sénatrice de longue date comme moi a servi en même temps qu’eux et les connaissait très bien. Je pense que nous devrions tous nous faire un devoir de rappeler aux futurs premiers ministres qu’ils devraient aussi choisir des sénateurs parmi les agriculteurs. Je pense que ce serait utile et fantastique.

Ma question concerne le comité, qui s’intéresse à la situation financière. Nous allons faire un voyage, et même deux en fait. Le comité se rendra dans l’Ouest pour y prendre le pouls, puis dans l’Est. Je pense que toute réforme fiscale est toujours un sujet délicat et potentiellement explosif.

Je me demande simplement, à la lumière de tout ce qui est ressorti de vos témoignages ce matin, si vous avez des recommandations spéciales ou des conseils pour le comité, afin que nous puissions produire le travail de qualité que nous souhaitons et voulons faire. Si vous avez des idées, nous sommes tout ouïe.

M. Brock : Je pense que le fait de s’occuper de ce dossier et de mener une étude est un bon départ. C’est une chance que nous avons mes collègues et moi d’être ici aujourd’hui et de pouvoir vous parler des répercussions de l’impôt sur nos entreprises. Je pense que c’est une excellente idée de voyager au Canada pour discuter avec les gens. C’est une façon très efficace de connaître l’opinion des Canadiens sur la politique fiscale. Je pense aussi que vous avez raison de dire que c’est un sujet explosif. Je pense également que nous devons bon nombre de privilèges dont nous jouissions au Canada à la politique fiscale. Tout ce qu’il faut, c’est de s’assurer de bien faire les choses, et le dialogue est une façon de bien les faire.

[Français]

M. Etter : J’aimerais tout d’abord vous remercier pour votre initiative d’aller rencontrer les gens partout au Canada. Maintenant, j’aimerais profiter de ma rencontre avec vous tous pour attirer votre attention sur une réalité canadienne qui ne se reflète pas nécessairement dans toutes les industries : les agriculteurs et agricultrices du Canada sont un vecteur économique qui se déploie dans la ruralité. Il s’agit majoritairement d’entreprises familiales qui font vivre beaucoup de gens, et cetera. Au cours des prochaines années, cette industrie connaîtra un virage important : des transferts massifs seront mis en branle et nous souhaitons qu’ils soient réussis, si je peux m’exprimer ainsi.

[Traduction]

M. Wales : Je vous remercie de poser la question et de vos commentaires. J’ai eu la chance de comparaître devant le Comité sénatorial de l’agriculture sur quelques sujets déjà, et je suis très reconnaissant aux sénateurs de l’intérêt qu’ils portent à l’agriculture et à l’élevage, et à tout ce que nous faisons.

Voici un conseil, je suppose : vous aurez l’occasion, je l’espère, d’appuyer une hausse de l’exonération des gains en capital pour les agriculteurs. Ce sera un outil nécessaire dans l’avenir. Il vous faudra reconnaître clairement que l’agriculture qui se fait dans une province, dans une région d’une province, est complètement différente de ce qui se fait ailleurs. Si je me souviens bien des dernières statistiques que j’ai vues, la taille moyenne d’une ferme en Ontario est d’environ 350 acres, et dans les Prairies, il faut sans doute ajouter un ou deux zéros. La taille et la complexité des fermes varient beaucoup. Certains agriculteurs fournissent les magasins d’alimentation et réussissent sans doute bien sur une ferme de quelques acres. D’autres en ont besoin de beaucoup plus. Nous allons probablement faire pousser des aliments et trouver des utilisations pour les produits de demain que nous ne soupçonnons même pas à l’heure actuelle. Comme j’ai tenté de le faire valoir, les possibilités sont innombrables pour notre industrie. Les possibilités sont sans fin pour l’industrie et les gens qui y travaillent, mais il faut s’assurer que les règles sont les plus simples possible. Notre industrie est déjà fort complexe à l’heure actuelle. La Loi de l’impôt sur le revenu est aussi d’une complexité sans fin. Nous n’avons fait qu’effleurer la surface en examinant quelques enjeux au cours des 90 derniers jours. Il m’a fallu beaucoup de temps pour apprendre quelque chose que je n’avais pas le goût d’apprendre, mais c’était un exercice intéressant. Comme je l’ai dit, mon fils m’a appelé le 19 et m’a dit : « Savais-tu cela? ». On s’assoyait ensemble tous les deux jours, essentiellement, et on faisait des scénarios. Qu’est-ce que cela veut dire? Quelle est la facture d’impôt pour une personne? Quelles sont les répercussions de ceci pour bien comprendre? Les comparutions comme aujourd’hui nous aident aussi à pousser plus loin notre réflexion.

Le meilleur conseil que je puisse vous donner serait de reconnaître clairement l’importance de l’agriculture. Sa variété. Sa différence. Tout ce qu’on peut faire pour simplifier les règles qui nous régissent est bienvenu. Je sais que la sénatrice Andreychuk a posé une question plus tôt au sujet de ce qui se passe ailleurs dans le monde. De toute évidence, de nombreux pays reconnaissent l’importance de l’agriculture pour l’environnement, et ils ont adopté des politiques à cet égard, ce que le Canada n’a pas beaucoup fait. Nous avons besoin d’aide en matière de biens et de services environnementaux. Nous protégeons la qualité de l’air, de l’eau et des terres pour les gens, et nous respectons la terre. C’est tout ce que je peux faire. Si vous pouvez trouver des façons de simplifier la Loi de l’impôt sur le revenu, faites-le s’il vous plaît. Je vous souhaite bonne chance. C’est une tâche titanesque.

Le président : Monsieur Orb, avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous terminions?

M. Orb : Je n’entends pas beaucoup ce qui se dit, malheureusement, mais j’aimerais remercier le Comité sénatorial permanent des finances nationales de ce qu’il fait, et j’espère que le gouvernement comprendra que les changements proposés ne sont pas dans l’intérêt supérieur de l’agriculture au Canada.

Le président : Merci.

La sénatrice Cools : Messieurs, j’aimerais vous dire que je suis originaire des Caraïbes britanniques, de la Barbade plus précisément. À la Barbade, nous n’utilisons pas les mots « fermes » et « fermiers ». Nous utilisons les mots « planter » et « plantation », et ma mère était propriétaire d’une plantation. J’ai donc passé les premières années de ma vie à apprendre l’art de la plantation. Je suis demeurée une planteuse, et j’ai 72 rosiers sur mon terrain ici à Ottawa. Je plante tous les ans des tomates que mon mari adore.

Le président : C’était un commentaire, sans question. Nous avons une deuxième série de questions, et nous avons trois sénateurs en lice. Vous êtes en mesure de constater l’intérêt que les sénateurs portent à vos préoccupations.

Sénatrice Marshall, sénateur Forest, sénatrice Eaton, vous pourriez poser vos questions, et nous demanderons aux témoins de faire parvenir leurs réponses à la greffière.

La sénatrice Marshall : Monsieur Wales a fourni le mémoire qui a été soumis au ministère des Finances, et il était inclus dans la trousse, mais je n’ai rien vu d’autres provenant des municipalités de la Saskatchewan, ou des Producteurs de grains. Je ne sais pas si M. Etter a soumis quelque chose, mais je suis certaine que les Producteurs de grains ont présenté un mémoire. Pourrait-on avoir une copie des mémoires? Je présume que tout a été dit, mais il serait intéressant de lire les mémoires.

Le président : Messieurs les témoins, pourriez-vous assurer le suivi.

[Français]

Le sénateur Forest : On a beaucoup parlé de l’appréciation de la valeur foncière des terres agricoles qui, en fin de compte, représentera un problème majeur en matière de transferts. Les règles fiscales actuelles incitent souvent les exploitants agricoles à — au lieu de transférer leur ferme — vendre le quota, la machinerie, l’installation et les terres qui sont souvent achetés par de grandes entreprises. Ces règles ne pourraient-elles pas avoir un impact sur l’augmentation de la valeur foncière des terres agricoles?

[Traduction]

Le président : Vous avez donc les questions. Veuillez répondre par écrit, s’il vous plaît, à la greffière.

La sénatrice Eaton : Comme vous représentez les Producteurs de grains de l’Ontario, le Conseil canadien de l’horticulture, et la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, vous êtes-vous demandé comment notre politique fiscale sur l’agriculture et l’horticulture se compare à celle des autres pays de l’OCDE, des renseignements qui pourraient être très intéressants pour nous?

Le président : Si on peut le faire. Sur ce, mesdames et messieurs les sénateurs, j’aimerais vous rappeler que nous nous rencontrerons dans la pièce 160-S, de l’édifice du Centre, de 14 h 15 à 16 h 15, pour entendre nos autres témoins.

Je remercie les témoins d’avoir accepté notre invitation, et nous vous savons gré de vos commentaires et de vos recommandations.

(La séance est levée.)

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