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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 50 - Témoignages du 21 novembre 2017 (séance de l'après-midi)


HALIFAX, le mardi 21 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 h 3, pour étudier les modifications fiscales proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. À cette étape-ci, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche, s’il vous plaît.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

La sénatrice Cools : Anne Cools, Toronto, en Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, Saskatchewan.

Le président : Nous avons aussi à la table la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et l’analyste en chef du comité, Sylvain Fleury.

Aujourd’hui, ici, à Halifax, en Nouvelle-Écosse, notre comité continue son étude spéciale sur les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, modifications que le ministre des Finances a proposées durant l’été 2017.

Le comité a reçu un ordre de renvoi le 26 septembre 2017. Permettez-moi de vous faire part du mandat que nous avons reçu du Sénat du Canada : Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, en vue d’en faire rapport, les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, et, plus particulièrement, la répartition du revenu; la détention de placements passifs dans une société privée et la conversion du revenu régulier en gain en capital; et surtout, que le comité porte une attention particulière aux répercussions des changements proposés sur les petites entreprises et les professionnels constitués en société; la croissance économique et les finances publiques; l’équité de l’imposition des différents types de revenus et d’autres questions connexes.

Mesdames et messieurs les témoins, nous voulons vous faire part du fait que le comité présentera son rapport final au Sénat au plus tard le 15 décembre 2017, et qu’il conservera tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Aujourd’hui, nous avons un groupe de trois témoins. Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, merci d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes impatients de connaître vos commentaires, vos opinions et vos recommandations.

Nous accueillons la Dre Maria Alexiadis, médecin de famille et ancienne présidente de Doctors Nova Scotia, le Dr Craig Stone, médecin, de l’Association du personnel médical du Cap-Breton, et la Dre Caitlin Lees, présidente, Maritime Resident Doctors.

Nous leur demandons de présenter leur exposé, en commençant par la Dre Alexiadis, qui sera suivie du Dr Stone et de la Dre Lees.

Dre Maria Alexiadis, médecin de famille, ancienne présidente, Doctors Nova Scotia : Bonjour et bienvenue en Nouvelle-Écosse.

Je m’appelle Maria Alexiadis. Je suis médecin de famille et ancienne présidente de Doctors Nova Scotia. En tant qu’association professionnelle des médecins de la province, Doctors Nova Scotia représente 3 500 médecins actifs, résidents, étudiants en médecine et médecins à la retraite.

Le 18 juillet, le ministre Morneau a annoncé des modifications proposées concernant la façon dont les sociétés privées sont imposées. Même si les modifications proposées ont depuis été modifiées, le retrait d’une partie des économies d’impôt et des avantages du report d’impôt actuellement disponibles pour les 75 p. 100 des médecins de la Nouvelle-Écosse qui sont constitués en société aura de graves conséquences imprévues.

Les médecins de la Nouvelle-Écosse ont été autorisés à se constituer en société par le gouvernement provincial en 1996. Le ministre de la Santé de l’époque a affirmé ce qui suit :

Lorsqu’ils contempleront des occasions partout au Canada, certains médecins pourraient bien découvrir que la constitution en société est l’une des impulsions qui pourrait les inciter à décider de venir et de rester en Nouvelle-Écosse. Nous aimerions procurer une certaine stabilité relativement aux pratiques commerciales et une stabilité pour ce qui est de l’avantage concurrentiel.

On a accordé aux médecins la capacité de se constituer en société plutôt qu’une rémunération concurrentielle pour contribuer au recrutement et au maintien en poste. De façon ironique, notre province se trouve exactement là où elle était au milieu des années 1990.

Aujourd’hui, les Néo-Écossais paient les impôts personnels les plus élevés au pays, et les médecins de la Nouvelle-Écosse sont parmi les moins bien rémunérés au pays. Plus de 110 000 Néo-Écossais n’ont pas de médecin de famille. Nous entendons régulièrement aux nouvelles des histoires de gens qui n’ont pas accès à des soins primaires, de patients qui appellent des cabinets de médecins en les suppliant de les intégrer dans leur pratique. Dans le plan de dotation en médecins de la Nouvelle-Écosse, on estime qu’il est nécessaire de recruter plus de 1 000 médecins de famille et spécialistes dans la province au cours des 10 prochaines années.

Dans une province qui fait face à des difficultés financières marquées, où les médecins sont rémunérés bien en deçà de la moyenne nationale, il est difficile de faire concurrence aux autres provinces. Les médecins peuvent choisir de pratiquer ailleurs si les effets des modifications fiscales proposées ne sont pas atténués.

Les médecins utilisent abondamment leur société à des fins de planification familiale et de retraite. Nous n’avons pas de régimes de congés de maladie, de régimes de retraite ni d’autres avantages dont se prévalent les employés. Dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, où l’épouse hautement qualifiée d’un médecin est incapable de trouver un travail, la capacité de reporter le revenu ou de le répartir avec un membre de la famille est un avantage qui fait en sorte qu’il est plus facile pour les médecins de choisir de pratiquer dans des régions rurales.

Doctors Nova Scotia a sondé des médecins pour déterminer comment les modifications fiscales proposées originales vont les toucher. Quelque 52 p. 100 des 864 répondants ont indiqué qu’ils songent à déménager dans une autre province si les modifications proposées entrent en vigueur. Une autre tranche de 43 p. 100 songerait à réduire le nombre d’heures qu’ils consacrent à leur pratique ou à des activités professionnelles, et 42 p. 100 envisageraient de changer leur profil de pratique.

Les répercussions des modifications fiscales proposées sont aggravées par l’environnement de pratique actuel en Nouvelle-Écosse. L’épuisement professionnel, la rémunération inférieure et les modifications fiscales proposées pourraient se traduire par des médecins qui quittent la province, qui travaillent moins d’heures ou qui prennent une retraite précoce, conséquences qui auront toutes des répercussions négatives sur les soins fournis aux patients.

Nous considérons les avantages de la constitution en société comme un élément du système de rémunération totale d’un médecin. Le changement de n’importe quel élément du système de rémunération, qui existe depuis plus de 20 ans, influera sur la capacité des médecins.

Les médecins ne sont pas en mesure d’atténuer les pertes de revenu. Nous ne pouvons hausser nos honoraires. Ils sont établis par les provinces. Nous ne pouvons augmenter notre chiffre d’affaires. Nous travaillons déjà à capacité maximale.

Les médecins qui ne peuvent accepter les modifications proposées déménageront probablement dans une province où la rémunération est supérieure ou prendront une retraite précoce. Il en résultera moins de médecins pour s’occuper des Néo-Écossais.

Nous pressons le gouvernement fédéral d’envisager sérieusement les conséquences imprévues des modifications proposées. Les médecins viennent en Nouvelle-Écosse parce qu’ils veulent s’occuper des Néo-Écossais. Ils veulent vivre en Nouvelle-Écosse. Toutefois, nous devons tous faire ce qu’il y a de mieux pour notre famille. Nous craignons que les modifications entraînent le départ de médecins de notre province, et cela finira par nuire à nos patients. Merci.

Dr Craig Stone, médecin, président, Association du personnel médical du Cap-Breton : Je suis président de l’Association du personnel médical du Cap-Breton. Le Cap-Breton est cette superbe grande île située à environ quatre heures d’ici.

L’association a été créée en juin 2016, et son mandat est de défendre les intérêts des médecins du Cap-Breton et de la grande communauté médicale du Cap-Breton. L’association s’est fait entendre dans les médias dans le cadre de son rôle de défenderesse. Sa voix a été entendue dans des médias imprimés, électroniques, audio et vidéo et par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, les partis de l’opposition et la province entière.

Mon visage et celui de mes collègues apparaissent partout sur Internet. Notre message a toujours été le même : le recrutement et le maintien en poste de médecins au Cap-Breton revêtent une importance primordiale, tout comme le maintien des services fournis localement sur l’île.

Nous avons perdu des services essentiels à la collectivité, comme la chirurgie vasculaire et la chirurgie thoracique, pour en nommer deux. Le Cap-Breton a une pénurie de psychiatres, de spécialistes des maladies infectieuses, de médecins de famille et d’autres. Beaucoup de nos citoyens n’ont pas de médecin de famille. Statistique Canada estime que de 90 000 à 100 000 Néo-Écossais n’ont pas de médecin de famille.

Au cours de la prochaine réunion de l’association, je vais démissionner de mon rôle de président. Je n’ai plus la force personnelle pour défendre les intérêts de ma collectivité et ceux des médecins qui la servent. Nous pénétrons dans la vallée des ténèbres du grand changement des règles du jeu, et les résultats pourraient être catastrophiques pour la collectivité, mes collègues, ma famille et moi.

Vous vous demandez : « Quel est le grand changement des règles du jeu? » Ce sont les modifications proposées touchant la constitution en société de professionnels. Je suis certain que M. Morneau n’a pas entendu parler de ce grand changement des règles du jeu, mais celui-ci a le pouvoir de renverser n’importe lequel des gains en matière de soins de santé pour lesquels l’association s’est battue durant les deux dernières années. Cela va toucher le Cap-Breton, la province de la Nouvelle-Écosse et, probablement, toute région insuffisamment desservie du Canada.

Le gouvernement actuel joue la carte de la politique populiste à son meilleur, faisant s’affronter un groupe, les salariés, et l’autre, ceux qui sont constitués en société, ces derniers étant qualifiés de fraudeurs fiscaux et de « fractionneurs du revenu ». Compte tenu de la réaction contre les réformes et à la lumière des révélations de fortunes familiales, d’une villa française et de conflits d’intérêts possibles par le premier ministre et le ministre des Finances, les divisions populistes continuent; seulement, dans ce cas-ci, ceux qui sont constitués en société sont divisés de l’intérieur.

On a annoncé que les agriculteurs ne seraient pas touchés. Puis, que les petites entreprises réelles ne seraient pas touchées. Oh, maintenant, c’est seulement le nouvel argent et les nouveaux investissements qui seront touchés dans l’avenir. En octobre, les Canadiens ont vu une danse financière des sept voiles.

De plus, le fait de dresser un groupe contre l’autre révèle que le gouvernement fédéral est coupable de la chose que le premier ministre Trudeau a dit qu’il ne ferait jamais dans son message de Noël de 2016 au Canada. Il a dit qu’il ne gouvernerait jamais en divisant. Je crois qu’il le fait.

Certains d’entre vous ont déjà entendu dire qu’on a donné le droit aux médecins de se constituer en société plutôt que leur fournir des augmentations d’honoraires. Dans la Nouvelle-Écosse des années 1990, le gouvernement libéral de l’époque, celui de M. John Savage, a coupé énormément dans les finances publiques pour équilibrer le budget provincial. Les travailleurs salariés se sont vu accorder une semaine de congé sans salaire. On a plafonné la facturation des médecins. Il a été présumé que les médecins ne cesseraient pas d’offrir les services lorsque leur plafond serait atteint. Malheureusement, bon nombre d’entre eux l’ont fait. Ceux qui l’ont fait ont quitté la province temporairement pour travailler comme suppléants. Certains sont partis de façon permanente, allant dans d’autres provinces ou aux États-Unis.

Les changements budgétaires ont été apportés après la prise du pouvoir, en 1993, par les libéraux, qui ont hérité d’un déficit de 471 millions de dollars. L’austérité était la règle du jour. En 1995-1996 et en 1996-1997, il y a eu une diminution nette du nombre de médecins, soit moins 3,1 p. 100 et moins 3,8 p. 100, respectivement. Ce nombre a augmenté jusqu’à des niveaux historiques normaux en 1997-1998, soit plus 2,7 p. 100.

Qu’est-ce qui a changé en 1997? Ce qui a changé, c’est que, en 1995-1996, la Chambre d’assemblée de la Nouvelle-Écosse a adopté une loi pour permettre aux médecins de se constituer en société afin de pratiquer la médecine. Pourquoi cette loi a-t-elle été adoptée? Le compte rendu de la 56e Assemblée générale du vendredi 5 janvier 1996 explique pourquoi :

[…] nous voulions procurer un avantage concurrentiel aux médecins ce qui favoriserait leur recrutement et leur maintien en poste dans la province, surtout les médecins spécialistes.

Ce sont les mots de l’honorable Ron Stewart, ministre de la Santé de l’époque.

Je vous ai donné la raison pour laquelle la Nouvelle-Écosse a autorisé les médecins à se constituer en société : le recrutement et le maintien en poste de médecins. Nous ne sommes pas des fraudeurs fiscaux qui utilisent des échappatoires pour éviter de payer notre juste part d’impôt. On a donné droit aux médecins de se constituer en société afin de rendre une situation salariale relativement médiocre plus attrayante en vue de la rétention et du maintien en poste.

Les médecins ont subi le dénigrement des gouvernements provinciaux, et il semble maintenant que nous soyons les cibles du gouvernement fédéral. D’autres pratiquent le fractionnement du revenu, mais le gouvernement s’écrie que les professionnels comme les médecins pratiquent le fractionnement du revenu avec des connotations négatives, comme si nos épouses, nos maris et nos enfants n’avaient aucun rôle à jouer dans la pratique professionnelle de la médecine et ne devaient donc pas être des bénéficiaires de l’entreprise familiale. De nouveau, je me reporte au même compte rendu :

Très souvent, les familles participent à la pratique; des parents, des époux peut-être, participent à la pratique de leur épouse, ou l’inverse : des épouses participent à la pratique de leur époux en étant salariées, d’une façon qui constituerait une entreprise familiale, et donc, dans les régions rurales et les petites villes, cela pourrait bien aider…

Nous dirions que les ententes concernant la pratique de la médecine, particulièrement dans les régions rurales, pourraient bien profiter de cela.

De nouveau, ce sont les mots de l’honorable Ron Stewart, ministre de la Santé.

En vertu des règles actuelles, je peux donner à mon fils un dividende qui provient de ma société constituée. L’impôt sur le revenu des sociétés est déjà payé, et l’impôt sur le revenu des particuliers est payé selon le propre taux de mon fils. En ce qui concerne la division des revenus avec d’autres membres de la famille, l’impôt sur le revenu des sociétés est déjà payé, et le bénéficiaire paie l’impôt selon son taux d’imposition marginal.

Si, comme le laissent entendre MM. Trudeau et Morneau, ma famille n’a pas droit à mon revenu, eh bien, en vertu des règles actuelles qui existent depuis au moins les 20 dernières années, je n’ai pas eu besoin de me procurer des REEE pour mes enfants. Maintenant, compte tenu des changements apportés aux règles, je ne peux verser de dividendes à mes enfants pour financer leurs études universitaires. On m’a coupé l’herbe sous le pied à ce moment-ci dans ma carrière. Sans REEE ni fractionnement du revenu, que dois-je faire maintenant?

En ce qui concerne Mme Stone, mon épouse, qui n’est admissible à aucun revenu de mon entreprise familiale constituée en société, pourquoi obtient-elle automatiquement 50 p. 100 si nous divorçons? Elle a peut-être financé ma formation médicale. Elle voit assurément l’état dans lequel je me trouve lorsque je reviens à la maison après un quart de travail de 36 heures. Elle s’ennuie certainement de moi lorsque je suis absent de 60 à 80 heures par semaine. Elle paie le prix de mon emploi aussi bien que moi.

Je n’ai pas de fortune familiale. Je n’ai pas d’options d’achat d’actions sur lesquelles m’appuyer, comme quelques députés ministériels à Ottawa. Je n’ai pas de régime de retraite, de prestations d’assurance-emploi ni d’indemnisation des travailleurs. J’ai peut-être quelques prestations de maternité ou de paternité de Doctors Nova Scotia et un certain régime de soins dentaires, lesquels sont tous imposables, mais c’est improbable.

Premièrement, les prestations de maternité ne vont pas payer les dépenses du cabinet dans de nombreux cas. Deuxièmement, le régime de prestations complet en Nouvelle-Écosse pourrait être retiré par le gouvernement provincial. C’est une des raisons pour lesquelles Doctors Nova Scotia a fait part de son intention de poursuivre le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

Les tarifs de l’assurance-maladie en Nouvelle-Écosse n’ont pas suivi le rythme de l’inflation depuis 1974. Les médecins sont payés en unités. La valeur unitaire en 1974 était de 1,08 $. En 2017, elle est de 2,44 $. D’après la feuille de calcul des intérêts de la Banque du Canada, elle devrait être de 5,08 $, non pas de 2,44 $. La Nouvelle-Écosse a le taux d’imposition marginal le plus élevé au Canada, à 54 p. 100, le cinquième taux d’imposition provincial des petites entreprises en importance, à 13,5 p. 100, et le taux de la taxe de vente le plus élevé au Canada, à 15 p. 100, comme dans le reste du Canada atlantique. Les médecins de la Nouvelle-Écosse sont parmi les moins bien rémunérés au Canada.

M. Morneau a beaucoup parlé des placements passifs. De la même façon qu’un employé salarié apporte des contributions libres d’impôt à un groupe ou à un régime de pension du gouvernement, qui sont ensuite investies libres d’impôt pour être imposées lorsqu’elles sont retirées, j’utilise mon entreprise pour préparer ma retraite. Le fait d’interdire le revenu passif ou d’y imposer des limites est aussi offensant pour moi que ce le serait pour le fonctionnaire ou l’employé du supermarché qui pourrait être touché par ailleurs.

M. Morneau désigne l’argent de mon entreprise et mes investissements comme de l’argent mort. De nouveau, on me dénigre. L’argent est peut-être mort pour lui parce qu’il ne peut le dépenser. Il n’est pas mort pour moi ni pour ma famille, qui en a besoin dans des moments difficiles ou pour la retraite. Ce n’est pas de l’argent mort pour les entreprises canadiennes dans lesquelles j’ai investi.

Mis à part la retraite, les investissements des sociétés des gains tirés des médecins servent à compléter de mauvais gains issus du régime d’assurance-maladie. Rappelez-vous que le médecin travaille pour le magasin du gouvernement. Il ne peut augmenter ses prix pour qu’ils correspondent aux dépenses et il est incapable de travailler un plus grand nombre d’heures. La seule façon d’augmenter le revenu est d’investir. Les gains sont imposables à l’échelle des sociétés, au taux d’imposition du revenu des sociétés, puis imposables au taux d’imposition du revenu des particuliers une fois qu’ils quittent la société.

En ce moment, personne — ni le comptable, ni le conseiller financier, ni même le diseur de bonne aventure — ne peut dire quoi faire à des médecins constitués en société. Nous voici maintenant presque à la fin de l’exercice, et je ne sais toujours pas comment organiser mes affaires. Peut-être, monsieur, que c’est le plan. Voyez comme c’est cynique : une annonce estivale quand personne n’écoute, et une mise en œuvre automnale quand il est trop tard pour faire quoi que ce soit à ce sujet. Une chose est sûre, cependant : les factures des comptables connaîtront un bond au cours de la prochaine année.

En cette époque d’incertitude, il y a des choses qui sont probablement certaines. Les médecins vont réagir aux pressions économiques. C’est naturel, car l’argent assure la sécurité et le bien-être personnels et familiaux. Si je ne vais pas bien, je n’ai rien à offrir à mes patients.

La réaction du médecin pourrait prendre l’une des quatre formes, de façon générale. Il va travailler moins. Il va changer d’emploi, passant d’une pratique privée à un emploi salarié assorti d’avantages. Il va prendre sa retraite maintenant et éviter des changements fiscaux qui le puniraient plus tard. Ce sera peut-être 74 p. 100 des médecins. Je ne sais pas. Ou il va déménager. La quatrième option s’est déjà produite en Nouvelle-Écosse en 1995-1996. Seulement, cette fois-ci, on pourrait assister à un exode à l’échelle du Canada vers un autre pays. De nombreux États américains reconnaissent les études et les qualifications des Canadiens. La célèbre carte verte mentionne précisément que les médecins s’inscrivent dans l’exonération d’intérêt national des médecins.

Pour résumer, je suis heureux, mesdames et messieurs les sénateurs et les employés, d’avoir l’occasion de m’adresser au comité. C’est un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd’hui pour représenter les 250 médecins du Cap-Breton. Cette occasion vous donne, à vous et à mes concitoyens canadiens, une idée de la raison pour laquelle mes collègues et moi-même craignons pour notre avenir. Cela sert à expliquer ce qui se passe dans ma tête au moment où je dois décider ce qui est le mieux pour ma famille et moi-même.

C’est aussi l’occasion pour moi de présenter mes excuses à l’Association du personnel médical du Cap-Breton concernant ma démission prochaine en tant que président. Je présente mes excuses aux gens du Cap-Breton pour ce qui, je le crains, sera une aggravation du système de santé. Monsieur, le grand changement des règles du jeu est trop imposant — et c’est une bête terrible — pour que je m’y oppose. J’ai peur que des citoyens loyaux soient encouragés à quitter leur pays, à choisir la promesse de vie, de liberté et la poursuite du bonheur plutôt que la paix, l’ordre et un bon gouvernement.

Je supplie le comité, mesdames et messieurs, de songer sérieusement aux paroles que j’ai dites aujourd’hui. L’Association et moi-même redoutons un avenir incertain. Merci de votre temps.

Dre Caitlin Lees, présidente, Maritime Resident Doctors : Bonjour et merci de me fournir l’occasion de parler au nom de Maritime Resident Physicians.

Je m’appelle Dre Caitlin Lees. Je suis médecin résidente en médecine interne et en recherche clinique à l’Université Dalhousie. En tant que présidente de Maritime Resident Doctors, je représente près de 600 médecins résidents en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard.

La grande majorité des médecins résidents dans les provinces des Maritimes s’opposent aux modifications fiscales proposées par l’honorable ministre des Finances le 18 juillet 2017. Un sondage récent de nos membres, dont le taux de réponse était d’environ 50 p. 100, a démontré que plus de 85 p. 100 des membres s’opposent aux changements du système actuel de revenu passif et que 75 p. 100 des membres s’opposent aux modifications touchant le fractionnement du revenu.

Même si M. Morneau a proposé des modifications de son ébauche initiale, nous demeurons très préoccupés par rapport aux effets de ces modifications proposées sur notre effectif de médecins et, fait plus important encore, sur nos patients.

En tant que médecins résidents, nous sommes des médecins qui ont obtenu leur diplôme en médecine, mais qui poursuivent une autre formation dans une spécialité médicale, comme la médecine de famille, la psychiatrie, la chirurgie ou la radiologie, parmi tant d’autres. Il faut entre deux et sept ans pour terminer un programme de formation spécialisée.

En tant que futurs propriétaires de petites entreprises, nous réalisons des investissements financiers pour notre entreprise. Avant d’exercer la médecine, le résident en médecine moyen des Maritimes aura investi environ 73 000 $ en seuls droits de scolarité, en plus des frais de subsistance de quatre ans, seulement pendant ses études de médecine. Bon nombre de mes collègues ont un niveau d’endettement qui dépasse largement les 200 000 $.

Une fois qu’ils pratiquent de façon indépendante, les médecins résidents deviennent des propriétaires de petites entreprises indépendantes, employant du personnel infirmier, des adjoints administratifs et d’autres professionnels de la santé.

Pour nous, en tant que jeunes médecins prêts à entrer dans le marché du travail, les niveaux d’endettement importants et la planification familiale sont des facteurs déterminants pour ce qui est de savoir où nous choisissons de travailler. En tant que futurs propriétaires de petites entreprises, nous ne partageons pas les mêmes avantages que les employés, comme des régimes de retraite, des congés parentaux, des congés de maladie ou des paies de vacances. Pour les jeunes médecins, en particulier, le congé parental est une considération importante.

Depuis 1995, comme nous l’avons déjà entendu dire, des mesures de planification fiscale pour les sociétés privées ont utilisé, de façon légitime et appropriée, des stratégies visant à atténuer le risque personnel et les sacrifices financiers associés à l’entrepreneuriat. Plus particulièrement, on s’appuie sur ces mesures pour financer des congés parentaux ou des congés de maladie, tout en gérant des niveaux d’endettement importants et financer la retraite.

Nous avons de vives préoccupations par rapport à la façon dont ces modifications fiscales proposées vont influer sur le recrutement et le maintien en poste de jeunes médecins dans les provinces des Maritimes. Même si les modifications fiscales proposées proviennent du gouvernement fédéral, nous prévoyons des conséquences démesurées pour nos provinces. Puisque nous sommes des provinces où le recrutement et le maintien en poste de médecins sont déjà des questions qui soulèvent de grandes préoccupations, de nouveau, comme vous l’avez déjà entendu, un environnement fiscal négatif crée une mesure dissuasive encore plus grande à la pratique dans nos provinces où on a un criant besoin de médecins.

À titre d’exemple personnel, je vais terminer ma résidence dans deux ans. Comme bon nombre de mes collègues, je songe actuellement à l’endroit où je vais exercer ma pratique. Si je pratique en Nouvelle-Écosse, je m’expose déjà à une réduction de salaire de 100 000 $ par rapport à d’autres provinces. Si ces modifications fiscales entrent en vigueur, et, à la lumière de mon niveau d’endettement, il pourrait ne plus être pratique pour moi de demeurer dans ma province d’origine. Les États-Unis, le Royaume-Uni ou même d’autres provinces où la rémunération est supérieure seront toutes des options plus viables. Les Néo-Écossais pourraient perdre encore une fois un autre médecin et l’accès aux soins de santé qu’ils méritent.

Fait plus important encore, je ne suis qu’une parmi près de 600 médecins résidents qui réévalue maintenant où je serai en mesure de pratiquer à la lumière des modifications fiscales proposées. Si on l’examine par rapport à cette échelle, l’impact possible de ces changements est renversant.

En résumé, nous avons de vives préoccupations au sujet des répercussions de ces modifications fiscales proposées; des préoccupations selon lesquelles les jeunes médecins, dans un effort visant à atténuer les conséquences de ces modifications fiscales sur leur bien-être financier, choisiront de plus en plus de pratiquer ailleurs; et des préoccupations selon lesquelles cela entraînerait une exacerbation des difficultés actuelles auxquelles les Néo-Écossais font face pour ce qui est de tenter d’accéder à des soins de santé, ce qui serait simplement inacceptable. C’est une conséquence possible très réelle et grave des modifications fiscales proposées. Je demande que votre comité sénatorial tienne compte de façon adéquate de ces enjeux avant d’aller de l’avant. Merci.

Le président : Merci, mesdames et messieurs.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup d’avoir livré vos excellents exposés. Il y a deux semaines, nous étions dans l’Ouest canadien, et nous avons entendu des médecins là-bas. Nous avons entendu des médecins en Ontario, et hier, nous avons entendu un médecin de Terre-Neuve-et-Labrador. Ils nous disent des choses similaires.

Je viens de Terre-Neuve et j’ai l’impression que, dans les provinces de l’Atlantique, les problèmes sont un peu plus intenses que dans d’autres administrations. Je pense que le Dr Stone est retourné jusqu’aux années 1990, mais vous parlez de ce qui s’est produit au cours des 20 dernières années. On dirait que quelque chose se produit chez nos médecins. Ce n’est pas aussi attrayant que ce l’était autrefois. On dirait presque que les médecins sont maintenant des fonctionnaires, mais ils n’ont pas les avantages qui y sont associés. Je trouve vraiment préoccupant ce qui se passe à Terre-Neuve et le fait que j’entende de votre bouche une histoire semblable. C’en est presque effrayant.

Lorsque nous étions dans l’Ouest, la semaine dernière, dans les provinces que nous avons visitées, je demandais aux médecins de nous parler de leur faculté de médecine, du nombre de médecins qu’ils formaient et du nombre de médecins qu’ils retenaient. Pour les provinces des Prairies, je me rappelle qu’ils disaient retenir 50 p. 100 des médecins qu’ils forment, tandis que les autres 50 p. 100 sont nés à l’étranger et sont mobiles.

Que se passe-t-il ici, en Nouvelle-Écosse? Vous avez une faculté de médecine à Dalhousie. Que montrent vos statistiques? Vous avez une pénurie de médecins. Nous savons tous cela parce que nous lisons les nouvelles. Que se passe-t-il? Combien de médecins sont formés chaque année et combien en retenez-vous? Sauriez-vous combien de médecins proviennent d’autres administrations, d’autres pays?

J’essaie d’établir le contexte. Vous avez fourni beaucoup de renseignements, mais je voulais que le contexte soit établi de façon un peu plus générale.

Dre Alexiadis : Je vais commencer. Je vais vous fournir ces renseignements. Je ne connais pas les chiffres exacts.

La sénatrice Marshall : D’accord, mais allez-y instinctivement.

Dre Alexiadis : Mon instinct me dit que nous avons environ 100 médecins qui débutent en première année de la faculté de médecine, mais l’étudiant en médecine qui débute a fait au moins quatre ans d’université, si ce n’est plus, parce que beaucoup de ces médecins ont déjà aussi des diplômes.

La sénatrice Marshall : C’est exact, oui.

Dre Alexiadis : C’est quatre ans de plus. Après cela, vous décidez si vous voulez être médecin de famille ou si vous voulez faire une spécialité et un programme de recherche. Ce sont entre 12 et 15 ans de formation.

La raison pour laquelle je soulève cela, c’est en raison de l’âge des médecins lorsqu’ils sont prêts à pratiquer. Lorsque vous examinez les pénuries de médecins, oui, il y a ceux qui arrivent. La Nouvelle-Écosse a des problèmes pour ce qui est de retenir certains de ces nouveaux étudiants et nouveaux diplômés, tout comme en a parlé la Dre Lees, parce que ce qu’ils font, c’est partir.

La sénatrice Marshall : Oui, et il y en a 100.

Dre Alexiadis : Il y en a 100, et ils partent. Ils veulent rester en Nouvelle-Écosse, mais ils partent en raison de leur niveau d’endettement et de leur salaire.

J’ai participé à une réunion où une personne voulait venir pratiquer la dermatologie à Halifax, mais l’Ontario lui offrait 400 000 $, et elle a dit : « Je m’excuse, mais nous allons y aller, même si ma famille est ici .» C’est le genre de décisions qui sont prises. Nous n’arrivons pas à recruter les nouveaux médecins et à les garder ici.

Qu’en est-il de ceux qui restent? Vous avez entendu dire de façon très éloquente de la bouche du Dr Stone que beaucoup de médecins sont frustrés. J’assiste maintenant à des réunions où je vois des médecins qui ont déjà travaillé ici et qui sont déménagés en Alberta ou en Colombie-Britannique. Cela me surprend, mais en Nouvelle-Écosse, plus de 50 p. 100 des médecins ont plus de 50 ans.

La sénatrice Marshall : À votre avis, combien parmi les nouveaux arrivez-vous à retenir? Vous en avez 100 qui arrivent chaque année. Pensez-vous que vous en retenez 50 pour quelques années?

Dre Lees : Je peux m’exprimer un peu à ce sujet. De nouveau, je n’ai pas les chiffres exacts. Je pourrais les obtenir pour vous. Nous avons sondé nos membres l’année dernière.

La sénatrice Marshall : Si vous parlez à vos collègues, vous devez avoir une idée de qui souhaiterait partir.

Dre Lees : Beaucoup de gens qui sont formés ici veulent rester ici. Ils sont formés au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard, parce qu’ils veulent rester ici. Malheureusement, lorsqu’il s’agit du recrutement, ou bien ce n’est pas financièrement possible, ou bien nous avons quelques problèmes de communication entre notre autorité sanitaire et le gouvernement. Cela n’est juste pas bien établi pour eux pour qu’ils puissent le faire.

Je sais que, dans un programme en anesthésiologie, au cours des quatre dernières années, quatre personnes ont obtenu leur diplôme, et aucune d’entre elles n’est restée. Le vice-président de Maritime Resident Doctors a aussi eu des problèmes avec le recrutement.

La sénatrice Marshall : Où s’en vont-ils? Je réfléchis aux modifications fiscales et à ce dont vous parlez. Vous avez beaucoup de médecins qui vont dans d’autres provinces parce que les salaires sont plus élevés. Ils devront aussi composer avec ces modifications fiscales, n’est-ce pas?

Je suis très préoccupée si nous perdons nos médecins. Notre système de soins de santé est assez fragile. Nous n’avons pas besoin de perdre des médecins. Si les médecins déménagent dans d’autres administrations et que les provinces de l’Ouest disent cela, les médecins seront-ils plus mobiles pour aller aux États-Unis?

J’essaie simplement de mieux comprendre. Dans le cadre de ces modifications fiscales proposées, les médecins ne peuvent pas envisager de déménager dans la province voisine du Nouveau-Brunswick. Ils doivent chercher ailleurs.

Dre Lees : Je peux en parler. Je suis Canadienne et j’ai la double citoyenneté au Royaume-Uni. De nouveau, j’aimerais beaucoup rester en Nouvelle-Écosse, mais c’est certainement faisable pour moi d’aller dans un autre pays.

Je sais que ces modifications fiscales touchent l’ensemble du pays. Il y a déjà un écart salarial entre ici et d’autres provinces. Si ces modifications fiscales entrent en vigueur, le fait de déménager dans une autre province où je ne subis pas une réduction de salaire pour travailler atténuerait les conséquences des modifications fiscales si je souhaitais rester au Canada.

La sénatrice Marshall : Oui, je vois ce que vous voulez dire. J’ai posé ma dernière question à d’autres médecins. J’ai travaillé avec le ministère de la Santé à Terre-Neuve pendant un certain temps. Toutes ces choses sont arrivées aux médecins au cours des 20 dernières années. Les médecins n’en sont pas heureux. Ils disent : « Nous allons déménager dans une autre administration .»

Pensez-vous que cette menace va se concrétiser? La plupart du temps, les médecins vont en quelque sorte faire face à n’importe quel changement qui survient et rester sur place. Est-ce la goutte d’eau qui fait déborder le vase ou s’agit-il d’une autre menace qui ne sera pas mise à exécution?

Dre Lees : Pour les nouveaux médecins, j’aimerais dire que nous sommes jeunes. Nous sommes mobiles et nous allons déménager. Ce n’est pas une menace lancée dans le vide.

La sénatrice Marshall : Qu’en est-il des médecins qui sont ici depuis longtemps?

Dre Alexiadis : Nous avons tenu un rassemblement. Nous avons invité tous les médecins qui voulaient venir un samedi matin. À une semaine d’avis, 400 médecins sont venus de l’ensemble des provinces pour participer à ce rassemblement afin de parler des modifications fiscales. Dans la salle se trouvaient des gens de tous les groupes d’âge, mais il y en a beaucoup qui sont déjà prêts à prendre leur retraite. Nous parlons d’une province qui a des pénuries de médecins.

La sénatrice Marshall : Des pénuries importantes de médecins.

Dre Alexiadis : Plus de 50 p. 100 de ses médecins sont âgés de 50 ans et envisagent de prendre leur retraite. Ils disent qu’ils travailleront peut-être seulement jusqu’en décembre ou en août. Ils n’ont plus à travailler parce que, au final, leur facture d’impôt sera la même.

La sénatrice Marshall : Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Dre Alexiadis : Il n’en vaut pas la chandelle. Fait intéressant, dans cette grande réunion, tout le monde parlait. Lorsque vous avez dit « la goutte d’eau fait déborder le vase », cela ressemblait aux paroles d’une de nos médecins. Je pense qu’elle a dit : « C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des soins de santé .» L’idée, c’est qu’au moment où elle a dit cela, elle parlait des répercussions et de la façon dont ces modifications fiscales toucheraient les soins fournis aux patients. Dans la salle se trouvaient 400 médecins. Nous avons tous uni nos âmes. C’était comme une réflexion continue.

C’est la vraie raison pour laquelle nous sommes fâchés. Les médecins qui sont ici veulent rester ici. Ils veulent pratiquer ici. Ils adorent leur pratique. Ils adorent leurs patients. Ils ont aussi une famille et une vie à vivre, donc vous devez choisir votre famille. Les médecins veulent rester ici. Ces modifications fiscales les feront réfléchir à deux fois par rapport à ce qu’ils feront, lorsqu’ils auront terminé, et à la façon dont ils vont changer leur pratique.

Le président : Docteur Stone, avez-vous quelques commentaires à formuler?

Dr Stone : Madame la sénatrice Marshall, je ne pense pas que ce soit une menace. Peut-être que 100 médecins sortent de l’Université Dalhousie chaque année. Ces médecins vont partout au pays et partout dans le monde pour trouver des occasions de formation. Puis, ils veulent revenir.

Vous avez dit que Terre-Neuve a un problème. Le Canada atlantique a un problème, et c’est parce que nous avons une assiette fiscale qui diminue. Tous nos jeunes sont partis. Ils sont partis en Alberta pour travailler dans les Prairies ou en Ontario. Notre assiette fiscale est réduite.

Ce qui reste, ce sont les mêmes personnes qui sont malades et ont besoin de soins médicaux. Les personnes qui restent derrière et les médecins qui restent derrière peuvent être submergés. Les pratiques qui comptent cinq, six ou sept personnes n’ont que deux ou trois médecins.

Les gouvernements n’ont pas pu se permettre de nous payer davantage, et ils nous ont donc permis de nous constituer en société. Des médecins surmenés, un système de soins de santé surchargé, des patients de plus en plus exigeants et des ressources limitées sont tous de mauvaises choses. Vous ne pouvez augmenter mon salaire en guise de compensation, et vous m’avez donc permis de me constituer en société. Vous retirez cela. Oui, je veux aider les gens, mais il y a pour moi d’autres façons d’aider des gens, plutôt que de travailler de 60 à 80 heures par semaine et d’avoir affaire à la maladie et à d’autres choses.

La sénatrice Marshall : Oui, je suis d’accord.

Dr Stone : C’est la goutte. Ce n’est pas un choix. Ce n’est pas une menace. C’est un impératif.

C’est déjà arrivé. C’est arrivé en 1995, en 1996 et en 1997 en Nouvelle-Écosse, et c’est arrivé en Ontario au milieu des années 1990, au moment même où le gouvernement fédéral réduisait les paiements de transfert. Ce n’est pas une menace. C’est un impératif. Je dois m’occuper de ma famille, de ma propre santé et de que sais-je encore.

Ce n’est pas une menace. Je ne veux pas penser au fait de devoir déménager. Je ne veux pas. Je n’ai pas aimé partir de Terre-Neuve. Le plus loin dans l’Ouest où je suis allé, c’est ici. Je ne veux pas déménager de nouveau, pas à ce stade-ci de la partie. Cela me fend le cœur. Ce n’est pas une menace.

La sénatrice Marshall : C’est une préoccupation.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup de ces exposés. Nous avons entendu pratiquement la même chose en Ontario : la dette des étudiants en médecine, le coût de l’ouverture d’une pratique, le fait d’économiser pour des soins de maternité si vous êtes une femme, le régime de retraite et l’achat de nouveaux équipements, particulièrement si vous vivez dans une région isolée et que vous souhaitez vous procurer un nouvel électrocardiographe. Vos préoccupations sont ressenties partout au pays, et avec raison.

Juste pour faire suite un peu à ce que la sénatrice Marshall demandait, avez-vous déjà conservé ou l’Association médicale canadienne ou vos associations médicales particulières conservent-elles des données sur le nombre de médecins qui ont déjà quitté le Canada et qui pratiquent au Royaume-Uni, aux États-Unis ou ailleurs?

Dre Alexiadis : J’imagine que l’ICIS recueille probablement ce type de renseignement ou qu’on le recueille quelque part. Nous n’avons pas ces données pour vous aujourd’hui. Si vous voulez que nous obtenions ces renseignements, nous pouvons le faire.

La sénatrice Eaton : Je le voudrais, et ce serait commode d’avoir aussi ces données précisément pour la Nouvelle-Écosse.

Savez-vous si les médecins prévoient partir? Oui, vous en avez entendu beaucoup, et certains sont des jeunes. Y a-t-il des incitatifs fiscaux dont nous ne sommes pas au courant? Le Canada est rempli de régions très isolées. La plupart des gens vivent dans des régions rurales, et je comprends que, dans cette province, la majeure partie de la population est rurale. Y a-t-il des mesures incitatives fiscales pour que vous pratiquiez dans une région rurale ou isolée?

Dre Alexiadis : Essentiellement, la constitution en personne morale est l’incitation fiscale, parce que nous bénéficions de l’imposition des petites entreprises, du crédit d’impôt pour les petites entreprises et du revenu passif que nous pouvons conserver dans nos sociétés. J’imagine qu’il est là, l’incitatif.

Pour ce qui est de la capacité de fractionner le revenu, comme je l’ai dit dans mon discours, il y a des gens qui se présentent dans des collectivités rurales et dont la conjointe ou le conjoint a une spécialité précise et n’est même pas médecin.

La sénatrice Eaton : Elle peut s’occuper de la comptabilité. Elle peut être réceptionniste.

Dre Alexiadis : Exactement, mais il y a peut-être des emplois encore plus rémunérés dans d’autres centres. Si une personne veut aller pratiquer dans une collectivité rurale, de quelle façon est-elle censée rémunérer son conjoint pour ce qu’il perd en allant dans la collectivité rurale? Le partage du revenu aide aussi, dans de tels cas. Le médecin qui prend la décision de pratiquer dans une collectivité rurale reconnaît que cela peut aussi se produire, et cela peut aider à réduire la facture d’impôts.

La sénatrice Eaton : Docteur Stone, je comprends ce que vous avez dit quant au fait que vos frais sont plafonnés, mais que vous n’en tirez pas davantage. Si vous travailliez directement pour la province, vos avantages seraient garantis. Les règles ne sont pas vraiment égales pour vous, n’est-ce pas? Ce n’est pas comme si vous pouviez facturer ce que vous voulez pour un service.

Dr Stone : Je ne pourrais pas facturer ce que je veux pour un service, c’est aussi simple que cela.

Vous venez de me poser une question sur les chiffres. Les numéros d’information des hôpitaux de l’ICIS durant les années 1990 ne remontaient pas si loin. Cependant, nous utilisons les numéros d’identification des médecins du régime d’assurance-maladie.

La sénatrice Eaton : Oui.

Dr Stone : Je les ai de 1992 à 1999. J’ai tous ces chiffres ici, et je peux vous les imprimer. Essentiellement, le nombre de médecins a augmenté — l’augmentation variait de 3,8 p. 100 à 2,1 p. 100 — jusqu’à la période d’austérité financière, qui a entraîné une diminution de 3 p. 100 ou quelque chose du genre.

La sénatrice Eaton : Oui, c’est quelque chose que nous a dit le président de l’Association médicale canadienne. Selon lui, il y a eu un exode des médecins, ce qui a réduit le nombre de médecins par Canadien de façon importante.

Dr Stone : J’ai les chiffres, ici pour les années 1990. Ils sont ici. Je peux vous les imprimer.

La sénatrice Eaton : Merci. Ce serait très utile. Y a-t-il d’autres chiffres supplémentaires sur le nombre de vos collègues qui ont quitté la province? Ce serait très utile pour nous si vous pouviez commencer à en faire le suivi.

Le président : Afin de donner suite aux questions de la sénatrice Eaton, veuillez envoyer tout renseignement supplémentaire que vous voulez à la greffière.

La sénatrice Andreychuk : Je veux simplement formuler un commentaire. Je sais que les universités gardent des registres des endroits où vont leurs diplômés. Je crois qu’il pourrait s’agir d’une autre source, docteure Lees, vers laquelle vous pourriez vous tourner pour savoir où vont vos résidents. Nous faisons un meilleur travail de suivi des diplômés des universités.

J’ai posé certaines questions au ministre ou à certains responsables des finances lorsque la proposition a été soumise. Il semble que la plupart des gens ont discuté de façon continue avec l’Agence du revenu, du moins les organisations professionnelles, mais il s’agissait de choses globales et générales. Lorsque les propositions ont été communiquées le 18 juillet, elles ont pris tout le monde par surprise. C’est ce qu’on nous a dit. Ce sont les mots utilisés qui étaient les plus offensants et qui ont attiré l’attention de tout le monde.

Lorsque les représentants des finances ont comparu, ici, je leur ai demandé s’ils avaient consulté le ministère de la Santé au sujet des médecins, et on nous a répondu non à ce moment-là. Depuis, j’ai demandé de façon officieuse et officielle si le ministre de l’Agriculture avait été consulté, et il semble que non.

Il semble selon moi qu’il s’agissait d’un enjeu financier, qui a été examiné strictement du point de vue monétaire au sein du ministère. Nous ne savons pas exactement pourquoi ces propositions ont été présentées, parce que nous avons reçu à peu près trois explications. C’était une question d’équité entre les employés et les entreprises. On nous a ensuite dit qu’il s’agissait d’avantages inappropriés, d’échappatoires et ainsi de suite. On nous a fourni certaines réponses sur les raisons de procéder ainsi, mais elles étaient toutes de nature financière.

Vous nous parlez à nous, le Sénat, et c’est bien, mais avez-vous parlé à la ministre de la Santé? Avez-vous dit qu’il y aura des répercussions partout au Canada sur le système de santé, alors que nous vieillissons tous, et que nous aurons besoin de plus en plus besoin de vous et que les spécialités deviendront de plus en plus dispendieuses? Le coût d’une seule pièce d’équipement est rendu incroyable à l’heure actuelle.

Une autre question concerne l’argent que nous pourrons épargner. Si c’est le cas, tout gain sera neutralisé par un horrible problème au sein du système de santé. Je viens de la Saskatchewan, où nous recrutons des médecins et avons recruté des médecins de partout dans le monde. Nous leur offrons des incitatifs pour qu’ils aillent dans des régions rurales. Nous constatons que certains de ces incitatifs ne sont pas assez bons. Ils veulent aller dans des centres urbains. Cela constitue un coût majeur sur le plan de la santé, sans mentionner la santé des Autochtones, qui est un immense enjeu dans ma province.

Vous nous avez parlé des enjeux financiers et des conséquences, mais vous m’avez convaincue que vous avez à cœur vos patients. C’est quelque chose qui a retenu mon attention. Vous le faites, évidemment, pour vous, mais vous avez à cœur les collectivités et vous avez à cœur votre profession. L’objectif ne devrait-il pas être de parler au premier ministre, à la ministre de la Santé et aux ministères provinciaux au sujet des paiements de transfert? Selon moi, c’est un important enjeu lié à la santé et un important enjeu social.

Je dois communiquer mon conflit d’intérêts. Je suis juge d’un tribunal de la famille, et le psychiatre était ma ressource la plus utile. Le travailleur social était la meilleure ressource à laquelle j’avais accès et ainsi de suite. Tandis que nous nous concentrons, ici, sur les finances, les répercussions ne sont pas financières. Les répercussions sont sociales. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Dre Alexiadis : J’aimerais vous dire bravo. Tout ce que vous dites est tout à fait exact. Si vous parlez de la ministre fédérale de la Santé et du ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse, je crois que tout le monde était un peu surpris en Nouvelle-Écosse. En tant que médecins, nous parlions aux ministères et disions : « Ne vous rendez-vous donc pas compte des répercussions de ce qui se passe à l’échelon fédéral et du fait que cela va devenir un problème pour les provinces? »

Au début, cela s’est fait lentement. Il y a eu une campagne de lettres dans tout le Canada facilitée par l’intermédiaire de Doctors Nova Scotia, qui était favorable. L’AMC a aussi fourni son soutien. Nous avons tous envoyé des lettres et des avis à tous nos députés pour leur expliquer que les médecins voulaient payer leur juste part d’impôt. Pour comprendre de quelle façon les médecins ont pu constituer des sociétés, il faut savoir que cela faisait partie d’une trousse de rémunération afin que notre rémunération soit compétitive. Comparativement à la possibilité que les provinces payent, mais que nous obtenions certains incitatifs fiscaux, la constitution en personne morale nous a permis de payer un peu moins d’impôt pour planifier notre avenir.

Ce qui a été le plus frappant, c’est probablement le fait que c’est quelque chose qui est venu du milieu des finances plutôt que du ministère de la Santé. C’est une conversation qu’il faut avoir, et je crois qu’elle est importante. Je vous remercie beaucoup de vos commentaires et je fais de vous un médecin honoraire aujourd’hui.

Dr Stone : Sénatrice Andreychuk, mes délégués ou moi, en tant que président de notre association, avons parlé au ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse, tout comme d’autres groupes. Le message s’est rendu au premier ministre, M. McNeil. Il l’a mentionné, je crois, dans une entrevue de CBC. Il a dit que cela allait avoir un effet catastrophique sur les soins de santé en Nouvelle-Écosse. M. McNeil a même fait part de ses préoccupations à M. Morneau durant une réunion en personne lorsque ce dernier est venu ici, l’automne dernier.

Le message a été communiqué. Le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse, en tout cas, sait ce qui arrivera. C’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet.

La sénatrice Andreychuk : Vous n’avez pas de contrat avec le gouvernement provincial depuis 2013. C’est exact?

Dre Alexiadis : Non, nous avons un contrat.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez maintenant un contrat. Certaines provinces en sont encore à l’étape des négociations.

Dre Lees : Merci d’entrer dans le vif du sujet, soit le fait que c’est des patients qu’il est question. Si des médecins quittent la province, ils quittent des patients, dont bon nombre n’ont pas de médecin de famille. Les histoires qu’on voit aux actualités au sujet des patients qui ont besoin des médecins et qui n’ont pas accès aux soins de santé qu’ils méritent et auxquels ils ont droit sont très troublantes et désolantes.

Pour ce qui est de communiquer avec la ministre de la Santé, nous l’avons fait. Maritime Resident Doctors l’a fait. Nous avons aussi parlé avec notre ministre provincial de la Santé. Nous essayons. Je crois qu’il est tout à fait juste de décrire l’impact auquel il faut s’attendre en affirmant qu’il sera catastrophique.

Le sénateur Neufeld : Merci à vous trois de vos très bons exposés. Je vous en suis très reconnaissant. C’est similaire à ce qu’on entend partout au pays, de l’Ouest à l’Est. Le gouvernement fédéral devrait commencer à comprendre qu’il y a un problème. Espérons que ce sera le cas. Je l’espère.

Docteure Alexiadis, vous avez parlé du fait que la plupart de vos médecins ont plus de 50 ans et qu’ils envisagent de prendre leur retraite. À quel moment la plupart des médecins prennent-ils leur retraite? J’imagine que c’est toujours un peu différent selon le cas, mais quel est l’âge moyen de la retraite?

Dre Alexiadis : Lorsque j’ai commencé à pratiquer la médecine, je suis allée voir un planificateur financier et je lui ai dit : « Puis-je prendre ma retraite à 55 ans? » Il a ri de moi. Ce n’est pas le bon âge. Nous avons des médecins âgés de 75 ans qui pratiquent encore. Il y a un médecin qui n’est pas constitué en société, un chirurgien, qui joue le rôle d’assistant en chirurgie. Nous aimons ce que nous faisons, mais nous voulons le faire dans un environnement qui nous respecte et qui ne nous est pas hostile lorsque nous travaillons.

Si vous avez un effectif très heureux dans le secteur des soins de santé, et je parle ici des médecins, il travaillera plus longtemps. Si les gens sont malheureux, ils penseront à prendre leur retraite plus rapidement. C’est probablement le meilleur chiffre que je peux vous donner.

La sénatrice Neufeld : Je crois vous avoir entendu dire, docteure Lees, que vous avez rencontré la ministre fédérale de la Santé?

Dre Lees : Pas à l’échelon fédéral, seulement à l’échelon provincial.

Le sénateur Neufeld : Est-ce que l’une de vos organisations a rencontré la ministre fédérale de la Santé? Avez-vous tenté de le faire? La réponse a-t-elle été positive?

Dre Alexiadis : Je suis aussi représentée par l’Association médicale canadienne. Je suis sûre qu’elle a eu ces conversations. L’association parle au nom de tous les médecins du Canada. Je suis sûre que notre président a discuté avec la ministre de la Santé.

Je ne sais pas en détail ce qui s’est produit parce que, actuellement, toutes les décisions sont prises par le milieu des finances. Il est important de rappeler le plus possible qu’il est important que cette question se retrouve à la bonne table.

Le sénateur Neufeld : Je me demande quel genre de rétroaction vous obtenez de la ministre de la Santé. Cette ministre est assise à la même table que le ministre fédéral des Finances. Ce serait intéressant de savoir quel genre de contact il y a eu et quelle a été la réaction de la ministre fédérale de la Santé relativement à ce qui se passe partout au Canada.

Mon autre question concerne vos députés dans la région. Aviez-vous réussi à rencontrer ces députés pour leur faire connaître votre point de vue? Quel genre de réponse avez-vous obtenue de ce côté-là?

Dr Stone : Sénateur Neufeld, je n’ai pas le procès-verbal de la dernière réunion de l’association, mais à notre dernière réunion, nous avons adopté une résolution de contester les changements fiscaux. Je crois qu’une copie de la lettre en question a été envoyée au premier ministre. Elle a été envoyée au ministre des Finances. Elle a peut-être été envoyée à la ministre fédérale de la Santé. Je ne m’en souviens pas actuellement, mais je sais que des copies de ces lettres ont été envoyées à nos députés locaux. En fait, j’ai rencontré le député de Sydney-Victoria, l’honorable Mark Eyking, il m’a écouté, mais, encore une fois, je n’ai pas eu de réponse favorable ou défavorable quant aux changements.

Le sénateur Neufeld : Ils ont tout simplement écouté et ont dit : « C’est parfait, merci, au prochain .»

Dr Stone : Nous avons dit ce que nous avions à dire, monsieur, mais je ne me rappelle pas avoir reçu de courriel en provenance d’Ottawa. Lorsque j’ai communiqué avec M. Eyking, il a pris le temps de me parler malgré son horaire occupé, mais il ne s’est engagé à rien. Il m’a cependant écouté, et je lui en suis reconnaissant.

Le sénateur Neufeld : Parmi les modifications proposées, parce qu’il y en a un certain nombre, quelle modification auriez-vous préféré ne jamais voir proposée?

Dre Lees : Je crois que, pour les jeunes médecins, les changements liés au revenu passif constituent l’une des propositions les plus effrayantes, surtout qu’ils utilisent ces revenus pour financer leurs congés parentaux tout en continuant à payer leurs dettes et à payer les frais généraux durant leur congé parental. Pour nous, c’est un grave problème au chapitre de la planification familiale. Assurément, pour leur retraite, c’est aussi très important. Notre population est un petit peu plus jeune, alors les priorités sont différentes.

Dr Stone : Selon moi, les placements passifs et les revenus d’investissement sont vraiment importants. Il me reste environ 10 ans à travailler. Peut-être plus, peut-être moins, Dieu seul le sait. J’ai deux enfants qui auront bientôt l’âge de fréquenter l’université. Je n’ai pas de REEE et de choses du genre. Je me fiais à ce que la loi me permettait : la capacité de verser des dividendes à mes enfants pour financer leurs études universitaires. C’est une possibilité qu’on me retire maintenant. On est en train de me couper l’herbe sous le pied. Ces deux éléments me toucheront vraiment personnellement.

Dre Alexiadis : Je dis aucun. Je ne veux aucun changement. La raison est simple : cela fait partie de notre programme de rémunération. Si on en retire un ou un autre, quelqu’un sera désavantagé. Au bout du compte, lorsque j’essaie de voir comment garder tous nos médecins ici, comment attirer des médecins ici et m’assurer que la qualité des soins de santé reste optimale, comme elle doit l’être, modifier une de ces choses pourrait avoir un impact.

Par conséquent, selon moi, il faut maintenir le statu quo sur ces trois choses.

Le sénateur Neufeld : Il faudrait garder les choses comme elles sont dans les trois cas. Chers amis, c’est conforme à ce qu’on a entendu à l’échelle du pays. Ces mesures sélectives du système fiscal touchent non seulement les médecins, mais, de façon générale, tout le milieu des petites entreprises des sociétés sous contrôle canadien. Certains sont plus durement touchés que d’autres, mais tout ça aura d’importantes répercussions négatives.

À titre d’information, nous avons accueilli le ministre des Finances durant une réunion du comité similaire à celle-ci. Lorsque nous avons parlé de revenus passifs, le ministre des Finances a dit au comité que le gouvernement reconnaissait le besoin de conserver des fonds dans une société à des fins d’affaires. Je crois que nous pouvons tous être d’accord dans une certaine mesure avec lui, mais il a dit qu’il voulait décourager l’utilisation des sociétés privées comme véhicule d’investissement pour la retraite.

Je trouve incroyable que, lorsqu’une personne a une petite entreprise, son entreprise à elle, elle ne peut pas économiser pour la retraite. À mes yeux, c’est tout à fait inapproprié, comme si quelqu’un du gouvernement disait : « je sais mieux que vous comment dépenser votre argent ». Je vous garantis que le gouvernement ne sait pas comment mieux dépenser votre argent que vous.

Le sénateur Oh : Merci, mesdames et messieurs de nous avoir présenté de merveilleux exposés. D’un bout à l’autre du pays, tous les professionnels de la santé ont communiqué leurs préoccupations.

Vous avez organisé un rassemblement auquel plus de 400 médecins ont participé. Les médecins ont à cœur les changements fiscaux et ont à cœur leurs patients. On voit bien que ces changements fiscaux constitueront un fardeau inutile pour le système de santé canadien. Êtes-vous d’accord avec le fait que les changements influeront sur la relation entre les médecins et les patients?

Croyez-vous aussi que ces changements fiscaux proposés créeront plus d’inégalités de genre? Dans l’affirmative, pouvez-vous préciser quels problèmes seront rencontrés? Pouvez-vous nous les souligner?

Dre Alexiadis : Vous parlez d’inégalités de genre. Vous savez probablement que le nombre de femmes en médecine augmente au point où il y a maintenant quasiment autant d’hommes que de femmes dans les cours de médecine. En tant que femme qui pratique depuis maintenant 28 ans, j’ai vu la situation changer en mieux. Il reste certaines inégalités de genre, mais la situation s’améliore.

Le problème, c’est que plus il y a de femmes médecins... Ce sont là des médecins qui veulent aussi avoir une famille. Ce n’est pas seulement une profession. C’est aussi un mode de vie. Le fait d’être médecin est une partie de notre vie, mais être une mère et planifier du temps pour jouer ce rôle en est un autre.

Les médecins en Nouvelle-Écosse n’obtiennent pas plus de 17 semaines de congé de maternité, ce qui n’est pas beaucoup, surtout maintenant qu’on dit que, dans le reste du Canada, les femmes auront 18 mois. Le fait de compter sur ces sociétés afin de pouvoir y conserver des revenus passifs est très important.

L’autre aspect de la question, qui n’a rien à voir avec l’inégalité de genre concerne aussi les problèmes de santé. J’ai eu, personnellement certains problèmes de santé. Je crois qu’il est mentionné dans notre mémoire, que j’ai eu un cancer du sein. J’ai dû prendre six mois de congé pour obtenir mon traitement. Durant cette période, j’avais quatre employés. J’avais tout un bureau qui devait continuer à fonctionner pendant mon absence. Si je n’avais pas eu la chance d’avoir ces fonds dans ma société, je n’aurais pas pu maintenir cette structure en place. Selon moi, il s’agit d’un récit personnel de la façon dont ces choses changeront.

Durant le rassemblement dont vous avez parlé, les médecins venaient nous voir pour nous raconter leur histoire. Ils étaient malades. Ils avaient eu des incidents vasculaires cérébraux et des crises cardiaques. Une personne qui avait la maladie de Crohn devait obtenir un traitement par intraveineuse un jour par semaine afin de pouvoir retourner traiter ses patients durant le reste de la semaine.

Il y a certaines choses dont bénéficient les employés auxquels nous n’avons pas accès. Nous n’avons pas de régime de soins de santé. Avoir la capacité de maintenir les activités de notre petite entreprise, parce que nous sommes les propriétaires de petites entreprises, la liberté d’avoir une société, c’est quelque chose qui nous aide beaucoup à maintenir notre pratique. Ce n’est pas seulement la question de la retraite. C’est la possibilité d’avoir une vie, d’avoir des enfants, de les envoyer à l’université et de s’en sortir lorsque notre famille est confrontée à de l’adversité.

Par conséquent, il y a aussi un aspect personnel à ces changements fiscaux. Ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est aussi une question de vie.

Dre Lees : Je connais beaucoup de jeunes femmes médecins. Lorsque les propositions de changements fiscaux ont été communiquées, initialement, bon nombre d’entre nous avions l’impression qu’on nous demandait de choisir entre mener notre carrière et avoir une famille. Lorsque nous obtenons notre diplôme, nous avons souvent une dette de plus de 200 000 $. Lorsqu’on commence une carrière et qu’il faut payer ces frais généraux, puis essayer de financer nos propres congés parentaux en même temps… sans les stratégies fiscales actuelles auxquelles nous avons accès, ce sera très difficile, voire impossible, de prendre congé pour avoir une famille. Tout cela soulève actuellement beaucoup de craintes et génère beaucoup d’anxiété.

Le sénateur Oh : Je vais poser rapidement une question. Combien d’heures par jour un médecin travaille-t-il?

Dre Lees : Durant notre résidence, dans le cadre de notre contrat actuel, le plafond est 90 heures par semaine.

Dr Stone : Si vous regardez les mémoires que j’ai fournis, il y a deux ou trois fautes de frappe parce que je l’ai écrit après avoir été sur appel pendant 24 heures.

Le sénateur Oh : Eh bien!

Dr Stone : J’aurais été sur appel pendant 36 heures, mais j’ai annulé le reste de la journée parce que j’étais malade comme un chien. Pour moi, de 60 à 80 heures par semaine est normal. Si je prends congé, des interventions chirurgicales sont annulées, et des patients souffrent.

Dre Alexiadis : Je dirais un minimum de 60 heures, mais, en plus de mon travail clinique, je pratique la médecine familiale. Je travaille aussi auprès des jeunes schizophrènes, alors je travaille dans le domaine de la psychiatrie. Au moins 60 heures.

Puis, il y a tous les documents qu’il faut remplir. Mais j’aime protéger. J’aime la profession, alors je veux défendre ma profession, pour les patients et pour mes collègues. Je travaille beaucoup au sein de comités, ce qui prend aussi du temps.

La sénatrice Cools : J’aimerais remercier les trois médecins de nous avoir présenté ce qui était, selon moi, des témoignages excellents et frappants. Pendant de nombreuses années, j’ai toujours eu un petit faible et une place dans mon cœur pour les médecins. C’est l’histoire de ma vie, d’une certaine façon. J’étais une jeune fille et, pendant mes premières années à l’université, je travaillais dans un laboratoire de biochimie dans un grand hôpital. J’ai vu des médecins courir pour aller sauver des vies.

Un patient arrivait, et on se rendait compte que son appendice s’était rompu. Vous auriez dû voir les médecins courir en poussant la civière. C’est quelque chose que j’ai vu d’innombrables fois. On finit par comprendre les défis auxquels ces gens sont confrontés et les situations avec lesquelles ils composent chaque jour.

Mon opinion personnelle, c’est que la médecine est une vocation, pas seulement une profession. C’est une profession avec un petit plus. J’aimerais formuler une suggestion. Nous devrions prévoir une section spéciale de notre rapport sur les médecins et la situation de la médecine actuelle. Ce serait bien, tant pour notre rapport que pour le pays, si nous pouvions reproduire et présenter le plus possible ce qu’ils ont dit dans notre rapport.

Si le comité accepte, nous devrions aller de l’avant et procéder ainsi. Je crois que c’est quelque chose qu’il faut faire et que c’est nécessaire. Les médecins n’ont pas obtenu la reconnaissance qu’ils méritent au cours des nombreuses dernières années, mais c’est une autre histoire. C’est un rapport. Nous devons présenter au Sénat ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu. Je crois que c’est ainsi qu’on devrait envisager de le faire, si le comité accepte. Merci.

Le président : Merci, madame la sénatrice Cools.

En tant que président, je vais maintenant accorder aux trois médecins 30 secondes chacun pour qu’ils formulent individuellement une recommandation quant à ce qu’ils aimeraient qu’on mentionne dans notre rapport qui sera déposé devant le Sénat du Canada le 15 décembre.

Dre Alexiadis : Ma recommandation principale, c’est de reconnaître la mesure dans laquelle la constitution en société est devenue une composante du programme de rémunération des médecins et qu’une modification à ce chapitre aura un impact sur les soins prodigués aux patients. Tous les médecins qui pratiquent la médecine le font parce qu’ils veulent bien faire les choses et garder leurs patients en santé.

Dr Stone : Sauver une vie, madame la sénatrice Cools, me donne plus de satisfaction que tout l’argent du monde. Malheureusement, lorsque les choses ne vont pas bien, il n’y a aucun montant d’argent qui peut régler les choses.

Puisque vous me demandez ce que je veux, monsieur le sénateur Mockler, ne changez pas les règles du tout. Laissez les choses telles qu’elles sont.

Dre Lees : Bon nombre des expériences les plus profondes et significatives que j’ai eues dans ma vie, et je sais que je suis jeune, ont toutes été avec des patients. Je suis incroyablement reconnaissante d’avoir eu l’occasion d’être médecin.

Je vais être médecin, ici, en Nouvelle-Écosse. Je crains de ne pas pouvoir continuer à l’être parce que ce ne sera plus possible financièrement de le faire. Je demanderais qu’on n’apporte pas ces changements afin qu’on puisse préserver la qualité des soins de santé dans les Maritimes.

Le président : Docteures Alexiadis et Lees et docteur Stone, je vous remercie beaucoup. Vos propos ont assurément été instructifs, enrichissants et même, à mes yeux, éducatifs.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons maintenant accueillir notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons Finn Poschmann, président-directeur général du Conseil économique des provinces de l’Atlantique, le Dr Pierre Schmit, professeur agrégé, Radiologie et Pédiatrie du Centre de soins de santé IWK de l’Université Dalhousie, Don Wolsey, associé de Chartered Professional Accountants, et Suzanne MacNeil, présidente du Halifax-Dartmouth & District Labour Council.

Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup d’avoir accepté notre invitation de venir formuler vos commentaires et vos opinions. Je vous demande de ne pas dépasser les cinq minutes qui vous ont été accordées par la greffière, après quoi, nous passerons aux questions.

N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous voulez ajouter quelque chose avant le dépôt de notre rapport devant le Sénat le 15 décembre.

Monsieur Poschmann, la parole est à vous.

Finn Poschmann, président-directeur général, Conseil économique des provinces de l’Atlantique : Compte tenu du temps, j’élimine d’un trait des phrases et des paragraphes de ma déclaration.

Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m’avoir invité pour parler d’un enjeu extrêmement important pour moi et la région. Je représente le CEPA, un groupe de réflexion indépendant et un organisme de bienfaisance. Je ne parle au nom d’aucun gouvernement et je ne représente pas nécessairement les points de vue de mon conseil d’administration, ce dont ils seront peut-être très reconnaissants.

Nous discutons ici des changements proposés à l’imposition des sociétés privées. Ces changements ont été proposés par le gouvernement actuel en juillet 2017. Puisque les propositions ont été révisées de façon importante, je limiterai mes commentaires à la version des changements proposés à laquelle on peut s’attendre actuellement.

Au départ, on avait une bonne raison de proposer les changements. Après des décennies de réduction du taux général d’imposition des sociétés, ce à quoi se sont ajoutées, selon moi, certaines réductions inutiles du taux d’imposition des petites entreprises par le gouvernement fédéral et les provinces, il y a un écart énorme entre les taux d’imposition du revenu que les petites entreprises conservent au sein de leur société et les taux d’imposition du revenu d’emploi qui s’appliquent à la plupart des autres personnes.

Cet écart a motivé beaucoup de planification fiscale, ce qui est parfait pour les gens visés, y compris les fiscalistes, les comptables fiscalistes, les avocats et bon nombre de mes amis, sans donner grand-chose au reste de l’économie.

La planification fiscale n’est pas une activité sociale terriblement utile. Dans ce contexte, on peut se demander pourquoi une hypothétique Dre Alpha, qui s’est constitué une société, obtient un traitement fiscal vraiment meilleur que celui de son voisin, le Dr Bravo, qui a une pratique identique non constituée en personne morale. Bien sûr, le Dr Bravo pourrait se constituer en société, mais cette situation devrait nous pousser à réfléchir au but de la constitution, à la façon dont on l’a conçue.

Peu importe les bonnes raisons d’apporter des changements, il y avait de grandes lacunes dans l’approche du gouvernement, comme le donne à penser l’explosion d’indignation dont le comité a été abondamment témoin, ici. Parmi les lacunes, selon moi, il y avait cet appel émotif à l’équité fiscale drapé dans les intérêts de la classe moyenne. Selon moi, cela ressemble à une vilaine lutte des classes.

L’équité est une caractéristique souhaitable d’un système fiscal, mais c’est aussi quelque chose de très difficile à définir. La mise à jour financière d’octobre du ministère des Finances a parlé d’équité et de justice des dizaines de fois, mais le fait de répéter un mot ne le rend pas plus lourd de sens et ne renforce pas la justification d’une proposition donnée. L’annonce était intitulée « Redoubler d’efforts afin de réaliser des progrès pour la classe moyenne ». Non seulement les définitions de classe moyenne et de progrès changent constamment, mais ce ne sont pas toutes les mesures fiscales qui doivent être présentées comme étant progressistes.

Les détails des propositions sont tels qu’ils étaient et tels qu’ils sont. Les principaux éléments sont les mesures contre le fractionnement du revenu et les mesures qui visent les investissements passifs gagnés au sein d’une société. Ces éléments sont encore sur la table.

Le gouvernement s’est opposé au fractionnement du revenu entre les membres de la famille qui avaient peu de liens directs ou raisonnables avec les activités d’une entreprise parce qu’on divise le revenu précisément pour réduire le fardeau fiscal de la famille et pour aucune autre raison d’affaires. Parmi les problèmes évidents liés à l’utilisation du mot raisonnable, c’est la vague de litiges qui suivra inévitablement pour tenter de définir cette notion. Les responsables des Finances ont depuis tenté de préciser ce terme en ajoutant le mot « notable », mais il faudra tout de même une loi et une réglementation détaillée pour déterminer exactement ce que cela signifie. Il est ici question du fractionnement du revenu.

Les propositions initiales visaient aussi le revenu passif gagné et conservé dans les sociétés. Pour certains propriétaires d’entreprises, des investissements passifs constituent leur régime d’épargne-retraite ou leur filet de sécurité en cas de congé de maladie à long terme, comme on vient de l’entendre de Doctors Nova Scotia et d’autres témoins. Pour eux, une comparaison appropriée serait avec un régime enregistré d’épargne ou un compte d’épargne libre d’impôts, puisque, dans ces cas-là, le taux d’imposition effectif est similaire. Pour beaucoup de propriétaires d’entreprises, un RER ou un REER ne sont pas une bonne option. Leur revenu gagné n’est peut-être pas suffisant pour leur assurer des droits de cotisation suffisants. Les fonds peuvent devenir nécessaires au sein de l’entreprise pour composer avec un ralentissement du marché ou financer de nouvelles occasions. Un REER n’est pas bon dans ce cas-là.

Ce que cela souligne, c’est qu’il aurait été préférable d’inclure les propositions de réforme dans un examen plus général du système fiscal et qu’on pourrait encore procéder ainsi. Évidemment, les salariés ne peuvent pas générer des économies aussi facilement ou dans la même mesure que les propriétaires d’entreprises. Nous devrions peut-être réfléchir à la façon dont on impose les économies des salariés.

Pourquoi limitons-nous les droits de cotisation dans les RER à 18 p. 100 du revenu gagné et pas un autre pourcentage? Pourquoi impose-t-on même une exigence en matière de revenus gagnés à tous les RER? Ce n’est pas quelque chose qu’on fait pour les comptes d’épargne libres d’impôts, les CELI. Pourquoi n’a-t-on pas une limite de cotisations à vie simple et généreuse qui ne serait limitative que pour un petit nombre? Lorsque nous retirons des fonds d’un RER, pourquoi ne récupérons-nous pas les droits de cotisation connexes comme c’est le cas pour les CELI?

Dans un système libéral, les salariés seraient davantage sur un pied d’égalité avec les personnes qui ont des entreprises, et les propriétaires d’entreprises auraient d’autres solutions de rechange plausibles pour économiser passivement au sein de leur société.

Pour l’instant, il y a une limite de 50 000 $ aux revenus d’investissement passif avant une imposition supplémentaire. C’est un montant qui me semble un peu bas. Sans un examen plus général, nous nous retrouvons dans une situation bizarre et improvisée. Comme je l’ai dit au début, et conformément aux objectifs du gouvernement, il y avait un écart important entre les taux d’imposition des petites entreprises et des particuliers. Pour l’instant, notre solution actuelle, c’est d’élargir cet écart, alors, il est évident qu’il faut revoir tout ça plus en profondeur.

Le dernier examen — du système d’impôt sur le revenu des entreprises —, remonte à 1997-1998. Il y a eu d’importants changements en matière d’imposition fédérale des particuliers, en plus de la création des CELI. Ces changements remontent aux années 1980 et 1990 et même avant. Je crois qu’on pourrait encore adopter un point de vue à long terme. Un examen approprié pourrait être réalisé. Nous pourrions réfléchir de façon plus globale et plus minutieuse à la structure d’imposition et aux dépenses afin d’adopter une approche mesurée dans le cadre de la réforme.

Cela dit, monsieur le président, je crois que mon temps est écoulé. Merci.

Le président : Merci, Monsieur Poschmann.

Docteur Schmit, s’il vous plaît.

[Français]

Dr Pierre Schmit, professeur agrégé, Radiologie et Pédiatrie, Université Dalhousie — Centre de soins de santé IWK, à titre personnel : Bonjour. Je voudrais tout d’abord vous remercier de m’avoir accordé cette audience sur les propositions de réforme fiscale du présent gouvernement sur les corporations personnelles et les investissements passifs faits à travers elles. Mon nom est Pierre Schmit, je suis médecin radiologue, originaire de France et arrivé au Canada il y a un peu plus de 10 ans, et je suis citoyen canadien. Je ne représente que moi, mais je suis sûr que bon nombre de mes remarques auraient pu être présentées par n’importe lequel de mes collègues.

Il a été dit à de nombreuses reprises que la durée de la consultation était extrêmement courte, juste 75 jours, pour évaluer des modifications qui auront un impact assez important sur les « petites entreprises », leurs propriétaires et le tissu socioéconomique de notre province et de notre pays.

La première réaction que j’ai eue a été à propos de la rhétorique employée, et a été dirigée vers ceux qui l’employaient. Les mots les plus importants étaient « fairness », « loopholes », « tax cheats » et « income sprinkling ».

[Traduction]

« Fairness », l’équité, renvoie à une condition exempte de biais ou d’injustice, et « loophole », échappatoire, renvoie à une occasion de contourner la loi—

[Français]

— avec une connotation extrêmement négative. La dualité linguistique canadienne m’impose de faire référence aux mots prononcés dans leur langue d’origine.

Cette consultation a cependant mis au jour le fait que le ministre Morneau n’a aucune intention d’être juste, car, d’un côté, sa réforme ne touche pas le système des « stock options » dont il peut bénéficier ainsi que ses amis personnels et sa famille. De l’autre côté, cette réforme ne permet pas aux médecins de bénéficier de couverture en cas de chômage, de couverture salariale en cas de maladie, d’un congé de maternité, ni du Régime de pensions du Canada qu’en payant le double de tout autre contributeur.

Le ministre a su très bien utiliser les échappatoires en ce qui a trait aux actions de Morneau Shepell, dont il a conservé le contrôle par une société tampon — même si cela aurait été fait avec l’accord de la commissaire à l’éthique de la Chambre des communes — société qui, par ailleurs, n’était pas enregistrée en Ontario pour éviter une taxation trop importante.

En outre, il a quelque part « oublié » de déclarer une société civile immobilière, grâce à laquelle il est propriétaire d’une villa à Oppède-le-Vieux, dans le Lubéron. Cet oubli ne lui aura coûté que 200 $. Or, 200 $, quand on considère le prix moyen des propriétés foncières dans le Lubéron, c’est une pénalité beaucoup plus légère qu’une tape sur les doigts. Même si l’oubli a pu être fait de bonne foi; je ne sais si cela fait du ministre un fraudeur fiscal.

Enfin, il a parfaitement compris le concept du « income sprinkling » puisque la société de droit Morneau Shepell verse 100 000 $ par an au père de Bill Morneau, le fondateur de la société, à titre de membre honoraire du conseil d’administration. Il a une conception élastique de ce que constitue un conflit d’intérêts quand il affirme qu’il n’y a pas de conflit, alors que l’on sait que la société Morneau Shepell propose des produits d’assurance retraite, des régimes de retraite individuels qui devraient constituer une alternative valide aux investissements passifs qui sont faits dans corporations individuelles.

Il s’agit très certainement d’attaques ad hominem, identiques à celles que j’ai endurées en me faisant traiter comme tant d’autres de fraudeur fiscal, alors que je n’ai fait que suivre les conseils de mon comptable et de mon avocat, qui n’étaient en rien illégaux.

De tous les impacts que ces changements fiscaux pourront avoir, j’en distingue deux principaux. Le premier est la perte de confiance des entrepreneurs envers les systèmes législatif et exécutif du Canada. En effet, cette réforme fiscale est de par sa nature rétroactive, ce qui est le défaut le plus important et qui vide de tout sens le concept de planification en vue de la retraite. J’ai décidé de m’incorporer il y a près de 10 ans, et cette décision était fondée sur la nécessité de m’assurer une retraite décente. Cela a été le cas aussi pour des fermiers, des restaurateurs, de petits commerçants, et j’en passe. Cette possibilité de s’incorporer avait été accordée aux médecins à titre de compensation, même si cela n’avait pas été dit en ces termes, en raison de la non-augmentation des tarifs des services médicaux.

Du jour au lendemain, si cette réforme fiscale est adoptée, les économies que j’ai mises de côté pour la retraite vont se volatiliser et, une fois cette loi sanctionnée, rien n’empêchera le gouvernement, celui-ci ou un autre, de la modifier encore. C’est pour cette raison que la limite annuelle de 50 000 $ pour les revenus dégagés par les investissements passifs que le gouvernement vient de sortir de son chapeau ne constitue en aucun cas une protection.

Le deuxième impact est une fuite vraisemblable des cerveaux vers d’autres pays plus souples ou plus compréhensifs à l’égard des petits entrepreneurs. Les fermiers sont attachés à la terre qu’ils travaillent, un restaurateur à son restaurant. En tant que médecin, je serais aujourd’hui un jeune diplômé canadien que je n’hésiterais pas. Durant ma formation, j’aurais passé les examens canadiens et américains, et je n’hésiterais pas. De façon plus perverse encore, il est très vraisemblable que l’attractivité des provinces de l’Atlantique diminue pour les médecins et dentistes canadiens, mais aussi pour les gens d’affaires et les immigrants investisseurs. Il en résultera une décroissance importante du nombre de petites et moyennes entreprises et une désertification « médicale » accrue. Il sera de plus en plus difficile aux habitants des Maritimes d’avoir accès aux soins de santé, et ce, alors même que la démographie nous indique qu’il s’agit là des provinces les plus vieillissantes et donc de celles qui ont le plus besoin de revenus fiscaux provenant des PME et de soins de santé.

On voit donc que les conséquences à long terme de cette réforme fiscale n’ont en aucun cas été étudiées et dépassent de beaucoup une vision à court terme qui ne va pas plus loin que les deux prochaines années, années pour lesquelles nous ne sommes même pas assurés de l’équilibre budgétaire. Cela a été illustré lors d’une récente présentation du ministre Morneau devant la commission fiscale de la Chambre des communes.

Encore une fois, je vous remercie de votre temps et de votre écoute attentive. Je serai ravi de répondre à vos questions si vous en avez.

Je vous prie de m’excuser si les titres des individus ou des comités cités ne l’ont pas été de façon protocolaire, comme ils auraient dû l’être. Mon intention n’était en aucun cas de manquer de respect à ces individus ou à ces comités.

Le président : Merci beaucoup, docteur Schmit.

[Traduction]

Monsieur Wolsey, vous avez la parole.

Don Wolsey, associé, Flaim Wolsey Hall, Chartered Professional Accountants : Merci beaucoup de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui des propositions de changements fiscaux visant les sociétés privées.

Je m’appelle Don Wolsey, et je suis accompagné aujourd’hui de mes associés, Don Flaim et David Hall, qui sont assis derrière moi. Ensemble, nous exploitons la firme Flaim Wolsey Hall, Chartered Professional Accountants.

Notre clientèle inclut beaucoup de sociétés privées. Nous répondons à leurs besoins en matière de comptabilité et de planification fiscale. Nous avons des clients dans de nombreux secteurs, mais les médecins représentent 70 p. 100 de notre clientèle générale.

Les changements proposés visent à créer de l’emploi, à assurer la croissance de l’économie et à renforcer les collectivités. Nous voulons concentrer nos remarques aujourd’hui sur l’aspect communautaire des changements fiscaux, et particulièrement sur le système de soins de santé. Selon nous, les conversations que nous avons eues avec plus de 400 de nos médecins clients à l’échelle du Canada atlantique nous permettent d’offrir au comité une vision des répercussions négatives qu’auront les changements fiscaux pour les systèmes de soins de santé dans les provinces atlantiques.

Un rapport publié récemment par Statistique Canada montre qu’il y a maintenant plus de 5,9 millions d’aînés au Canada, mais, comparativement à d’autres régions du pays, un plus grand pourcentage de cette tranche de la population se trouve au Canada atlantique. À mesure que la population vieillit, des pressions accrues seront exercées sur le système de santé et les médecins, qui sont essentiels à son fonctionnement.

Les systèmes de soins de santé au Canada atlantique sont déjà surchargés par la demande accrue découlant du vieillissement de la population et le fait que les médecins eux-mêmes vieillissent, bon nombre d’entre eux ayant prévu prendre leur retraite au cours des 10 prochaines années.

Cette situation est accentuée par les changements fiscaux qui réduisent la capacité des provinces atlantiques d’attirer et de maintenir sur place des médecins. On peut facilement envisager que le système sera débordé en conséquence.

Le cadre de rémunération des médecins a évolué pendant de nombreuses années, compte tenu des règles fiscales actuelles qui permettent le partage du revenu et des économies à long terme à l’aide des structures d’entreprise. Les règles fiscales sont un élément clé du système de rémunération actuel de la plupart des médecins. Le fait de changer abruptement ces règles aura une incidence sur les médecins à toutes les étapes de leur carrière, des étudiants qui envisagent une carrière en médecine aux médecins à la retraite. Même si la plupart des étudiants envisagent une carrière en médecine parce qu’ils veulent aider les patients, beaucoup devront réfléchir à l’abordabilité de cette carrière.

A-t-on réfléchi au nombre de personnes qui seront rebutées à la perspective d’avoir à rembourser une dette étudiante moyenne de 200 000 à 250 000 $ grâce au revenu moyen d’un médecin de famille qui est de 180 000 $? Pour ceux qui terminent actuellement leurs études et commencent leur carrière, où choisiront-ils d’établir leur pratique? Ce sera probablement dans un endroit qui leur permettra de rembourser leur dette, de fonder une famille et de commencer à économiser pour l’avenir. Ces objectifs sont fonction des liquidités après impôt des médecins et pourraient en pousser certains à déménager dans une autre administration afin d’atteindre ces objectifs.

Pour les 75 p. 100 de médecins qui se sont constitués en société et qui utilisent leurs structures d’entreprise comme prévu, bon nombre réévalueront leurs pratiques et y apporteront des changements pour composer avec la diminution potentielle de 10 à 15 p. 100 du revenu de leur ménage après impôt. Cette situation est particulièrement inquiétante dans le Canada atlantique, où les médecins comptent parmi les moins rémunérés et les plus imposés du pays.

Les médecins à la retraite qui ont respecté toutes les règles en économisant pour leur retraite au moyen de leur société et qui envisagent de pouvoir répartir leurs revenus avec leur épouse se retrouvent dans une situation distinctement désavantagée comparativement aux autres retraités qui peuvent fractionner le revenu de leur RER et de leur FEER et qui bénéficient de paiements de pension.

Puisque les règles ont changé après coup pour ces retraités, ils ne peuvent pas planifier adéquatement leur avenir et pourraient se trouver à court d’argent durant leur retraite.

En septembre, nous étions tellement préoccupés par les conversations que nous avions avec nos clients, au sujet des répercussions sur le système de santé, que nous avons réalisé un sondage auprès des médecins. Ce sondage visait à déterminer les points de vue des médecins sur les changements fiscaux proposés et les conséquences imprévues. Nous avons sondé 1 450 médecins partout au Canada. Les réponses de ce groupe sont en orange, et il y avait dans le lot 277 médecins du Canada atlantique, dont les réponses sont en bleu. Comme on peut le voir à la page 4 du sondage, des médecins de partout au pays sont susceptibles de réévaluer leur pratique ou même d’envisager un déménagement dans d’autres administrations.

Même si les résultats du sondage sont évocateurs, j’aimerais fournir d’autres exemples de ma propre pratique. Avant l’année dernière, aucun de nos clients médecins n’avait jamais émigré du Canada vers un autre pays. Cependant, au cours des 12 derniers mois, nous avons eu trois clients qui ont quitté le Canada. Depuis l’annonce du 18 juillet, nous avons beaucoup parlé avec nos clients du déménagement dans d’autres administrations ou de la rémunération plus élevée et les taux d’imposition plus bas.

Nous sommes encore au tout début du processus, mais cinq autres médecins clients de notre entreprise ont confirmé qu’ils allaient émigrer du Canada et huit autres déménagent dans des provinces à l’extérieur du Canada atlantique. Ce sont ceux dont nous avons été mis au courant. Il y en a probablement d’autres.

Récemment, j’ai parlé avec un anesthésiologiste qui vit dans une région rurale du Canada atlantique. Ce médecin a une femme et deux jeunes enfants, et pour eux, les réformes fiscales proposées sont la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Même s’il regrette de devoir quitter ses parents et sa ville natale, il dit qu’il pourra gagner davantage en travaillant moins aux États-Unis.

Les résultats du sondage, conjointement avec notre expérience personnelle, dressent un portrait clair. L’exode des médecins du Canada atlantique est inévitable. Leur départ va exacerber la pénurie de médecins, allonger les temps d’attente et avoir des conséquences néfastes sur la santé des patients dans le Canada atlantique.

Les réformes proposées actuellement modifieraient le droit fiscal canadien de la façon la plus importante depuis les 45 dernières années. Il ne s’agit pas d’ajustements mineurs. C’est tout bonnement impossible, en une période de consultation de 75 jours, d’examiner les vastes répercussions que cela pourrait avoir sur l’économie et le système de santé.

Étant donné l’ampleur de ces modifications, le gouvernement devrait faire marche arrière quant à ces mesures fiscales et entreprendre un examen exhaustif et approfondi du régime fiscal avec l’ensemble des intervenants afin de veiller à ce que les réformes du régime fiscal servent à atteindre les objectifs établis et n’entraînent pas de conséquences malencontreuses.

Si le gouvernement décide d’aller de l’avant avec les mesures fiscales proposées, il va falloir déployer davantage d’efforts afin d’atténuer les nombreuses préoccupations dont on a fait fi dans les annonces de la semaine du 16 octobre.

Vous trouverez, à la fin de notre mémoire, cinq recommandations. Nous sommes d’avis que ces modifications, dès que le gouvernement fédéral aura décidé de les adopter, contribueront énormément à rendre les réformes proposées réalisables et équitables pour l’ensemble des Canadiens. Malgré tout, notre position est que ces réformes fragmentaires ne font qu’alourdir la complexité de la Loi de l’impôt sur le revenu. Selon nous, il est temps de remplacer notre vieux tacot par une voiture neuve, au lieu de constamment changer des pièces.

Donc, c’est notre avis ferme que toutes les mesures proposées devraient être retirées, le temps qu’un examen exhaustif et approfondi puisse avoir lieu. Nous répondrons maintenant à toutes vos questions avec plaisir.

Le président : Merci.

Pour le compte rendu, madame MacNeil, est-ce exact que vous représentez le Halifax-Dartmouth & District Labour Council et que vous êtes membre du Congrès du travail du Canada?

Suzanne MacNeil, présidente, Halifax-Dartmouth & District Labour Council : C’est exact. Comme vous dites, je suis ici en tant que présidente du Halifax-Dartmouth & District Labour Council. Nous avons adopté la position unanime des syndicats canadiens représentés par notre homologue fédéral, le Congrès du travail du Canada.

Ici à Halifax, notre conseil du travail représente environ 24 000 travailleurs syndiqués dans à peu près tous les secteurs économiques. Nous avons des membres d’un bout à l’autre du spectre du revenu; certains gagnent à peine plus que le salaire minimum, tandis que d’autres gagnent un salaire supérieur.

Nous sommes solidaires des 3,5 millions de travailleurs d’un bout à l’autre du pays et dans l’ensemble des collectivités qui soutiennent une partie des réformes stratégiques proposées par le gouvernement.

Quand nous parlons de la prestation de services essentiels dont l’ensemble des Canadiens ont besoin, comme la sécurité physique, la salubrité alimentaire, les soins de santé, l’éducation, les secours en cas de catastrophe et j’en passe, les Canadiens s’attendent à ce que tout le monde paie sa juste part. Afin de préserver les capacités financières et le soutien politique nécessaires pour financer ces services, il est d’une importance critique que le régime fiscal repose sur l’équité, c’est-à-dire que le régime fiscal doit prendre en considération que tous n’ont pas les mêmes moyens pour ce qui est de payer de l’impôt. Il faut que le régime cherche à réduire les inégalités dans notre pays, et non à les exacerber en récompensant de façon disproportionnée les mieux nantis. Il faut également éviter que le système soit indûment compliqué ou truffé d’échappatoires qui permettraient aux contribuables les plus riches de profiter des règles fiscales au détriment du public.

Pour reprendre ce que le ministère des Finances a écrit, l’élimination d’échappatoires fiscales, la lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, et le maintien de l’équité fiscale sont essentiels pour que le gouvernement puisse continuer de jouer son rôle dans le financement des soins de santé, du logement, des allocations pour les enfants, de la Garde côtière et d’autres services et programmes essentiels sur lesquels comptent les Canadiens.

Depuis l’an 2000, les modifications fiscales au Canada ont grandement favorisé les sociétés privées, les petites entreprises, les contribuables les plus riches et les mieux nantis. Depuis l’an 2000, le gouvernement fédéral a réduit de moitié le taux d’imposition du revenu des sociétés, soit de 29,12 p. 100 à 15 p. 100 aujourd’hui. Les gouvernements provinciaux et territoriaux lui ont emboîté le pas en réduisant également leur taux d’imposition du revenu des sociétés. Par conséquent, le taux d’imposition du revenu des sociétés au Canada se classe avant-dernier parmi les pays du G7, 12,2 points de pourcentage derrière le taux officiel aux États-Unis.

Le gouvernement fédéral a aussi réduit le taux d’imposition des petites entreprises. Il est passé de 13,12 p. 100 en 2000, à 10,5 p. 100 en 2016. Le revenu correspondant au taux d’imposition des petites entreprises le plus faible a également été augmenté. En 2003, il était de 200 000 $, en comparaison de 500 000 $ aujourd’hui. L’exonération cumulative des gains en capital a aussi été augmentée et indexée en fonction de l’inflation. Les provinces et les territoires ont également réduit leur taux d’imposition des petites entreprises en même temps que le gouvernement fédéral.

La théorie prédisait qu’un taux d’imposition faible permettrait aux sociétés de conserver une plus grande part des gains, lesquels pourraient ensuite être réinvestis afin de favoriser leur croissance et la création d’emplois. Un impôt des sociétés bas encourage les entreprises à faire de nouveaux investissements en capital, comme des machines plus efficaces ou des technologies plus efficientes qui permettent aux travailleurs d’être très productifs. De fil en aiguille, cela stimule l’économie, crée des emplois et fait bondir les salaires. En théorie, du moins.

La réalité est tout autre : la croissance économique au cours des 10 dernières années a été léthargique. L’un des principaux facteurs a été que les entreprises ont peu investi pendant toute cette période, même à l’extérieur du secteur pétrolier et gazier. Le taux d’emploi peine à se redresser, et les salaires stagnent. La productivité du travail est d’une faiblesse sans précédent, et la croissance au Canada a atteint un creux abyssal.

À tous les égards, la diminution du taux d’imposition du revenu des sociétés n’a rempli aucun des objectifs donnés en matière d’avantages économiques ou de croissance économique. Parallèlement, la part des recettes provenant des impôts fédéraux contribuant au PIB est à son plus bas depuis les 50 dernières années.

Depuis l’an 2000, les dépenses fédérales pour les programmes et les services dans l’économie du Canada sont passées sous les valeurs historiques, s’établissait à 13,2 p. 100 du PIB en comparaison de 16,4 p. 100 au cours des 35 dernières années.

Le mouvement syndical tient à souligner sa reconnaissance au gouvernement fédéral des mesures positives qu’il a prises afin d’améliorer l’équité dans le régime fiscal et de réduire les avantages déloyaux auxquels certaines personnes ont accès. Le gouvernement fédéral a ajouté une nouvelle fourchette d’imposition supérieure équivalant à 33 p. 100 pour les revenus de plus de 200 000 $. Il a également supprimé un certain nombre d’échappatoires et renforcé la capacité de l’Agence du revenu du Canada en matière de lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal par les mieux nantis et les contribuables les plus riches qui utilisent des paradis fiscaux à l’étranger. Le gouvernement s’est engagé, dans le budget 2016, à examiner les dépenses fiscales de plus en plus complexes qui favorisent de façon disproportionnée, à hauteur de 90 p. 100 sinon plus, les riches contribuables.

Avec le budget 2017, le gouvernement a prévu de se pencher sur les propriétaires de sociétés privées canadiennes qui font de la planification fiscale, parce que cela peut favoriser — et favorise effectivement — de façon inéquitable les mieux nantis. Cette mesure contribuera grandement à réduire l’inégalité des revenus ainsi que l’inégalité de genre, puisque les contribuables les plus riches sont plus susceptibles d’être des hommes. Le mouvement syndical a également quelques autres mesures à recommander, mais puisqu’elles figurent toutes dans le document, je vais conclure ici.

Le président : Les documents que les témoins et vous, madame MacNeil, avez présentés ont été inscrits comme documents officiels du comité.

La sénatrice Eaton : La plupart des gens qui sont venus témoigner, dans l’Ouest et pendant les 12 heures de séance que nous avons tenues à Ottawa, considèrent faire partie de la classe moyenne. Ce sont des petits entrepreneurs, des médecins, des agriculteurs, et cetera.

Monsieur Poschmann, quelque chose a retenu mon attention pendant votre exposé : ce que vous avez dit à propos du gouffre béant qui s’est creusé entre le taux d’imposition sur le revenu des petites entreprises détenu dans une société et le taux d’imposition sur le revenu d’emploi de la plupart des travailleurs. Vous n’avez rien dit au sujet du fait que la plupart des employés, les gens du mouvement syndical et, en particulier, les fonctionnaires ont des avantages assurés. Qu’on parle de congé de maternité, des prestations de retraite ou des prestations de maladie, les avantages sont assurés.

La plupart des personnes à faible revenu ou des gens de la classe moyenne qui sont travailleurs autonomes n’ont pas accès à ces avantages en plus de devoir assumer des risques. Vous avez passé cela sous silence dans votre exposé.

Vous avez reconnu, dans votre exposé, que pour certains entrepreneurs, les placements passifs sont une forme de régime d’épargne-retraite, de prestations en cas de soins de longue durée, de congé ou de maladie. Dans leur situation, la comparaison la plus appropriée est d’accumuler de l’argent dans un régime enregistré d’épargne. Si les revenus baissent ou que la personne tombe malade, elle ne pourrait pas retirer l’argent, nous le savons. Elle ne pourrait pas retirer l’argent sans payer de pénalité.

Madame MacNeil, je voulais qu’on discute du paragraphe où vous dites que la croissance du taux d’emploi a été léthargique, que le taux d’emploi peine à se redresser, que les salaires stagnent, que la productivité du travail est d’une faiblesse sans précédent au Canada, un creux abyssal, et que le taux d’imposition sur le revenu des sociétés a échoué, à tous les égards, de remplir les objectifs en matière de gains économiques et d’emplois.

Je crois que cela est un sujet de préoccupation pour nous tous, tous partis confondus. Monsieur Poschmann, madame MacNeil, que recommanderiez-vous pour stimuler la croissance? Selon vous, comment le gouvernement au pouvoir pourrait-il stimuler la croissance, accroître la productivité, créer davantage d’emplois, encourager les Canadiens à tirer parti de l’Accord économique et commercial global et du Partenariat transpacifique, si nous avons la chance d’en faire partie, et dissuader les médecins de fuir chez nos voisins du Sud?

Puisque vous semblez tous deux approuver les réformes fiscales, j’aimerais connaître votre opinion sur le sujet.

M. Poschmann : On dirait que je n’ai pas tout à fait exprimé convenablement ma pensée. Du moins, j’en ai l’impression, car même si je suis en accord avec une partie de l’intention qui sous-tend les modifications, je ne crois pas que les réformes proposées conviennent.

Je trouve qu’il est très important d’avoir des façons d’atténuer les risques. C’est pourquoi, par exemple, dans les économies occidentales, nous avons des sociétés à responsabilité limitée. Au Canada et dans les provinces, la déduction accordée aux petites entreprises leur permet de réduire considérablement leur taux d’imposition. C’est une bonne chose. Le problème, c’est que l’écart entre le taux d’imposition des petites entreprises relativement au revenu conservé au sein de la société et le plus haut taux d’imposition marginal du revenu personnel au Canada, dans un bon nombre de provinces, a eu pour effet de pousser les gens à faire de la planification fiscale qui est peu rentable pour le Canada.

Il y a des façons de régler ce problème, et une partie de la solution pourrait être de réduire l’écart entre ces deux taux. Le fait est que nous voulons, bien sûr, que le risque soit pris en considération et souhaitons encourager la croissance, parce que fonder une petite entreprise représente un travail difficile et acharné. Dans ce cas, c’est approprié de jouir d’un taux préférentiel et d’une déduction.

Au sujet de certains enjeux soulevés par le groupe de témoins précédent, je trouve pertinent que l’une des choses que le gouvernement fédéral a entreprises au début de 2016 a été de majorer le plus haut taux d’imposition fédérale de quatre points de pourcentage. Parallèlement, les taux marginaux d’imposition supérieure dans les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Ontario sont très élevés. Cela va bien sûr avoir une incidence sur les professionnels de la santé et, comme M. Wolsey l’a mentionné, influencer dans quel pays ils veulent vivre. Les différents taux d’imposition provinciaux vont aussi, à la limite, avoir un impact sur la province dans laquelle ils souhaitent travailler.

Les modifications proposées n’améliorent en rien la situation, même s’il y a une justification sous-jacente. Comment pouvons-nous régler le problème et est-ce que les modifications proposées aujourd’hui conviennent? Ce sont deux questions différentes. Selon moi, le gouvernement fédéral fait fausse route.

Mme MacNeil : C’est une question très vaste, et honnêtement, cela touche un si grand nombre de domaines stratégiques qu’il nous faudrait énormément de temps pour faire le tour de la question, mais je peux quand même lancer quelques idées.

Je vous conseillerais vivement de vous intéresser aux régions administratives qui ont mis en œuvre des politiques sur le salaire vital, par exemple les municipalités et les provinces qui sont prêtes à instaurer le salaire minimum de 15 $ et, à l’échelon fédéral, le salaire minimum pour les industries sous réglementaire fédérale.

La sénatrice Eaton : Quel rapport cela a-t-il avec les petites entreprises privées?

Mme MacNeil : J’y viens. Pour stimuler la croissance, augmenter la productivité et créer des emplois, il semble que le cycle vertueux est lancé lorsque nous donnons de l’argent aux personnes à faible revenu. Ce sont les gens qui vont acheter des services ou des biens dans leur collectivité. Je vous recommande fortement de jeter un coup d’œil à ce qu’a fait la Better Way Alliance en Ontario. Il s’agit d’une coalition de petits entrepreneurs qui se sont prononcés en faveur de modifications qui laisseraient davantage d’argent dans les poches des travailleurs.

En ce qui concerne les petits entrepreneurs — et cela s’applique particulièrement à certains des médecins qui ont présenté un exposé aujourd’hui —, je recommanderais fortement d’étudier la façon dont nous finançons la formation obligatoire des médecins. Je recommanderais au plus haut point d’étudier différentes solutions stratégiques autres que d’ordre fiscal. J’admets qu’une partie des problèmes qui ont été évoqués sont réels, mais on ne devrait pas chercher à les régler au détriment d’un régime fiscal progressif.

La sénatrice Eaton : Malheureusement, c’est du régime fiscal dont il est question aujourd’hui. Nous ne sommes pas ici pour discuter du salaire minimum ni du revenu garanti. Notre étude porte non pas sur le coût des études, mais sur les propositions visant à éliminer les échappatoires relativement à l’impôt sur le revenu.

Comme vous semblez vous y opposer, que proposeriez-vous pour nous permettre de croître, de prospérer et de créer des emplois tout en conservant ces échappatoires fiscales?

Mme MacNeil : Oui, mais je soutiens que nous devons cesser de croire que le régime fiscal offre la panacée politique qui réglerait les problèmes que j’ai mentionnés.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le président : Monsieur Wolsey, docteur Schmit, avez-vous des commentaires à faire par rapport à la question de la sénatrice Eaton?

Dr Schmit : En ce qui concerne la formation des médecins, nous sommes obligés, en tant que médecins, de poursuivre notre formation en y consacrant un certain nombre d’heures par année. C’est obligatoire, et nous payons cela de notre poche. Nous payons doublement, parce que nous ne travaillons pas pendant ce moment-là. Donc, nous perdons du revenu et nous devons payer pour la formation. C’est la même chose chaque année, et il n’y a pas d’autres solutions ou d’échappatoires qui s’offrent à nous.

C’est un problème qui n’a pas de fin et qui nous touche de façon très personnelle.

La sénatrice Andreychuk : Je ne veux pas poser mes questions au Dr Schmit ni à M. Wolsey, car il me semble que vos positions sont claires. Je vais toutefois continuer de les lire, mais il semble que vos mémoires concordent effectivement avec ce que les médecins et les petits entrepreneurs dans d’autres régions nous ont dit.

Certaines personnes ont demandé pourquoi le comité a décidé de se déplacer, et nous leur avons répondu que toutes les régions du Canada semblent avoir une position similaire. C’est très loin d’être anodin. Peu importe où vous pratiquez la médecine, vous avez les mêmes compétences; c’est le contexte qui change. Ce sont les attentes et les problèmes qui diffèrent.

Je viens de la Saskatchewan, alors je sais quels sont nos problèmes dans le domaine médical, dans les régions rurales, dans les collectivités autochtones et les collectivités du Nord. Nous affichons le plus haut taux de VIH actuellement. Cela a un impact, et cela envoie un message général clair aux médecins.

Monsieur Poschmann, madame MacNeil, ce que j’ai compris de ce que vous avez dit chacun à votre façon est que nous avons besoin de changer les choses. Je crois que tout le monde s’entend là-dessus. Nous ne sommes pas aussi productifs que nous devrions l’être. Nous ne sommes pas aussi compétitifs que nous devrions l’être. Nous entendons des histoires de ministres qui font le tour du monde et qui disent que les petites et moyennes entreprises sont la colonne vertébrale de la nation. Ce sont elles qui créent des emplois, pas les grosses entreprises ou les grandes sociétés.

J’imagine qu’une des solutions serait de nous tourner vers la fonction publique, mais il semble que ce n’est pas ce que la majorité des Canadiens désirent. Nous voulons une fonction publique forte, mais il ne faut pas que ce soit l’unique source. Nous avons un ministre de l’Innovation. Nous avons un ministre de l’Industrie. Tous s’entendent pour dire que nous devons être plus forts et plus compétitifs.

Ai-je raison de dire que ce qui est proposé, seul, ne nous aidera pas beaucoup? Nous devons prendre du recul et nous demander : « Comment améliorer la productivité au Canada? » Qu’est-ce qui va stimuler l’emploi? Nous devons revoir notre régime fiscal dans son ensemble, parce que le système que nous avons actuellement était déjà en place dans ma jeunesse, à l’époque où il n’y avait que des téléphones filaires et où la machine à écrire électrique était le nec plus ultra de la TI. Le régime fiscal est le produit de cette époque.

Depuis, nous l’avons bricolé, nous en avons colmaté les fuites et l’avons, essentiellement, fait tenir avec de la broche. Ce qu’il nous faut vraiment faire, c’est prendre du recul et nous pencher sur les incitatifs et les besoins gouvernementaux. Comment pouvons-nous faire prospérer l’économie, améliorer la sécurité d’emploi, et cetera? Il faut vraiment étudier la façon de réformer le régime fiscal, il faut prendre du recul et faire les choses correctement, est-ce bien cela?

M. Poschmann : En bref, oui. Vous avez mentionné certaines des raisons pour lesquelles j’aimerais que le régime fiscal soit examiné dans son ensemble. L’une de ces raisons, par exemple, est qu’un régime d’épargne-retraite élargi n’est pas souhaitable pour tous, même si cela est très avantageux pour un grand nombre de salariés. Pour les petits entrepreneurs, ce n’est pas l’idéal. D’autres outils ou des outils différents conviendraient mieux à leurs besoins. Entre autres, par exemple, il faudrait peut-être augmenter de beaucoup la capacité à contribuer à un CELI. Cela leur permettrait d’épargner de l’argent de façon avantageuse sur le plan fiscal afin d’avoir de l’argent en prévision d’un congé de maternité, d’études futures ou d’autres choses. C’est quelque chose de parfaitement neutre. Les gens peuvent épargner comme ils le souhaitent.

Les régimes d’épargne fiscalement avantageux, comme nous les avons avec nos régimes d’épargne-études, sont tout simplement très loin d’être suffisants pour financer des études au doctorat, par exemple. Nous avons besoin de davantage d’outils.

Par rapport à la productivité, la représentante du conseil du travail, Mme MacNeil, a énuméré un grand nombre de réformes adoptées par le gouvernement fédéral depuis le début du siècle. C’est une longue liste, et cela met en lumière les torts. Je pense qu’elle a absolument raison. Malgré tout, je crois que la majorité des changements apportés ont été bénéfiques pour certains gouvernements.

En particulier, au cours de la même période, nous sommes parvenus à ce que notre régime d’imposition sur le revenu des sociétés soit très compétitif, ou à le garder ainsi. Malgré la croissance lente de la productivité, la croissance du revenu réel au cours du dernier siècle s’est avérée très positive. Nous avons eu une croissance positive, mais lente, de la productivité du travail. Nous devions composer alors avec la pression tout simplement énorme de la mondialisation dans l’ensemble des secteurs, la transformation des chaînes d’approvisionnement, les nouvelles façons dont il faut trouver des fournisseurs pour la production, la transition d’une économie axée sur les biens à une économie axée sur les services, les extrants et l’emploi. Le Canada s’en est très bien tiré dans l’ensemble face à ces pressions énormes.

Si vous me demandez si je pourrais promettre ou affirmer qu’il serait possible d’améliorer les investissements dans la machinerie, l’équipement et la productivité si le gouvernement fédéral réduisait davantage le taux d’imposition général des sociétés, je ne pourrais pas vous donner une réponse positive avec certitude, pas plus que je ne pourrais affirmer qu’une augmentation du taux d’imposition général des sociétés améliorerait les investissements dans la machinerie, l’équipement et la productivité. J’en doute fort. Il y a une myriade de choses à prendre en considération, et à mon avis, il faudrait entreprendre un examen exhaustif du régime fiscal pour tout démêler cela.

Mme MacNeil : Oui, j’aimerais vraiment que le processus soit poussé plus loin. Notre conseil du travail et le Congrès du travail du Canada accueilleraient favorablement un examen global du régime fiscal. Excusez-moi, mais pourrais-je vous demander de répéter votre question?

La sénatrice Andreychuk : Essentiellement, ce que je dis, c’est que vous avez mis en lumière un grand nombre de programmes et que vous vous êtes prononcés sur eux, mais comme la sénatrice Eaton l’a fait remarquer, nous sommes ici pour étudier ce qui a causé une réaction si violente chez les gens concernés. Ce n’est pas très constructif, d’un point de vue sociétal. Ce que nous voulons, c’est que la société marche d’un même pas vers le même but.

Nous ne sommes pas sûrs si les réformes proposées seront constructives, au bout du compte. Ce que nous voyons, c’est qu’elles semblent causer de l’agitation et de l’incertitude. Certaines personnes qui sont venues témoigner nous ont dit que nous devrions peut-être prendre du recul et examiner de façon approfondie le régime fiscal, parce qu’il est probablement désuet et mal rafistolé.

Ne serait-il pas mieux d’étudier tous ensemble la question afin de préparer l’avenir? Croyez-vous que ce serait une bonne approche?

Mme MacNeil : Je vais commencer par dire que, en principe, le système auquel je fais confiance est un système où nous payons tous ce que nous pouvons payer. Cela ne fait aucun doute. Les mieux nantis, dans ce système, ont un revenu suffisamment élevé pour exploiter les avantages et les échappatoires du système. Il est clair qu’ils ne se réjouiront pas de se les faire enlever.

Serait-il possible d’avoir une réforme qui satisferait tout le monde? J’en doute, voyez-vous, mais j’ai été contente de voir que certaines des modifications proposées étaient plutôt audacieuses. J’irais jusqu’à dire que certaines d’entre elles ne vont pas assez loin. Le mouvement syndical et moi-même sommes d’avis qu’il y a certains changements importants à faire, mais ils n’ont pas nécessairement été proposés.

En résumé, je suis grandement en faveur d’un régime fiscal progressif fondé sur le principe de la solidarité et je vais continuer à le défendre.

La sénatrice Andreychuk : Je vais m’en tenir à cela, parce que jusqu’ici, personne ne s’est opposé à un régime progressif. Le problème tient plus à la définition de certaines expressions, par exemple l’équité et la juste part. Ce qu’on nous dit, c’est que les choses vont devenir plus compliquées. Il deviendra plus onéreux d’interpréter les règles. Je ne crois pas que nous nous opposions à un régime progressif, ici.

Monsieur Poschmann, j’ai une dernière question. Nous avons augmenté le taux d’imposition maximum des entreprises. On prévoyait que cela allait augmenter les recettes du gouvernement, mais d’après ce que j’en sais, cela n’a pas été le cas. Nous avons raté la cible, et de beaucoup.

Sommes-nous sur la bonne voie, en mettant l’accent sur le haut de la pyramide, ceux qui peuvent payer davantage? Sur le plan politique, cela a bien été perçu, mais les recettes ont été décevantes.

M. Poschmann : Si je vous comprends bien, je crois que vous parlez de ce qui s’est passé pendant les élections avec le demi-point de pourcentage pour le taux d’imposition général des sociétés. Le gouvernement fédéral a fait marche arrière, a proposé cela ou l’a rejeté.

La sénatrice Andreychuk : C’est cela.

M. Poschmann : Les données sont loin d’être uniformes. Nous avons recueilli beaucoup de données au fil du temps dans un grand nombre de pays afin d’analyser — ou de tenter d’analyser — les impacts de ces changements, en particulier en ce qui concerne le taux d’imposition sur le revenu des sociétés et l’incidence sur les résultats, le revenu, le taux d’emploi, la croissance, et cetera. J’ai lu des centaines d’études sur le sujet. J’en ai commandé moi-même, j’en ai évalué, j’en ai révisé et j’ai aussi fourni des conseils à ce sujet. Les réponses vont dans un sens comme dans l’autre, mais c’est en partie parce qu’il y a beaucoup de choses qui se passent en même temps.

Les composantes de l’économie sont en train de changer. Le rôle de la propriété intellectuelle ou, de façon plus générale, de l’actif incorporel dans l’actif d’une société a beaucoup évolué au cours des deux ou trois dernières décennies. La situation est très complexe.

Les gouvernements, avec leurs politiques, ne sont pas vraiment très efficaces pour ce qui est de stimuler la croissance, mais ils sont assez efficaces pour la freiner. Je tiens à insister là-dessus.

Une autre chose que je veux dire, si vous me le permettez, relativement à ce qui a été dit un peu plus tôt à propos de la virulence entourant la discussion sur la politique fiscale en question, c’est que lorsque vous attisez la lutte des classes, c’est toujours un résultat possible, dans une moindre mesure.

Le sénateur Neufeld : Merci beaucoup aux quatre témoins de nous avoir présenté vos exposés. Beaucoup de mes questions ont déjà été posées et ont trouvé réponse, mais ce que je retiens de ce que vous avez dit tous les quatre, c’est que nous devrions attendre avant de mettre en œuvre des changements, peu importe lesquels, et entreprendre un examen global du régime fiscal. Depuis le dernier examen du régime fiscal, nous sommes aux prises, aujourd’hui, et depuis un bon moment, avec une transformation généralisée de l’économie mondiale, dans les échanges commerciaux et toutes les choses qui entrent en ligne de compte dans la relation entre les pays.

Êtes-vous d’accord avec moi pour dire que nous devrions dire « attendez un peu » au gouvernement au lieu d’agir au beau milieu de la nuit, en juillet, de façon à ce que tout soit mis en œuvre l’année suivante de façon occulte? Au lieu de prendre les gens de haut, de les inquiéter et de les pousser à changer la façon dont ils investissent et se comportent... croyez-vous que ce soit la bonne façon de faire les choses?

M. Poschmann : Dans le but de laisser aux autres participants du temps pour parler, pour toute réponse, je m’en tiendrai à « oui ».

M. Schmit : C’est un sentiment partagé parce que, souvent, le gouvernement affirme qu’il va changer ceci d’abord, puis qu’il s’occupera du reste plus tard, mais, en fait, la dernière partie n’arrive jamais.

Je dirais « oui », veuillez attendre, mais ne changez rien pour l’instant. Si vous voulez procéder à une réforme, si vous voulez modifier les impôts, changez tout en même temps, chacune des composantes.

M. Wolsey : Dans mon cas, c’est un « oui » retentissant. La dernière fois que le système fiscal a été modifié, c’était en 1972. La façon de faire des affaires est aujourd’hui différente, et la loi doit être modifiée. On a changé un tas de pièces, comme je l’ai dit plus tôt. Le temps est venu de retourner en arrière et de tout recommencer, pour voir ce qui devrait être modifié et sur quelle politique nous nous appuyons, et de modifier la loi de manière à ce qu’il n’y ait pas de conséquences imprévues relativement à l’impôt sur le revenu.

Mme MacNeil : Non, absolument pas. Même si j’accueillais favorablement la prise d’autres mesures s’ajoutant à celles-ci, nous ne devrions pas retarder la mise en œuvre de ces modifications particulières. Pour ce qui est des trois manières dont on utilise les SPCC pour éviter des taux d’imposition élevés, plus précisément la répartition du revenu, l’exploitation des gains en capital et l’investissement passif, ces éléments particuliers coûtent aux Canadiens 500 millions de dollars par année en recettes fiscales perdues. C’est quelque chose dont nous ne pouvons pas reporter la mise en œuvre.

Je crois qu’un certain nombre d’intervenants voudraient voir ce projet retardé, mais je recommanderais que l’on applique ces modifications sans tarder.

Le sénateur Neufeld : Merci. J’apprécie ces réponses. Pour donner suite aux propos de Mme MacNeil, qui conseille de garder les changements qui sont en place, 250 millions de dollars, c’est beaucoup d’argent, à mes yeux. Je ne suis pas en désaccord. C’est la somme que le gouvernement pense retirer de ce qu’il appelle la répartition du revenu. Je pense qu’il s’agit d’un partage des revenus, mais on dit « répartition du revenu ».

Une somme 250 millions de dollars ne constitue pas une très grande partie d’un budget de 300 milliards de dollars. Voilà le revenu estimatif. Il ne s’agit pas du coût estimatif lié à la collecte de ce revenu. On peut réduire cette somme de 250 millions de dollars de façon importante parce que je pense que le gouvernement pourrait aller embaucher un tas de gens de plus afin qu’ils découvrent comment recueillir les 250 millions de dollars.

Je ne sais pas ce que vous pensez de cette comparaison entre la somme de 250 millions de dollars et le budget de 300 milliards de dollars, du fait qu’on choisit seulement les quelques éléments qui font notre affaire dans l’ensemble du code fiscal, qui n’a pas été modifié depuis des décennies. Est-ce ce qu’il convient de faire? Je veux seulement obtenir votre opinion à ce sujet.

Mme MacNeil : Il est certain que toute modification qui est apportée a un coût initial lié à sa mise en œuvre, mais nous étudions également les effets des modifications au fil des ans. Je crois qu’il s’agit de premiers pas vers l’avant. Si nous retardons cette mise en œuvre, le même argument pourra être soulevé année après année.

Le sénateur Neufeld : Je n’avais pas entendu cet argument avant le mois de juillet dernier. C’est ce qui est intéressant, à mes yeux. C’est le moment où l’argument a été formulé, en juillet, par le gouvernement, qui s’est soudainement mis à dire qu’il allait apporter ces modifications à certaines parties de la Loi de l’impôt sur le revenu et qui a utilisé toutes sortes de termes négatifs jusqu’à ce qu’il découvre que ce n’était peut-être pas la chose la plus intelligente à dire ou à faire.

Quoi qu’il en soit, je pense avoir les réponses aux questions que je me posais. Je pense que d’autres questions ont été posées avant la mienne.

Le sénateur Oh : Merci, chers témoins. Cette réforme fiscale a été présentée durant l’été, au début de juillet. Au mois de septembre, le gouvernement devait aller de l’avant. Quelque 22 000 mémoires ou plus ont été présentés par des Canadiens qui vous font part de leurs nombreuses craintes au sujet de cette réforme fiscale, mais le gouvernement va la faire adopter.

En moins de trois mois, y compris les vacances d’été de certains des ministres et de nombreux fonctionnaires qui étaient à l’extérieur d’Ottawa, qui a feuilleté 22 000 mémoires ou plus? Est-ce juste? Ils présentent le témoignage de Canadiens qui travaillent fort, des agriculteurs aux médecins, en passant par les propriétaires de petites entreprises.

Que s’est-il passé? Pensez-vous qu’il soit juste que l’on fasse adopter à toute vitesse cette réforme fiscale sans procéder à une étude complète et appropriée?

M. Poschmann : L’échéancier et le délai étaient très courts pour qu’on procède à des changements potentiellement importants. Cela dit, j’ai vu pire, mais laissez-moi répondre d’une autre manière au moyen d’un exemple.

Dans le budget du printemps 2007, le ministre des Finances de l’époque, James M. Flaherty, a présenté une proposition fiscale internationale qui a secoué le milieu des affaires. Il s’est avéré que les conséquences semblaient être bien plus importantes et bien plus dommageables que ne l’avait imaginé le ministère des Finances à l’époque. Pour paraphraser, le premier ministre avait dit au ministre des Finances : « Vous avez un problème. Voulez-vous le corriger? »

Il a nommé un comité d’examen international de la fiscalité, dont j’ai fait partie. Nous avons travaillé pendant des mois et en sommes arrivés à un ensemble de compromis, dont certains durcissaient le régime fiscal, et d’autres, l’assouplissaient. Nous pensions qu’il s’agissait d’un ensemble de compromis équitable. Ils étaient relativement faciles à légiférer. Au fil de quelques budgets, à l’aube d’une élection, dont nous ne connaissions pas le résultat, nous avons mis ces éléments en place. C’est faisable.

M. Schmit : C’était tout un choc que d’apprendre l’existence des modifications comme nous l’avons fait. Ce que j’entends les autres témoins dire, c’est que le processus visait à corriger quelque chose. Il vaut toujours mieux tenter d’être prévoyant que de tenter de corriger le passé : faire quelque chose et, après, tenter d’apporter des correctifs.

M. Wolsey : J’ai entendu dire que 21 000 mémoires ont été présentés depuis le 18 juillet. Les membres de ma société et moi-même en avons soumis environ une demi-douzaine. Depuis le 16 octobre, deux des quatre propositions fiscales étaient censées avoir été mises en œuvre. En fait, on en a mis une en œuvre le 18 juillet afin de faire adopter la conversion du revenu en gains en capital. Le gouvernement a fait un virage à 180 degrés à cet égard et changé son fusil d’épaule.

Nous avons besoin d’un second examen objectif. Si nous voulons procéder à une réforme fiscale, je suis tout à fait favorable à cela. Réfléchissons-y. Faisons-le intelligemment. Ne tentons pas de corriger un problème perçu, seulement pour en provoquer cinq de plus, et c’est exactement ce que nous sommes en train de faire.

Compte tenu du nombre effarant de mémoires présentés par des Canadiens de partout au pays, à mes yeux, il est extrêmement clair que quelque chose ne va pas. Dans toute notre vie, avons-nous déjà entendu parler d’un projet du gouvernement qui a suscité autant d’opposition? Je n’arrive pas à me rappeler une telle situation. J’ai 48 ans. Je n’ai jamais vu ça, pas à ma connaissance, du moins. Peut-être par le passé, mais je n’en suis pas certain.

Je pense vraiment qu’il devrait y avoir une certaine réforme fiscale. Je suis d’accord, mais retournons à l’étape de la planche à dessin.

Mme MacNeil : Non, je dirais que les 3,5 millions de membres de partout au pays, représentés par le congrès du travail et moi-même exerçons des pressions en faveur de modifications visant l’équité fiscale comme celles-ci depuis longtemps. Le moment nous semble opportun.

Le sénateur Oh : Quand la Loi de l’impôt sur le revenu a été adoptée, il y avait six pages. Maintenant, il y en a plus de 3 000. Nous avons parcouru le pays, et tous les Canadiens s’entendent pour dire que cela fait plus de 40 ans que la commission Carter a examiné la Loi de l’impôt sur le revenu.

Les gens sont d’accord pour dire qu’actuellement, la Loi de l’impôt sur le revenu pourrait être soumise à un examen, mais le problème tient au fait qu’il ne peut pas s’agir d’une opération improvisée d’une durée de trois mois. Les gens veulent une assiette fiscale équitable pour tous les Canadiens. Nous comptons beaucoup d’agriculteurs qui travaillent dur et de petites entreprises. Ce sont les plus importants employés/employeurs, créateurs d’emplois et d’investissements, et ils sont honnêtes. Les gens qui travaillent fort sont d’accord pour dire qu’ils doivent également payer leur juste part d’impôt.

Au Canada, nous avons tout de même beaucoup de gens riches qui ont des comptes ouverts ailleurs. Nous devrions nous attaquer à ce 1 p. 100 et plus. Vous obtiendrez plus d’argent que dans le cas des quelque 200 millions, comme le disent mes collègues sénateurs, après avoir déduit tous les coûts.

Je veux obtenir vos commentaires sur tout ce que j’ai pu dire, s’il vous plaît.

Le président : Les témoins ont-ils des commentaires à formuler? Sinon, c’était un bon commentaire, monsieur le sénateur Oh.

Le sénateur Eaton : Je voudrais que vous disiez que, oui, vous êtes en faveur de la réforme ou que, non, vous ne l’êtes pas. Quand le ministre Morneau a comparu devant nous, il a parlé constamment de l’équité fiscale. C’est d’équité fiscale qu’il est question. Je me demandais si, au pays, nous devrions nous concentrer sur l’égalité des chances, mais peut-être pas sur l’égalité des résultats. Pensons-nous vraiment qu’il y aura un jour un résultat égal, ou bien devrions-nous en réalité concentrer notre argent, notre énergie et notre temps sur l’égalité des chances?

M. Poschmann : L’équité est une chose dangereuse ou difficile à traiter, surtout si nous parlons de ce que les économistes appellent l’équité verticale. La façon de la mettre en œuvre dans quoi que ce soit d’autre qu’un genre d’accommodement politique — et c’est à cela que sert le processus — n’est pas nécessairement claire, et il n’y a pas beaucoup de consignes sur ce plan dans les domaines de l’économie ou des finances publiques.

Le sénateur Eaton : Le régime fiscal devrait-il créer l’égalité des chances ou l’égalité des résultats, ou bien peut-il vraiment créer une égalité des résultats?

M. Poschmann : La réponse courte, c’est non, le régime fiscal ne le peut pas, parce qu’en réaction à un ensemble de conditions données, les gens prendront toujours la décision de consommer ou non — d’une manière ou d’une autre —, d’épargner ou de dépenser, et ces décisions changeront la somme dont ils disposent à des fins d’économie, d’investissement ou de consommation un jour, une semaine ou un mois plus tard.

Non, nous ne pouvons pas garantir l’égalité des résultats, mais nous pouvons trouver un point de départ neutre.

M. Schmit : Je ne connaissais pas la signification du terme « équité ». J’ai consulté un dictionnaire, et j’y ai lu que l’équité désigne une situation sans parti pris, sans biais ni injustice.

On peut se demander ce qu’est la justice et ce qu’est un parti pris ou biais. Je pense pouvoir comprendre le biais. En raison de mes antécédents scientifiques, en tant qu’observateur, j’introduis la notion de biais dans l’équation. J’ai moi-même un parti pris au moment de présenter mon exposé, parce que je serai touché par les modifications.

Comme l’un des sénateurs l’a mentionné, vous devez mettre les choses en perspective si vous avez l’intention de me soutirer une certaine somme d’argent.

Le sénateur Eaton : Je veux seulement un « oui » ou un « non ». Pensez-vous que le régime fiscal est là pour créer une équité ou une égalité des chances?

M. Schmit : Il est là pour faire croire aux gens qu’il y a une équité.

M. Wolsey : Le gouvernement fédéral confond l’égalité et l’équité. Je pense qu’il y a une grosse différence entre les deux. Dans la proposition du 18 juillet, il comparait deux voisins, l’un étant travailleur indépendant et constitué en société, et l’autre étant employé. Il affirmait qu’ils touchaient exactement le même revenu, alors ils devraient payer exactement la même somme d’impôt. Je ne pense pas que ce soit équitable.

C’est peut-être égal, c’est-à-dire que le résultat est le même, mais il n’est pas équitable que le même résultat se produise, simplement parce que la personne qui est propriétaire d’une petite entreprise court un risque qu’un employé ne prend pas. L’employé se présente au travail tous les jours. Il doit accomplir ses tâches et recevra sans aucun doute son chèque de paie à la fin de la semaine suivante. Les revenus d’un propriétaire de petite entreprise varient. Il pourrait y avoir un ralentissement. Il pourrait y avoir des pertes. Toute la famille est à risque. Certaines familles hypothèquent leur maison.

Toute la question de l’égalité par rapport à l’équité, voilà pourquoi ces changements fiscaux proposés sont mauvais. Espérons que, grâce à de vraies consultations, ces éléments seront corrigés.

Mme MacNeil : Je voudrais dire que la question des chances par rapport à l’égalité touche non seulement le régime fiscal, mais aussi d’autres domaines stratégiques, c’est certain.

Notre capacité de régler les problèmes liés à la justice et à l’égalité des chances dépend de l’existence d’un régime fiscal solide et équitable. Par exemple, les résultats pourraient comprendre des choses comme l’équité salariale... car les Canadiennes touchent en moyenne 80 p. 100 du salaire d’un Canadien.

La sénatrice Andreychuk : Là n’est pas la question.

Mme MacNeil : Oui, mais c’est lié. Je dirai que, pour commencer à régler ce problème, nous pouvons faire des choses comme refermer les échappatoires fiscales pour les riches et rendre le régime plus équitable.

La sénatrice Andreychuk : Je vais formuler un court commentaire. Je pense que c’est Lewis Carroll qui a dit : « Les mots veulent dire exactement ce que je veux leur faire dire; rien de plus, rien de moins. »

J’ai de la difficulté à déterminer ce qu’est l’équité, ce qu’est la justice, ce qu’est la classe moyenne, et tous ces termes qui circulent. Je parle à des gens qui touchent une certaine somme d’argent, et ils pensent faire partie de la classe moyenne. La personne suivante dit : « Je ne fais pas partie de la classe moyenne. » Elles pourraient appartenir à la classe moyenne de second rang ou à celle du premier rang, ou elles pourraient ne même pas en faire partie, pourtant, elles touchent le même revenu.

C’est un jugement très personnel. Ce qui me préoccupe, c’est que nous donnons à un agent de l’ARC le pouvoir de porter un jugement au sujet de ce qui est équitable. C’est dans un contexte social plutôt que fiscal, car on évalue des familles et des cotisations. S’il y en a parmi vous qui ont une réponse qu’ils veulent ajouter, nous serons heureux de la recevoir par écrit.

Madame MacNeil, je suppose que vous vivez ici, en Nouvelle-Écosse, n’est-ce pas?

Mme MacNeil : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Je veux m’assurer que nous obtenons certains commentaires de l’Atlantique. Nous avons entendu des témoignages accablants concernant l’effet qu’auront les modifications sur le système médical. Je pense que vos membres seraient aussi préoccupés par la possibilité de perdre des médecins et d’avoir une population vieillissante qui a de la difficulté à obtenir des soins. J’ai tenu une conversation avec des représentants du Congrès du travail du Canada, à Ottawa. Ils sont préoccupés par ces choses, mais je voudrais obtenir le point de vue de la Nouvelle-Écosse, si vous avez un paragraphe que vous voulez ajouter énonçant les conséquences pour vos membres, s’il y avait une réduction du nombre de médecins, et en quoi cette réduction pourrait vous toucher, vos travailleurs et vous. Je ne pense pas que nous ayons le temps d’entendre les réponses aujourd’hui.

Le président : Non, mais je vous demanderais, si vous avez une réponse ou un commentaire, de bien vouloir les présenter par écrit à la greffière.

Avant de conclure, je ferais preuve de négligence envers les honorables sénateurs du Canada atlantique si je ne portais pas à leur attention le fait que je reconnais personnellement la qualité du travail que fait le Conseil économique des provinces de l’Atlantique pour cette région. Son magazine, selon moi — si vous ne l’avez pas vu —, en est un de qualité qui nous rafraîchit les idées quant aux difficultés qui nous attendent.

Monsieur Poschmann, je m’adresse à votre conseil d’administration : en tant que président et que sénateur du Nouveau-Brunswick, je suis très satisfait de la qualité du travail que vous produisez.

Aux honorables sénateurs et à tous les autres témoins, merci beaucoup. C’était très informatif. Les renseignements étaient de qualité, et ils nous serviront certainement à produire notre rapport au Sénat du Canada.

(La séance est levée.)

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