Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 56 - Témoignages du 7 décembre 2017 (séance du matin)
OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
J’aimerais aussi souhaiter la bienvenue à tous ceux présents ici dans la salle, de même qu’aux téléspectateurs de l’ensemble du pays qui nous regardent à la télévision ou en ligne. J’aimerais maintenant demander aux honorables sénateurs de se présenter à tour de rôle, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Beth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, sénateur du Québec.
Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures.
[Traduction]
Ce type de mesures législatives s’inscrit au cœur même du mandat du comité des finances nationales. Pour discuter du projet de loi C-63, Loi no 2 d’exécution du budget de 2017, nous accueillons ce matin Mme Carolyn Pullen, directrice, Politiques, représentation et planification stratégique, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada; ainsi que M. Bill Jeffery, directeur général du Centre pour les sciences de la santé et le droit.
La greffière m’a informé que chacun d’entre vous avait une déclaration liminaire. Nous allons vous entendre tour à tour, après quoi nous passerons à la période de questions.
Madame Pullen, la parole est à vous, suivie de M. Jeffery.
Carolyn Pullen, directrice, Politiques, représentation et planification stratégique, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Merci, monsieur le président. C’est un privilège d’être ici aujourd’hui au nom de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada ou l’AIIC.
Je suis une infirmière autorisée qui représente l’AIIC, le porte-parole national professionnel de plus de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés et praticiens partout au Canada. Dorénavant, je parlerai des IP pour désigner les infirmières et infirmiers praticiens.
À l’échelle du Canada, près de 5 000 IP dispensent des soins à plus de 3 millions de Canadiens. Comme les membres du comité le savent probablement, les IP travaillent dans tous les milieux de soins, y compris les centres urbains, et ils constituent les principaux fournisseurs de soins primaires dans les collectivités rurales et éloignées partout au pays.
Je suis ravie d’être ici aujourd’hui pour vous parler des mesures particulières relatives aux IP prévues dans le projet de loi C-63, Loi no 2 d’exécution du budget.
Le 7 novembre 2017, l’AIIC a témoigné devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes au sujet de ce même projet de loi. Nous sommes heureux d’avoir la possibilité aujourd’hui d’informer les membres de ce comité du rôle important que jouent les IP au sein de notre système de soins de santé et de vous expliquer en quoi ce projet de loi améliorera l’accès aux soins de santé pour les patients.
Les IP sont des infirmières et infirmiers autorisés qui exercent leur pratique à ce titre depuis au moins cinq ans et qui ont poursuivi des études supérieures en vue de se spécialiser dans la prestation de soins avancés. Les IP au Canada sont instruits, réglementés et autorisés à fournir des soins de santé primaires complets, notamment effectuer des évaluations physiques, remplir les formulaires d’admission et de départ, commander et interpréter des tests diagnostiques, prescrire des médicaments, y compris des médicaments contrôlés, et même effectuer des interventions chirurgicales mineures.
Depuis le 22 mars 2017, jour de dépôt du budget, les IP peuvent attester que la déficience de leurs patients est admissible et remplir le formulaire T2201, Certificat de crédit d’impôt pour personnes handicapées. L’AIIC a donc fait des annonces à ce sujet et a renseigné ses membres sur ce nouveau privilège.
Depuis le 3 décembre, les IP peuvent désormais remplir des rapports médicaux pour les prestations spéciales d’assurance-emploi afin d’aider les personnes qui doivent s’absenter du travail pour prendre soin des membres de leur famille.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-63 permettront aux IP du Canada de traiter les patients à la pleine hauteur de leurs compétences, y compris de remplir des documents au sujet de l’état de santé de leurs patients.
L’AIIC a passé en revue les modifications proposées dans le projet de loi C-63. Nous sommes heureux de faire savoir aux membres du comité que les modifications complètent les dispositions restantes auxquelles les IP devaient être ajoutés afin de moderniser pleinement le texte de loi.
Par suite de ces modifications, la Loi de l’impôt sur le revenu et le Règlement de l’impôt sur le revenu préciseront que les IP peuvent fournir des attestations ou des rapports relativement à d’autres mesures fiscales dans les cas où ce sont des médecins qui le font.
L’AIIC et l’Association canadienne des infirmières et infirmiers praticiens sont heureuses de voir que ces changements mèneront à des modifications des règlements traitant des régimes de pension agréés, du crédit d’impôt pour frais médicaux, de la déduction pour frais de garde d’enfants, de la définition d’« étudiant admissible » et du régime enregistré d’épargne-invalidité.
Nous invitons donc les membres du comité à accepter les changements proposés, qui amélioreront l’accès aux soins des patients dont les soins primaires sont dispensés par des IP.
Pour l’avenir, l’AIIC prévoit que des changements semblables seront apportés aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Au cours des deux dernières années, l’AIIC a rencontré des fonctionnaires du Bureau du ministre et du ministère d’EDSC au sujet des changements qui autoriseront les IP à rédiger pour les patients les rapports médicaux relativement à une invalidité. Ces changements entreront en vigueur dans les prochains jours et permettront non seulement d’améliorer l’accès aux soins, mais aussi d’abaisser les coûts des soins de santé.
Enfin, j’aimerais profiter de l’occasion pour inviter les membres du comité à appuyer les recommandations qui ont été inscrites dans le mémoire prébudgétaire de 2018 de l’AIIC, qui a été distribué à tous les parlementaires. Parmi nos principales recommandations, mentionnons un investissement de 125 millions de dollars au cours des cinq prochaines années dans la sensibilisation de la population, dans la foulée du projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis, y compris un investissement ponctuel de 1,5 million de dollars visant à accroître les connaissances des infirmiers et des infirmières relativement au cannabis médical et à la réduction des méfaits causés par la consommation du cannabis. Évidemment, il s’agit d’une nécessité, puisque les infirmières et infirmiers ont un contact direct avec les Canadiens d’un bout à l’autre du pays et ont un grand rôle à jouer en matière d’éducation.
En outre, nous recommandons d’investir 45 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer les soins actifs dans les provinces et les territoires ainsi que les programmes communautaires de gérance des antimicrobiens, puis d’investir 1,5 million de dollars dans le renforcement des compétences et la capacité des infirmières et des infirmiers d’améliorer la façon dont les antibiotiques sont prescrits et utilisés par les Canadiens.
Enfin, pour combler les lacunes au chapitre des soins de santé au sein des peuples autochtones, nous recommandons d’investir 500 millions de dollars sur une période de cinq ans pour améliorer les infrastructures en matière d’enseignement dans les collectivités rurales et éloignées. L’AIIC est d’avis que l’un des mécanismes permettant d’améliorer les soins serait le développement d’une main-d’œuvre médicale autochtone, mais pour ce faire, les étudiants devront avoir un accès équitable à une éducation de qualité. Parallèlement, nous recommandons un investissement de 500 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer l’accès à des soins primaires, à des soins à domicile et à des soins palliatifs de grande qualité pour les collectivités autochtones.
Pour conclure, j’invite les membres du comité à appuyer le projet de loi C-63. Nous sommes heureux que le projet de loi fasse fond sur les changements importants qui se trouvaient dans le projet de loi C-44, soit la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017.
Merci beaucoup. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président : Merci, madame Pullen.
Monsieur Jeffery, allez-y, je vous prie.
Bill Jeffery, directeur général, Centre pour les sciences de la santé et le droit : Merci, monsieur le président.
Le Centre pour les sciences de la santé et le droit est un organisme établi à Ottawa qui fait la promotion de la santé. Nous n’acceptons aucun financement de la part de l’industrie ou du gouvernement. Nous sommes encore dans la phase de développement de cette nouvelle organisation, mais nous nous finançons à même les frais d’abonnement au magazine Food for Life Report que nous publions et que tous les sénateurs et députés reçoivent gratuitement.
Je suis ici aujourd’hui au nom du Centre pour les sciences de la santé et le droit, mais je vais surtout parler d’une proposition qui a été présentée au ministre des Finances par la Coalition pour une saine alimentation scolaire, dont nous sommes membres. Je vous ai transmis une copie de la lettre qui, malheureusement, n’existe qu’en anglais pour l’instant — la lettre que nous avons envoyée au ministre des Finances il y a environ un mois.
À la fin de ma déclaration, j’aimerais vous lire le libellé d’un amendement que nous proposons au projet de loi C-63. Nous estimons qu’il y a un problème de cohérence des politiques. Le gouvernement fédéral tire des recettes fiscales de la vente d’alcool, de tabac et de produits alimentaires — et j’ai quelques estimations — et va bientôt en recueillir d’autres en lien avec le cannabis, comme le propose le projet de loi C-63. Toutefois, ce sont tous des produits qui entraînent des problèmes de santé qui ont une énorme incidence sur la santé en général des Canadiens et l’ensemble de l’économie canadienne.
Par conséquent, il est nécessaire d’apporter une plus grande cohérence dans les politiques. Il y a un décalage entre les recettes qui sont tirées de la vente de ces produits et l’argent qui est investi dans les programmes destinés à gérer les risques pour la santé de ces produits.
Enfin, il y a évidemment un risque moral à percevoir des taxes sur des produits qui causent du tort aux Canadiens.
Nous avons pu dégager certains chiffres par divers moyens. Tout d’abord, sachez que selon le rapport sur la charge mondiale de morbidité — et je peux fournir les détails de ce rapport au comité un peu plus tard —, près de 50 000 personnes meurent des suites de maladies liées à la nutrition et au tabac. Lorsqu’on parle d’alcool, c’est peut-être 8 000 décès par année. Nous n’avons pas de chiffres pour ce qui est du cannabis, mais on pense que ce serait un peu moins de 3 000 décès par année. Chose certaine, ce sont tous des facteurs qui contribuent à une mort prématurée.
Fait intéressant, bien qu’il ne s’agisse pas de chiffres officiels, nous avons pu déterminer, à partir de diverses sources, que le gouvernement fédéral percevait environ 4 milliards de dollars par année à même la taxe sur les aliments, l’alcool et le tabac. En ce qui a trait aux recettes fiscales tirées de la vente du cannabis, selon les estimations, elles varient entre 240 millions et 4 milliards de dollars par année, et c’est sans compter les recettes que les provinces tireraient de la taxation et de la vente de ces produits, car si elles utilisent un modèle semblable à celui de la vente d’alcool, elles sont le principal vendeur et bénéficient des profits.
En ce qui concerne les dépenses, à notre connaissance, le gouvernement fédéral a dépensé moins de 2 millions de dollars par année pour financer des programmes d’alimentation saine dans les écoles, par exemple. La majorité du temps, ces dernières années, il n’a dépensé que très peu, voire rien du tout. Comme je n’ai eu que quelques heures pour me préparer à cette comparution, je ne connais pas le montant exact qui est consacré aux programmes d’abandon du tabagisme, mais si je ne me trompe pas, le ministère des Finances a reconnu que le gouvernement avait dépensé la somme de 84 millions de dollars dans le cadre de la lutte contre le tabagisme en général, puis affecté la somme de 50 millions de dollars à l’application de la loi existante.
Plutôt que de faire un résumé, je vais profiter de l’occasion pour vous lire notre proposition. Nous proposons que le paragraphe 171(3) du projet de loi C-63 soit modifié comme suit :
Que l’alinéa 40e) de la loi soit inséré tout de suite après l’alinéa 40d), et il se lirait comme suit :
Prescrivant à quel moment et de quelle manière le ministre devra déposer un rapport annuel au Parlement sur les recettes perçues par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en vertu de la présente loi relativement à la vente de cannabis, d’alcool, de tabac et de produits alimentaires; et les dépenses consacrées aux programmes de repas nutritifs dans les écoles, aux programmes de réadaptation pour les alcooliques et les toxicomanes et aux programmes d’abandon du tabagisme.
Merci, monsieur le président.
Le président : Merci. Nous allons maintenant passer à la période de questions.
La sénatrice Eaton : Merci beaucoup, monsieur Jeffery et madame Pullen.
Monsieur Jeffery, vous avez dit que 50 000 personnes meurent chaque année, environ, de maladies liées à l’alimentation. Est-ce que vous parlez ici d’obésité et de diabète? De quoi parlez-vous exactement?
M. Jeffery : Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada publie rarement ces chiffres, alors nous nous fions à une base de données sur la charge mondiale de morbidité, établie à l’Université de Washington, à Seattle, et créée à partir de statistiques gouvernementales de partout dans le monde. En fait, on n’a pas de chiffres pour l’obésité…
La sénatrice Eaton : Vous dites donc que ce sont 50 000 personnes qui meurent chaque année au Canada?
M. Jeffery : C’est exact. On a fait une ventilation par rapport à la consommation insuffisante de fruits et de légumes, l’apport insuffisant en grains entiers et la consommation excessive de sodium, et ainsi de suite. Je pourrais vous fournir plus de détails là-dessus.
La sénatrice Eaton : Vous rappelez-vous du maire Bloomberg, à New York, qui a imposé une taxe sur les boissons sucrées? Avez-vous réalisé des études pour déterminer la pertinence de taxer certains produits ayant une teneur élevée en sucre, en sel ou en gras?
M. Jeffery : Nous n’avons pas fait d’études nous-mêmes, mais nous avons publié un article sur le sujet dans notre magazine, et je serais heureux de vous en faire part — la façon dont la nourriture est taxée. La plupart des études qui ont été menées sur la taxation des aliments révèlent que ce sont les taxes sur le sodium qui sont les plus utiles. C’est là où on peut le plus réduire les dommages.
Toutefois, nous avons demandé de revoir la façon dont la TPS/TVH est appliquée aux aliments, car la réglementation a été élaborée il y a plusieurs décennies, c’est-à-dire avant qu’on comprenne bien bon nombre de ces maladies. Par conséquent, nous constatons beaucoup de choses absurdes, par exemple si vous allez à l’épicerie et que vous achetez une salade, une salade de fruits ou de l’eau gazéifiée, vous devrez payer des taxes, mais si vous achetez du bacon, du lard ou des aliments très salés, ces produits ne sont souvent pas taxés. D’une certaine façon, notre régime de taxation contribue à beaucoup de maladies chroniques en encourageant l’achat d’aliments malsains au détriment d’aliments sains.
La sénatrice Eaton : Madame Pullen, vous avez lu, j’en suis sûre, que l’ARC s’était montrée difficile à l’endroit des personnes handicapées, diabétiques ou autistes. Je pense que les nouvelles règles exigent qu’un diabétique prouve le nombre d’heures qu’il doit consacrer par jour au contrôle de sa glycémie. À votre connaissance, y a-t-il des infirmiers praticiens qui éprouvent des difficultés lorsqu’ils doivent attester si une personne a un handicap et qu’elle a droit à ce crédit d’impôt? Pensez-vous qu’ils ont besoin de plus de certification pour que l’ARC ne leur cause pas de problèmes?
Mme Pullen : Je ne suis pas sûre que le problème réside vraiment dans la certification; toutefois, la communication d’informations et d’instructions claires quant à l’admissibilité profiterait aux fournisseurs de soins, aux bénéficiaires du crédit d’impôt et au public en général. Ainsi, le crédit d’impôt ne serait pas mal interprété et on ne refuserait pas injustement les demandes.
Nous avons vu de nombreux cas où l’information sur un nouveau crédit d’impôt ou une modification au code fiscal n’a pas été bien comprise ou bien communiquée. Dans ces cas, les gens n’en font tout simplement pas la demande et passent à côté des prestations auxquelles ils ont droit, ou alors ils sont injustement refusés.
D’ailleurs, à ce sujet, nous sommes heureux de participer à un comité consultatif auprès de l’ARC qui ne cherche pas nécessairement à apporter des changements précis au code fiscal dans ce domaine, mais plutôt à améliorer l’information afin qu’elle soit bien comprise par tous les intervenants.
La sénatrice Eaton : Et par eux également. Le vérificateur général n’a d’ailleurs pas pesé ses mots concernant l’information erronée qui a été communiquée.
La sénatrice Marshall : Ma première question s’adresse à Mme Pullen et fait suite aux questions de ma collègue.
En réponse à la sénatrice Eaton, vous avez mentionné que vous aimeriez que l’Agence du revenu du Canada fournisse des directives claires sur la façon de remplir la demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées. Avez-vous reçu des nouvelles directives concernant l’obtention du crédit d’impôt pour personnes handicapées pour les diabétiques ou les autistes? Parce que ce sont les deux problèmes qui ont fait la manchette dans les médias.
Mme Pullen : Pour le moment, nous n’avons pas reçu d’autres renseignements.
La sénatrice Marshall : Si je ne me trompe pas, vous avez dit que les IP ont commencé à remplir les demandes de crédit d’impôt pour personnes handicapées au début de l’exercice financier. Combien y a-t-il d’infirmières et infirmiers praticiens au Canada?
Mme Pullen : À l’heure actuelle, il y a un peu moins de 5 000 IP au Canada, dont un peu plus de 3 000 en Ontario.
La sénatrice Marshall : L’une ou l’autre de ces 5 000 personnes peut le faire?
Mme Pullen : C’est exact.
La sénatrice Marshall : Et la formation dont vous avez parlé dans votre déclaration se rapporte-t-elle spécifiquement au crédit d’impôt?
Mme Pullen : L’information à laquelle j’ai fait allusion dans mes observations s’adressait aux futurs infirmiers praticiens qui seront désormais des infirmiers en pratique avancée. Cela concernait donc davantage les compétences d’évaluation physique, comme les aspects cliniques de la pratique. Mais dès qu’il y a un changement à une loi ou à une politique, des groupes comme l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et d’autres organismes de soins infirmiers interviennent pour fournir de l’information à nos membres.
Dans ce cas, puisque le changement au crédit d’impôt pour personnes handicapées est entré en vigueur le jour du dépôt du budget, en mars, l’AIIC a organisé des séances d’information et d’éducation accessibles à toutes les infirmières et tous les infirmiers intéressés, mais il revient surtout aux IP concernés d’assister à des webinaires ou de passer en revue des documents pour en savoir davantage sur le crédit d’impôt.
La sénatrice Marshall : Donc, il est possible d’avoir de la formation additionnelle. Mais même sans la formation particulière, ils seraient en mesure de compléter les renseignements relatifs au crédit d’impôt pour personnes handicapées?
Mme Pullen : Oui.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
Ma question suivante s’adresse à M. Jeffery. Je regardais l’amendement que vous suggérez, et je l’appuie généralement. La modification apportée par le projet de loi C-63 se limite dans une grande mesure au cannabis. Pourquoi suggérez-vous que la modification s’étende aussi à l’alcool, au tabac et à la nourriture? Pourquoi ne pas restreindre cela au cannabis, puisque la modification que nous examinons se limite au cannabis?
M. Jeffery : Je vous remercie de votre question, sénatrice. D’autres parties du projet de loi C-63 peaufinent la manière de taxer la bière et le tabac. Donc, d’une certaine façon, la taxation du cannabis est un nouveau système qui s’amorce, en quelque sorte, et les taxes sur la nourriture, le tabac et l’alcool sont des sources de revenus bien établies. Le gouvernement fédéral ajuste les règles un peu, bien que ce soit différent avec la nourriture, dans le sens qu’à ma connaissance, les règles fiscales visant la nourriture aient été conçues par des économistes il y a 50 ou 60 ans, sans qu’ils aient pu profiter d’une bonne compréhension des effets sur la santé. Depuis, notre compréhension de la relation entre l’alimentation et la maladie a changé spectaculairement.
Je dirais donc que c’est premièrement un plaidoyer pour la cohérence des politiques, et qu’il y a deuxièmement une possibilité d’illustrer que les plus grandes causes de dommages à la santé parmi ces quatre produits sont le tabac et la nourriture, la mauvaise alimentation, et pas tant le cannabis, bien que cela soit une source de préoccupations en matière de santé.
La sénatrice Marshall : Aussi, le rapport annuel qu’il y a dans votre amendement porterait sur les revenus. Avez-vous pensé à élargir la portée de ce que le rapport annuel comporterait? Par exemple, les accords avec les provinces respectives devraient être dans le rapport. Ce serait très intéressant à lire. Avez-vous envisagé d’autres aspects que les revenus?
M. Jeffery : Je dirais que j’ai davantage cherché à trouver les types de revenus que cela générait. J’ai remarqué, comme je l’ai dit dans mes observations précédemment, qu’il y a beaucoup de profits pour les provinces, ce qui est aussi important, d’après moi. Manifestement, taxer les produits qui sont nocifs est bon pour la santé publique.
Nous avons libellé l’amendement ainsi afin d’éviter deux problèmes techniques, avec ce type d’approche de santé publique. Le premier, c’est que le Sénat ne peut pas vraiment modifier un projet de loi de finances sans la prérogative royale, et le deuxième, c’est que les ministres des Finances s’opposent fermement en général à l’affectation de fonds à des activités spécifiques.
Je ne sais pas si vous étiez là, sénatrice, il y a environ 15 ans…
La sénatrice Marshall : J’étais là.
M. Jeffery : … quand le Sénat a cherché à créer un fonds dans lequel mettre les revenus provenant des sociétés de tabac — on n’appelait pas cela une taxe. Ces revenus allaient servir à créer des programmes d’abandon du tabagisme. Cela a malheureusement été un échec, il s’agit ici d’un effort pour soulever la question du lien entre les revenus générés et les dommages causés.
La sénatrice Marshall : Et les programmes offerts.
M. Jeffery : Oui.
Le sénateur Pratte : Monsieur Jeffery, j’essaie de mieux comprendre l’amendement que vous suggérez. Vous essayez de faire ressortir la différence entre les revenus générés par ces taxes et les dépenses pour des programmes qui, d’après vous, préviendraient ou réduiraient les dommages causés par le cannabis et l’alcool, grâce au financement de programmes de saine alimentation scolaire, de programmes de réadaptation pour alcooliques et toxicomanes et des programmes d’abandon du tabagisme.
Certains diraient que les taxes générées par le cannabis, l’alcool et le tabac pourraient aller à d’autres programmes. Par exemple, les taxes générées par le tabac pourraient aller aux soins de santé prodigués aux personnes atteintes du cancer. Cela ne serait pas inclus dans les dépenses prévues dans votre amendement, et le montant pourrait atteindre des centaines de millions de dollars. Je me demande si l’amendement n’est pas incomplet, étant donné que de nombreux autres programmes de dépense pourraient être inclus dans cela.
M. Jeffery : C’est bien vrai, sénateur, mais la production de rapports, même en termes plus généraux, aurait au moins pour effet de forcer la conversation et de promouvoir le principe de la cohérence des politiques. C’est intéressant. Je n’ai pas indiqué le montant dans mon mémoire, mais selon une estimation, le fardeau total des dommages causés par l’alcool se situe autour des 16 milliards de dollars, ce qui dépasse nettement les revenus provenant de la taxe sur l’alcool et des profits de la vente d’alcool. Je trouve cette cohérence des politiques importante pour les Canadiens et les décideurs, et la transparence favoriserait cela.
Le sénateur Pratte : J’aurais personnellement de la difficulté avec l’amendement. Cela n’a rien à voir avec la question de la santé, mais du point de vue des relations fédérales-provinciales, j’aurais certainement de la difficulté à voir, dans une loi fédérale, qu’on impose aux gouvernements provinciaux de faire rapport au Parlement fédéral de l’utilisation de leurs taxes pour des programmes particuliers. Je crois qu’il faudrait d’abord négocier cela avec les provinces, notamment à savoir si elles accepteraient de faire rapport au ministre fédéral de sorte que celui-ci puisse faire rapport au Parlement. Je serais très surpris que les provinces acceptent cela. Lors de telles négociations, la plupart des provinces diraient : « Nous allons faire rapport à nos contribuables de ce que nous faisons avec notre argent, et non au gouvernement fédéral. »
M. Jeffery : Pour illustrer ma réponse, en ce qui concerne la taxe sur l’alcool, des données assez détaillées sont transmises à Statistique Canada au sujet des revenus perçus par les deux ordres de gouvernement, et Statistique Canada diffuse cette information.
Par contre, en ce qui concerne la nourriture, nous avons été en mesure de faire une estimation approximative au moyen de sources diverses d’information concernant les divers types de ventes d’aliments, puis d’appliquer les règles de la Loi sur la taxe d’accise à ces montants afin d’en venir à une estimation des revenus perçus, parce que le ministère des Finances et l’Agence du revenu du Canada ne demandent pas une ventilation en fonction des types d’aliments sur lesquels la taxe est perçue. Il est donc un peu difficile de suivre ce qui se passe, et il faut dans certains cas mener beaucoup plus d’analyse et miser davantage sur une diversité de bases de données que ce qui serait sensé d’après moi dans un environnement se caractérisant par la cohérence des politiques.
Le sénateur Pratte : Je parle plutôt des données sur les dépenses.
M. Jeffery : Oui. Je ne veux manifestement pas troubler les relations fédérales-provinciales, mais il est très difficile de déterminer combien d’argent le gouvernement fédéral consacre à des programmes de saine alimentation scolaire. Notre coalition tient des réunions régulières, et nous tombons sur des détails quelques fois par année. Nous faisons beaucoup de recherche sur le site web de l’Agence du revenu du Canada. L’information est toujours incomplète. Nous avons discuté avec divers fonctionnaires gouvernementaux. Il est difficile d’obtenir cette information, et je pense que ce ne serait pas le cas si le ministre des Finances avait l’obligation d’en faire rapport.
Le sénateur Pratte : Est-ce qu’il y a des données facilement accessibles sur les dépenses des provinces relatives à ce genre de programmes?
M. Jeffery : En ce qui concerne les programmes alimentaires scolaires, l’une des façons dont nous pouvons obtenir de l’information, c’est que plusieurs provinces — pas toutes — versent des fonds à des organismes de bienfaisances pour qu’ils s’occupent d’appliquer les programmes. Ces organismes de bienfaisance doivent faire rapport de la source du financement sur le site web de l’Agence du revenu du Canada. C’est donc extrêmement facile. Cependant, si le programme est appliqué différemment ou si la province fournit elle-même les services, il faut alors parcourir un paquet de documents faisant état des dépenses pour ensuite créer nos propres rapports. C’est si difficile que c’est une véritable patate chaude au sein de la coalition; personne ne veut le faire parce que cela demande tellement de travail.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma première question s’adresse à Mme Pullen. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada est-elle supranationale ou a-t-elle des ententes avec les associations d’infirmiers et d’infirmières de chacune des provinces?
Mme Pullen : Merci de votre question. Si vous me le permettez, je vais vous répondre en anglais.
[Traduction]
L’Association des infirmières et infirmiers du Canada est très fière d’être l’un des rares groupes capables de dire qu’elle compte des membres individuels dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada.
Les membres de l’association peuvent être des associations provinciales représentant les infirmières et infirmiers, ce qui fait que toutes les infirmières et tous les infirmiers autorisés de ces provinces font partie de notre association. Dans certaines provinces, comme en Ontario et au Québec, les infirmières et infirmiers individuels peuvent adhérer directement à l’AIIC, car aucune association provinciale ne les amène collectivement à l’AIIC. Donc, nos 139 000 membres sont des membres d’une association provinciale ou territoriale, ou des individus des deux provinces que j’ai nommées.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous acceptez comme membres les personnes qui sont qualifiées par leur association provinciale.
[Traduction]
Mme Pullen : Oui. Historiquement — et il en est encore ainsi dans plusieurs cas —, l’organisme provincial de réglementation de la profession infirmière avait un rôle double, soit d’agir à titre d’organisme de réglementation et d’association professionnelle ayant comme mandat de faire progresser la profession. Dans certaines provinces, on a pris la décision de séparer le rôle de réglementation du rôle d’association professionnelle, car on percevait un conflit entre la protection du public et la défense de la profession. C’est ce qui explique que nous ayons maintenant dans certaines provinces un organisme de réglementation dont relèvent tous les infirmiers et infirmières autorisés et une association à laquelle l’adhésion est facultative et qui amène ses membres à l’AIIC. Dans les autres provinces où il y a un organisme de réglementation seulement, tous les infirmiers et infirmières en relèvent, et ces personnes viennent toutes à l’AIIC.
L’effet net, c’est que dans certaines provinces, 100 p. 100 des infirmières et infirmiers autorisés et des infirmières et infirmiers praticiens sont membres de l’AIIC, et que dans d’autres provinces, nos membres sont le sous-ensemble des personnes qui adhèrent volontairement à leur association provinciale ou des personnes qui adhèrent directement à l’AIIC. C’est un modèle plutôt mixte, en ce moment, et il est en transition constante.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma deuxième question s’adresse à M. Jeffery. Vous avez fait la nomenclature de taxation pour les produits qu’on pourrait qualifier de nocifs, à savoir l’alcool, le tabac, la marijuana, et cetera. Si on prend le montant des taxes que le gouvernement fédéral récupérera dans l’ensemble pour ces produits nocifs, est-il égal aux coûts additionnels liés aux soins de santé? Somme toute, est-ce qu’on récolte plus de taxes que ce qu’entraînent les dépenses liées à ces maladies?
[Traduction]
M. Jeffery : Je ne connais pas la réponse à cela dans tous les cas. Comme je l’ai dit, les estimations de la taxe qui sera perçue sur le cannabis varient énormément, et je ne suis pas au fait de l’existence de bonnes estimations des coûts liés à la consommation de cannabis.
Le meilleur exemple est celui de l’alcool. Je ne suis pas un spécialiste en matière d’alcool, mais je me souviens d’avoir lu d’une source crédible que le fardeau de l’alcool est d’environ 16 milliards de dollars par année. Je pense que les revenus des gouvernements fédéral et provinciaux sont proches de ce montant.
Pour la nourriture — l’aspect que je connais le mieux puisque j’y travaille depuis 20 ans —, il existe des estimations très imprécises du fardeau économique que représente la maladie liée au régime alimentaire. Il y a eu quelques estimations sur le coût de l’obésité — dont une estimation de l’Agence de la santé publique du Canada qui a situé ce coût à environ 7 milliards de dollars par année —, mais le gouvernement fédéral a aussi estimé que la maladie liée au régime alimentaire peut avoir d’énormes incidences sur la productivité, ayant indiqué dans un cas que les personnes ayant une alimentation saine étaient 11 p. 100 plus productives que les personnes ayant une alimentation non nutritive. Cela représente une ponction considérable sur les ressources sociétales. Si c’est vraiment le cas, les revenus des taxes sur la nourriture sont nettement inférieurs au fardeau.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je vous arrête, parce que je pense que votre information n’est pas correcte. Le diabète aujourd’hui est très bien contrôlé. Je sais de quoi je parle. Je suis diabétique et cela ne m’a jamais empêché de travailler. Vos chiffres ne sont pas exacts lorsque vous dites que 11 p. 100 des diabétiques sont inefficaces au travail.
J’aimerais soulever un autre point. Au Canada, ce n’est pas l’alcool qui tue, ce sont les taxes, parce qu’on consomme des taxes. Si tous ces produits qu’on taxe sont nocifs pour la santé, pourquoi ne pas tout simplement les interdire? Je pose la question, je l’ai posée à de nombreuses personnes au sein du gouvernement. Personne ne renonce à percevoir les taxes, mais tout le monde veut combattre les effets nocifs des produits. Il y a un déséquilibre logique là-dedans.
[Traduction]
Le président : Monsieur Jeffery, si vous souhaitez vérifier certaines statistiques, n’hésitez pas à les transmettre ultérieurement au comité par l’intermédiaire de la greffière.
M. Jeffery : Certainement.
Je tiens à préciser, sénateur, que la proportion de 11 p. 100 ne signifie pas que chaque personne qui se nourrit mal est de 11 p. 100 moins efficace. C’est une estimation selon laquelle, en moyenne, les personnes qui se nourrissent mal sont moins productives dans une proportion de 11 p. 100 que les personnes qui se nourrissent sainement. Cette donnée vient d’une étude d’impact de la réglementation réalisée au sujet de l’étiquetage nutritionnel qui a été publiée dans la Gazette du Canada en 2015, et je peux la fournir au comité.
Deuxièmement, en guise d’exemple — et je suis plutôt un expert en matière d’aliments, mais la preuve est claire avec l’alcool parce qu’il s’agit d’un produit plus simple —, l’Organisation mondiale de la Santé a conclu que l’alcool arrive au cinquième rang des causes de décès à l’échelle mondiale. C’est une cause très importante de mort prématurée, surtout par le cancer, au Canada. Je pense que bien des pays autour du monde, y compris le Canada, ont tiré des leçons des problèmes liés à l’interdiction complète de produits. C’est rarement une façon efficace de réduire la consommation, et il en découle d’importants marchés noirs ainsi que d’autres problèmes de tous genres. Nous ne préconisons donc pas l’interdiction de l’alcool, et du cannabis non plus, et l’incarcération des gens pour avoir consommé ces produits.
Je serai ravi de transmettre les autres renseignements au comité.
La sénatrice Andreychuk : Je m’adresse à l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Je suis impressionnée par votre travail et votre dévouement envers les patients, ce qui vient en premier. Votre association compte-t-elle toujours des membres extraordinaires qui ne sont pas des infirmières ou infirmiers, de sorte que vous puissiez être en contact avec le public?
Mme Pullen : Oui. Je vous remercie de votre question. Nous avons en ce moment trois représentants du public au sein de notre conseil d’administration. L’un de ces sièges est attribué spécifiquement à une personne d’origine autochtone, dans un effort pour que les Autochtones puissent se faire entendre à la table du conseil.
La sénatrice Andreychuk : Je devrais divulguer mon conflit d’intérêts. J’ai été membre extraordinaire, il y a quelque 20 ou 30 ans.
Mme Pullen : Nous continuons.
La sénatrice Andreychuk : Donc, je suis au courant et je suis d’accord, concernant les infirmières et infirmiers praticiens, la qualité des soins et la formation supérieure. Je suis à peu près sûre que vous allez assurer l’excellence des soins aux patients. Ce qui me préoccupe, c’est la façon dont vous allez pouvoir lier cela à l’ARC, car c’est une attestation, ce qui est presque un enjeu d’audit ou de comptabilité. Les médecins ont été aux prises avec cela par le passé. « Je fais une attestation, pour une agence fédérale, concernant certaines compétences. » Vous devez donc faire votre évaluation médicale, d’après ce que je comprends, mais vous devez ensuite appliquer les règles du jeu et vous avez les directives de l’ARC.
La lacune qui me préoccupe, c’est si les infirmières et infirmiers praticiens vont avoir assez d’information pour pouvoir répondre à cette question d’ordre bureaucratique, ce qui cause des problèmes comme les diabétiques qui sont sur la liste, puis retirés de la liste. Il y aura des infirmières praticiennes qui vont se trouver prises à justifier ce qu’elles ont fait. C’est ce qui me préoccupe. Est-ce qu’il y a plus d’argent? Est-ce qu’il y a de l’éducation prévue de ce côté, et est-ce que la compétence est là pour cela?
Je ne suis pas comptable ni auditeur ni bureaucrate. Je suis une infirmière. Je peux évaluer les capacités et les besoins. Comment appliquer cela à une directive visant à déterminer si des fonds seront versés ou pas?
Mme Pullen : C’est un enjeu très important, et je vous remercie de votre question. C’est le même défi pour toute profession ou tout groupe vivant un changement semblable pour lequel la mobilisation des connaissances et les renseignements sont essentiels à la réussite du processus.
Il ne fait aucun doute que l’association nationale et les organismes de réglementation provinciaux se tiennent au fait de ces changements et travaillent en collaboration à la réalisation de ces changements s’il y a lieu. Et dans le sillage de cela, c’est à nous qu’il incombe de faire partie des leaders qui fournissent de l’information et de la formation aux infirmières et infirmiers touchés par ces changements.
Par exemple, quand le projet de loi a été adopté en mars, très rapidement dans le sillage de ce changement, l’AIIC a produit un webinaire sur le changement, accompagné d’instructions que nous avons obtenues de l’ARC ou d’autres ministères intervenant dans le changement. Cela a été publicisé et offert gratuitement à toutes les infirmières et tous les infirmiers praticiens, de sorte que l’information fournie soit la plus claire possible. L’information a été sauvegardée et archivée pour consultation ultérieure.
Les organismes de réglementation font la même chose. Si vous allez sur les sites web provinciaux, vous verrez des structures semblables. Et s’il y a lieu — par exemple, pour les changements législatifs visant l’aide médicale à mourir —, d’autres groupes essentiels participeraient aussi à ce processus de changement, comme la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada. Tout comme l’AIIC et les organismes de réglementation, elle offrirait de l’information détaillée, des occasions d’apprentissage et des mesures de soutien individuel afin d’informer et de soutenir les infirmières et infirmiers au cours de la transition.
Je trouve très important que nous ayons été invités à participer à la table de consultation de l’ARC afin d’approfondir davantage certains enjeux, parce que vous avez tout à fait raison : pour garantir le succès tant du point de vue de l’exécution que de l’adoption, il faut que les gens aient les bonnes compétences, connaissances et pratiques pour que cela se déroule convenablement, de sorte que les praticiens ne soient pas vulnérables et que les Canadiens obtiennent les avantages qu’ils méritent. C’est une chose que nous allons surveiller de près et pour laquelle nous allons offrir du soutien.
La sénatrice Andreychuk : Je vais me pencher sur votre amendement, car c’est central. Nous nous demandons bien ce qui va se produire en réalité, concernant le cannabis, et qui va s’occuper de cela. Il semble que le gouvernement fasse des estimations de ce qu’il lui faut, mais les provinces nous disent qu’elles vont s’en occuper et qu’elles ont besoin des revenus. Nous ne savons donc pas trop qui va obtenir les revenus des taxes. Est-ce que les revenus seront partagés en parts égales, comme le gouvernement fédéral semble le souhaiter? Il y a de la résistance des provinces?
Je regarde votre amendement, monsieur Jeffery, et je comprends le désir d’avoir de la cohérence dans les politiques. Je suis pour, mais je ne sais pas si c’est ici que cela doit reposer, que nous devons essayer de nous immiscer — « immiscer » n’est peut-être pas le bon mot, mais c’est l’impression que cela donne. Tout à coup, nous parlons d’alcool, de tabac, de nourriture, et il serait bon d’obtenir des statistiques sur ce qu’ils vont faire à propos du cannabis, parce que nous nous lançons dans quelque chose de nouveau. Il serait bon d’avoir des statistiques pour savoir où sont les revenus, et cetera. Ce serait un premier pas vers la cohérence, puis nous ferions l’analyse comparative entre l’alcool, la nourriture, et cetera.
C’est l’une de mes réflexions. J’aime l’idée de recueillir ces renseignements, car c’est nécessaire et le gouvernement devrait le faire, mais passer à l’étape suivante pour établir des comparaisons pourrait être un peu trop. J’aimerais donc avoir votre avis sur la question.
L’autre chose, c’est que vous citez des données sur le cannabis, mais elles ont été recueillies lorsque le cannabis était illégal, et il n’y a donc pas suffisamment de recherches sur le sujet. Nous en ferons un processus légalisé. Nous n’avons absolument aucune idée du type de stratégie de réduction des méfaits dont nous aurons besoin, car nous ne connaissons pas la nature de ces méfaits. On nous a dit que contrairement à d’autres substances, la marijuana peut entraîner de gros problèmes de santé chez les jeunes qui la consomment. Et nous devons mener davantage de recherche et acquérir plus de connaissances à cet égard. Je ne vois pas cela dans votre liste.
Quels fonds et quelles capacités sont nécessaires pour mener ces recherches? Nous devrions savoir s’ils le font réellement. Ils disent qu’ils suivront cela.
Ce sont les deux commentaires que je tenais à formuler au sujet de votre amendement.
M. Jeffery : J’aimerais d’abord aborder le deuxième point.
Nous encourageons énormément la recherche, et je sais que Santé Canada, l’Agence de la santé publique et les Instituts de recherche en santé du Canada financent tous des recherches, et que c’est important. Je crois réellement qu’il faut mener des recherches stratégiques et axer les priorités en matière de recherches sur les risques, comme nous tentons de le faire avec cette divulgation de renseignements.
Toutefois, je suis toujours un peu inquiet lorsqu’on progresse à petits pas ou qu’on tient à s’attaquer à une seule chose. Parmi les quatre choses, le cannabis présente le risque le moins élevé pour la santé, du moins selon les estimations actuelles, et les coûts les moins élevés — même si cela pourrait augmenter — avant que nous nous attaquions aux gros problèmes que nous avons mis de côté pendant des décennies. Au bout du compte, le projet de loi C-63 précise les règles sur les taxes s’appliquant à l’alcool et au tabac, et je ne crois donc pas qu’il est trop tard. Certaines de ces statistiques sont déjà recueillies; elles ne sont tout simplement pas regroupées, et nous ne pouvons donc pas avoir cette conversation sur la cohérence des politiques.
La sénatrice Andreychuk : Vous avez les statistiques sur les aliments et celles sur l’alcool. Nous avons des cadres légaux et des guides alimentaires, et cetera, pour les aliments, et nous avons donc suivi cela en partie. Ce n’est pas cohérent. Je comprends ce que vous dites.
Nous n’avons pas suivi le cannabis de cette façon, car cette substance était illégale. Nous avons donc des renseignements fragmentés. Maintenant, nous mettons en œuvre un cadre pancanadien et nous aurons un accès différent. Je ne crois pas du tout que les statistiques que nous avons recueillies jusqu’ici seront utiles dans un nouveau régime.
M. Jeffery : Cela vous semblera peut-être une comparaison surprenante, mais lorsque les intervenants de Santé Canada ont envisagé de modifier les règlements liés à l’enrichissement des aliments au Canada, ils ont présumé que s’ils permettaient aux entreprises d’enrichir leurs produits, ils pourraient prévoir les effets sur l’alimentation en présumant que la consommation demeurerait la même, et que l’enrichissement des aliments ne serait pas utilisé à des fins de commercialisation ou pour accroître la consommation de certains types de produits. Je ne sais pas si Santé Canada ou les économistes n’ont pas la capacité nécessaire, mais il est certainement difficile de prévoir la consommation lorsque les incitatifs sont modifiés.
Toutefois, je n’ai pas l’impression qu’il s’agit d’un scénario apocalyptique. Je ne crois pas que chaque jeune Canadien commencera à fumer de la drogue lorsqu’elle sera légalisée. En fait, elle pourrait plutôt perdre son attrait aux yeux d’un grand nombre d’entre eux.
La sénatrice Marshall : J’examine à nouveau votre amendement proposé, monsieur Jeffery, et je constate que vous avez établi un lien entre le cannabis et les programmes de traitement de la toxicomanie; cela semble être la corrélation établie. Ma question s’adresse aux deux témoins. À votre avis, la vente du cannabis fera-t-elle augmenter les coûts en matière de soins de santé?
M. Jeffery : Ce qui est important, c’est que cela cause des problèmes liés aux soins de santé en ce moment. Je ne sais pas si les coûts augmenteront ou diminueront, car je ne connais pas les fondements. C’est hypothétique.
Encore une fois, selon moi — et ce n’est pas nécessairement l’avis de l’organisme —, je ne crois pas que des gens devraient être emprisonnés pour avoir consommé du cannabis — mais je ne crois pas qu’ils devraient en consommer. Je ne veux pas que mes enfants consomment du cannabis, mais je ne veux pas qu’ils soient emprisonnés s’ils le font. L’amendement vise à veiller à ce que nous tenions compte de ces choses et à déterminer les coûts engendrés par les problèmes sociaux causés par la commercialisation de ces produits.
La sénatrice Marshall : Certaines provinces, et même certains de mes collègues au Sénat, sont d’avis qu’on devrait retarder le projet de loi, car il est très optimiste de penser que tout sera prêt d’ici l’été. Qu’en pensez-vous? Selon vous, devrait-on retarder l’adoption du projet de loi?
Le président : Il est possible de répondre à cette question par « oui » ou « non ».
M. Jeffrey : Je ne suis pas expert en cannabis. Je présume qu’il y a peu d’experts dans ce domaine. J’ai lu rapidement la loi, le rapport du groupe de travail de l’ancienne ministre McLellan, les règlements et le document de travail hier soir. Il me semble qu’on ne propose pas vraiment de règlements, et il me semble que c’est un échéancier très serré pour tout mettre en œuvre.
Mme Pullen : Nous n’avons pas de position ferme à cet égard. Nous présumons que le projet de loi sera adopté dans sa forme actuelle et selon cet échéancier, mais nous reconnaissons certainement qu’il y a des lacunes très importantes en matière d’éducation publique en ce qui concerne le cannabis médical et illégal. Nous soulignons donc cette lacune.
La sénatrice Eaton : Madame Pullen, vous demandez 1,5 million de dollars pour l’éducation du personnel infirmier et du personnel infirmier praticien au sujet du cannabis. Que ferez-vous si vous n’obtenez pas ces fonds?
Mme Pullen : L’AIIC fera ce qu’elle a toujours fait, c’est-à-dire trouver des partenaires pour fournir cette éducation par l’entremise d’instruments auxquels nous avons accès avec nos ressources. Toutefois, nous sommes honnêtement d’avis qu’avec de meilleures ressources, par exemple les ressources souvent fournies par Santé Canada aux groupes de médecins, nous pourrions offrir une formation plus complète à un plus grand nombre de personnes en utilisant divers moyens, et mieux répondre aux besoins d’apprentissage des adultes tout en servant un plus grand nombre de personnes, qu’il s’agisse du personnel infirmier praticien ou du personnel infirmier autorisé.
La sénatrice Eaton : Le personnel infirmier praticien se rend-il dans les écoles? Pensez-vous que vous visiterez les écoles pour aider les enseignants lorsque vous aurez reçu une formation sur le cannabis?
Mme Pullen : Le rôle des infirmiers et des infirmières dans les écoles dépend de chaque province. Dans la plupart des cas, ce rôle a été éliminé et remplacé par du personnel infirmier en santé publique; l’école devient l’un des dossiers confiés à ce personnel.
Peu importe le secteur dans lequel ils travaillent, les infirmiers et infirmières sont les personnes qui ont le plus de contacts directs avec les patients au Canada, et ce sont les personnes qui répondent aux questions des parents inquiets ou des adolescents qui craignent de parler aux autres intervenants à l’accueil d’un bureau de médecin ou dans les salles d’urgence.
Comme ces gens sont le premier point de contact, il est essentiel qu’ils aient les meilleures connaissances, afin de comprendre professionnellement et de transmettre ces renseignements à d’autres personnes.
Le président : Merci. Avant de terminer, j’aimerais poser une question.
Le projet de loi C-63 modifierait la Loi de l’impôt sur le revenu pour permettre au personnel infirmier praticien d’attester qu’une personne souffre d’une déficience mentale ou physique qui la rend admissible au crédit d’impôt pour études.
Madame Pullen, quelle formation reçoit le personnel infirmier praticien sur les déficiences mentales, afin d’être en mesure de déterminer qu’elles sont présentes?
Mme Pullen : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, j’aimerais préciser quelques points au sujet de la pratique du personnel infirmer praticien.
Au Canada, de nombreux infirmiers et infirmières praticiens se spécialisent dans certains domaines. Par exemple, une infirmière praticienne pourrait travailler exclusivement en oncologie ou avec des patients souffrant de diabète ou dans un domaine précis. Dans ces cas, ces infirmiers et infirmières savent que des évaluations de cette nature dépassent la portée de leur pratique.
D’un autre côté, certains infirmiers et infirmières praticiens ont reçu une très bonne formation en soins primaires, et ils ont donc la formation et les compétences nécessaires pour mener ce type d’évaluation. Ils savent que cela cadre dans leurs fonctions.
Il revient donc à ces gens de prendre une décision professionnelle sur leur capacité d’attester la présence d’une déficience.
Le président : Cela m’amène à poser une autre question. Croyez-vous que le personnel infirmier praticien aura besoin de formation pour déterminer le niveau légal de consommation de cannabis?
Mme Pullen : En un mot, oui.
Le président : J’aimerais remercier les témoins de nous avoir communiqué leurs avis, leurs commentaires et leurs recommandations. La semaine prochaine, nous déposerons le projet de loi C-63 accompagné de nos recommandations et de notre avis, et si vous souhaitez ajouter quelque chose d’ici là, n’hésitez pas à communiquer avec notre greffière. Il y a plusieurs années, j’occupais d’autres fonctions, et je sais donc que le personnel infirmier praticien joue un rôle très important pour maintenir la qualité de vie dans les régions rurales du Canada. Je tenais à le mentionner.
[Français]
Honorables sénateurs, nous allons revenir à notre table de travail pour accueillir deux autres témoins par vidéoconférence. Aujourd’hui, le Comité sénatorial permanent des finances nationales continue son étude du projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures. Ce type de législation s’inscrit au cœur même du mandat qui a été confié au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Tout d’abord, nous recevons M. Frederick Dion, directeur général de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
De plus, nous entendrons Paolo Fongemie, maire, représentant de la région Chaleur au conseil d’administration.
Après votre exposé, monsieur le maire, nous passerons aux questions des sénateurs. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Vous avez la parole.
[Français]
Paolo Fongemie, maire, représentant de la région Chaleur au conseil d’administration, Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick : Honorables sénateurs, en premier lieu, je désire vous remercier, au nom de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB) et de ses 50 municipalités membres, de nous avoir donné l’occasion de vous faire part de nos préoccupations à l’égard des impacts financiers qui seront engendrés par l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2018, des lois fédérales qui légaliseront la consommation, la vente et la culture du cannabis.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous parler de l’état de la situation. L’AFMNB regroupe des municipalités francophones et bilingues réparties dans cinq grandes régions qui s’étendent du nord-ouest au sud-est du Nouveau-Brunswick. Nos municipalités membres représentent près de 300 000 personnes, soit près du tiers de la population de la province.
La Constitution de notre pays ne reconnaît officiellement que deux ordres de gouvernement, soit le fédéral et le provincial. Cependant, l’évolution de notre société et la nature des services livrés aux citoyens ont nécessité l’établissement d’un troisième ordre de gouvernement à qui l’on a confié, au fil des décennies, de plus en plus de responsabilités. Plusieurs provinces ont d’ailleurs reconnu légalement les municipalités comme étant un ordre de gouvernement en bonne et due forme, y compris le Nouveau-Brunswick, qui a adopté sa nouvelle loi sur la gouvernance locale. Ce nouveau statut est plus que symbolique, car il constitue le premier jalon pour mettre de l’avant et appliquer le principe de « subfiscalité » qui sous-entend que, lorsque cela est possible, c’est le gouvernement le plus près de la population qui doit assumer la responsabilité d’une action publique.
Tous s’entendent pour saluer cette transformation du cadre légal des municipalités compte tenu de l’importance des responsabilités qu’elles assument désormais. Le seul problème, c’est que le cadre fiscal qui doit leur permettre d’assumer ces responsabilités, toujours plus nombreuses, n’a pas suivi la même évolution. En effet, la principale source des revenus des municipalités demeure l’impôt foncier qui constitue un outil fiscal mal adapté pour leur permettre d’assumer leurs nouvelles responsabilités et d’offrir des services de qualité auxquels les citoyens sont en droit de s’attendre.
La décision du gouvernement fédéral de légaliser le cannabis est un exemple flagrant d’une décision prise par un autre ordre de gouvernement qui aura un impact majeur sur les municipalités. En fait, les municipalités seront le palier de gouvernement le plus directement touché par la multitude de changements que va occasionner la légalisation du cannabis. Malheureusement, une fois de plus, les municipalités n’auront pas été partie prenante des discussions dès le départ pour discuter d’égal à égal de tous les enjeux que soulève ce qui doit être considéré comme l’une des plus importantes politiques publiques adoptées au Canada depuis un demi-siècle.
À l’instar de la Fédération canadienne des municipalités et des associations municipales des autres provinces avec qui nous collaborons étroitement, notre association essaie d’évaluer la portée de la légalisation du cannabis sur les services municipaux ainsi que les coûts qui seront engendrés. Les enjeux reliés à la sécurité publique sont assurément la première préoccupation qu’auront en tête les élus municipaux et les services de police lorsqu’il est question de la légalisation du cannabis. La formation et la certification requises par les policiers pour la détection des facultés affaiblies chez les conducteurs qui auront consommé du cannabis, l’achat et l’entretien des équipements nécessaires à cette détection, les heures de travail supplémentaires qu’exigera le respect des protocoles de détection, ainsi que la présence en cour des policiers pour veiller à la condamnation des contrevenants sont quelques-unes des nouvelles obligations qui entraîneront des impacts immédiats et à long terme pour les municipalités.
Les villes qui ont leur propre service de police doivent tenter actuellement de déterminer les coûts dans le cadre de la préparation de leur budget de 2018, et ce, à partir d’information partielle et incomplète. Une hausse des dépenses est inévitable. Les municipalités qui un contrat avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ne sont pas en reste. Celles qui collaborent avec la GRC, soit plus de 90 p. 100 des municipalités du Nouveau-Brunswick, savent que ces nouveaux coûts leur seront rapidement transférés et s’ajouteront à leur facture annuelle. De nouvelles dépenses sont aussi à prévoir pour les services de sécurité et d’incendie, qui devront faire des inspections et s’assurer de faire respecter certaines règles liées à la production du cannabis. Le Nouveau-Brunswick a déjà déterminé qu’il permettra la culture à domicile d’un maximum de quatre plants. Le respect des lois et des règles de prévention des incendies relativement à la culture du cannabis ajoutera au fardeau des services de sécurité et d’incendie.
L’aménagement du territoire est une responsabilité première des gouvernements locaux. Il est donc inévitable que les municipalités doivent revoir leur plan de zonage afin de l’adapter à certaines activités liées à la consommation, à la vente et à la culture du cannabis. Des processus coûteux sont à prévoir pour l’élaboration des nouvelles règles de zonage, mais également pour assurer le respect de tout cela. Bien que cela puisse paraître anodin, les municipalités devront modifier certaines signalisations. Elles devront identifier clairement les endroits où certaines activités seront autorisées ou interdites, y compris la consommation du cannabis dans les lieux publics.
Nous comprenons que les campagnes de sensibilisation et des efforts en matière de santé publique, tout particulièrement auprès des jeunes, seront mis de l’avant par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux afin de rappeler les dangers liés à la consommation du cannabis. Les gouvernements locaux auront également un rôle à jouer en ce qui a trait à la sensibilisation. La combinaison des efforts des trois ordres de gouvernement est indispensable pour que la légalisation du cannabis n’occasionne pas d’importants problèmes de santé et de sécurité publique.
Comme vous venez de le constater, les responsabilités municipales sont nombreuses. C’est pourquoi nous déplorons le fait d’avoir été écartés jusqu’à maintenant des principales discussions qui devraient interpeller les trois ordres de gouvernement et non pas uniquement le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Nous devons être des partenaires et travailler ensemble pour assurer le succès de la mise en œuvre de cette nouvelle politique publique.
Dans cette optique, il est primordial de discuter des ressources financières qui seront requises afin de permettre aux municipalités d’assumer leurs nouvelles responsabilités. Nous saluons la décision du gouvernement fédéral de créer un fonds de 80 millions de dollars, qui sera destiné à l’ensemble des municipalités du pays. Nous n’avons toutefois reçu aucune information concernant la formule qui sera utilisée pour octroyer ces sommes d’argent et nous ne savons pas si elles seront suffisantes. La certitude que nous avons, cependant, c’est qu’il s’agit d’un fonds ponctuel qui n’assurera aucunement un soutien adéquat et suffisant à long terme. C’est pourquoi nous réclamons un partage des revenus de la taxe d’accise qui serait imposée sur la vente des produits du cannabis. Au même titre que la Fédération canadienne des municipalités et l’Union des municipalités du Québec, nous demandons qu’un tiers des revenus perçus par le gouvernement fédéral soit retourné aux municipalités du pays. L’établissement d’une formule similaire à celle de la taxe sur l’essence pourrait facilement être élaboré en collaboration avec les provinces et les municipalités pour assurer un partage juste et équitable des revenus. Il est indispensable que les changements législatifs que vous apporterez comprennent cette dimension du partage des revenus pour ne pas transférer un fardeau insoutenable aux municipalités du pays.
Enfin, je tiens à rappeler que les municipalités sont des partenaires incontournables pour assurer la légalisation du cannabis afin que celle-ci soit mise en place de manière sûre et soutenable. Il est urgent de mettre en place des rôles et des responsabilités ainsi que la capacité de tous les ordres de gouvernement. À titre de gouvernement qui est le plus près de la population et selon leurs connaissances et leur expertise sur le terrain, les municipalités ne demandent pas mieux que de travailler étroitement avec Ottawa et les provinces pour coordonner les actions communes dans ce dossier. Afin de garantir la sécurité à long terme de la population, les municipalités ont besoin d’un financement prévisible pour assurer de façon continue l’administration et la mise en application des nouvelles dispositions légales et réglementaires liées à la légalisation du cannabis. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le maire.
[Traduction]
Sénateurs, étant donné le temps imparti à ce groupe de témoins, si nous posons chacun une question, cela permettra à tous les sénateurs de poser une question. Si le temps le permet, nous aurons ensuite une deuxième série de questions.
La sénatrice Eaton : Merci beaucoup, messieurs.
Où en êtes-vous dans vos travaux de planification pour les règlements sur les points de vente au détail, la culture à domicile, les taxes de vente pour le cannabis — je présume que vous collaborez avec la province à cet égard —, l’éducation publique, la santé publique et l’application de la loi? Travaillez-vous sur ces dossiers depuis longtemps? Avez-vous seulement lancé vos travaux ou avez-vous presque terminé?
[Français]
M. Fongemie : On n’est pas du tout rendu à ce niveau de la planification. Dans le cadre des exercices budgétaires de la municipalité, on se penche sur les coûts de formation des policiers pour assurer la sécurité publique. Nous sommes toujours en attente sur les moyens de détection pour savoir le type de formation qui devra être prévu. Selon l’Association des chefs de police du Nouveau-Brunswick, les coûts liés au niveau 1 des tests pourraient représenter de 500 $ à 1 000 $ par policier. Nous avons environ 1 000 policiers dans la province et très peu d’entre eux ont reçu cette formation.
Ensuite, des coûts de 7 500 $ à 10 000 $ sont prévus pour chacun des policiers experts qui devront toujours être présents à un quart de travail. On prévoit environ 2 p. 100 des budgets d’exploitation des corps policiers. À Bathurst, nous avons un corps policier municipal. Alors, ce sont des frais de fonctionnement de 2 p. 100, ce qui représente des dépenses de 100 000 $. En raison du peu d’information dont on dispose, il est difficile de planifier le zonage, l’aménagement du territoire et les services d’incendie. Les règles ne sont pas encore fixes. Donc, pour nous, il est difficile de prendre des décisions et de planifier correctement.
Frederick Dion, directeur général, Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick : C’est un peu le problème du processus en cours, parce que le gouvernement fédéral a adopté des lois et que les provinces ont une certaine latitude pour établir d’autres lois et des règlements. Cependant, nous ne tenons pas de discussions établies et officielles avec le gouvernement provincial. Donc, nous apprenons un peu à la pièce les mesures qui seront mises en place et avec lesquelles devront fonctionner les municipalités. Il est difficile de dresser un portrait global et d’évaluer l’ensemble de l’impact. On se base sur des prévisions établies par la Fédération canadienne des municipalités, qui juge que les projections en termes de dépenses seront de 210 à 355 millions de dollars pour l’ensemble des municipalités. Le directeur parlementaire...
La sénatrice Eaton : Au Nouveau-Brunswick ou au Canada?
M. Dion : Au Canada. Le directeur parlementaire du budget évaluait que la taxe d’accise de 1 $ pouvait rapporter 618 millions de dollars annuellement. Donc, si on évalue les coûts de façon conservatrice, on est à 210 millions de dollars, soit environ un tiers. Si l’ensemble des mesures devenait plus onéreux, ce serait environ 50 p. 100 des revenus qui pourraient être générés pour assumer toutes les responsabilités municipales.
Le sénateur Pratte : On a eu une rencontre avec le ministre des Finances cette semaine. À part le fait d’avoir exprimé une ouverture quant au partage de la taxe d’accise avec les municipalités, il a décrit le processus comme une négociation entre le gouvernement du Canada et les provinces, pour ensuite laisser les provinces discuter avec les municipalités de la part qui leur sera éventuellement transmise. Est-ce un processus qui vous convient, c’est-à-dire que la négociation se fera d’abord entre Ottawa et les provinces et que, par la suite, vous pourrez négocier avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick du partage de la tarte?
M. Dion : À notre avis, il devrait y avoir une représentation municipale dans le cadre de ces discussions. On comprend que, selon la formule actuelle et dans le respect des champs de compétence, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces, mais on aimerait peut-être voir la Fédération canadienne des municipalités prendre part à ces discussions, car elle représente l’intérêt de la majorité des municipalités à l’échelle du pays.
Nous proposons l’exemple de la taxe sur l’essence qui serait une formule établie dans le respect des champs de compétence, mais qui permettrait qu’un montant fixe soit transféré aux municipalités en passant par la capitale provinciale. Au moins, on aurait établi une formule précise. La taxe sur l’essence est peut-être un bon exemple à utiliser pour le transfert d’une partie de la taxe d’accise que le gouvernement fédéral mettrait en place. Oui, nous devrions être invités à la table de concertation et — je lance simplement l’idée —, dans le cadre que vous prévoyez, peut-être que la Fédération canadienne des municipalités devrait être l’interlocuteur privilégié.
Le sénateur Pratte : Si je me souviens bien, dans le cas de la taxe sur l’essence, il y a une partie fixe qui est transmise directement aux municipalités et une autre partie qui est versée aux provinces, c’est cela?
M. Dion : C’est cela. En fait, c’est la totalité de la taxe sur l’essence qui revient aux municipalités. Dans le cadre du Nouveau-Brunswick, en raison de problèmes quant à la structure de gouvernance locale, la province en conserve une petite partie, mais, généralement, c’est la totalité de la somme qui est distribuée aux municipalités.
Le sénateur Pratte : Dans la configuration des municipalités, les municipalités sont très différentes. Il y a des municipalités en milieux rural et urbain. Est-ce que vous concevez que les réalités de la légalisation du cannabis seront très différentes selon l’endroit où se situent ces municipalités ou croyez-vous que la situation sera la même partout?
M. Dion : Effectivement, il y a des réalités très différentes à l’échelle canadienne. Ce qui va se passer à Montréal ne se passera pas de la même façon à Moncton. Les petites municipalités d’à peine 1 000 habitants au Nouveau-Brunswick auront, somme toute, des responsabilités incontournables et qui demeureront les mêmes. Peut-être même que pour les petites municipalités, le fardeau, toutes proportions gardées, sera plus élevé que celui de certaines grandes villes. Il faut tenir compte de cette réalité, mais, encore une fois, on est encore à l’étape de mesurer la portée de la législation qui sera mise en place. On peut difficilement évaluer l’impact. On essaie d’avoir un portrait d’ensemble pour en déterminer les coûts. Certainement, la proposition du partage d’un tiers de la taxe d’accise est une position de départ dans la négociation.
Le sénateur Pratte : Vous avez dit que vous calculiez que chaque corps policier aurait besoin, pour chaque quart de travail, d’un agent expert en évaluation des drogues qui devra être disponible pour faire passer des tests d’évaluation des drogues afin de déterminer si les facultés d’un conducteur sont affaiblies par les drogues. C’est ça?
M. Fongemie : Oui. Que ce soit par la salive ou l’échantillon de sang, l’expert va déterminer la suite des choses, mais il faudra en avoir un dans chaque corps policier.
Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur Dion, et bienvenue, monsieur le maire de la belle ville de Bathurst. La répartition de la taxe sur l’essence, c’est bien, et je pense que c’est une formule assez équitable. Par contre, dans le cas cité, cela ne couvre pas les frais que votre municipalité devra payer pour se procurer de l’équipement, tels les appareils de dépistage de la consommation de drogues et tout ce dont les policiers auront besoin pour bien faire leur travail. Il faudra plus que la taxe sur l’essence, il faudrait verser un investissement initial à votre corps de police, sinon, ces coûts seront à la charge des contribuables de votre ville. Si cela coûte 50 000 $ ou 100 000 $, ce sont vos contribuables qui vont payer et, cela, vous ne l’avez pas planifié, ce n’est pas très juste.
L’autre petit problème, c’est que votre ville est à la frontière du Québec. Si les deux provinces n’établissent pas le même âge légal pour la consommation, ce n’est pas un agent qu’il faudra par véhicule, mais deux. C’est un problème encore plus important pour les villes frontalières. Prenons Moncton, qui n’est pas une ville frontalière. Elle n’aura pas les mêmes problèmes que vous aurez, monsieur le maire, à Bathurst.
M. Fongemie : C’est vrai, il y a des enjeux différents sur notre territoire. C’est l’information que l’association des chefs de police essaie de comptabiliser pour mieux se préparer. C’est difficile, parce que l’information est incomplète. Nous savons que nos forces policières ne seront pas prêtes pour le 1er juillet. C’est impossible. On ne peut former tous nos patrouilleurs en même temps. La province a un plan de formation sur trois ans pour former un tiers des patrouilleurs. Nous, on trouve cela difficile, car on aimerait qu’il y ait plus de patrouilleurs formés pour veiller à avoir une sécurité publique adéquate en tout temps. Il y a des enjeux importants liés à la préparation.
Le sénateur Maltais : Si le gouvernement persiste à mettre la mesure en vigueur le 1er juillet, cela mettra votre ville et l’ensemble des villes canadiennes en difficulté pour la prochaine année ou les prochaines années.
M. Dion : Oui, sénateur Maltais, c’est une préoccupation importante en ce moment, les délais, l’échéancier très serré, l’entrée en vigueur, la légalisation. M. Fongemie l’a mentionné, les municipalités sont à préparer les budgets, parce que l’exercice financier est du 1er janvier au 31 décembre, et on a très peu d’information quant à l’ensemble des coûts liés à la formation, à l’équipement et tout cela. Donc, il se fait tard et nous ne sommes pas encore à la table, les municipalités ne sont pas parties prenantes, et c’est un peu déplorable. On n’a pas une position de moratoire, mais s’il y a un délai, ce n’est pas les municipalités du Nouveau-Brunswick qui vont s’en plaindre. Il faudrait peut-être prendre le temps de bien faire les choses.
L’autre élément, c’est que vous avez parlé des coûts de mise en œuvre, et il y aura un fonds fédéral de 81 millions de dollars, mais, encore là, on n’a eu aucune discussion sur la façon dont cela sera redistribué à l’échelle canadienne. On parle aussi d’un fonds sur cinq ans, mais est-ce que ce sera suffisant? Je le doute. Pour le Nouveau-Brunswick, si l’on adopte une formule par tête, on va se retrouver peut-être avec 1,9 ou 2 millions de dollars de cet argent qui reviendra à la province. Lorsqu’on prend l’ensemble des officiers et de toutes les responsabilités municipales, c’est très peu.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
Le projet de loi dont nous sommes saisis fait référence au gouvernement du Canada et au gouvernement provincial, mais il n’y a aucune référence aux gouvernements municipaux. Avez-vous discuté de cet enjeu avec les représentants du gouvernement provincial?
[Français]
M. Dion : Effectivement, c’est une pierre d’achoppement, parce qu’on a tenté de tendre la main au gouvernement provincial pour établir un cadre formel afin de tenir une discussion à ce niveau. Malheureusement, on a été tenu à l’écart jusqu’à maintenant, donc la province semble être un peu prise au dépourvu également dans ses négociations avec le gouvernement fédéral. On aurait aimé que la province exerce plus de leadership et fasse preuve d’une plus grande ouverture pour essayer de comprendre l’ensemble des enjeux qui sont en cause en ce moment. C’est dommage, le Nouveau-Brunswick n’a pas de cadre officiel de discussion pour les relations provinciales-municipales sur l’enjeu spécifique de la légalisation du cannabis.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Vous êtes responsable, monsieur le maire — vous êtes le maire de Bathurst, et cela englobe la région Chaleur. Pouvez-vous nous donner une idée des coûts que vous avez engagés jusqu’ici et des coûts que vous prévoyez engager d’ici le 1er juillet?
[Français]
M. Fongemie : On y va au jour le jour, malheureusement. Les formations sont déterminées, mais ne sont pas encore mises en œuvre. On tente de fixer un calendrier de formation pour la nouvelle année. Déjà, la province a indiqué son intention de mettre sur pied des points de ventes de cannabis dans 15 municipalités pour la société d’État. Il reste la question de l’aménagement du territoire et du zonage. Ce sont des dossiers qui s’ajoutent aux tâches d’employés actuels et qui n’étaient pas prévus. Nous avons beaucoup de questions sur la culture à domicile, à savoir comment ce sera réglementé à l’échelle municipale. On ne saura pas où se trouvent les domiciles qui feront la culture. Les questions de l’aménagement, de la signalisation et des écoles nous préoccupent. Nous devrons former les officiers municipaux chargés des arrêts. Il faudra consacrer du temps à apporter des amendements à nos arrêts de zonage et à nos plans municipaux. Voilà un aperçu du temps et des efforts qu’il faudra consacrer à l’échelle municipale. Il nous est difficile d’en arriver à un chiffre, car l’information nous provient au compte-gouttes du gouvernement provincial, dans le cadre des négociations. Je trouve déplorable que nous devions être prêts dans six mois. Nous éprouvons un sentiment d’impuissance face à la nécessité de prévoir une préparation adéquate.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Serez-vous prêts à temps? Aimeriez-vous avoir un échéancier, comme le recommandent certains de mes collègues?
[Français]
M. Fongemie : Nous savons que c’est inévitable. Un délai de 12 mois jusqu’au 1er juillet 2019 contribuerait à la sécurité publique, tant pour les policiers que pour les services d’incendie. La ville de Bathurst a encore des employés dans sa brigade d’incendie. Toutefois, pour les municipalités qui nous entourent, il s’agit de brigades de pompiers volontaires. Cette difficulté représente un enjeu pour ces municipalités, car elles ont recours à des bénévoles. Cette période de 12 mois supplémentaires nous permettrait de prévoir une préparation adéquate pour assurer la sécurité publique de nos citoyens. Du moins, il pourrait y avoir un moratoire. Repousser la date de six mois nous permettrait de prévoir la formation d’un nombre minimum d’officiers.
Le président : Monsieur Dion et monsieur Fongemie, merci beaucoup de vos présentations claires et précises. Vos réflexions nous poussent à repenser certaines choses.
[Traduction]
Je devrais vous préciser, monsieur le maire, que la sénatrice Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador, a déjà vécu à Bathurst, et qu’elle connaît donc très bien la région. Je n’étais pas autorisé à diffuser ce renseignement, j’ai seulement dit que je vous le signalerais.
Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant le prochain témoin.
[Français]
D’Ottawa à Bathurst, nous vous disons merci beaucoup.
[Traduction]
Nous accueillons maintenant Derrick Hynes, directeur général de l'Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale.
Monsieur Hynes, on m’a informé que vous aviez un exposé. Veuillez livrer votre exposé; les sénateurs vous poseront ensuite leurs questions.
Derrick Hynes, directeur général, Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale : Merci, monsieur le président.
Honorables sénateurs, vous remarquerez que ma voix n’est pas très claire. Je l’ai perdue hier soir. Je sentais que j’avais attrapé un rhume hier, mais comme un Canadien entêté, je suis tout de même allé jouer au hockey hier soir. Cela ne m’a pas aidé, et je vais maintenant parler lentement et clairement, et aussi près du microphone que possible. Je n’ai habituellement pas besoin de protéger ma voix, mais je dois le faire maintenant, et je crois que mes enfants en seront très heureux au cours des prochains jours.
Permettez-moi de vous parler un peu de d’ETCOF, c’est-à-dire l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale. C’est un nom plutôt long. C’est la raison pour laquelle nous nous appelons habituellement ETCOF.
Les organisations membres d’ETCOF sont des entreprises de régie fédérale qui œuvrent dans les secteurs des transports et des communications. Le traitement des relations de travail, les ressources humaines et d’autres sujets constituent le domaine d’intérêt commun entre ces entreprises, surtout en ce qui concerne le Code canadien du travail.
Notre association d’employeurs existe depuis plus de 30 ans et il s’agit essentiellement de la principale association d’employeurs dans le secteur fédéral, puisqu’elle représente entre autres des entreprises très connues comme Air Canada, Postes Canada, CN, Canadien Pacifique, Telus, Bell Canada, NAV CANADA, et cetera.
La plupart de nos entreprises membres comptent une forte proportion d’employés syndiqués et affichent un long bilan de réussite en matière de mobilisation tripartite au titre du régime fédéral sur les relations de travail, et cetera.
En ce qui concerne le projet de loi C-63, aujourd’hui, j’aimerais aborder les changements prévus dans la section 8, c’est-à-dire les changements proposés au Code canadien du travail. Comme vous le savez, trois types de changements sont essentiellement proposés dans le projet de loi. Le premier concerne le droit des employés du secteur fédéral de faire une demande d’assouplissement de leurs conditions de travail. Le deuxième crée trois nouvelles dispositions visant les congés non payés, à savoir le congé pour obligations familiales, le congé pour les victimes de violence familiale et le congé pour pratiques autochtones traditionnelles — et il s’étend également à un type actuel de congé, c’est-à-dire le congé de décès. Troisièmement, le projet de loi propose divers changements aux règles liées à l’emploi dans le code qui visent des enjeux comme les heures supplémentaires, les horaires de travail, les changements d’horaires, et cetera.
J’aimerais vous parler de l’engagement d’ETCOF auprès du gouvernement au fil des années en ce qui concerne les changements législatifs, réglementaires et stratégiques dans le Code canadien du travail. On a prouvé que ce processus fonctionnait, et c’est un processus de nature tripartite. C’est un processus collaboratif et consultatif. Il y a trois parties intéressées. Il y a ETCOF, le Conseil du travail du Canada, qui représente les employés, et Emploi et Développement social Canada, ou EDSC, qui représente le gouvernement. Nous avons une longue tradition de collaboration active aux premières lignes avant que des changements soient proposés, et nous tentons de nous mettre d’accord, afin que lorsque les changements sont apportés, leur mise en œuvre soit harmonieuse.
Ce qui nous préoccupe essentiellement au sujet du projet de loi C-63, c’est que certains des changements proposés ont été présentés sans la consultation globale tripartite qui fait habituellement partie de ce type de changements.
Ainsi, les membres d’ETCOF aimeraient formuler deux recommandations. Tout d’abord, même si nous sommes toujours contre une solution législative relativement au droit de demander l’assouplissement des conditions de travail, nous reconnaissons que c’est le droit du gouvernement. Nous félicitons le gouvernement des consultations qu’il a entreprises pour arriver à ce résultat. Même si nous ne sommes pas d’accord avec le résultat, nous respectons le processus et nous sommes reconnaissants que les détails aient été laissés aux soins du processus réglementaire qui sera, encore une fois, de nature tripartite.
Nous aimerions proposer des changements précis au libellé du projet de loi sur l’assouplissement des conditions de travail. Je ferai parvenir au comité, d’ici la fin de la journée demain, des commentaires détaillés de nos organismes membres, phrase par phrase, car je n’ai pas le temps de le faire pendant les cinq minutes dont je dispose pour vous parler aujourd’hui.
Notre deuxième recommandation est plus substantielle. En effet, nous recommandons que les trois nouvelles dispositions sur les congés et la disposition élargie sur les congés qui ont été présentées dans ce projet de loi, ainsi que toutes les modifications proposées à la partie III du Code canadien du travail, soient éliminées du projet de loi. Ces enjeux peuvent tous faire l’objet d’une discussion dans le cadre des consultations actuellement menées par la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail. En effet, nous participons actuellement à une consultation sur la partie III du code. Un grand nombre des enjeux présents dans le projet de loi dont vous êtes saisi n’ont pas encore fait l’objet d’une discussion, mais je sais qu’ils feront et qu’ils peuvent faire l’objet d’une discussion dans le cadre de ce processus.
C’est là-dessus que se termine mon exposé. C’était nos deux principales recommandations. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Si vous le souhaitez, nous vous fournirons des réponses plus détaillées au moyen d’un examen ligne par ligne du projet de loi.
Le président : Merci. Nous passons aux questions.
La sénatrice Eaton : Monsieur Hynes, je crois savoir que votre organisme a demandé qu’on retarde la légalisation du cannabis en raison de l’absence d’une définition de la notion de « facultés affaiblies par le cannabis » et de technologies pour en faire le dépistage. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Hynes : J’ai été intéressé de constater que cela a fait l’objet de discussions auparavant, car je pourrais également faire un exposé complet sur cet enjeu. Nous avons beaucoup de préoccupations concernant la légalisation du cannabis. En tant que regroupements d’employeurs, notre principale préoccupation est liée au manque de clarté, à l’échelle du pays, des règles sur l’affaiblissement des facultés en milieu de travail, les tests de dépistage et les mesures visant à décourager la consommation pendant les heures de travail d’un employé. Donc, nous sommes déjà dans une situation assez complexe où les risques sont considérables, en particulier sur le plan de la sécurité des travailleurs eux-mêmes et aussi, lorsqu’on pense aux employeurs que je représente, de la sécurité du public en général.
Nous souhaiterions la tenue de discussions plus approfondies sur les enjeux en milieu de travail, car jusqu’à maintenant, ces enjeux ont été peu discutés dans le cadre de l’examen des projets de loi C-45 et C-46. Nous sommes d’avis que le risque ne fera qu’augmenter lorsque le cannabis sera légalisé. Cela suscite donc d’importantes préoccupations chez les employeurs.
La sénatrice Eaton : Revenons à votre exposé d’aujourd’hui. Vous aimeriez que les nouvelles dispositions sur les congés soient retirées du projet de loi. Êtes-vous de cet avis parce qu’il arrive que les gens ne vous avisent pas? Supposons que je suis Autochtone et que je souhaite aller pêcher, ce qui est une pratique culturelle de ma communauté. Puis-je simplement décider de ne pas me présenter au travail? Est-ce là le genre de choses auxquelles vous pensez?
M. Hynes : En ce qui concerne les dispositions relatives aux congés, bien que nous ayons participé à des consultations plutôt exhaustives sur le droit de demander des modalités de travail plus flexibles — je crois que la question de la flexibilité accrue a été abordée indirectement —, nous avons été quelque peu surpris de voir de telles dispositions, notamment celle-ci. Nous n’y sommes pas nécessairement opposés; nous pensons toutefois qu’il convient d’avoir une discussion constructive pour examiner l’incidence potentielle de ces décisions.
Vous avez donné un exemple précis. Nous avons d’autres préoccupations précises sur le libellé du projet de loi — et ce que vous avez proposé en fait partie —, notamment le fait que l’employeur n’a pas droit à un préavis concernant le congé d’un employé. Certes, ce sont des congés non payés et on pourrait considérer que ce n’est pas très grave, mais cela devient un problème lorsque les gens ne se présentent pas au travail. Il faut y être préparé.
L’inclusion de la notion de préavis dans le libellé serait fort utile.
Le sénateur Pratte : Concernant les horaires de travail flexibles, je suis un peu surpris de votre prise de position, selon la façon dont vous l’avez exprimée, parce que je n’ai pas vu de mémoire détaillé à ce sujet. À mon avis, il semble qu’on accorde simplement aux employés le droit de demander un horaire de travail flexible et que l’employeur peut invoquer de nombreuses raisons pour rejeter la demande. On accorde à l’employé le droit d’en faire la demande, mais l’employeur peut simplement refuser, sans aucune conséquence. Je suis quelque peu surpris que vous puissiez en arriver à dire que vous ne voulez pas qu’on accorde aux employés le droit d’en faire la demande.
M. Hynes : Nous avons participé très activement aux consultations et nous avons soulevé diverses préoccupations au sujet du droit de demander des modalités de travail plus flexibles. Une des préoccupations que nous avons soulevées d’entrée de jeu était qu’il s’agissait à certains égards, à l’échelle fédérale, d’une solution à un problème qui n’existe pas. Je peux certainement parler au nom des membres que je représente lorsque je dis que les employeurs qui sont en mesure d’offrir des horaires de travail flexibles à leurs employés le font déjà, en fonction des besoins du service, là où c’est possible.
Nous avons fait valoir que, à certains égards, une solution législative n’était pas nécessaire. Nous convenons que les horaires de travail flexibles ont leurs avantages, là où ils s’avèrent efficaces. Voilà en quelque sorte la position que nous avons adoptée lorsque nous sommes intervenus dans la discussion.
Quant au point que vous avez soulevé au sujet du rejet des demandes, nous devons toujours définir les modalités par l’intermédiaire d’un processus réglementaire. On s’attend toutefois à ce que cela entraîne un fardeau administratif. Nous ne savons pas combien de demandes nous recevrons lorsque la mesure législative sera en vigueur. Il y a beaucoup d’inconnues et certaines préoccupations quant à la forme que cela prendra.
Enfin, je dirais que la mesure législative ne comprend pas un cadre très élaboré sur la forme et les motifs de telles demandes. En tant qu’employé, vous pourriez demander un arrangement, tandis que de mon côté, en tant qu’employeur, je pourrais recevoir cinq demandes en une journée. Dans ce cas, selon le libellé actuel de la mesure législative, j’aurais peu de façons de connaître les motifs de la demande. Si des demandes conflictuelles sont présentées, les employeurs auront de la difficulté à faire un choix. Si ces demandes sont conflictuelles, comment vais-je déterminer si votre demande d’horaire flexible est plus importante que celle de votre collègue?
Nous avons proposé diverses formulations. Je peux vous fournir le mémoire que nous avons présenté lors des consultations, mais cela vous donne une idée de nos préoccupations. Ce n’est pas que nous sommes fondamentalement contre ou que nous rejetons catégoriquement l’idée d’instaurer une souplesse. Nous croyons, en fait, que la plupart de nos employeurs le font déjà.
Le sénateur Pratte : Je devrais le savoir, mais avoir votre avis me serait certainement utile : quel lien peut-on faire entre le Code canadien du travail et les conventions collectives de l’ensemble de vos sociétés membres?
M. Hynes : C’est une excellente question. Cela entraînera des conflits, c’est certain. Il y aura des situations où les demandes d’accommodements de l’horaire de travail seront en conflit avec les dispositions des conventions collectives.
Je vais vous donner un exemple concret. Un employé débutant ayant peu d’expérience au sein d’un service veut présenter une demande pour avoir un horaire flexible. Accepter cette demande signifierait qu’une personne ayant plus d’ancienneté dans ce service devrait soit travailler pendant ce quart de travail, soit renoncer à son propre horaire flexible. Je peux vous assurer que cela ne ferait pas l’affaire de la personne qui a le plus d’ancienneté, aux termes de la convention collective.
Que fera-t-on dans de tels cas? Nous ne le savons pas. Pour le moment, nous faisons l’hypothèse que la convention collective aura préséance. Donc, on respectera d’abord les modalités de la convention collective, puis on s’occupera de la demande d’horaire flexible. Toutefois, nous ignorons pour le moment quelles seront les modalités précises ni lequel des deux aura préséance sur l’autre.
Le sénateur Pratte : Y a-t-il une règle générale selon laquelle toute convention collective a préséance sur le Code canadien du travail?
M. Hynes : Je ne dirais pas qu’il y a une règle, mais que c’est certainement pratique courante. Cela se rapporte directement à la préoccupation fondamentale que nous avons soulignée : il y a toujours des conséquences inattendues lorsqu’on propose des modifications au Code canadien du travail. Lorsque le ministre propose un changement, il est utile que les intervenants concernés — les employeurs et les représentants des employés, dans ce cas précis — puissent discuter de l’incidence de ce changement. La situation que vous venez de décrire serait l’exemple parfait. Nous pourrions faire valoir qu’un conflit est possible et qu’il conviendrait peut-être de modifier le libellé de façon à permettre des exceptions en fonction d’une convention collective existante.
La sénatrice Marshall : Merci d’être ici aujourd’hui.
Hier soir, des fonctionnaires sont venus discuter des changements proposés. Un des témoins a parlé des sociétés sous réglementation fédérale. Vous avez indiqué que vous êtes fortement syndiqués. Dans nos discussions d’hier soir, nous avons parlé de la fonction publique fédérale, qui est aussi syndiquée. Or, d’après ce que j’ai compris de notre discussion d’hier, cette mesure législative ne s’appliquera pas à la fonction publique fédérale, mais elle s’appliquera à vous.
Vous préféreriez que certaines parties n’entrent pas en vigueur; vous souhaitez plutôt qu’on y apporte des modifications. Il est très probable que la mesure législative soit adoptée. Je comprends les commentaires que vous avez faits en réponse à la question du sénateur Pratte, mais comment cela fonctionnera-t-il lorsque la mesure législative sera adoptée? Vous serez tenu de la respecter. Êtes-vous allé jusque-là dans votre réflexion, ou espérez-vous que les amendements...
M. Hynes : Nous nous attendons évidemment à ce que le libellé proposé soit adopté, étant donné qu’il s’agit d’un projet de loi d’exécution du budget. Nous profitons certainement des occasions qui nous sont offertes pour rappeler à tous ceux qui veulent nous écouter que notre préférence est, évidemment, de poursuivre la démarche que nous avons entreprise.
Quant aux changements précis concernant les horaires de travail flexibles, il reste du travail à faire. Les discussions sur le libellé du projet de loi se font aux échelons supérieurs, dans une certaine mesure. Donc, il sera sans doute possible de discuter des détails de la mise en œuvre à la table tripartite.
Pour ce qui est des dispositions sur les congés, on a bien sûr affaire à une situation où leur entrée en vigueur est inévitable; il conviendra alors d’examiner de quelle façon. Cela nous ramène au point soulevé en réponse à la question précédente. Ce qui pose problème, par rapport aux congés, c’est que les conventions collectives pourraient déjà contenir des dispositions visant à régir les situations qui sont décrites dans le projet de loi, ce qui entraînera des conflits.
Si les dispositions relatives aux congés déjà en place dans une organisation satisfaisaient aux critères établis dans la mesure législative proposée et pouvaient être maintenues, alors cela ne poserait pas problème. Toutefois, si nous créons une situation de nature cumulative, c’est-à-dire une situation où de nouvelles dispositions sur les congés s’ajouteraient à celles qui sont déjà en place dans une organisation, qui plus est des dispositions négociées librement entre les syndicats et les employeurs, cela devient complexe, et leur mise en œuvre entraîne des coûts administratifs et des coûts directs.
La sénatrice Marshall : C’est l’autre point que j’allais soulever. Nous parlons de dispositions relatives aux congés non payés, ce qui donne l’impression qu’il n’y a aucun coût, mais vous venez de souligner qu’il y aura un coût.
M. Hynes : Il y a des coûts. Il y a les coûts administratifs liés au traitement des demandes, mais il y a aussi les coûts réels liés au remplacement de la personne qui s’absente. Lorsqu’on fait appel à une personne à la dernière minute pour remplacer quelqu’un d’autre, cette personne reçoit une prime, en plus de son salaire habituel. Il y a certainement des coûts.
Ce n’est pas nécessairement que nous sommes contre le libellé des dispositions sur les congés en question. La plupart des employeurs utilisent un libellé semblable dans les conventions collectives. Les employés ont une certaine latitude pour les congés et, dans beaucoup de cas, cela correspond à ce qui est prévu dans le projet de loi. La question est donc de savoir ce qui se produira lorsque ce sera mis en œuvre et qu’il faudra composer, à certains égards, avec des formulations conflictuelles.
La sénatrice Marshall : Avez-vous une idée des coûts supplémentaires des dispositions sur les congés non payés actuellement en vigueur? Pouvez-vous affirmer, par exemple, que les congés sans solde que vous accordez permettent des économies de 1 million de dollars, mais que les coûts pour le personnel de remplacement s’élèvent à 1,5 million de dollars? Avez-vous des données de ce genre?
M. Hynes : Non. Je suis certain qu’on pourrait le savoir, mais je n’ai pas de chiffres sous la main. Ces 18 derniers mois, de nombreux changements ont été apportés à l’application des règles en milieu de travail prévues au Code canadien du travail. Le gouvernement actuel s’est engagé à assurer une certaine flexibilité pour les employés. Toutes ces choses ont des coûts cumulatifs.
Cela nous ramène à votre question précédente. D’entrée de jeu, nous souhaitons toujours avoir une discussion ouverte avec tous les intervenants, car cela nous permet alors d’examiner, de façon exhaustive, la meilleure façon de procéder. Notre priorité est de trouver la solution la plus avantageuse pour les employés, au coût le plus avantageux et le plus raisonnable possible pour les employeurs.
La sénatrice Marshall : Les sociétés que vous représentez sont-elles des sociétés de grande taille? Nous avons parlé d’Air Canada et des grandes sociétés que vous représentez, mais y a-t-il aussi de petites entreprises? La taille de l’entreprise ferait certainement une différence.
M. Hynes : Presque tous les employeurs que je représente sont de grandes sociétés; nous représentons près des deux tiers des travailleurs du secteur sous réglementation fédérale.
C’est un secteur unique. On parle des secteurs des transports et des communications et du secteur bancaire. Le secteur sous réglementation fédérale comprend surtout des sociétés importantes et conventionnelles de l’industrie lourde, à quelques exceptions près, comme dans le secteur du camionnage, où l’on trouve surtout des entreprises exploitées par leur propriétaire ou de petites entreprises. Donc, à bien des égards, les changements dont nous discutons, sur les questions de flexibilité, correspondent au libellé que l’on retrouve dans les conventions collectives ou encore dans des arrangements négociés entre les employeurs et les employés, dans les cas où les employés ne sont pas syndiqués.
La sénatrice Marshall : À votre avis, cela aura-t-il des répercussions particulières pour les petites entreprises?
M. Hynes : Je ne les représente pas, évidemment, mais je dirais, en toute logique, que les répercussions seront plus importantes. Il faut savoir qu’en raison des nouvelles dispositions plus généreuses, même s’il est question de congés non payés, un petit employeur ayant 10, 20 ou 25 employés devra composer avec les contraintes opérationnelles associées aux employés qui s’absenteront du travail sans avoir donné un préavis suffisant.
Encore une fois, nous ne disons pas que les congés sont une mauvaise chose. Les dispositions sur les congés et le libellé utilisé ont certes leurs avantages, sur le plan de l’incidence sur la société. Cela dit, le libellé doit être rédigé de façon à offrir aux employeurs la marge de manœuvre nécessaire pour s’adapter au fil de la mise en œuvre de la mesure législative. Pour les petites et moyennes entreprises, plus tôt elles seront avisées, mieux ce sera.
La sénatrice Marshall : Ce n’est pas l’impression que j’ai eue dans nos discussions avec les fonctionnaires hier soir. J’étais portée à croire que les petites entreprises le faisaient déjà, ce qui leur permettrait de s’adapter à cette mesure législative. Merci beaucoup.
Le président : Monsieur Hynes, vous avez mentionné d’entrée de jeu que vous fourniriez des renseignements supplémentaires au comité avant la fin de la journée. Je vous prie d’envoyer ces renseignements à la greffière. C’est important. Si vous souhaitez nous transmettre d’autres renseignements, aborder d’autres sujets ou répondre à certaines questions des sénateurs, nous vous prions de le faire d’ici 72 heures, avant que nous présentions notre rapport, la semaine prochaine.
Avez-vous des observations pour terminer?
M. Hynes : Je compte vous présenter un mémoire écrit d’ici demain, en fin de journée, si cela vous convient.
Le président : Très bien.
Honorables sénateurs, c’est là-dessus que se termine la réunion d’aujourd’hui sur le projet de loi C-63.
(La séance est levée.)