Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 59 - Témoignages du 6 février 2018
OTTAWA, le mardi 6 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 33, pour poursuivre son étude sur les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général, notamment les comptes publics, les rapports du vérificateur général et les finances publiques (sujet : les problèmes du système de paye Phénix).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je m’appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.
Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes dans la salle et à ceux qui, dans tout le pays, nous regardent à la télévision ou sur Internet.
Pour mémoire, je rappelle que les audiences du comité sont ouvertes au public et également accessibles en ligne sur le site web du Sénat à l’adresse sencanada.ca.
[Français]
Je demanderais maintenant aux membres du comité de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Toronto.
[Français]
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec. Bonjour.
[Traduction]
Le président : Je souligne la présence à la table d’honneur, ce matin, de Mme Keli Hogan, qui remplace provisoirement Mme Gaëtane Lemay, notre greffière, ainsi que nos deux analystes, Alex Smith et Sylvain Fleury, qui accompagnent nos travaux.
Aujourd’hui, nous aimerions approfondir un peu notre étude des problèmes du système de paye Phénix au Canada. La semaine dernière, le vérificateur général, qui a examiné la question, nous a d’une certaine façon encouragés à poursuivre notre étude.
Ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir des représentants de deux ministères qui jouent un rôle central dans toute l’affaire Phénix.
Pour les fonctionnaires de ces ministères, il s’agit de savoir où on en est et comment on va régler la situation.
Cela dit, comme nous le savons, ce sont plus de 150 000 employés de la fonction publique du Canada qui sont touchés.
[Français]
D’abord, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, nous recevons Mme Cécile Cléroux, sous-ministre adjointe, Secteur de la transformation de la gestion des ressources humaines, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines.
[Traduction]
Nous avons aussi M. Tom Scrimger, contrôleur général adjoint, Gestion financière, Bureau du contrôleur général.
Merci d’être parmi nous ce matin.
Accueillons par ailleurs Les Linklater, sous-ministre associé, qui représente Services publics et Approvisionnement Canada.
[Français]
Nous accueillons aussi Marc Lemieux, sous-ministre adjoint de la Direction générale de l’administration de la paie.
[Traduction]
Nous avons également Danielle May-Cuconato, sous-ministre adjointe, Projet de stabilisation de la paye.
Bienvenue à vous tous et merci d’avoir pris le temps de venir nous voir pour discuter des moyens de régler les problèmes de Phénix. Encore une fois bienvenue et merci.
La greffière m’a informé que le premier témoin sera M. Les Linklater. Puis ce sera le tour de Mme Cécile Cléroux, après quoi les sénateurs poseront des questions.
[Français]
Monsieur Linklater, la parole est à vous.
[Traduction]
Les Linklater, sous-ministre associé, Services publics et Approvisionnement Canada : Merci, monsieur le président. Merci de m’avoir invité à vous parler du système de paye Phénix.
Je vais commencer par vous donner un bref historique et des détails sur les raisons pour lesquelles Phénix a mal tourné, puis je vous parlerai de la façon dont nous allons nous y prendre pour régler cela.
[Français]
Pour commencer, permettez-moi de dire que les problèmes de paie sont inacceptables et que nous sommes profondément désolés des difficultés que vivent les fonctionnaires et leur famille. La remise en état de Phénix et l’élimination de ses incidences négatives sur les employés sont non seulement notre priorité absolue, mais également et sans contredit celle de tous les sous-ministres de la fonction publique.
[Traduction]
Services publics et Approvisionnement Canada est le ministère chargé de l’administration de la paye de plus de 290 000 employés fédéraux dans plus d’une centaine de ministères, organismes et organisations composant la fonction publique fédérale.
Il y a un certain nombre d’années, il est devenu évident que le système de paye fédéral, alors âgé de 40 ans, était désormais inefficace et risquait de tomber en panne.
En 2008, un comité des opérations de la Chambre des communes a déposé un rapport recommandant d’appuyer la modernisation du système de paye.
En 2009, le gouvernement du Canada s’est lancé dans la transformation de l’administration des services de paye en achetant le système PeopleSoft, un produit d’IBM, et en regroupant les services de paye de première ligne de l’ensemble du gouvernement dans un nouveau centre de paye de la fonction publique installé à Miramichi, au Nouveau-Brunswick.
Il s’agissait de mettre en place un système durable et rentable. Il est évident que nous n’avons pas réussi.
Bien que SPAC, d’autres ministères et IBM aient consacré six années à préparer le déploiement de Phénix, nous avons appris de douloureuses leçons sur certaines considérations cruciales dont il n’a pas été tenu compte ou qui ont été sous-estimées.
Nous savons que le plan initial de réalisation de ce grand projet de transformation n’a pas tenu compte de sa réelle complexité et de toute son ampleur. Des liens cruciaux entre la paye et les processus et systèmes de gestion des RH n’ont pas été correctement compris. La technologie a été privée de fonctionnalités importantes, et la formation et la gestion du changement ont été inefficaces et insuffisantes. Par ailleurs, on aurait pu examiner plus attentivement l’expérience de l’Australie, bien que la situation ne soit pas la même, pour éclairer le processus décisionnel.
[Français]
Peu après le lancement complet de Phénix, en février 2016, des problèmes de rémunération sont survenus, mais ces derniers ont été jugés être des incidents isolés. Toutefois, en juin 2016, il est devenu évident qu’il y avait des problèmes majeurs.
Le nombre croissant de problèmes de rémunération a surpassé notre capacité d’intervention. Cette capacité avait été considérablement réduite avant la mise en ligne de Phénix par l’élimination de plus de 700 postes en rémunération dans le cadre du regroupement des conseillers en rémunération à Miramichi.
Nous sommes passés en mode gestion de crise et, à titre de première réponse, nous avons embauché du personnel supplémentaire à Miramichi, mis sur pied des bureaux de paie satellites d’un bout à l’autre du pays dotés de plus de 250 conseillers en rémunération et ouvert un centre de contact avec la clientèle afin de traiter les demandes d’aide des employés.
Même si les problèmes de rémunération ont perduré, ces mesures ont aidé à réduire l’incidence des problèmes de rémunération les plus graves, c’est-à-dire les employés ne recevant pas du tout de paie, et à réduire le temps d’attente associé aux modifications de la rémunération liées à des congés parentaux ou de maladie, que les syndicats nous ont demandé de traiter en priorité.
Alors que les efforts se poursuivent afin de gérer les problèmes de rémunération actuels, nous avons également examiné les causes profondes de ces problèmes et les solutions nécessaires.
[Traduction]
Il en est ressorti deux réalités importantes. Premièrement, étant donné que les processus de gestion des RH sont inextricablement liés à la rémunération des employés, on aurait dû aborder les choses selon une approche intégrée.
Deuxièmement, il est clair que Services publics et Approvisionnement Canada, SPAC, ne pouvait pas, à lui seul, circonscrire et mettre en œuvre des solutions. Nous avions besoin d’adopter un point de vue global, à l’échelle du gouvernement.
En novembre 2017, nous avons annoncé une première série de mesures conçues pour stabiliser le système de paye, et pour réduire, à court terme, les délais d’attente et le nombre d’interventions de paye en retard.
Essentiellement, ces mesures sont à la base du Plan d’action intégré des RH à la paye, auquel SPAC et le SCT se sont engagés dans le rapport du vérificateur général de l’automne, et dont ils respectent intégralement les recommandations.
Entérinées par les employés, les syndicats et les ministères, ces mesures sont regroupées dans quatre grandes catégories. Les détails vous ont été communiqués, je crois, par l’intermédiaire de votre greffière. Je vais maintenant en signaler quelques-unes.
Premièrement, nous avons consolidé la reddition des comptes et le processus décisionnel. Cela peut avoir l’air d’une bureaucratie inutile, mais l’une des raisons pour lesquelles Phénix a échoué est l’absence de pouvoirs décisionnels clairs, représentés à l’échelle du gouvernement.
Une équipe mixte composée de représentants de SPAC et du Secrétariat du Conseil du Trésor est désormais chargée de diriger le projet de stabilisation du système de paye, au centre de paye et dans l’ensemble du gouvernement.
C’est moi qui dirige cette approche intégrant la gestion des RH et le traitement de la paye et je suis secondé par le sous-ministre adjoint du Bureau du dirigeant principal des ressources humaines du SCT, qui s’occupe des politiques et processus applicables aux ressources humaines, du sous-ministre adjoint et de SPAC, qui s’occupent de l’administration de la paye, et du sous-ministre adjoint responsable du bureau de gestion du projet, pour coordonner la gestion du programme, la reddition des comptes et les activités de communication.
Au printemps 2017, nous avons mis en place un modèle de gouvernance plus solide qui regroupe toute l’information utile à l’échelle de la fonction publique et qui facilite le travail de l’équipe.
Cela comprend un groupe de travail ministériel présidé par le ministre Goodale, des groupes de travail interministériels et un comité de surveillance des administrateurs généraux présidé par Andrea Lyon, sous-greffière du Conseil privé et secrétaire associée du Cabinet.
[Français]
Conscients du fait que nous avons besoin d’aide de l’extérieur de la fonction publique, nous mettons également sur pied un comité consultatif d’experts chargé de valider nos décisions. Il ne s’agit pas de la première fois que nous demandons des avis externes. En plus de l’important travail réalisé par le vérificateur général, nous avons tiré profit du rapport sur les leçons retenues qu’a préparé Goss Gilroy et qui indique clairement un certain nombre de lacunes en matière de planification et de mise en œuvre. Ces renseignements orientent nos efforts en vue de stabiliser le système de rémunération et éclairent la gestion du projet à grande échelle.
Comme la responsabilisation est l’une de nos priorités, nous sommes résolus à faire preuve de transparence. Nous fournissons à l’ensemble des ministères et organismes des tableaux de bord mensuels pour leur permettre de faire le suivi de nos progrès et nous améliorons nos rapports de l’évaluation du rendement.
Le deuxième domaine d’action est l’amélioration des processus et des technologies. Les processus de rémunération et les systèmes de ressources humaines sont intimement liés, des conflits internes entre Phénix et la mosaïque de 32 systèmes de ressources humaines d’un bout à l’autre du gouvernement ont contribué aux ralentissements. Notre objectif est d’établir un système global qui est harmonisé de la dotation initiale à la réception du paiement, en passant par la demande de paie.
En plus des technologies, nos examinons la façon dont les travaux sont structurés en vue de réaliser des économies. Les responsables des centres de rémunération pilotent une nouvelle approche qui organise les spécialistes de la rémunération en cellules spécialisées dans les ministères ou des types de transactions précis. Les premières indications laissent croire que cette approche peut aider à réduire l’arriéré.
Nous sommes aussi en train de revoir les processus de gestion des ressources humaines qui créent un bon nombre de problèmes, comme ceux qui touchent les mutations d’entrée et de sortie, les cessations d’emploi et la rémunération des intérims.
[Traduction]
Troisièmement, nous sommes en train d’accroître la capacité et le service. Nous avons ajouté et continuons d’ajouter du personnel au centre de paye et dans les bureaux satellites pour traiter l’arriéré. Nous apportons des améliorations à notre centre d’appels, où des agents auront bientôt accès à Phénix et pourront fournir plus de renseignements aux employés sur leur situation.
Enfin, nous veillons à ce que tout le monde participe à tous les échelons. Des comités patronaux-syndicaux se réunissent régulièrement pour partager de l’information et discuter des problèmes liés à la paye. Les employés et les gestionnaires ont désormais accès en ligne à une formation obligatoire supplémentaire au sujet des pratiques exemplaires, des rôles et responsabilités, et des moyens de prévenir les retards de paiement. Plus de 80 000 utilisateurs distincts ont déjà consulté les pages d’au moins un de ces cours obligatoires.
Contrairement à l’ancien système, où c’était le personnel du ministère qui traitait les demandes, Phénix prévoit que les employés et les gestionnaires fassent eux-mêmes leurs demandes par voie électronique, et cela fonctionne le mieux lorsque les demandes sont faites sans tarder, plutôt que rétroactivement. Notre formation met l’accent sur cet aspect et sur d’autres changements importants qui permettront d’éviter d’autres problèmes.
Nous avons mis en ligne un tableau indiquant toutes les mesures que nous prenons, les délais d’achèvement et la situation en cours. Nous le mettrons régulièrement à jour, à mesure que des progrès sont obtenus et que la situation évolue, et nous nous appuierons graduellement sur ces mesures en tirant les leçons de notre gouvernance pour circonscrire les modifications administratives et technologiques qui permettront de stabiliser l’intégration des RH et de la paye dès que possible.
[Français]
Nous sommes déterminés à fournir aux employés des renseignements sur les progrès réalisés en vue de régler les problèmes de rémunération. Nous publions un tableau de bord mensuel indiquant le nombre de transactions en suspens au centre de la rémunération. Nos progrès sont lents. L’année dernière, le gouvernement a négocié 21 conventions collectives et bon nombre d’entre elles étaient échues depuis plusieurs années. Le long calcul des paiements rétroactifs a été fait aux dépens de la réduction de l’arriéré des transactions.
Nous avons également consacré des employés au traitement des versements excédentaires pour nous assurer que les employés auraient des T4 ou R1 fiables en prévision de la période de déclaration. Nous prenons des mesures pour nous assurer que les employés ne doivent pas composer avec des difficultés financières en raison des versements excédentaires. Lorsque ces priorités auront été réglées, nous nous attendons à ce que le traitement des arriérés avance mieux.
[Traduction]
Monsieur le président, je viens de décrire une longue série de mesures, mais des problèmes complexes suscitent souvent des questions simples. En l’occurrence, beaucoup de gens veulent savoir pourquoi nous ne nous débarrassons pas purement et simplement de Phénix pour instaurer un nouveau système de paye.
En réalité, c’est le système de paye de la fonction publique qui est complexe, et il faudrait des années pour mettre en place un nouveau système. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas envisager d’autres solutions, mais, entretemps, nous devons payer près de 300 000 fonctionnaires toutes les deux semaines. Nous n’avons pas le choix dans l’immédiat, si ce n’est de stabiliser Phénix, pour que la paye soit versée au montant exact et en temps voulu. C’est notre priorité, et le vérificateur général lui-même a rappelé l’importance de rester concentré sur l’amélioration du système actuel.
On me demande souvent aussi ce qu’il en est du rôle d’IBM dans cette affaire. Monsieur le président, Phénix est loin d’être parfait. Il y a des problèmes d’ordre technologique, mais IBM, pour l’essentiel, a livré ce qu’elle était censée livrer selon son contrat. Nous continuons de collaborer étroitement avec l’entreprise pour mettre en œuvre des améliorations techniques et des solutions.
[Français]
Permettez-moi de conclure en soulignant que les employés de Services publics et Approvisionnement Canada sont fiers de l’excellent travail qu’ils effectuent afin d’offrir une vaste gamme de services : tenir les Comptes publics du Canada, fournir 18 milliards de dollars par année en biens et services, préserver les immeubles ici sur la Colline, fournir les traducteurs qui sont avec nous aujourd’hui, et s’acquitter de bien d’autres rôles essentiels au bon fonctionnement de notre gouvernement et de notre système démocratique.
En ce qui concerne Phénix, il est clair que nous n’avons pas été à la hauteur. Nous en assumons l’entière responsabilité. Nous présentons nos excuses aux nombreux fonctionnaires qui ont subi des préjudices en raison des problèmes de rémunération. Nous faisons tout en notre pouvoir pour mettre un terme à leurs frustrations dans les plus brefs délais. Je serai clair : il n’y a pas de solution rapide, mais nous continuerons à faire des progrès constants jusqu’à ce que nous ayons réglé les problèmes des employés qui n’ont pas reçu tout l’argent auquel ils ont droit.
Tandis que nous faisons des progrès, nous remercions les employés dévoués du centre de rémunération de Miramichi, de même que d’autres employés au pays, qui réparent les pots qu’ils n’ont pas cassés.
Je répondrai à vos questions avec plaisir. Merci.
Le président : Nous cédons maintenant la parole à Mme Cléroux.
Cécile Cléroux, sous-ministre adjointe, Secteur de la transformation de la gestion des ressources humaines, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Bonjour. Merci de m’avoir invitée à comparaître devant votre comité pour discuter du système de paie Phénix. En tant que sous-ministre adjointe du secteur de la transformation de la gestion des ressources humaines du bureau de la dirigeante principale des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor, je veille à la détermination et à la coordination des différents systèmes informatiques soutenant la gestion des ressources du gouvernement du Canada. Mon secteur a été créé en février 2017, et je veille à la coordination des interventions du secrétariat pour soutenir les efforts que M. Linklater vient de décrire.
[Traduction]
Permettez-moi de commencer par dire encore une fois que la situation actuelle du système de paye Phénix est inadmissible.
Au nom du Secrétariat du Conseil du Trésor et à titre de représentant de l’employeur, je tiens à dire à tous les employés à quel point je regrette cette situation et je m’adresse notamment à ceux qui ont été directement touchés par un état de fait qui, malheureusement, dure depuis près de deux ans.
[Français]
Mes collègues et moi nous sommes engagés à mettre l’épaule à la roue pour que les employés de la fonction publique soient payés correctement. Le secrétariat remercie le vérificateur général de son analyse et de ses recommandations visant à stabiliser le système de paie. Son rapport est une contribution importante au travail déjà en cours.
[Traduction]
Ce matin, j’aimerais discuter de ses deux recommandations destinées précisément au Secrétariat du Conseil du Trésor. La première est que le secrétariat devrait dresser, de concert avec Services publics et Approvisionnement Canada, un échéancier destiné aux ministères et organismes pour qu’ils produisent des renseignements exacts sur la paye, et qu’il devrait aider les ministères et organismes à élaborer des mesures du rendement pour faire le suivi de l’exactitude et de la ponctualité des interventions de paye et en rendre compte. Nous sommes d’accord avec cette recommandation, et le travail est déjà en cours à cet égard. En collaboration avec SPAC, nous dresserons un échéancier normalisé des opérations RH qui permettra de procéder à des interventions de paye d’ici le 30 juin 2018.
Nous collaborerons également avec les ministères et organismes pour élaborer et mettre en œuvre une perspective globale reliant la gestion des RH et le traitement de la paye. Pour mieux faire le suivi des interventions de paye et en rendre compte, nous élaborerons des mesures du rendement qui seront mises en œuvre au cours de l’exercice 2018-2019.
[Français]
Nous allons collaborer avec les ministères et organismes afin de veiller au suivi et à la production des rapports sur les principaux paramètres de ressources humaines, y compris la rapidité du traitement des transactions ayant une incidence sur la paie de nos employés.
[Traduction]
On comprend l’importance du suivi et du compte rendu de nos progrès dans la stabilisation du système de paye quand on mesure les difficultés à respecter les délais de mise en œuvre des conventions collectives.
La semaine dernière, le SCT a reconnu devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral que le gouvernement fédéral n’a pas respecté les délais de mise en œuvre des conventions collectives conclus avec l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Nous comprenons très bien la frustration qui s’en est suivie. Nous continuons de travailler assidûment avec les ministères et organismes, et surtout avec Services publics et Approvisionnement Canada, pour mettre en œuvre le plus rapidement possible toutes les conventions signées.
La deuxième recommandation du vérificateur général à l’intention du secrétariat concerne le coût. Il recommande au secrétariat, toujours avec l’appui des ministères et organismes et de Services publics et Approvisionnement Canada, de faire le suivi du coût de résolution des problèmes de paye et de mise en œuvre d’une solution durable pour l’ensemble des ministères et organismes, et d’en rendre compte.
Nous sommes également d’accord avec cette recommandation. Le contrôleur général du Canada dirige actuellement un exercice à l’échelle du gouvernement pour mieux comprendre la situation globale du point de vue des coûts réels.
[Français]
Le travail est en cours, c’est un processus rigoureux qui se base sur les meilleures pratiques internationales.
[Traduction]
Nous serons en mesure de calculer les coûts engagés jusqu’ici et de mettre en place un cadre de suivi des coûts à venir. Les ministères et organismes, tout comme les organismes centraux, seront consultés afin que les données soient interprétées correctement.
[Français]
Nous prévoyons de terminer cet exercice en mai 2018.
[Traduction]
En terminant, je tiens à rappeler que l’équipe de la haute direction du secrétariat a été et continue d’être entièrement dévouée à ce dossier. Les recommandations du vérificateur général et les efforts qui ont été déployés pour les concrétiser contribueront considérablement au travail déjà en cours.
[Français]
Monsieur le président, mon collègue et moi sommes maintenant à la disposition de votre comité pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, madame Cléroux.
Avant de passer la parole à la sénatrice Marshall, j’aimerais demander à la sénatrice Andreychuk et au sénateur Neufeld de se présenter. Je vous en prie.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, Saskatchewan.
Le sénateur Neufeld : Sénateur Neufeld, Colombie-Britannique.
La sénatrice Marshall : Monsieur Linklater, dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de la participation d’IBM, mais je crois savoir que le vérificateur général va examiner cette question. Mes questions porteront directement sur le rapport du vérificateur général.
J’en ai deux, que j’ai posées au vérificateur général lorsqu’il est venu nous voir. Qui est chargé de régler les problèmes de paye? Le vérificateur général a parlé d’un manque de structure de gouvernance, et, dans un certain paragraphe, il ne cesse de parler de tous les comités et employés engagés dans ce processus. Mais il doit bien y avoir une personne qui supervise tout cela et qui veille à ce que tout ce qui doit être fait le soit. Est-ce que quelqu’un peut m’éclairer?
M. Linklater : Avec plaisir. C’est moi qui suis chargé de la supervision du plan de rétablissement par l’intermédiaire de l’équipe de gestion intégrée des RH et de la paye.
La sénatrice Marshall : Depuis quand êtes-vous le responsable?
M. Linklater : J’assume cette responsabilité depuis la fin de juin.
La sénatrice Marshall : Tout le monde parle du plan. Est-ce qu’il y a un plan? Actuellement, on ne fait guère confiance à ce que fait le ministère ou le gouvernement pour régler le problème. Les gens n’arrêtent pas de parler du plan. Et ils continuent de parler au futur : « Nous allons faire ceci », « Nous allons faire cela », « Nous allons faire autre chose », mais en quoi consiste ce plan? Et y a-t-il effectivement un plan en cours de réalisation en ce moment?
M. Linklater : Oui. Je vous remercie de cette question. Depuis que l’équipe intégrée a été formée fin juin, nous travaillons à l’échelle de SPAC et avec le Bureau du dirigeant des ressources humaines du Conseil du Trésor pour examiner les problèmes de paye d’un bout à l’autre du continuum entre la gestion des RH et le traitement de la paye. La paye est fonction des interventions et opérations liées aux ressources humaines. Pour régler les causes profondes des difficultés qu’affrontent actuellement les employés, nous devons nous assurer de comprendre le rôle que joue la gestion des RH dans le continuum.
Dans le cadre de ce travail, au cours de l’été et de l’automne, nous avons fait appel à une certaine aide externe, surtout PriceWaterhouseCoopers, mais nous avons aussi travaillé avec les ministères et organismes par le biais d’un certain nombre d’exercices visant à approfondir un certain nombre des principaux problèmes touchant la paye. En novembre, nous avons publié une première série d’initiatives. C’est la ministre Qualtrough qui les a diffusées.
La sénatrice Marshall : Est-ce que cela a été fait ou est-ce que c’est quelque chose qu’on a l’intention de faire?
M. Linklater : Il y a des choses sur lesquelles nous travaillons en ce moment, et nous avons fait des progrès à l’égard d’un certain nombre des 22 mesures publiées. Comme je l’ai dit dans mes remarques préliminaires, nous rendrons compte de nos progrès à cet égard tous les trois mois.
La sénatrice Marshall : On parle de résultats. Quels résultats avez-vous obtenus jusqu’ici? Par exemple, le vérificateur général a donné le chiffre d’un demi-million d’interventions de paye. Ce chiffre est-il en train de baisser? Est-ce qu’on a remis des feuillets T4 exacts au personnel? Est-ce que les conventions collectives, ces interventions de paye, sont traitées? Pourriez-vous nous convaincre qu’il se passe vraiment quelque chose et qu’on fait des progrès?
M. Linklater : Merci de vos questions. J’ai également dit, dans mes remarques préliminaires, que nous publions tous les mois un tableau qui permet de suivre principalement le travail du centre de paye, mais nous avons commencé à appliquer les recommandations du vérificateur général en incluant les principaux indicateurs associés aux ministères et organismes non desservis par le centre de paye.
Il s’agit ici de préciser pour les employés ce qui reste à faire au centre de paye, notamment les interventions de paye qui ont des répercussions financières, c’est-à-dire les problèmes qui touchent le portefeuille de nos employés.
Compte tenu des recommandations du vérificateur général, nous avons élargi le champ de la reddition des comptes pour y inclure toute la charge de travail au centre de paye, afin que les gens comprennent, en toute transparence, ce que nos conseillers en rémunération doivent assumer.
La sénatrice Marshall : Faites-vous effectivement des progrès? C’est ce que je vous demande. Avez-vous des signes que les choses avancent, que les interventions de paye sont traitées et que l’arriéré diminue?
M. Linklater : Au cours de l’été dernier, nous avons pu réduire un peu l’arriéré, mais cette période a aussi été celle où nous avons déployé des efforts pour mettre en œuvre les conventions collectives qui avaient été négociées.
Malheureusement, nous n’avons pas planifié ou prévu correctement la charge de travail associée à la mise en œuvre des conventions collectives, et, comme ma collègue y a fait allusion dans ses remarques, nous n’avons pas réussi, pour l’essentiel, à respecter un certain nombre de délais fixés par la loi.
On a cependant fait un peu de progrès du point de vue des normes de service applicables aux congés de maternité, aux congés parentaux et aux congés d’invalidité. Au centre de paye, certaines initiatives novatrices portant sur l’organisation du travail par modules ont permis de constater que nous pouvons, dans le cadre de la mise en œuvre du projet pilote dans trois ministères, traiter les nouvelles interventions de paye et absorber l’arriéré.
La sénatrice Marshall : Mais le cœur de la question est le suivant : est-ce que vous faites des progrès? À vous entendre, on a l’impression que, s’il y a des progrès, ils ne vous semblent pas importants. Je pense que vous avez encore des problèmes. Vous avez encore un gros problème, et vous n’arrivez pas à rattraper le retard.
M. Linklater : C’est vrai. Nous avons pris du retard à cause des pressions associées aux conventions collectives, et aux paiements en trop en vue de la période des déclarations de revenus de cette année. Cela dit, nous avons développé notre capacité. Nous avons ajouté du personnel pour pouvoir absorber cet arriéré et procéder aux interventions de paye prioritaires. Actuellement, grâce à une série de mesures, nous sommes en train de reconfigurer certaines interventions de paye importantes dont nous savons qu’elles ont les répercussions les plus préjudiciables, si l’on peut dire, pour le personnel. Je parle ici du processus d’intérim, des mutations d’entrées, des mutations de sortie, et des cessations d’emploi. Nous nous intéressons à la technologie, au fonctionnement et à la formation culturelle, qui sont autant de questions à régler pour simplifier les choses et retirer une plus grande partie de ce travail des mains des conseillers en rémunération.
La sénatrice Marshall : Vous devez retourner à votre plan et l’examiner. Compte tenu de ce que vous avez dit, j’avais espéré entendre ce matin quelque chose qui donnerait un peu confiance, mais ce n’est pas le cas.
Le sénateur Pratte : Monsieur Linklater, je suis en train de regarder les données qui, je crois, sont les dernières publiées au sujet des interventions de paye sur le site web, soit du 29 novembre au 27 décembre. Je suppose qu’il s’agit des opérations financières réglées par le centre d’appel de Miramichi, c’est bien cela?
M. Linklater : C’est exact.
Le sénateur Pratte : Donc, si l’on parle des demandes d’intervention de paye et du traitement des interventions de paye, je crois comprendre qu’il y a un énorme arriéré que, visiblement, vous avez de la difficulté à absorber. On a signé 21 conventions collectives, et cela s’ajoute évidemment au volume de travail. Cependant, je me dis que, avec tout le personnel que vous avez ajouté au centre d’appels, le nombre d’interventions de paye traitées devrait augmenter de mois en mois puisque vous avez plus d’employés. Et, si je comprends bien les données fournies, ce n’est pas ce qui se passe.
Par exemple, pour le dernier mois au sujet duquel on a des données, on peut lire 63 000, alors que c’est 53 000 sur le site web. Sur la feuille Excel, je vois 63 000. Donc, je ne sais pas si c’est 63 000 ou 53 000. Quoi qu’il en soit, c’est encore moins pour beaucoup d’autres mois. J’ai bien du mal à comprendre ce qui se passe. Je m’attendrais à voir une hausse régulière d’un mois à l’autre. Que se passe-t-il?
M. Linklater : Pour l’essentiel, nous avons réglé certains cas particuliers, comme les congés parentaux et les congés d’invalidité, pour veiller à respecter les normes de service.
Quand on entre dans le détail d’un dossier, surtout lorsqu’il faut appliquer une convention collective, on se rend compte qu’un certain nombre d’opérations complexes y sont associées. Une cessation d’emploi, par exemple, suppose beaucoup plus de travail qu’un employé muté ou promu.
Compte tenu de la pression exercée par l’application des conventions collectives et la charge de travail supplémentaire que cela suppose, le fait est que, durant le mois de décembre — il y a eu Noël et le congé du jour de l’An, et cela a eu des répercussions sur le nombre de présences et la productivité —, il y a eu une baisse.
Nous envisageons des mesures pour former les employés et favoriser une augmentation de la productivité. L’équilibrage actuel de la charge de travail, grâce à l’embauche de personnel supplémentaire chargé du travail administratif pour permettre aux employés plus expérimentés de s’occuper des cas plus compliqués ou difficiles, commence à donner des résultats du point de vue de l’amélioration de la productivité. Mon collègue pourra vous en dire plus.
Marc Lemieux, sous-ministre adjoint de la Direction générale de l’administration de la paye, Services publics et Approvisionnement Canada : J’ajouterais que, en décembre, parce que nous voulions garantir une période de déclaration d’impôt plus facile pour les employés, nous avons circonscrit 28 000 interventions de paye à faire en priorité pour que des paiements en trop n’apparaissent pas sur des feuillets T4…
[Français]
--- le relevé 1. À ce moment-là, nous avons créé 18 000 transactions de plus — qui, normalement, n’auraient pas été reflétées dans le sommaire ici — pour nous assurer d’offrir le meilleur service possible aux employés en préparation à la période de paie.
Comme M. Linklater le disait, on travaille aussi beaucoup à réorganiser le travail, autant à l’intérieur du centre de paie qu’en collaboration avec les ministères. Nous voulons ainsi nous assurer que la communication fonctionne de mieux en mieux pour que les cas qui nous sont soumis arrivent à temps et soient bien présentés afin que nous puissions les traiter plus rapidement. Cela fait l’objet de ce qu’on appelle le « POD pilot », le projet pilote des modules, et on constate des progrès grâce à cela.
J’ajouterais que, dans le cadre de toutes ces mesures, de nombreuses consultations sont menées par les ministères et les employés dans le but de nous assurer que l’expertise de l’ensemble de nos ressources humaines est mise à contribution afin d’en arriver aux meilleures solutions le plus rapidement possible.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Donc, j’ai bien compris les statistiques. Les opérations financières hors normes sont une autre statistique que vous employez.
[Français]
On dit ici en français : « excédant la charge de travail normale » …
[Traduction]
… excédant la charge de travail normale : que voulez-vous dire exactement? Ce chiffre augmente d’un mois à l’autre. Que voulez-vous dire par le nombre d’opérations excédant la charge de travail normale?
M. Linklater : Selon notre analyse, en temps normal, quand les opérations à effectuer sont exactes et n’ont pas été retardées, SPAC, le centre de paye a la capacité de traiter 80 000 interventions de paye chaque mois, compte tenu des variations saisonnières et de ce genre de variable. Ce que nous avons rendu public, ce sont les opérations dépassant les 80 000 de la charge de travail normale, qui sont en attente de traitement au centre de paye.
Le sénateur Pratte : D’accord.
Enfin, vous vous servez aussi du pourcentage d’opérations traitées selon les normes de service. De quelles normes s’agit-il? La ponctualité? Le délai de traitement? De quoi s’agit-il?
M. Linklater : Oui, au départ, quand la crise a éclaté, nous rendions compte des différents types d’opérations selon une norme de service. Par exemple, dans le cas des congés parentaux et des congés d’invalidité, la norme de service applicable au centre de paye est que l’intervention de paye doit être traitée dans un délai de 20 jours ouvrables. Pour ces deux types d’opérations, après discussion avec les syndicats, nous avons réservé les ressources nécessaires pour respecter systématiquement cette norme au centre de paye.
Il y a des variations concernant d’autres opérations jugées moins prioritaires ou déplacées dans la liste des priorités à cause de l’application des conventions collectives ou de la préparation à la période de déclaration d’impôt.
Le sénateur Pratte : Ma dernière question concerne les gens qui travaillent à Miramichi. Vous aviez du mal à garder votre personnel à cause des conditions de travail très difficiles. Est-ce que ces problèmes sont réglés? Ces gens travaillent-ils dans des conditions satisfaisantes et êtes-vous donc en mesure de les garder pour pouvoir compter sur un personnel stable et expérimenté, capable de faire le travail de façon satisfaisante?
M. Linklater : Ce n’est pas parfait, mais le milieu de travail à Miramichi est bien meilleur qu’il y a un an grâce à un certain nombre de mesures que nous avons prises notamment en collaboration avec le syndicat. Nous avons prévu des ressources pour veiller au bien-être du personnel. Suivant une suggestion du syndicat, nous avons engagé un consultant chargé d’évaluer la situation et capable de mesurer l’évolution des progrès dans le milieu de travail. Nous avons aussi investi considérablement dans la formation, qui était l’une des principales préoccupations du personnel.
Au final, je dirais que nous faisons des progrès importants, au point que, dans le cadre d’un récent exercice d’embauche, nous avions prévu d’ajouter 300 autres employés à Mirimachi au début de janvier.
En réalité, nous avons réussi à en embaucher environ 325. Beaucoup de gens, dans la région, cherchent du travail et souhaitent travailler avec nous à Miramichi.
Je ne sais pas si Marc veut ajouter quelque chose.
La sénatrice Eaton : Bonjour et merci d’être parmi nous. Je suis sûre qu’il vous est très pénible de siéger ici et de vous faire interroger, mais cela pourrait nous être utile à tous.
Nous avons reçu le vérificateur général la semaine dernière, et il nous a dit que, actuellement, le système non seulement produit plus d’erreurs que l’ancien système âgé de 40 ans qu’il remplace, mais qu’il est moins efficace. Est-ce que vous êtes en train d’ajouter plus de ministères ou plus d’employés à ce système?
M. Linklater : Plus maintenant. Il y a un moratoire à cet égard. Vous savez sûrement qu’on a décidé de ne pas intégrer les employés civils de la GRC jusqu’à ce que le système soit stabilisé.
La sénatrice Eaton : C’est une très bonne chose. Je lui ai notamment posé une question, la semaine dernière, sur le logiciel. Vous avez dit, monsieur Linklater, qu’IBM n’est pas responsable.
M. Linklater : IBM a été chargée d’intégrer le logiciel PeopleSoft d’Oracle.
La sénatrice Eaton : Est-ce parce que ceux qui se sont occupés du logiciel PeopleSoft au tout début ne leur ont pas suffisamment expliqué la complexité du système de paye que vous aviez et dont vous aviez besoin ou est-ce parce qu’ils n’ont pas fait le travail correctement? Je sais que c’est une question répétitive, mais il est utile de savoir ce qu’il en est au départ, parce que l’une des choses que le vérificateur a dite, c’est qu’on a besoin d’un système passerelle étant donné que PeopleSoft ne répond pas entièrement à vos besoins. Peut-on décrire les choses ainsi?
M. Linklater : Oui. Permettez que je prenne un recul, madame la sénatrice, pour rappeler au comité que le contexte de la paye est très complexe. Nous avons 32 systèmes de gestion des RH distincts qu’il faut intégrer à Phénix, outre de nombreuses interfaces à ajuster avec, entre autres le secteur privé et le système de pensions.
L’objectif était d’utiliser un logiciel en vente libre pour l’adapter aux besoins du gouvernement. Compte tenu des 80 000 règles de rémunération différentes associées aux conventions collectives et les 32 systèmes de gestion des RH, l’adaptation…
La sénatrice Eaton : … a été sous-estimée.
M. Linklater : Sous-estimée, oui, c’est exactement cela. Ce que nous faisons en analysant les causes profondes et en collaborant avec nos partenaires, notamment avec IBM, c’est de voir où les adaptations pourraient être annulées ou refaites pour améliorer la circulation des données entre les systèmes et pour aider les ministères et organismes à entrer les données dans Phénix, sans délai et avec exactitude, par le biais de leur système de gestion des RH.
La sénatrice Eaton : Si vous deviez tout recommencer, choisiriez-vous un système fait sur mesure plutôt qu’un logiciel en vente libre?
M. Linklater : Je ne suis pas un spécialiste de la TI, mais je pense, comme Goss Gilroy l’a dit, que la planification a été largement sous-estimée en l’occurrence. Si l’on devait lancer un nouveau projet ou refaire les choses il faudrait d’abord veiller à ce que la gestion des RH et le système de paye soient alignés, de sorte que les 32 systèmes de gestion des RH soient réduits à un minimum permettant de gérer plus facilement la circulation des données.
[Français]
Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre présence ici aujourd’hui. Ce n’est pas évident, mais c’est un problème important qui a des impacts majeurs sur l’ensemble des ressources premières du gouvernement du Canada, c’est-à-dire ses employés. Il faut donc s’attaquer à ce problème.
Il y a quelque chose qui m’étonne beaucoup dans votre intervention, monsieur Linklater. Vous dites que, en 2008, le Comité permanent de la Chambre des communes a décidé de moderniser le système de paie. En 2009, un accord est conclu avec IBM, soit un an plus tard.
M. Linklater : C’est en 2011 que nous avons signé le contrat avec IBM.
Le sénateur Forest : Y a-t-il eu un appel d’offres?
M. Linklater : Oui.
Le sénateur Forest : Dans le cadre de l’appel d’offres, en ce qui concerne le cahier des charges et les responsabilités des fournisseurs, vous dites que le fournisseur IBM, en s’appuyant sur PeopleSoft World, répondait à l’ensemble de ses obligations.
M. Linklater : Selon le contrat, oui.
Le sénateur Forest : Y a-t-il eu un banc d’essai de la part des fournisseurs? Est-ce que plusieurs compagnies ont répondu à l’appel d’offres?
M. Linklater : En fait, nous avons consulté plusieurs compagnies, mais IBM était la seule qui satisfaisait à toutes les exigences du contrat.
Le sénateur Forest : La seule entreprise qui s’est qualifiée. Entre-temps, six ans se sont écoulés pour la préparation de 200 programmes spécifiques, et cetera.
M. Linklater : Oui.
Le sénateur Forest : Lors de notre rencontre avec le vérificateur général, il nous a indiqué que la première recommandation était de présenter un plan d’action (phase 1) pour décembre 2017. Ce plan a-t-il été présenté?
M. Linklater : Oui, il est affiché sur notre site web. Nous avons transmis le plan au comité par l’intermédiaire de votre greffière.
Le sénateur Forest : C’est la même chose en ce qui concerne les principales causes de défaillance du système de paix Phénix, dont les résultats devaient être publiés en 2017. Le deuxième engagement était de déposer un rapport sur les principales causes de défaillance du système qui devait être soumis en décembre 2017.
M. Linklater : Nous avions déjà entamé le travail avec les ministères, les agences et IBM pour examiner les causes liées aux problèmes de paie. Nous avons produit une ébauche intitulée en anglais Root Causes and Analysis, qui a cerné 29 questions qui sont en voie d’être intégrées dans notre plan de travail. Par exemple, nous avons créé quelques groupes de travail pour dresser un portrait du processus en matière de ressources humaines et de paie, soit les nominations intérimaires, les congédiements, les transferts et les sorties. Nous publions les résultats de ce rapport pour informer le public de notre travail.
Le sénateur Forest : Ma dernière question concerne une analyse plus suggestive. Selon vous, l’esprit de collaboration nécessaire pour régler cet important problème entre les gestionnaires, les employés, les syndicats, et cetera — compte tenu du fait que vous mettez l’accent sur la transparence et la responsabilisation pour remettre le système de paie sur la bonne voie — est-il plus positif qu’il ne l’était il y a quelques mois, soit depuis juin 2017?
M. Linklater : Oui, en effet, grâce à une gouvernance plus robuste, nous avons réuni tous les ministères et agences qui ont des questions plus complexes. Grâce à cette gouvernance, nous sommes au courant des préoccupations des ministères et des agences. Nous collaborons avec la gouvernance pour bien examiner les enjeux et trouver les meilleures solutions. La collaboration avec les ministères, qui sont servis par le centre de paie, se porte mieux qu’auparavant. Ma collègue aimerait peut-être ajouter des commentaires sur les ministères et les agences qui ne sont pas servis par le centre de paie de Miramichi. Ceux-ci administrent leur propre système de paie avec Phénix. La collaboration entre les deux groupes s’est nettement améliorée.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Merci à vous d’être ici aujourd’hui. Je vous en suis reconnaissant.
Monsieur Linklater, en réponse à une question d’un de mes collègues, vous avez dit que vous étiez responsable de tout ce qui arrive en ce moment dans le cadre des efforts pour régler le problème. Je n’ai peut-être pas bien entendu, mais depuis quand êtes-vous la personne responsable?
M. Linklater : Depuis la fin du mois de juin, monsieur le sénateur.
Le sénateur Neufeld : Donc, vous avez commencé à la fin de juin. Qui était responsable avant vous, y avait-il quelqu’un?
M. Linklater : C’est Marie Lemay, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, qui était chargée des mesures prises pour régler le problème de Phénix.
Le sénateur Neufeld : Depuis le début?
M. Linklater : Depuis son arrivée au ministère, c’est-à-dire en avril 2016.
Le sénateur Neufeld : Qui était responsable avant cela?
M. Linklater : Le sous-ministre était George Da Pont.
Le sénateur Neufeld : Combien de temps a-t-il été la personne responsable?
M. Linklater : Un peu plus d’un an, je crois.
Le sénateur Neufeld : C’est-à-dire dès le tout début?
M. Linklater : Non, le projet a été lancé en 2008, et, comme je l’ai dit, nous nous sommes adressés au Conseil du Trésor pour obtenir son approbation. C’est François Guimont qui était sous-ministre à l’époque. Il y a eu ensuite Michelle D’Auray, puis M. Da Pont.
Le sénateur Neufeld : Je vais donc consulter le dossier pour voir qui était responsable jusqu’à votre nomination en juin.
J’ai quelques chiffres ici, communiqués par la Bibliothèque du Parlement, qui sont valables au 30 juin. On constate des erreurs de l’ordre de 295 millions de dollars dus au gouvernement par 59 000 employés, et de 228 millions de dollars dus par le gouvernement à 51 000 employés. Quand ces 110 000 personnes recevront leur feuillet T4, pouvez-vous me dire si leur situation sera correcte lorsqu’elles adresseront leur déclaration d’impôt à l’ARC? On sait bien que l’ARC n’est pas l’endroit le plus agréable qui soit lorsqu’il y a une erreur à régler.
Comment cela va-t-il être réglé? Avez-vous un plan?
M. Linklater : Oui, nous avons un plan.
La sénatrice Cools : Ah, très bien.
Le sénateur Neufeld : Parce que ce sera une sorte de « grappe », je dirais. Je me demande comment cela va se régler pour les employés, parce que c’est d’eux que nous nous inquiétons tous.
M. Linklater : Absolument. Merci de votre question. Je dirais que le projet Phoenix est un premier du genre. L’année dernière, nous avons fait des choses pour la première fois. La période de déclaration d’impôt de 2016 est la première avec Phénix. Les conventions collectives, les calculs rétroactifs, et cetera, tout cela pour la première fois.
Cela dit, nous avons tiré les leçons de l’expérience de l’année dernière avec l’ARC concernant la période de déclaration d’impôt, et nous collaborons avec l’agence depuis l’automne pour mettre à jour les documents accessibles sur les sites web de l’ARC et de SPAC, et cetera, et veiller à ce que les employés aient le plus d’information possible pour remplir leur déclaration d’impôt.
Comme l’a dit M. Lemieux, nous avons extrait des gens des conventions collectives pour travailler sur les paiements en trop que vous avez signalés afin de veiller, autant que possible, à ce que leurs T4 soient exacts et leur permettent de faire leur déclaration d’impôt pour 2017 avant le 30 avril en ayant en main un « bon feuillet T4 », conforme à leur revenu effectif.
Cela dit, on dispose d’un certain nombre de soutiens. Nous avons des transferts de courtoisie entre notre centre d’appels et celui de l’ARC. Le bureau des réclamations du Conseil du Trésor offre 200 $ aux employés qui ont besoin d’aide pour établir leur déclaration d’impôt. Nous voulons faire en sorte que, dès la mi-mars, les employés aient un feuillet T4 valable qui leur permettra de faire leur déclaration d’impôt sans trop de difficultés d’ici la fin d’avril.
Le sénateur Neufeld : Avez-vous un plan en place pour collaborer avec l’ARC? Nous savons qu’il n’est pas facile de rejoindre ses services par téléphone. Le vérificateur général nous l’a dit récemment. En fait, ils ne répondent presque jamais. Et, quand ils répondent, les renseignements qu’ils fournissent sont le plus souvent erronés.
Alors, quelle sorte de plan avez-vous prévu pour faire le lien entre ce que vous essayez de faire en ce moment pour régler les problèmes du système de paie Phénix et les services de l’ARC? Sera-t-il possible, par exemple, de parler effectivement à un employé de l’ARC ou faudra-t-il encore faire une demi-douzaine d’appels avant d’obtenir que quelqu’un réponde au téléphone?
M. Linklater : Il y a effectivement un plan. Je vais demander à M. Lemieux de vous donner des détails.
M. Lemieux : Nous collaborons très étroitement avec l’ARC depuis l’année dernière pour veiller à ce que la période de déclaration d’impôt soit aussi facile que possible pour les employés qui ont des problèmes avec le système de paye. Par exemple, l’ARC refera le calcul de la déclaration des employés concernés lorsqu’un T4 modifié sera émis. On ne demandera pas aux employés de refaire leur déclaration : ce sera fait automatiquement.
De concert avec l’ARC, nous avons également collaboré avec Revenu Québec pour veiller à ce que les résidants du Québec obtiennent le même service proactif pour régler leurs problèmes. Les sites web de l’ARC et de SPAC sont également coordonnés pour que les renseignements soient complémentaires. On discute de l’émission des feuillets T4 et du calendrier applicable. À partir de là, l’ARC accueille les questions de nos employés.
Comme l’a dit M. Linklater, nous avons aussi un accord avec eux, selon lequel, si un employé s’adresse au centre d’appels pour poser une question concernant sa déclaration d’impôt, si la question ne concerne pas son feuillet T4, nous faisons un transfert de courtoisie à l’ARC, où il pourra parler directement à un employé de l’agence.
L’ARC a pris beaucoup de mesures supplémentaires, si je peux m’exprimer ainsi, pour offrir le meilleur service possible à nos employés.
Le sénateur Neufeld : Je suis heureux de l’entendre.
Je voudrais revenir sur le centre de paye de Miramichi. Quel est le taux de roulement de personnel parmi les conseillers, ou peu importe leur désignation, je veux parler de ceux qui essaient de régler ce gâchis? Quelle était la situation à votre arrivée et quelle est-elle aujourd’hui?
M. Lemieux : Malheureusement, je n’ai pas de chiffres sur le taux d’attrition au centre de paye. Nous pourrions vous revenir à ce sujet…
Le sénateur Neufeld : En fait, veuillez les envoyer à la greffière, qui nous les remettra. J’aimerais savoir où en étaient les choses lorsque vous êtes arrivé sur les lieux pour prendre en charge cet accident et où elles en sont aujourd’hui et si les problèmes ont été réduits.
Combien de personnes ont été embauchées au cours de cette période pour régler le problème?
M. Lemieux : Au début, en 2016, au cours des premières semaines où nous avons constaté que nous avions bien davantage qu’une poignée de problèmes à résoudre, nous avons créé le bureau satellite et embauché quelque 200 personnes supplémentaires afin d’accroître notre capacité de traitement des transactions. Nous avons également créé le centre d’appels, et c’est à ce moment-là je crois qu’une centaine de personnes ont été embauchées pour recevoir les appels d’employés inquiets et aux prises avec des problèmes de rémunération.
Depuis, nous n’avons pas cessé de renforcer la capacité du bureau satellite, du centre des services de paye et du centre d’appels. Depuis le printemps 2017, nous avons ajouté plus de 380 personnes au réseau. Certaines d’entre elles s’y sont jointes après que le greffier eut envoyé une lettre invitant les gens qui le souhaitaient à nous venir en aide. Nous avons pu embaucher des conseillers en rémunération qui ont prêté main-forte au bureau satellite ou au centre des services de paye. Plus récemment, nous avons ajouté 325 personnes au centre des services de paye de la région de l’Atlantique, à Charlottetown, et à d’autres bureaux que nous avons là-bas.
Le sénateur Neufeld : Combien de personnes avez-vous embauchées au total? D’après mes notes de la Bibliothèque du Parlement, 1 400 personnes ont été mises à contribution pour résoudre ce problème. Est-ce exact?
M. Lemieux : Oui. En ce moment, nous avons 1 400 personnes au total.
Le sénateur Neufeld : 1 400?
M. Lemieux : En ce moment oui. Lorsque le centre des services de paye a été créé, nous en avions 550.
Le sénateur Neufeld : Il y a donc plus de 2 000 personnes actuellement qui tentent de régler le problème?
M. Lemieux : Les 1 400 personnes comprennent les 550 qui étaient là au début. Ce sont donc 900 personnes qui ont été ajoutées.
Le sénateur Neufeld : Ce n’est pas tout à fait la même chose. J’aimerais clarifier tout cela, car, d’après les notes que j’ai reçues de la Bibliothèque du Parlement, 1 400 autres personnes ont été ajoutées depuis que les problèmes ont commencé à se manifester. Vous dites que ce chiffre inclut les 500 personnes initiales et les quelques personnes qui étaient là dès le début, alors j’aurais besoin de quelques précisions. Même s’il vous faut un peu de temps, ça ne me dérange pas; il faut que je sache combien de personnes ont été ajoutées depuis que les problèmes ont commencé à ressortir.
De toute évidence, c’était avant votre entrée en service, monsieur Linklater.
M. Linklater : Nous fournirons un tableau illustrant notre propos à la greffière, monsieur le président.
Le sénateur Neufeld : J’en aurai besoin pour comparer ces chiffres à ceux que la Bibliothèque du Parlement nous a fournis. J’ai besoin des chiffres exacts, c’est tout ce que je veux.
J’aimerais poser une dernière question. À votre connaissance, quelqu’un a-t-il déjà reçu une prime pour essayer de résoudre ce problème?
Vous n’êtes peut-être pas au courant de la situation qui prévalait avant votre arrivée, mais si vous ne savez pas quelles primes ont été versées pour résoudre le problème, quel était le salaire de ces employés et qui étaient ces employés, pourriez-vous vous en informer? S’agit-il de gestionnaires ou de gens qui travaillent actuellement à Miramichi à titre de conseiller en rémunération?
M. Linklater : Monsieur le président, cette question a également été posée au Comité des comptes publics et Mme Lemay y a répondu en sa qualité de sous-ministre.
La décision de verser une rémunération au rendement vient du sous-ministre ou de l’administrateur général de l’établissement et Mme Lemay a clairement indiqué aux cadres supérieurs ayant participé au lancement de Phénix qu’elle envisageait de réexaminer la situation en parallèle avec d’autres facteurs, avant de prendre une décision sans appel sur la rémunération au rendement pour 2015-2016, année durant laquelle le système Phénix a été mis en service.
À la suite de cet examen, je peux confirmer qu’aucun cadre supérieur ayant participé au lancement de Phénix n’a reçu de rémunération au rendement pour avoir participé à la mise en œuvre de Phénix.
La sénatrice Andreychuk : Merci d’être venus comparaître devant nous ainsi qu’à la Chambre des communes.
Je tiens à préciser que le plan visant à transformer les systèmes de paye en un système plus moderne remonte à 2008. Rétrospectivement, ce plan n’était pas adéquat. Les problèmes qui ont fait surface et l’ampleur et la portée des changements apportés n’ont pas été anticipés.
Le vérificateur général n’est pas remonté aussi loin dans son analyse, mais il a dit qu’il le fera à la prochaine tranche des travaux. À mon avis, il ne faut pas que ce genre de problème se répète; c’est non seulement un problème informatique, mais également un problème dans la manière dont le gouvernement appréhende le changement. Les politiques que nous mettons en place sont généralement bonnes, mais c’est toujours dans les détails, dans la planification et dans les estimations que les problèmes ressortent.
Je me trompe peut-être, mais j’ai cru comprendre dans les témoignages précédents que nous avions à tout le moins une soupape de sécurité, à savoir que le nouveau plan ne serait pas mis en œuvre et l’ancien plan ne serait pas rejeté tant que nous ne serions pas absolument certains que le système fonctionne.
Quels tests ont bien pu être effectués pour en arriver là? Comment les fonctionnaires auraient-ils pu vérifier le système jusqu’au niveau du sous-ministre et affirmer qu’il fallait aller de l’avant? Nous savons que la clé a été mise à la porte de l’ancien système.
Qui plus est, comment se fait-il que les ministères ne s’en soient pas rendu compte? Vous semblez vouloir vous disculper en disant qu’il y a 32 ministères, que le dossier est très complexe, que les ressources humaines doivent être prises en compte, et que, bien sûr, il y avait les conventions collectives. Mais ce sont certainement des aspects de la problématique qu’il faut aborder dès le départ. Nul besoin d’être un expert en informatique. Nul besoin de se demander ce que nous allons devoir faire dans les 5 à 10 prochaines années. Non, vous ne pourriez pas savoir à quel moment les conventions collectives allaient être signées ni connaître la forme dans laquelle elles seraient présentées, mais ces questions auraient dû, à tout le moins, être prises en compte.
Je me demande pourquoi la portée du système a été à ce point sous-estimée, qui a déterminé qu’il pouvait être mis en opération et quand cela s’est produit.
M. Linklater : Monsieur le président, à mon avis, le système Phénix a été bien planifié, mais un certain nombre de difficultés en ce qui concerne l’état de préparation du système ont été sous-estimées, ainsi que l’a mentionné le sénateur. Non seulement il n’était pas prêt sur le plan technique, mais le gouvernement dans son ensemble n’était pas prêt à passer de l’ancien système au système de paye Phénix.
Des essais exhaustifs ont été effectués en février 2016, durant la période précédant le lancement. Rétrospectivement, le système aurait-il dû être plus robuste? Les ministères auraient-ils dû s’investir davantage dans les activités de formation? D’après le rapport de la firme Goss Gilroy il semble bien que ce soit là les lacunes ayant été observées dans la mise en œuvre de Phénix. Nous verrons par ailleurs ce qu’en pense le vérificateur général à la lecture de son rapport.
La portée des fonctions de Phénix a été réduite à mon avis afin de respecter le budget et les échéanciers établis, mais des plans d’atténuation ont été mis en place pour compenser. Je pense, encore une fois, que le risque d’échec, la sous-estimation de l’impact des mesures d’atténuation, si vous voulez, et les risques individuels assortis de mesures d’atténuation auraient peut-être pu être traités avec plus de rigueur. Néanmoins, si nous examinons rétrospectivement l’impact cumulatif des risques, il est probable à mon avis que ceux qui ont travaillé sur ce dossier seraient d’avis qu’il aurait fallu se pencher sur ces questions.
Pour le moment, il semble que les tests ont été jugés adéquats. On a demandé aux ministères s’ils étaient prêts et ils ont prudemment confirmé qu’ils l’étaient, à tout le moins pour la première vague. Par ailleurs, les problèmes qui sont survenus après cette première vague en février ont été jugés normaux pour une transformation de cette importance. C’était après…
La sénatrice Andreychuk : En février de quelle année?
M. Linklater : En 2016.
C’est après la deuxième vague, en avril, que le nombre et la gravité des problèmes sont devenus évidents : le système ne fonctionnait pas comme prévu et de graves problèmes faisaient surface.
La sénatrice Andreychuk : La formation est un volet que je n’ai pas abordé et vous non plus. À quel moment considérez-vous que les gens sont suffisamment formés pour travailler au sein d’un système entièrement différent? Quelle importance a-t-on accordée à la formation? Il semble que, lorsque des changements sont apportés, nous investissons toujours un peu dans la formation, mais jamais suffisamment. Puis vous avez parlé des compressions budgétaires.
Mme Cléroux : Avant que le système ne soit mis en ligne, les fonds alloués à la formation ont été portés à la baisse. En fait, aucun des 98 ministères desservis par Phénix n’a reçu de formation.
Nous commençons maintenant à offrir cette formation. Depuis décembre 2017, nous avons mis en place une formation en ligne pour tous les employés et gestionnaires. D’après les chiffres obtenus la semaine dernière, plus de 86 000 employés et gestionnaires l’ont suivie et une formation pédagogique sera offerte à tous les professionnels des ressources humaines et de la rémunération de ces 98 ministères.
Il ne faut surtout pas oublier que les deux tiers de la fonction publique, des ministères et des organismes sont desservis par le centre des services de paye. Un tiers continue de fournir ses propres services de rémunération. Par conséquent, les difficultés qu’a connues le centre des services de paye ne sont qu’une partie de l’équation, car un tiers des ministères et organismes font eux-mêmes le travail. En effet, ces derniers ont conservé leur ancienne approche en matière de rémunération ainsi que leur personnel expérimenté.
C’est là une différence majeure entre les deux réalités. Mais à l’examen de l’ensemble des problèmes du système de rémunération, force est de constater que le centre des services de paye n’est pas le seul à présenter des difficultés.
La formation actuellement en cours doit informer les employés de leurs responsabilités; en effet, beaucoup d’efforts au chapitre de la gestion du changement auraient dû être déployés avant la mise en service. C’est donc ce que nous faisons après coup. Nous effectuons un profond changement de culture dans la fonction publique, notamment en demandant aux employés de consigner eux-mêmes les données qui mènent à une opération de paye. Ainsi, les changements au chapitre des ressources humaines qui entraînent une intervention de paye doivent être saisis avant qu’ils ne se produisent ou quelques jours après être survenus.
Il s’agit d’un virage culturel à 180 degrés pour la fonction publique. C’est vraiment un important changement. Nous recevons beaucoup de transactions très tardivement. Certaines sont saisies six mois, voire quelques années plus tard.
Le volet formation aurait dû être mis en place au moment de la mise en œuvre de Phénix, mais on en a réduit la portée au cours de cette période. C’est pourquoi nous l’offrons maintenant, mais il est très difficile pour les employés de comprendre les difficultés qui y sont rattachées, et il importe que cette formation soit offerte simultanément. Nous exigeons beaucoup des employés en ce moment, mais le projet fait son chemin.
M. Linklater : À cela s’ajoute le matériel de formation qui a été préparé et distribué aux ministères et organismes. En revanche, aucune surveillance de la participation à la formation n’a été exercée dans l’ensemble de la fonction publique. Comme elle n’était pas obligatoire avant la mise en service de Phénix, on s’est fié aux ministères et organismes pour assurer la formation et la gestion du changement. Rétrospectivement, nous constatons toutefois que les mesures étaient insuffisantes et qu’on aurait pu et dû faire davantage pour gérer ce changement de culture.
La sénatrice Andreychuk : J’aimerais avoir quelques précisions sur un point, monsieur Linklater. Dans votre exposé initial — peut-être ai-je mal compris —, vous avez dit que vous alliez vous attaquer à la question de la rémunération en cours et essayer d’obtenir les reçus aux fins de l’impôt sur le revenu et d’autres documents connexes.
Avez-vous dit que tous les dossiers en souffrance sont en attente de traitement?
M. Linklater : Non, les travaux se poursuivent, mais nous avons affecté nos conseillers en rémunération les plus expérimentés à des tâches prioritaires comme la mise en œuvre des conventions collectives, et maintenant ils s’attaquent aux trop-payés. Au cours des prochaines semaines nous reprendrons les travaux de mise en œuvre des conventions collectives à mesure que les trop-payés seront réglés, éliminant du coup un certain nombre de transactions en suspens, tout en immobilisant les paiements rétroactifs pour le personnel touché.
La sénatrice Andreychuk : Donc, ces gens aux histoires poignantes que nous voyons dans la presse ou qui nous appellent parce qu’ils attendent leur paye depuis des mois et des mois sont au cœur de ces situations stressantes. Vous dites qu’ils ne seront pas une priorité pour vous?
M. Linklater : C’est une situation stressante, j’en conviens. Je reçois moi-même ces questions et ces interventions du personnel. Cependant, il faut dire que nous avons des ressources limitées pour les cas vraiment difficiles. Nous avons mis en place un processus de triage qui nous permet d’accorder la priorité au personnel aux prises avec des problèmes médicaux, par exemple, au personnel qui n’a pas reçu aucun salaire ou au personnel auquel d’importantes portions de leur paye n’ont pas été versées pendant plus de deux périodes de paye. Nous accélérons le traitement de ces cas très rapidement et nous réglons normalement le problème en quelques jours. Nous tâchons de mettre le processus en place pour apporter des correctifs au cours des deux ou trois périodes de paye suivantes.
La sénatrice Andreychuk : L’ARC relève également de vos responsabilités.
M. Linklater : L’ARC a ses propres conseillers en rémunération.
La sénatrice Andreychuk : Mais ils ont aussi leur propre système.
M. Linklater : Oui. Ils ont recours à SAP. Ils utilisent Phénix, mais ils ont recours à SAP pour les ressources humaines.
Mme Cléroux : La difficulté qui revient sans cesse lorsque nous abordons ce dossier, c’est la multiplicité des systèmes de ressources humaines. La liaison avec Phénix diffère d’un système à un autre. Nous avons cinq différents types d’interfaces pour le système de paye et ils fonctionnent indépendamment du centre des services de paye.
Ainsi, l’ARC a recours au système de ressources humaines SAP et ne dispose d’aucun lien électronique direct avec Phénix. L’agence transfère des renseignements à chaque période de paye par l’entremise de services web. La configuration diffère donc considérablement des systèmes de ressources humaines d’autres ministères où l’information est transférée par voie électronique entre leur système de ressources humaines et Phénix.
En fait, nous avons 32 systèmes de ressources humaines desservant 98 ministères ou 98 cultures différentes ainsi que cinq différents types d’interfaces avec le système Phénix. Il n’est donc vraiment pas facile de trouver la bonne approche.
Pour ce qui est de la formation, nous devons l’adapter à ces réalités parce qu’un employé d’un ministère n’a pas à s’alimenter — si vous me permettez l’expression — de la même façon que les employés des autres ministères; il le fait en fonction de la situation. Cela fait partie des difficultés rencontrées et nous devons être en mesure d’y remédier.
La sénatrice Andreychuk : Ma question devrait alors être renvoyée à l’ARC, mais je crois savoir que l’agence est surchargée et qu’elle a fermé ses systèmes pour répondre aux demandes portant sur l’application des conventions fiscales par courriel. Il me semble y avoir des lacunes et des retards partout et personne ne s’est levé pour dire ce qu’il faudrait faire pour résoudre les problèmes dans ce monde fort complexe.
M. Linklater : Je ne peux pas commenter les opérations internes de l’ARC. J’aimerais néanmoins souligner que des instructions ont été envoyées à maintes reprises aux sous-ministres, aux responsables des ressources humaines et aux dirigeants principaux des finances pour que les employés éprouvant des difficultés financières puissent recevoir une avance de salaire d’urgence de l’organisation qui les emploie. Si les difficultés ne concernent pas l’absence de salaire, mais un problème d’un autre ordre, les ministères devraient pouvoir verser des paiements prioritaires.
Le président : Pour cette raison, honorables sénateurs, l’ARC a été priée de comparaître. On m’a informé que si la confirmation tient toujours, ils devraient être ici mardi prochain.
La sénatrice Andreychuk : Nous avons parlé du sous-ministre, mais le ministre responsable est maintenant M. Goodale?
M. Linklater : Non, le ministre Goodale préside le groupe de travail des ministres. La ministre Qualtrough est responsable du système de paye.
La sénatrice Andreychuk : Elle l’est toujours. Je vous remercie.
La sénatrice Cools : Je remercie les témoins de s’être présentés ici aujourd’hui. Je tiens également à vous remercier de votre patience au cours de ces nombreux mois. Pour moi, il est inconcevable qu’un système puisse dérailler aussi complètement que le système de paiement des salaires aux employés. J’ai de la compassion pour vous tous, d’une certaine façon, parce que c’est quelque chose que vous avez manifestement trouvé très irritant et extrêmement embarrassant.
Je veux que vous sachiez que j’ai pour vous une oreille attentive. J’aimerais que vous en teniez compte. Le président connaît mes sentiments à cet égard. J’appartiens à ce petit groupe de gens qui croient que l’ARC devrait cesser d’être une agence et redevenir un ministère du gouvernement, comme il l’était auparavant.
Je pense que le ministère est devenu une agence il y a 20 ans. Je pense qu’un projet de loi en ce sens a même été présenté à ce comité, mais je ne suis pas certaine.
Ce qui me sidère, c’est de voir à quel point cette question a pu dérailler sans que quiconque puisse en prendre pleinement le contrôle. Je plaisantais en disant qu’on aurait peut-être dû engager Bill Gates ou quelqu’un comme ça. Mais comment cette chose a-t-elle pu dérailler si complètement?
Le président : Des commentaires, madame Cléroux et monsieur Linklater?
M. Linklater : Je pense que le rapport de Goss Gilroy et les leçons que nous avons pu tirer de la situation ont vraiment renforcé l’idée selon laquelle le projet de modernisation de la paye et la mise en œuvre de Phénix, faisaient partie d’une transformation plus vaste des initiatives de rémunération dans l’ensemble du gouvernement, mais qu’elle n’avait pas de cadre de responsabilisation clair ou de gouvernance solide qui aurait permis d’établir des liens entre les diverses initiatives.
Surtout, le projet n’a pas fait appel à la collectivité, à la ville, aux syndicats ou au secteur privé de manière que les préoccupations soient entendues rapidement et qu’elles soient prises en compte au moment de l’élaboration et de la mise en œuvre du système.
Mme Cléroux : C’est justement la question que le secrétariat a posée. C’est pour cela que nous avons commandé le rapport de Goss Gilroy : tirer les leçons qu’il fallait et éclairer la transformation future, surtout pour les initiatives pangouvernementales. C’est probablement le principal élément à retenir : le système de paye a été l’une des premières transformations à l’échelle du gouvernement. Beaucoup d’éléments qui ont été cernés, les 17 éléments soulevés par Goss Gilroy, se trouvent également dans le rapport du vérificateur général. Ils éclairent l’avenir de ces initiatives pangouvernementales.
La sénatrice Cools : Merci beaucoup à nos témoins. Il y a quelque chose de tragique dans tout cela. Je ne doute pas que des centaines d’employés ont connu toutes sortes de difficultés parce qu’ils ne recevaient pas leur paye à temps.
Je ne l’ai pas toujours su, mais apparemment la plupart des gens vivent d’une paye à l’autre. Ce n’est pas tout le monde qui a un autre petit compte de banque spécial quelque part. Donc, quand le système déraille complètement comme il l’a fait, il y a de quoi causer une peur panique. Je vous remercie encore une fois d’avoir comparu devant nous.
La sénatrice Marshall : J’ai des questions pour Mme Cléroux.
Elles concernent deux points que vous avez mentionnés dans votre déclaration préliminaire. Dans vos observations sur le coût d’une solution aux problèmes de paye, vous avez dit que nous pouvons déterminer les coûts engagés jusqu’ici et instaurer un cadre pour suivre les coûts à venir.
Nous pensons toujours que le Conseil du Trésor connaît exactement les coûts. Pourquoi cette information n’est-elle pas déjà disponible? La question a été soulevée à notre comité, avec le vérificateur général peut-être. Pourquoi ne connaît-on pas tout de suite les coûts du règlement des problèmes de paye?
Mme Cléroux : Je vais demander à mon collègue, Tom, de vous répondre, si vous voulez bien.
Tom Scrimger, contrôleur général adjoint, gestion financière, Bureau du contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor : Cela dépend de l’angle sous lequel vous abordez le problème. Bien sûr, nous connaissons le financement qui a été autorisé pour régler les problèmes de Phénix, et nous pouvons vous l’expliquer.
Notre projet à cet égard pour donner suite à la recommandation du vérificateur général traitant du Secrétariat du Conseil du Trésor va beaucoup plus loin qu’un projet d’estimation des coûts qui viserait à dégager un grand tableau des coûts liés aux problèmes de Phénix. Nous en explorons trois aspects.
Il y a d’abord les sommes déjà investies dans Phénix et sa mise en œuvre par le passé. Nous examinons aussi les coûts de la transition vers la stabilisation; quel sera l’investissement probable à faire pour stabiliser Phénix? Le troisième aspect, que nous abordons avec beaucoup de circonspection parce que nous n’avons pas encore toutes les réponses, est le coût futur de la solution.
Ainsi donc, mon équipe d’établissement des coûts est engagée à fond aujourd’hui dans ce travail avec les ministères et organismes. Elle travaille à un exercice de rassemblement des données, qui sera suivi par ce qu’elle appellerait un exercice de normalisation des données, ou essentiellement de vérification de la qualité des données. Alors nous aurons commencé simultanément à construire des modèles de coûts dans l’espoir de répondre à ces questions et de faire rapport de nos résultats aux ministres au printemps.
La sénatrice Marshall : J’aimerais bien avoir une estimation de ce que coûtera la correction du problème plus tard. Mais ce n’était pas l’objet de ma question. Ma question concerne les problèmes que vous avez tenté de régler, les problèmes que Phénix connaît aujourd’hui, par exemple, pour essayer de régler notre demi-million de problèmes de paye. Pouvez-vous chiffrer cela? Je ne parlais pas des coûts de mise en œuvre du système. Ce sont les problèmes. Vous n’avez pas ce chiffre aujourd’hui, n’est-ce pas?
M. Scrimger : Je peux vous donner le chiffre global des fonds qui ont été autorisés pour le système Phénix.
La sénatrice Marshall : Est-ce pour les problèmes…
M. Scrimger : Je vais essayer de vous donner les trois éléments de base des coûts.
Les premières approbations de financement qui portaient sur le regroupement de Miramichi et la conception et la mise en œuvre de Phénix étaient de l’ordre de 309 millions de dollars. Nous avons aussi reçu environ 217 millions de dollars des ministères pour le projet de Miramichi.
La sénatrice Marshall : C’était pour quoi?
M. Scrimger : Il s’agissait en fait d’un transfert de ressources dont les ministères disposaient pour la paye, pour la consolidation de la paye pour divers organismes à Miramichi. Les ministères ont dû déplacer de leurs ressources vers le centre de Miramichi. Voilà pour l’essentiel.
Quant au financement pour les problèmes de Phénix, mes collègues de Services publics et Approvisionnement Canada, SPAC, ont reçu un financement d’environ 50 millions de dollars il y a environ deux ans — excusez-moi si je me trompe de date. Les ministères n’ont pas eu à transférer au centre environ 210 millions de dollars d’économies que le processus Phénix devait permettre de récolter. En 2017, les ministres ont approuvé jusqu’à 142 millions de dollars pour régler les problèmes de mise en œuvre de Phénix.
Donc, si je fais un calcul très rapide, on a approuvé environ 400 millions de dollars pour relever les défis surgis depuis la mise en œuvre de Phénix, qui se répartissent presque également entre la non-utilisation des économies des ministères et l’argent neuf injecté dans la mise en œuvre de Phénix.
La sénatrice Marshall : Aurait-on permis aux ministères de transférer des fonds d’autres programmes pour aider à régler les problèmes de Phénix?
M. Scrimger : Je ne saurais vous dire comment chaque ministère aurait pu répondre à la question des ressources.
La sénatrice Marshall : Le Conseil du Trésor ne fait pas ce genre de suivi, n’est-ce pas?
M. Scrimger : Ce serait dans son crédit de fonctionnement, qui est un crédit unique. Je suppose que certains ministères ont peut-être réaffecté des fonds à la solution des problèmes de Phénix. D’autres avaient peut-être suffisamment de ressources. Je n’ai pas de réponse précise à votre question.
La sénatrice Marshall : Si vous faites l’exercice que Mme Cléroux a mentionné dans sa déclaration préliminaire, vous devriez avoir terminé l’exercice en mai 2018 et avoir alors ce chiffre, n’est-ce pas?
M. Scrimger : Nous espérons que l’exercice nous donnera une bonne idée du changement des dépenses des ministères avant et après Phénix.
La sénatrice Marshall : C’est une chose que j’ai déjà mentionnée dans mes questions au cours de la réunion.
Pourquoi persistons-nous à parler du futur plutôt que du présent, à dire : « Nous le ferons » plutôt que « Nous le faisons »? Il semble toujours que c’est plus tard que nous voulons agir. Nous collaborerons avec les ministères pour faire rapport et un suivi des choses, puis pour faire un meilleur suivi et faire rapport des interventions de paye, quitte à définir des mesures de rendement plus tard.
Pourquoi est-ce toujours « plus tard »? Pourquoi ne pas en faire une partie tout de suite? Pourquoi ne pourrait-on pas le faire maintenant? Pourquoi ne le fait-on pas maintenant?
M. Linklater : Un grand nombre des interventions dont vous parlez sont déjà en cours. De fait, lorsque nous travaillons avec les ministères et les organismes à définir des indicateurs de rendement, par exemple, nous voyons que nos ensembles de données sont imparfaits, et nous mesurons ce que nous pouvons mesurer, mais il nous faut peut-être des données plus précises pour pouvoir mieux informer les ministères et les organismes.
Essentiellement donc, nous travaillons avec eux. Nous utilisons la gouvernance pour faire avancer les initiatives, et en particulier les 22 mesures annoncées en novembre. Par contre, il y a toujours des choses à raffiner là-dedans. Nous avons rédigé notre documentation de manière à faire ressortir que l’initiative n’est pas ponctuelle, qu’il faut toujours collaborer entre tous pour arriver à stabiliser le système.
La sénatrice Marshall : Parfois, au lieu de dire : « Nous le ferons », il vaudrait mieux dire : « Nous le faisons ».
M. Linklater : Nous le faisons ou continuerons de le faire.
Le sénateur Pratte : Monsieur Linklater, pourriez-vous nous donner une répartition détaillée de l’arriéré de 367 000 transactions financières en date du 27 décembre? Combien y a-t-il de personnes qui sont sous-payées ou qui ont été trop payées? Combien étaient en congé de maternité ou parental ou avaient déjà quitté la fonction publique?
M. Linklater : Nous pourrions établir une ventilation par sous-activité. Nous pourrions envoyer les détails à la greffière du comité.
Le sénateur Pratte : Merci. Ce serait apprécié.
Si je comprends bien, en examinant cela sur une certaine période, nous devrions observer un changement de composition de ces transactions. Si vos priorités sont à la bonne place, nous devrions voir moins de gens qui sont sous-payés, par exemple, parce que vous auriez donné la priorité à ceux qui n’étaient pas payés.
M. Linklater : Ma foi, j’ai un exemple qui refléterait cette logique. Lors de la mise en service du système, nous avions probablement un grand nombre de personnes en attente de prestations parentales ou d’invalidité, mais, à cause des priorités que nous avons établies de concert avec les syndicats, ces chiffres étaient très faibles et très stables. Donc, vous avez raison, avec le temps les priorités changeront selon l’endroit où nous mettrons l’accent.
Le sénateur Pratte : Merci.
[Français]
Madame Cléroux, vous avez mentionné le changement de culture nécessaire, chez les gens responsables de la paie et des ressources humaines dans les ministères, dans la façon dont ils doivent entrer les transactions. Si je comprends bien, c’est l’une des sources des grandes difficultés du système Phénix. J’aimerais bien comprendre ce problème, car il nous a été mentionné à plusieurs reprises.
Si je comprends bien, par exemple, lorsqu’un employé est promu, le délai entre ce moment et le moment où la transaction est entrée dans le système pose problème. Selon la pratique, cela pouvait se faire plusieurs semaines, voire plusieurs mois plus tard. Est-ce ce dont il s’agit?
Mme Cléroux : C’est exactement ce dont il s’agit. Culturellement, dans les us et coutumes, les gestes des ressources humaines étaient posés, mais il n’y avait pas de sentiment d’urgence ou de besoin d’effectuer à temps l’entrée des données à l’intérieur des systèmes. Il y a donc maintenant une longue période entre le moment où les événements se produisent et le moment où ils sont saisis dans les systèmes. Qu’on le veuille ou non, avec la majorité des systèmes existants en matière de gestion des ressources humaines, qui incluent les volets de rémunération, le fait de ne pas faire la transaction au moment opportun cause des problèmes par rapport à la configuration du système.
Auparavant, quand les gens faisaient les transactions manuellement, c’était, bon an mal an, un état de fait avec lequel le gouvernement vivait. Au fur et à mesure que l’on s’est mis à automatiser ces fonctions, on a évité ou omis de tenir compte du besoin de transformer les habitudes de travail. La façon dont le système Phénix a été configuré a amplifié une situation, ce qui a rendu le nombre de transactions de paie totalement démesuré.
Cela explique bon nombre des problèmes rencontrés, et c’est pourquoi il nous faut ajuster les façons de faire et modifier la culture. Nous utilisons des processus qui ont été conçus lorsque les gens travaillaient principalement de façon manuelle. On a automatisé certaines de ces fonctions sans se demander si c’était la façon la plus efficiente d’effectuer une série d’opérations. Or, tout cela a été exacerbé par la façon dont Phénix a été conçu.
Nous travaillons en ce moment à repositionner les façons de faire en ressources humaines, ce qu’on aurait probablement dû commencer à faire au moment où on envisageait la mise en œuvre du système de paie Phénix.
Le sénateur Pratte : Cela vient du fait que la formation n’était pas suffisante, ou c’est simplement parce qu’on n’était pas conscient de la situation au moment de la mise en œuvre de Phénix.
Mme Cléroux : Cela a été sous-estimé. On en a tenu compte, et on le constate lorsqu’on regarde les documents originaux, mais on l’a perçu comme des éléments qui seraient faciles à corriger. C’est un peu à cela que M. Linklater a fait référence lorsqu’il disait qu’il y a eu dissémination de documentations à travers les ministères et organismes; on pensait que, en disant aux gens qu’ils devraient dorénavant entrer les transactions liées à un événement de paie à temps, ils comprendraient tout le changement que cela comporte. Il y a eu une sous-estimation profonde des changements impliqués dans les habitudes de travail, les us et coutumes et la culture dans l’ensemble de l’organisation du gouvernement.
Le sénateur Pratte : Pour ce qui est de l’exercice de formation que vous avez lancé, relativement à cette question précisément, combien de temps faudra-t-il pour le compléter?
Mme Cléroux : La formation en ligne a été lancée en décembre 2017. À ce jour, environ les deux cinquièmes de l’effectif ont suivi la formation. On s’attend à un délai de quelques mois. On n’a pas encore fixé de date d’échéance. On encourage les gens de façon très régulière à suivre la formation. Une formation sera donnée par des formateurs en salle de classe qui pourront répondre aux questions un peu plus complexes des professionnels des ressources humaines et de la paie. Il faudra compter fort probablement une autre année pour le faire, compte tenu du volume et du nombre de ressources à former. Nous examinons la possibilité d’accélérer ce type de modules en utilisant des moyens technologiques pour en faire une diffusion un peu plus large, de façon à ce que les cohortes soient plus grandes et afin d’y aller plutôt par vagues.
On essaie de le faire le plus rapidement possible, parce qu’on sait que, tant que cette formation ne sera pas donnée, on restera pris dans un cercle vicieux : la formation n’est pas donnée, les habitudes de vie ne changent pas, les gens n’en prennent pas conscience et les problèmes continuent à s’accumuler. Il faut investir pour briser ce cycle, c’est pourquoi on déploie les efforts requis. Cependant, on parle d’une fonction publique de 300 000 personnes; donc, malheureusement, cela ne se fait pas en quelques semaines.
[Traduction]
La sénatrice Eaton : Pour revenir à la question du sénateur Pratte et à votre réponse, madame, j’ai ici un rapport du Bureau du contrôleur général daté de janvier 2016. Ce rapport présente une ventilation par ministère, et je vais vous citer quelques cas. Ainsi, au Service correctionnel du Canada, le taux de succès des tests des travailleurs de quart est inférieur à 50 p. 100, alors que les travailleurs de quart représentent 40 p. 100 de notre effectif.
Pour l’Agence du revenu du Canada, les résultats des tests sont inconnus. Services publics et Approvisionnement Canada, SPAC, règle les problèmes au cas par cas, mais il ne semble pas avoir d’approche holistique du changement.
À Emploi et Développement social Canada, l’état de préparation du système n’est pas évident. Sur 25 défauts restant à corriger, 10 demeurent critiques.
Pensez-vous que vous pourriez nous faire le point sur les résultats qu’obtient chacun des ministères? Il serait bon de voir, par exemple, s’il y a eu de l’amélioration. Il nous serait très utile de pouvoir nous pencher là-dessus d’ici l’an prochain pour voir si Innovation, Sciences et Développement économique Canada s’est amélioré et si Agriculture Canada et Service correctionnel Canada ont amélioré leur taux de succès en matière de paye.
Ma prochaine question, madame, est inspirée d’une affirmation que vous avez faite dans votre discours, soit que, en collaboration avec SPAC, « nous dresserons un échéancier normalisé des opérations RH qui permettra de procéder à des interventions de paye d’ici le 30 juin 2018 ». Pourriez-vous vous expliquer? Merci.
Mme Cléroux : Pour ce qui est des données pour chacun des ministères, nous publions toutes les deux semaines ce que nous appelons un tableau de bord ministériel. Nous le faisons pour les 45 ministères clients du centre des services de paye, de même que pour les 53 autres.
La sénatrice Eaton : Il y en a 53 qui ne sont pas toujours desservis par le centre des services de paye?
Mme Cléroux : Cinquante-trois des 98 qui ne sont pas desservis par le centre des services de paye ont maintenu leur propre approche des services de rémunération. Mais ces 53 clients représentent le tiers de la population totale du gouvernement fédéral. Le centre des services de paye, qui dessert 45 ministères, représente les deux tiers de la population.
Comme vous le savez, les ministères et organismes n’ont pas tous la même taille. Aussi, chaque fois que nous utilisons un chiffre, nous devons en ajouter un autre, pour ne pas fausser la compréhension des défis.
La sénatrice Eaton : Quarante-cinq ministères utilisent le système de paye Phénix.
Mme Cléroux : Utilisent le centre des services de paye. Au total, nous avons 98 ministères qui utilisent le système de paye Phénix.
La sénatrice Eaton : Merci.
Mme Cléroux : Je suis désolée, c’est beaucoup de chiffres, mais c’est le défi auquel nous sommes confrontés.
Nous faisons ces tableaux de bord pour les principales transactions de ressources humaines qui donnent lieu à une intervention de paye. Nous estimons qu’il y a, en moyenne, au gouvernement fédéral environ une centaine de transactions de ressources humaines différentes, dont une quarantaine ont des incidences sur la paye. Nous nous concentrons sur un sous-ensemble de celles-là. Il y en a une quinzaine, si je ne m’abuse, que nous suivons de plus près.
Nous utilisons les données provenant du centre des services de paye pour les ministères qu’il dessert. Les autres ministères dressent un rapport à la main qu’ils envoient à mon équipe à chaque période de paye.
Nous publions ces tableaux de bord, et nous pourrions les partager. Nous avons un tableau de bord cumulatif pour ceux qui sont desservis par le centre des services de paye et un autre pour ceux qui ne le sont pas; nous avons donc deux tableaux différents que nous pourrons envoyer à la greffière du comité pour vous donner une idée.
À l’heure actuelle, c’est grâce à cet outil que nous suivons la situation avec les différents ministères.
Les 12 hauts fonctionnaires et agents du Parlement ne nous fournissent pas de données. Ils ne répondent pas au gouvernement. Mes excuses pour cela. Nous recueillons des données pour 85 ministères et organismes, mais seulement s’ils ont plus de 50 ETP. Au total, sauf erreur, nous avons 70 organisations pour lesquelles nous publions les tableaux de bord.
Chacune de ces organisations, à chaque période de paye, reçoit son tableau de bord. Elle voit les données cumulatives, et reçoit ses propres données pour la période de paye. Les gens qui sont dans ces organisations peuvent vraiment analyser les défis et les enjeux.
Au début de cet exercice en juin, nous espérions pouvoir trouver rapidement des pistes de solution afin de concentrer nos efforts. À ce jour, nous voyons la différence entre les organisations qui sont desservies par le centre des services de paye et celles qui ne le sont pas. Nous observons des similitudes entre certains types de transactions, ce qui nous amène à soupçonner et à examiner les causes profondes davantage dans la conception du système que dans le travail à la main accompli par tout le monde.
Nous nous attendons à avoir des défis à surmonter dans le transfert des données entre systèmes. Je vous ai parlé de 32 systèmes de ressources humaines et 5 différents types d’interfaces. Certains sont un transfert direct de données. Nous soupçonnons que le travail est en cours. Malheureusement, rien de tout cela n’est facile, et c’est pourquoi il y a encore une perspective dans nos propos. Nous y travaillons, mais c’est difficile à voir parce que beaucoup des choses qui ont été faites ne sont pas documentées. Chercher la source des défis, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
Voilà pour votre première question. Vous avez ensuite demandé : qu’entendons-nous par les normes de service dans les processus de ressources humaines?
Les et Marc vous ont parlé des normes de service qui existent pour le travail au centre des services de paye. Il n’existe pas de normes de service équivalentes pour le volet d’amont du travail des équipes de ressources humaines. Nous n’en avons jamais mis en œuvre au gouvernement. Jusqu’au milieu des années 2000, tout le travail de gestion des ressources humaines était accompli par chaque organisation, et il y avait beaucoup d’approches différentes. Depuis 2005 ou à peu près, on a commencé à uniformiser les façons de faire les choses à l’échelle du gouvernement, mais nous n’avons pas encore fait le travail. Il n’a pas été fait avant la conception de Phénix. Il n’a pas été fait lorsque Phénix est entré en service, et c’est maintenant que nous commençons.
Pour répondre à la question de l’autre sénatrice sur le « plus tard » comparativement au « maintenant », tout ce travail reste à faire. Nous devons le faire en collaboration avec les ministères et organismes, sans perdre de vue la gestion du changement qui s’impose. Nous avons tous été échaudés par le fait que la gestion du changement n’a pas été aussi efficace qu’elle aurait dû avec la mise en œuvre de Phénix. Nous voulons faire en sorte que, lorsque nous attaquerons la stabilisation du travail, nous le ferons sans oublier tous les éléments à prendre en compte, afin de ne pas retomber dans les erreurs de jadis.
Nous faisons l’impossible pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Nous y mettrons peut-être plus de temps, mais nous le faisons d’une manière non seulement intégrée, mais encore concertée, de sorte que ce que nous allons mettre en œuvre sera plus durable et débouchera sur le changement qu’il faut, et pas seulement sur une simple vérification d’une liste de mesures à prendre.
[Français]
Le sénateur Forest : Vous avez parlé du défi en matière de formation et du fait que deux cinquièmes des fonctionnaires concernés ont suivi cette formation. Motivez-vous les fonctionnaires pour qu’ils incitent leur équipe à suivre cette formation afin que les gens puissent prendre la relève sur le terrain?
Vous travaillez aussi en collaboration avec les dirigeants syndicaux. Ces derniers sont-ils sensibilisés à l’importance de motiver leurs membres? Deux cinquièmes représente tout de même 40 p. 100, une proportion importante, et il reste 60 p. 100 de gens pour relayer vos efforts sur le terrain.
Mme Cléroux : La réponse est oui. Nous travaillons avec tous les ministères et organismes. Des coordonnateurs à la formation pour le dossier de la stabilisation ont été nommés dans toutes les organisations. Des conférences téléphoniques ont lieu chaque semaine avec ces personnes pour que la dissémination se fasse. Les discussions sont menées par la gouvernance et le comité de gestion consultatif de la fonction publique, auquel siègent près d’une cinquantaine de sous-ministres. Il s’agit d’un comité de dissémination et de partage d’information. Ces réunions ont lieu toutes les trois semaines et permettent de faire le point sur la formation.
Le travail se fait en collaboration avec tous les syndicats de la fonction publique. Des comités sont en place avec eux. Avant d’aller de l’avant avec la formation en ligne, ils ont la chance de voir les modules et de nous faire part de leurs commentaires. Plusieurs d’entre eux ont affiché sur leur site web l’information liée à la page web qui donne accès à la formation. On essaie de disséminer l’information de la façon la plus large possible.
Le sénateur Forest : Selon le rapport du vérificateur général, en date du 30 juin 2017, on comptait 494 534 demandes d’intervention de paie, et 52 p. 100 de ces demandes étaient à incidence élevée, soit pour plus de 100 $.
Aujourd’hui, afin de mesurer l’impact de vos efforts, avez-vous des statistiques sur le nombre de demandes d’intervention de paie qui sont en attente en date du 1er janvier, soit six mois plus tard?
M. Linklater : On a affiché les détails sur le tableau de bord dont on a déjà parlé avec le sénateur Pratte. À cette époque, on comptait environ 450 000 transactions ayant un impact financier. Cela comprenait tout ce qu’implique notre charge de travail normale, en plus de ce qui va au-delà. On prévoit publier un autre tableau de bord dans les prochains jours pour le mois de janvier. Ce tableau permettra de voir où nous en sommes rendus avec nos efforts.
Le sénateur Forest : La saison des déclarations de revenus approche. Le gouvernement a accordé un délai aux fonctionnaires, parce que sur environ un demi-million de personnes concernées par les demandes de modification, certains ont fait des paiements en trop et d’autres en ont fait en moins. Ceux qui ont reçu des trop-payés bénéficiaient d’un délai pour contacter l’Agence du revenu du Canada. Mais il semble y avoir eu de sérieux problèmes pour les rejoindre. Les gens essayaient de contacter l’agence par téléphone afin d’être en mesure de reporter leur demande et de régulariser leur situation pour ne pas être pénalisés, mais ils n’y arrivaient pas. Est-ce que ce problème a été résolu?
M. Lemieux : Oui. En ce qui concerne la gestion des trop-payés, on avait déjà mis en place un plan, en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et l’Agence du revenu du Canada, grâce auquel on a identifié un ensemble de transactions qui pourraient mener à un trop-payé. En fait, les trop-payés qui étaient rapportés par le vérificateur général l’étaient une fois que la transaction avait été faite et que le montant payé en trop avait été déterminé. Alors, comme le disait M. Linklater, afin de pouvoir émettre un T4 ou un relevé 1 valide, nous devons faire cette transaction et déterminer le montant du trop-payé.
Nous avions déjà commencé, en décembre, à travailler sur un ensemble de transactions. Afin de nous assurer de pouvoir aider tous les employés qui pensent avoir un trop-payé, nous leur avons demandé qu’ils nous le signalent le plus rapidement possible, en décembre et en janvier. C’est une transaction qu’on devrait conclure sous peu. Cependant, ce n’était pas l’Agence du revenu qu’il fallait contacter pour signaler qu’on pensait avoir un trop-payé, mais bien notre centre d’appels.
Nous avons mis en place une équipe de 200 personnes pour effectuer cette tâche, et nous croyons être en mesure d’émettre soit un T4 original vers la fin de février, ou encore un T4 modifié d’ici la mi-mars ou le début avril, afin que tous aient en main un T4 ou un relevé 1 valides. Oui, nous avons fait face à des défis techniques concernant les appels, mais nous continuons à répondre à ces appels et à faire ce qui est en notre pouvoir afin de nous assurer que les employés recevront un T4 modifié pour qu’ils puissent faire leur déclaration de revenus avant la fin avril.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Il y a eu bien des questions au sujet de la formation, et j’espère n’en poser qu’une seule.
J’ai bien écouté l’explication selon laquelle on n’a pas jugé que c’était une si grosse affaire de changer le système de paye pour 300 000 fonctionnaires. On a commencé en 2008 et continué jusqu’en 2015 avant de l’acheter, de l’installer et de l’envoyer en appel d’offres. Il fallait changer tout le système de paye pour tout ce monde et comprendre en outre que la même entreprise qui le faisait au Canada l’avait fait en Australie, où il y avait des problèmes. Tout le monde pensait que la formation n’était pas nécessaire. C’est à n’y rien comprendre. Quelque chose d’aussi gros que : « Eh bien, nous ne pensions pas que la formation allait être un gros problème, et nous commençons tout juste à la faire maintenant », après avoir connu certaines des catastrophes qui nous frappent.
Qui dans le monde a donc décidé qu’il ne fallait pas de formation pour changer un aussi gros système au gouvernement? Qui a pris la décision en se disant : « Eh bien, c’est facile. Il suffira de transférer quelques renseignements et autres trucs; au fond, Bob est votre oncle et je peux rentrer chez moi »? Qui fait ce genre de choses?
C’est énorme. Je vous ai entendu dire : « Eh bien, nous ne nous concentrions pas sur la formation, mais nous sommes maintenant en formation, et nous n’avons même pas encore formé tout le monde. » Vous avez un beau gros problème sur les bras. Quelqu’un, quelque part, a bien dû décider que : « Nous n’allons former personne. Nous allons simplement entrer dans ce nouveau système; rien de plus facile. C’est comme aller au dépanneur chercher une pinte de lait. » Je ne comprends vraiment pas, surtout avec le gouvernement.
M. Linklater : Monsieur le président, comme je l’ai expliqué, il y avait des documents de formation, et les ministères les ont eus, mais, comme Mme Cléroux l’a souligné, il n’y avait pas de surveillance centralisée.
Le sénateur Neufeld : Mais quelqu’un a décidé de nous limiter à fournir l’information. « Si vous voulez la voir, regardez-la. Si vous ne voulez pas la voir, rien ne nous y oblige, mais cela va vous nuire considérablement. » Qui a décidé que nous enverrions cela à tous les ministères, mais qu’il n’était pas nécessaire de le regarder? Ne vous énervez pas. C’est facile. Quelqu’un a bien dû prendre cette décision. Qui?
Le président : Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
M. Linklater : Ce doit être l’équipe du projet, qui a examiné la portée et le rythme de développement du système. La gestion du changement a été retirée de la proposition initiale, car on s’attendait que les ministères et organismes aient la responsabilité de nettoyer leurs fichiers avant de les transférer à Services publics et Approvisionnement Canada, que leur personnel soit formé, et qu’ils participent activement au réseau des agents de changement chargé de suivre ces enjeux.
Le sénateur Neufeld : Quelle était l’équipe du projet qui a pris cette décision? Pouvez-vous nous fournir cette information, s’il vous plaît?
M. Linklater : Les cadres supérieurs de Services publics et Approvisionnement Canada.
Le président : Avant de terminer, j’ai trois questions. Vous pourrez répondre par oui ou par non, ou encore par écrit.
Premièrement, le système de paye Phénix produira-t-il les économies escomptées?
Deuxièmement, à la lecture du rapport du vérificateur général, en voyant le nombre d’employés touchés, je me demande ceci : quel est le nombre réel d’employés touchés aujourd’hui dans le système de paye Phénix à l’échelle du Canada?
Troisièmement, comme nous l’avons appris et comme nous recevons de l’information sur les difficultés et le stress que vivent nos employés, y a-t-il une disposition pour un forfait d’indemnisation pour alléger les difficultés de notre personnel?
M. Linklater : Pour ce qui est des gains d’efficacité escomptés, il est clair que nous ne réaliserons pas les économies proposées dans l’argumentaire initial, et que la stabilisation du système entraînera des coûts supplémentaires.
Nous pouvons vous donner le nombre d’employés victimes du système. Cette information existe.
Le président : Et qu’en est-il de l’idée d’un forfait d’indemnisation?
Mme Cléroux : Je vais répondre aux deux dernières questions. En date du 24 janvier 2018, nous avons 128 600 employés desservis par le centre des services de paye, et 25 000 qui ne le sont pas. Donc, un total de 153 600 personnes à cette date.
Le président : Merci, madame.
Mme Cléroux : Quant aux difficultés et au stress, différents syndicats ont soulevé ces éléments en raison du nombre de personnes victimes de Phénix. Un sous-comité discute des éventuels dommages-intérêts. Les discussions se poursuivent, et nous verrons où elles aboutiront.
Le président : Merci beaucoup. Merci à nos témoins et aux membres du comité. Je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)