Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 59 - Témoignages du 7 février 2018
OTTAWA, le mercredi 7 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 47, pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général, notamment les comptes publics, les rapports du vérificateur général et les finances publiques (sujet : problèmes liés au système de paye Phénix).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je souhaite la bienvenue à tous ceux présents ici dans la salle et à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne.
Je rappelle à nos auditeurs que les audiences de comité sont publiques et accessibles en ligne à sencanada.ca, le site web du Sénat du Canada.
[Français]
J’aimerais maintenant inviter les sénateurs et sénatrices à se présenter.
Le sénateur Pratte : Bonsoir. André Pratte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Black : Doug Black, de l’Alberta.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Merci d’être venus. Nicky Eaton, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Forest : Bonsoir. Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : De plus, j’aimerais souligner la présence de Shaila Anwar, notre greffière pour aujourd’hui. Gaëtane Lemay, notre greffière régulière, n’est pas présente ce soir parce qu’elle est malade. J’aimerais aussi signaler la présence de nos deux analystes, Sylvain Fleury et Alex Smith, qui font équipe pour appuyer les travaux de ce comité.
Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude des problèmes du système de paye Phénix. La semaine dernière, nous avons reçu au comité le vérificateur général, qui nous a brossé un portrait plutôt sombre de la situation et nous a encouragés à pousser plus loin notre étude.
Hier, nous avons reçu les deux principaux ministères responsables de Phénix : Services publics et Approvisionnement et le Conseil du Trésor. Nous voulions savoir où ils en étaient dans ce dossier et comment ils planifient régler le problème et trouver une solution permanente pour les employés, les fonctionnaires du Canada. Ce soir, par l’entremise de leurs principaux syndicats, nous voulons savoir comment les fonctionnaires fédéraux sont touchés par ces problèmes.
Merci à vous tous d’être ici ce soir et de nous faire part de vos recommandations, opinions et observations en vue de trouver une solution pour les fonctionnaires du Canada.
Premièrement, de l’Association canadienne des employés professionnels, nous recevons M. Greg Phillips, président national.
[Français]
Nous accueillons également M. Claude Vézina, directeur exécutif.
[Traduction]
Ensuite, de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, nous accueillons M. Chris Aylward, vice-président exécutif national.
[Français]
Nous avons également Mme Heather Finn, agente de projets spéciaux de Phénix.
[Traduction]
Enfin, de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, nous recevons M. Stéphane Aubry, vice-président, et Mme Emily Watkins, conseillère principale à la présidente.
Merci encore une fois au nom du comité d’être ici ce soir.
On m’a informé que M. Phillips fera sa déclaration liminaire en premier, suivi de M. Aylward au nom de l’alliance et de M. Aubry au nom de l’institut. Comme à l’habitude, après vos exposés, les sénateurs vous poseront des questions.
Je vais maintenant demander à M. Phillips de faire sa déclaration. La parole est à vous, monsieur.
[Français]
Greg Phillips, président national, Association canadienne des employés professionnels : Honorables sénateurs, nous tenons à remercier les membres du comité de nous avoir invités à exprimer nos préoccupations au sujet du système de paie Phénix. Mon nom est Greg Phillips et je suis président de l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP). L’ACEP représente quelque 14 000 fonctionnaires. La grande majorité de nos membres sont des économistes et des employés en sciences sociales qui conseillent le gouvernement au sujet des politiques publiques. Nous représentons aussi les traducteurs et les interprètes qui s’emploient chaque jour à préserver et à promouvoir la dualité linguistique de notre pays. Les derniers, mais non les moindres, que nous avons l’immense honneur de représenter sont les 90 analystes et adjoints de recherche de la Bibliothèque du Parlement.
[Traduction]
Je suis accompagné aujourd’hui de Claude Vézina, notre directeur exécutif, qui gère les employés responsables d’aider les membres qui sont aux prises avec des problèmes de paye.
Cela fait deux ans qu’un nombre effarant de fonctionnaires ont commencé à être sous-payés ou sont la cible d’autres erreurs dans le calcul de leur paye — deux années de crainte, d’appréhension et d’incertitude. Même pour ceux qui ont eu la chance de ne pas être affligés par ces problèmes de paye, en raison de la vaste portée du problème, ils ont craint pendant deux ans d’être la prochaine victime de Phénix.
J’aimerais discuter de l’incidence de ces problèmes sur les fonctionnaires et, de façon plus générale, sur les Canadiens. Mais avant, je manquerais à mon devoir si je ne soulignais pas à quel point les fonctionnaires de notre pays sont dévoués au travail qu’ils font pour le Canada et les Canadiens. Même s’ils n’ont pas été adéquatement payés pendant des mois, nos membres ont continué de se présenter au travail et de faire preuve d’un dévouement indéfectible pour offrir les services auxquels s’attendent les Canadiens, ce qui a permis à notre gouvernement de fonctionner au lieu de traverser une crise nationale.
J’espère que nos dirigeants n’oublieront jamais le professionnalisme et le dévouement dont les fonctionnaires au pays ont fait preuve durant cette période difficile.
Même si pratiquement rien n’a changé dans la fonction publique, les problèmes que les fonctionnaires éprouvaient étaient loin d’être normaux. Par exemple, l’un de nos membres était en congé d’invalidité de longue durée à la suite d’un accident et faisait de son mieux pour se rétablir et reprendre le travail. Durant ses cinq mois d’absence, elle recevait sa paye de façon sporadique. Pendant les deux premiers mois où elle a repris le travail, elle n’a reçu aucune paye. Au cours des huit mois suivants, elle a recommencé à toucher une paye, mais les montants n’étaient pas constants.
Les paiements forfaitaires soudains sont assujettis à des taux d’imposition plus élevés. Elle a encore vécu l’horreur de traverser des périodes sans paye. Elle a demandé un feuillet T4 révisé, mais ne l’a pas obtenu, puis elle a été surimposée. Pendant tout ce temps, elle était harcelée à propos des trop-payés. C’est un véritable cauchemar pour n’importe qui, et encore plus pour une personne qui retourne au travail après avoir subi une blessure grave.
Un autre de nos membres a vécu un cauchemar depuis ce qu’il croyait être l’un des moments les plus spéciaux de sa vie, la naissance de son enfant. Premièrement, il a eu du mal à obtenir un relevé d’emploi. Ensuite, pendant qu’il était en congé, il a signalé être surpayé. Par conséquent, il n’était pas rémunéré pendant des périodes de paye complètes. Cinq mois après son congé parental, il a finalement reçu tous les documents requis.
Étonnamment, pendant que ce membre essayait d’obtenir des avances de salaire en cas d’urgence, on lui a également demandé de rembourser les trop-payés. Il a passé les 15 premiers mois de la vie de son premier enfant à essayer de corriger ce gâchis financier.
Comme ces exemples le démontrent, l’une des pires répercussions de Phénix est l’incidence disproportionnée et discriminatoire qu’il a eue sur des Canadiens vulnérables, dont ceux qui ont une invalidité ou les nouveaux parents.
De plus, l’ACEP a entendu les histoires de centaines de membres qui voulaient obtenir de l’aide de leur syndicat en raison de problèmes liés à Phénix. Jusqu’à présent, à la lumière des violations continues des droits des membres, nous avons déposé près de 50 griefs individuels officiels, de même que 6 griefs de principe. Nous avons aussi des centaines de cas que nous tentons de résoudre par l’entremise de mécanismes non officiels, et des centaines de membres qui essaient de régler eux-mêmes leurs problèmes.
Puisque le gouvernement du Canada est le principal employeur au pays, ce cauchemar a aussi une incidence sur la population en général. Les Canadiens ont eux aussi été touchés par Phénix. Les fonctionnaires ont diminué leurs dons de bienfaisance. Les sommes totales recueillies dans le cadre de la campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada ont baissé depuis 2016. Par conséquent, les organisations qui prennent soin des groupes de notre société les plus vulnérables souffrent aussi à cause de Phénix.
L’insécurité financière de nos membres est aussi devenue un problème économique à plus grande échelle. On peut soutenir que lorsque les fonctionnaires ne sont pas payés ou ne reçoivent pas les montants qu’ils devraient recevoir, cette situation peut perturber l’économie en général et les économies locales qui dépendent des fonctionnaires pour appuyer les petites entreprises. Selon notre analyse, si nous assumons que nous devons 250 millions de dollars en salaires aux fonctionnaires, les retombées économiques induites au Canada sont les suivantes : 68 millions de dollars en salaires en dehors de la fonction publique, 176,5 millions de dollars en PIB, et 1 875 emplois.
Nous pouvons raisonnablement estimer les sommes que nous devons à nos membres. Cependant, il est impossible de calculer les millions de dollars que les employés non touchés s’empêchent de dépenser par crainte qu’ils soient soudainement la cible de Phénix.
Enfin, nous parlons souvent du stress causé par les problèmes de paye Phénix, mais nous avons trop souvent tendance à penser que ces problèmes surviennent isolément. À l’heure actuelle, de nombreux Canadiens traversent des situations de vie très difficiles. Ce peut être, par exemple, le décès d’un proche, des problèmes conjugaux ou une maladie ou une blessure. Nos membres ont vécu ces mêmes changements de vie stressants, mais ils ont eu le stress supplémentaire de ne pas savoir quand ils toucheraient leur prochain chèque de paye, ce qui a accentué leurs inquiétudes et leur anxiété. Malheureusement, la vie ne fait pas de pause seulement parce que votre employeur ne peut vous payer à temps.
Bon nombre de nos membres nous ont dit que leurs problèmes de paye ont eu des répercussions néfastes sur leur bien-être mental. L’incidence sur leur santé mentale est un problème grave.
Nous exhortons le gouvernement à redonner la stabilité à nos membres. D’un point de vue légal, il doit simplement indemniser toute partie lésée pour toute perte durable qu’elle a subie et de s’assurer que sa situation n’a pas empiré. Pour régler le chaos total auquel nos membres ont été assujettis au cours des deux dernières années, il faudra énormément de travail, d’empathie et de dévouement pour redonner la stabilité aux fonctionnaires, financièrement et émotionnellement.
Tout au long de cette saga, les fonctionnaires ont maintenu le cap. Ils ont continué de se présenter au travail même s’ils ne se faisaient pas payer correctement et d’offrir des services de calibre mondial aux Canadiens. Par ailleurs, ils s’attendent à ce que leurs dirigeants fassent preuve du même niveau de détermination et d’engagement pour traiter ce problème avec l’urgence et le sérieux qu’il mérite.
Merci.
Le président : Merci.
Monsieur Aylward, s’il vous plaît.
Chris Aylward, vice-président exécutif national, Alliance de la Fonction publique du Canada : Merci d’avoir invité l’AFPC à comparaître devant vous ce soir.
L’Alliance de la Fonction publique du Canada est le plus important syndicat de la fonction publique fédérale, représentant plus de 130 000 fonctionnaires, y compris les travailleurs au Centre des services de paye de Miramichi.
Au cours des deux dernières années, la majorité de nos membres ont été touchés par Phénix. Ce mois-ci marque le deuxième anniversaire du lancement du système de paye Phénix.
Notre syndicat se bat à tous les niveaux — par l’entremise de nos délégués syndicaux au bureau exécutif national — pour aider nos membres et pour demander des comptes à l’employeur en ce qui concerne ce gâchis.
Les problèmes de paye continus ont causé des difficultés financières considérables et beaucoup de stress pour nos membres. Comme vous le savez, Phénix a donné lieu à une litanie de problèmes. De nombreux travailleurs sont sous-payés, tandis que d’autres ont reçu des trop-payés par erreur. Même ceux qui n’ont pas eu de problèmes de paye vivent dans la crainte d’être la prochaine victime de ce cauchemar.
Je pourrais parler pendant des heures des histoires d’horreur que des gens ont vécues et du travail que l’AFPC a fait au nom de nos membres, mais puisque mon temps de parole est limité, je me concentrerai sur deux demandes clés que l’AFPC veut présenter au gouvernement. L’une consiste en partie à trouver une solution à long terme pour le système de paye de la fonction publique et l’autre consiste à régler l’enjeu pressant et à atténuer les difficultés auxquelles sont confrontés nos membres.
La modernisation de la paye pour la fonction publique fédérale incluait non seulement la mise en place d’un nouveau logiciel, connu sous le nom de Phénix, mais aussi la consolidation de l’administration de la paye pour plus de 45 ministères et organismes.
En 2011, le gouvernement conservateur à l’époque a annoncé que cette consolidation donnerait lieu à l’élimination d’au moins 1 000 postes de conseillers en rémunération expérimentés. À l’époque, l’AFPC a déclaré que la mise à pied de ces conseillers en rémunération serait un désastre — et malheureusement, c’est ce qui s’est passé.
Le rapport indépendant sur Phénix rédigé par l’entreprise Goss Gilroy, qui a été rendu public en septembre 2017, fait état que « l’on a gravement sous-estimé le rôle nécessaire à jouer par les conseillers en rémunération pour veiller à ce que les employés soient payés avec exactitude et à temps ».
Dans son rapport de 2017, le vérificateur général va plus loin et a ajouté « qu’avec la mise à pied des conseillères et conseillers en rémunération, il est devenu encore plus difficile de résoudre les problèmes avec le nouveau système ».
Avant Phénix, lorsque les employés avaient des problèmes de paye, ils pouvaient s’adresser à des conseillers en rémunération. Maintenant, en raison de la réduction de l’effectif et des problèmes technologiques du nouveau système, des conseillers en rémunération ne sont plus disponibles pour aider les employés. Les employés doivent téléphoner à un centre d’appels, qui est doté de travailleurs temporaires qui connaissent mal le système de paye de la fonction publique et qui ne peuvent pas répondre à des questions précises.
C’est extrêmement frustrant pour nos membres. Ils doivent essayer de déterminer la compensation monétaire qu’ils devraient obtenir pour savoir s’ils sont payés correctement. C’est un fardeau énorme. La fonction publique fédérale a un système de paye très complexe qui compte plus de 80 000 règles sur la rémunération, et il est déraisonnable et injuste de s’attendre que les gens calculent leur propre paye.
L’AFPC estime qu’il faudra clairement plus de conseillers en rémunération pour atteindre et maintenir un « état de stabilité ». Notre syndicat a été en mesure de négocier avec le gouvernement un plan de recrutement et de maintien en poste pour ces travailleurs. Cependant, cette entente ne sera utile que si le gouvernement adopte un processus robuste et doté de ressources appropriées pour l’embauche et la formation de conseillers en rémunération.
Le gouvernement doit aussi reconnaître que ce ne peut tout simplement pas être une solution temporaire. Pour que le système de paye fonctionne à long terme, il faut une équipe permanente de conseillers en rémunération bien formés dans les ministères et au centre de paye.
Nous savons que cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous pouvons commencer maintenant. Pour ce faire, nous avons besoin d’un engagement solide et d’un plan clair de la part de ce gouvernement.
La deuxième question que j’aborderai, c’est les trop-payés. Un trop-payé peut être très évident, notamment que l’on s’aperçoit qu’une somme plus importante d’argent que d’habitude a été déposée dans son compte bancaire. Mais d’autres trop-payés sont moins évidents — de petites sommes excédentaires sur plusieurs chèques de paye.
Bon nombre de nos membres ont signalé avoir essayé de rembourser au gouvernement l’argent qu’ils ont reçu par erreur, mais le gouvernement n’avait pas la capacité d’accepter ces paiements. Par conséquent, malgré tous les efforts qu’ils ont déployés, ces employés n’ont pas été en mesure de régler leurs trop-payés avant la fin de l’année.
Le problème avec les trop-payés, c’est que, lorsqu’ils sont réglés durant la même année civile, un employé est responsable de rembourser le montant brut, qu’ils n’ont jamais reçu. On s’attend à ce que les employés recevront la différence entre le montant net et le montant brut dans le traitement de leurs déclarations de revenus.
L’AFPC a soulevé à maintes reprises des préoccupations concernant l’inégalité associée au fait d’exiger que ces employés remboursent une somme plus élevée que celle qu’ils ont reçue, de même que la probabilité que de nombreux cas ne seront pas réglés avec une déclaration de revenus.
En réaction à ces préoccupations, en décembre 2017, le gouvernement a annoncé qu’il prolongerait la date limite pour signaler un trop-payé au 19 janvier 2018. Selon le gouvernement, ceux qui ont signalé leur trop-payé avant le 19 janvier 2018 devaient seulement rembourser le montant net.
Cependant, cette prolongation ne règle pas complètement le problème, car ce ne sont pas tous les employés touchés qui ont essayé de communiquer avec les centres d’appels pour signaler leur trop-payé qui ont pu parler à un agent. Pour ceux qui ont signalé leur trop-payé, nous nous inquiétons que les renseignements n’aient pas été consignés efficacement. Nous avons des raisons de croire que l’employeur ne sera pas en mesure de traiter tous ces changements à temps pour produire des feuillets T4 exacts, laissant la possibilité que des milliers de travailleurs qui ont tout fait correctement devront rembourser le montant brut. Il y a fort probablement des employés qui ne savent pas qu’ils ont été trop payés, si bien qu’ils ne savaient même pas qu’ils devaient signaler quoi que ce soit.
Pour ces motifs, une exemption complète par l’entremise d’un décret de remise est la seule voie à suivre. Le décret de remise, une option prévue au paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, permettrait à ces travailleurs d’être exemptés de payer le montant brut, qui est plus élevé que le montant qu’ils ont reçu, et de ne rembourser que le montant net, qui représente le montant reçu.
Les fonctionnaires fédéraux méritent d’être payés correctement et à temps pour leur travail. Jusqu’à ce que ce soit le cas, le gouvernement fédéral devrait faire tout en son pouvoir pour alléger les difficultés découlant du cauchemar Phénix.
Je remercie le comité d’avoir invité l’AFPC à témoigner et je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Aylward.
Stéphane Aubry, vice-président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Je m’appelle Stéphane Aubry. Je suis vice-président national de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je suis ici avec Emily Watkins, conseillère principale à la présidente, qui pourra également répondre à vos questions au besoin.
L’institut représente environ 55 000 professionnels du secteur public dans l’ensemble du Canada; la plupart sont des employés du gouvernement fédéral. Nos membres apportent une contribution essentielle au Canada et aux Canadiens tous les jours.
L’institut représente les spécialistes en informatique, les scientifiques, les chercheurs, le personnel infirmier, les vérificateurs de l’impôt et bon nombre d’autres professionnels. Nos membres se présentent au travail même s’ils ne sont pas payés correctement. Pourquoi? Parce que ce sont des fonctionnaires dévoués.
Au cours des deux dernières années, ils ont été assujettis à un système de paye qui n’arrive pas à les payer à temps et correctement. Certains de nos membres n’ont reçu aucun chèque de paye ou ont perdu leurs avantages sociaux et leurs cotisations au régime de retraite pendant leur congé parental, en raison de problèmes avec le système. Ils sont frustrés et fâchés et ne peuvent tout simplement pas comprendre pourquoi cela dure depuis si longtemps sans qu’on ait fixé une date pour régler les problèmes.
[Français]
Nous remercions le comité de nous avoir invités aujourd’hui à lui faire part de nos commentaires au sujet du système de paie Phénix.
Le fiasco Phénix cause énormément de stress et de préjudice aux employés fédéraux qui ont du mal, notamment, à payer leurs factures, leur loyer, leur hypothèque. Leur famille souffre aussi de la situation, ce qui pousse même certains à chercher du travail ailleurs. Notre position est la suivante : comme tous les Canadiens, nos membres méritent d’être payés à temps et avec le bon montant. Pour ce faire, les fonctionnaires doivent obtenir l’aide dont ils ont besoin pour régler leurs problèmes de paie maintenant.
De façon tout aussi importante, le gouvernement devrait mandater ses 13 000 informaticiens professionnels pour développer un système de paie qui serait meilleur, moins cher et plus fiable que le système Phénix, soit un système qui fonctionne. À cause de Phénix, le gouvernement doit gérer le dysfonctionnement du système actuel, tout en donnant certaines indications qu’il pourrait lui chercher d’urgence un remplaçant. Ce dysfonctionnement général ne devrait pas être normalisé en attendant la stabilisation du système promis depuis si longtemps.
Phénix est foncièrement irrécupérable. C’est un échec. La crise Phénix dure depuis trop longtemps. Nos membres méritent un meilleur système de paie. Il est temps d’en finir avec Phénix, car ce système ne marche pas. Il faut arrêter de jeter de l’argent par les fenêtres. Il nous faut un nouveau système conçu et mis en œuvre par les informaticiens fédéraux. Un système de paie fiable est essentiel au succès de la fonction publique du Canada, de ses employés et du public qu’ils servent. Ce n’est pas IBM ou une autre entreprise privée qui est capable d’offrir un tel système. Les entrepreneurs privés n’ont pas les connaissances ni l’expertise nécessaires quant au processus de paie du gouvernement fédéral. Ces connaissances existent et devraient rester dans la fonction publique, ce qui permettrait d’élaborer un système de qualité qui fonctionne à long terme.
[Traduction]
L’impartition n’est pas une bonne façon d’offrir des services gouvernementaux. Le gouvernement n’a qu’à penser à quelques grands projets de TI récents pour comprendre la portée des problèmes occasionnés par l’impartition. Les dépenses associées aux services des professionnels externes et autres continuent d’augmenter, malgré l’engagement du gouvernement à les réduire.
En 2014, le gouvernement fédéral a dépensé environ 9 milliards de dollars en services professionnels et autres. En 2018, nous nous attendons à des dépenses de 12 milliards de dollars.
[Français]
Même s’il emploie 13 000 informaticiens professionnels, le gouvernement a confié le développement d’un nouveau système de paie à IBM, et ce, malgré l’échec du système de paie que la firme a développé pour un autre gouvernement, et même dans un autre État américain.
Le gouvernement devrait plutôt donner à nos membres un rôle plus important et la possibilité de concevoir et de développer un système de paie qui fonctionnera encore dans des décennies. Nos membres l’ont déjà fait et peuvent le refaire. L’ancien système de paie qui a fonctionné pendant 40 ans sans problème majeur en est la preuve.
Nous savons qu’il est difficile d’abandonner un système qui a coûté aussi cher et qui a une si belle image, comme nous le voyons en ce moment, mais le gouvernement doit trouver le courage de faire ce qu’il faut. Il doit réduire ses pertes et commencer à élaborer un nouveau système de paie en collaboration avec ses propres informaticiens. Les prévisions actuelles sur l’atteinte de la fameuse stabilité du système, c’est-à-dire au printemps 2019, ne font que prolonger les tourments que nos membres et les contribuables canadiens subissent.
Je voudrais aussi soulever aujourd’hui le problème des trop-payés causés par Phénix. Si le problème n’est pas corrigé au cours de l’année où il a été reçu, le gouvernement oblige l’employé à payer en trop et à rembourser le montant brut qu’il n’a jamais reçu. L’employé recevra la différence entre le montant net et le montant brut dans une déclaration de revenus future, mais entre-temps il lui est demandé d’absorber la différence. Nous nous élevons contre cette injustice, car cela revient à exiger un remboursement supérieur au montant reçu. Nous nous inquiétons de la probabilité que, dans de nombreux cas, une déclaration de revenus ne permette pas de régler le problème. Même si le gouvernement prend des mesures pour corriger la situation, il est loin de protéger nos membres suffisamment des difficultés financières causées par un tel problème, dont ils ne sont pas responsables. Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement d’accorder un décret de remise à ses employés pour les exempter d’avoir à rembourser le montant brut trop payé et ne les obliger qu’à payer le montant réel, c’est-à-dire le montant net tel qu’il a été reçu.
Enfin, je voudrais conclure en parlant de l’attribution des dommages-intérêts aux fonctionnaires touchés par le système. Il est impératif que le gouvernement accorde des dommages et intérêts à nos membres pour les indemniser, et ce, indépendamment du processus de remboursement des frais engagés. Phénix leur a fait subir de nombreuses difficultés, y compris du stress, et les a obligés à passer du temps à tenter de régler leurs problèmes, avec très peu de succès. À cause de Phénix, nos membres ont perdu confiance dans le processus de paie; ils ont peur de la surprise à chaque période de paie. Nous demandons donc au gouvernement de reconnaître qu’il doit indemniser ses employés pour les épreuves qu’ils ont endurées et qu’ils continuent de subir.
Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l’occasion de vous présenter notre position. Nous sommes à votre disposition si vous avez des questions.
[Traduction]
Le président : La sénatrice Eaton est notre première intervenante.
La sénatrice Eaton : Vous dites que le gouvernement a adopté un système qui était utilisé dans un autre pays. Donc, on n’a pas commencé par la base afin de programmer le logiciel correctement pour répondre aux besoins complexes de tous vos membres?
M. Aubry : Le logiciel que nous appelons « Phénix » se fonde sur la coquille PeopleSoft. La société IBM l’a personnalisé pour supposément répondre aux besoins du système de paye qui était requis pour couvrir toutes nos conventions collectives.
La sénatrice Eaton : Est-ce qu’on a étudié tous vos besoins? Savez-vous si on a fait une analyse approfondie et judicieuse?
M. Aubry : Selon les documents qui ont été présentés, on a procédé à une analyse des besoins, puis on a procédé à l’ingénierie pour assembler les pièces du casse-tête. En fin de compte, IBM a été contracté pour créer et intégrer 80 000 règles dans le système.
Hier, M. Les Linklater a dit que certaines exigences avaient été retirées du système en cours de développement afin de répondre aux critères financiers. On les a rajoutées par la suite.
Ainsi, en ajoutant des exigences qui auraient dû être intégrées au système dès le départ et en rajoutant des éléments à ce qui avait déjà été créé, on a entraîné encore plus de problèmes par ce que l’ajout du nouveau sur ce qui était existant n’a pas fonctionné.
[Français]
La sénatrice Eaton : Je crois que vous avez dit dans un de vos discours qu’il aurait été préférable que les fonctionnaires aient construit le système dès le début.
M. Aubry : L’ancien système avait été développé par des fonctionnaires spécialistes en informatique et en développement de logiciel.
La sénatrice Eaton : Travaillaient-ils pour le gouvernement?
M. Aubry : Oui. Ils étaient éparpillés un peu partout dans les ministères pour effectuer la maintenance de ce système, mais ils avaient l’expertise. Le gouvernement a décidé d’aller à l’extérieur et a fait un contrat avec IBM à la place, mais nous avions déjà cette expertise au sein du gouvernement et elle aurait pu être utilisée entièrement pour développer le système. On déplore le fait que cette expertise n’ait pas utilisé.
La sénatrice Eaton : Est-ce qu’ils ont donné une raison pour cela?
M. Aubry : Pas vraiment. Il y a une tendance qui revient de temps en temps d’aller à l’extérieur pour certains projets au lieu d’utiliser l’expertise interne. Est-ce que les vendeurs de ces produits font beaucoup de pression et insistent sur l’idée que leur produit sera meilleur et moins cher? En fin de compte, quand on regarde les expériences de sous-traitance, il ne s’agit pour les firmes que de mettre un pied dans la porte afin de gagner de l’argent en frais de maintenance.
[Traduction]
M. Aylward : La première question de la sénatrice Eaton, qui demandait si on avait suffisamment poussé l’analyse au départ, est le nœud du problème. On n’a pas fait preuve de diligence raisonnable.
La sénatrice Eaton : Lorsqu’il a témoigné devant nous, le vérificateur général a dit qu’il fallait assurer la transition. De toute évidence, elle n’a pas été faite. Ensuite, lors de la dernière réunion du Comité des finances — corrigez-moi si je me trompe, chers collègues —, M. Linklater a plus ou moins dit qu’il fallait régler le problème, mais il n’a pas dit qu’on avait raison. C’est donc un peu difficile à évaluer.
M. Aylward : Le problème, c’est que, lorsque Travaux publics et Services gouvernementaux Canada — à l’époque — envisageait la mise en œuvre d’un système qui devait traiter 80 000 règles de paye différentes pour 300 000 fonctionnaires fédéraux, il aurait dû faire preuve de diligence raisonnable et s’assurer que le système allait pouvoir gérer ces 80 000 règles de paye; cela n’a tout simplement pas été fait.
Même les employés de Miramichi à l’époque, avant que le système ne soit déployé, avaient dit : « Le système n’est pas prêt; il ne fonctionnera pas. » Les responsables de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada avaient alors tout simplement répondu : « Oui, il va fonctionner. Nous croyons qu’il va fonctionner. » Les employés de Miramichi avaient raison.
La sénatrice Eaton : Ils n’ont pas été formés non plus?
M. Aylward : La formation pour devenir conseiller en rémunération est passée de deux ans à un an. Aujourd’hui, c’est trois mois. Comment est-ce possible qu’un poste qui demandait deux ans de formation il y a quatre ans ne demande aujourd’hui que trois mois? Il s’agit du même travail, avec un système qui ne fonctionne pas.
Le président : Monsieur Phillips, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Phillips : Je crois que mes collègues ont bien répondu à la question.
Le sénateur Black : Je tiens tout d’abord non seulement à vous remercier de votre présence ici aujourd’hui, mais aussi à remercier vos membres, au nom des Canadiens, d’endurer ce qu’ils doivent endurer depuis un bon moment.
Vous avez tous fait valoir que, malgré les frustrations et les difficultés que connaissent bon nombre de vos membres, ils se rendent tout de même au travail. C’est le cas aussi ici, au Sénat. Nous ne pouvons pas fonctionner sans l’aide de vos membres au quotidien. Je tiens donc à vous dire que nous reconnaissons cela et que nous sommes déçus de voir que vous êtes dans une telle situation. Nous sommes vraiment déçus — du moins je le suis.
J’ai cherché la définition du mot « phénix » dans le dictionnaire. On dit qu’il s’agit d’une chose unique et brillante. Eh bien, j’utiliserais d’autres termes pour le décrire. Je trouve la situation choquante, décevante et gênante. On ne s’attendrait pas à cela de la part d’un pays industrialisé comme le nôtre. Je suis votre allié dans cette histoire, parce que je trouve la situation exaspérante et insultante. Voilà pour cela.
Est-ce qu’on aimerait que la situation s’améliore? Est-ce qu’on voudrait pouvoir claquer des doigts pour changer les choses? Bien sûr que oui, mais nous savons tous que c’est impossible.
Ce que je veux savoir, c’est si l’on répond aux besoins des membres touchés? Dans la négative, que pouvons-nous faire pour les aider?
M. Aylward : Merci pour votre question, sénateur, et merci pour vos commentaires à l’intention de nos membres.
La réponse courte à votre question, c’est non. Les besoins des membres, des employés…
Le sénateur Black : Dites-nous ce que nous pouvons faire.
M. Aylward : Bien sûr. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, le gouvernement doit prendre plusieurs initiatives. Tout d’abord, il doit s’engager à embaucher plus de conseillers en rémunération et il ne semble tout simplement pas vouloir le faire. Nous avons dit clairement qu’il fallait plus de conseillers en rémunération, non seulement à Miramichi ou dans les bureaux satellites, mais aussi dans les ministères et organismes afin qu’ils puissent régler les problèmes individuels. Ensuite, il est évident qu’on ne répond pas aux besoins des employés qui font part de leurs problèmes au gouvernement.
Lorsqu’on vous dit que tout ce que vous avez à faire, c’est d’envoyer une demande d’avance de salaire d’urgence et que deux semaines après l’avoir reçue, votre chèque de paye est de 27 $ parce qu’on y a soustrait ladite avance… C’est la réalité. Je n’invente pas cela. J’aimerais que ce soit le cas. C’est ce qui arrive à nos membres.
Le sénateur Black : On ne pourrait pas inventer cela.
Monsieur Phillips, est-ce qu’on devrait s’inquiéter de ce qui arrive à ces personnes lorsqu’elles sont confrontées à ces difficultés… Et nous savons que bon nombre de personnes vivent d’un chèque de paye à l’autre. Quelles sont les mesures prises afin de veiller à ce que ces personnes ne soient pas aux prises avec des agences de recouvrement et des agences hypothécaires? Qu’est-ce qui arrive à ces personnes?
M. Phillips : Je proposerais de cesser de percevoir les trop-payés pendant un certain temps; remettons cela à plus tard. Ainsi, on atténuerait les difficultés auxquelles sont confrontés nos membres. Comme je l’ai dit et d’autres l’ont dit aussi, les gens reçoivent un paiement d’urgence qui est immédiatement soustrait de leur paye. Il faut arrêter de percevoir les trop-payés pour un temps.
Le sénateur Black : Qu’en est-il des moins-payés? Des gens qui ne sont pas payés?
M. Phillips : Ces gens peuvent obtenir un paiement d’urgence. Vous me corrigerez si je me trompe, mais je crois que la rémunération d’urgence correspond à 70 p. 100 du salaire des employés. On peut aller jusqu’à 90 p. 100.
Le sénateur Black : Pourquoi ne pouvons-nous pas leur offrir 100 p. 100?
M. Phillips : Je ne connais pas tous les détails, mais d’accord, allons-y pour 100 p. 100.
Le sénateur Black : C’est votre salaire. Vous y avez droit.
M. Phillips : Si l’on cessait de percevoir les trop-payés et qu’on remboursait les employés à 100 p. 100, ce serait un bon départ.
Le sénateur Black : Qu’est-ce que ce décret de remise auquel vous avez fait référence?
M. Aylward : C’était dans mon discours préliminaire. À l’heure actuelle, selon l’Agence du revenu du Canada, lorsqu’un employé reçoit un trop-payé, il est responsable de rembourser le montant brut, à moins que le remboursement ne se fasse au cours de la même année. Donc, si vous avez reçu un trop-payé en 2017 et que vous le remboursez avant la fin de l’année, vous ne payez que le montant net. Toutefois, si vous le remboursez au cours de l’année d’imposition suivante, alors vous devez rembourser le montant brut.
C’est une politique de l’Agence du revenu du Canada. C’est une interprétation. Nous demandons au gouvernement, aux législateurs, d’établir un décret de remise de sorte que l’Agence du revenu du Canada — comme elle l’a fait au cours des derniers mois lorsqu’elle a rétracté plusieurs de ses politiques et interprétations relatives à certains enjeux — rétracte celle-ci et dise : « Nous n’allons pas exiger de paiement brut sur les trop-payés que les fonctionnaires fédéraux reçoivent par erreur à cause du système de paye Phénix. »
Le sénateur Black : Cela nous est utile. Merci beaucoup.
[Français]
M. Aubry : Offrir un meilleur service aux employés qui ont des problèmes pourrait contribuer à les aider. À l’heure actuelle, ils doivent contacter des centres d’appels où les agents au bout du fil ont un accès limité aux données contenues dans le système. Ils ne peuvent donc pas vraiment aider les employés qui ont des problèmes. Et cela, c’est lorsqu’on réussit à parler à quelqu’un, car ils ont un problème similaire à celui de l’Agence du revenu du Canada en ce qui a trait aux lignes téléphoniques. Offrir davantage de services directs aux membres permettrait de les réconforter et de tenter de résoudre les problèmes du système au lieu de prendre note seulement des problèmes et de les poser sur la pile des plaintes en atteinte d’être traitées.
[Traduction]
M. Phillips : J’ajouterais une chose : on pourrait peut-être prolonger la période de déclaration de revenus pour les membres touchés. C’est très compliqué. Il faudrait accorder quelques mois supplémentaires aux personnes touchées pour produire leur déclaration de revenus. Cela serait très utile et ce serait un début.
La sénatrice Marshall : Je comprends qu’il s’agit d’un terrible cafouillis et je ne sais pas comment le gouvernement va s’en sortir.
Vos organisations représentent 200 000 employés. Je ne sais pas comment les gens arrivent à se rendre au travail et à se concentrer alors qu’ils ne savent même pas s’ils seront payés.
Monsieur Aylward, ma question s’adresse à vous. Est-ce que tous les employés du Centre des services de paye de Miramichi sont membres de l’AFPC?
M. Aylward : Ce sont principalement des membres de l’AFPC.
La sénatrice Marshall : Combien de personnes travaillent dans ce centre?
M. Aylward : À l’heure actuelle, le Centre des services de paye de Miramichi compte environ 700 employés.
La sénatrice Marshall : Nous en avons beaucoup entendu parler. Croyez-vous qu’il serait bon que le comité se rende au centre de paye?
M. Aylward : Je crois que ce serait une très bonne idée que le comité s’y rende, rencontre les gens qui y travaillent, à condition que ce ne soient que les membres du comité, et non mon superviseur ou mon gestionnaire derrière, que les employés puissent parler librement aux membres du comité. C’est ce qu’il faudrait faire. Ce serait très utile.
La sénatrice Marshall : Parce que, à mon avis, ils doivent être dépassés par le volume des transactions.
Ma prochaine question s’adresse à vous trois. Les problèmes associés aux trop-payés et aux moins payés viennent de la base. C’est la question qui me préoccupe. Il doit y avoir en place un processus qui permet à vos membres de faire cheminer leurs problèmes jusqu’à vos organisations. Pouvez-vous nous en parler?
Comment savez-vous ce qui se passe avec vos employés? Comment transmettez-vous cette information au gouvernement? Lorsque vous avez discuté avec les deux autres sénateurs, vous avez fait de bonnes propositions, il me semble, et je suppose qu’elles se fondent sur les discussions que vous avez eues avec vos membres. Comment transmettez-vous cette information? C’est une excellente source de recommandations à l’intention du gouvernement.
Pourriez-vous nous dire comment l’information chemine du bas vers le haut, comment vous la transmettez au gouvernement et qu’est-ce qui se passe ensuite? J’aimerais que chaque témoin me réponde rapidement, parce que certains d’entre vous ont fait de très bonnes suggestions.
M. Phillips : J’occupe ce poste depuis seulement un mois, donc je ne connais pas toutes les subtilités associées à nos échanges avec le gouvernement.
La sénatrice Marshall : Vous êtes un petit nouveau?
M. Phillips : Cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas décrit de cette façon; je vais l’accepter pour ce soir.
Ce que je peux vous dire, toutefois, c’est que nos membres — les économistes et les traducteurs — hésitent souvent à parler au syndicat. Ils se passent le mot entre eux, puis une personne finit par venir nous voir. La plupart des membres se parlent entre eux. Une personne peut se présenter au bureau national. Notre personnel peut aider ces gens, mais ensuite ils retournent dans leur ministère ou parlent à leurs amis et leur disent : « Untel dans le troisième cubicule a eu ce même problème. Tu devrais lui en parler. » Ils ne viennent pas nécessairement nous voir.
C’est ce que j’ai dit. Dans bien des cas, nous ne savons même pas combien de membres sont touchés par ces problèmes, parce qu’ils ne viennent pas toujours nous en parler. Par exemple, un membre en parlera à ses amis et cela devient un réseau d’idées.
La sénatrice Marshall : Néanmoins, vous avez fait de bonnes suggestions. Comment votre syndicat…
M. Phillips : Je vais céder la parole à M. Vézina.
Claude Vézina, directeur exécutif, Association canadienne des employés professionnels : À l’interne, nous avons créé des postes consacrés au règlement des problèmes liés à Phénix et, bien entendu, nous disons à tous nos membres, par courriels, que s’ils ont des problèmes liés à Phénix, qu’ils ne doivent pas hésiter à communiquer avec le bureau national.
Les personnes qui accomplissent ce travail ouvrent des dossiers. Dans certains ministères, ils ont de bons contacts ou des contacts directs avec des gens qui sont en mesure de régler les problèmes liés à Phénix. Dans certains cas, les choses fonctionnent très bien. Or, dans d’autres ministères, les gens sont tellement dépassés par les problèmes, que même leurs personnes-ressources — ou même lorsqu’il s’agit d’une audience de grief — nous disent qu’ils ne peuvent rien faire.
La situation varie d’un ministère à l’autre, mais dans certains d’entre eux, on arrive à régler des problèmes, et nous sommes ravis de le constater. Je ne comprends pas vraiment pourquoi ce n’est pas la même chose dans l’ensemble du gouvernement.
La sénatrice Marshall : Le nombre de transactions est tellement élevé. Je crois qu’on en est à 600 000 présentement. Il faut presque les diviser en petits groupes et dire : « Nous allons mettre ceux-ci de côté, les trop-payés. » Je pense qu’une personne l’a recommandé. Il s’agit ensuite de déterminer lesquelles passent en premier.
Monsieur Aylward, pourriez-vous nous parler de la situation de l’AFPC?
M. Aylward : À l’interne, nous avons mis en place un processus d’acheminement aux paliers supérieurs. Les employés s’adressent à leur service pour essayer de régler les problèmes. S’il n’est pas possible de les régler, le dossier se retrouve à l’AFPC. Nous avons un processus d’acheminement avec Services publics et Approvisionnement Canada. Ces problèmes sont soumis directement à l’un de vos témoins d’hier, soit M. Lemieux, sous-ministre adjoint à SPAC.
De quelle façon communiquons-nous nos problèmes au gouvernement? Il y a ce qu’on appelle un comité consultatif patronal-syndical de la haute direction auquel siègent l’Alliance de la Fonction publique du Canada et d’autres agents négociateurs du secteur public fédéral. Le secrétaire du Conseil du Trésor, le sous-ministre associé, M. Linklater, de même que M. Lemieux y siègent également.
Au départ, le processus fonctionnait. Nous pouvions soulever les problèmes. Il semble maintenant que les choses piétinent au comité. Les rencontres de ce comité sont devenues un exercice frustrant parce qu’au cours d’une réunion, on nous dit : « D’accord, nous allons produire un rapport sur les problèmes dont vous venez de parler; il y a un certain nombre de dossiers en attente et voici ce qui sera fait .» À la réunion suivante, on nous dit que le rapport n’a pas encore été préparé. On leur demande alors après qui ils attendent pour produire le rapport. Voilà ce qui se passe avec SPAC. Comment a-t-on pu me dire, au cours de la réunion précédente, qu’on allait produire un rapport, mais qu’il n’est pas encore prêt? C’est très frustrant également.
Des représentants de l’Agence du revenu du Canada font aussi partie de ce comité. Nous avons soulevé la question de l’exemption, et ils semblent simplement réticents à cet égard. Comme je l’ai dit, c’est une question d’interprétation et de changement de politique.
La sénatrice Marshall : Est-ce que ce comité prend des décisions pour ce qui est de mettre de côté les paiements en trop? Qu’est-ce qui en résulte? S’agit-il d’un comité qui se réunit et c’est tout, ou prend-il des mesures?
M. Aylward : Comme je l’ai dit, au départ, il prenait des mesures. Des choses étaient accomplies. Nous lui parlions des problèmes de rémunération de nos membres, de même que des problèmes vécus par nos membres qui sont à Miramichi. Mes collègues de l’institut professionnel siègent au comité également, et il semble que pour une raison quelconque, le comité est paralysé. Nous sommes indéniablement dans une période très occupée, puisque c’est la saison des déclarations de revenus et qu’on essaie de faire avancer les choses. Or, les membres du comité — les représentants du Conseil du Trésor, mais surtout ceux de Services publics et Approvisionnement Canada — semblent réticents à agir.
La sénatrice Marshall : Monsieur Aubry, voulez-vous dire quelque chose à ce sujet?
M. Aubry : Lorsque tout cela a commencé il y a presque deux ans, grâce à notre réseau de délégués, nous étions capables d’avoir un bon contact avec nos membres. Ils soulevaient leurs problèmes auprès de nous et nous étions en mesure de communiquer directement avec la haute direction de SPAC pour que des problèmes précis soient réglés. Or, compte tenu de l’ampleur des problèmes, du nombre d’employés qui sont maintenant touchés, ce réseau ne fonctionne plus parce que des milliers de gens sont touchés régulièrement.
Par conséquent, cette façon de procéder avec la gestion, dans le cadre de consultations et de comités spéciaux, ne fonctionne plus étant donné l’ampleur qu’a prise le problème.
Or, afin de rester mieux en contact avec nos membres, nous avons un bon réseau de délégués dévoués qui aident les membres et qui soulèvent les problèmes auprès des agents de relations de travail de l’IPFPC. Nous utilisons également les médias sociaux pour permettre à nos membres de parler de leurs problèmes, et nous les aidons en ligne. C’est donc une autre façon d’être en contact avec eux à l’échelle locale, et c’est de cette façon que nous sommes mis au courant d’une bonne partie des problèmes qu’ils subissent.
La sénatrice Marshall : Croyez-vous qu’ils font des progrès quant à la résolution des problèmes de paiement en trop ou en moins? Croyez-vous, au contraire, que la situation s’aggrave?
M. Phillips : Je ne crois pas qu’ils font des progrès. C’est seulement mon opinion actuelle.
M. Aylward : La situation s’aggrave.
La sénatrice Marshall : Elle s’aggrave.
Monsieur Aubry?
M. Aubry : Je suis du même avis. Il y a tellement de cas qu’ils ne sont pas capables de s’en sortir.
Le sénateur Pratte : Je veux poser des questions sur ce sujet.
Vous avez peut-être entendu le témoignage des représentants du Conseil du Trésor et de SPAC qui ont comparu devant le comité hier. Évidemment, ils ont reconnu l’importance du problème, mais ils ont dit qu’un certain nombre d’initiatives avaient été prises. Ils ont dit entre autres que, même s’ils reconnaissent que le nombre de cas problématiques est encore très élevé, les cas les plus graves — par exemple, concernant les congés parentaux et les personnes handicapées et les situations qu’a décrites M. Phillips — étaient prioritaires et traités rapidement. Par conséquent, même si le nombre de transactions non traitées est très élevé, les cas les plus problématiques sont réglés rapidement, ou le plus rapidement possible selon ce à quoi on peut s’attendre dans les cas des problèmes liés à Phénix. Est-ce le cas?
M. Vézina : Je crois que, à l’interne, nous essayons de donner la priorité à ce type de cas, soit les plus graves. Comme je l’ai déjà mentionné, il semble que pour certains ministères, nous sommes capables de régler les problèmes. Or, dans d’autres cas, les problèmes durent depuis assez longtemps.
Je suis toujours préoccupé lorsqu’un cas grave franchit les niveaux un, deux et trois de la procédure relative aux griefs, qu’on ne le règle pas et qu’il est soumis à l’arbitrage. C’est un gros problème, selon moi. Une telle situation ne devrait jamais se produire. Dans les trois ordres de gouvernement, ces dossiers devraient se régler.
M. Phillips : J’ajouterais, comme je l’ai mentionné précédemment, que Phénix est censé récupérer automatiquement une partie des fonds avancés dès que des fonds sont disponibles. Donc, parce que c’est encore le cas, tant qu’on continue de percevoir les trop-payés de gens qui sont également dans une situation où ils sont sous-payés, le problème — même s’il s’agit d’un cas prioritaire, j’ai expliqué qu’une personne reçoit de l’argent cette semaine et qu’on le lui retire la semaine suivante. Bien que l’on examine la situation, les choses peuvent continuer. Tant que les situations de paiement en trop s’accumuleront, le problème persistera, à mon avis.
Le sénateur Pratte : Je n’essaie pas de minimiser le problème, car il est évidemment extrêmement grave. J’essaie seulement de savoir si la situation commence à s’améliorer un peu ou si elle s’aggrave. S’il existait un indice de la gravité du problème et qu’il était, disons de 8 sur 10 le mois dernier, est-il maintenant de 7,8 ou en sommes-nous toujours à 8?
M. Phillips : Ce que vous décrivez serait l’idéal. Nous n’avons pas d’indice.
J’ai travaillé à Statistique Canada durant toute ma carrière. J’aimerais beaucoup avoir de telles données, mais on ne nous en fournit pas. Ces données seraient idéales, mais nous n’en avons pas. Nous ne pouvons que nous baser sur ce qu’on nous dit et sur ce que nous pensons. Sur cette base, je dirais que la situation ne s’améliore pas.
M. Aylward : Pour ce qui est de la gravité, je dirais que nous en sommes encore à 8, voire plus, quant aux problèmes que nous observons.
L’un des problèmes, ce sont les différences entre les ministères et organismes et la façon dont les problèmes sont réglés au sein de chacun d’eux.
Certains ministères ou organismes réussissent très bien. Certains ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes que d’autres, comme l’Agence du revenu du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada. Ces deux organismes ont leur propre système de RH. Les chèques de paie proviennent de Phénix, mais l’information qui y est incluse n’est pas entrée par Phénix, mais bien par un autre système. Par conséquent, ces deux organismes ont très peu de problèmes comparativement à d’autres, comme le ministère de la Défense nationale, où l’on observe des problèmes majeurs.
Encore une fois, cela concerne toute la question des conseillers en rémunération. Si je travaille dans un ministère et que je suis trop payé, ou que je ne suis pas assez payé ou pas payé du tout, je n’ai pas de personne-ressource, et voilà tout le problème. Les choses ne s’améliorent pas.
Le sénateur Pratte : Monsieur Aylward, j’aimerais que vous expliquiez davantage votre recommandation sur l’embauche de conseillers en rémunération. Le gouvernement nous dit que 900 personnes ont été embauchées au cours des derniers mois, comme les syndicats l’ont incité à le faire et à la suite d’une entente avec eux. Je veux comprendre en quoi ce que vous demandez diffère des embauches qui ont été faites au cours des derniers mois exactement.
M. Aylward : Il y a deux choses. Tout d’abord — et mes collègues en ont parlé également —, il y a un centre d’appel à Toronto qui compte des employés de secteur privé temporaires. Aujourd’hui, ils répondent à l’appel de Services publics et Approvisionnement Canada; demain, ils répondront peut-être au téléphone pour Canadian Tire.
Le sénateur Pratte : Cela fait-il partie des 900 personnes embauchées dont il parle?
M. Aylward : Je n’en suis pas sûr. J’hésite à deviner. C’est donc une partie du problème.
L’autre élément dont il parle, ce sont ces 900 embauches. Bon nombre de ces personnes ont été placées dans des bureaux de paye satellites. Il faut que des conseillers en rémunération soient embauchés au sein des ministères et des organismes. Ceux qui ont été mis à pied faisaient partie de nos membres. Nous avons lancé un appel : « Si vous êtes un ancien conseiller en rémunération, nous avons besoin de vous .» Des employés ont dit qu’ils avaient envoyé un curriculum vitae, qu’ils n’avaient pas été embauchés et qu’on leur avait dit qu’ils n’étaient pas les bonnes personnes pour le poste. On parle de gens qui ont été conseillers en rémunération pendant 15 ans et, soudainement, ils n’ont plus les qualifications qu’il faut?
C’est presque comme le jeu des gobelets. Nous devons placer les gens aux endroits où on en a le plus besoin, soit dans les ministères et les organismes.
Le sénateur Pratte : On ferait complètement marche arrière par rapport au concept de Phénix qui consistait à mettre des gens en poste à Miramichi et à retirer les gens des ministères, n’est-ce pas?
M. Aylward : Non, pas du tout. Il peut toujours y avoir un système de paye centralisé à Miramichi. Le fait qu’il soit à Miramichi n’a rien à voir avec les problèmes. Ce centre de paye pourrait se trouver au centre-ville de Toronto, à Halifax ou ici, à Ottawa. Cela n’a rien à voir avec le fait qu’il soit à Miramichi. Je veux que ce soit très clair. Peu importe où le centre se trouve, le système ne fonctionne pas.
Ce que nous disons, c’est qu’il peut toujours y avoir un système centralisé à Miramichi, mais il faut que chaque ministère et chaque organisme compte des gens qui aident les employés qui ont les problèmes. Il y a 10 ou 15 ans, je savais que tout ce que j’avais à faire, c’était de me rendre au quatrième étage pour parler avec mon conseiller à la paye, qui n’est maintenant plus là.
Nous pouvons donc toujours avoir un système centralisé à Miramichi. Ce n’est pas cela le problème. Il faut cependant qu’il y ait des personnes-ressources au sein des ministères et des organismes à nouveau.
Le président : Monsieur Aubry, je sais que vous vouliez dire quelque chose avant que le sénateur Pratte pose sa dernière question.
[Français]
M. Aubry : Si je peux revenir sur votre question quant au système d’établissement des priorités. On voit une différence entre les ministères, selon les ressources qui sont disponibles et le type de demande. Quand on met en place un système d’établissement des priorités et que 10 personnes éprouvent des problèmes, la 10e personne peut s’attendre à être traitée relativement rapidement. Quand on a 160 000 employés qui ont des problèmes, la personne en bas de la liste ne verra jamais le jour. Le système d’établissement des priorités ne fonctionne pas, parce qu’il n’a pas eu la capacité de grossir en fonction du nombre de cas à traiter.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Un peu comme le sénateur Black, je suis très déçu que ce soit un tel gâchis et que des gens doivent continuer à travailler dans cette situation de stress. Ce que nous voulons, c’est obtenir de l’information pour pouvoir faire des recommandations au gouvernement qui peuvent se concrétiser, en fait.
J’ai un certain nombre de questions. Hier, lorsque M. Linklater était ici, on nous a dit qu’environ 1 400 personnes avaient été embauchées. Depuis que le système de paye a été lancé, il y a eu un certain nombre d’embauches, et lorsque les choses ont commencé à mal tourner, d’autres personnes ont été embauchées. Est-ce vrai, selon vous? C’est le nombre qu’on nous a fourni. Il est impossible pour nous de le confirmer, mais pensez-vous qu’il est vrai que dans l’ensemble du gouvernement, 1 400 personnes ont été embauchées en tout, ce qui inclut les embauches à Miramichi?
M. Aylward : Je pense que c’est assez juste.
Le sénateur Neufeld : C’est assez juste? D’accord.
L’autre chose, c’est que dans les notes de l’un des témoins d’aujourd’hui, on dit ici, en ce qui concerne les griefs, que près de 50 griefs individuels officiels ont été déposés. Pourtant, si je regarde les chiffres de juin dernier, environ 110 000 personnes ont été soit trop payées, soit moins payées. Pourriez-vous m’aider un peu à comprendre? Pourquoi dit-on que seulement 50 griefs ont été déposés si 110 000 personnes ont été trop payées ou sous-payées et que cela dure depuis plus de deux ans?
M. Vézina : Ces statistiques sont tirées de notre rapport. La première chose que nous faisons quand des membres nous contactent, c’est de les mettre en communication avec le ministère et de travailler avec eux en vue de régler la situation. L’association prend toutes les mesures possibles afin d’arriver à une résolution. En dernier recours, nous déposons un grief officiel. Pour nos membres, il en faut beaucoup pour en arriver là. Par contre, comme nous l’avons indiqué, nous avons de nombreux dossiers actuellement traités de manière informelle. C’est pour cette raison qu’il y a très peu de griefs officiels.
Le sénateur Neufeld : S’agit-il des seuls griefs déposés pour les 300 000 employés?
M. Vézina : Non, non, désolé. Notre association compte 14 000 membres. C'est seulement dans le cas de l'association.
Le sénateur Neufeld : Dans ce cas, puis-je demander aux autres représentants combien de griefs ont été déposés pour leurs membres? Pour ces 14 000 employés, il y a eu 50 griefs individuels officiels.
Heather Finn, agente de projets spéciaux-Phénix, Alliance de la Fonction publique du Canada : À l’AFPC, le processus de règlement des griefs est déclenché en milieu de travail par un dirigeant syndical ou un délégué syndical. Le grief ne se rend à l’élément national de l’AFPC qu’une fois toutes les étapes franchies au ministère, puis le dossier est renvoyé à l’arbitrage. Il est impossible pour l’élément national de l’AFPC de comptabiliser l’ensemble des griefs, car le processus commence invariablement au niveau local.
Nous avons seulement le compte des griefs ayant franchi les différents niveaux d’évaluation au ministère. Nous avons un effectif beaucoup plus nombreux que nos collègues de l’ACEP. Je peux vous assurer qu’il y en a eu beaucoup plus que 50, mais il serait difficile pour nous de vous fournir un nombre exact.
Il y a aussi le processus de règlement des griefs. Différents mécanismes ont été mis en place afin d’aider les employés à régler la situation rapidement. Les griefs demeurent un élément important du processus, surtout quand il s’agit ultimement d’offrir des recours à nos membres qui ont été lésés. Les syndicats se sont battus pour instaurer un processus parallèle, qui a notamment permis d’élargir l’accès aux avances salariales d’urgence et de mettre en place un système de réclamation des dépenses personnelles. Les employés qui ont engagé des frais d’intérêt pour paiement raté sur leur carte de crédit, faute d’avoir reçu un salaire, peuvent réclamer ces dépenses; même chose pour les frais de compte à découvert et de chèque sans provision. C’est un mécanisme en marge du processus de règlement des griefs.
Le sénateur Neufeld : Vous n’êtes donc pas en mesure de me donner un chiffre. Est-ce bien ce que vous dites?
Mme Finn : Nous n’avons pas de chiffre à vous donner.
M. Aubry : Nos membres sont aussi des professionnels, et ils tentent de régler eux-mêmes leurs problèmes à l’aide du processus mis en place par l’équipe de Phénix. Ils sont au nombre de tous les cas répertoriés par SPAC.
De plus, à l’aide de notre réseau de délégués, quelques membres ont déposé des griefs officiels, mais nous avons réussi à suivre au moins 900 dossiers, qui se dirigent tranquillement vers une résolution. Ils n’engorgent cependant pas le système, au bout du compte, puisque la mécanique derrière tout cela ne fonctionne pas, alors les dossiers sont toujours en attente d’une résolution.
Le sénateur Neufeld : Au début, je me rappelle avoir lu bien des articles dans les journaux sur les ratés du système, mais on a pratiquement arrêté d’en parler. Dans les journaux comme à la télévision, il est rare qu’on aborde le sujet. Mais c’est une erreur monumentale. S’il s’agissait du secteur privé, le propriétaire de l’entreprise serait derrière les barreaux. Cela aurait provoqué un tollé. Mais le gouvernement se fait plutôt discret. Les journaux n’en parlent pas, alors la population n’est pas vraiment au courant de ce qui se passe. Il faut connaître de près ces travailleurs pour être au courant; ils le savent, eux.
Comment expliquez-vous cela? Pourquoi les syndicats ne parlent-ils pas plus fort? Pourquoi ne les voyons-nous pas prendre quelqu’un à la gorge? Ce n’est peut-être pas ce que souhaitent vos membres, mais j’avoue ne pas être habitué à ce genre de réaction.
M. Phillips : Les membres de l’ACEP ne sont pas de grands revendicateurs. Vous ne les verrez pas ruer dans les brancards, sauf en cas de désastre.
Évidemment, des problèmes, il y en a. Les journaux en font la couverture qu’ils veulent. Mais nous sommes toujours disposés à donner des entrevues et à faire état de la situation.
Que seuls 50 griefs officiels aient été déposés face à ce fiasco, cela me paraît assez éloquent. Je ne sais pas. Claude peut peut-être vous en dire plus.
M. Vézina : Je vais vous donner un exemple du type d’appels que nous recevons de nos professionnels. Un employé nous fait part de ses frustrations, mais ne veut pas en discuter avec son gestionnaire, de peur d’avoir une tache à son dossier, et ne veut pas non plus déposer un grief officiel. Le commentaire qui revient constamment est le suivant : « Avec tout ce qu’on voit dans la presse, à quoi bon déposer une plainte ou un grief? ». Rien n’a été réglé, et le gouvernement n’a toujours pas de solution à offrir.
Ce que j’en conclus, c’est que les gens ont perdu espoir. Ils attendent que le gouvernement trouve enfin le moyen de régler tout cela. C’est le sentiment généralisé.
M. Aylward : Vous avez tout à fait raison, sénateur Neufeld. Au début, les médias en parlaient. Mais c’est vite devenu une vieille nouvelle, et les vieilles nouvelles n’intéressent pas les médias. Ils veulent du sensationnel. Ils ont exploité le filon pendant les six premiers mois environ. À Ottawa, dans la région de la capitale nationale, c’est encore d’actualité uniquement en raison du nombre de gens touchés.
Pour ce qui est de prendre quelqu’un à la gorge ou de passer à l’action, je soulignerai simplement que cela fera deux ans le 28 février. Merci.
M. Aubry : Nous vous invitons à vous joindre à nous pour les célébrations du 28.
Nos membres sont des fonctionnaires. Ils sont là pour servir la population, pas pour se plaindre. Ils ont accepté de suivre le processus et de souffrir le temps qu’il faudra pour résoudre la situation. Ils tiennent bon.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci de votre présence parmi nous. On a rencontré hier les gens qui représentent l’organisation, la partie patronale. C’est un gâchis tellement important, qui est tellement grand et qui touche ce qu’une organisation a de plus important, ses ressources humaines. Il est assez décourageant de voir cela en 2018.
Parmi les éléments dont nous avons traités hier, j’ai demandé à M. Linklater si l’ampleur du gâchis demandait la coopération de tout le monde, tant des gestionnaires, des cadres supérieurs, des gestionnaires intermédiaires sur le terrain, des employés que des syndicats. Il faut que tout le monde puisse donner un coup d’épaule pour qu’on puisse arriver à résoudre cette problématique le plus rapidement possible. Il y a déjà deux ans que ça traîne. On espère que, au bout du tunnel, ça va se régler. La réponse de M. Linklater — et j’aimerais bien avoir la vôtre — est qu’il y avait une bonne collaboration et une transparence quant aux échanges d’information entre les employés, les dirigeants et vous, les syndicats.
Par contre, j’étais surpris tantôt de vous entendre dire, à titre d’exemple, lorsque vous répondiez à M. Aylward, qu’il y avait des centres d’appels à Toronto, mais que vous ne saviez pas si les employés qui y travaillent font partie des 900 personnes engagées ou pas. Selon votre point de vue, est-ce qu’il y a vraiment une collaboration qui est transparente, qui est saine entre les parties concernées, les dirigeants, les employés et vous, les organisations syndicales? Est-ce que cette condition, qui, à mon avis, est incontournable, de favoriser une confiance mutuelle et une approche respectueuse, mais aussi transparente quant au partage d’information, est-ce que cet environnement est en place pour que tout le monde puisse contribuer à résoudre ce gâchis incroyable?
[Traduction]
M. Aylward : Je dirais que c’est une tentative de transparence, d’ouverture et de collaboration.
Comme je le mentionnais tout à l’heure, on peut nous promettre un rapport à la réunion suivante, puis la réunion passe et le rapport se fait toujours attendre. Évidemment, cela nous pousse à douter de l’authenticité de ces efforts de transparence et de collaboration.
M. Phillips : Généralement parlant, l’intention est là. C'est difficile de nier qu’il y a véritablement un énorme problème, que Phénix est brisé. Il est impossible de réparer le système dans l’immédiat. C’est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
Il est possible de trouver un sous-ministre qui souhaite réellement réparer les pots cassés, mais sans le personnel requis… Le centre d’appels de Miramichi n’a pas la capacité voulue pour répondre aux appels : 15 000 personnes ont tenté d’appeler avant la date limite du 19 janvier, mais 10 000 d’entre elles n’ont pas réussi à avoir la ligne. Le sous-ministre a beau avoir les meilleures intentions du monde, que peut-il vraiment faire si le système est brisé à la base?
[Français]
M. Vézina : Je crois que les gens sont là et que, du côté politique — certainement notre syndicat —, les gens sont prêts à consacrer des ressources pour travailler avec le gouvernement et essayer de régler ces enjeux le plus vite possible. Je suis certain que nos membres nous appuieraient, et ce, sur n’importe quelle approche, si cela peut nous aider.
M. Aubry : Je serais d’accord pour dire que l’intention politique est là; aider, contribuer et travailler ensemble. Cependant, les ressources humaines, les conseillers à la paie manquants ou qui n’ont pas la formation adéquate pour faire le travail contribuent en partie au problème. L’autre lacune concerne le volet technologique, car le système ne fonctionne pas. Même si la volonté politique existe, tant que le logiciel n’est pas corrigé, cela ne fonctionnera pas. Tant que les conseillers à la paie ne seront pas là pour entrer les données adéquates dans le système, cela ne fonctionnera pas. C’est bien beau la bonne volonté, mais, dans le fond, il faut que le système soit corrigé, et on est loin de la coupe aux lèvres.
Le sénateur Forest : Mme Cléroux, de la Direction des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor, nous disait qu’un des éléments les plus déterminants qui ont causé cette problématique est une question de culture sur la façon de traiter correctement et rapidement les changements. Elle nous disait qu’une formation en ligne est offerte actuellement et que deux cinquièmes des gens concernés l’avaient suivie. On parle de 40 p. 100. Il reste quand même 60 p. 100. Je lui ai demandé si les gestionnaires locaux incitent les gens à suivre cette formation au plus vite. Est-ce que les membres du syndicat sont motivés à suivre cette formation? Si vous dites que c’est l’un des problèmes majeurs et que le traitement des changements et des données est l’une des causes importantes de l’échec du système, tout le monde devrait accorder la priorité à cette formation. Êtes-vous d’accord?
M. Aubry : J’ai entendu son témoignage hier, et, en ma qualité d’ancien développeur de logiciel, lorsqu’un logiciel est bien conçu, toutes les conditions existent pour qu’il fonctionne. Quant à la situation que Mme Cléroux a décrite concernant les transactions qui doivent être entrées dans le système le plus rapidement possible, l’ancien système n’imposait pas ce critère, et il fonctionnait. Quelque part, lors du développement du nouveau système, ils ont laissé tomber cette fonctionnalité. Donc, cela a créé une lacune dans le système actuel, qui a été mal conçu. Oui, je suis d’accord pour dire qu’on peut former les fonctionnaires pour entrer les données le plus rapidement possible dans le système, mais c’est une lacune que le système ne soit pas bien adapté à la condition d’avant.
[Traduction]
M. Aylward : En ce qui concerne les formations, Mme Cléroux a mentionné deux aspects. Premièrement, nous avons demandé de rendre les formations obligatoires, et nous avons eu comme réponse que le gouvernement ne pouvait pas le faire. Le gouvernement ne pouvait pas les rendre obligatoires. Le nombre d’employés qui les ont suivies ne me surprend donc pas. Qui plus est, les formations sont offertes avec deux ans de retard.
[Français]
Le sénateur Forest : Vous nous dites que l’image de marque de Phénix est belle et que le gouvernement ne veut pas le laisser tomber. Je peux vous dire que si j’en étais le propriétaire, je serais un peu gêné d’aller vendre Phénix à un autre gouvernement, surtout s’il avait failli à la tâche antérieurement. Il y a un processus d’appel d’offres et tout le processus normal lié au développement d’un système. Vous êtes informaticien, vous le savez, mais, dans tout le processus pour arriver à un pareil gâchis, quelque chose s’est passé. Il y a eu un soumissionnaire, IBM avec PeopleSoft. Dans le processus d’appel d’offres, le contrat a été donné un an ou deux après la décision, il y a eu six ans de préparation du système, on a mis le système en marche et il n’a pas fonctionné du tout. Comment pouvez-vous expliquer cela?
M. Aubry : J’ai hâte de voir le deuxième rapport du vérificateur général. Oui, on trouve malheureux qu’un seul soumissionnaire ait pu être considéré dans ce processus, surtout qu’il a été démontré que ce soumissionnaire a eu des problèmes par le passé. Davantage de questions auraient dû être posées. C’était aussi pendant la période où l’ancien gouvernement essayait de sabrer un peu partout et d’être minutieux dans sa façon de dépenser l’argent pour avoir un beau budget. Est-ce que cela a biaisé le processus de sélection pour limiter les besoins de ce système et faire en sorte qu’il ne fonctionne pas? Possiblement. On déplore le fait qu’il y ait eu un seul soumissionnaire et que le contrat ait été donné en sous-traitance.
Le sénateur Forest : Vous proposez que le gouvernement mette de côté le système de paie Phénix qui touche les 13 000 informaticiens pour que ces derniers développent un nouveau système. Les 13 000 informaticiens ont des mandats. S’ils partent pour développer un système de paie, cela va entraîner d’autres problèmes ailleurs. J’aimerais connaître votre position sur le fait que le gouvernement utilise ses ressources internes pour développer un nouveau système. Est-ce que cela se ferait en parallèle? Si on regarde ce qui s’est passé avec Phénix, c’est tout un mandat.
M. Aubry : On considérerait une bonne approche en deux volets. D’abord, il y aurait une équipe qui continuerait à maintenir le système actuel et qui essaierait de résoudre les problèmes autant que possible afin que les gens puissent être payés aujourd’hui. En parallèle, il y aurait une deuxième équipe, composée d’un certain nombre de spécialistes en informatique qui ferait l’analyse, la conception et le développement du nouveau système, qui serait mis en oeuvre après avoir été bien testé et bien intégré, étape par étape avec tous les ministères, en fonction de toutes les conventions collectives. Donc, il s’agirait de maintenir le système actuel jusqu’à ce que le nouveau système soit prêt. C’est l’option qu’on envisagerait.
Le sénateur Forest : Les cadres supérieurs et les gestionnaires de haut niveau sont-ils payés par le système de paie Phénix?
M. Aubry : Je crois qu’ils ont un système légèrement différent et qu’ils ne sont pas touchés.
[Traduction]
M. Aylward : Concernant vos commentaires au début, monsieur le sénateur, sur Phénix et le propriétaire de Phénix, Phénix est seulement le nom donné au système. Le système de paye est PeopleSoft North America, et c’est un produit d’Oracle. Travaux publics et Services gouvernementaux a organisé à l’époque un concours pour trouver le nom du nouveau système de paye, et c’est Phénix qui a été retenu pour une raison quelconque. Je crois qu’un sénateur a fait allusion à la définition du mot « phénix » dans le dictionnaire.
Je vous rappelle que, lorsque toute l’administration de la paye et la fusion des systèmes ont été annoncées au départ, le gouvernement a annoncé que cette mesure permettrait d’économiser 70 millions de dollars par année. Il était question de demander à IBM d’adapter le système.
Nous croyons que le gouvernement a embauché IBM et lui a demandé de faire A, B, C et D. Les gens d’IBM sont arrivés et ils ont fait A, B, C et D. Nous aurions dû leur demander de faire de A à Q, mais nous ne l’avons pas fait en raison des économies possibles. Au lieu d’économiser 70 millions de dollars par année, je crois que nous avons plutôt déjà flambé environ 10 ans d’économies.
La sénatrice Cools : J’aimerais remercier tous les témoins de leur présence devant le comité. Je vous écoute attentivement. Le portrait que vous avez dépeint est vraiment navrant. Cette situation est désolante pour moi, pour nous, pour vous tous et en particulier pour tous les gens qui n’ont pas reçu leur paye exacte. C’est extrêmement troublant.
En vous écoutant, je me disais que le comité devrait prendre des mesures énergiques, mais je n’ai pas réussi à trouver quelque chose qui serait à la fois énergique et utile.
Je me suis dit que je pourrais vous poser la question. Que nous suggérez-vous de faire — trois ou quatre choses — pour réussir d’une manière ou d’une autre à rectifier, à corriger ou à améliorer la situation?
Il a une suggestion. Il est prêt à y aller.
M. Phillips : J’ai formulé des suggestions pour aider les gens.
La sénatrice Cools : Je voulais dire des mesures que pourrait prendre notre comité sénatorial.
M. Phillips : Malheureusement, je ne sais pas ce que vous avez le pouvoir de faire. Je tiens à souligner…
La sénatrice Cools : Vous devriez essayer de le découvrir.
M. Phillips : Parfait; rédigez des chèques.
Je viens de Statistique Canada, comme je l’ai mentionné plus tôt. C’est l’un des ministères où la situation est la meilleure, étant donné que nous avons moins de problèmes découlant de Phénix que les autres ministères. Nous avons été en mesure de conserver nos employés responsables de la paye qui sont là pour nous aider. J’ai encore l’impression de faire partie de Statistique Canada; j’en parle comme si c’était mon organisme, parce que j’y ai travaillé plus de deux décennies.
Le personnel y était phénoménal. Il y avait des employés responsables de la paye sur place pour aider les employés qui avaient des problèmes. Le personnel était aussi proactif; il voyait les employés qui ne recevaient aucune paye. Il s’en rendait compte une semaine d’avance et il communiquait avec l’employé concerné pour lui expliquer qu’il y avait une anomalie avec sa paye et lui offrir de manière proactive une avance de salaire d’urgence avant qu’arrive la période de paye.
Selon ce que j’en comprends, dans bon nombre de ministères, un employé se rendait compte le jour de la paye qu’il n’y avait rien dans son compte. C’était une grosse surprise. Cependant, étant donné que nous avions des conseillers en rémunération et un tel processus en place pour la paye, le personnel communiquait avec les employés qui étaient touchés par des problèmes de paye avant le jour de paye pour leur offrir de manière proactive une solution.
Si vous suivez un tel modèle et que vous élaborez des pratiques exemplaires — je ne suis pas en train de dire que ce qui se faisait à Statistique Canada était parfait, et je suis certain que nous retrouvons aussi de très bonnes pratiques dans bon nombre d’autres ministères —, vous pourriez recenser ces pratiques et les diffuser.
Mon collègue de l’alliance a souligné que réembaucher des conseillers en rémunération serait probablement l’une des premières étapes. Il faut que les conseillers en rémunération retournent dans les ministères pour aider les gens. Comme vous l’avez entendu, vous pouvez vous rendre au quatrième étage pour parler à un conseiller en rémunération.
Nos membres ne comprennent même pas comment lire leurs talons de chèque et encore moins comment calculer le montant qu’ils devraient recevoir. Bon nombre de gens ne savent même pas ce que leur paye devrait être.
La première étape devrait être d’embaucher des conseillers en rémunération qui travailleraient dans les ministères en vue d’aider les gens pour que les employés puissent en fait aller voir leur conseiller en rémunération avec leur talon de chèque et lui demander s’ils reçoivent un sous-payé ou un trop-payé. Ces conseillers peuvent aussi agir de manière plus proactive et communiquer avec les employés qui ne recevront aucune paye avant que cela se produise et que leurs prélèvements automatiques passent dans leur compte bancaire alors qu’ils n’ont pas reçu leur paye. Des employés payent peut-être leur carte VISA ou leur hypothèque, par exemple, au moyen de prélèvements automatiques, mais ils pourront prendre des dispositions en ce sens s’ils sont avertis une semaine d’avance. Je me fais l’écho des commentaires faits plus tôt.
M. Aylward : Sénatrice Cools, merci de la question.
L’un des aspects dont nous devons nous rendre compte ici, c’est que nous devons tirer des leçons de tout cela. L’une des leçons apprises dont doit tenir compte le gouvernement, c’est que chaque fois que vous voulez moderniser quelque chose il faut écouter les employés qui effectuent le travail ou qui effectuaient le travail.
Plus tôt, la sénatrice Marshall a fait une excellente suggestion; elle a suggéré que votre comité se rende à Miramichi pour rencontrer les travailleurs. Je tiens à souligner de nouveau que, si vous le faites, assurez-vous que les employés peuvent s’exprimer librement. Les employés vous diront ce qui se passe vraiment. Ce sont eux qui vous donneront des suggestions et des options judicieuses par rapport à ce qu’il faut vraiment faire. Ils vous diront qu’ils n’entrent rien dans le système de paye Phénix. Ils remplissent actuellement des feuilles de calcul Excel et ils entrent manuellement l’information. Le système est à ce point défectueux.
Je crois que la suggestion de la sénatrice Marshall d’aller à Miramichi pour rencontrer les travailleurs est une excellente suggestion pour votre comité.
La sénatrice Cools : Cela me semble une bonne idée. Je crois que nous devrions bientôt nous prononcer sur cette idée.
Le président : Passons à la deuxième série de questions.
La sénatrice Marshall : J’ai dressé une liste de toutes vos suggestions pour les avoir en main.
Le prochain problème que je vois poindre à l’horizon est les T4. Les employés ont-ils commencé à recevoir leur T4? Pas encore?
M. Aylward : Non. Services publics et Approvisionnement Canada, qui est chargé de l’émission des T4, nous a en gros dit que ce ne sera pas fait avant la troisième semaine de février.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il quelque chose que les syndicats et les associations pourraient faire maintenant à titre préventif? Des gens recevront des T4 erronés. Cela ne fait aucun doute. Beaucoup de gens recevront des T4 erronés. L’un d’entre vous a mentionné de peut-être demander à l’Agence du revenu du Canada de prolonger la période pour produire les déclarations de revenus.
Est-ce qu’il y a quelque chose de ce genre que vous pouvez faire de façon proactive, en prévision des problèmes qui vont invariablement arriver? On peut s’attendre à de gros problèmes avec les T4.
Mme Finn : L’une de ces choses est le décret de remise relatif aux trop-payés. La date limite pour le signalement des trop-payés a été reportée, comme M. Aylward l’a dit dans sa déclaration, pour éviter aux fonctionnaires de rembourser le montant brut des trop-payés. Les trop-payés représentent l’une des plus graves incidences en matière d’impôt.
L’un des enjeux, c’est que les T4 des gens allaient être modifiés s’ils déclaraient les trop-payés pour le 19.
Comme M. Aylward l’a dit, nous craignons sérieusement que cette information n’ait pas pu être saisie.
La sénatrice Marshall : Ce ne sera pas fait, n’est-ce pas?
Mme Finn : En effet. Nous avons de très bonnes raisons de croire que ce ne sera pas fait.
En gros, le décret de remise signifierait que la différence entre le montant net et le montant brut n’aurait pas à être remboursée. Les gens devront essentiellement ne rembourser que le montant net. Ils ont dit aux gens de faire leur déclaration de revenus à temps et d’essayer de régler le problème après.
Je crois que le véritable souci des gens, c’est l’idée de devoir rembourser un montant supérieur à ce qu’ils ont reçu. Je pense que les gens vivraient un tout petit peu moins de stress s’ils n’avaient pas cette menace, même s’ils reçoivent un T4 erroné pour d’autres raisons. Certaines personnes ont eu des trop-payés dans certains cas, et des moins-payés dans d’autres. Il est absolument impossible, en ce moment, d’accorder la priorité à l’examen entier du cas de chacun, et cela fait partie du problème global.
Je crois que le gouvernement pourrait opter maintenant pour le décret de remise concernant le montant net par rapport au montant brut, et cela atténuerait en grande partie les angoisses des gens.
La sénatrice Marshall : Je sais que l’Agence du revenu du Canada a ses propres problèmes, pour ce qui est de répondre aux appels qu’elle reçoit, mais est-il possible d’organiser quelque chose avec l’ARC, par exemple, pour qu’elle ouvre des lignes téléphoniques distinctes pendant un certain temps pour les fonctionnaires fédéraux?
Emily Watkins, conseillère principale à la présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Des mesures ont été prises l’année passée. Nous en sommes maintenant à la deuxième période des impôts marquée par des problèmes récurrents.
La sénatrice Marshall : Ils ont donc de l’expérience, maintenant.
Mme Watkins : Il y a eu du triage au centre d’appels, et les employés étaient aiguillés vers un employé de l’ARC qui était mieux en mesure de les aider avec leur situation particulière.
La sénatrice Marshall : Est-ce que cela fonctionnait?
Mme Watkins : Cela fonctionnait, et nous espérons qu’ils vont faire la même chose cette année.
La sénatrice Marshall : Vous pourriez leur en faire la suggestion.
Mme Watkins : La situation est compliquée, car, ils sont capables de donner la priorité aux cas extrêmes, comme ils vous l’ont dit hier. Cependant, vous avez toujours ce nombre énorme de personnes qui n’ont pas ce qu’on appelle des dossiers de paye de haute priorité, mais qui ont peut-être été privées de paye pendant de longues périodes, ou qui n’ont pas eu certaines indemnités ou la rémunération de leurs heures supplémentaires, ce qui peut représenter des montants considérables, et elles peuvent avoir reçu un trop-payé. Cependant, les autres problèmes n’ont pas été corrigés. Vous pouvez voir la cascade de problèmes qu’ils ont.
La sénatrice Marshall : C’est vrai. Des personnes retraitées continuent de recevoir leur paye, ce qui fait que leurs prestations de pension sont erronées, de même que leurs déductions. Cela ne finit plus. Je parle avec des fonctionnaires de Terre-Neuve-et-Labrador.
Quelqu’un a aussi dit qu’il faudrait cesser de percevoir les trop-payés pour le moment et laisser cela de côté.
J’ai aussi lu quelque part qu’on disait de ne pas tenir compte des montants inférieurs à 100 $, ou même à 500 $. Est-ce une bonne idée? Le savez-vous, quand vous êtes mis au courant d’un problème, que ce sera moins de 100 $, ou moins de 500 $?
Mme Watkins : Quand on établit qu’un cas implique une faible somme d’argent, cela ne signifie pas que la personne en question n’a pas de sérieux problèmes. Un de nos membres nous a signalé récemment ne pas avoir accès aux prestations liées à son régime de soins dentaires. C’est un problème courant, de même que les changements aléatoirement apportés à leurs prestations. Cette personne nous a dit : « Je repousse les soins dentaires dont j’ai besoin depuis maintenant 12 mois. » C’est un problème qu’on n’estime pas d’ordre pécuniaire, mais cela devient un problème considérable.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Pratte : Monsieur Aubry, j’aimerais revenir sur votre proposition de remplacer le système Phénix par un système conçu et bâti par vos membres.
Premièrement, ma compréhension du témoignage des dirigeants de Services publics et Approvisionnement Canada — si on lit entre les lignes, et c’est un peu ce que M. Aylward disait — est la suivante. Au fond, ils disent ceci : « C’est nous qui avons pris les décisions et qui avons dit à IBM quoi faire. IBM a fait ce que nous lui avons dit de faire, donc, les erreurs, au fond, c’est nous qui les avons faites. » Ils semblent donc dire que ce n’est pas IBM qui est responsable, et ils ne lui jettent pas le blâme.
Deuxièmement, je ne veux pas du tout enlever le mérite qui revient à vos membres, mais il y a sûrement plusieurs gouvernements, entreprises privées et multinationales, même plus grosses que le gouvernement fédéral du Canada, qui fonctionnent avec des systèmes de paie. Il y a sûrement des multinationales de 500 000 employés à travers le monde qui ont des systèmes de paie aussi complexes que ceux du gouvernement du Canada et qui utilisent des logiciels qui fonctionnent bien.
Je me pose la question suivante : si on allait voir à l’aide de quels outils les sociétés Apple ou Microsoft paient leurs employés pour voir s’ils ont des systèmes de paie qui fonctionnent? Je ne vois pas pourquoi nous voudrions bâtir de zéro un système de paie et d’assumer les risques de repartir à zéro encore une fois. Je m’interroge un peu. Je sais bien que le gouvernement fédéral, c’est compliqué et qu’il y a des règles distinctes, mais je me demande si c’est vraiment le problème ou si le problème n’est pas tout simplement que, pour plusieurs raisons, on a donné à IBM des instructions qui n’étaient pas les bonnes et que c’est à partir de là qu’ont commencé les problèmes.
M. Aubry : On reconnaît que le système de paie au fédéral est très complexe et très large; il comprend 27 conventions collectives. Il y a énormément de ministères impliqués et plein de règles d’affaires compliquées. Ce genre de règles existent peut-être dans d’autres entreprises, c’est possible.
Le développement du système de paie Phénix qui s’est fait au cours des dernières années a malheureusement été biaisé par des intérêts politiques. Il fallait réduire les dépenses ou on voulait l’obtenir rapidement; des jeux ont eu lieu en coulisses quant aux fonctionnalités qui devaient être développées et à quel moment. Ensuite, on voulait en ajouter ou en modifier. Tout un jeu politique a probablement eu lieu en coulisses pendant la période de développement.
On peut penser qu’un système développé à l’interne par des fonctionnaires, dont le but ultime est d’avoir un système de paie qui fonctionne, ne serait-ce que pour sa propre paie, aurait contribué à cet intérêt; cela aurait probablement mieux fonctionné qu’un outil développé par le secteur privé qui est existe pour faire de l’argent et pour lequel, si le système ne fonctionne pas, mais qu’il a un bon contrat de maintenance, il sera bien heureux. Les fonctionnaires auraient été plus diligents dans le développement d’un système fonctionnel, étant donné l’intérêt de tous envers le résultat.
À l’heure actuelle, malheureusement, nous avons un système composé de « codes spaghetti », puisque les composantes ne se tiennent pas ensemble. On appuie sur un bouton et ce sont les retenues d’impôt provincial qui ne fonctionnent pas, et tantôt ce sera autre chose. Un bon système doit être développé de A à Z, étape par étape, dans le bon ordre, afin que toutes les pièces se tiennent ensemble. Malheureusement, ce n’est pas le résultat obtenu avec le développement du système de paie Phénix.
Le sénateur Pratte : Je pose aussi la question à chacune des personnes. Monsieur Aubry, vous êtes clairement arrivé à la conclusion qu’il n’y a rien à faire avec le système Phénix et qu’il faut repartir à zéro. C’est un gros changement, parce qu’il faut repartir à zéro et tout de même arriver à ce que le système actuel puisse fonctionner pour les centaines de milliers de personnes qui sont en attente d’un autre système pendant les années qu’il faudra pour développer un nouveau système, que ce soit celui que vous allez concevoir ou celui que le gouvernement achètera.
M. Aubry : Nos membres ne veulent pas attendre huit ans pour que cela fonctionne, comme c’est le cas en Australie.
Le sénateur Pratte : Je comprends, mais même si vous développez vous-même un système, cela ne se fera pas la semaine prochaine. Il faudra prévoir un certain temps.
[Traduction]
Si les autres groupes arrivent également à la conclusion que le système Phénix est irréparable et que le gouvernement doit par conséquent passer à un autre système, conçu à l’interne ou venant du secteur privé ou d’ailleurs.
M. Phillips : D’après ce que je comprends, il a fallu huit ans à l’Australie pour réparer le même système. Est-ce huit ans? Cela ne fonctionne toujours pas.
Il vaut à tout le moins la peine de faire intervenir nos collègues de l’IPFPC et d’envisager un échéancier. Est-il au moins raisonnable de commencer à penser au temps qu’il leur faudrait pour créer un système? Au moins, il faut explorer cette possibilité, puis déterminer la suite des choses.
Si vous n’examinez pas toutes les options — et c’est une option très viable —, qu’allez-vous faire, alors? Le système de l’Australie ne fonctionne toujours pas. Je pense, comme mon collègue, qu’il faut au moins un échéancier.
M. Aylward : L’Alliance de la Fonction publique du Canada a déclaré être prête à accepter n’importe quel nouveau système, conçu par n’importe qui, du moment qu’il fonctionne et que nos membres reçoivent la paye qui leur est due, et à temps. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Cependant, n’oublions pas les leçons tirées de Phénix. Si nous choisissons cette voie, veillons à ne pas refaire la même erreur, car c’est nous qui devrons avoir honte.
Veillons à parler aux gens qui ont fait le travail ou qui font le travail. Veillons à l’exercice de la diligence raisonnable. Veillons à ce que le système soit convenablement mis à l’essai. Veillons à ce que les gens soient convenablement formés. Et veillons à ce que le système fonctionne avant de le déployer.
Le président : Merci.
La sénatrice Eaton : Je veux revenir sur la formation. Que Phénix reste ou qu’un tout autre système soit adopté, avez-vous été en mesure d’amener le gouvernement fédéral à changer d’idée concernant la formation des superviseurs de la paye ou des conseillers à la paye, qui ne dure que trois mois?
M. Aylward : Non, malheureusement. C’est leur nouveau programme de formation. Comme on l’a indiqué plusieurs fois, les employés du secteur privé qui travaillent dans le centre d’appels, à Toronto, disent simplement : « Bonjour. Merci de votre information. Nous allons la transmettre à quelqu’un. » Ils ne possèdent absolument aucune connaissance du système de paye.
La sénatrice Eaton : À qui transmettent-ils l’information?
M. Aylward : À un bureau satellite ou à Miramichi.
La sénatrice Eaton : Dans quelle proportion peut-on attribuer la lenteur du système ou son incapacité de payer les employés à temps et convenablement à la formation ou au nombre insuffisant de conseillers à la paye? Est-ce 50 p. 100, 30 p. 100, 40 p. 100?
Mme Finn : Je crois que ce genre de chose est difficile à mesurer.
La sénatrice Eaton : Donc, vous avez le logiciel qui n’a pas été convenablement conçu, puis vous avez la formation qui est insuffisante.
Mme Finn : Oui. Mais pour la formation insuffisante, cela dépend de ce que vous entendez concernant les personnes qui recevaient la formation. Je pense qu’une des plus importantes lacunes en matière de formation, c’est que le système Phénix était censé télécharger, en fait, le travail, vers les employés particuliers. C’était censé être un système avec lequel les employés pourraient interagir et dans lequel ils devaient pouvoir saisir beaucoup de leurs propres informations.
La sénatrice Eaton : C’est chaque employé?
Mme Finn : Chaque employé, oui, et non un conseiller à la paye. Mais personne n’a eu cette formation.
La sénatrice Eaton : Donc, les employés n’ont pas eu de formation?
Mme Finn : Les employés n’ont pas eu de formation à l’utilisation du système. La formation dont vous parliez, ils ont fait des pressions pour qu’elle soit obligatoire, et nous avons dit qu’elle venait deux ans trop tard.
La sénatrice Eaton : Donc, je suis une employée, je suis là et je ne suis pas payée. J’aurais dû avoir de la formation me permettant d’accéder à Phénix avec mon ordinateur et de dire : « Je ne suis pas payée, ou j’ai été trop payée »?
Mme Finn : La formation dont je parle porte sur la façon d’utiliser le système s’il fonctionnait comme il se doit. C’est pour la saisie de vos heures supplémentaires et ce genre de choses. Cette formation n’était pas donnée, et il y avait beaucoup de problèmes RH-paye, concernant l’information saisie, le gestionnaire de cette personne…
La sénatrice Eaton : Donc, l’employé saisit sa propre information, par exemple, pour un départ en congé de maternité, ou pour 16 heures supplémentaires travaillées la semaine passée, et ainsi de suite.
Mme Finn : Oui. Ensuite, il faut que ce soit approuvé par le gestionnaire, alors le gestionnaire doit aussi aller dans le système pour cela. Mais personne n’a eu de formation, à savoir qu’il est très important de faire ceci ou cela avant telle date, sans quoi…
La sénatrice Eaton : Donc, les 6 000 employés n’ont pas eu cette formation?
Mme Finn : Oui. C’est, en gros, l’un des problèmes.
En ce qui concerne la formation, ils ont éliminé 1 000 postes de conseillers à la paye, puis ils ont créé des postes au Centre des services de paye de Miramichi. Certains superviseurs à la paye d’expérience sont partis là-bas, mais pas tous. Ces personnes avaient eu une formation de deux ans. Ce sont elles qui ont signalé les problèmes, au moment du déploiement du système, et qui ont dit qu’il n’était pas prêt et qu’il fallait arrêter, mais on ne les a pas écoutées.
Le problème, c’est que le rêve d’avoir moins de conseillers à la paye en les remplaçant essentiellement par un programme informatique pour en réduire le nombre n’a pas très bien fonctionné. Je crois que le problème, c’est qu’il faudra du temps pour rétablir cette capacité.
La sénatrice Eaton : Et pour former tous les employés.
Mme Finn : Mais aussi, pour former les conseillers à la paye.
Je sais que nous revenons constamment là-dessus, mais je pense que c’est un élément important. Une fois que vous éliminez cette capacité au sein de votre organisation, la rétablir prend du temps. Ce que le gouvernement doit faire, c’est présenter un plan clair comportant un exercice de formation solide afin d’aller chercher de nouveaux conseillers à la paye et de les former. Oui, il faudra du temps, mais ils doivent commencer.
La sénatrice Eaton : Je sais que tout le monde est fatigué et veut rentrer à la maison. Avant, est-ce que vous avez un graphique ou un dessin que vous pourriez m’envoyer? Les employés sont à leur ordinateur et saisissent leur information. Où cela va-t-il? Que fait le conseiller à la paye? Envoyez-nous simplement un diagramme qui nous montre toutes les interfaces. Pourriez-vous faire cela pour nous?
Mme Finn : Oui.
Le président : Pouvez-vous transmettre à la greffière ce que la sénatrice Eaton vous a demandé?
Je sais, madame Watkins, que vous vouliez dire quelques mots à ce sujet.
Mme Watkins : Je pense qu’Heather a presque tout dit à propos de la formation.
Une grosse partie des problèmes est que le système a été déployé, mais nous avons constaté, à une des premières réunions, que le gestionnaire d’un employé ne recevait même pas de notification pour lui signaler un problème de paye dont il devait s’occuper. Donc, même si ses intentions étaient bonnes, il ne savait même pas qu’il avait 10 choses à approuver pour que les gens soient payés comme il se doit.
Le président : Si vous pouvez fournir le diagramme, pour que…
La sénatrice Eaton : Pour que nous puissions voir les relations et la façon dont cela a été manqué.
[Français]
Le sénateur Forest : Je ne comprends pas pourquoi les gens ne voulaient pas aller à Miramichi. C’est un coin magnifique, et les sénateurs du Nouveau-Brunswick sont incroyables.
La sénatrice Eaton : Durant la saison de la pêche au saumon, ce serait bien.
Le sénateur Forest : Vous avez donné énormément d’informations pertinentes. J’aime retenir quelque chose de concret. Il faut que des gens soient responsables, et notre rôle est de demander à ceux-ci de nous rendre des comptes. Quelle serait la recommandation, une priorité à court terme, que vous aimeriez que l’on retienne et sur laquelle on pourrait intervenir? Vous avez parlé de suspendre les remboursements pour les gens qui avaient eu une rémunération excédentaire, vous avez parlé d’engager plus de conseillers en rémunération, ce qui signifie créer carrément un nouveau système. Quelle serait votre recommandation la plus urgente à court terme, et je ne parle pas à moyen ni à long terme?
[Traduction]
M. Phillips : Ma première recommandation, à court terme, serait de cesser de percevoir les trop-payés auprès des personnes qui ont également eu des paiements insuffisants. C’est tout.
M. Aylward : En raison de l’urgence — la date étant le 7 février —, que l’ARC émette un décret de remise et veille à ce que si vous avez été trop payé, peu importe que vous l’ayez déclaré ou pas, vous n’ayez qu’à rembourser le montant net, et non le montant brut.
[Français]
M. Aubry : Les fonctionnaires sont des humains. Il faut les traiter en tant qu’humains et avec respect. Donc, il faut les traiter avec égard, compte tenu des problèmes auxquels ils sont confrontés.
Le sénateur Forest : C’est une recommandation très large. La problématique est plus importante dans le cas de vos collègues qui ont touché une rémunération excédentaire que pour ceux qui ont été sous-payés. La priorité serait de suspendre les remboursements de ceux qui ont touché une rémunération excédentaire. Pas vous, monsieur Aubry, mais vos collègues. C’est ce que je comprends?
[Traduction]
Le président : Êtes-vous d’accord avec ce qu’a dit le sénateur Forest? Avez-vous des commentaires à propos de ce qu’il vient de dire?
M. Aylward : La priorité est de payer les fonctionnaires pour le travail qu’ils accomplissent, à temps et avec justesse. C’est la priorité.
Le président : Merci.
Le sénateur Neufeld : J’aimerais seulement vous poser une question que je voulais vous poser précédemment. Quand le gouvernement actuel a procédé au déploiement du système, je crois que le vérificateur général nous a dit qu’on lui avait indiqué que le système n’était vraiment pas prêt à être mis en service. Je pense, madame Finn, que vous venez de dire que les gens de la paye l’avaient signalé. Le syndicat aurait-il dit la même chose?
Ce que je trouve intéressant, c’est que le gouvernement actuel a ignoré ce conseil et est allé de l’avant, et ils ont maintenant un problème à régler.
L’autre chose, c’est le démantèlement du vieux système. Était-il nécessaire de démanteler l’ancien système de paye avant de lancer le nouveau? En cas de problèmes, au moins, on aurait pu revenir à un système qui fonctionnait, même s’il avait 40 ans.
M. Aylward : Le système a été déployé en 2016 en deux étapes : le 28 février, puis à la fin d’avril. Le gouvernement a nommé une nouvelle personne au poste de sous-ministre à Services publics et Approvisionnement Canada vers le milieu d’avril 2016. C’était Marie Lemay. Plusieurs agents négociateurs ont rencontré Mme Lemay, qui était — je tiens à le souligner — nouvelle dans ce poste. Elle occupait le poste depuis à peu près deux semaines. En tant qu’agents négociateurs, nous sommes allés la voir et lui avons dit : « Nous avons un problème majeur avec le déploiement du 28 février. Nous vous prions de ne pas procéder à la deuxième étape à la fin d’avril, dans deux semaines. » Et elle nous a dit : « Eh bien! On me dit que ces problèmes sont tous résolus et que tout va bien aller, maintenant; c’étaient des cas isolés, et il n’y a pas lieu de vous en inquiéter. »
Elle s’est fait passer un sapin par ses cadres supérieurs, par ses sous-ministres adjoints… Par ses sous-ministres adjoints associés, désolé. C’est de là que vient le problème. Ces personnes, ces cadres supérieurs au sein de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, puis de SPAC, s’étaient tellement investis dans cela qu’ils en ont été aveuglés; ils sont restés aveugles devant les enjeux et les problèmes. Quand la sous-ministre se fait dire de ne pas s’inquiéter, « on a fait régler les problèmes et il n’y en aura pas », et, bien sûr, qu’elle transmet cette information à Mme Foote, la ministre de l’époque, ces deux personnes vont normalement croire ce qu’on leur dit. Comme je l’ai dit, elles se sont fait mener en bateau, malheureusement.
Le sénateur Neufeld : Il y a la deuxième partie de la question. Pourquoi n’a-t-on pas gardé l’ancien système, au cas où quelque chose ne fonctionnerait pas?
M. Aylward : C’est une très bonne question. En 2016, nous avons dit : « Gardez le vieux système. Nous savons qu’il y a des problèmes. Gardez-le. » C’était ce qu’on appelait un système de paye régional. « Continuez à résoudre les problèmes de Phénix. Quand vous pensez qu’il est réparé, remettez-le en ligne, et faites-le seulement pour les députés, les sous-ministres et les sous-ministres adjoints. Et alors, s’il fonctionne, déployez-le pour les employés. »
La question de savoir pourquoi il a été mis hors service est excellente. Je crois qu’ils l’ont mis hors service parce qu’ils étaient, encore là, si investis dans le nouveau système qu’ils voulaient le lancer.
Le président : Bien reçu.
La sénatrice Marshall : Puis-je suggérer au comité directeur d’envisager Miramichi? J’aimerais vraiment cela. Et la question des ministres. Est-ce que nous allons inviter les ministres — le Conseil du Trésor et la ministre Qualtrough, la ministre responsable du ministère — à venir témoigner? Ce sont deux suggestions que je vous fais.
Le président : Absolument. Devrions-nous aussi faire venir IBM?
La sénatrice Marshall : Oui.
Le président : Mesdames et messieurs des syndicats, je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez consacré.
(La séance est levée.)