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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


SASKATOON, le mercredi 8 novembre 2017

Le Comité sénatorial des finances se réunit aujourd’hui à 9 heures pour étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Bonjour. Je constate qu’il y a quorum. Je déclare la séance ouverte.

Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick. Je demanderais à tous les sénateurs de se présenter.

La sénatrice Jaffer : Bonjour. Je suis Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Nous vous souhaitons la bienvenue.

Le sénateur Pratte : Bonjour. André Pratte, du Québec.

Le sénateur Oh : Je suis le sénateur Oh, de l’Ontario.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

La sénatrice Cools : Anne Cools, Toronto, Ontario.

Le sénateur Mockler : Aujourd’hui, à Saskatoon, le comité poursuit son étude spéciale sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le Sénat du Canada a transmis un ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des finances nationales l’autorisant à étudier, en vue d’en faire rapport, les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, et, plus particulièrement, la répartition du revenu, la détention de placements passifs dans une société privée et la conversion du revenu régulier en gain en capital. De plus, le Sénat du Canada a demandé au comité de porter une attention particulière aux répercussions des changements proposés sur les petites entreprises et les professionnels constitués en société, la croissance économique et les finances publiques, l’équité de l’imposition des différents types de revenus et d’autres questions connexes, et que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 15 décembre 2017 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Hier, nous avons tenu notre 18e séance publique à Calgary. Nous avons entendu près de 60 témoins et avons reçu plus de 30 mémoires écrits. D’autres nous seront transmis.

On s’intéresse beaucoup à cette étude et le comité était d’avis qu’il fallait tenir d’autres consultations par l’entremise du Sénat du Canada. Nous avons décidé de parcourir le Canada pour entendre les préoccupations, les commentaires et les opinions des Canadiens. Au cours de la journée, nous entendrons des témoins qui ont demandé à témoigner devant nous ou des gens dont le nom a été proposé par les sénateurs ou la population.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre premier groupe de témoins est composé des intervenants suivants: Steve McLellan, chef de la direction de la Chambre de commerce de la Saskatchewan; Darla Lindbjerg, présidente-directrice générale de la Chambre de commerce du Grand Saskatoon et Keith Moen, directeur général de la North Saskatoon Business Association.

Nous remercions les témoins d’avoir accepté notre invitation. La greffière m’a avisée que M. McLellan parlerait en premier, suivi de Mme Lindbjerg et de M. Moen. À la suite de vos déclarations, les sénateurs vous poseront des questions.

Monsieur McLellan, je vous invite à faire votre déclaration.

Steve McLellan, chef de la direction, Chambre de commerce de la Saskatchewan : Merci, honorables sénateurs. Je tiens tout d’abord à vous souhaiter la bienvenue en Saskatchewan. J’espère que vous avez aimé l’accueil chaleureux que nous vous avons réservé, que vos séances seront productives et que les renseignements que vous recueillerez vous seront utiles. Nous vous sommes reconnaissants de vous déplacer pour entendre les organisations canadiennes et, bien sûr, les chambres de commerce et les entrepreneurs, et nous savons que ces efforts sont importants.

Je tiens à vous remercier de tout cœur au nom de nos membres. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour vous parler du travail que nous avons réalisé dans ce dossier par l’entremise du réseau des chambres de commerce, en collaboration avec ma collègue qui se trouve à ma gauche. Nous allons aussi vous expliquer les activités de son organisation qui sont bien entendu tout aussi importantes.

Dans la trousse que nous vous avons transmise, vous trouverez une série de documents, que je vais vous présenter rapidement. Nous vous avons remis un résumé des modifications, que nous transmettons à nos membres, et qui se veut une sorte de cible mobile associée aux renseignements présentés par le ministre des Finances. Je vais vous laisser le consulter au besoin.

Nous vous avons aussi transmis les communiqués de presse que nous avons publiés par le passé. On y trouve une note d’information sur les professionnels de la santé. Je vous parlerai dans quelques minutes de ce groupe et de l’importance de ce secteur économique pour les régions rurales et urbaines de la Saskatchewan.

Nous vous avons également transmis un document d’information que nous avons pu créer en début d’année grâce au bon travail de notre directeur de la recherche et des politiques, Joshua Kurkjian, qui est assis derrière moi. Je suis très fier de dire que nous l’avons volé à l’Ontario il y a quelques mois et nous sommes heureux de savoir qu’il restera en Saskatchewan pendant un long moment. Vous avez donc reçu ces documents, qui ont été diffusés dans l’ensemble de la province par l’entremise de notre réseau de chambres de commerce.

Vous trouverez également la lettre que nous avons transmise au président du comité de même que des copies d’une lettre transmise au ministre Morneau et au secrétaire parlementaire du ministre des Finances, en plus d’une deuxième lettre transmise au ministre Morneau. La première a été envoyée en septembre et la deuxième en octobre. Vous aurez donc quelque chose à lire pendant vos déplacements entre les audiences.

J’aimerais vous parler non pas seulement des documents que nous vous avons transmis, mais aussi du processus et de certains éléments particuliers. Une fois de plus, je vous remercie, au nom de nos membres, de nous avoir invités ici aujourd’hui.

La Chambre de commerce de la Saskatchewan a tenu des discussions approfondies avec ses membres, son conseil d’administration et les dirigeants d’entreprises — les grandes comme les petites — de l’ensemble de la province. Nous avons parlé directement aux experts en comptabilité et en planification fiscale, aux entreprises de services professionnels et aux propriétaires d’entreprises qui nous ont fait part de leur analyse de la situation.

Nous avons publié un document d’information, dont je viens de vous parler, qui présente un résumé et une analyse des propositions d’origine. Le rapport a été largement diffusé par courriel dans l’ensemble du réseau des chambres de commerce de la Saskatchewan et a été mis à jour au fil de l’obtention de nouveaux renseignements.

Nous avons transmis une lettre au ministre Morneau pour lui faire part des préoccupations des chambres de commerce de la Saskatchewan relatives aux propositions du gouvernement et pour exprimer notre position officielle. Nous avons rencontré le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Joël Lightbound, un jeune homme dont l’avenir s’annonce prometteur, mais qui est subitement devenu un député très occupé en raison de son nouveau rôle. C’est un jeune homme énergique qui réalisera de grandes choses. Nous lui avons parlé des défis auxquels serait confrontée la Saskatchewan. Des représentants des associations minières et des groupes d’agriculteurs étaient également présents et lui ont fait part de leurs préoccupations communes.

Nous avons créé et publié une enquête en ligne sur notre site web, à laquelle ont répondu 600 employeurs représentant 15 000 employés. Ces entreprises ont fait valoir que les modifications proposées devaient être révisées et ont parlé du travail connexe.

Nous avons également entendu l’allocution prononcée par le ministre Morneau devant la Chambre de commerce du Canada à l’occasion de sa plus récente conférence annuelle en février dernier. Nous avons écouté le ministre avec beaucoup d’intérêt et de respect, comme il se doit pour un ministre de la Couronne, et j’ai prononcé un discours lors de la conférence de la Chambre de commerce qui suivait tout juste après, animée par Perrin Beatty.

Je vous fais part de ces événements parce que je voulais vous montrer à quel point notre organisation était active dans ce dossier. Nous n’étions pas responsables du dossier, mais nous avons été proactifs, tout comme d’autres organisations, dans la lutte contre les modifications d’origine. J’aborderai certaines questions précises, mais je vais aussi vous parler du processus en général.

Je voulais donc vous parler de ce processus aujourd’hui. Certaines personnes vous diront — et j’en fais partie — que les objectifs d’origine du ministre avaient un certain mérite, mais que le processus a fait en sorte qu’on s’éloigne de ces objectifs honorables. Le processus, c’est ce qu’on fait aujourd’hui: on tente de revoir ou de recommencer la discussion à zéro. Tout cela a commencé au milieu de l’été par une conversation avec la population et les entreprises canadiennes, qui donnait l’impression que tout était fait et que la loi avait déjà été écrite. On avait l’impression que le gouvernement ne se souciait pas vraiment de l’avis du milieu canadien des affaires parce qu’on ne disposait que de très peu de temps.

Nous avons entrepris nos consultations dès que nous avons eu cette information. Comme l’auraient fait la plupart des organisations, nous avons transmis des courriels à nos membres pour les informer de la situation. Étant donné le nombre de réponses automatiques que nous avons reçues de gens qui n’étaient pas à leur bureau parce qu’ils profitaient de leurs vacances en Saskatchewan, nous avons compris que les entreprises ne pourraient pas vraiment assimiler l’information que nous leur avions transmise. Je ne crois pas que le gouvernement avait l’intention de nous insulter, mais c’était une erreur importante de ce processus, et c’est l’une des raisons pour lesquelles la conversation avec les Canadiens était très mal partie.

Les communications du gouvernement du Canada au sujet des propositions fiscales étaient une source de grande division et dépeignaient injustement les propriétaires comme des tricheurs et des voleurs. Je crois que ce qui a le plus blessé le milieu des affaires et nui à notre relation avec le gouvernement fédéral, c’est que les gens d’affaires qui ont investi leur vie et leur fortune dans leur entreprise, dans leur collectivité et dans leur pays se faisaient soudainement traiter de voleurs et de tricheurs qui profitent des failles du système au détriment des autres Canadiens, et tout cela pendant qu’ils étaient en vacances. On opposait aussi les médecins et le personnel infirmier, les employeurs et leurs employés d’une manière injuste, non scientifique et qui n’était pas fondée sur des faits. Rien de tout cela n’était nécessaire et les choses se sont empirées au cours du processus.

Je tiens aussi à vous parler des propositions en soi. Certaines parties des propositions d’origine ont donné lieu à de vives préoccupations non pas en raison de leur objectif premier visant l’équité fiscale et la clarté, mais en raison de la façon dont elles ont été présentées et de leurs conséquences imprévues, dont le ministre des Finances ne semblait pas être conscient. Je comprends qu’il est impossible pour le ministre de penser à chaque petite conséquence imprévue d’avance, mais dans ce dossier en particulier, il semble qu’il ait parlé à très peu de gens ou du moins à des gens mal informés, ce qui a entraîné les conséquences que nous avons connues.

Je crois que dans le cadre de vos audiences — et je sais que mes collègues de MNP témoigneront devant vous cet après-midi: des experts en fiscalité qui offrent des conseils justes et sincères à tous les intervenants du milieu canadien des affaires —, il est important d’écouter les experts. J’aurais bien sûr aimé qu’on les entende plus tôt, mais je vous remercie de les recevoir aujourd’hui.

Je crois qu’il est important maintenant de parler des mesures fiscales réduites qui ont été annoncées, et nous sommes encouragés par la plus récente annonce du ministre Morneau au sujet des modifications, notamment en ce qui a trait à la réduction de la portion fédérale du taux d’imposition des petites entreprises, qui passera de 10,5 à 9 p. 100 d’ici 2019, de même que par la décision d’éliminer la proposition visant à restreindre l’accès à l’exonération cumulative des gains en capital. Nous croyons qu’il s’agit de décisions d’affaires sensées. En ce qui a trait au revenu net du gouvernement fédéral, je ne crois pas que le gouvernement obtiendra le montant qu’il avait prévu lorsqu’on rassemblera tous les éléments, mais nous sommes néanmoins reconnaissants des efforts qu’il a déployés à cet égard.

Cette annonce représente un pas dans la bonne direction, mais étant donné les craintes à l’égard de l’intention et des détails des propositions, nous allons suivre de très près — comme toutes les chambres de commerce et organisations commerciales du Canada — tous les développements associés à ces mesures, parce que nous avons de bonnes raisons d’être prudents, surtout en ce qui a trait à la supposée simplification du critère du caractère raisonnable associé au fractionnement du revenu.

De plus, nous croyons que le seuil de 50 000 $ par année associé au revenu tiré de l’investissement passif est une bonne chose de façon générale, mais qu’il représente un défi en ce qui a trait à… il ne me reste plus de temps?

Je vais tout de suite passer à la dernière page de mon exposé. Le processus a déraillé dès le départ et je vous encouragerais à tout reprendre du début. Le gouvernement canadien doit appuyer, encourager et lancer immédiatement une commission royale pour rétablir notre régime fiscal de façon plus claire et plus honnête pour les Canadiens. Les experts du milieu des affaires aideront le gouvernement et nous aurons la possibilité de tenir un dialogue honnête et sincère, mais à moins de réinitialiser tout le régime fiscal, les sentiments de peur et de dégoût se feront sentir pendant de nombreuses années.

Je vais m’arrêter là et je pourrai répondre à vos questions. Merci.

Le sénateur Mockler : Monsieur McLellan, je sais que vous aurez l’occasion de nous en dire plus lorsque vous répondrez à nos questions.

Madame Lindbjerg, vous avez la parole.

Darla Lindbjerg, présidente-directrice générale, Chambre de commerce du Grand Saskatoon : Je vous remercie de nous recevoir ici aujourd’hui. Je remercie également mes collègues de participer à la réunion de ce matin et d’aborder la question. C’est très important.

À titre de présidente-directrice générale de la Chambre de commerce du Grand Saskatoon, je suis ici pour représenter les intérêts de plus de 1 400 entreprises de Saskatoon. Bien que la Chambre représente des entreprises de toutes les tailles, je tiens à souligner que plus de la moitié de nos membres ont des entreprises de 10 employés ou moins; ce sont donc des propriétaires de petites entreprises. Ils se sont dévoués corps et âme pour faire de leur rêve une réalité et pour atteindre leurs objectifs.

Lorsqu’on a annoncé les modifications fiscales proposées, nous avons sondé nos membres et avons constaté que plus de 90 p. 100 d’entre eux croyaient que ces modifications entraîneraient des conséquences négatives importantes pour eux, leur famille et leur collectivité. Ces conséquences se feraient sentir dans tout le pays, et auraient aussi une incidence sur les prochaines générations.

Bien que nous appuyions l’idée de revoir le régime fiscal du Canada de façon générale — ce qui n’a pas été fait depuis 20 ans —, nous croyons que la tentative initiale du gouvernement fédéral d’améliorer l’équité a donné lieu non pas à l’amélioration d’un système trop complexe, mais bien à un sentiment d’incertitude chez les piliers de l’économie canadienne.

Notre principale préoccupation — pour reprendre les propos de M. McLellan —, c’est qu’on a entrepris le mauvais processus et qu’on a ciblé les mauvaises personnes. Ce ne sont pas aux petites entreprises que le gouvernement fédéral aurait dû imposer ces changements. Il est temps que le gouvernement l’admette pour aller de l’avant.

Puisque nos plus proches partenaires commerciaux et concurrents, les États-Unis, songent à réduire le fardeau fiscal général des entreprises, sommes-nous vraiment en position d’accroître l’incertitude et la méfiance à l’égard de notre régime fiscal, ce qui pourrait nuire à l’investissement, à la prise de risques et à la croissance de notre économie mondiale qui commence à peine à se rétablir après la crise de 2008? La réponse est non. Les propriétaires de petites entreprises qui ne savent pas ce que l’avenir leur réserve choisiront de réduire leur exposition au risque et de retarder l’investissement et l’embauche; ils ne prendront plus de risque. Ce ne sont pas là les caractéristiques d’une économie fondée sur l’entrepreneuriat.

Les bonnes intentions du gouvernement fédéral n’ont pas satisfait aux attentes, mais qu’elles aient donné des résultats ou non, le moment choisi pour la tenue de consultations, l’accès limité aux tables rondes et le manque d’information sur le processus qui a été entrepris n’ont pas contribué à améliorer la situation, mais ont plutôt créé, chez les propriétaires d’entreprises, un malaise et une méfiance à l’égard du système. Bien que le gouvernement fédéral affirme que ces modifications visent l’équité et la simplification, nos membres et les propriétaires de petites entreprises disent avoir l’impression que c’est tout le contraire, et les Canadiens suivent cela de près.

À cet égard, nous tenons à faire écho aux observations de la Chambre de commerce du Canada, qui indique que les modifications récemment annoncées concernant les mesures fiscales visant les petites entreprises sont un pas dans la bonne direction, mais qu’il faut en faire plus pour assurer la compétitivité des entreprises canadiennes, et qu’un examen exhaustif de l’ensemble du régime fiscal devrait être entrepris de manière responsable et raisonnable.

Pour connaître un véritable succès dans l’économie mondiale d’aujourd’hui — une économie axée sur les technologies —, le Canada se doit d’élaborer et de mettre en œuvre trois stratégies distinctes: une stratégie axée sur le succès et l’innovation, une stratégie en matière de compétitivité internationale et une stratégie sur la productivité. Quoique nous félicitions le gouvernement fédéral de ses efforts concernant l’ALENA, étant donné les priorités que sont l’accès aux marchés et la libre circulation des produits, ces efforts seront vains et nous ne pourrons nous en féliciter si nous assistons à l’affaiblissement de notre économie intérieure en raison des orientations stratégiques découlant des mesures fiscales proposées pour les entreprises canadiennes constituées en société.

Si le gouvernement est déterminé à favoriser la productivité, l’innovation et la compétitivité, nous nous attendons à ce qu’il prenne les mesures suivantes. Il doit revoir les modifications fiscales proposées pour assurer la croissance des petites entreprises au Canada et pour continuer d’encourager l’entrepreneuriat au pays. Il doit amorcer de véritables consultations avec le milieu des affaires, examiner la politique fiscale sans cibler injustement les entreprises indépendantes, et envisager un examen exhaustif du régime fiscal canadien, comme M. McLellan l’a mentionné, dans le but d’en assurer l’équité et de le simplifier pour tous les contribuables, ainsi que pour favoriser la concurrence pour toutes les entreprises du pays. Merci.

Le sénateur Mockler : Monsieur Moen.

Keith Moen, directeur général, North Saskatoon Business Association : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Nous sommes très reconnaissants de votre présence ici aujourd’hui.

Je suis le directeur général de la NSBA, une association d’entreprises dynamique de Saskatoon dont je vous parlerai davantage dans quelques instants.

Je tiens d’abord à vous remercier encore une fois d’être venus à Saskatoon et de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Permettez-moi également d’exprimer ma reconnaissance, mon admiration et mon respect à l’égard des élus et des titulaires d’une charge publique. Je tiens à remercier chacun d’entre vous de votre engagement à servir la population dans l’intérêt supérieur de notre grande nation.

Établie à Saskatoon, la NSBA est une association commerciale axée sur les membres dont le mandat est de servir, de promouvoir et de défendre les entreprises de Saskatoon et de la région, ce qu’elle fait par l’intermédiaire de ses activités de défense des droits et de lobbying. Fondée il y a quelque 50 ans par une poignée d’entreprises, la NSBA compte aujourd’hui plus de 700 entreprises membres, allant d’entreprises à propriétaire-exploitant unique à de grandes multinationales comptant des milliers d’employés. Malgré cette diversité, nos membres sont surtout des petites et moyennes entreprises principalement dirigées par des propriétaires-exploitants. L’association est reconnue pour ses actions pragmatiques et sensées.

Nous remercions les deux chambres — la Chambre des communes et le Sénat — de nous donner l’occasion de présenter nos observations sur cet enjeu et de continuer de souligner que des consultations beaucoup plus exhaustives et une période de mise en œuvre beaucoup plus longue auraient été préférables pour examiner la réforme fiscale dans une perspective globale. Dans le même ordre d’idées, nous préconisons toujours la création d’une nouvelle commission royale sur la fiscalité afin d’éviter que le régime fiscal canadien soit revu de façon fragmentée sans une véritable compréhension des conséquences inattendues.

Jusqu’à maintenant, le processus a eu pour effet de laisser les entreprises dans l’incertitude: elles ont en effet plus de questions que de réponses concernant les changements. Les annonces les plus récentes, en particulier celles sur le revenu passif et sur la baisse du taux d’imposition des petites entreprises, portaient uniquement sur des éléments généraux. Par conséquent, les entreprises ne disposent pas des éclaircissements nécessaires à la planification de leurs activités futures. De nombreux professionnels et cabinets spécialisés en fiscalité sont aussi de cet avis; les règles sont difficiles à comprendre, de sorte qu’il leur est difficile de conseiller leur clientèle.

Nous sommes d’avis que la disposition sur le revenu passif est la disposition clé de la mesure législative proposée. Notre préoccupation, outre le manque de clarté sur le seuil proposé de 50 000 $, porte sur la décision relative aux investissements passifs initiaux d’une entreprise qui visent la création de débouchés économiques. Nous sommes très préoccupés par la perspective que le gouvernement nuise à la capacité d’une entreprise de réinvestir dans ses propres activités pour favoriser sa croissance, surtout étant donné que cela nécessite souvent un investissement bien supérieur à 50 000 $.

Nous appuyons la décision de limiter ou d’abandonner complètement les modifications relatives à l’exonération cumulative des gains en capital et à la conversion de gains en capital en dividendes. L’une des principales conséquences inattendues de cette position serait de rendre extrêmement difficile le transfert d’entreprises familiales, ce qui aurait des répercussions sur des secteurs clés du pays, notamment l’agriculture, qui a connu sa part de difficultés économiques.

En ce qui concerne la répartition du revenu, la NSBA s’interroge toujours sur les critères de caractère raisonnable. Notons que la contribution d’une personne à l’entreprise ne peut pas toujours être mesurée en fonction du salaire ou du nombre d’heures travaillées, en particulier dans le cas des petites entreprises familiales, étant donné que les membres de la famille ressentent toujours les pressions associées au sort de l’entreprise, peu importe s’ils y jouent un rôle actif ou non. Les familles ont souvent tendance à se priver de certains avantages personnels pour privilégier les besoins de l’entreprise, son développement ou une occasion perçue. Soulignons aussi que sans un ensemble de critères rigoureux et sans une application efficace et uniforme de ces critères, l’incidence sur une entreprise pourrait varier d’un vérificateur de l’ARC à l’autre.

La NSBA se préoccupe aussi de la modification visant à réduire le taux d’imposition des petites entreprises, étant donné qu’on propose en même temps d’augmenter le taux d’imposition pour dividendes non déterminés, ce qui pourrait avoir pour conséquence d’augmenter la facture fiscale, par rapport à la situation actuelle. Si tel est le cas, on semble vouloir utiliser une stratégie de substitution conçue pour inciter des entreprises à accepter la proposition du gouvernement plutôt que de tenter honnêtement d’améliorer l’efficacité du régime fiscal. Combinée à une possible réaction en chaîne à l’échelle provinciale — par exemple, la Saskatchewan est déjà revenue sur sa décision de réduire son taux d’imposition général des sociétés —, cela pourrait certainement se traduire par une perte nette pour les entreprises.

Malgré sa critique de l’approche fragmentaire, la NSBA considère que les modifications récentes annoncées à la mi-octobre sont un pas dans la bonne direction. Toutefois, une analogie que j’ai utilisée dans le passé était que le gouvernement tentait de tuer une mouche avec une grenade propulsée par fusée, alors qu’un tue-mouches aurait suffi. Même s’il est difficile de se prononcer avec certitude en raison de l’absence de détails, comme je l’ai souligné, il conviendrait peut-être de nuancer mon propos et de dire qu’il utilise plutôt une grenade à main.

En terminant, nous sommes déçus de voir, comme mon collègue M. McLellon l’a mentionné, que le gouvernement fédéral a, pour des motifs politiques, adopté tout au long de ce processus une approche axée sur la lutte des classes. Nous encourageons plutôt le gouvernement à examiner le régime fiscal selon une approche holistique, une approche non partisane et apolitique axée sur le renforcement de l’économie canadienne, car c’est du secteur privé et non du gouvernement que doivent venir les solutions liées au développement économique, à la croissance, à la création d’emplois et à la répartition de la richesse. Merci.

Le sénateur Mockler : Merci.

La première intervenante, qui est aussi la première à nous accueillir dans sa province, la Saskatchewan, est la sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Andreychuk : Merci. Je suis certaine que les gens de Saskatoon vous ont accueilli à votre arrivée hier. Notre ville et notre province sont des plus accueillantes et je suis heureuse que nous ayons inclus la Saskatchewan dans notre tournée. Saskatoon est une ville unique, notamment en raison de son histoire, et c’est une des collectivités les plus dynamiques de la Saskatchewan. Elle a accueilli des gens de partout dans le monde pour y pratiquer l’agriculture et nous avons réussi à transformer cette base agricole en une véritable industrie, lorsque des gens extrêmement talentueux ont fait preuve de qualités d’entrepreneuriat remarquables pour répondre à des problèmes observés sur les fermes. Les activités liées à l’agriculture ont débordé dans de nombreux autres domaines.

Je crois donc qu’on vous présentera des approches pragmatiques. J’ai d’ailleurs entendu dire que les gens de Saskatoon sont toujours pragmatiques. C’est ici que j’ai été élevée, et je n’ai jamais failli à la tâche. On dit que je suis trop pragmatique; je réponds toujours que j’en suis fière et que c’est une caractéristique des gens de la Saskatchewan.

Quant aux conditions météorologiques, la province est très ensoleillée, mais malgré le froid cinglant, comme on dit, c’est une région très chaleureuse.

Je tiens à souligner que M. McLellan œuvre à la chambre de commerce depuis de nombreuses années. Il est toujours prêt à présenter des observations positives lorsque les gouvernements prennent des décisions, et ce, même lorsque ces décisions ne sont pas très utiles. Il convient donc de féliciter la chambre de commerce de son travail.

J’espère que les membres du comité auront l’occasion de visiter cette partie de la Saskatchewan, et je suis certaine que les gens qui sont ici aujourd’hui pourront vous apprendre des choses. Donc, je vous remercie d’avoir inclus les Saskatchewanais.

Je souligne au passage que nous sommes dans ma ville natale. J’y suis née et j’y ai grandi, même si j’habite maintenant à Regina. J’ajoute que j’ai de la parenté partout en Saskatchewan. Je suis plutôt fière d’être originaire de la Saskatchewan et d’y accueillir mes collègues.

Le sénateur Mockler : Merci.

La sénatrice Marshall posera la première question, puis nous passerons aux sénateurs Pratte, Jaffer et Neufeld.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup à tous d’être ici aujourd’hui.

Avant de traiter de propositions fiscales précises, je demanderais à chacun de vous de nous parler des membres de vos organismes respectifs. Ce ne sont pas toutes des sociétés privées, de sorte qu’elles ne seront pas toutes touchées par les changements fiscaux. Qui sont vos membres? S’agit-il de grandes entreprises, de petites entreprises, de sociétés constituées en personnes morales? Dans ce dernier cas, dans quel secteur œuvrent-elles? S’agit-il d’entreprises de services professionnels, des agriculteurs, des sociétés minières, et cetera? Donnez-nous simplement une idée des entreprises que vous représentez.

M. McLellan : Je peux commencer, si vous le souhaitez. Nous comptons environ 650 membres répartis dans la province. Ce sont pour la plupart de grandes entreprises, mais je m’inscris en faux contre votre affirmation selon laquelle ces sociétés ne seront pas toutes directement touchées, car elles le seront toutes, en réalité, pas nécessairement sur le plan fiscal, mais plutôt sur le plan de la certitude à l’égard de l’avenir du régime fiscal du pays. Dans le milieu des affaires — les chambres de commerce et les organismes d’affaires —, cet enjeu n’a rien de négligeable.

Certains de nos membres sont des agriculteurs. L’agriculteur saskatchewanais type ne correspond plus vraiment à l’exploitant d’un quart de section ayant une petite moissonneuse-batteuse. On parle d’exploitations agricoles de 5 à 100 000 acres. Nous comptons parmi nos membres de petits exploitants indépendants, soit des entreprises exploitées par une ou deux personnes. Toutefois, comme c’est le cas pour mes collègues, nous avons aussi de grandes multinationales comme PotashCorp, Cameco, et d’autres. Ces sociétés font appel à beaucoup de petits fournisseurs qui seront directement touchés par ces problèmes et ce plan fiscal. Cela dit, encore une fois, ces sociétés seront généralement touchées en raison de l’incidence de ces propositions sur l’équité fiscale et sur la certitude que le gouvernement fédéral a une politique claire en matière de fiscalité. Voilà donc les membres que nous représentons. Je dirais, encore une fois, qu’ils seront tous touchés.

La sénatrice Marshall : Merci de la réponse. En fait, concernant l’idée selon laquelle les entreprises qui ne sont pas des sociétés privées ne seront pas nécessairement touchées, nous avons longuement discuté de la question hier après-midi, et cela touche tout le monde, en réalité. Parmi vos 650 membres, combien sont des SPCC?

M. McLellan : Je ne peux malheureusement vous donner un chiffre précis, mais pour être honnête, le pourcentage serait petit.

La sénatrice Marshall : Un petit pourcentage.

M. McLellan : La plupart des membres de la Chambre de commerce de la Saskatchewan sont de grandes entreprises ayant beaucoup d’employés, et cetera, mais encore une fois, elles sont toutes touchées. On peut présumer que cela concerne des choses aussi simples que le risque qu’un médecin de famille quitte la province parce qu’il a constitué une société privée. Le niveau de certitude n’existe plus.

La sénatrice Marshall : Donc, concernant les petites entreprises qui sont des SPCC, de qui s’agit-il, des gens qui offrent divers services professionnels, des agriculteurs?

M. McLellan : Des agriculteurs, des comptables, des consultants et des médecins. Nous avons beaucoup de médecins. Le réseau de la chambre de commerce offre un programme d’assurance, auquel participent de nombreux médecins. Je souligne au passage que nous tiendrons bientôt une séance d’information avec des médecins pour les renseigner sur cette mesure et sur l’incidence qu’elle pourrait avoir sur eux. J’y reviendrai plus tard; cela dit, nous avons toutes sortes de petites entreprises parmi nos membres.

Je précise qu’en général, une compagnie de taxi ayant une flotte de trois ou quatre véhicules ne serait pas membre de notre organisme. Les entreprises de ce genre sont certes les bienvenues, mais elles ont plutôt tendance à être membres de la Chambre de commerce de Saskatoon ou de la NSBA. Je dirais probablement, sans avoir les chiffres précis sous la main, que 175 de nos 650 membres seraient directement touchés par ces mesures fiscales.

La sénatrice Marshall : J’ai une dernière question, monsieur McLellan. En général, les membres de votre organisme sont-ils également membres de la NSBA et de la Chambre de commerce de Saskatoon?

M. McLellan : Les plus futées le sont, en effet, car mes deux collègues dirigent de très bonnes organisations. Les chevauchements sont nombreux. La Saskatchewan est comme une grande famille, de sorte que certains de nos membres font également partie des chambres de commerce locales. Je dirais que 97 p. 100 de nos membres sont aussi membres de la chambre de commerce locale établie dans la collectivité. Les chevauchements sont nombreux, en effet.

La sénatrice Marshall : Madame Lindbjerg, je suis consciente que certains membres de la Chambre de commerce de la Saskatchewan sont également membres de votre organisme, mais j’aimerais que vous nous brossiez un tableau des membres de votre organisme.

Mme Lindbjerg : Nous avons environ deux fois plus de membres, mais comme je l’ai indiqué, près de la moitié d’entre eux sont des petites entreprises de 10 employés ou moins. Ces entreprises sont actives dans divers secteurs, notamment l’exploitation minière, le secteur pétrolier et gazier, le secteur médical et l’industrie forestière.

On dit que Saskatoon est un centre d’influence dans de nombreux secteurs d’innovation, et nos membres sont très représentatifs de cette catégorie d’entreprises, ce dont nous sommes très fiers. En outre, nos membres contribuent à la création d’une grande qualité de vie à Saskatoon, que ce soit grâce aux activités de leur entreprise ou par l’intermédiaire des activités des nombreuses entreprises de leur chaîne d’approvisionnement. Je dirais que la plupart d’entre elles sont des sociétés constituées en personne morale, car l’incorporation est un statut fiscal qui représente, pour les entreprises, un atténuateur de risque.

La sénatrice Marshall : Donc, combien de membres avez-vous?

Mme Lindbjerg : Nous avons plus de 1 400 entreprises membres.

La sénatrice Marshall : Combien d’entre elles sont des SPCC? Le savez-vous?

Mme Lindbjerg : Je dirais qu’elles sont nombreuses. Je n’ai pas de chiffres précis à vous donner, mais à mon avis, ce serait entre 70 à 80 p. 100 des entreprises. Donc, selon moi, le pourcentage est très élevé.

Lors d’un sondage auprès de nos membres, 90 p. 100 des répondants ont indiqué que cela aurait une incidence considérable sur leur entreprise. Cela m’indique que les répercussions sont nombreuses pour ces entreprises qu’elles soient touchées directement ou indirectement par l’intermédiaire des entreprises avec lesquelles elles font affaire.

M. Moen : Nous avons à peu près le même nombre de membres que l’organisation de Steve, probablement entre 700 et 750. Comme je l’ai mentionné, ils se composent principalement de propriétaires exploitants, d’entrepreneurs et de chefs d’entreprises locales.

Je déteste les généralisations, mais on nous demande toujours quelle est la différence entre la chambre de commerce de Saskatoon et la NSBA, et bien que les deux se recoupent, la dernière fois que nous avons fait l’analyse, nous avons calculé qu’environ 40 p. 100 de nos membres sont également membres de la chambre de commerce de Saskatoon. Nous n’avons pas fait la même analyse avec la Chambre de commerce de la Saskatchewan. Cependant, de manière générale, même si je n’aime pas les généralités, pour vous donner une idée, beaucoup de nos membres portent le vêtement de travail, donc ce sont donc plus des cols bleus que les membres de la Chambre de commerce, qui sont davantage des gens d’affaires. Cela dit, cela reste une affirmation injuste, parce que les deux groupes sont représentés dans nos organisations respectives.

La sénatrice Marshall : Quelle proportion de vos membres sont des SPCC?

M. Moen : Nous ne recueillons pas ce type de données, donc je ne pourrais même pas vous donner de bonne estimation. Je couperais la poire en deux et vous dirais qu’ils représentent environ la moitié de nos membres.

La sénatrice Marshall : Sont-ils très diversifiés?

M. Moen : Absolument. Je serais porté à vous dire que notre base se compose d’entreprises de la chaîne d’approvisionnement des produits de base. Elles sont dans les secteurs minier, pétrolier et gazier, agricole, forestier et industriel, en général.

La sénatrice Marshall : Ai-je le temps de poser une autre question?

Le sénateur Mockler : Il y aura un second tour. Merci.

Le prochain intervenant sera le sénateur Pratte, qui sera suivi de la sénatrice Jaffer, puis du sénateur Neufeld.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie d’être parmi nous. J’aimerais parler un peu des changements annoncés par le ministre la semaine du 16 octobre, particulièrement ceux concernant le revenu passif. Le ministre a annoncé un seuil de 50 000 $, et je sais qu’il n’est pas entré dans les détails, mais l’idée générale est là. J’aimerais savoir un peu comment vos membres ont réagi à cette proposition. Le capital protégé s’élèverait à un million de dollars. À un taux d’intérêt de 5 p. 100, on obtient 50 000 $ par année. Ce seuil est-il considéré suffisamment élevé? Est-ce un pas important dans la bonne direction?

M. McLellan : C’est certainement un pas dans la bonne direction et en toute honnêteté, un million de dollars, c’est beaucoup d’argent pour bon nombre de nos entreprises. Beaucoup n’en auront jamais autant. Pour les autres, c’est toujours la même rengaine, je ne peux le répéter assez, ce sera la limite.

Donc on ne connaît pas encore à 100 p. 100 les détails de cet aspect de la proposition pour toutes les entreprises canadiennes, mais dans l’ensemble, oui, le seuil de 50 000 $ pour les gains sur des investissements d’un million de dollars nous semble plus acceptable. Je vous dirais aussi que le revenu passif sert à diverses choses et que dans certains cas, il se veut le fonds de retraite de l’employeur, à juste titre.

La dynamique économique en oeuvre dans la province est influencée par les cycles des produits de base. Quand on vit dans une région où les ventes de potasse, d’uranium et de produits agricoles varient autant qu’elles varient depuis un certain temps, et c’est toujours ainsi, le seuil d’un million de dollars semble très élevé. Cependant, pour les nombreuses entreprises qui fournissent des lentilles ou d’autres produits aux mines, un million de dollars, c’est du menu fretin, parce que ces entreprises doivent se battre pour survivre pendant les périodes de ralentissement, protéger leur personnel et acquérir de l’équipement technologique de pointe pour rester concurrentielles. Comme Darla l’a dit, la compétitivité est fondamentale, et ces entreprises ont besoin de sommes de cet ordre, dans bien des cas.

En gros, nous sommes plus à l’aise avec le seuil de 50 000 $, mais nous attendons de connaître tous les détails, comme pour les autres éléments de la proposition. Le niveau de confiance à cet égard n’est pas ce qu’il était il y a ne serait-ce qu’un an, je dirais. Il y a un an, nous aurions peut-être considéré le seuil de 50 000 $ pour un million plutôt bon. Aujourd’hui, nous préférons attendre un peu de voir, et c’est là où le bât blesse.

Le sénateur Pratte : Quelqu’un d’autre?

Mme Lindbjerg : Je suis d’accord avec ces observations. Je serais portée à dire que ce n’est pas le rôle du gouvernement de dicter aux entreprises comment et quand elles doivent croître.

Nous parlons là de bilans, de bénéfices non répartis et de liquidités. Quand les propriétaires d’entreprise retirent cet argent de leur entreprise, ils sont imposés comme n’importe qui d’autre, donc il n’est pas avantageux pour eux de se faire imposer aussi si cet argent reste dans l’entreprise. C’est une nuisance. Pourquoi ne prendraient-ils pas cet argent pour l’investir ailleurs, hors du Canada, dans une autre entreprise, dans un autre secteur? Efforçons-nous de rendre l’environnement plus attrayant pour nos entreprises, qui connaissent leur affaire, qui connaissent leur industrie et qui savent ce qu’elles doivent faire pour être concurrentielles, comment utiliser leur argent pour y arriver.

M. Moen : Je suis totalement d’accord avec mes collègues.

Comme M. McLellan l’a mentionné, je pense que ce seuil constitue un bon départ, mais qu’il est bien loin de suffire pour beaucoup d’entreprises de la région. Par exemple, les sociétés d’usinage peuvent facilement avoir sur le plancher de 30 à 50 millions de dollars d’équipement, qu’elles doivent optimiser, faute de quoi elles courent à la faillite. Les entreprises ont absolument besoin de revenus passifs pour conserver des liquidités, protéger leurs emplois et garder leurs parts de marché. Elles doivent absolument pouvoir utiliser ce capital de façon constructive pour protéger l’entreprise, comme les employés.

Je ne saurais vous dire assez à quel point ces mesures, dans leur forme originale, sont mauvaises pour l’économie, la classe moyenne et les employés, et je ne parle pas des employeurs, mais bien des employés. Il est absolument essentiel que les entreprises puissent conserver plus de capital. Comme Darla l’a dit, pourquoi le gouvernement dicterait-il aux entreprises ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas faire de leur propre argent? Ce sont aux entreprises de l’investir comme bon leur semble.

Chaque entrepreneur est unique. Comme la sénatrice Andreychuk l’a dit en parlant des agriculteurs de la Saskatchewan qui construisent des choses, ils n’arrivaient pas à trouver ce dont ils avaient besoin ailleurs, donc ils l’ont construit. Prenons un homme comme Jimmy Pattison. Je ne sais bien pas quel âge il a. Est-ce que quelqu’un sait quel âge a Jimmy? C’est un entrepreneur en série, qui se démène pour construire toutes sortes de choses. Pour que les gens conservent leur emploi. Il fait toutes sortes de choses pour bâtir l’économie, pour le bien du pays. Il vient de donner 50 millions de dollars à la Fondation de l’Hôpital pour enfants de la Saskatchewan. Je pense qu’il pourrait prendre sa retraite. Je suis convaincu qu’il pourrait accrocher sa mallette, vous savez, mais il choisit de demeurer actif, donc le seuil de 50 000 $ sera-t-il suffisant pour lui? Je ne pense pas.

M. McLellan : À ce sujet, je ne veux pas trop insister, mais nous avons déjà invoqué l’idée d’une commission royale qui pourrait peut-être nous aider à concevoir un régime fiscal qui permettrait aux propriétaires d’entreprise de prendre des décisions pour le bien de leur famille et de leurs actionnaires, pour le bien de leurs clients, pour la croissance qu’ils souhaitent pour leur entreprise, le tout sans avoir à se demander constamment quelles en sont les incidences fiscales. Nous avons besoin d’un régime fiscal clair, transparent et juste qui ne pénalisera pas les entreprises.

Les structures existantes, à tout le moins les structures d’origine, pénaliseraient l’agriculteur qui souhaite vendre sa ferme à son fils et à sa fille. Il ne devrait pas en être ainsi dans le régime fiscal, mais c’est ce qui se passe. Les conséquences involontaires en sont importantes. Personne ne devrait fonder ses décisions sur les conséquences fiscales s’il souhaite bâtir quelque chose, faire croître son entreprise ou acquérir de l’équipement. Ces décisions devraient être prises simplement parce que ce sont de bonnes décisions d’affaires.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les trois de vos exposés très intéressants.

J’aimerais poursuivre dans la foulée des questions du sénateur Pratte sur le revenu passif. Le ministre qualifie le revenu passif d’argent « mort ». C’est ce que j’avais en tête quand je vous écoutais parler du revenu passif. C’est tellement déconnecté de ce que les gens font du revenu passif. Brièvement, que pensez-vous des propos du ministre lorsqu’il prétend que le revenu passif est de l’argent mort.

M. McLellan : Eh bien, certains entrepreneurs se tuent presque à la tâche pour gagner cet argent et de le mettre de côté. Ils doivent parfois renoncer à des rêves d’expansion pour mettre un peu d’argent de côté en vue des temps durs, mais ce n’est certainement pas de l’argent mort. Si le ministre voulait dire qu’il y a beaucoup d’argent en réserve, dans les bilans des entreprises canadiennes, et qu’il faut trouver une façon de faire fructifier cet argent au Canada, c’est une tout autre conversation, que nous accueillerions favorablement et encouragerions, mais ce n’est pas la conversation que nous avons eue.

Donc comme vous l’avez dit, il ne s’agit absolument pas d’argent mort. Il s’agit d’argent amassé par des hommes et des femmes de partout au Canada, qui travaillent fort pour le gagner. Encore une fois, c’est un manque de respect que de prétendre qu’ils volent cet argent au reste du Canada en le conservant au sein de leur entreprise, et c’est à cause de ces affirmations et d’autres gestes du ministre que nous réclamons qu’il s’excuse auprès du milieu des affaires canadien. Nul besoin d’insulter les entrepreneurs canadiens, et c’en est un excellent exemple.

Mme Lindbjerg : Je rappelle que les risques sont élevés et que nous avons tout intérêt à avoir cette conversation. Prenons les entreprises du secteur du savoir, l’industrie des technologies, par exemple, dans laquelle tant le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial souhaitent investir pour diversifier notre économie. Bien souvent, il peut falloir jusqu’à sept ans à une entreprise pour mettre son idée au point. Les entrepreneurs suent sang et eau pour développer leur concept, attirer des investisseurs, et ce n’est qu’au bout d’un certain temps que leur investissement commence à rapporter. Les conséquences seront graves si on leur impose des pénalités sur le revenu au moment où ils commencent à peine à voir leur investissement fructifier. Ils ont dû faire des sacrifices pendant sept ans. La plupart des gens ne seraient pas prêts à en faire autant. Donc pourquoi la personne qui a une bonne idée oserait-elle essayer de la réaliser si elle sait qu’elle sera pénalisée plus tard?

M. Moen : Pour préciser un peu ce que je disais en citant l’exemple de M. Pattison, les entrepreneurs sont des gens qui savent saisir la balle au bond et qui sont toujours à la recherche de la prochaine occasion. Il ne serait pas juste de dire que leur argent constitue du revenu ou de l’investissement mort, comme M. McLellan le disait.

Bon sang, je voulais dire autre chose, Darla, sauf que j’ai perdu mon idée. Je m’excuse, elle m’échappe.

La sénatrice Jaffer : Dans mon autre vie, je suis également propriétaire d’entreprise, et il ne serait pas prudent de ma part de ne pas avoir un peu d’argent de côté. Chaque jour est différent. Il y a des périodes difficiles, où la banque peut décider de ne pas nous prêter de l’argent parce qu’elle ne veut pas courir de risque et où l’on doit se fier seulement à ses propres ressources, à ses amis et à sa famille. Il est prudent en affaires de s’assurer d’un certain revenu; il ne s’agit pas d’argent mort. Je ne veux pas médire sur le ministre, mais c’est inquiétant s’il ne connaît pas la réalité des gens d’affaires.

Notre comité et vos chambres de commerce en particulier déploient beaucoup d’efforts pour rassembler les gens, avancer, bâtir une communauté prospère. Vous avez parlé d’exploiter des échappatoires, comme vous avez parlé de monter les salariés et les propriétaires d’entreprise les uns contre les autres. Vous avez dit que les torts que créeront ces règles seront difficiles à réparer dans les prochaines années.

Vous demandez des excuses du ministre. C’est la première étape. C’est vous qui tissez des liens entre les gens de vos communautés pour rendre vos entreprises encore plus fortes. J’aimerais que vous nous fassiez des propositions, aujourd’hui ou plus tard, sur la façon dont nous pourrions relancer cette discussion pour ne pas monter les employés contre les employeurs. Ce n’est pas ainsi que nous bâtirons nos communautés. Avez-vous des propositions à nous faire dès aujourd’hui?

M. McLellan : Il y a une image que nous utilisons souvent dans notre chambre de commerce: nous offrons des tables confortables pour les conversations difficiles, et les Canadiens doivent parfois avoir des conversations difficiles, mais respectueuses, comme cela. Il y aura des gens en désaccord avec ce que le ministre fait, mais beaucoup d’autres qui seront d’accord avec lui. Ils pourraient se sentir mal à l’aise. Quoi qu’il en soit, les chambres de commerce sont le lieu tout désigné pour avoir ce genre de discussions. Elles sont nécessaires. On a ce genre de discussions en famille, vous avez ce genre de discussions entre sénateurs, vous en avez eu dans vos vies précédentes ou dans vos vies actuelles, dans vos communautés, donc nous devons avoir ces discussions, ensemble et avec les experts.

Je pense que c’est ce qui manque dans la démarche du ministre Morneau. Il faut consulter les experts, tant les personnes qui possèdent l’argent mort que celles qui les conseillent en matière fiscale. Tous ces gens devront avoir une conversation honnête. Ils devront pouvoir se dire honnêtement: « Écoutez, il y a trop de latitude ici, il serait mieux pour le Canada de clarifier les choses, et voici l’autre changement que vous pourriez apporter à mon avis pour que nous puissions investir davantage grâce à cet argent. » Les solutions qui pourraient être avancées dans une discussion franche et juste pourraient être excellentes, mais tant que nous n’aurons pas de lieu de confiance où avoir ce genre de conversations difficiles, nous ne pourrons pas avancer.

Mme Lindbjerg : Je suis d’accord. Je crois qu’il y a beaucoup d’associations de gens d’affaires très légitimes au pays, comme les chambres de commerce, la NSBA, la FCEI et d’autres encore. Il y a une pléiade d’associations qui portent la voix des chefs d’entreprise, et s’ils paient une cotisation pour faire partie de ces associations, c’est justement parce qu’ils ne veulent pas faire cavalier seul. Il est très risqué de faire cavalier seul quand on veut dénoncer quelque chose; la personne ou l’entreprise risque d’être pénalisée. Le pouvoir du nombre compte beaucoup, on peut avoir accès à beaucoup plus d’informations en groupe, et il y a beaucoup plus de voix pour prendre la parole.

Si seulement il pouvait y avoir une démarche officielle. Je sais que vous avez rencontré Perrin Beatty de la Chambre de commerce du Canada. Pas moins de 200 000 entreprises font partie de ce réseau et pourraient être mises à contribution. S’il y avait un processus officiel pour colliger les données nécessaires afin de trouver réponse aux questions que ce comité et d’autres groupes se posent, notamment sur les personnes qu’il faut consulter, ce que nous voulons savoir et quand nous voulons le savoir, on pourrait communiquer adéquatement avec ces organisations. Je pense que l’un des grands écueils dans le processus est le manque de communication. Personne n’a su ce qui se passait, quand cela s’est passé, ni pourquoi cela s’est passé. En fait, on s’en doutait, mais il était difficile d’y voir clair.

L’accès aux capitaux et aux talents est fondamental pour les entreprises. Ce sont deux facteurs déterminants pour beaucoup d’entreprises. Est-ce qu’on s’est demandé quel serait l’effet de ces changements sur l’accès aux capitaux ou aux talents? Je serais porté à croire qu’ils vont changer notre qualité de vie, ce qui rendra l’accès aux talents plus difficile. L’accès aux capitaux dépend actuellement du revenu passif et d’autres outils fiscaux, mais le gouvernement a dit qu’il allait nous les enlever. Puis, il laisse les entreprises dans le néant. Les entrepreneurs ne savent pas ce qui va se passer, comment ils financeront leurs activités, comment ils s’organiseront à l’avenir puisqu’ils ne comprennent même pas les règles, que leurs comptables ne les comprennent même pas, que l’ARC ne les comprend même pas. Comment pouvons-nous comprendre le système si personne n’en a de définition commune?

M. Moen : Brièvement, je viens de me rappeler ce que je voulais dire, et c’est lié aussi à cette question. Nous cherchons continuellement à construire des ponts plutôt que des murs, à éduquer les gens sur l’effet positif des entreprises sur la société, pour qu’ils comprennent qu’elles ne sont pas contre eux. Mon point rejoignait le commentaire de Darla sur les risques et ce nous avons à y gagner. L’entrepreneuriat n’est pas chose facile, et si ce l’était, tout le monde s’y adonnerait. Tout le monde serait propriétaire d’entreprise pour toucher autant de revenu passif. Voyez comment on peut devenir riche! C’est tout à fait possible d’y arriver, mais ce n’est pas facile. C’est loin d’être simple.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie tous et toutes de vos témoignages. Ils ne divergent pas tellement de ce que nous avons entendu des autres chambres de commerce, ce qui m’indique que les opinions se ressemblent beaucoup d’une région à l’autre du pays.

Avant d’aller plus loin, je mentionne que je viens du Nord-Est de la Colombie-Britannique et que je remercie toutes les personnes de la Saskatchewan qui sont venues s’installer dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique il y a bien longtemps pour s’adonner à l’agriculture et faire des affaires.

Monsieur McLellan, vous vous dites d’accord avec certains changements que le gouvernement souhaite mettre en place. Pouvez-vous m’expliquer brièvement ce que vous voulez dire ou vous ai-je mal compris?

M. McLellan : Nous sommes d’accord avec deux choses. Selon les premières consultations et les objectifs énoncés, tels que nous les avons compris, à tout le moins, le but serait de transférer autant de liquidités, de capital et de passif que possible des bilans aux fonds de roulement. Nous sommes d’accord avec cette idée. Évidemment, plus on investit d’argent dans les entreprises de la Saskatchewan, le mieux pour acquérir de nouveaux appareils, embaucher de nouveaux employés, élargir nos marchés. Nous sommes d’accord avec ce principe. Nous convenons également du fait qu’il faut examiner la question du fractionnement du revenu, parce que les règles manquent de clarté.

Nous avons mentionné l’ARC à quelques reprises. Nous y reviendrons peut-être plus tard, mais le fait est que si l’on n’aime pas la première réponse qu’on reçoit d’un fonctionnaire de l’ARC, on a qu’à raccrocher et à rappeler pour en obtenir une autre. J’ai entendu des sénateurs le dire également dans d’autres contextes. Ce ne devrait pas être ainsi.

Il y a ensuite les gains en capital. Il faut clarifier les règles pour qu’une famille d’agriculteurs ou d’entrepreneurs, comme on l’a dit plus tôt, ne voie pas comme un désavantage fiscal le fait de vendre l’entreprise au fils, à la fille ou à des membres de la famille plutôt qu’à un pur étranger. Cela vient tailler en pièces le rêve familial de McLellan and Sons.

Par conséquent, nous avons convenu qu’il fallait tenir cette discussion sur les principes de base, et nous sommes d’avis que les amendements proposés plus récemment ont permis de clarifier les choses. L’instauration d’un seuil de revenu passif annuel de 50 000 $ est une excellente initiative. C’est un pas dans la bonne direction. Bien entendu, nous sommes plus nerveux au sujet des détails que nous l’aurions été il y a un an, mais au moins, nous sommes mieux informés et encouragés par ce que nous avons vu jusqu’à présent.

Toutefois, je suis d’accord qu’il faut discuter de ces éléments, et je le répète, il faut avoir une discussion plus approfondie sur le sujet. Tout ce qu’on a proposé jusqu’à maintenant, ce sont des solutions temporaires, alors qu’il est grand temps de faire le ménage pour simplifier notre régime fiscal. On ne l’a pas encore compris. On se contente de faire du rafistolage et de proposer des solutions superficielles à un régime fiscal qui est déjà difficile à suivre. Cela dit, nous sommes favorables aux principes initiaux.

Le sénateur Neufeld : Madame Lindbjerg, vous avez dit que les petites entreprises n’auraient pas dû être ciblées. Qui devrait donc être ciblé?

Mme Lindbjerg : Je crois qu’il y a des organisations plus grandes ou différentes qui ont utilisé à mauvais escient certains des outils en place. On devrait les examiner au cas par cas. Il ne faudrait pas prendre des mesures qui touchent l’ensemble de l’économie. Ce n’est bon pour personne, en particulier les petites entreprises. Lorsqu’on parle d’agriculture, qu’en est-il exactement? On parle d’un taux d’imposition de 45 p. 100 lors de la vente d’une exploitation agricole à un membre de la famille et de 25 p. 100 à d’autres personnes.

Je viens d’une famille d’agriculteurs. Mes parents étaient agriculteurs. J’ai fait partie de la répartition du revenu. Mes parents n’auraient pas pu y arriver sans ce type de structure. Ils étaient une petite entité, une petite exploitation agricole. De nombreux entrepreneurs partout dans la province, partout au pays, sont dans la même situation. Ces personnes ne devraient pas être ciblées. Elles sont en fait les moteurs de notre économie. Nous ne voudrions pas empêcher la machine de rouler. Cela ne va aider personne.

M. McLellan : J’aimerais apporter quelques précisions ici. Ce n’est pas que je suis en désaccord avec ma collègue, mais ici, il ne s’agit pas de séparer les petites des grandes entreprises, et ce n’est pas ce que je veux que vous reteniez des propos de Darla. Il faut qu’on adopte des mesures d’équité et de clarté fiscales partout. Alors qu’il s’agisse de PotashCorp ou de Joe’s Welding, toutes les entreprises devraient savoir en quoi consistent leurs impôts et en payer suffisamment. Tout est une question d’équité ici. Nos petites entreprises ne doivent pas être étranglées par les impôts, mais en même temps, les grandes entreprises paient une grande part d’impôt et sont disposées à le faire.

Le sénateur Neufeld : Lors de sa comparution, le ministre a indiqué que les fonds retenus et les revenus passifs devraient être réinvestis dans les activités de l’entreprise et non pas servir à l’épargne en vue de la retraite. Je ne partage pas cet avis. Avant de me lancer en politique, j’étais un entrepreneur et j’ai eu quelques entreprises. Mon but, en ayant une entreprise, était de faire suffisamment d’argent pour pouvoir, à un certain moment de ma vie, prendre une retraite aisée. Que pensez-vous de la déclaration du ministre? J’aimerais que chacun d’entre vous réponde à cette question.

M. McLellan : Je crois que vous avez tout à fait raison, et j’aurais dit la même chose même si vous n’aviez pas été un sénateur. Le propriétaire de l’entreprise devrait pouvoir prendre ses propres décisions concernant l’utilisation de cet argent. Il a travaillé pour cet argent; il l’a investi et il a risqué le capital de sa famille, peut-être même sa maison, son bien-être et la capacité de payer les études de ses enfants et ainsi de suite. On devrait pouvoir décider. Une fois qu’on a payé sa juste part d’impôt, on devrait pouvoir décider d’investir l’argent qu’il reste dans de l’équipement ou de l’épargner en vue de la retraite. Avec le plus grand respect pour les nombreuses décisions que prend le gouvernement fédéral au quotidien relativement à nos vies personnelle et professionnelle, je ne crois pas que ce soit une décision qui relève du régime fiscal du gouvernement fédéral. Cet argent appartient aux propriétaires d’entreprise; ils ont travaillé fort pour le gagner, et si le gouvernement veut s’ingérer dans la façon de le dépenser, sera-t-il également présent pour aider l’entreprise dans des moments plus difficiles? Je suis convaincu que non, alors pour cette raison, il ne devrait pas non plus intervenir lorsque les choses vont bien.

Je vous souhaite une belle retraite. J’espère que vous profitez de vos voyages partout au pays.

Mme Lindbjerg : Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. Je vois les choses de la même façon. Je crois que si un propriétaire d’entreprise souhaite investir en prévision de sa retraite, dans de l’équipement, comme on l’a mentionné, ou même dans sa collectivité, ce choix devrait lui revenir.

Bon nombre des grands bâtisseurs communautaires au pays ont été des propriétaires d’entreprises florissantes. Ils ont mis de l’argent de côté, ont fait croître leur entreprise et l’ont ensuite transférée à des membres de leur famille afin de continuer de contribuer à notre économie, mais surtout, ils redonnent à leur collectivité, que ce soit par des dons, du temps ou des investissements.

M. Moen : Je vous remercie pour la question. Les entrepreneurs sont différents. Ils sont assujettis à des règles différentes et devraient bénéficier de mesures différentes. Par exemple, les entrepreneurs n’ont pas de fonds de pension et n’ont droit à aucune cotisation de l’employeur au RPC, car ils se trouveraient à payer en double. Ils n’ont pas de congés de maternité, de cotisations de l’employeur à un REER ou encore d’indemnités de départ. Si vous êtes un mauvais chef d’entreprise ou un piètre gestionnaire, vous ne pouvez pas vous congédier et vous verser une indemnité de départ. La situation est très différente pour les employeurs et les employés. Par conséquent, j’abonde dans le même sens que vous; il s’agit d’une option de retraite très utile pour les entrepreneurs.

Le sénateur Neufeld : Je présume que vous serez d’accord avec moi pour dire que cette limite de 50 000 $ pour les revenus de placement dédiés à des objectifs personnels n’a pas lieu d’être. Elle n’a pas sa place. Je vais être très clair. Selon moi, et comme la plupart des gens l’ont dit, les entrepreneurs devraient pouvoir prendre cette décision. Êtes-vous d’accord avec moi?

M. McLellan : Oui.

Mme Lindbjerg : Oui.

M. Moen : Oui.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le sénateur Oh : Je remercie nos témoins d’être ici aujourd’hui. Vous représentez la voix des vaillants travailleurs de la Saskatchewan. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui, et même s’il fait 13 degrés sous zéro, nous avons reçu un accueil très chaleureux.

Vous avez dit plus tôt que vous souhaitiez avoir un régime fiscal clair, transparent et juste au Canada qui permettra de favoriser l’innovation et le commerce international. Vous avez également mentionné que tout le monde était confus et inquiet pour les agriculteurs et les entreprises d’ici.

Il est très peu probable que le ministre des Finances renonce aux modifications qu’il a proposées, malgré les nombreuses voix qui se sont élevées et qui lui demandent de prendre quelques instants pour réfléchir, réévaluer la question ou envisager d’autres options. Cela dit, nous aimerions que chacun d’entre vous nous présente une recommandation précise qui aurait pour effet d’atténuer les changements aux niveaux micro et macroéconomiques. Quelle recommandation formuleriez-vous pour répondre à vos préoccupations, au nom des habitants de la Saskatchewan?

M. McLellan : Le plus important, selon moi, ce serait que le ministre réclame la création d’une commission royale qui se pencherait sur le régime fiscal canadien, les taux d’imposition, le niveau de transparence requis et les avantages qu’il procure aux contribuables et aux entreprises, et ce, dans un objectif de compétitivité, de croissance et de création d’emplois au pays, tout en veillant à ce que tous les Canadiens, autant les particuliers que les entreprises, paient leur juste part d’impôt. Une commission royale serait donc la solution.

Mme Lindbjerg : Je suis tout à fait d’accord, mais je suis certaine que vous aimeriez avoir une autre réponse. Pour être pragmatique, à vrai dire, il faudrait dépenser moins, mais si on doit dépenser de l’argent, on devrait avoir un plan connexe, le communiquer et faire intervenir tout le monde au préalable. Ce serait donc ma recommandation.

M. Moen : Je suis d’accord avec mon collègue, M. McLellan, au sujet de la création d’une commission royale. J’aimerais également demander au ministre et au premier ministre quel est leur véritable objectif. Qu’essaient-ils d’accomplir ici?

Le sénateur Mockler : Pour terminer cette série de questions, je cède la parole à la sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Andreychuk : Que ce soit ici ou lors de séances précédentes, on s’est souvent demandé pourquoi le gouvernement a agi ainsi et on n’a pas encore obtenu de réponses. Évidemment, certains ont émis des hypothèses quant à ses objectifs; vous avez dit que c’était peut-être dans le but d’affecter plus de fonds aux programmes. C’est une raison valable, c’est-à-dire que le gouvernement s’efforce de trouver d’autres sources de financement qui correspondent à ses dépenses. Cependant, les autres ministères et ministres nous disent que les petites et moyennes entreprises représentent l’avenir du pays. On ne peut pas survivre ni faire croître l’économie si on ne comprend pas ce qui se passe aux États-Unis ou en Asie, par exemple. On fait des pieds et des mains pour relancer les entreprises et faire preuve d’ingéniosité.

De façon plus générale, j’entends des choses très positives. Nous avons réalisé une étude sur le commerce et nous nous sommes demandé pourquoi le Canada était aussi réfractaire au risque. Personne n’a vraiment trouvé de réponse à cette question, mais bon nombre de nos systèmes nous amènent à adopter une approche frileuse. Les entrepreneurs sont conscients qu’ils prennent des risques et qu’ils ont besoin du soutien du gouvernement. Nous devons instaurer chez les jeunes une culture qui favorise la compréhension de la dynamique mondiale, car elle évolue tellement vite.

Je constate qu’il y a des signes encourageants et des mesures de soutien, mais rien de concret. Aucun programme n’a vraiment été mis sur pied. Le gouvernement est au pouvoir depuis deux ans et, pourtant, on ne sait toujours pas dans quelle direction il s’en va. Et puis, du jour au lendemain, le ministre des Finances relève un manque à gagner, et le gouvernement se rabat sur les petites et moyennes entreprises. Pourtant, ce n’était pas tant un problème lorsqu’il était question des comptes à l’étranger. « Nous n’avons pas les effectifs au sein de l’ARC pour gérer cette situation ». Par conséquent, on a investi près de 1 milliard de dollars pour y remédier. Pourquoi agit-on ainsi du côté des finances? Avez-vous soulevé cette question auprès du premier ministre, plutôt que du ministre? Cependant, les changements proposés semblent faire beaucoup de tort, et on a parlé de toutes les autres initiatives, mais d’après ce que je comprends, on pourrait agir autrement. Pourquoi ciblez-vous uniquement le ministre Morneau?

M. McLellan : Si je puis me permettre, je ne pense pas que ce soit le cas, même si dans ce dossier particulier, la Chambre de commerce et le milieu des affaires se sont généralement adressés au ministre Morneau pour ce qui est des processus en place. Vous soulevez un bon point. J’aurais préféré de loin être ici aujourd’hui pour vous donner le point de vue de nos membres sur la façon de développer les entreprises au Canada, d’assurer l’équité fiscale, qui relève de votre mandat, et d’accroître les recettes fiscales du pays. J’aurais aimé beaucoup mieux avoir cette discussion que de discuter de ce qui a détourné notre attention. Je suis tout de même heureux d’avoir pu m’exprimer aujourd’hui, et je vous remercie de m’en avoir donné l’occasion, mais j’aurais préféré que nous concentrions nos énergies à édifier le Canada plutôt qu’à régler un problème lié au processus.

Nous avons discuté récemment avec le ministre Goodale, à Regina, et nous nous sommes entretenus avec d’autres organisations au sujet de la marijuana et des défis que nous devrons relever. Dès le début, cette conservation importante a bifurqué vers les modifications fiscales. Encore une fois, ces modifications ont détourné notre attention d’autres dossiers importants.

Maintenant, chaque jour, lorsque j’arrive au bureau, je me dis: « J’ai une centaine de dossiers qui m’attendent, et c’est la partie de mon travail que je préfère ». L’aspect le plus terrible de mon travail, c’est lorsque je rentre au travail et que je constate que j’ai une centaine de dossiers sur mon bureau. Au cours des quatre derniers mois, ce dossier a exigé beaucoup d’effort. Il faut adopter une approche intelligente. Je vous proposerais donc de recommander au gouvernement fédéral d’être prudent lorsqu’il lance des idées et des nouveaux programmes, de sorte qu’on ne s’écarte pas des objectifs louables et qu’il ne place pas tout le monde à Ottawa sur une mauvaise voie.

Mme Lindbjerg : J’admets que cela a été une énorme source de distraction pour notre chambre de commerce et nos entreprises. Cela a suscité un grand intérêt au sein des entreprises, non seulement à Saskatoon, mais aussi partout au pays. D’après Perrin Beatty, c’est la première fois que le réseau de chambres de commerce assiste à autant de réactions en 10 ans. C’est la raison pour laquelle nous avons déployé autant d’efforts dans ce dossier. Nous ne visons pas nécessairement le ministre Morneau; cependant, il est la personne responsable du dossier. Au final, c’est lui qui a pris la décision, de concert avec le premier ministre, alors il ne doit pas s’en tirer aussi facilement. Nous voulons qu’il assume ses responsabilités.

Je pense que nous devons examiner notre économie de façon globale, car en ce moment, si on regarde les modifications fiscales qui ont été proposées, on a l’impression d’être à l’intérieur d’une bulle, puisqu’on ne tient pas compte de ce qui se fait aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Chine, et on n’anticipe pas les répercussions que ces changements auront sur nos entreprises locales.

Cela dit, il y a de nombreux autres développements positifs, notamment en ce qui concerne l’AECG et l’ALENA, et nous espérons obtenir de bons résultats, mais sachez que notre économie locale est essentielle. Nous devons y accorder la priorité. Lorsqu’un problème se pose et risque de compromettre cet élément vital, notre principal objectif est de le régler.

M. Moen : Merci pour la question, madame la sénatrice. À vrai dire, je crois qu’on a particulièrement ciblé le ministre Morneau car les entreprises ont l’impression qu’on attaque leur intégrité, leurs valeurs, et cetera. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis sur la défensive. La plupart des propriétaires d’entreprise et des entrepreneurs sont essentiels à leur collectivité; je pense notamment au don de M. Pattison, dont on a parlé plus tôt.

Il y a aussi le fait que le ministre a semblé adopter une position hypocrite, et je crois que c’est ce qui lui a valu des critiques.

D’un point de vue politique, si ces modifications fiscales sont mises en œuvre, on parle de revenus de l’ordre de 250 millions de dollars. Cependant, si on augmentait la TPS de 1 p. 100, près de 12 milliards de dollars supplémentaires seraient versés au Trésor.

Quel est donc l’objectif? Je pose de nouveau la question. Pourquoi agit-on ainsi? A-t-on besoin d’argent? Comme on peut le constater, il y a de meilleures façons d’y arriver.

La sénatrice Andreychuk : Pour revenir à ce que vous disiez, la Saskatchewan est une province unique. Elle était essentiellement agraire et a toujours été considérée comme une province démunie. Nous étions aussi amoureux que toutes les autres provinces, mais seulement un ou deux enfants ont pu rester à la maison et les autres ont peuplé le reste du Canada.

Merci, sénateur Neufeld, de nous le rappeler.

Au fil des décennies, tous les gouvernements ont fait des pieds et des mains pour garder les gens en Saskatchewan, et la réaction des entreprises et des agriculteurs a été exceptionnelle. Nous avons cultivé du blé, de l’orge et de l’avoine, et lorsqu’on parlait de lentilles ou de pois chiches dans les années 1970, c’était plutôt dans des jardins. L’agriculture est toujours importante aujourd’hui, mais ce n’est plus l’agriculture avec laquelle j’ai grandi. L’innovation a joué un grand rôle, et il est très important qu’elle transcende les générations pour assurer la sécurité de la chaîne alimentaire.

Cependant, nous avons également développé notre potasse et beaucoup d’autres entreprises, mais je m’intéresse également aux nouveaux immigrants, aux Autochtones et aux petites entreprises qui s’établissent dans les petits villages où ils vivent. Je crains que tout cela s’arrête et qu’on se retrouve encore une fois avec un exode. Je considère que la Saskatchewan est unique à cet égard, et que nous sommes à un point tournant, mais en même temps, j’ai l’impression qu’on se dirige vers une impasse. Ai-je raison de penser cela?

Mme Lindbjerg : Je dirais que la Saskatchewan est un exemple très éloquent pour le reste du Canada actuellement. Comparativement aux autres provinces, nous nous sommes en effet fort bien tirés d’affaire au cours des dernières années.

Je peux vous citer le cas de Saskatoon. Nous sommes un centre d’excellence pour l’innovation. Comme je l’indiquais précédemment, nous disposons déjà de toutes les bases nécessaires. Il nous suffit simplement de le faire maintenant savoir à tous en expliquant exactement ce que nous faisons et comment nous nous y prenons. Tout le monde parle de technologie et de véhicules autonomes, mais nous sommes déjà rendus là, tout au moins pour les équipements agricoles. Nous avons donc une bonne longueur d’avance à bien des égards, mais nous ne le soulignons pas assez de telle sorte que tous soient au courant.

Nous estimons également que notre gouvernement provincial tient à faire sa part. Nous avons écrit au gouvernement fédéral pour que les niveaux d’immigration soient augmentés pour la Saskatchewan. Nous avons constaté qu’une telle hausse est nécessaire, car il y a des gens qui veulent s’installer chez nous, qu’ils soient d’une autre province ou d’un autre pays. J’ai donc bon espoir que nous ne vivrons pas un exode. Ce n’est pas ce que je prévois, mais c’est un risque qu’il faut toujours garder à l’esprit.

La sénatrice Marshall : Monsieur McLellan, vous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire que les propositions fiscales ciblent les entreprises privées, mais touchent en fait tout le monde. Nous avons abordé cet aspect hier lors de nos audiences à Calgary. Il y a une grande incertitude qui règne actuellement. Nous parlons de l’ALENA, des changements fiscaux aux États-Unis, du nouveau taux de taxation de 33 p. 100 au Canada, et Mme Lindbjerg a mentionné le fait que les bénéfices non répartis sont ciblés. Les sociétés privées ne sont pas les seules à avoir des bénéfices non répartis.

J’ai l’impression que ces changements, même s’ils visent les sociétés privées, sèment l’émoi dans tout le milieu des affaires. Vous y avez un peu fait allusion dans vos observations préliminaires. J’aimerais savoir ce qui ressort des discussions que vous avez eues avec vos membres qui ne seront pas directement touchés par les mesures fiscales proposées. Je voudrais que vous répondiez tous les trois.

M. McLellan : Lorsqu’on me demandait comment allaient les choses en Saskatchewan il y a six mois ou un an, je répondais qu’il y avait beaucoup d’inquiétude dans l’air. Les gens ne savaient plus trop à quoi s’en tenir, car nous avions atteint une sorte de plateau à l’issue d’une décennie de croissance soutenue. Les choses n’ont pas encore basculé, mais elles ont cessé de progresser. Cette incertitude ambiante a maintenant transpiré dans la planification des organisations et des entreprises. Comme le ministre Morneau et le premier ministre à ses côtés ont un grand rôle à jouer dans l’établissement des règles du jeu et des processus, les entreprises doivent leur porter une grande attention, et c’est bien sûr ce que nous avons fait.

Comme Darla l’a souligné, toute la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise est touchée. C’est même le cas pour une société comme PotashCorp qui emploie des milliers de personnes dans la province. Pour chacun des employés de PotashCorp, il y en a trois ou quatre qui travaillent pour les sous-traitants de l’entreprise, et chacun d’eux se demandent quelles sont les répercussions pour son patron qu’il voit rendre visite à son comptable plus souvent qu’à l’accoutumée. Le propriétaire de ce maillon de la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse d’une petite compagnie d’électricité ou d’un distributeur d’eau, par exemple, essaie de rassurer ses employés en se disant convaincu que les choses vont continuer d’aller de l’avant malgré les doutes quant à la situation actuelle, car l’entreprise peut compter sur une clientèle stable et des trucs semblables. Cette incertitude n’est pas propice à la productivité.

Est-il préférable que nous ayons ce matin à Saskatchewan des chefs d’entreprise assis à leur bureau qui discutent avec leurs clients ou forment leurs employés, ou vaut-il mieux que ces mêmes chefs d’entreprise soient en train de revoir leur planification fiscale en raison de l’incertitude qui règne? Même les plans d’avenir qu’ils établissent actuellement sont rédigés au crayon à mine. Ce n’est pas la façon de stimuler la croissance dans un pays comme le nôtre.

Mme Lindbjerg : Je suis du même avis. L’incertitude est très néfaste pour une économie et pour un pays dans son ensemble. Ceux qui ne seront pas directement touchés par ces changements en ressentiront tout de même les répercussions, car ils influeront sur la qualité de vie dans leur collectivité. Je n’ai pas encore rencontré quelqu’un n’étant pas directement touché par ces changements qui affirme ne connaître personne qui est directement affecté ou qui prétende que les changements ne le toucheront pas lui-même d’une façon ou d’une autre. La plupart des gens ont un ami, un proche ou une relation d’affaires qui va en ressentir les impacts sous une forme ou une autre. Il se peut que votre portefeuille demeure intact, mais vous allez vous aussi encaisser le coup. C’est donc un aspect à ne pas négliger. Nous voulons à tout prix éviter l’incertitude.

J’ajouterais qu’il y a aussi une question de perception. Si je ne m’abuse, le premier ministre canadien a visité Saskatoon trois fois au cours de la dernière année. Il n’a pas une seule fois profité de l’occasion pour rencontrer les gens du milieu des affaires, ce qui induit une perception négative au sein de cette communauté. La perception est donc importante, et l’incertitude est intolérable. Nous devons absolument tenir compte de ces deux aspects en nous montrant extrêmement vigilants.

M. Moen : Je pourrais reprendre à mon compte les commentaires de mes collègues, car je suis tout à fait d’accord avec eux. Il y a peut-être toutefois un élément que nous n’avons pas encore abordé et qui m’apparaît tout aussi important. Il s’agit de la responsabilité sociale des entreprises et, plus simplement, de la grande générosité dont peuvent faire montre certains propriétaires.

Il y a des entreprises qui sont si prospères qu’elles ont dû se donner des politiques quant aux réponses à donner aux requêtes de leurs employés pour les activités de leurs enfants, comme les maillots pour l’équipe de soccer du petit Simon. C’est tout à fait stupéfiant. Je ne peux m’imaginer à combien se chiffreraient les pertes pour la communauté si ces entreprises ne pouvaient plus être rentables et générer des profits de manière à pouvoir se montrer aussi généreuses.

La sénatrice Marshall : Nous avons abordé la question hier à Calgary, et on nous a dit qu’il y aurait effectivement un impact sur l’apport communautaire des entreprises. Nous voulons notamment déterminer de quelle manière les modifications fiscales proposées vont influer sur l’ensemble de l’économie, car ce ne sont effectivement pas seulement les entreprises qui seront touchées.

Le sénateur Pratte : D’après ce que je puis comprendre, l’objectif du gouvernement est bien clair pour ce qui est du revenu passif. Si un employé touchant 100 $ en salaire est imposé à hauteur de 50 p. 100, il lui reste 50 $ pour investir, et les revenus de cet investissement sont à leur tour imposés. Un propriétaire d’entreprise qui touche les mêmes 100 $ est imposé à hauteur de 15 p. 100, ce qui lui laisse 85 $ à investir. Le gouvernement voudrait que ces deux contribuables aient le même revenu net en fin d’exercice. Comme le propriétaire d’une petite entreprise privée sous contrôle canadien est assujetti à un taux d’imposition de 15 p. 100, il lui reste 85 $ à investir, comparativement à 50 $ pour son employé. Le gouvernement estime donc que le propriétaire est avantagé du fait qu’il peut investir 85 $. Les mesures proposées visent à mettre ces deux contribuables sur le même pied. S’agit-il selon vous d’un objectif légitime?

M. McLellan : Si je puis me permettre, je vous dirais que l’équité fiscale ne consiste pas à traiter tout le monde de la même manière. Et je ne suis pas en train de dire qu’un propriétaire d’entreprise devrait automatiquement être mieux traité. Le fait est qu’il y a bien des détails à prendre en considération. À même ce montant de 85 $, le propriétaire d’une entreprise doit notamment prévoir des fonds pour sa retraite et en réserver pour les régimes d’avantages sociaux. L’employeur ne bénéficie en effet pas toujours de tous ces avantages qui viennent avec le statut d’employé.

Il est bien certain qu’ils peuvent se doter de leurs propres régimes d’assurance et de mesures semblables, mais reste quand même que ce n’est pas 85 versus 50. Il faut comparer les pommes avec les pommes. C’est comme si 85 c’était une orange et 50 une pomme. Je suis peut-être en train de galvauder cette formule de comparaison, mais il importe surtout de savoir qu’il s’agit de deux choses différentes et que les entreprises ne sont pas traitées de façon équitable. Nous ne voulons pas être injustement avantagées; nous revendiquons seulement un traitement équitable. C’est une partie du problème. Si vous vous rappelez la représentation qu’en a fait le ministre Morneau dans les journaux, c’est comme si l’un recevait 85 et l’autre 50. Ce n’est pas un portrait conforme à la réalité, car tous les éléments ne sont pas pris en compte. Il convient donc de présenter d’abord les choses comme elles sont pour pouvoir en discuter ensuite entre Canadiens.

Mme Lindbjerg : Comme je l’ai mentionné, un propriétaire qui conserve des revenus dans son entreprise bénéficie d’un avantage fiscal, lequel s’explique uniquement du fait que cela lui permet de réinvestir pour que l’entreprise puisse prendre de l’expansion et contribuer ainsi à la croissance économique et à la création d’emplois. Les mesures fiscales en vigueur existent pour des raisons bien précises. Si le propriétaire d’entreprise devait encaisser ces 100 $ le jour même où son employé en fait autant, les deux se retrouveraient avec 50 $ pour investir.

Les entrepreneurs prennent donc un risque. Ils réinjectent l’argent dans leur entreprise et investissent dans notre économie, alors qu’un employé peut fort bien se tourner vers une entreprise américaine ou chinoise pour y investir ses 50 $. Il en tirera peut-être un certain rendement, mais notre économie n’en sortira pas nécessairement gagnante.

M. Moen : Comme Mme Lindbjerg vient de l’illustrer, les capitaux sont mobiles; et comme M. McLellan l’a indiqué, égal n’est pas synonyme d’équitable. J’ajouterais qu’il y a tout de même une quantité limitée de fonds qui sont accessibles, ce que les gens ne comprennent pas toujours. Ils croient que les entreprises ont accès à des quantités illimitées de fonds et de ressources pour permettre à leurs employés de réaliser des choses merveilleuses et de créer toujours davantage de richesse, laquelle pourra ensuite être répartie entre tous de façon juste et équitable. Les fonds disponibles sont pourtant loin d’être illimités. Lorsqu’elles vivent des temps difficiles, les entreprises doivent par conséquent revoir leurs modes de gestion dans le but de réduire leurs dépenses. Dans presque tous les cas, les ressources humaines représentent le poste budgétaire le plus onéreux, si bien que certains employés sont mis à pied de telle sorte qu’il reste plus d’argent à distribuer à parts égales entre ceux qui sont assez chanceux pour conserver leur travail. Merci.

Le sénateur Mockler : C’est la sénatrice Andreychuk qui a droit à la dernière question.

La sénatrice Andreychuk : La question de l’équité fiscale soulève bien d’autres interrogations. J’œuvre dans le secteur des droits de la personne. Je peux vous dire que ce n’est pas l’égalité qui crée la justice ou l’équité, et je ne vois pas comment on peut s’imaginer que cela peut être le cas avec notre régime fiscal. De nouveaux amendements ont été présentés il y a deux semaines et nous avons pu rencontrer le ministre.

Les gens de l’Agence du revenu du Canada nous ont indiqué que les derniers changements auront même pour effet de compliquer davantage les choses, car un plus grand nombre de conséquences non souhaitées pourraient découler de l’administration du régime. Le gouvernement a déclaré deux choses. Il a d’abord dit qu’il n’allait pas procéder à un examen complet du régime fiscal, et qu’il laisserait donc le processus suivre son cours. C’est du moins ce que nous comprenons pour l’instant. Les modifications proposées vont être adoptées et entrer en vigueur dans deux mois. Est-ce que le moment est bien choisi pour consulter le milieu des affaires? Avez-vous entendu dire que vous seriez consultés concernant la mise en œuvre de ces propositions? Mes années au Sénat m’ont appris qu’il arrive que la mise en application de bonnes idées semblables dérape, et nous disposons seulement de deux mois. Est-ce que c’est suffisant?

M. McLellan : Ce n’est pas suffisant. C’est ajouter l’insulte à l’injure. Nous allons continuer d’exercer des pressions en faveur d’un examen plus général de notre régime fiscal. Les entreprises pourraient avoir à en faire les frais, mais nous bénéficierions tous en fin de compte d’un régime fiscal plus équitable.

Mme Lindbjerg : C’est vraiment insuffisant. Certains de nos membres ont envoyé au gouvernement fédéral des lettres qui sont arrivées à destination deux jours avant l’annonce des changements par le ministre Morneau. On ne prévoit pas assez de temps pour le processus en cours. Le gouvernement ne pourra jamais recevoir assez rapidement l’information dont il a besoin. Tout cela crée du scepticisme, des doutes et de l’incertitude, et ce n’est pas bon pour personne.

M. Moen : Merci pour la question. Je vais même être un peu plus direct. Je trouve que c’est malhonnête et insultant. D’après ce que je puis comprendre, un projet de loi exige généralement deux années de consultations suivies de deux autres années de discussions à la Chambre, alors qu’il est question ici d’une période de consultation de 75 jours et d’un délai de cinq mois pour apporter des modifications d’importance à notre régime fiscal. Ce n’est pas pour rien que je suis consterné. Tout cela est absolument incroyable.

Le sénateur Mockler : Nous vous remercions pour vos témoignages qui nous ont permis d’y voir beaucoup plus clair dans tout cela.

Notre prochain témoin est la Dre Joanne Sivertson, présidente de l’Association médicale de la Saskatchewan.

Docteure Sivertson, merci d’avoir accepté notre invitation. Nous vous prions maintenant de nous présenter votre exposé qui sera suivi des questions des sénateurs.

Dre Joanne Sivertson, présidente, Association médicale de la Saskatchewan : Bonjour à tous. Je suis vraiment heureuse d’avoir l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui pour vous parler au nom des médecins de la Saskatchewan.

Je sais que vous avez déjà entendu de nombreux témoins, y compris nos amis du milieu des affaires ce matin même, mais également des collègues médecins représentant des organisations provinciales et nationales de tout le pays. Je ne vais donc pas m’attarder sur les excellents arguments que plusieurs d’entre eux ont déjà fait valoir. Je vais plutôt m’en tenir aujourd’hui aux enjeux qui touchent peut-être plus particulièrement la Saskatchewan.

Pour situer les choses dans leur contexte, disons que nous comptons un peu plus de 2 500 médecins en Saskatchewan, et qu’environ 75 p. 100 d’entre eux sont constitués en société. Plus de 50 p. 100 de nos médecins ont obtenu leur diplôme à l’étranger, ce qui est également une proportion considérable comparativement à d’autres régions du pays. Notre province a une très forte population rurale. Environ 50 p. 100 des résidants vivent à l’extérieur de nos grands centres, Saskatoon et Regina, et sont desservis par seulement 26 p. 100 de nos médecins.

Compte tenu des changements proposés, nous nous demandons vraiment si les patients continueront d’avoir accès à un médecin, car ceux-ci pourraient être incités à prendre des décisions différentes, notamment quant à l’endroit où ils voudront travailler. Les médecins qui choisissent de pratiquer à l’extérieur de Saskatoon et de Regina déménagent souvent leur famille dans des secteurs où leur conjoint a moins de chance de trouver un emploi.

Les médecins sont des gens instruits qui sont généralement déterminés et très motivés, et il en va presque toujours de même de leur conjoint. Il est donc vraiment difficile pour le conjoint d’accepter le fait qu’il devra déménager dans une petite ville où il ne pourra pas nécessairement trouver du travail dans son domaine, ce qui rend d’autant plus importante la perspective d’un éventuel fractionnement du revenu lorsque vient le temps de faire un tel choix.

En outre, et tout spécialement en milieu rural, il est vraiment très difficile de trouver des services de garde dignes de confiance qui soient accessibles à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit lorsqu’un médecin doit travailler. Je suis consciente du fait que le rôle du conjoint qui doit s’occuper des enfants est sous-évalué dans notre société capitaliste, mais il est vraiment primordial que le conjoint soit disponible pour prendre soin des enfants lorsqu’un médecin est appelé pour une urgence à 3 heures du matin. Il n’a pas alors le temps de trouver quelqu’un qui viendra garder les enfants en plein milieu de la nuit.

Nos médecins travaillant en milieu rural doivent être disponibles en tout temps. Ils sont tellement dévoués. Comme je viens de l’indiquer, ils sont en nombre nettement insuffisant par rapport à la population à desservir. Ils font de leur mieux, mais je ne crois pas qu’il leur serait possible de pratiquer la médecine de cette manière s’ils n’avaient pas le soutien de leurs proches.

Les nouvelles règles renferment certaines dispositions permettant le fractionnement du revenu suivant un critère du caractère raisonnable, mais qu’est-ce qui est raisonnable exactement? Il va devenir très difficile pour les médecins de continuer à offrir les services nécessaires dans nos milieux ruraux s’il leur est impossible d’indemniser à sa juste valeur l’apport de leur conjoint qui prend soin de leurs enfants.

Comme je l’ai souligné, nous dépendons aussi beaucoup des médecins formés à l’étranger. C’est le cas de plus de 50 p. 100 de nos médecins, et bon nombre d’entre eux travaillent à l’extérieur de nos grands centres. Nos collectivités rurales comptent donc énormément sur ces médecins. Comme ils viennent de l’étranger, ils sont forcément plus mobiles et n’ont pas de racines au sein des collectivités où ils pratiquent. Bon nombre de nos médecins diplômés à l’étranger nous disent que si leur situation fiscale en venait à changer radicalement, ils n’auraient pas vraiment de raisons de demeurer au Canada, et surtout pas dans une région rurale de la Saskatchewan. Ils peuvent déménager n’importe où. Leurs titres de compétences sont reconnus partout. Il leur est très facile de plier bagage.

Il y a donc de vives inquiétudes, en Saskatchewan tout particulièrement. On vous a bien sûr déjà présenté l’argument principal à savoir que la constitution en société est une mesure de report de l’impôt, mais n’a rien à voir avec de l’évasion fiscale. Lorsqu’un médecin retire de l’argent de sa société, il est tout de même imposé suivant le taux marginal applicable, au même titre qu’une infirmière ou que n’importe quel autre employé. Lorsque les médecins entendent certaines personnes faire valoir qu’ils ont peut-être été malhonnêtes ou qu’ils évitent de payer leur juste part d’impôt, ils se sentent de moins en moins enclins à déployer des efforts supplémentaires pour assurer l’accès aux soins de santé. Pour les nouveaux médecins, le déménagement dans une petite ville n’est plus vraiment une option.

J’ai d’ailleurs soupé hier soir avec une résidente en médecine que je souhaite recruter. Je travaille à Prince Albert, une ville qui compte 40 000 habitants. Elle terminera sa résidence en juin et pourrait travailler à Saskatoon. Elle envisage un déménagement à Prince Albert en raison du genre du travail qu’elle pourrait y faire. La population autochtone qu’on y trouve pose des défis très intéressants pour un médecin. C’est ainsi que nous pouvons demeurer passionnés par la médecine et nous sentir appréciés. C’est vraiment un travail intéressant. Son mari, un géologue qui a un emploi à Saskatoon, ne pourrait plus travailler. Il veut tout de même déménager avec elle et l’appuyer dans l’exercice de sa profession. Il m’a dit: « J’ai travaillé pendant 15 ans et j’ai eu ma chance. Je me dois maintenant de l’appuyer. Je comprends qu’il ne me sera pas possible de travailler, mais je me demande en quoi les modifications touchant la constitution en société pourront influer sur ma situation. Est-ce que cela signifie que je ne pourrai pas être partie prenante à son entreprise? » Il pourrait donc être plus difficile pour nous de recruter des médecins, et ce, même dans une ville de 40 000 habitants, ce qui n’est pas rien.

Nous nous réjouissons de constater que le gouvernement semble être à l’écoute et a modifié certaines de ses propositions, mais nous ne croyons pas que cela soit suffisant. Nous voudrions demander que l’on ralentisse le processus, comme on vous l’a fait valoir ce matin, pour procéder à une évaluation approfondie de manière à éviter toute conséquence imprévue qui pourrait nous empêcher de continuer à dispenser des soins aux populations mal desservies de nos régions rurales.

Nous voudrions également que l’on se penche à nouveau sur la possibilité pour un médecin de procéder à un fractionnement du revenu, tout au moins avec son conjoint ou sa conjointe. Nous estimons qu’une telle mesure facilite nos efforts pour le maintien des soins à nos patients à l’extérieur des grands centres.

Nous voudrions également que des dispositions soient prévues pour les médecins en milieu ou en fin de carrière qui ont structuré leur avenir financier en fonction des règles en vigueur, car il pourrait leur être plus difficile de procéder aux ajustements requis. Ils n’ont plus nécessairement de droits de cotisation à un REER ou sont peut-être confrontés à d’autres problèmes. Autrement dit, nous préconisons une évaluation approfondie des impacts que pourraient avoir les changements proposés sur les plans que ces gens-là ont faits.

En ce qui concerne le revenu passif, nous craignons que le seuil de 50 000 $ soit trop bas et que ce qui convient aujourd’hui ne convienne peut-être pas dans 10 ans, par exemple. Par conséquent, nous souhaiterions qu’un nouvel examen soit effectué concernant le placement passif également. Voilà ce que nous demandons.

Le sénateur Mockler : C’est la sénatrice Marshall qui posera les premières questions. Elle sera suivie de la sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup de votre présence. Mes questions seront axées sur le contexte. L’un de nos objectifs consiste à évaluer les répercussions sur l’économie. Vous parliez des médecins qui ont obtenu leur diplôme à l’étranger. Pourriez-vous seulement nous donner un aperçu de la composition de l’ensemble des médecins en Saskatchewan? Il y a une école de médecine. Je veux seulement avoir une idée de la composition de votre population de médecins. Je sais qu’ils sont tous mobiles, mais certains le sont plus que d’autres.

Dre Sivertson : Je ne connais pas toutes les données exactes, mais je peux vous dire que 52 p. 100 de nos médecins ont obtenu leur diplôme à l’étranger. Ils ont fait leurs études en médecine à l’extérieur du Canada. Bon nombre d’entre eux sont des Sud-Africains. Je n’ai pas un nombre exact, mais il semble que la Saskatchewan est un foyer pour les médecins sud-africains au pays. Concernant les 48 p. 100 qui sont des diplômés canadiens, bien que partout au pays, de plus en plus de gens qui sortent de l’école de médecine soient des femmes, la proportion de femmes médecins est plus faible en Saskatchewan que dans bien d’autres provinces. La majorité des 26 p. 100 de médecins qui travaillent à l’extérieur de Saskatoon et de Regina travaillent dans nos petits centres urbains — Prince Albert, Moose Jaw, Swift Current. Nous avons des médecins qui travaillent en région rurale. Certains d’entre eux pratiquent encore en solo dans des petites villes et soutiennent la ville depuis 40 ans. Certains nous disent qu’ils pourraient envisager de plier bagage si ces changements sont apportés, car ils estiment qu’ils ne pourraient pas continuer de travailler de la façon dont ils le font présentement.

La sénatrice Marshall : Pour ce qui est des médecins qui ont déjà quitté la province, où sont-ils allés?

Dre Sivertson : Ce matin, une personne nous a remerciés pour le grand nombre de merveilleuses personnes qui ont quitté la Saskatchewan. Bon nombre des médecins qui ont quitté la province sont allés en Alberta, en Colombie-Britannique, dans d’autres coins du pays, et nous savons que certains vont aux États-Unis. J’ignore ce que cela représente proportionnellement parlant. Certains vont en Australie, et il semble que le Royaume-Uni soit un pays qui attire des gens ces temps-ci.

La sénatrice Marshall : Que disent vos collègues au sujet des modifications fiscales proposées? Pouvez-vous nous donner une idée des répercussions qu’elles pourraient avoir?

Dre Sivertson : Outre les nombreuses observations qu’ont faites nos médecins des régions rurales qui songent à quitter le milieu rural, bon nombre de nos médecins, et surtout nos médecins diplômés à l’étranger disent que les États-Unis ou l’Australie les intéressent de plus en plus.

La tournée de la présidente vient de se terminer, en fait. En septembre et en octobre, j’ai parcouru 4 700 kilomètres en Saskatchewan, du nord au sud, partout, et je suis très fatiguée. Les médecins n’ont pas mâché leurs mots, en particulier dans des villes comme Yorkton et d’autres collectivités dans lesquelles la proportion de médecins diplômés à l’étranger est élevée. Ils ont indiqué clairement qu’ils n’avaient aucune raison de rester ici et qu’ils chercheront ailleurs s’ils peuvent conserver une plus grande partie de leur argent.

La sénatrice Marshall : Au cours des 10 dernières années, bon nombre de provinces ont changé les règles s’appliquant aux médecins, comme Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons entendu le témoignage des médecins de l’Ontario. Ils menacent de partir, mais habituellement, ils s’adaptent aux nouvelles règles et restent; par conséquent, la menace ne se concrétise jamais. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

Dre Sivertson : Bon nombre resteront. Bon nombre d’entre eux ont une famille ici; leurs enfants jouent dans leurs collectivités et vont à l’école. Je suis convaincue que de nombreux médecins resteront, mais je n’ai vraiment aucune raison d’avoir des doutes quand nos collègues médecins diplômés à l’étranger me disent par exemple que toute leur famille vit aux États-Unis, qu’ils travaillent ici depuis un certain temps et que maintenant, non seulement ils conserveront une moins grande partie de leur argent, mais on leur dit qu’ils sont des fraudeurs fiscaux. Ils disent qu’ils sont maintenant déçus du Canada, et qu’ils voient des possibilités ailleurs.

La sénatrice Andreychuk : Pouvez-vous parler un peu de ce qu’un médecin apporte à une petite collectivité de la Saskatchewan et nous dire quelles peuvent être les répercussions sur les petites entreprises dans la région.

Notre population vieillit. Comme vous l’avez souligné, dans les collectivités isolées du Nord, nous avons une population autochtone qui a des problèmes particuliers, et nous essayons d’amener des étudiants autochtones à rester.

Je pense à toute la dynamique du bien-être des collectivités. J’ai vécu des époques où les premiers ministres suppliaient presque les médecins de venir ici et leur offraient des incitatifs pour qu’ils travaillent ailleurs qu’à Saskatoon et à Regina. Comment allons-nous faire face à la pénurie si un grand nombre de médecins partent?

De plus, comme des médecins me l’ont dit, ils vieillissent, et il ne s’agit pas de se déplacer; il s’agit seulement de ralentir le rythme.

Dre Sivertson : Tout cela est bien vrai, et j’ai oublié une partie de vos questions.

La sénatrice Andreychuk : Il s’agit d’une question générale.

Dre Sivertson : C’est vrai. Je suis toujours touchée lorsque des patients nous parlent de l’importance qu’ont leurs médecins dans leur collectivité. Il semble vraiment qu’un sentiment inouï de fierté règne dans la collectivité lorsqu’elle compte un médecin, surtout lorsqu’il est dévoué à la collectivité et qu’il y est resté. J’ai vraiment l’impression que lorsqu’une collectivité perd un médecin, l’ensemble de la collectivité est découragé.

Puisque je n’ai pas travaillé dans une petite collectivité, je ne parle pas en mon nom personnel. C’est remarquable de voir les collectivités recueillir des fonds et défendre leurs médecins et vraiment essayer de les appuyer et de soutenir les établissements de santé et tous les travailleurs de la santé qui sont touchés également. La collectivité en général continue de vivre en santé et heureuse.

Je crois que nous savons que plus les patients doivent se déplacer loin pour recevoir des soins, moins il est probable qu’ils le fassent et moins ils suivront les suggestions de ces médecins. Dans les grands centres, on ne comprend pas les répercussions que cela peut avoir sur les gens des collectivités rurales qui ne disposent que d’un revenu limité; ou il peut s’agir même de dire simplement à une personne qu’elle doit aller au gymnase et faire de l’exercice. Il n’y a peut-être pas de gymnase dans la collectivité. On doit être en mesure de donner des conseils aux patients là où ils habitent.

Certaines collectivités peinent à se maintenir sur le plan médical. Elles comptent trois ou quatre médecins, et si un seul d’entre eux part, la charge de travail avec laquelle les autres médecins se retrouvent peut être tellement immense que tout le groupe finit par partir, et la collectivité se retrouve sans ressource ou avec très peu de ressources.

Je sais que dans certains cas, les menaces de quitter le pays ne sont peut-être pas sérieuses, mais je crois que même le départ d’un petit nombre de gens aura des répercussions énormes sur nos collectivités rurales et notre population mal desservie. Ai-je répondu à votre question?

La sénatrice Andreychuk : Oui. Il y a la question des médecins et du paiement. Il semble que ce soit centré en Ontario. Le gouvernement provincial s’est joint aux négociations, et nous avons entendu des commentaires selon lesquels on leur demandait pourquoi ils se plaignaient puisqu’ils avaient un revenu garanti du gouvernement. C’est un élément. L’autre, c’est que nous avons opté pour la constitution en société parce qu’on nous encourageait à le faire. Évidemment, vous avez parlé à vos homologues du reste du Canada. Est-ce que c’est l’Ontario et peut-être le Québec qui étaient au cœur de la tourmente plutôt que le Canada dans son ensemble, et que les choses ont fait en sorte que vous êtes maintenant tous prisonniers de cette façon de voir les médecins?

Dre Sivertson : Je crois que c’est en Ontario qu’il y a eu le plus d’angoisse parmi les membres concernant le lien qui existe entre les médecins et le gouvernement. En Saskatchewan, nos relations avec notre gouvernement sont très positives. Cela dit, des négociations ont eu lieu sur la capacité de se constituer en société à la place de subir une hausse des frais en 1998 également, et il ne s’agit donc pas d’une situation qui ne concerne que l’Ontario, et tout montant qui pèse sur les résultats nets refera surface à la table des négociations à un moment donné, j’en suis sûre.

Vous avez raison de dire que nous avons une source de revenu très stable, et que les risques n’équivalent peut-être pas à ceux auxquels d’autres petites entreprises sont exposées, mais les coûts pour les médecins augmentent aussi. Nous avons fait la tournée de la présidente, et nous avons également tenu des assemblées de représentants. Les médecins de famille de Regina ont vu leurs frais généraux augmenter de 30 p. 100 ces cinq dernières années. Par conséquent, le montant qu’ils finissent par garder pour essayer de faire des investissements passifs, par exemple, est beaucoup moins élevé, et une partie du revenu qui se trouve dans leurs sociétés est utilisée pour payer les frais généraux.

De nombreux médecins continuent d’innover et d’essayer d’offrir les meilleurs soins possible, comme les radiologues qui offrent de l’équipement nouveau. Par exemple, je pourrais acheter un appareil portatif servant à faire une hystéroscopie, une caméra que je pourrais utiliser dans mon bureau pour examiner l’intérieur d’un utérus et faire en sorte qu’une patiente n’ait pas à aller en salle d’opération. Toutes ces choses coûtent de plus en plus cher, et les coûts deviennent onéreux puisque le prix de ces appareils augmente pour continuer à offrir un niveau optimal de soins à nos patients. Il faut donc être en mesure de gérer les changements tant dans le monde économique qu’en médecine.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre exposé. Pendant que je vous écoutais, je me disais que j’aurais aimé que nous soyons à Ottawa et que la séance soit télévisée. Je pense qu’il aurait été utile que tous les Canadiens puissent entendre ce que vous avez dit.

L’un des effets négatifs de ces propositions, c’est qu’elles donnent l’impression que les médecins sont les tricheurs et que les membres du personnel infirmier sont les pauvres victimes, ce qui, j’en suis sûr, a causé du tort également.

Je ne vous demande pas de donner votre point de vue là-dessus, car c’est simplement ce qui en a découlé, soit qu’on a une victime d’un côté et un tricheur de l’autre. Cela n’a pas favorisé de bonnes relations dans les petites collectivités. J’aurais aimé que les gens entendent votre témoignage, et je vous remercie personnellement.

Lorsque vous parlez des médecins diplômés à l’étranger, parlez-vous de ceux qui ne sont pas nés ici ou de ceux qui sont allés étudier à l’étranger?

Dre Sivertson : Les deux sont inclus dans cette désignation, et malheureusement, je n’ai pas de données indiquant combien d’entre eux sont nés ici et combien sont nés à l’étranger. Nous constatons qu’un nombre croissant de gens suivent leur formation à l’étranger et reviennent au Canada, mais je pense qu’à Prince Albert, la langue la plus commune est l’anglais, suivi du déné et de l’afrikaans, et je suis donc à peu près certaine que bon nombre de nos médecins sont nés ailleurs qu’au Canada.

La sénatrice Jaffer : Je viens de l’Afrique et je peux vous dire que ces Sud-Africains sont venus en Saskatchewan parce qu’ils ont trouvé un autre foyer. Ils croient vraiment que c’est là leur chez-soi, de sorte que je ne pense pas qu’ils s’empresseront de partir. Je ne peux pas parler à leur place, mais je dis simplement qu’ils sont ici chez eux, et ce que j’ai entendu de la part de bon nombre de gens, c’est qu’ils ont trouvé un autre foyer lorsque leur foyer précédent leur a été enlevé.

Vous avez parlé des médecins des régions rurales, de la pratique en milieu rural, et vous avez dit à quel point il est plus difficile de pratiquer la médecine en région rurale qu’à Saskatoon, à Vancouver ou à Regina. À quelles difficultés un médecin qui travaille en région rurale est-il confronté?

Dre Sivertson : Je pourrais en parler pendant des heures, mais je vais essayer de ne pas m’éterniser. En bref, c’est qu’ils fournissent le plus grand éventail de soins possible en ayant accès à peu de ressources, tant les ressources matérielles que les ressources humaines. Un médecin de famille qui pratique en milieu rural est souvent plus qu’un médecin. Il est à la fois travailleur social, psychologue, phlébotomiste dans bien des cas, et parfois pharmacien. Ces médecins s’acquittent de tellement de fonctions, et la paie qu’ils reçoivent ne représente pas le travail qu’ils accomplissent. Ils facturent une visite de la même manière que le fait tout autre médecin, mais dans les grands centres, dans les unités de soins de santé primaires, bien d’autres personnes aident les médecins dans leur travail. Dans bien des cas, nos médecins qui travaillent en milieu rural n’ont pas ce genre de ressources. Ainsi, non seulement ils accomplissent plus que ce qui est exigé par leur poste, mais nous ne les payons probablement nettement pas assez, et ils ont besoin de l’appui de leur conjoint ou de leur conjointe à la maison pour pouvoir être présents auprès de leurs patients à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit.

Ce n’est pas un petit problème. Je ne crois pas qu’on puisse comprendre cette situation à moins de la vivre. Lorsqu’on reçoit un appel à 2 h 30 d’un patient en crise — il faut se réveiller immédiatement et se mettre au travail; on sait qu’on rencontrera des patients toute la journée le lendemain et on laisse sa famille derrière pour une période indéterminée. Il n’y a pas de mots pour expliquer à quel point un médecin a besoin du soutien de ses proches pour pouvoir bien faire son travail. C’est essentiel. Les médecins qui n’ont pas cette aide se surmènent, quittent les collectivités rurales et vont dans des endroits où ils ont plus de ressources.

La sénatrice Jaffer : Docteure, j’ai un défi à vous lancer à vous, qui êtes présidente de l’Association médicale de la Saskatchewan, et à mes collègues également, en ce qui a trait à la façon dont on décrit les médecins. C’est très injuste, et nous avons vraiment pour tâche d’exposer les faits sur ce que vous faites tous. Je vous remercie de l’avoir fait ici avec nous.

Dre Sivertson : Merci beaucoup.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie de votre présence.

En ce qui concerne les propositions, vous avez parlé des changements qui y ont été apportés, en particulier en ce qui a trait au revenu passif, au seuil de 50 000 $. Je crois vous avoir entendu dire que ce seuil ne semblait peut-être pas assez élevé. Par ailleurs, vous êtes d’avis qu’il devrait y avoir un moyen de protéger les médecins qui ont déjà fait leurs plans, que par conséquent, il devrait exister une façon de protéger les plans qui ont déjà été faits. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces deux aspects? Des représentants d’associations professionnelles qui ont comparu devant nous, à Ottawa ou au cours de notre voyage dans l’Ouest, semblaient dire que pour la plupart des petites entreprises, le seuil de 50 000 $ serait suffisant.

Dre Sivertson : Je peux vous dire avec joie que nous ne connaissons pas le bon chiffre, alors je n’ai pas de valeur à l’esprit. Encore là, 50 000 $ aujourd’hui ne donneront pas 50 000 $ dans 10 ans. Je sais que nous pouvons toujours revenir sur les chiffres, mais au rythme où le changement se produit dans le domaine médical, avec les nouvelles technologies, le nouvel équipement et les coûts connexes, le montant de 50 000 $ semble faible, par exemple pour les ophtalmologistes qui ont des appareils valant 100 000 $, et les radiologistes qui ont des appareils valant 100 000 $ et même 1 million de dollars dans certains cas.

Donc, il y a des cas où la capacité d’accumuler de plus gros montants dans une société va permettre de plus gros investissements permettant de maintenir de l’équipement de grande qualité, et il est nécessaire dans le milieu médical que nous puissions continuer d’utiliser le meilleur équipement qui existe pour nos patients. Il en va pour l’équipement et la technologie en médecine comme pour les pharmaceutiques qui produisent des médicaments supérieurs et meilleurs, et de plus en plus coûteux.

Je pense donc que la capacité de se préparer aux changements est essentielle. Je ne connais pas le chiffre. Nous sommes très contents qu’on ait acquiescé à certaines des suggestions visant une limite, mais, vous savez, nous nous inquiétons de ce qu’elle n’est pas suffisante pour le contexte médical.

Je suis désolée : quelle était votre autre question?

Le sénateur Pratte : Protéger les médecins qui ont déjà fait des plans.

Dre Sivertson : De nombreux médecins, sur l’avis de leurs comptables peuvent avoir pris un moindre salaire de leur société et plus de dividendes, par exemple. Quand vous prenez des dividendes, vous avez moins de droits inutilisés de cotisation à un REER. Leur capacité de retirer de l’argent de la société sans devoir payer un impôt supplémentaire est maintenant compromise parce qu’ils n’ont pas de droits inutilisés de cotisation à un REER. C’était intentionnel, selon les règles existantes; si les règles changent, il faut reconnaître cela. Il faut permettre aux gens de financer leur propre retraite, au bout du compte.

Le sénateur Pratte : En ce qui concerne le partage des revenus, des gens du ministère des Finances sont venus comparaître il y a quelques semaines, et j’ai posé une question précise à un des fonctionnaires au sujet des cas de nombreux gens d’affaires ou professionnels qui ont besoin de leur conjoint ou conjointe pour gérer leur entreprise — pour y consacrer du temps. Le fonctionnaire a répondu qu’en fait, c’est un choix personnel, que dans d’autres cas, des employés investissaient aussi beaucoup de temps dans leur travail, et que c’était le choix de la famille, si le conjoint ou la conjointe consacrait tout son temps à la famille. C’est ce qu’on disait officiellement —qu’il ne fallait par conséquent pas de traitement spécial pour le conjoint ou la conjointe d’une personne possédant une entreprise, ou une petite entreprise. Que répondez-vous à cela?

Dre Sivertson : Je dirais que même si c’est en effet un choix de faire travailler un membre de la famille ou pas, ce serait aussi un choix pour de nombreux médecins de travailler dans un secteur rural ou pas. Si nous voulons aider les médecins à fournir des soins dans des secteurs où les services sont insuffisants, nous devrions faciliter cela par des choix et des politiques leur permettant d’optimiser leur capacité. C’est un choix, et nous pouvons choisir de ne pas soutenir les services en milieu rural. C’est bon.

Le sénateur Neufeld : Merci de votre présence, docteure. Je suis désolé d’avoir manqué votre exposé, mais j’essayais de trouver quelqu’un qui pourrait m’aider avec mon rhume. J’ai dû arpenter la rue pour trouver des pastilles Halls, alors que j’aurais dû simplement vous parler.

Quoi qu’il en soit, c’est moi qui ai dit que des gens de la Saskatchewan viennent en Colombie-Britannique. Je vis dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Je ne cherchais pas à faire une remarque désobligeante, mais il y a des gens qui vont et viennent entre les deux endroits. Cependant, si des médecins viennent, je peux vous garantir qu’ils s’en vont à Vancouver. Je ne vis pas à Vancouver. Je vis 1 100 kilomètres au nord de Vancouver, et les collectivités du nord-est de la Colombie-Britannique se battent constamment pour avoir des médecins, et elles font toutes sortes de choses différentes pour essayer de faire venir des médecins.

Selon les statistiques, nous aurions plus de médecins qu’il en faut en Colombie-Britannique, mais les médecins se trouvent tous dans la vallée du bas Fraser, dans la vallée de l’Okanogan, à Vancouver ou sur l’île de Vancouver, plutôt que là où ils devraient exercer. Cela me dérange beaucoup, quand le gouvernement fédéral vient dire qu’il va pénaliser des gens, car cela ne fait que rendre les choses plus difficiles pour nous. Vous avez très bien expliqué cela, mais c’est totalement différent par rapport à la vie à Montréal, à Ottawa ou ailleurs. Quand vous vivez dans une région rurale du pays, il est difficile d’avoir des médecins.

La question a été posée à propos du seuil de revenu passif de 50 000 $, et je reviens toujours au ministre Morneau, qui a dit au comité que le gouvernement reconnaît la nécessité de maintenir des fonds dans une société à des fins opérationnelles, mais qu’il veut décourager le recours à des sociétés privées pour épargner en vue de la retraite. C’est quand même quelque chose, et il n’était manifestement pas au courant des problèmes que vous avez exposés au comité ou que j’ai moi-même connus.

Quand vous allez parler aux entrepreneurs, certains vous disent: « Oh, ça pourrait me suffire; je ne le sais pas. » D’autres diront: « C’est bien loin d’être utile. » Nous en avons visité un hier, qui nous a dit: « Ma foi, nous achetons du matériel pour construire des compresseurs, et ça coûte 1 million de dollars, et nous avons besoin d’argent dans un compte pour pouvoir le faire quand un client nous appelle pour avoir quelque chose. »

En ce qui concerne le seuil de 50 000 $, personne ne semble pouvoir dire d’où est sorti ce montant. Quelqu’un a dit que c’était de la bureaucratie, ou quelqu’un d’autre a dit: « Voilà un bon montant! » C’est sorti d’un chapeau. Conviendriez-vous avec moi qu’il ne devrait pas y avoir de montant? Si le gouvernement fédéral veut faire cela, il devrait faciliter la différence dans les cas où des gens seraient perdants, comme vous-même, dans un secteur rural de la Saskatchewan, et faire quelque chose de différent concernant la façon de financer les soins de santé.

Bien franchement, pendant longtemps, nous sommes allés chercher des médecins en Australie et partout dans le monde, pour pouvoir avoir ici le nombre de médecins qu’il nous faut. Un moment donné, il faut que nous soyons capables de garder ceux que nous avons. Pouvez-vous penser à un moyen d’atténuer le problème relatif aux 50 000 $?

Je pense que ce montant est lamentable. J’étais un entrepreneur avant d’être ici, et je n’avais pas besoin du gouvernement pour me dire quand je devais investir et quand je ne devais pas investir. Les chercheurs vont vous dire que c’est ce qui devrait se produire, mais encore là, ils n’ont jamais évolué dans le secteur privé.

Dre Sivertson : Je crois que les médecins ont toujours été opposés aux changements relatifs au revenu passif, alors aucun montant ne serait agréable. Les choses fonctionnent de la même façon depuis très longtemps. Les médecins financent leur retraite; ils financent leurs propres avantages et leur propre formation médicale continue, et prennent des congés sabbatiques. Comme je l’ai dit, les médecins sont des personnes motivées. Ils ont un sens vraiment aigu de la responsabilité envers la collectivité. Bon nombre de nos médecins prennent congé de leur pratique pour aller chercher des diplômes supplémentaires. Ils obtiennent des diplômes en droit. Certains de nos médecins sont des éducateurs et ont divers types de diplômes. Ils sont nombreux à le faire grâce à l’argent qu’ils ont dans leur société et qui leur permet de compenser les périodes où ils s’absentent de leur pratique clinique.

Je pense que nous devons continuer d’encourager notre main-d’œuvre très instruite à le faire, et il est très peu vraisemblable que nous allons voir le gouvernement payer pour qu’ils puissent obtenir ce genre de diplômes. Les congés de maternité, tout cela est important, et vous en avez beaucoup entendu à ce sujet, mais la capacité de continuer d’acquérir des compétences et de faire croître notre main-d’œuvre au pays, cette mesure facilite cela. Les gens peuvent prendre le temps qu’il leur faut pour faire le nécessaire afin de s’améliorer eux-mêmes.

Bien entendu, nous devons financer notre retraite. Je ne sais pas trop quelle serait la solution de rechange — sortir l’argent pour le mettre dans un fonds de retraite privé par l’intermédiaire de diverses entreprises du pays. Je ne sais pas trop ce qu’ils espèrent que nous fassions avec cela.

Le sénateur Neufeld : Donc, vous convenez avec moi qu’il n’y a pas une solution universelle?

Dre Sivertson : Bien sûr que non.

Le sénateur Neufeld : C’est complètement différent, selon ce que vous êtes, votre genre d’entreprise, si vous êtes un médecin ou un entrepreneur qui construit des compresseurs ou qui vend de la crème glacée.

Dre Sivertson : Absolument.

Le sénateur Neufeld : Il y a une différence, et le gouvernement ferait bien de reconnaître les différences et de se débarrasser du seuil arbitraire de 50 000 $.

Dre Sivertson : Comme on l’a clairement exprimé précédemment aujourd’hui, ce qui est égal n’est pas nécessairement juste.

La sénatrice Cools : Merci beaucoup de comparaître, Joanne Sivertson. Je tiens à vous dire que si ma famille avait pu en faire à sa tête, je serais médecin. J’avais simplement des options différentes en tête. Je dois cependant vous dire que dans ma famille, nous avons à peu près une demi-douzaine de médecins, alors je suis bien au fait des sacrifices que l’exercice de la médecine exige.

Pendant ma vie professionnelle et mes années au Sénat, au sein de divers comités et dans de très diverses sociétés, je suis toujours arrivée à la conclusion qu’il est fallacieux de voir la pratique de la médecine comme une profession. C’est plutôt une vocation. Les médecins qui n’ont pas la personnalité qu’il faut le découvrent rapidement et se tournent vers d’autres aspects de la médecine. Mes amis médecins m’ont toujours dit que ce qui les fait continuer, c’est de voir leurs patients évoluer vers la guérison. Si leurs patients guérissent bien, ils sont heureux et sont ravis de ce qu’ils accomplissent. Sinon, cela leur cause de l’inconfort. C’est humain, et c’est la merveilleuse interaction humaine et bienveillante qui caractérise la relation entre le patient et le médecin.

Il y a quelques années, je me suis retrouvée avec un cancer des ovaires. J’en étais au stade 2, alors c’était bien. J’ai rencontré la chirurgienne la plus formidable. Elle était si compétente et si bonne dans son travail, que cela m’a fait ressentir un nouveau respect pour les médecins. Ces gens travaillent fort toute la journée, et c’est un travail difficile; ce sont des gens qui donnent constamment.

Je dois donc admettre à mes collègues que je me suis un peu insurgée — peut-être pas si peu — contre les propos pas très respectueux du ministre et du gouvernement à propos des médecins. Cela m’a frappée assez fort, et j’ai l’intention de proposer, plus tard au cours de nos études, une recommandation au gouvernement visant le réexamen de sa manière d’aborder les médecins dans ses propositions pour le simple motif que la médecine est une vocation et que les médecins sont toujours rares, quelle que soit la nature de leur profession.

Je sais qu’il faut de longues études pour pratiquer la médecine. C’est peut-être le domaine qui exige la plus longue période de formation. Les médecins ont 30 ans quand ils peuvent vraiment commencer à travailler. Les grosses spécialités peuvent exiger 12 années d’études, et je pense que les gouvernements devraient tenir compte de ce genre de choses.

Nous avons tenu des réunions avec un groupe de médecins qui nous ont parlé des problèmes auxquels ils font face. J’ai l’impression que les gouvernements devraient se mettre en tête de veiller à ce que les médecins aient l’équipement qu’il leur faut dans leurs cabinets. On me dit que de plus en plus de médecins se regroupent et mettent en commun les ressources pour avoir plus d’équipement scientifique dans leurs installations.

Cela étant dit, j’aimerais simplement indiquer — et je pense pouvoir parler pour le comité — que le comité a l’intention et l’espoir de présenter une recommandation qui sera satisfaisante pour vos gens.

Le sénateur Mockler : Avez-vous un commentaire à faire?

Dre Sivertson : Non.

La sénatrice Cools : Vous êtes contente.

Dre Sivertson : Oui.

Le sénateur Mockler : Nous allons donc poursuivre et terminer avec la sénatrice Marshall. C’est à vous, je vous prie.

La sénatrice Marshall : Je continue de penser au 52 p. 100 pour les diplômés étrangers et les écoles de médecine à l’étranger. Quel est le pourcentage de diplômés de votre propre école de médecine que vous gardez? Ce doit être minime si les diplômés étrangers forment la majorité en Saskatchewan. Avez-vous de l’information à ce sujet?

Dre Sivertson : Je devrais vraiment avoir ces chiffres. Je les avais il y a un an. Nos statistiques relatives au maintien en poste étaient déplorables, pitoyables. C’était probablement autour de 40 p. 100 au maximum. Je suis ravie de dire qu’entre le moment où j’ai terminé et maintenant, cela s’est amélioré, et nous gardons de plus en plus de nos diplômés. Je crois que cela se situe maintenant autour de 60 à 70 p. 100, ce qui est plutôt bon.

La sénatrice Marshall : Avez-vous dit qu’ils s’en vont dans d’autres provinces?

Dre Sivertson : La plupart s’en vont dans d’autres provinces.

La sénatrice Marshall : Vous avez dit que certains vont aux États-Unis.

Dre Sivertson : En effet.

La sénatrice Marshall : J’essaie d’avoir une idée des incidences qu’auront les changements fiscaux proposés.

Dre Sivertson : Nous avons notre propre école de médecine. Les nombres sont passés de 50 à 100 par classe, dans les cinq à six dernières années. Nous en sommes à ce niveau depuis à peu près six ans. Nous ne produisions pas de très nombreux médecins, mais une chose est sûre, et c’est que parmi ceux qui sortaient de notre école, moins de la moitié restaient, il y a 15 ans.

La sénatrice Marshall : Ils étaient formés ailleurs, alors?

Dre Sivertson : Exactement. Nous consacrions beaucoup d’argent pour qu’ils finissent par être formés ailleurs, et beaucoup d’argent pour recruter des médecins à l’étranger. Nous étions perdants.

Beaucoup de choses ont été faites en Saskatchewan pour arrêter l’exode des cerveaux. Nous avons Saskdocs, une agence de recrutement de médecins qui réussit mieux à recruter des gens et qui se concentre aussi sur le maintien des gens en postes. Nous menons des entrevues de départ partout quand nous perdons un médecin, et nous savons que dans bien des cas, le conjoint ou la conjointe ne pouvait trouver du travail dans son domaine en Saskatchewan généralement, et dans les petites agglomérations en particulier. Donc, la conjointe ou le conjoint qui est une ou un professionnel hautement qualifié ou ayant des compétences techniques très spécialisées peut ne pas pouvoir travailler ici.

La sénatrice Marshall : Cela revient à ce que vous disiez à propos de la mesure dans laquelle les conjointes et conjoints font partie intégrante du processus, pour votre profession. En fait, ce ne serait pas seulement pour votre profession, mais pour d’autres également.

Dre Sivertson : Bien sûr.

La sénatrice Andreychuk : Nous croyons que la Loi de l’impôt est compliquée et qu’elle doit être simplifiée, mais l’ensemble du milieu des soins médicaux fait face à encore plus de problèmes avec le vieillissement de la population, les changements démographiques et les différences culturelles. Cependant, en Saskatchewan, une partie du problème est que nous formons des médecins qui sont venus parce qu’ils ont été acceptés à l’école de médecine, et naturellement ils risquent de retourner d’où ils sont venus.

L’autre aspect est celui des spécialités qui sont attirantes. Nous avons d’excellentes spécialités dans lesquelles vous pouvez poursuivre votre formation, mais vous devez vraiment quitter la province pour certaines autres spécialités qui sont absolument nécessaires. Je soutiens que nous n’en avons même pas encore assez au Canada, alors cela fait partie du contexte, et nous cherchons à garder les médecins en Saskatchewan. Diriez-vous comme moi que le problème n’est pas qu’en Saskatchewan, et que c’est un problème qui touche l’ensemble des soins de santé?

Dre Sivertson : Absolument. Je suis ici pour vous parler de la Saskatchewan, mais c’est en effet un problème à l’échelle du pays.

Parmi les choses que la Saskatchewan fait, il y en a une que je trouve excitante, et c’est que nous essayons d’obtenir que nos diplômés soient formés à l’extérieur de Saskatoon et Regina, car nous savons qu’ils vont plus probablement travailler là où ils sont formés.

J’ai été formée dans un centre de soins tertiaires et mon intention était d’aller à Prince Albert, à l’époque, un centre de soins secondaires, ce qui fait que je me trouvais incroyablement brave. Vous sortez de votre zone de confort; vous n’avez pas le même soutien constant que dans les hôpitaux. Imaginez que vous alliez de plus en plus loin; plus la région est éloignée, plus les gens sont nerveux de travailler de façon indépendante ou d’aller exercer dans de tels cadres.

Nous travaillons très fort depuis un bon moment à faire la promotion d’un modèle d’enseignement médical décentralisé qui permet d’envoyer nos propres diplômés en périphérie. Nous voyons les résultats de cela, mais il y a en ce moment un ralentissement. Nous travaillons à réaliser une certaine réorganisation du système de santé. Vous avez tout à fait raison: le système a été conçu il y a plus de 60 ans, et il ne permet pas de dispenser les soins nécessaires de nos jours.

Nous avions en fait conclu des ententes avec notre gouvernement provincial sur la façon d’aller de l’avant avec certains projets pilotes. Toutes ces choses ont pratiquement été freinées parce que la capacité de financer ce travail est maintenant en jeu. Les médecins financent eux-mêmes une grande partie du système, et nous voyons que des gens ont bien trop peur de continuer à s’exposer et à innover.

Le sénateur Mockler : Docteure, il ne fait aucun doute que vous nous avez beaucoup informés et éduqués. Je crois que votre témoignage a aussi été instructif pour votre profession, d’un océan à l’autre.

(La séance est levée.)

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