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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Le Comité Sénatorial Permanent des
Finances Nationales

Fasicule no 42 - Témoignages du 24 octobre 2017 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mardi 24 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 14 h 15, pour poursuivre son étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, honorables sénatrices, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je m’appelle Percy Mockler, et je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont avec nous et à ceux qui nous regardent d’un bout à l’autre du pays, à la télévision ou en ligne.

J’aimerais rappeler à ceux qui nous regardent que les réunions du comité sont ouvertes au public et qu’elles sont également diffusées sur le site web du Sénat, à l’adresse sencanada.ca.

J’aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter. Nous commençons à ma gauche.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, sénateur de la région du Golfe, au Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.

[Français]

Le président : J’aimerais également souligner la présence de la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que celle de nos deux analystes, M. Sylvain Fleury et M. Alex Smith, qui nous prêtent main-forte dans les travaux du comité.

[Traduction]

J’aimerais remercier les témoins d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude spéciale sur les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes. Ces modifications ont été proposées par le ministre des Finances pendant l’été 2017.

Cet après-midi, nous accueillons des organisations d’entreprises. Nous recevons deux groupes de témoins et chaque groupe aura 45 minutes. Il sera donc important de respecter le temps imparti.

Nous nous entretiendrons avec le premier groupe de témoins jusqu’à 15 heures. Je demanderais aux sénateurs et aux témoins de s’en tenir à de brèves questions et réponses.

Honorables sénateurs, dans le premier groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir, de la Conference for Advanced Life Underwriting, Warren Blatt, président du Comité des relations gouvernementales et membre du conseil d’administration. Nous accueillons également Paul Taylor, président-directeur général de Professionnels hypothécaires du Canada; Peter Braid, chef de la direction de l’Association des courtiers d’assurances du Canada; et Ian Russell, président-directeur général de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières.

J’invite maintenant les témoins à livrer leur exposé, et je demande à chacun de ne pas prendre plus de cinq minutes. Après les exposés, les sénateurs poseront des questions aux témoins.

Monsieur Blatt, vous avez la parole.

Warren Blatt, président du Comité des relations gouvernementales, membre du conseil d’administration, Conference for Advanced Life Underwriting : En plus d’être conseiller financier indépendant, je suis membre du conseil d’administration de Conference for Advanced Life Underwriting, aussi connu sous le nom de CALU. CALU et notre organisation sœur, Advocis, représentent environ 12 000 conseillers en assurances et en finances qui fournissent des conseils financiers à des millions de Canadiens partout au pays. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l’occasion de formuler des commentaires, au nom de nos membres et de leurs clients, sur les propositions fiscales du gouvernement concernant les entreprises privées.

Le mémoire écrit que nous avons remis au comité contient 14 recommandations. Même si les annonces faites la semaine dernière par le ministre des Finances ont atténué nos préoccupations liées à la conversion du revenu en gains en capital — et nous félicitons le ministre d’avoir apporté ce changement —, nous maintenons nos recommandations concernant la répartition des revenus et les investissements passifs.

De plus, nous croyons qu’il est urgent de prévoir une exception à l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, afin qu’il soit moins punitif, sur le plan fiscal, de transférer une entreprise constituée en société à un membre de la famille. Nous encourageons le gouvernement à concrétiser son engagement visant à examiner la question de façon plus approfondie dans le contexte de l’équité fiscale.

Puisque je dispose d’un temps limité, j’aborderai deux de nos recommandations liées à la répartition des revenus et je parlerai ensuite brièvement de la question des transferts intergénérationnels d’entreprises.

Nous sommes toujours d’avis que les conjoints et les conjoints de fait devraient être exclus des règles liées à la répartition des revenus. Nous craignons que les règles modifiées ne résolvent pas adéquatement les problèmes soulevés dans notre mémoire et que la surveillance exercée par l’ARC sur les dividendes payés aux conjoints crée un fardeau important pour les propriétaires d’entreprises et l’ensemble du système de gestion des impôts.

En ce qui concerne la répartition des revenus avec les membres de la famille âgés de 18 à 24 ans, CALU propose qu’au lieu d’utiliser les règles liées à l’impôt sur le revenu fractionné, le gouvernement élargisse les règles d’attribution déjà établies dans les articles 74.1 à 74.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu, en combinaison avec un critère lié à la contribution appropriée.

C’est parce que les règles concernant l’impôt sur le revenu fractionné peuvent créer des situations dans lesquelles le revenu fractionné serait imposé à un taux plus élevé que s’il avait été gagné directement par une seule personne. Cela signifie que les revenus de dividendes des enfants adultes seraient imposés à un taux plus élevé, alors qu’ils seraient imposés à un taux moins élevé si les parents avaient directement gagné ces revenus.

Ainsi, les modifications proposées décourageraient non seulement la répartition du revenu entre les membres de la famille, mais elles décourageraient aussi encore plus les propriétaires qui se trouvent dans la tranche d’imposition inférieure d’ajouter leurs enfants devenus jeunes adultes au titre de propriété de l’entreprise.

Cela représente surtout un problème pour les entreprises familiales et les personnes qui souhaitent ajouter officiellement leurs enfants au titre de propriété de l’entreprise pour faciliter la transition de l’entreprise à la génération suivante.

En ce qui concerne la question des transferts intergénérationnels d’entreprises familiales, nous avons formulé des commentaires supplémentaires dans un autre mémoire. Ces commentaires expliquent qu’on pourrait prévoir une exception dans l’article 84.1 pour faciliter ces transferts. Mais tous les changements apportés doivent préserver l’équité fiscale et empêcher l’utilisation abusive d’une telle mesure.

Il est important de se rappeler, dans le cadre de ces discussions, que ce n’est pas un petit problème pour le Canada. En effet, nous avons une population vieillissante, ce qui signifie que près de 75 p. 100 des propriétaires actuels d’entreprise planifient de vendre ou de quitter leur entreprise au cours des 10 prochaines années. Un grand nombre d’entre eux souhaiteront transférer leur entreprise à des membres de leur famille.

Malheureusement, les règles fiscales en vigueur peuvent pénaliser les propriétaires qui souhaitent vendre leur entreprise à des membres de la famille, étant donné qu’il est plus dispendieux, sur le plan fiscal, de vendre l’entreprise à un membre de la famille qu’à un étranger. Par conséquent, les propriétaires sont souvent confrontés au choix difficile de vendre leur entreprise à l’extérieur de leur famille pour conserver plus de profits après taxes qui serviront à financer leur retraite ou d’obtenir moins d’argent en transférant leur entreprise à leurs enfants. À notre avis, c’est injuste.

Pour remédier à cette situation, CALU propose de modifier l’article 84.1 pour permettre le transfert de petites entreprises familiales constituées en société à la génération suivante dans le cadre d’une transition fiscale plus neutre. Nous croyons que cette mesure facilitera le transfert des entreprises familiales et que cela protégera aussi les emplois locaux créés par ces entreprises.

Nous avons communiqué des commentaires détaillés au ministre des Finances et nous lui avons envoyé nos recommandations sur la façon de protéger le système fiscal contre les abus potentiels.

Nous espérons que votre comité pourra encourager davantage le gouvernement à élaborer des règles fiscales qui permettront d’effectuer des transferts intergénérationnels d’entreprises authentiques et neutres sur le plan fiscal.

Je serai heureux de répondre à vos questions. Le conseiller fiscal de CALU, Kevin Wark, qui se trouve derrière moi, peut également répondre aux questions techniques du comité.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

Paul Taylor, président-directeur général, Professionnels hypothécaires du Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion d’être ici aujourd’hui. Je suis accompagné du président de notre conseil d’administration, M. Mark Kerzner, président de TMG The Mortgage Group.

Professionnels hypothécaires du Canada est une association nationale de l’industrie du crédit hypothécaire qui représente 11 500 personnes et environ 1 000 entreprises, y compris des courtiers en prêts hypothécaires, des prêteurs hypothécaires, des assureurs de prêts hypothécaires et des fournisseurs de services de l’industrie. Nos membres forment le réseau de professionnels en matière de prêts hypothécaires le plus étendu et le plus respecté au pays.

Depuis qu’on a annoncé les changements fiscaux et le début de la période de consultations, nos membres nous ont dit qu’ils étaient contrariés par le ton apparemment conflictuel utilisé et le manque général de clarté relatif aux modifications proposées. Nos membres appuient l’équité fiscale, mais ils sont déçus de la façon dont le gouvernement a caractérisé les petites entreprises qui ont recours à des stratégies de planification fiscale légales en disant qu’elles ne payaient pas leur juste part d’impôt.

Nous avons mené un sondage auprès de nos membres pour déterminer les effets qu’auraient sur eux les changements proposés. Les résultats de ce sondage dressent donc le portrait des effets que nos membres s’attendent à subir. Environ 65 p. 100 des répondants ont indiqué qu’ils possédaient une entreprise constituée en société et 66 p. 100 de ces propriétaires ont répondu qu’ils subiraient des conséquences négatives si la répartition des revenus n’était pas permise.

La majorité de ces gens ont indiqué que le fardeau fiscal de leur ménage augmenterait de 10 000 $ à 25 00 $ par année. Presque 75 p. 100 des répondants propriétaires d’une entreprise constituée en société ont indiqué qu’ils subiraient les contrecoups des modifications apportées aux investissements passifs, et la plupart estiment que cela pourrait réduire de 30 p. 100 leur valeur nette au moment de prendre leur retraite.

Enfin, 53 p. 100 de nos membres qui ont répondu à ce sondage ont indiqué qu’ils auraient utilisé ou qu’ils prévoyaient utiliser le mécanisme prévu dans la disposition sur la conversion du revenu imposable en gains en capital. Nous avons communiqué ces résultats au bureau du ministre en septembre dernier.

Nous sommes encouragés par les annonces récentes relatives à la réduction du taux d’imposition des petites entreprises, par l’annonce des changements qui seront apportés aux modifications à l’impôt des entreprises initialement proposées et surtout par les rajustements qui sont directement liés à certaines des préoccupations que nous avons soulevées.

Nous recommandons au gouvernement de modifier le langage qu’il utilise lorsqu’il communique ces changements. Nos membres seraient reconnaissants au gouvernement de ne plus laisser entendre que les propriétaires d’entreprise pratiquent l’évasion fiscale et de parler plutôt de la façon dont des avantages fiscaux non prévus pourraient potentiellement être injustes pour certains Canadiens.

Même si la disposition sur la répartition du revenu nous préoccupe toujours, nous sommes reconnaissants des éclaircissements supplémentaires qui ont été fournis sur les choses qui seront permises et celles qui ne le seront pas. Nous recommandons que le gouvernement expose clairement les structures familiales qui seront permises dans le cadre des nouvelles règles.

Nous serions reconnaissants de recevoir des éclaircissements supplémentaires sur ce point. Toutefois, nous craignons qu’un critère de caractère raisonnable ne soit pas interprété de la même façon par tous les agents de l’ARC lors de leur examen. Nous prévoyons également qu’il y aura certaines variations dans l’exécution. Ces différences d’application créent de la confusion et des normes divergentes. C’est pourquoi nous prions les rédacteurs de la version définitive du projet de loi d’utiliser un libellé précis lorsqu’ils décrivent les pratiques acceptables.

Nous saluons également la décision d’abandonner les modifications proposées aux dispositions sur les gains en capital. De plus, le gouvernement a entendu les préoccupations soulevées à l’égard des changements liés aux investissements passifs et il a directement répondu à ces préoccupations.

Étant donné que la plupart des entreprises ont des plans d’urgence, nous recommandons de permettre certains types d’investissements passifs pour que les propriétaires d’entreprise puissent planifier en cas d’urgence, de retraite, de congé parental ou de congé de maladie ou de ralentissement économique. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement est d’accord avec cette recommandation.

Le ministre a énoncé clairement que les investissements passifs déjà existants et tout investissement effectué avant la date de mise en œuvre de la nouvelle règle profiteront du droit acquis et ne seront pas assujettis à la nouvelle mesure fiscale, et qu’on permettra ensuite les investissements passifs à un seuil de 50 000 $ par année.

Nous avions recommandé de permettre un montant indexé d’au moins un million de dollars en investissements passifs, afin d’éviter que les propriétaires de petites entreprises de la classe moyenne soient touchés. Au cours de discussions avec nos membres et des fiscalistes, nous avons établi ce montant en estimant les coûts d’exploitation et les coûts salariaux des petites et moyennes entreprises sur 12 mois.

Le seuil de 50 000 $ par année annoncé par le gouvernement équivaut à environ un million de dollars en économies si l’on suppose un taux de rendement nominal de 5 p. 100 sur 15 ans. Nous sommes d’avis que cela correspond à notre recommandation et que le montant peut dépasser le million de dollars à mesure que l’entreprise prospère et s’agrandit.

Toutefois, nous suggérons d’indexer le seuil de 50 000 $ ou d’apporter un rajustement équivalent à celui du REER à ce seuil chaque année pour veiller à ce que la valeur et l’intention de cette allocation soient préservées au fil du temps. De la même façon, nous recommandons que la partie inutilisée de cette allocation, le cas échéant, puisse être transférée à une autre année.

Il est évident que le gouvernement a entendu les préoccupations exprimées par nos membres. L’engagement direct dont nous avons profité avec le bureau du ministre nous a beaucoup encouragés. J’aimerais attribuer directement au ministre le mérite d’avoir écouté nos préoccupations et nos recommandations.

Cela dit, nous craignons toujours que dans l’ensemble, ces changements entraînent une hausse nette des impôts de plusieurs de nos membres. Nous continuerons à collaborer de façon constructive avec le gouvernement pendant la mise en œuvre de ces propositions, afin de veiller à ce que nos membres ne soient pas indûment touchés.

Nous voulons veiller à ce que le Canada soit un endroit où l’entrepreneuriat est encouragé et où les petites entreprises peuvent prospérer.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Taylor. Nous entendrons maintenant Peter Braid.

Peter Braid, chef de la direction, Association des courtiers d’assurances du Canada : Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter des éléments importants liés à la planification fiscale pour les petites entreprises.

À titre d’ancien parlementaire, je connais d’expérience l’excellente réputation du Sénat lorsqu’il s’agit de l’examen d’enjeux importants pour les Canadiens et lorsqu’il s’agit de faire une différence par l’entremise d’une étude approfondie. Je sais que vous fournirez une contribution précieuse à cet enjeu.

À titre de PDG de l’Association des courtiers d’assurances du Canada, je suis particulièrement heureux de représenter les points de vue de plus de 36 000 courtiers. Un grand nombre d’entre eux sont propriétaires d’une petite entreprise et ils sont des bâtisseurs communautaires dans virtuellement toutes les villes du pays. Je suis également heureux d’être accompagné de mon collègue, le président de l’ACAC et de notre conseil d’administration, M. Scott Treasure, d’Edmonton.

Depuis que le gouvernement a proposé ces modifications au régime fiscal des petites entreprises, notre association a activement diffusé les préoccupations des petits courtiers d’assurance. Nous avons bien accueilli les stratégies révisées annoncées la semaine dernière. Il est évident que le débat public sur cet enjeu a eu des répercussions, car les députés de tous les partis ont entendu leurs électeurs leur dire qu’il fallait apporter d’autres changements et qu’il fallait mener d’autres consultations.

À mesure que nous découvrons les détails des propositions révisées, j’ai bon espoir que nous pourrons progresser. La réduction prévue du taux d’imposition des petites entreprises est un pas dans la bonne direction.

Les modifications fiscales précédemment proposées par le gouvernement avaient immédiatement soulevé deux préoccupations chez nos membres. Tout d’abord, il y avait l’élimination de la distinction entre les fonds de l’entreprise et les fonds personnels. Au Canada, la structure actuelle qui encadre les petites entreprises et les autres entreprises appuie la croissance et la création d’emplois et encourage l’entrepreneuriat. Il faut faire preuve de prudence lorsqu’on envisage d’apporter des changements importants dans ce domaine, afin d’éviter d’avoir des répercussions potentiellement négatives sur les activités commerciales et la croissance économique. Comme l’expert Jack Mintz l’a récemment affirmé dans une lettre d’opinion publiée dans le Financial Post du 19 octobre :

Les impôts peuvent nuire à l’économie. Ils peuvent nuire aux efforts entrepreneuriaux, à la succession familiale ou à l’investissement dans l’innovation. Des dispositions complexes peuvent également imposer des coûts de conformité indésirables aux contribuables et obliger le gouvernement à mener des audits.

Pour assurer leur croissance et leur stabilité économique, il est essentiel que les petites entreprises puissent maintenir une liquidité adéquate dans leurs portefeuilles. En effet, les économies des entreprises représentent un facteur important dans l’investissement et les possibilités d’expansion. Elles servent également à protéger les entreprises et les emplois en période de ralentissement économique et contribuent à la planification de la retraite des propriétaires lors de la fermeture graduelle ou de la vente d’une entreprise.

Les propriétaires de petites entreprises ne considèrent en aucun cas que les fonds investis dans une entreprise privée leur appartiennent personnellement avant que ces fonds soient retirés de l’entreprise. Pour ces raisons, la politique fiscale fédérale devrait encourager les économies au sein des entreprises privées, afin de favoriser la croissance et la durabilité à long terme.

L’ACAC accueille favorablement le plan révisé du gouvernement qui vise à permettre des investissements passifs de 50 000 $ par année. Cette mesure contribuera grandement à soulager les préoccupations de nos membres. Toutefois, il sera important de connaître les détails de cette mesure. En effet, le diable est dans les détails.

Permettez-moi maintenant de vous parler de l’importance du traitement fiscal qui permet le transfert d’une entreprise familiale à la génération suivante, un enjeu qui a aussi été abordé par des témoins précédents.

Les entreprises de courtage d’assurance sont souvent familiales, et il n’est pas inhabituel d’en trouver qui remontent à plusieurs générations en arrière. Voilà pourquoi les courtiers étaient très inquiets à cause des modifications proposées, qui risquaient de réduire la capacité de transmettre l’entreprise familiale aux enfants. Les politiques susceptibles de désavantager l’entreprise familiale par rapport à la concurrence ne sont pas dans l’intérêt du public. D’après les annonces récentes du ministre des Finances, le problème sera résolu. Pour nous, c’est une bonne décision.

En conclusion, le gouvernement a changé l’orientation initiale de sa politique et fait savoir qu’il comprenait mieux comment ces questions touchaient les petites entreprises canadiennes. L’Association des courtiers d’assurances du Canada a hâte de connaître les détails des changements de la politique et de collaborer avec le gouvernement à appuyer les petites entreprises de partout dans notre pays. Merci.

Le président : Écoutons maintenant le représentant de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, M. Ian Russell.

[Français]

Ian Russell, président-directeur général, Association canadienne du commerce des valeurs mobilières : Monsieur le président, je m’appelle Ian Russell, je suis le chef de direction de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières. M. Jason O’Halloran, de S+C Partners, conseiller en matière d’imposition pour l’ACCVM, m’accompagne pour répondre aux questions spécifiques concernant l’imposition.

Nous vous félicitons de cette étude et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à comparaître ici aujourd’hui.

[Traduction]

Notre association représente 130 entreprises membres du secteur canadien des valeurs mobilières, qui sont des intermédiaires indispensables dans la prestation des services de gestion des patrimoines, le commerce des valeurs mobilières et la souscription sur les marchés publics et privés canadiens.

Je limiterai mes remarques au régime fiscal qu’on projette d’imposer au revenu de placements passifs dans les sociétés privées et à ses répercussions négatives sur la formation du capital dans notre pays.

Actuellement, les sociétés privées sous contrôle canadien basées en Ontario, par exemple, sont soumises à un taux d’imposition effectif de 50,17 p. 100. C’est le taux combiné, fédéral et provincial, frappant le revenu de placements passifs. Les taux, dans les autres provinces, sont semblables. Ce taux comprend une partie remboursable de 30,67 p. 100, remboursée à la société quand des dividendes sont versés aux particuliers actionnaires. L’objectif des règles d’imposition en vigueur est de s’assurer que le revenu des particuliers sera assujetti à peu près au même taux d’imposition, qu’il soit personnel ou gagné par l’entremise d’une société privée sous contrôle canadien.

Sous le régime des lois fiscales en vigueur, ces entreprises sont plus susceptibles, en soi, de réinvestir leur argent dans d’autres entreprises. Le retrait de ces fonds serait imposé comme les dividendes versés aux actionnaires, au taux de 39,34 ou de 45,4 p. 100, selon que les dividendes sont admissibles ou pas.

Inversement, si la société canadienne appartenait à une société mère américaine, le dividende similaire qu’elle lui verserait ne serait assujetti qu’à un taux de retenue de 5 p. 100, prévu par la convention fiscale. À ce titre, l’actionnaire d’une société privée sous contrôle canadien est incité à réinvestir ces fonds dans la société pour éviter une lourde ponction, tandis que la société sous contrôle étranger échappe à ces coûts et peut facilement accéder au capital pour s’en servir à d’autres fins, à l’extérieur du Canada.

Selon une mouture des nouvelles propositions, les 30,67 p. 100 remboursables ne le seraient plus quand le revenu est versé à l’actionnaire. Cette mesure pourrait se traduire par un taux effectif d’imposition combinée de l’entreprise et d’imposition personnelle de plus de 70 p. 100 sur le revenu passif. De plus, ce régime fiscal ne s’applique qu’aux sociétés privées canadiennes et non aux sociétés publiques ni aux sociétés privées sous contrôle étranger, ce qui ne met pas tout le monde sur le même pied.

La mise en œuvre de ces propositions aurait de graves conséquences non voulues. Les dernières modifications améliorent certains aspects des propositions originelles, mais elles ne répondent pas au problème fondamental de la modification du comportement des entreprises.

Chaque année, 27 milliards de dollars de revenus passifs sont gagnés par l’entremise de petites sociétés privées. Ce revenu et les actifs connexes, qu’on estime à 200 à 300 milliards, sont employés de diverses façons dans l’économie canadienne. Les économies des sociétés procurent aux entreprises les ressources dans lesquelles elles peuvent puiser quand l’économie ralentit; elles leur permettent de conserver des liquidités pour l’achat d’équipement, l’investissement dans des biens immobiliers, des terrains ou des opérations ou pour s’engager dans des expansions qui ont besoin de fonds de roulement supplémentaires.

Soulignons le fait que le revenu passif détenu par une société privée est l’une des sources les plus importantes de fonds propres et de capital pour les entreprises publiques du pays. Les modifications proposées à la fiscalité dissuaderont les entrepreneurs canadiens de se lancer dans de nouvelles entreprises de risque, ce qui réduira davantage l’apport déjà très limité de capitaux vers les entreprises nouvelles et émergentes.

Les modifications proposées à l’imposition des entreprises ne pourraient arriver à un moment plus mal choisi pour les petites entreprises dans l’économie canadienne.

D’abord, l’afflux de capitaux propres vers les petites entreprises s’est effondré ces dernières années, signe de la faiblesse et de l’incertitude du climat des affaires et des changements structurels qui ont réduit la participation des investisseurs dans le marché des petites entreprises.

Ensuite, malgré sa forte croissance pendant le premier semestre de l’année, l’élan économique risque de tomber vers la fin de l’année, ce qui rendra plus nécessaire d’appuyer le secteur des petites entreprises.

Enfin, l’économie américaine, revigorée et gonflée à bloc par la perspective d’une réforme fiscale, attirera les capitaux canadiens tout en réduisant l’apport du capital-risque américain vers les marchés des petites entreprises canadiennes.

L’économie canadienne a besoin de capitaux en croissance constante pour alimenter la formation de capital, l’innovation, la création d’emplois et la croissance économique. Les propositions fiscales touchant les placements passifs pourraient entraîner, chez les entreprises canadiennes, une contraction des ressources permettant l’atteinte d’objectifs stratégiques légitimes au Canada.

Notre association recommande au gouvernement de retirer ces propositions. L’imposition du revenu de placements passifs des sociétés canadiennes privées a été bien comprise pendant 40 ans. Elle est juste et elle a donné de bons résultats pendant longtemps. Les propositions du gouvernement introduisent des complications, des conséquences non voulues graves et des mécanismes de dissuasion contre l’investissement dans les entreprises et l’entrepreneuriat au Canada.

Comme je suis persuadé de l’importance, pour votre comité, de bien comprendre la réaction des petites entreprises à ces modifications fiscales proposées sur le revenu passif et leur comportement, je laisserai mon collègue Jason O’Halloran répondre aux questions dans ce domaine. Merci.

Le président : Avant de poursuivre, je demande aux cinq sénateurs qui viennent d’arriver de bien vouloir se présenter, en commençant à partir de ma gauche.

Le sénateur Black : Doublas Black, de l’Alberta.

[Français]

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

La sénatrice Marshall : J’ai plusieurs questions générales, mais j’en ai de précises pour M. Russell, parce qu’il a parlé de revenu passif.

Parlez-nous de vos membres. Vous avez dit 130 entreprises. Ai-je raison de penser qu’elles fournissent des services à d’autres entreprises et à des particuliers?

M. Russell : Oui. Elles donnent des conseils financiers à des particuliers ou à des clients qui achètent au détail. Elles conseillent des sociétés, aident des entreprises à se financer sur les marchés publics ou privés. Ces clients seraient des entreprises. En ce qui les concerne, elles organiseraient la prise ferme d’opérations financières et feraient le commerce de leurs valeurs mobilières.

La sénatrice Marshall : Combien de sociétés y a-t-il en tout? Vous parliez de 130 membres, mais ça ne donne pas vraiment une idée des sociétés que vous touchez.

M. Russell : Ça comprendrait toutes les grandes sociétés présentes au Canada, dont chacune serait cliente de l’un des 130 courtiers en valeurs mobilières. Ils servent d’intermédiaires entre les investisseurs et les entreprises clientes.

Les entreprises clientes comprendraient toutes les grandes entreprises et les entreprises de taille moyenne au Canada qui seraient inscrites aux bourses canadiennes et qui y opéreraient. Certaines sont inscrites à de nombreuses bourses américaines et à la bourse de croissance. De même, un certain nombre de mes firmes financeraient des entreprises privées.

La sénatrice Marshall : C’est à celles-là que je m’intéresse, aux sociétés privées sous contrôle canadien, parce que j’essaie de comprendre. Vos remarques ont porté sur le revenu des investissements passifs. Je me demandais quelle était l’importance du groupe que vous représentez parmi les sociétés privées sous contrôle canadien.

Y en a-t-il cinq ou six, des centaines ou des milliers?

M. Russell : Peut-être peu de sociétés privées feraient appel à un courtier en valeurs mobilières. Je ne peux pas vous en donner le nombre précis, mais si elles sont importantes pour mon secteur, ce n’est pas simplement parce qu’elles peuvent représenter une proportion relativement moindre de sociétés clientes. En fait, les petites entreprises sont susceptibles, en croissant, d’être cotées en bourse et de prendre beaucoup d’expansion. Elles constituent certainement la masse des sociétés clientes de mes membres.

La sénatrice Marshall : Vous nous avez dit que le revenu passif gagné annuellement s’élevait à 27 milliards de dollars. Est-ce le bon chiffre?

M. Russell : Il nous vient du ministère des Finances.

La sénatrice Marshall : J’essaie de comprendre qui détient tout le revenu passif. D’après des renseignements du ministère des Finances, il s’agirait, plus précisément, de 29 000 sociétés privées sous contrôle canadien. On pense que c’est le groupe qui détient la plus grande partie du revenu passif. C’est donc le groupe qu’on cible, mais, d’après certains témoignages, on semble bien accepter le seuil de 50 000 $ que le gouvernement, récemment, a annoncé.

Quelle est donc votre opinion sur ce seuil de 50 000 $? Semble-t-il suffisant? Êtes-vous d’accord avec les autres témoignages que nous avons entendus?

M. Russell : Je suppose qu’il est suffisant. Ça dépend du contexte. En ce qui concerne le nombre d’entreprises qu’il touche, beaucoup de petites entreprises familiales en profiteraient. Par contre, beaucoup de sociétés canadiennes privées prospères produisent un revenu bien supérieur à ce seuil, qui ne fait rien pour les soulager.

En effet, nous recherchons un régime fiscal qui ne pénalisera pas les entreprises canadiennes en croissance qui réussissent.

La sénatrice Marshall : Êtes-vous en train de dire que ce seuil en inciterait à rester petites et à éviter toute expansion?

M. Russell : Il ne profitera pas aux grandes entreprises qui réussissent. Il n’améliorera pas leur sort. C’est vraiment de cela qu’il s’agit.

La sénatrice Marshall : Monsieur Blatt, parmi les 12 000 membres de la CALU, combien seraient constitués en sociétés et seraient des sociétés privées sous contrôle canadien?

M. Blatt : Je dirais que c’est la majorité, peut-être plus de 70 p. 100.

La sénatrice Marshall : Est-ce que la plupart d’entre elles profitent de la répartition du revenu?

M. Blatt : À ma connaissance et dans ma propre entreprise, l’apport de ma conjointe a été considérable. Chaque jour, j’organise une réunion du conseil d’administration avec elle et elle y participe. Effectivement, je crois que c’est ce qui se passe.

La sénatrice Marshall : Pensez-vous que c’est général?

M. Blatt : Beaucoup d’entreprises sont familiales. Ce sont des familles travaillant légitimement dans une entreprise qui se trouvent à être constituées de maris et de conjointes de fait ou pas.

La sénatrice Marshall : Auriez-vous des observations à faire sur le seuil de revenu passif? Je viens de questionner M. Russell à ce sujet. Je lui ai dit que ce seuil de 50 000 $ semblait plaire à des témoins.

Pourrais-je savoir ce que vous pensez de ce chiffre?

M. Blatt : Je devrai m’informer et je vous répondrai bientôt. C’est notre première séance de collaboration avec le comité sénatorial des finances. Si vous m’y autorisez, je vous promets de vous renseigner.

La sénatrice Marshall : Je voudrais bien le savoir.

C’est un commentaire, pas une question. Pendant votre exposé, j’ai noté que vous avez fait allusion au régime des gains en capital. Je lis ici que le ministre Morneau modifiait le troisième pilier ou la troisième partie de sa proposition fiscale sur les gains en capital.

Je tiens à dire que ç’a n’a pas été relégué aux oubliettes. Il dit qu’il va réexaminer la question.

Monsieur Braid, j’ai des questions semblables pour vous en ce qui concerne les courtiers d’assurance. Vous dites en représenter 36 000. Combien d’entre eux sont constitués en sociétés?

M. Braid : Vous avez raison, on compte 36 000 courtiers au Canada. De ce nombre, plus de 2 000 sont des entreprises appartenant à un propriétaire exploitant, et la majorité d’entre elles seraient constituées en sociétés.

La sénatrice Marshall : Avez-vous une idée du nombre d’entre elles qui pratiqueraient la répartition du revenu? Est-ce un enjeu pour vos membres?

M. Braid : Je pense que ça le serait pour certains d’entre eux. Mais ce n’en est pas un important pour notre association. Ça explique que nous n’avons pas de position particulièrement arrêtée à son sujet.

J’avancerais que, sur toute modification faite, il serait à première vue sensé d’appliquer le critère de rationalité. Évitez aussi d’augmenter la paperasse. Le propriétaire d’une entreprise de courtage d’assurance ou d’une petite entreprise cherche plutôt à la réduire qu’à l’augmenter.

La sénatrice Marshall : Certains de vos membres ont-ils soulevé la question de la subjectivité des critères de rationalité?

D’après certains de nos témoins, l’Agence du revenu du Canada aura le dernier mot. Comme on ne met pas les choses noir sur blanc dans les règles, le critère comporte beaucoup de subjectivité.

Avez-vous eu des réactions de vos membres sur cet enjeu?

M. Braid : Pas précisément. Je dirais aussi que, souvent, les membres d’une famille travaillant pour une entreprise de courtage d’assurance sont de vrais employés. D’après notre association, ce serait peut-être davantage un point dont on pourrait discuter.

La sénatrice Marshall : La réponse trouvée par le ministre à la question du revenu passif, qui a consisté à créer ce seuil annuel de 50 000 $, l’avez-vous bien accueillie?

Je sais que les règles de transition ne sont pas encore définitives, mais quelle a été la réaction de vos membres au seuil?

M. Braid : Les propositions initiales les ont extrêmement préoccupés. Ce seuil les rend beaucoup plus acceptables pour notre association. S’il faut un seuil, il semble suffisamment élevé. Cela étant dit, il importe, dans notre examen de chaque modification apportée au régime fiscal des petites entreprises, de ne pas les examiner en faisant abstraction des autres.

Quant au revenu passif, il faut considérer toute modification ou réduction du taux d’imposition des petites entreprises, par exemple, dans le contexte de la modification du taux d’imposition des dividendes ou de la réduction du crédit d’impôt pour dividendes.

Il importe de voir les détails et le contexte général de ces modifications.

Le sénateur Pratte : Monsieur Blatt, vous avez discuté du transfert intergénérationnel en détail, mais je voudrais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.

D’après mes renseignements, même avant le 18 juillet, l’article 84.1 posait des problèmes. Il rendait plus coûteuse la cession d’une entreprise à son enfant qu’à un tiers.

Veuillez nous en expliquer le pourquoi et pourquoi il est si compliqué de résoudre ce problème? Nous lisons dans le document de consultation que le gouvernement est au courant du problème et qu’il réclame des recommandations pour sa solution.

Apparemment, le problème est difficile.

Kevin Wark, conseiller fiscal, Conference for Advanced Life Underwriting : Le problème existait avant la période de consultations. En fait, l’année dernière, je crois que la Chambre a défait de justesse un projet de loi d’initiative parlementaire déposé pour répondre à ce problème. Il provient du fait que, quand on a accordé l’exonération cumulative des gains en capital, on a créé une exonération qui, aujourd’hui, excède 800 000 $ sur la vente des actions d’éligibilité au conseil d’une petite société. On craignait que quelqu’un pourrait se servir de l’exonération pour transférer l’entreprise à un membre de la famille pour avoir droit à l’exonération tout en conservant le contrôle et la gestion opérationnelle de cette entreprise.

Depuis trois ans, dans le cadre des consultations prébudgétaires, CALU demande que l’on modifie l’article 84.1. Nous avons présenté un mémoire très détaillé sur la façon dont nous devrions revoir cette règle en vue d’éliminer le plus possible les abus qui pourraient en découler.

Le problème, c’est que si l’on vend son entreprise à une personne sans lien de dépendance, on peut demander l’exemption cumulative des gains en capital.

Le sénateur Pratte : Mais s’il s’agit d’un membre de la famille, on ne peut pas.

M. Wark : Si on la vend à une société dirigée par un membre de la famille, on ne peut pas. Il y a donc une différence importante sur le plan fiscal.

Nous proposons donc que cette exception s’applique aux transferts à des enfants. On pourrait peut-être fixer une limite d’âge. La plupart de ces transferts ont lieu parce que le propriétaire de l’entreprise prend sa retraite. L’accès à l’exemption pourrait être assujetti à une limite d’âge. Parfois, on vend une entreprise pour des raisons de maladie.

On pourrait prévoir une disposition anti-évitement qui stipule que si la personne qui transfère l’entreprise contrôle toujours l’exploitation, soit parce qu’elle est actionnaire majoritaire ou autre, l’ARC pourrait revoir la transaction et annuler l’exemption.

Nous croyons être suffisamment bien outillés pour le faire. Le Québec a adopté une loi à cet effet. C’est donc un autre modèle dont nous pourrions nous inspirer. Nous avons des gens très compétents en finances qui pourraient se pencher là-dessus et envisager une exemption qui fonctionne bien.

La sénatrice Eaton : Monsieur Russell, dans votre « Lettre du président », vous avez écrit :

[…]malgré l’objectif bien intentionné de rendre la fiscalité plus équitable, ces changements fiscaux limiteront l’accès au capital des nouvelles entreprises…

En fait, vous avez également fait valoir que l’argument de l’équité était illogique concernant les investissements passifs, puisque les actionnaires ont toujours été imposés sur la répartition du revenu au même titre que les particuliers.

Le Canada traîne toujours de l’arrière au chapitre de la productivité. Je sais que le gouvernement actuel essaie d’encourager l’innovation. Quel sera l’impact de ces mesures fiscales sur les jeunes entreprises innovantes? Selon vous, la situation va-t-elle s’aggraver ou demeurer telle quelle?

M. Russell : Je pense que cela va empirer la situation pour deux raisons. Tout d’abord — et j’en ai parlé dans ma lettre —, que ces propositions soient adoptées ou non, il y a désormais beaucoup d’incertitude au sein des entreprises canadiennes en général, mais particulièrement au sein des petites et moyennes entreprises et des SPCC qui seraient touchées par ces changements.

Si la proposition dont j’ai parlé dans ma lettre se concrétise, c’est-à-dire si le taux d’imposition réel sur les placements passifs passe à 73 p. 100, comme d’autres l’ont indiqué, cela va clairement décourager l’accumulation des investissements passifs. Chose certaine, ces investissements passifs, de l’ordre de 200 à 300 milliards de dollars, constituent une source importante de capitaux pour les entreprises privées.

Dans la mesure où on institue un impôt punitif sur les dividendes tirés de ces investissements passifs, cela aura pour effet de décourager les propriétaires de sociétés de détenir un portefeuille de placements passifs. Ce qui nous préoccupe encore davantage, lorsqu’on parle d’une petite société privée sous contrôle canadien, c’est qu’à un certain moment, les propriétaires voudront retirer les dividendes de ces entreprises.

Si l’impôt sur le retrait des dividendes est trop punitif par rapport aux risques auxquels s’expose l’entreprise, cela va décourager la création de ces petites entreprises privées.

Pendant 40 ans, nous avons eu un régime qui nous permettait d’atteindre certains objectifs importants. Il favorisait l’accumulation d’investissements passifs. Le taux d’imposition était plus élevé que celui des sociétés. On parle d’un taux d’imposition de 50 p. 100. De plus, il y avait un mécanisme qui faisait en sorte qu’un dividende provenant des gains d’une société privée équivalait essentiellement à le verser à une personne en dehors de la société.

Le régime fiscal a veillé à ce qu’il y ait une équité fiscale entre une personne qui touche un dividende en dehors d’une société et une personne qui se verse un dividende au sein de la société. En apportant ces modifications fiscales aux revenus passifs, nous avons causé du tort à un important mécanisme qui nous permet de financer les petites entreprises au Canada.

Je ne sais pas si j’ai bien répondu à votre question, madame la sénatrice, mais mon collègue, Jason O’Halloran, peut vous en dire davantage sur le sujet.

La sénatrice Eaton : Non, je vous remercie. Vous m’avez donné ample matière à réflexion. Si je comprends bien, la proposition concernant les investissements passifs fera en sorte que les sociétés privées ne bénéficieront pas du même traitement fiscal que les sociétés publiques.

M. Russell : C’est exact. Les sociétés publiques ne seront pas touchées par ces propositions concernant l’impôt sur le versement des dividendes.

La sénatrice Eaton : Pouvez-vous imaginer ce que serait la politique publique sous-jacente? Je pense que M. O’Halloran aimerait prendre la parole ici.

Jason O’Halloran, conseiller fiscal, Association canadienne du commerce des valeurs mobilières : Je serai bref. Je serais ravi de vous donner plus de détails par la suite.

Il y a une question fondamentale concernant le seuil de 50 000 $ quant au meilleur endroit où établir une entreprise. De mon point de vue, et cela concerne plus ou moins la fiscalité, ce qu’il faut retenir, c’est qu’une personne qui vit ici sera plus susceptible d’investir au Canada. C’est normalement à cet endroit qu’elle voudra récupérer son argent.

Il y a deux préoccupations concernant le revenu passif. La première, c’est qu’avec un taux d’imposition aussi élevé, les investisseurs seront découragés car ils devront assumer des risques d’affaires tout en n’ayant que des inconvénients. Dans un milieu où l’employé et le propriétaire de l’entreprise gagnent le même revenu, on ne tient pas compte du fait qu’au début de sa carrière, le propriétaire d’entreprise a dû prendre des risques en mettant notamment son hypothèque en garantie pour pouvoir investir dans son entreprise. On ne tient pas compte non plus du temps et des efforts qu’il faut y consacrer, sans parler des sacrifices que la famille doit faire. On ne tient pas compte des congés de maladie, des heures supplémentaires et de tous ces autres éléments qui sont intangibles.

Si on crée un environnement où le taux d’imposition est si élevé qu’il n’y a aucun avantage à prendre tous ces risques, qui va se donner la peine d’investir dans une entreprise? Nous avons une grande inquiétude au sujet de la croissance de l’entrepreneuriat au Canada et de la redistribution des richesses.

J’ai une autre préoccupation, et c’est la principale raison pour laquelle M. Russell m’a demandé de l’accompagner aujourd’hui. Si les différentes entreprises sont traitées différemment, on se retrouve avec un environnement où il peut y avoir un entrepreneur canadien qui a mis sur pied une entreprise prospère. Cela pourrait même être dans un environnement où il y a très peu d’entreprises touchées par ce changement fiscal. À ce moment-là, si les entreprises sont prospères, il faut se demander si le système est conçu pour que l’argent reste dans l’entreprise.

Tout d’abord, les entrepreneurs établis au Canada ont un choix. Disons que vous avez un million de dollars. Vous avez le choix de le réinvestir au Canada ou de retirer cet argent et de l’utiliser à d’autres fins. En vertu du régime fiscal actuel, si vous réinvestissez dans une entreprise active au Canada, vous n’avez pas à payer d’autres impôts. Ce serait probablement l’option que privilégieraient la plupart des propriétaires d’entreprise. C’est ce qu’ils feraient normalement car ils comprennent comment les investissements fonctionnent. Ils investissent dans des choses dans lesquelles ils ont le contrôle.

Ensuite, il n’y a pas toujours des occasions d’investissement. Parfois, les choses prennent du temps et il faut attendre. Les revenus pourraient rester passifs pendant un certain temps puis être réinvestis dans un autre secteur d’activités. Il y a beaucoup d’éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’on prend une telle décision.

S’ils ont fait des placements passifs à court terme, même ceux qui seraient admissibles dépasseraient le seuil de 50 000 $. Le problème, c’est qu’ils seraient imposés à 50 p. 100, quoi qu’il en soit. C’est un peu plus compliqué que cela, mais sachez qu’ils paient des impôts au même titre qu’un particulier. Il n’y a pas de report là-dessus, et on n’y voit pas d’inconvénient, outre le fait qu’il y a de l’argent en jeu.

Les entreprises américaines ne sont pas tenues de garder les capitaux au Canada. Elles peuvent les retirer. Elles doivent seulement payer 50 000 $, selon le traitement fiscal.

Le président : Je devrai malheureusement vous interrompre à cause des contraintes de temps. Je vais demander aux quatre autres sénateurs d’aller droit au but, puis je prierais les témoins qui souhaitent répondre de le faire par écrit. Si vous souhaitez étoffer vos réponses aux questions qui ont été posées plus tôt, n’hésitez pas à écrire à la greffière.

Le sénateur Black : Messieurs et chers collègues, je vous remercie pour cette discussion pertinente. J’aurais deux brèves questions à vous poser concernant l’intérêt public.

Mes questions sont très simples. Premièrement, quel est l’intérêt public ou l’avantage commercial de ces propositions? Je dois être convaincu qu’il y a un intérêt public ou un avantage économique pour aller de l’avant avec l’une ou l’autre de ces suggestions.

Ensuite, j’aimerais savoir dans quelle mesure cela va toucher la concurrence entre le Canada et les États-Unis.

Le président : Veuillez nous répondre par écrit.

Le sénateur Black : J’aimerais bien avoir une brève réponse, si c’est possible.

M. O’Halloran : Je peux répondre très brièvement.

Tout d’abord, le taux d’imposition est semblable pour les entreprises étrangères et les entreprises canadiennes. En Ontario, le taux général s’élève à 26,5 p. 100 ou moins pour une petite entreprise.

Le problème, c’est que si l’impôt est trop punitif sur le revenu passif et certaines autres mesures, on va se retrouver avec une économie de succursales, à mon avis, parce qu’il n’y aura aucun intérêt à laisser l’argent au Canada et à le réinvestir, compte tenu des changements proposés. En ce moment, les gens sont encouragés à investir, et c’est la raison pour laquelle il y a entre 200 et 300 milliards de dollars en investissements passifs.

La sénatrice Andreychuk : J’aimerais en savoir davantage à ce sujet. En toute honnêteté, je n’ai pas parlé au sénateur Black avant la séance. Il s’agit de l’intérêt public. Le gouvernement a présenté ces mesures en disant qu’il y avait des iniquités et qu’une personne qui est employée devrait avoir les mêmes avantages ou désavantages fiscaux qu’une petite entreprise.

C’est ainsi qu’on nous a présenté l’idée, au départ, mais plus on en débat, plus on se rend compte que c’est complexe. Vous avez fait valoir que l’équité n’était pas entre l’employé et un travailleur autonome, mais plutôt entre les sociétés.

Pourquoi est-ce que le gouvernement nous a dit cela? Vous a-t-on expliqué les objectifs de politique publique? Vous avez parlé des sociétés et des succursales américaines. C’est logique lorsqu’on veut l’équité, mais il était question des employés. Est-ce qu’on vous l’a déjà expliqué? C’est un des problèmes que j’ai ici.

M. Blatt : En bref, la réponse est non. On ne nous a jamais expliqué le raisonnement derrière le processus. Si on l’avait fait, peut-être que notre opinion aurait été différente sur ces questions, mais ce n’est pas le cas, et nous nous sommes entretenus à quatre reprises avec le ministre.

M. Braid : J’ajouterais qu’il est extrêmement important, du point de vue de l’intérêt public, que le gouvernement crée des conditions pour permettre aux entreprises, y compris les petites entreprises, de prospérer. Les petites entreprises créent 75 p. 100 des emplois au pays et, en principe, il ne devrait pas y avoir de problème à récompenser les risques que prennent les propriétaires de petites entreprises.

Comme le sénateur Black l’a laissé entendre, il est très important de considérer ces changements dans le contexte macroéconomique. Il y a une réforme fiscale qui se profile à l’horizon aux États-Unis. Cela va atténuer, réduire ou encore éliminer l’avantage concurrentiel que nous avons au Canada. Visiblement, les négociations de libre-échange et de l’ALENA sont très complexes, c’est le moins qu’on puisse dire. Par conséquent, je crois qu’il faut percevoir ces changements dans le contexte macroéconomique.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de vous être déplacés pour nous parler de votre expérience. J’ai une brève question sur les revenus passifs. Vous nous dites qu’ils contribuent à l’investissement de nombreuses petites entreprises et PME. En réalité, lorsqu’on regarde la capitalisation des revenus passifs, 85 p. 100 de ces revenus — qui représentent plusieurs milliards — sont concentrés dans 1,6 p. 100 des entreprises canadiennes. Il n’y a pas là une concentration qui peut nous porter à nous interroger à savoir si la norme d’une exonération à 50 000 $ aurait un impact positif sur la majorité des PME canadiennes. Est-ce le cas?

[Traduction]

Le président : Nos quatre témoins pourraient-ils répondre à cette question par écrit?

Le sénateur Oh : Ma question est la suivante : quel sera l’impact si le gouvernement va de l’avant avec ces propositions sans les modifier? Et compte tenu de l’incidence des modifications proposées sur le marché des capitaux, va-t-on assister à une fuite de capitaux?

Les petites entreprises sont probablement l’un des plus importants piliers de l’économie canadienne. De nombreuses entreprises ont commencé dans des magasins du coin, des sous-sols ou des garages et sont aujourd’hui devenues de grandes sociétés.

Quelle sera l’incidence des changements fiscaux sur les familles canadiennes?

Le président : Malheureusement, je vais devoir vous arrêter ici, car nous n’avons plus de temps.

Je remercie infiniment les témoins de leur présence. Il est possible qu’on vous convoque de nouveau. Encore une fois, si vous souhaitez enrichir notre discussion et nous transmettre des renseignements supplémentaires, n’hésitez pas à le faire. Nous nous attendons à déposer notre rapport avant Noël.

Pour la deuxième partie de la séance, nous allons accueillir les témoins suivants : Mme Rachel Gervais, associée, chef des services en fiscalité du groupe de la RGT, à BDO Canada; M. Ryan J. Eickmeier, vice-président, Relations gouvernementales et politiques publiques, à l’Association canadienne de la franchise; et enfin, M. Eric DenOuden, président de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations.

Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le comité sénatorial. Je demanderais à chacun d’entre vous de faire un exposé de cinq minutes, après quoi les sénateurs poseront leurs questions.

Rachel Gervais, associée, chef des services en fiscalité du groupe de la RGT, BDO Canada : Je vous remercie de me donner cette occasion de m’adresser à vous, au nom de BDO Canada. Je suis associée et chef des services en fiscalité du groupe de la région du Grand Toronto, et je siège au conseil d’administration de notre firme.

Dans ma pratique, et celle de BDO, je m’intéresse surtout aux propriétaires des sociétés privées sous contrôle canadien, dont bon nombre sont des PME. Étant donné que la majorité de nos activités sont axées sur ce marché, nous avons un point de vue unique sur ce segment important de l’économie canadienne, les difficultés auxquelles il est confronté et le type de politiques fiscales dont notre pays a besoin pour appuyer adéquatement les entrepreneurs canadiens.

À la suite des changements fiscaux proposés le 18 juillet, notre firme a présenté un mémoire détaillé le 29 septembre, dont une version abrégée a été transmise à la greffière du comité hier.

À la lumière des annonces faites par le gouvernement fédéral la semaine dernière, j’aimerais vous faire connaître aujourd’hui l’essentiel de nos préoccupations à l’égard des propositions. Tout d’abord, comme en ont fait état de nombreux témoins jusqu’à maintenant, il est nécessaire d’effectuer une révision complète et approfondie du régime fiscal, avec tous les intervenants, avant qu’on ne propose une nouvelle mesure législative.

Il y a trois principales raisons qui justifient une telle révision. Tout d’abord, le régime fiscal du Canada n’a pas été examiné en profondeur depuis la commission royale de 1966. Notre code fiscal est beaucoup trop complexe et il semble y avoir un appui généralisé pour cette réforme fiscale.

Le Canada a besoin d’une réforme fiscale pour créer un système qui permettra aux entreprises canadiennes de prospérer tout en étant juste envers tous les Canadiens. Nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement canadien, les entreprises canadiennes et tous les intéressés dans le cadre de cette révision complète du régime fiscal.

En ce qui concerne les propositions sur la répartition du revenu plus particulièrement, nous croyons qu’une analyse et une reconnaissance en bonne et due forme sont nécessaires pour déterminer dans quelle mesure les membres de la famille contribuent directement et indirectement à la croissance et au succès d’une entreprise familiale.

Les entreprises familiales font participer tous les membres de la famille, et pas seulement l’entrepreneur principal, mais l’apport de chacun est différent. Les entreprises familiales et les entrepreneurs prennent des risques et contribuent à la croissance de l’économie canadienne d’une manière différente des employés salariés, notamment par la création d’emplois. Nous croyons que le régime fiscal devrait permettre de soutenir ces entreprises d’une manière équitable pour tous les Canadiens.

Les propriétaires d’entreprise familiale n’ont aucun filet de sécurité pour les aider en cas de faillite de l’entreprise, et ils exposent souvent les biens familiaux à un risque, par exemple en utilisant la maison familiale comme garantie afin de contracter des prêts pour l’entreprise. Nous croyons que le régime fiscal devrait en tenir compte. Or, les propositions et annonces de la semaine dernière ne semblent pas prendre en compte les contributions indirectes des membres de la famille.

Tout changement à la politique fiscale en bonne et due forme doit également prévoir une période de transition raisonnable aux nouvelles règles, pour laisser aux propriétaires d’entreprises canadiennes le temps d’apporter des modifications corrélatives à leur structure. Des périodes de transition convenables sont essentielles pour s’assurer que les modifications incontournables à la politique fiscale sont apportées de manière équitable. Plus particulièrement, les propositions sur la répartition du revenu sont censées entrer en vigueur le 1er janvier. Cependant, en raison du moment choisi pour le processus de consultation qui se poursuivra jusqu’à l’adoption des changements, une grande incertitude plane sur les mesures que les contribuables doivent prendre avant 2018.

Notre deuxième préoccupation majeure est le besoin d’avoir une législation simple et claire. La simplification des règles fiscales devrait donc être à la base de toute modification à la politique fiscale. Notre cabinet estime toutefois que ce n’est pas le cas des propositions du gouvernement. Le libellé de l’avant-projet de loi sur la répartition du revenu, en particulier les règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné, est très complexe, très vaste et bien souvent très difficile à interpréter. Par conséquent, les petites et moyennes entreprises canadiennes, ou PME, ne pourront pas s’y retrouver sans l’aide de fiscalistes.

Nous croyons également que les tests de vraisemblance proposés engendreront beaucoup d’incertitude et de litiges au sein de l’Agence du revenu du Canada, ce qui augmentera par conséquent les coûts de conformité pour les entreprises canadiennes.

En troisième lieu, la dernière préoccupation que nous souhaitons vous exprimer aujourd’hui se rapporte aux propositions sur les placements passifs. La semaine dernière, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il irait de l’avant avec les mesures, mais qu’il exonérerait tous les placements antérieurs ainsi que les revenus tirés de ces investissements, puis qu’il fixerait le seuil annuel à 50 000 $. C’est une excellente nouvelle, mais ces approches demeurent incroyablement complexes. En réalité, de telles mesures augmenteront considérablement les coûts d’observation fiscale des entreprises canadiennes privées.

Pour terminer, nous aimerions souligner que la compétitivité du Canada nous préoccupe en raison de ces propositions. Les régimes fiscaux concurrentiels se caractérisent par une équitabilité, une administration efficace et de faibles coûts de conformité. Le Royaume-Uni a adopté cette orientation en simplifiant son régime fiscal et en réduisant ses coûts de conformité. Les États-Unis ont également l’intention de leur emboîter le pas.

Nous ne connaissons aucun pays dont le régime fiscal applique des tests de vraisemblance aux dividendes comme ce que notre gouvernement propose. Les propositions récentes du Canada dans la loi adoptée dernièrement sont incroyablement complexes. Or, les solutions proposées ne tiennent aucunement compte de l’incidence du régime fiscal dans son ensemble, et nous estimons qu’elles augmenteront considérablement les coûts d’administration et de conformité.

Il est temps que le Canada prenne la défense des entrepreneurs et des propriétaires de PME, puis qu’il procède à un examen complet du régime fiscal en collaboration avec tous les intervenants. Notre cabinet croit fermement que notre régime fiscal doit être juste, simple et clair. Nous sommes au service de milliers de propriétaires d’entreprises, de familles et de personnes qui travaillent fort, de véritables entrepreneurs qui sont les moteurs de l’économie canadienne. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de participer à une telle étude.

Merci d’avoir écouté notre point de vue. Je répondrai tout à l’heure à vos questions avec plaisir.

Ryan J. Eickmeier, vice-président, Relations gouvernementales et politiques publiques, Association canadienne de la franchise : Je suis accompagné aujourd’hui de Lorraine McLachlan, notre PDG.

J’aimerais remercier la greffière et les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales de me donner aujourd’hui l’occasion de vous parler du secteur de la franchise et de notre réaction aux modifications fiscales proposées qui sont à l’étude.

L’Association canadienne de la franchise a été fondée en 1967, et elle fait la promotion de l’excellence dans l’éducation auprès des Canadiens depuis 50 ans. Pour vous aider à mieux comprendre le domaine de la franchise au pays, sachez que nous sommes une communauté dynamique qui englobe plus de 50 secteurs, de l’automobile aux services éducatifs, en passant par les restaurants, la santé, l’amélioration domiciliaire, la rénovation, l’hôtellerie, la vente au détail, les services aux aînés et pratiquement tout le reste. En réalité, tout modèle d’entreprise pouvant être reproduit exactement peut devenir une franchise.

Au total, il existe plus de 1 300 marques franchisées au pays, ainsi qu’environ 78 000 emplacements. Il est important de noter que les franchises ne sont pas que de grosses entreprises. En fait, la majorité des entreprises de notre secteur, tant les franchiseurs que les franchisés, sont de petites entreprises qui emploient directement et indirectement plus d’un million de Canadiens. À bien des égards, la franchise est devenue la nouvelle entreprise familiale.

Au cours des quatre dernières années, nous avons constaté une croissance du secteur dans toutes les régions du pays, si l’on se fie au nombre de marques de franchise qui y sont en activité. Cela comprend une augmentation de 9,2 p. 100 au Canada atlantique, de 2,3 p. 100 dans le Centre du Canada, de 20,5 p. 100 dans les Prairies, de 5,6 p. 100 dans l’Ouest et de 6,1 p. 100 dans le Nord.

Même si l’adhésion à une franchise offre assurément de nombreux avantages, comme faire partie du réseau d’une marque établie, éprouvée et reconnue, ce n’est pas un gage de réussite. Les dizaines de milliers de Canadiens qui réussissent dans ce modèle investissent énormément de travail et réinvestissent des capitaux dans l’entreprise pour la moderniser, l’agrandir et ouvrir de nouveaux emplacements, ce qui crée de nouveaux emplois et génère de l’activité économique.

Les franchisés sont également actifs dans leurs collectivités d’un bout à l’autre du pays : ils parrainent des équipes sportives et font des dons à des initiatives et organismes de bienfaisance locaux, ce qui accroît encore leur contribution positive.

Puisque vous avez maintenant une meilleure compréhension du secteur de la franchise au Canada, je parlerai aujourd’hui du besoin de favoriser un milieu de la petite entreprise qui encourage l’entrepreneuriat. Je peux vous assurer que nos membres ont été très inquiets ces trois derniers mois, en raison des consultations sur les modifications fiscales proposées.

Pour les franchisés de partout au pays, il est essentiel d’avoir accès à un certain niveau de liquidité et de pouvoir conserver l’argent pour réinvestir dans l’entreprise, épargner en vue des temps difficiles et passer à travers les périodes plus calmes. Les éventuels franchisés ou les réseaux de franchises qui veulent ouvrir leur première adresse au Canada nous ont dit directement que l’incertitude des politiques gouvernementales et les hausses constantes des coûts, comme les tarifs d’électricité et le salaire minimum, dissuadent les investissements.

Dans le contexte économique difficile de nombreuses régions canadiennes, nous encourageons le gouvernement fédéral à tout faire pour créer un environnement économique permettant aux propriétaires de petites entreprises de prospérer, et attirant les étrangers qui cherchent à faire des affaires dans notre pays.

Je suis ravi de dire que nos membres ont bel et bien poussé un soupir de soulagement la semaine dernière, lorsque les nouvelles mesures d’équité fiscale ont été annoncées. Il est désormais clair que la cible du gouvernement n’est pas les propriétaires de petites entreprises qui travaillent fort, comme les franchisés d’un bout à l’autre du pays. Nous félicitons le gouvernement d’avoir écouté les Canadiens à ce sujet. Nous espérons qu’il continuera ainsi.

Nous aimerions également préciser que nous appuyons la réduction prévue du taux d’imposition des petites entreprises. Cela dit, nous recommandons fortement au gouvernement d’être conscient des formalités administratives et du fardeau réglementaire supplémentaires qu’il impose aux propriétaires de petites entreprises lors de l’introduction de nouvelles exigences, particulièrement en ce qui a trait au critère d’une contribution valable pour la répartition du revenu.

Nous espérons que votre comité veillera à ce que ces propositions fiscales n’aient aucune répercussion négative sur les petites entreprises du pays et leur permettent plutôt de prospérer.

Pour terminer, au nom de l’industrie canadienne de la franchise, je remercie le comité de son étude approfondie. C’est précisément le genre de proposition à laquelle le Sénat peut grandement contribuer, compte tenu de votre expérience collective dans le secteur privé. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Eric DenOuden, président, Association canadienne des constructeurs d’habitations : L’Association canadienne des constructeurs d’habitations compte quelque 8 600 entreprises membres. Je suis accompagné aujourd’hui de Jason Burggraaf, de notre bureau national. Puisque nous avons peu de temps pour la déclaration liminaire, je vais d’abord vous la présenter. Par la suite, nous serons tous les deux disposés à répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Même si le gouvernement a annoncé certaines rectifications aux modifications fiscales qu’il a proposées, mes confrères constructeurs et moi-même avons encore un certain nombre de craintes pour la suite des choses. L’industrie de la construction et de la rénovation résidentielle se compose principalement de petites entreprises familiales. Quelque 83 p. 100 des entreprises en construction, en rénovation et en métiers spécialisés connexes comptent neuf employés ou moins, ce qui représente environ les deux tiers de tous les emplois sur place.

L’industrie résidentielle est cyclique et à la merci des conditions économiques régionales. Compte tenu de la nature fragmentée des travaux de métiers et de second œuvre, et surtout des questions de responsabilité qui accompagnent le travail, l’industrie a toujours été composée principalement de petites entreprises et de personnes constituées en personnes morales. Ces deux facteurs font en sorte que l’industrie est particulièrement sensible aux changements du milieu des affaires.

Lorsque les plans du gouvernement ont été annoncés, nous craignions que des pratiques normales et bien acceptées dans notre secteur soient sérieusement menacées. Je pense notamment à la participation importante de la famille dans l’entreprise, à la possession de capitaux considérables pouvant être transformés rapidement en liquidité, comme des certificats de placement garanti, ou CPG, afin de profiter d’occasions commerciales comme l’achat de terres, et à la possibilité que les enfants rachètent l’entreprise pour financer la retraite. Nous sommes heureux de constater que le gouvernement a tenu compte de ces inquiétudes dans ses annonces de la semaine dernière, et qu’il tente de rectifier le tir.

Le gouvernement doit encore préciser de nombreux détails avant que nous puissions analyser exhaustivement l’effet des règles précises sur la répartition du revenu et les placements passifs. Nous espérons que les nouvelles règles sur la répartition des revenus tiennent compte de l’apport dynamique des membres de la famille au sein d’une entreprise. Nous trouvons encourageant que le gouvernement fasse référence aux apports en capitaux et en capitaux propres, ainsi qu’à la prise de risques financiers pour déterminer les contributions importantes à la création et à la gestion d’une entreprise. Nous veillerons également à ce que le fardeau administratif des entreprises de notre industrie n’augmente pas en raison des changements fiscaux.

En ce qui concerne le revenu passif, nous sommes ravis que le gouvernement reconnaisse que les investissements passifs d’une société constituent un outil essentiel dans le milieu de la construction résidentielle. De tels investissements sont cruciaux pour gérer les risques, fonctionner efficacement et planifier l’avenir.

Nous espérons que le gouvernement accepte de réviser périodiquement le seuil de revenu passif pour ne viser que les plus hauts revenus, et pour limiter l’incidence sur les véritables exigences en matière de placements passifs que les entreprises doivent respecter.

Il y aura également de nouveaux cycles de discussions et de consultations, auxquelles l’association espère participer, qui porteront sur les façons de régler la question du transfert d’entreprise entre générations, que le gouvernement considère comme problématique.

Enfin, même si nous accueillons favorablement la réduction du taux d’imposition des petites entreprises, l’avantage est moindre lorsqu’on tient compte de l’élimination du crédit pour l’emploi visant les petites entreprises en début d’année. Alors que les cotisations générales à l’assurance-emploi ont été réduites, celles des petites entreprises ont plutôt augmenté en raison de la perte de ce crédit.

Comme d’autres l’ont observé à l’examen des plans du gouvernement la semaine dernière, il est plus important de protéger les petites entreprises des effets négatifs que d’abaisser leur taux d’imposition. Baisser l’imposition des bénéfices aide bel et bien quand les affaires vont bon train, mais pas quand les temps sont durs.

De même, l’incertitude est toujours mauvaise pour les affaires, et les propositions du gouvernement en ont créé beaucoup au sein de l’industrie. Cette incertitude plane toujours aujourd’hui.

Le gouvernement doit absolument édicter des règles définitives et détaillées et prévoir un délai de mise en œuvre pour les dispositions à venir, afin que les entreprises puissent faire les ajustements nécessaires.

Il est également essentiel que le ministère des Finances, l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, et le secteur privé collaborent de sorte que les directives d’interprétation de la loi soient claires, et que la mise en œuvre des nouvelles règles ne crée ni de confusion ni une série de nouveaux problèmes.

L’ACCH et l’ARC ont accompli de grandes choses ensemble pour contrer l’économie clandestine du domaine de la construction et de la rénovation résidentielles, mais on sait que les taux d’imposition supérieurs et l’injustice perçue favorisent les transactions en argent comptant. Il serait dommage que des changements fiscaux incitent plus de gens à fonctionner dans l’illégalité, ce qui diminuerait les recettes fiscales du gouvernement.

Nous sommes heureux que le gouvernement rectifie le tir à la lumière des préoccupations soulevées par l’ACCH et d’autres organisations d’entreprises, mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche.

Nous sommes prêts à honorer notre engagement et à participer à des consultations sérieuses afin de parler des domaines que le gouvernement considère comme problématiques en matière de politique fiscale. Notre objectif, qui, je l’espère, est aussi celui du gouvernement, est de préserver l’intégrité de notre régime fiscal sans nuire ni à la viabilité ni à la vitalité des petites entreprises de partout au pays.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler, et de continuer à vous intéresser à cette question.

Le président : Merci.

Le sénateur Pratte : Ma question s’adresse à Mme Gervais. Premièrement, j’en comprends que votre cabinet demande un examen approfondi et complet sur la complexité du régime fiscal.

Y a-t-il d’autres aspects de la Loi de l’impôt sur le revenu que vous aimeriez que nous examinions, en plus de sa complexité? En ce qui concerne la complexité, y a-t-il des volets précis auxquels vous aimeriez que l’examen s’attarde?

Pourriez-vous nous donner quelques exemples de la complexité de la loi? Si vous ne pouvez pas le faire maintenant, vous pourrez faire parvenir votre réponse à la greffière. Cela nous serait fort utile.

Mme Gervais : Bien sûr. Je peux parler de quelques mesures qui ont été adoptées ces dernières années. La portée des règles sur la déduction accordée aux petites entreprises a été élargie, de sorte qu’il faut désormais composer avec une série de couches législatives. C’est un des domaines où il semble que chaque nouvelle série de mesures législatives adoptée est incroyablement vaste et entraîne parfois des conséquences non voulues.

Il serait merveilleux que l’ensemble du milieu fiscal collabore avant l’adoption des lois afin de régler certaines conséquences imprévues avant qu’elles ne deviennent la réalité. Il faudrait réunir les représentants du gouvernement, le milieu des affaires, les fiscalistes et l’ARC. Ensemble, ces gens doivent passer en revue les défis perçus afin de trouver des solutions adéquates et claires qui n’auront pas de conséquences imprévues de vaste portée ou profondes.

Les propositions sur le revenu protégé qu’on retrouve au paragraphe 55(2) font partie des dispositions qui ont été introduites et remaniées. Encore une fois, ces dispositions semblent être devenues très vastes, et englobent possiblement des transactions qui ne devaient pas être touchées par ces modifications législatives.

Voilà deux ou trois domaines desquels un examen serait le bienvenu. Encore une fois, l’ensemble de notre cabinet et des contribuables reconnaissent la nécessité de mettre fin aux abus, mais le milieu doit se serrer les coudes pour trouver des solutions, plutôt que de recevoir une série de propositions législatives entraînant des conséquences complexes et non voulues que nous essayons ensuite de corriger.

Le sénateur Pratte : Vous parlez de l’orientation de cet examen, de la commission royale, du groupe de travail ou de quoi que ce soit d’autre. L’objectif de la commission Carter était l’équité.

Mme Gervais : En effet.

Le sénateur Pratte : D’après ce que je comprends, vous demandez une étude qui met l’accent sur la simplification du système.

Mme Gervais : Sur la simplification du système, oui. Je dirais également que BDO appuierait un nouvel examen de l’entité fiscale, ce qui permettrait d’éliminer de nombreuses complications dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Est-il possible que ce soit une entité conjugale ou familiale, plutôt qu’une simple entité individuelle?

Le sénateur Pratte : Ce serait un changement majeur.

Mme Gervais : En effet, le changement serait majeur.

Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.

La sénatrice Eaton : Comme l’a souvent dit le gouvernement, c’est une question d’équité, mais vous pourriez peut-être m’expliquer ce qui m’est difficile à comprendre. À l’heure actuelle, le revenu passif est préalablement imposé à un taux fédéral et provincial combiné de 50 p. 100. Est-ce ensuite imposé davantage lorsqu’il devient le revenu d’un particulier. Aucun propriétaire canadien de petite entreprise ne s’oppose aux impôts, mais l’élimination de la distinction entre le revenu d’une petite entreprise et le revenu d’un particulier se traduira par un effet dissuasif.

Je croyais que nous tentions d’être plus productifs et plus concurrentiels. Souscrivez-vous à cet énoncé?

Mme Gervais : Pouvez-vous me répéter l’énoncé?

La sénatrice Eaton : Le revenu obtenu ainsi devient un impôt sur le revenu d’un particulier. Le propriétaire d’une petite entreprise est préalablement imposé à un taux fédéral et provincial combiné de 50 p. 100. Dès que le revenu devient un revenu personnel, vous êtes imposé de nouveau.

Mme Gervais : Je vois.

La sénatrice Eaton : De quelle façon est-ce que cela contribue à notre compétitivité?

Mme Gervais : Le revenu des petites entreprises serait préalablement imposé à un taux d’environ 15 p. 100. Le problème ici, c’est que vous parlez du revenu passif et de son taux d’imposition.

La sénatrice Eaton : Il est écrit que l’impôt sur le revenu passif est imposé.

Mme Gervais : L’objectif est de dissuader les entreprises de se servir du statut de société pour obtenir un revenu passif. Je conviens comme vous qu’il existe déjà des mesures dans le système actuel. Lorsqu’on décide de recourir à des sociétés pour avoir des placements passifs, on devrait être considéré comme un particulier assujetti à un taux d’imposition personnel élevé.

La sénatrice Eaton : Si un petit franchisé veut acheter une autre franchise dans la même rue, il se servira évidemment de son revenu passif ou de ses économies, n’est-ce pas? Cependant, si c’est imposé, ou s’il n’est pas autorisé à en accumuler beaucoup, il y aura un effet dissuasif.

M. Eickmeier : Je vais parler de la façon dont les franchisés ont actuellement recours à des placements passifs. Nos membres nous ont dit que dans bien des cas, c’est une possibilité future de croissance. Il leur faut de nombreuses années pour en arriver au point où ils peuvent se servir du revenu passif. Cela devient alors pour eux un outil pour prendre de l’expansion. Ils sont arrivés à cette étape du développement de leur entreprise. Ils ont passé 20 ans à la bâtir...

La sénatrice Eaton : Et à payer des dettes.

M. Eickmeier : ... et à payer des dettes, les études de leurs enfants. Ils sont maintenant arrivés au point où ils peuvent devenir un grand employeur en prenant de l’expansion et en réinvestissant.

C’est à cette étape-là que cela entre en ligne de jeu pour les franchises. C’est un outil utilisé par certains des plus grands franchisés au pays.

Mme Gervais : Même si nous nous entendions pour dire qu’une limite annuelle de 50 000 $ pour les revenus de placement était une chose très importante pour les PME, nous serions néanmoins préoccupés par la façon dont ces entreprises se conformeraient à ces mesures.

Il est maintenant possible que nous nous retrouvions avec quatre taux distincts d’imposition des PME. Elles seront assujetties au taux d’imposition des petites entreprises. Lorsqu’elles dépassent la limite de revenu admissible, elles seront également assujetties aux taux généraux d’imposition des sociétés.

Nous avons déjà en place un système de crédits d’impôt au titre des placements passifs pour les sociétés privées sous contrôle canadien. Il est ensuite possible que nous ayons cette quatrième mesure selon laquelle tout ce qui dépasse la limite annuelle de 50 000 $ serait également visé. Ce système à quatre niveaux est un écheveau complexe avec lequel les entreprises devront composer.

La sénatrice Eaton : Le montant de 50 000 $ semble très subjectif. On peut avoir une mauvaise année ou une année moyenne pendant laquelle on économise 25 000 $, ou on peut avoir une excellente année à 75 000 $, mais ce ne serait pas possible à cause de la limite de 50 000 $.

Mme Gervais : Jusqu’à maintenant, rien n’a été dit à propos de ce qui se produit lorsqu’une entreprise est visée une année, mais pas la suivante. La mesure ne propose pas de limite cumulative.

La sénatrice Eaton : Ce n’est pas toujours ainsi, comme nous le savons. Merci.

Mme Gervais : Tout à fait.

[Français]

Le sénateur Forest : Je pense que la question du revenu passif est complexe, car 85 p. 100 de la capitalisation est entre les mains de 1,6 p. 100 des entreprises. En ce qui concerne vos membres, les franchisés, je présume qu’ils ne font pas nécessairement partie des 1,6 p. 100. Le montant de 50 000 $ est ce qui sera prélevé de la capitalisation et non pas ce qui sera injecté. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Eickmeier : Probablement pas pour la majorité des franchisés. Comme nous l’avons mentionné, la majorité d’entre eux sont eux-mêmes des propriétaires de petite entreprise. La grande majorité d’entre eux ne possèdent qu’un commerce. Ils sont peu susceptibles de faire partie du 1 p. 100 ou même du 3 p. 100 au sommet. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons poussé un soupir de soulagement la semaine dernière lorsque des précisions ont été apportées à ce sujet.

Cela dit, il y en a certains, comme ceux qui ont connu beaucoup de succès dans le modèle, qui ont pris de l’expansion jusqu’à avoir au moins 10 établissements. Ils peuvent en arriver là. C’est à ce stade qu’ils pourraient être assujettis à des restrictions supplémentaires visant l’utilisation de leur revenu passif.

[Français]

Le sénateur Forest : En fait, depuis qu’on a pris connaissance des modifications la semaine dernière, selon la majorité des commentaires qu’on a reçus à ce sujet, les modifications semblent être appréciées. Ce qui est très inquiétant, ce sont les règles d’application. L’enjeu majeur aujourd’hui est-il de faire en sorte que l’ARC puisse définir clairement les règles d’application, compte tenu de la façon dont elle fonctionne, où elle porte un jugement sur une entreprise dont il faut se défendre plus tard? Est-ce que l’un des enjeux principaux est d’obtenir de l’ARC des règles précises sur l’application des modifications à la loi fiscale?

[Traduction]

Mme Gervais : Je peux sans aucun doute en parler. C’est une de nos principales préoccupations. En ce qui a trait aux règles proposées concernant l’impôt sur le revenu fractionné, le test de vraisemblance, ou ce qui nous préoccupe grandement, c’est la crainte que le travail avec l’Agence du revenu du Canada devienne un lourd fardeau pour les petites entreprises canadiennes à moins que la loi ou des observations administratives donnent des indications claires, ce qui serait nécessaire.

L’Agence du revenu du Canada est responsable de l’application de la loi. On doit savoir exactement quelles transactions ou situations seraient visées par ces nouvelles règles, et ce qui ne le serait pas.

Nous sommes tout à fait du même avis quant au besoin d’avoir soit une orientation administrative claire, soit quelque chose de bon dans la loi en ce qui concerne le fonctionnement de ces mesures.

M. Eickmeier : L’ACF est du même avis.

M. DenOuden : L’industrie des constructeurs d’habitations est cyclique, et nous aimerions sans aucun doute voir l’indexation de ce montant. Nous avons également fait allusion au fait que nous devons veiller à ce que les indications dans la loi soient très claires et non ambiguës lorsque nous mettons en œuvre de nouvelles règles pour que ce soit juste, ouvert et honnête pour tout le monde.

La sénatrice Marshall : J’ai une question sur le revenu de placement passif. Lorsque la proposition initiale a été publiée, il y a eu beaucoup de résistance, et le gouvernement a ensuite établi le seuil de 50 000 $.

Nous ne connaissons toujours pas les règles de transition, mais selon les discussions que nous avons eues avec d’autres témoins, nous savons que cela empêchera probablement certaines entreprises de croître. Nous entendons des messages contradictoires. Certains témoins disent que c’est une bonne chose, tandis que d’autres hésitent davantage à se prononcer.

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose?

Mme Gervais : Je pense que c’est un pas dans la bonne direction. Je pense qu’un grand nombre de petites entreprises seront en mesure de profiter du seuil. Le problème, c’est que c’est complexe à gérer. On a dit que tous les investissements antérieurs et le revenu obtenu ainsi ne seront pas visés. Il y aura aussi une exemption annuelle de 50 000 $ sur le revenu.

Les petites entreprises doivent maintenant composer avec trois concepts. Jusqu’à maintenant, nous n’avons rien vu dans la loi concernant la façon dont cela fonctionnerait, mais je pense que c’est la réaction observée. Le seuil est une bonne nouvelle pour beaucoup de petites entreprises. La question est de savoir comment nous allons gérer le seuil chaque année ainsi que le coût annuel de l’observation des règles fiscales, qui augmentera considérablement.

La sénatrice Marshall : Vous estimez que ce qui a été dit au sujet de la transition est satisfaisant et ne soulève aucune préoccupation de votre point de vue.

Mme Gervais : Les mots qui ont été employés pour dire que le revenu de placement provenant des investissements antérieurs ne serait pas visé sont les bienvenus, mais nous devons voir ce que diront les mesures proposées sur la façon dont cela fonctionnera.

La sénatrice Marshall : Les deux autres témoins ont-ils d’autres observations?

M. Eickmeier : À ce sujet, je vais juste ajouter que nos membres nous ont entre autres dit que cela revient essentiellement à changer les règles des entreprises de taille moyenne.

Il y a des gens qui ont créé une entreprise, investi et bien fait les choses tout au long de leur carrière, et les nouvelles règles font maintenant en sorte qu’ils devront apporter des changements importants à la structure de leur entreprise.

Cela leur pose un défi. Nous ne savons pas à quel point ce défi est de taille à ce stade-ci. Lorsque les détails seront publiés, nous serons en mesure de fournir une explication plus détaillée, mais cela change les choses.

Cela dit, les annonces de la semaine dernière constituent une meilleure série de propositions que ce que nous avons vu dans le passé. C’est positif à cet égard.

La sénatrice Marshall : C’est plus acceptable.

M. Eickmeier : C’est effectivement plus acceptable.

M. DenOuden : Une fois le seuil et le montant établis, nous aimerions vraiment que le montant soit indexé pour éviter qu’il ne devienne fixe et pour qu’il augmente en même temps que l’économie et les entreprises. C’est une chose que nous aimerions voir.

La sénatrice Marshall : Mon autre question porte sur l’incertitude. Dans vos exposés, au moins un d’entre vous a mentionné qu’en raison de la façon dont les règles ont été publiées et de la controverse qui s’y rattache, on observe maintenant dans le milieu une tendance à l’incertitude.

De quelle façon cette incertitude est-elle transposée dans la réalité? Il y a de l’incertitude, mais les gens ne ferment pas leur entreprise. Comment la percevez-vous? Comment se présente-t-elle?

Mme Gervais : À cette étape du processus, nous travaillons avec nos clients pour les informer sur les propositions qui ont été publiées et, à la suite des annonces de la semaine dernière, sur la direction que prendront les choses selon nous.

Je dirais qu’il y a de l’incertitude. Si les règles concernant l’impôt sur le revenu fractionné sont adoptées, la période de transition devrait peut-être être plus longue, plutôt que de les mettre en œuvre le 1er janvier 2018. Plutôt que de dire aux gens que c’est le nouveau régime et le monde dans lequel ils vivent désormais, leur montrer le projet de loi et le mettre en œuvre un an plus tard leur donnerait le temps de l’examiner, de comprendre les nouvelles règles du jeu et de peut-être restructurer leurs affaires pour se conformer à la loi modifiée.

Je vais donner l’exemple très simple de conjoints qui possèdent des actions d’une société privée sous contrôle canadien, laquelle a peut-être une seule catégorie d’actions, ce qui est très courant. Ils apportent peut-être tous les deux une contribution à l’entreprise, mais pas dans la même mesure. On peut peut-être s’entendre de façon raisonnable. On ne peut toutefois pas verser des dividendes différents à chaque actionnaire s’il n’y a qu’une catégorie d’actions. Même les gens dont l’entreprise a une structure très simple et qui sont capables de se conformer aux règles devront réorganiser leur structure d’actionnariat pour se conformer au nouveau régime. Ils n’auront pas le temps de le faire d’ici le 1er janvier 2018.

La sénatrice Marshall : Que dites-vous à vos clients? Si le troisième pilier était retiré et que le ministre Morneau avait dit qu’on allait réfléchir de nouveau au premier concernant les gains en capital, que diriez-vous à vos clients? Est-ce tout simplement un cas d’attentisme?

Mme Gervais : C’est un peu un cas d’attentisme. Pour être franche, beaucoup de fiscalistes disent que dans l’éventualité où le fractionnement du revenu serait éliminé en 2018, certaines personnes pourraient chercher à en profiter le plus possible en 2017 pendant que les règles actuelles existent encore.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

Le sénateur Black : Merci beaucoup de soutenir fermement quelqu’un quelque part qui passe en revue le régime fiscal au Canada. Nous vous en sommes très reconnaissants, et votre intervention à ce sujet était exceptionnellement éloquente.

Je veux faire rapidement marche arrière, car je sais que le président va veiller à ce que ce soit rapide. Y en a-t-il parmi vous qui voient des avantages aux autres propositions?

Mme Gervais : Je ne vois aucun avantage. Je vois plutôt beaucoup de complexité.

M. Eickmeier : Aucun avantage de notre point de vue.

M. DenOuden : Nous ne voyons aucun avantage pour nos membres.

La sénatrice Moncion : Pour donner suite à la question du sénateur Black, pour qui ne voyez-vous pas d’avantages?

M. DenOuden : Pour nos entreprises membres. L’annulation de la répartition du revenu et de ce genre de mesures serait dévastatrice pour nos petites entreprises familiales.

La sénatrice Moncion : Qu’en est-il de l’équité fiscale?

M. DenOuden : N’oubliez pas que les propriétaires d’une entreprise familiale n’ont pas droit à l’assurance-emploi. Ils n’ont habituellement pas de fonds de pension, d’assurance-invalidité et ainsi de suite. Pour être juste envers ceux qui ont pris des risques et travaillé fort, de 12 à 15 heures par jour, je ne comprends pas pourquoi nous voudrions les pénaliser en leur faisant payer encore plus d’impôt parce qu’ils ont pris des risques.

La sénatrice Moncion : Je vais aller un peu plus loin en vous demandant si vos membres versent des cotisations pour leurs employés. Cotisent-ils à des fonds de pension, ou paient-ils seulement les montants exigés en vertu du droit fiscal?

M. DenOuden : Nous avons 8 600 entreprises membres, et cela dépend donc de chacune d’elles. C’est parfois une question de taille. D’après ce que je comprends et ce que je sais, une petite entreprise n’offre normalement pas d’avantages sociaux proprement dits à ses employés, qui doivent eux-mêmes faire preuve de diligence raisonnable et épargner pour l’avenir.

J’ajoute que les propriétaires d’entreprise familiale doivent en faire autant. Ils font prospérer une entreprise, et l’idéal serait de la vendre à la prochaine génération pour pouvoir utiliser plus tard l’argent obtenu ainsi.

La sénatrice Moncion : Pour revenir à la question que j’ai posée, il y a un effet d’entraînement. Oui, nous avons de la compassion pour les propriétaires d’entreprise, mais nous devrions également en avoir pour leurs employés s’ils n’ont pas certains avantages sociaux.

Il est également intéressant de tenir compte de la main-d’œuvre. Il serait intéressant d’avoir les chiffres. Combien d’employés travaillent pour des entreprises qui n’offrent pas d’avantages sociaux, mais qui ont des revenus passifs? Combien d’employés n’ont pas d’avantages sociaux, de fonds de pension et ainsi de suite?

M. DenOuden : Encore une fois, tous les employés ont les régimes de pension provincial et fédéral, mais vous avez raison.

La sénatrice Moncion : Mais ils n’ont rien d’autre s’ils ne cotisent pas eux-mêmes.

Mon autre question porte sur la complexité des mesures fiscales proposées. Vous avez parlé d’un éventuel système à quatre niveaux d’impôt sur le revenu. Compte tenu de la complexité actuelle du régime, la plupart des PME ont recours aux services d’une firme comptable. Les firmes comptables sont là pour leur proposer des moyens de diversifier leurs activités, de payer moins d’impôt sur le revenu, de stimuler leur croissance et ainsi de suite.

La complexité accrue du système ne serait pas nécessairement une mauvaise chose, car cela vous donnera plus de travail et plus de retombées. Il y a deux facettes aux modifications proposées.

Je comprends que ce n’est pas plaisant pour la personne qui travaille pour sa propre entreprise de payer plus d’impôt. Ce n’est pas plaisant non plus pour ceux d’entre nous qui travaillent à salaire et qui paient déjà beaucoup d’impôt sur le revenu.

Nous comprenons tout cela. Un moment donné, ce n’est qu’une question d’équité. Il y a des gens qui gagnent un revenu plus élevé, et ce sont eux qui sont visés par cette réforme.

Si l’on regarde le profil de vos membres de petite et de moyenne taille, combien se situent vraiment dans la fourchette supérieure de revenus?

M. Eickmeier : Ils représentent un petit pourcentage.

La sénatrice Moncion : Un très petit pourcentage?

M. Eickmeier : Je n’ai pas de pourcentage précis à vous donner, mais il doit être assez petit.

La sénatrice Moncion : Combien de vos membres seront touchés par ces modifications?

M. Eickmeier : Les propositions de la semaine dernière ont clarifié les choses un peu. Comme je l’ai dit dans ma déclaration, nous nous sommes rendu compte que le gouvernement ne ciblait pas les petites entreprises autant qu’il semblait le faire il y a deux semaines. Il a reformulé son message et clarifié qui ces modifications visaient, c’est-à-dire les 3 p. 100 ou 1 p. 100 les mieux nantis, ce qui a beaucoup rassuré la grande majorité de nos membres, qui ne sera pas très touchée par ces mesures.

Cela dit, beaucoup se prévalent de dispositions comme celles sur l’investissement passif, le fractionnement du revenu ou le partage avec les membres de la famille. Ces dispositions auront un effet tangible sur eux, mais ils ne se situeront peut-être pas dans le groupe cible du gouvernement.

Mme Gervais : J’ajouterais une chose. Notre bureau examine attentivement toutes les lois les plus complexes et inhabituelles.

Il est vrai que les entreprises comme la nôtre toucheront plus de revenus fiscaux de la part de leurs clients, qui auront besoin d’aide pour s’adapter à la nouvelle loi, mais dans l’ensemble, nous estimons que ce n’est pas souhaitable pour le contribuable, pour l’entrepreneur canadien. Notre bureau en bénéficiera sûrement, mais ce n’est pas le résultat souhaitable pour les entrepreneurs canadiens, qui devront composer avec des règles fiscales plus complexes et des coûts de conformité plus élevés.

M. DenOuden : J’ajouterais que 83 p. 100 des travaux de construction et de rénovation sont réalisés par des petites entreprises qui emploient neuf personnes ou moins. Je ne peux pas imaginer ces personnes dans la fourchette supérieure de revenus.

La sénatrice Moncion : Non. Elles ne sont probablement même pas touchées par les règles sur le revenu passif. J’ai eu l’occasion de faire affaire avec bon nombre d’entre elles. Elles ont besoin de liquidités pour assurer la poursuite de leurs activités au quotidien.

M. DenOuden : Et survivre aux cycles économiques annuels.

La sénatrice Moncion : Ce sont ces personnes qu’on cible, et certaines seront touchées gravement.

M. DenOuden : C’est la raison pour laquelle nous affirmons que le seuil de 50 000 $ est acceptable.

La sénatrice Moncion : Pour la plupart.

M. DenOuden : Pour la vaste majorité.

La sénatrice Moncion : Pour 80 p. 100 des entreprises, c’est probablement un seuil adéquat. Parmi les 20 autres pour cent, il y en a qui seront durement touchées, d’autres un peu moins.

La sénatrice Andreychuk : Je suis consciente du temps qu’il nous reste, monsieur le président.

Nous avons parlé d’équité fiscale et de ce qui est raisonnable. Il est difficile de définir l’équité, tout dépend du point de vue. Pour définir ce qui est raisonnable, il faut se demander si les critères sont subjectifs ou objectifs. C’est déjà assez difficile en droit criminel, ce l’est encore plus en droit fiscal, où je pense qu’il n’y a pas vraiment de système de valeurs universelles comme il y en a dans le Code criminel.

Vous avez mentionné, madame Gervais, que ces modifications avaient d’abord été proposées pour mettre fin aux abus. Si ce n’est pas ce que vous avez dit, veuillez me corriger.

Mme Gervais : Dans son annonce originale de juillet, le ministre parlait d’éliminer des échappatoires.

La sénatrice Andreychuk : Avez-vous dit que c’est parce qu’il y avait des abus?

Mme Gervais : Non, pas des abus. Le régime de fractionnement du revenu existe depuis longtemps. Il est rigoureusement encadré. Il semblait, à entendre les mots choisis par le gouvernement, qu’il s’attaquait à un très petit groupe de contribuables canadiens afin d’éliminer ce qui était perçu comme des échappatoires. Cependant, il est évident, à la lumière des rétractations observées au cours des dernières semaines et des 21 000 et quelques mémoires qui ont été déposés, que ces mesures n’allaient pas seulement toucher le 1 p. 100 des Canadiens les mieux nantis ou les abuseurs. Elles allaient toucher toutes les catégories de sociétés privées sous contrôle canadien.

La sénatrice Andreychuk : Nous l’avons entendu indirectement, et je peux vous garantir que je l’ai beaucoup entendu en privé de femmes entrepreneures. Il y a deux choses. La première, c’est qu’il est très difficile de se lancer. On commence dans son sous-sol, avec son bébé, puis l’on essaie de tout faire en même temps. La personne a une bonne idée et souhaite lui donner vie. Certaines y arrivent, d’autres pas.

C’est déjà assez difficile. On dit que le système actuel est trop complexe de toute façon. C’était une idée. C’était une façon de se sortir de la pauvreté. Ce sera un nouveau fardeau pour ces personnes.

Avez-vous des observations à faire sur les femmes entrepreneures qu’on essaie de cibler?

Il y a ensuite la difficulté de passer à l’étape suivante, quand une personne a eu une bonne idée et qu’elle commence à gagner en popularité. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international s’est penché sur la question. L’écho que nous recueillons, c’est que ces entreprises sont si petites et que les entrepreneures travaillent tellement qu’elles ne peuvent pas s’arrêter pour revoir leurs plans et aller chercher l’expertise nécessaire pour passer à la prochaine étape.

Où peut-on trouver le financement nécessaire quand la base ne suffit pas? Est-ce que ces préoccupations sont prises en compte?

M. Eickmeier : Je reprendrai un exemple que j’ai déjà donné. Dans bien des cas, il faut de longues années pour construire une entreprise et atteindre le stade où l’on peut commencer à profiter de choses comme le revenu passif. Il faut du temps avant que les entrepreneurs, hommes ou femmes, sentent que leur entreprise est rendue assez viable, grande et forte pour vouloir prendre de l’expansion. Nous ne voulons pas leur mettre des bâtons dans les roues. Nous voulons leur laisser l’occasion de continuer de créer de l’emploi et de s’étendre à de nouvelles provinces. Je reviens aux chiffres sur la croissance que j’ai déjà cités.

Nous vous conseillerons seulement de ne pas oublier qui sont ceux et celles qui peuvent enfin tirer avantage de ce genre de mesures. Ils ont le potentiel de devenir des employeurs de premier plan au Canada. Si nous érigeons des obstacles sur leur chemin et que nous les empêchons de le faire, ce ne sera pas une très bonne politique publique.

Le sénateur Oh : Je remercie nos témoins d’être ici.

Êtes-vous d’accord pour dire que cette ponction fiscale touchera surtout des personnes et des familles qui ont de petites entreprises familiales, mais pas la classe moyenne, ni les grandes sociétés privées?

Mme Gervais : Je crois que ces mesures touchent toutes les sociétés privées sous contrôle canadien. Beaucoup de très grandes organisations, les plus riches, sauront composer avec la complexité de ces règles et utiliser les services de conseillers fiscaux pour y voir clair. Elles peuvent absorber des coûts de conformité supplémentaires. Je ne dis pas que ces mesures ne les touchent pas.

Or, là où le bât blesse le plus, c’est chez les petites et moyennes entreprises qui devront s’adapter à toutes ces nouvelles règles.

Le sénateur Oh : Voulez-vous intervenir?

M. Eickmeier : Je suis d’accord. Pour revenir à ce que d’autres témoins ont dit avant moi, tout est dans les détails. Tout dépendra des critères déterminant ce qui est raisonnable ou non et du fardeau que cela représentera pour les entreprises. Voilà ce qui nous permettra d’évaluer l’incidence de ces règles sur les petites entreprises.

Le sénateur Oh : Les frais de comptabilité vont bondir l’an prochain, et ce sont surtout les petites entreprises qui en souffriront le plus.

Mme Gervais : Oui.

Le président : Chers témoins, je vous remercie infiniment de toute l’information que vous nous avez fournie. Ce fut une séance instructive et pédagogique, même, dans une certaine mesure. N’hésitez pas à faire parvenir des compléments d’information par écrit à notre greffière si vous voulez ajouter quoi que ce soit avant que nous ne déposions notre rapport au Sénat. Ce sera apprécié.

Sur ce, honorables sénateurs, notre prochaine séance se tiendra à 14 h 15 demain, dans la même pièce.

(La séance est levée.)

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