Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 61 - Témoignages du 21 mars 2018
OTTAWA, le mercredi 21 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, afin de poursuivre son étude sur les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général, notamment les comptes publics, les rapports du vérificateur général et les finances publiques.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je suis Percy Mockler, un sénateur du Nouveau-Brunswick, et je préside ce comité. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont avec nous dans la salle et aux téléspectateurs de partout au pays qui suivent la réunion à la télévision ou en ligne. Je rappelle à ceux qui suivent les débats que les audiences du comité sont ouvertes au public et diffusées en ligne à sencanada.ca.
[Français]
Je demanderais aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
[Français]
Le président : J’aimerais présenter la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que nos analystes, M. Sylvain Fleury et M. Alex Smith, qui appuient également les travaux de ce comité.
[Traduction]
Nous poursuivons ce soir notre étude sur les problèmes liés au système de paye Phénix. Au cours de la deuxième partie de notre réunion, nous accueillerons la ministre de Services publics et Approvisionnement Canada, mais auparavant, dans la première partie, nous accueillons des représentants de deux ministères qui gèrent leurs systèmes de paye d’une façon différente.
Pour nous parler de leurs approches respectives, nous avons avec nous des représentants de Statistique Canada.
[Français]
Avant de vous les présenter, je vous informe qu’il s’agit de leur première comparution devant un comité sénatorial. Au nom du Sénat du Canada, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions de votre temps et de votre disponibilité.
[Traduction]
Nous accueillons Monia Lahaie, statisticienne en chef adjointe, Services intégrés, et dirigeante principale des finances.
[Français]
Nous recevons également Mme Stacey Money, directrice générale des ressources humaines à Statistique Canada.
[Traduction]
Enfin, nous avons Martin Chapman, directeur, Division des services financiers et administratifs.
Nous avons aussi des représentants d’un autre ministère, Service correctionnel Canada, qui accompagnent le groupe ce soir. Nous sommes honorés également de vous accueillir et que vous nous accordiez de votre temps. J’aimerais donc vous présenter tout d’abord Nick Fabiano, commissaire adjoint par intérim, Gestion des ressources humaines, et John Kearney, directeur principal par intérim, Modernisation des RH et gouvernance.
Je vous souhaite donc à tous la bienvenue et vous remercie encore une fois d’être ici avec les membres du comité des finances du Sénat du Canada. La greffière m’a informé que le premier témoin à faire son exposé sera Mme Lahaie, et ce sera ensuite au tour de M. Fabiano. Madame Lahaie, vous avez la parole.
Monia Lahaie, statisticienne en chef adjointe, Services intégrés, et dirigeante principale des finances, Statistique Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie d’offrir à Statistique Canada l’occasion de venir vous donner un aperçu de la situation de la paye à l’agence.
J’aimerais commencer par remercier mes collègues, Mme Money et M. Chapman, qui m’accompagnent aujourd’hui, et remercier aussi leurs équipes respectives de leur dévouement à l’égard de nos employés. Je tiens aussi et surtout à remercier nos employés de leur patience et de leur collaboration pendant que nous essayons de régler les problèmes liés à la paye. Toute l’équipe de gestion, du statisticien en chef aux superviseurs de première ligne, s’est donné comme objectif de réduire autant que possible les répercussions des problèmes liés au système de paye et d’éviter que les employés se retrouvent dans une situation difficile. L’établissement de liens de communication bidirectionnels et proactifs a été déterminant à cet égard. L’organisation s’est également dotée de ressources additionnelles et a entretenu une relation de collaboration transparente avec les agents négociateurs.
[Français]
Je vais d’abord faire un survol de notre contexte. Environ 5 500 fonctionnaires travaillent à Statistique Canada, ainsi qu’environ 2 000 intervieweurs d’enquête au pays. Notre effectif est encadré par 5 syndicats et 11 conventions collectives. Statistique Canada faisait partie de la deuxième vague de l’initiative de transformation de l’administration de la paye et est passée à Phénix en avril 2016.
En raison de la particularité de notre effectif et des importantes variations dans notre charge de travail, nous comptons parmi un sous-groupe de six organisations qui ne sont pas desservies par le Centre des services de paye de la fonction publique et qui sont dotées d’une interface électronique pour transférer des données des systèmes de ressources humaines existants à Phénix. Ces organisations sont désignées comme des organismes avec services web. Bien que notre système et nos propres capacités permettent une certaine mesure de surveillance et de contrôle, nous ne sommes pas à l’abri des difficultés que connaissent les autres ministères. Permettez-moi d’aborder brièvement ce sujet.
[Traduction]
Premièrement, Statistique Canada a gardé en poste ses équipes de conseillers en rémunération régionaux pour traiter les transactions et aider les employés. Ces équipes ont une connaissance extrêmement précieuse de notre effectif et des interventions de paye. Deuxièmement, des spécialistes dans six bureaux se sont vu assigner un groupe d’employés, et on leur a remis des rapports pour les aider à établir les priorités et à réagir aux signaux avant-coureurs. Cela favorise une communication proactive et la prise de mesures avant que les problèmes ne prennent de l’ampleur. Nous avons instauré une culture de collaboration et d’apprentissage continu. Troisièmement, et même si nous nous heurtons dans une certaine mesure aux mêmes problèmes que les autres ministères dans le maintien en poste de nos conseillers en rémunération, la répartition régionale de l’expertise et de la charge de travail nous a aidés à réduire le roulement de personnel. Enfin, nous avons conservé notre système interne, qui comprend un portail employé axé sur l’utilisateur. Ainsi, du point de vue de l’interface, la transition s’est faite en grande partie de manière transparente pour les employés et les gestionnaires qui n’effectuent pas les interventions directement dans Phénix, mais utilisent le même portail qu’avant la transition. Il n’y a que les conseillers en rémunération et quelques employés des finances qui travaillent avec Phénix au quotidien.
[Français]
La question à poser est donc celle-ci : pourquoi avons-nous encore des cas de paie en suspens? Après la mise en œuvre de Phénix en avril 2016, nos conseillers en rémunération, comme ceux dans la plupart des autres ministères et organismes, ont eu du mal à gérer la complexité du nouveau système. Pour composer avec le volume et la complexité accrue des opérations, Statistique Canada a affecté 18 employés aux équipes chargées de la gestion de la paie, dont 15 conseillers en rémunération à l’équipe, ce qui représente maintenant 45 employés au total.
Avec l’aide de ces ressources, le nombre d’employés avec un cas ouvert a graduellement diminué au cours des derniers mois. Selon notre plus récent rapport, nous avons 1 500 employés avec un cas ouvert de paie à traiter.
[Traduction]
Je vais vous parler maintenant de quelques éléments clés de notre approche de gestion de la paye. Il est indispensable notamment que les équipes des ressources humaines et des finances collaborent pour avoir un portrait global du dossier de chaque employé et une compréhension commune de la situation. Nous avons des procédures de contrôle de la qualité complètes, de bout en bout, qui comprennent des vérifications rigoureuses pré- et post-paiement et qui offrent une garantie additionnelle à nos employés et gestionnaires qui pourraient ne pas avoir remarqué d’anomalies dans leur paye.
Nous utilisons l’analyse des données pour prendre de meilleures décisions en procédant à un tri systématique complet et rigoureux des problèmes de paye. Cela nous aide également à gérer la charge de travail, à suivre les progrès, et à communiquer proactivement avec les employés au sujet de leur dossier et à les aider au besoin.
La complexité des problèmes de paye et le temps de plus en plus long que cela nous prenait pour les régler nous ont amenés à améliorer notre approche concernant la gestion de la charge de travail en ayant recours à l’analyse des données. Cela nous a aidés à établir les priorités pour l’équipe de la rémunération, à respecter les exigences liées à la production de rapports externes, et à concentrer nos efforts sur ce qui serait le plus utile et atténuerait les risques les plus importants. Nous utilisons de nouveaux outils technologiques intelligents pour intégrer des ensembles de données clés provenant de multiples sources internes afin de suivre les progrès et faire rapport sur les problèmes de paye et leurs répercussions sur les rapports financiers et les employés.
En terminant, Statistique Canada a fait beaucoup de progrès pour comprendre la complexité de ses activités de paye dans le nouveau contexte, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Nos procédures continuent d’évoluer, car nous mettons en commun nos expériences avec les autres ministères et collaborons avec les groupes de travail dirigés par les organismes centraux. Nous croyons que ces efforts vous nous aider, tous ensemble, à mieux comprendre la situation et à prendre les mesures nécessaires pour aider les ressources humaines à stabiliser la paye.
Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l’occasion de vous parler de notre expérience. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci. J’inviterais M. Fabiano à nous présenter son exposé, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.
Nick Fabiano, commissaire adjoint par intérim, Gestion des ressources humaines, Service correctionnel Canada : Bonsoir, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Même si je suis encore relativement nouveau en tant que commissaire adjoint intérimaire des ressources humaines du Service correctionnel du Canada, j’ai le plaisir de comparaître devant vous au nom de SCC pour parler du système de paye Phénix. Je suis accompagné aujourd’hui par John Kearney, notre directeur principal par intérim de la modernisation des ressources humaines, qui connaît beaucoup mieux que moi le système de paye Phénix.
Je veux rappeler dès le départ que notre organisme partage la détermination du gouvernement à résoudre les difficultés survenues à la suite de la transition vers le système de paye Phénix. Le Service correctionnel du Canada continue de travailler en étroite collaboration avec Services publics et Approvisionnement Canada pour que notre démarche commune concernant la gestion des problèmes de paye soit rationalisée et efficace. Comme je suis certain que vous entendrez des fonctionnaires de SPAC vous le dire pendant la deuxième moitié de la réunion aujourd’hui, nous convenons tous que notre personnel mérite d’être rémunéré avec exactitude et en temps voulu pour le service qu’il rend aux Canadiens.
Le président : Pourriez-vous ralentir un peu, s’il vous plaît, pour aider les interprètes?
M. Fabiano : J’avais pris note ici également de parler plus lentement.
Le Service correctionnel du Canada est l’un des plus grands ministères de la fonction publique, avec environ 18 000 employés répartis dans tout le pays. L’effectif de notre organisation inclut des agents correctionnels, des agents de libération conditionnelle, des agents de prestation de programmes, des professionnels de la santé, des gens de métier comme des électriciens et des plombiers, des employés responsables des services d’alimentation et des employés occupant des fonctions organisationnelles et administratives aux échelons local, régional et national. Plusieurs de ces emplois sont exercés 7 jours par semaine, 24 heures par jour, et dans des environnements opérationnels présentant des défis très particuliers. Nous sommes fiers du travail accompli par notre personnel au quotidien, et en particulier, de leur dévouement et de leur contribution à la création de collectivités plus sûres. Nous voulons donc profiter de l’occasion pour remercier nos employés de leur patience pendant que nous nous employons à régler les problèmes de paye.
À ce jour, Services publics et Approvisionnement Canada a signalé que plus de 12 000 employés actifs du Service correctionnel du Canada avaient un dossier ouvert au Centre des services de paye comprenant, pour la plupart, plusieurs problèmes liés à la paye. Cela a eu des répercussions importantes sur notre organisme, et les défis affrontés depuis la mise en œuvre du système de paye Phénix sont multiples. Afin d’alléger la charge financière des employés, une centaine d’avances de salaire d’urgence et de paiements prioritaires sont versés par le Service correctionnel du Canada chaque période de paye.
Depuis le passage au système de paye Phénix, le Service correctionnel du Canada a mis en place une série de mesures destinées à aider et à soutenir ses employés touchés par des problèmes de paye. Il a notamment fourni des mises à jour régulières et des documents de référence aux employés, ainsi que des outils et de la formation aux gestionnaires et aux conseillers en RH afin qu’ils puissent informer et soutenir leur personnel. Nous invitons nos employés à communiquer avec leurs gestionnaires s’ils constatent une quelconque anomalie dans leur paye. Nous avons aussi élargi notre centre d’appels et nos services-conseils en ressources humaines afin de pouvoir répondre aux nombreuses questions et demandes d’information liées aux problèmes de paye des employés. Ces mesures s’ajoutent à celles annoncées par Services publics et Approvisionnement Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor.
Les équipes responsables des ressources humaines et des finances du Service correctionnel du Canada travaillent avec des partenaires du Centre des services de paye afin de remédier à certaines des difficultés entourant le traitement de la paye. En novembre dernier, le Service correctionnel du Canada a conclu une entente de services avec le Centre des services de paye de Services publics et Approvisionnement Canada afin de constituer une nouvelle unité des services de paye au sein du Service correctionnel du Canada. Cette unité est dotée de 37 employées précédemment chargés de la rémunération au Service correctionnel du Canada en affectation temporaire ou pour une durée déterminée, et d’employés actuels du Centre des services de paye de Services publics et Approvisionnement Canada. Les membres de cette nouvelle unité ont suivi une formation qui permettra aux conseillers en rémunération d’avoir accès au système de paye Phénix et de prendre des mesures directes pour remédier au problème de paye des employés. Ce partenariat tire parti des connaissances de la paye ministérielle de nos anciens experts en rémunération et de la nouvelle expertise relative à Phénix acquise par Services publics et Approvisionnement Canada, et nous aide à concentrer conjointement les activités de traitement de la paye de ce groupe autour des priorités des employés avec davantage d’efficacité.
Cette équipe ministérielle spéciale se concentrera sur trois objectifs : premièrement, corriger les taux de rémunération des employés, réactiver leurs droits aux indemnités, et veiller à ce que ces corrections soient permanentes; deuxièmement, piloter une option de traitement par versement global pour les indemnités afin que les sommes non versées soient payées aux employés en une seule fois ou en une série de paiements; et troisièmement, corriger les renseignements du système des dossiers de paye qui retardent le traitement d’un grand nombre d’opérations de la paye régulière et de mesures correctives déjà traitées.
À court terme, le niveau d’expérience que la présente équipe a de Phénix limite son aptitude à traiter des mesures correctives complexes. Cependant, Services publics et Approvisionnement Canada et le Service correctionnel du Canada sont d’avis que, au fur et à mesure que cette expérience augmentera au cours des prochains mois, l’équipe pourra prendre un nombre croissant de ces mesures correctives et gérer plus efficacement l’arriéré et les difficultés de traitement de la paye régulière que nous connaissons l’un comme l’autre.
Je le répète, le Service correctionnel du Canada est conscient de la charge financière et du stress provoqué par les problèmes de paye pour certains employés et leurs familles. Notre organisme s’engage à offrir un milieu de travail dans lequel le travail et le dévouement des employés sont reconnus, et nous sommes déterminés à garantir aux employés qu’ils seront payés correctement et à temps. J’assure au comité que nous travaillons avec Services publics et Approvisionnement Canada de façon à résoudre les problèmes de paye des employés dans les meilleurs délais. Nous partageons le point de vue récemment exprimé dans le budget de 2018 par le gouvernement, affirmant que les fonctionnaires méritent d’être rémunérés correctement et à temps. Le gouvernement a également annoncé son intention de faire tout son possible pour arranger les choses, et le Service correctionnel du Canada s’efforce de faire partie de la solution.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître aujourd’hui et de situer les problèmes en contexte. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci. Avant de passer aux questions, je vais demander à la sénatrice Andreychuk et au sénateur Neufeld de se présenter, s’il vous plaît.
La sénatrice Andreychuk : Je m’excuse. J’arrive d’une autre réunion. Je suis la sénatrice Andreychuk, de la Saskatchewan.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : Merci.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Je vais commencer par les représentants de Statistique Canada, les premiers à présenter leur exposé.
Si j’ai bien compris, vous n’utilisez pas Miramichi? Je sais qu’il y a deux groupes, un qui utilise Miramichi, et l’autre qui a le sien. Vous faites partie du groupe qui a le sien, n’est-ce pas?
Mme Lahaie : Oui.
La sénatrice Marshall : Je sais que vous êtes touchés par les problèmes de Phénix. J’essaie simplement de comprendre la logistique des processus. Vous pourriez commencer par parler de vos transactions. Vous saviez que vous alliez avoir un problème. Vous avez un arriéré, et vous commencez à essayer de le régler. Pourriez-vous nous parler brièvement de votre façon de faire? Vous devez rester à jour avec ce qui entre, en plus de traiter l’arriéré, alors vous devez avoir un système en place pour savoir si vous faites des progrès. Ma première question est donc la suivante : faites-vous des progrès? Si c’est le cas, j’aimerais beaucoup en savoir plus sur votre système.
Mme Lahaie : Dans notre contexte, nous avons réussi dernièrement à faire des progrès. Pour vous parler du fonctionnement, je vais demander à notre directrice générale des ressources humaines de vous répondre.
La sénatrice Marshall : J’aimerais avoir une idée générale. On nous a dit qu’il y avait 600 000 transactions de paye en attente, alors j’aimerais avoir une idée du nombre au niveau ministériel.
Stacey Money, directrice générale, Ressources humaines, Statistique Canada : À Statistique Canada, à l’heure actuelle, nous avons 1 500 employés qui ont des problèmes non réglés, soit environ 20 p. 100 de notre effectif.
Vous avez tout à fait raison de dire qu’effectuer le suivi a présenté tout un défi. Statistique Canada a l’avantage au départ d’être une organisation riche en données, alors avant l’arrivée de Phénix, nous avions un système en place pour effectuer le suivi de nos transactions. Nous l’avons renforcé depuis la mise en œuvre de Phénix pour examiner en particulier les volumes de cas liés à la paye. La force de notre système réside dans ce qui s’appelle le Power BI. C’est un outil de renseignements qui nous permet de combiner non seulement les renseignements liés aux ressources humaines sur le nombre de transactions, mais aussi le volet financier qui l’accompagne, afin de savoir, par exemple, s’il y a eu un trop-payé ou un sous-payé, et son ampleur.
En ayant la capacité de combiner ces renseignements, nous pouvons trier les cas et établir les priorités en fonction des répercussions sur les employés et aussi sur le gouvernement, du point de vue de Statistique Canada. Par exemple, les employés qui sont sous-payés ou ne sont pas payés du tout sont notre grande priorité, et ce sont donc les cas que nous traitons en premier, mais, grâce à l’outil de gestion opérationnelle que nous avons, cela nous permet en outre de déterminer les paiements importants et les paiements qui sont dus depuis le plus longtemps, alors nous pouvons donc faire un tri en fonction des priorités et des risques.
Avec ces renseignements en main, nous faisons un suivi régulier de ces éléments et nous constatons dans l’ensemble que le nombre de cas diminue. L’avantage que nous avions au départ était d’avoir beaucoup de données et la capacité d’analyse nécessaire pour réagir rapidement et effectuer un tri.
La sénatrice Marshall : Ai-je bien entendu le chiffre? J’ai noté le chiffre que vous venez de donner, soit 1 500 transactions ou 1 500 employés touchés.
Vous tentez maintenant de travailler avec Phénix. C’est ce que vous essayez de faire. Vous tentez de faire en sorte que cela fonctionne, et il semble, d’après ce que vous dites, que vous faites des progrès, et je sais que vous devez vous en remettre à l’approvisionnement pour apporter des correctifs au système.
Le gouvernement parle maintenant de s’éloigner de Phénix. Qu’en pensez-vous? Si vous vous fiez à votre expérience, vous réjouissez-vous à la perspective qu’il le fasse? Cela dit, je ne sais pas exactement ce qu’on entend par « s’éloigner ». Pensez-vous que, à long ou à moyen terme, vous serez en mesure de faire fonctionner Phénix ou vous pensez que c’est une cause perdue?
Mme Money : Nous entretenons toujours une relation très proactive et collaborative avec SPAC, et elle est très positive. Nous participons actuellement à un certain nombre de groupes de travail et nous avons hâte de continuer. Dans notre contexte, nous avons déterminé que la collaboration entre les ministères et SPAC fonctionne très bien. Nous travaillons très étroitement, par exemple, avec nos partenaires web parce que notre contexte d’interface avec Phénix est similaire. Les ministères axés sur le web se réjouissent à la perspective d’avoir l’occasion de travailler avec SPAC à élaborer toute solution ou approche qu’il pourrait envisager. Je pense que le partenariat est très important.
La sénatrice Marshall : En conséquence, les ministères et organismes homologues qui ne font pas appel à Miramichi et qui se trouvent dans une situation semblable à la vôtre perçoivent-ils votre organisme comme étant assez progressif et en contrôle de la situation? En fonction de ce que vous savez des autres organismes et des conversations que vous avez eues avec eux, vous considérez-vous maintenant comme des chefs de file?
Mme Money : Je ne peux parler que du point de vue de Statistique Canada. Comme vous l’avez entendu dire, dans notre contexte, nous nous efforçons toujours de régler des problèmes de paye, et c’est la priorité absolue pour nos employés. Nous serions assurément tout disposés à travailler avec nos partenaires web et SPAC à résoudre les problèmes systémiques ou liés aux processus opérationnels.
La sénatrice Marshall : Est-ce que d’autres ministères ou organismes viennent vers vous en disant : « Vous vous en tirez vraiment bien. Montrez-nous ce que vous faites. Peut-être que nous pouvons apprendre de vous »?
Mme Money : Il est clair que nous serions tout disposés à collaborer avec d’autres ministères. En ce moment, nous faisons valoir notre expertise en matière d’analyse des données, puisque c’est un des points forts de Statistique Canada en général. Nous aimerions beaucoup pouvoir continuer à miser sur cette expertise à l’interne et à en faire bénéficier d’autres organismes.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Pourriez-vous inscrire mon nom sur la liste de la deuxième ronde afin que je puisse poser des questions à Service correctionnel? Merci.
Le sénateur Pratte : Je ne sais pas exactement qui peut répondre à ces questions, mais j’essaie de comprendre la différence entre vos deux situations. Pour vous, la différence est probablement tout à fait claire, mais pas pour moi. Je crois savoir que dans un cas, vous faites affaire avec Miramichi. Vous aviez perdu vos conseillers de paye, et le service était censé être offert à Miramichi. Statistique Canada a toujours ses conseillers de paye. En conséquence, je crois comprendre que ce sont les seuls qui composent avec Phénix, que les gestionnaires et les employés ne le font pas. Si tel est le cas, pourquoi, après avoir réalisé des progrès, avez-vous toujours 1 500 employés qui ont toujours des problèmes de paye? En théorie, comme les conseillers de paye ont été formés à utiliser Phénix et tout, je suppose que les problèmes ne devraient pas être si importants. Premièrement, ai-je bien compris la différence entre les deux situations? Est-ce bien cela?
Mme Money : Oui.
M. Fabiano : Vous avez bien compris, oui.
[Français]
Le sénateur Pratte : Comment se fait-il qu’il y a tellement de différences et de problèmes alors que vous avez encore vos conseillers de paie, et cetera?
[Traduction]
Mme Money : Vous avez raison. Nous avons toujours des problèmes au sein de notre organisme. Statistique Canada n’a pas connu le même changement de culture et la même courbe d’apprentissage au chapitre de la formation que les autres ministères ont peut-être eus avec l’accès direct à Phénix, même si nous trouvons toujours certains types de transactions difficiles. En ce moment, à Statistique Canada, les transferts, les postes par intérim et les promotions sont les principaux problèmes avec Phénix que nous continuons à gérer. De notre point de vue, nous avons un programme de formation, d’apprentissage et de perfectionnement intégré pour nos conseillers en rémunération, ce qui nous aide à traiter les problèmes de paye. Cependant, le système Phénix est en soi assez complexe, alors nous continuons à travailler directement avec SPAC à offrir de la formation et des documents et outils de soutien supplémentaires pour nous aider à comprendre comment le processus fonctionne dans le système.
Le sénateur Pratte : C’est là où je veux en venir. Dans votre cas, ce n’est pas une question d’avoir à former 15 000 employés pour composer avec un système complexe. Vous avez des spécialistes. Les conseillers en rémunération sont des spécialistes. En conséquence, cela montre à quel point Phénix est complexe, car vous avez des employés formés qui, idéalement, devraient être en mesure de composer avec ces questions.
Dans le cas de SCC, une chose qui me frappe avec ce problème est que, même après que le gouvernement a passé des mois à investir des ressources, de l’énergie et de l’argent, les progrès semblent toujours très limités, et c’est apparemment votre cas; vous êtes probablement un des ministères les plus touchés. Pourquoi est-ce le cas? Pourquoi les progrès sont-ils aussi lents pour traiter ce problème?
M. Fabiano : Je pense que la sénatrice Marshall a mentionné que vous vous attaquiez à ces problèmes et les corrigiez à mesure qu’ils gagnent en importance. Au service correctionnel, nous avons des systèmes de paye très complexes. Nous sommes couverts par nombre de conventions collectives et des régimes de travail très différents, ce qui a engendré des questions dès le départ et des problèmes de paye considérables pour notre personnel.
Nous avons continué d’essayer de trouver des solutions avec Services publics et Approvisionnement Canada; nous réalisons des progrès dans certains secteurs, mais pas dans certains autres. Nous avons espoir que l’unité que nous avons mise sur pied en conjonction avec SPAC soit très utile, car elle nous permettra de mettre à profit notre connaissance des conventions collectives et des structures de paye au fur et à mesure que nous acquérons de l’expérience en ce qui concerne Phénix.
Une des difficultés est que nous n’avons qu’un accès limité à Phénix. Nous devons aussi composer avec la complexité des traitements et des indemnités et notre capacité de faire des ajustements lorsqu’une personne travaille de soir ou de week-end plutôt que de jour. Aujourd’hui, nous faisons des ajustements et nous en faisons part à des personnes qui font des ajustements dans le système. Nous croyons qu’au fur et à mesure que nous aurons accès au système Phénix et que nous arriverons à mieux le comprendre, nous ferons certains de ces ajustements.
Le sénateur Pratte : Cela signifie-t-il que vous recommencerez à avoir vos propres conseillers en rémunération?
M. Fabiano : Il s’agit, en quelque sorte, d’une unité hybride parce que ces gens seront des employés de SPAC et non pas nos conseillers en rémunération. John peut vous donner de plus amples détails sur la façon dont ils travailleront. C’est, en quelque sorte, une unité hybride, car il s’agit d’un projet pilote pour permettre à SPAC de déterminer si nous pouvons réaliser des progrès, en collaboration avec les spécialistes de Phénix, grâce à une meilleure connaissance du système complexe d’un ministère.
Le sénateur Pratte : Merci.
La sénatrice Eaton : Après vous avoir écouté et avoir entendu le témoignage de bon nombre d’autres personnes concernant Phénix, madame Lahaie et madame Money, vous semblez être, en quelque sorte, maîtresses de la situation, et vous avez aussi prévu des solutions pour composer avec la catastrophe à laquelle vous faites face; les statistiques montrent que service correctionnel a été un des organismes les plus durement touchés. Si vous aviez à retourner en arrière, que feriez-vous différemment? Ce n’est pas une question bête, car je pense que le gouvernement menace de passer de Phénix à un autre système, alors qu’aurez-vous appris, quelles seraient vos recommandations et que feriez-vous différemment la prochaine fois?
M. Fabiano : C’est clair qu’il est très difficile, en rétrospective, de dire ce qui aurait été la meilleure solution. Cependant, d’un point de vue ministériel, et même en optant pour un système central, ce serait la capacité de maintenir et de conserver une partie de notre expertise pour être en mesure de travailler avec le système central.
La sénatrice Eaton : Je pense au prochain système, et j’ignore si cela s’est produit la dernière fois. Est-ce que Service correctionnel Canada a pris le temps de passer en revue avec SoftPay les différents régimes de rémunération que vous utilisez? Avez-vous eu beaucoup d’incidence sur le programme au départ?
M. Fabiano : Nous l’avons fait. Avec du recul, nous constatons qu’il n’y pas eu suffisamment de consultations et d’information, mais à l’époque, nous avons eu des occasions d’expliquer en détail les systèmes complexes que nous avions. Avec la portée, non seulement de notre système, mais aussi de ceux des autres organismes, nous arrivons au deuxième rang des problèmes. Les SEDS sont plus volumineux, mais c’est nous qui avons les nombres les plus complexes. Pour un organisme comme le nôtre qui compte une telle diversité, côté employés et régimes de paye, nous devrions faire beaucoup plus attention la prochaine fois que nous passons à un autre système.
La sénatrice Eaton : Offririez-vous une formation différente?
M. Fabiano : Oui, nous ferions les choses autrement sur le plan de la formation et de la formation continue. C’est une chose de former quelqu’un d’autre, mais continuer à suivre de la formation sur notre système…
La sénatrice Eaton : Une des choses que nous avons entendue à la grandeur du système est que la formation était très inadéquate, que les gestionnaires au sein des ministères et les employés n’étaient pas formés. Apparemment, c’est une question complexe parce que les employés doivent eux-mêmes inscrire leurs heures supplémentaires ou leurs congés parentaux, et j’en conclus que le système est compliqué. Les employés ont-ils reçu suffisamment de formation en milieu de travail, selon vous?
M. Fabiano : John était là à l’époque, alors je vais le laisser répondre.
John Kearney, directeur principal par intérim, Modernisation des RH et gouvernance, Service correctionnel Canada : Un des problèmes a été qu’on croyait que les utilisateurs capables de gérer le système et de saisir les renseignements avaient des connaissances du traitement de la rémunération qu’ils n’avaient peut-être pas, car il y avait toujours eu une équipe de spécialistes de la rémunération pour les encadrer.
La sénatrice Eaton : Cette équipe n’était plus là pour les encadrer?
M. Kearney : L’équipe se chargeait auparavant de saisir les données relatives au traitement de la paye; pour les employés et les gestionnaires, c’était un nouvel exercice. Cet élément de la gestion du changement faisait partie de la difficulté. On a offert de la formation aux utilisateurs, mais un des défis résidait dans le fait qu’il fallait que les utilisateurs acquièrent rapidement de l’expérience et des connaissances qui les auraient aidés dans le cadre du processus.
L’autre élément de la formation consistait à comprendre comment le système traitait certains types de travail, car même nos professionnels de la rémunération qui ont travaillé dans le système pendant des années avaient de la difficulté à comprendre une partie du séquençage du travail qu’ils avaient fait avant, en raison de la logique du système et de la façon dont le séquençage est traité. Une des difficultés a été de faire en sorte que les utilisateurs le comprennent.
Un des points que nous avions dégagés des activités menées dans le cadre du projet pilote était la nécessité de veiller à combiner l’expérience des nouveaux utilisateurs du système avec nos connaissances de la rémunération concernant les différentes nuances de nos activités de rémunération, car cette combinaison de connaissances du traitement de ces transactions nous a aidés à comprendre le travail à faire. Une bonne partie de nos problèmes d’arriéré était attribuable à la complexité du séquençage de différents éléments qui entraient dans le système. Comme les gens qui faisaient le traitement connaissaient les allocations de primes et les quarts de travail, ils auraient pu contribuer à une partie de la formation des utilisateurs à laquelle on procédait.
La sénatrice Eaton : Autrement dit, le système Phénix en tant que tel n’était pas convivial?
M. Kearney : Le système offrait des avantages certains aux utilisateurs et est convivial de bien des façons, en fonction du type de transaction que vous traitez. À titre d’exemple, pour un pourcentage de la population à SCC, l’approche du libre-service, du gestionnaire et de la comptabilisation du temps fonctionnait efficacement pour traiter la paye régulière parce que ces personnes n’ont pas beaucoup de tâches supplémentaires susceptibles de modifier leur paye. Les gestionnaires et les employés ont plus de mal à gérer les éléments complexes comme les quarts de travail, et c’est là que certaines de ces transactions sont transférées au centre d’expertise des services de paye. Ensuite, la question est de savoir si le conseiller en rémunération du Centre d’expertise des services de paye connaît suffisamment bien le milieu de travail et les indemnités de SCC pour pouvoir facilement gérer ce dossier.
C’était notre courbe d’apprentissage exigeante. C’est un des points auxquels nos partenaires de SPAC et nous-mêmes avons travaillé considérablement. Notre nouvelle unité des services de paye nous a aidés à combler cet écart en jumelant les personnes ayant une expérience de la rémunération d’un employé de service correctionnel avec ceux ayant une expérience de Phénix. Cette démarche contribue à améliorer le traitement et nous aide à gérer une partie de cet arriéré.
La sénatrice Eaton : Mesdames, avez-vous quelque chose à dire sur ce que vous feriez différemment la prochaine fois?
Mme Money : Oui. J’aimerais ajouter un certain nombre de points dans l’optique de Statistique Canada.
Deux ou trois choses que nous avons trouvées particulièrement utiles dans notre contexte et qui pourraient s’appliquer plus généralement seraient d’avoir une équipe des RH et des finances très intégrée. Dans l’organisation structurale de Statistique Canada, les RH et les finances relèvent toutes les deux directement de Mme Lahaie. Cependant, nous avons travaillé dès le départ en étroite collaboration et avons convenu d’un cycle de paye complet allant d’une mesure de dotation, par exemple, à un chèque de paye. De notre point de vue, par le passé, ces groupes de Statistique Canada n’auraient peut-être pas travaillé aussi étroitement qu’ils le font depuis Phénix. Je pense que c’est un réel avantage et un point fort de notre gestion des questions de rémunération aujourd’hui.
Deuxièmement, je mentionnerais nos processus de contrôle de la qualité. Nous en avons mis certains en place avant le versement d’un paiement ou d’un chèque de paye qui réduisent vraiment la possibilité d’erreur humaine, par exemple, à mesure que nous continuons d’apprendre et de suivre de la formation. Nous avons instauré des processus de vérification par les pairs ainsi que des postes de formateurs attitrés. À Statistique Canada, nous avons un coordonnateur de la formation attitré qui organise tous les renseignements provenant de SPAC ou de nos autres ministères partenaires et qui s’assure ensuite qu’ils les transmettent à tous nos conseillers en rémunération au pays. Il s’agit d’une vérification préalable au paiement.
Nous avons aussi une vérification après paiement, comme nous l’appelons; en gros, elle concilie les renseignements que nous avons dans le système interne des RH avec le chèque de paye qui a été émis au particulier. Dans le contexte de Statistique Canada, nous avons ainsi repéré un certain nombre de problèmes de paye que nous aurions manqués ou que nous n’aurions pas remarqués autrement.
La sénatrice Eaton : Alors toutes ces choses vous seraient d’une grande utilité pendant la dissolution de Phénix et la transition vers un nouveau système.
Mme Money : Absolument. Et il est clair qu’elles ont été déterminantes dans la gestion des dossiers de paye actuels. Cela aurait représenté une lacune importante de notre compréhension de la gamme complète des questions de rémunération qui peuvent survenir depuis les RH jusqu’à la situation salariale.
Un dernier élément du point de vue de Statistique Canada : compte tenu de notre analyse qui prévoit à la fois un volet « RH » et, pour mon collègue, M. Chapman, un volet « risque financier » — l’analyse intégrée qui nous permet d’effectuer un triage entre ces cas et de minimiser les risques pour nos employés ainsi que pour nous et les finances de notre organisme —, nous avons pu constater que de meilleures données ont permis la prise de meilleures décisions à Statistique Canada. J’encouragerais donc cette possibilité à l’avenir pour le gouvernement.
[Français]
La sénatrice Moncion : J’arrive tout juste au comité, alors je poserai peut-être des questions qui ont déjà été abordées.
J’ai travaillé dans le secteur privé et nous avions un système de paie opérationnel. Lorsqu’on entrait de l’information, on savait quel serait le montant des paies à verser et à quel moment les paies seraient produites, puisqu’il fallait que ce soit consolidé et ainsi de suite.
Lorsque nous avons procédé à une transition de notre système de paie, on ne l’a pas fait pour tous au même moment. Nous avons procédé par petits groupes et nous avons continué d’utiliser l’ancien système de paie en parallèle. Nous avons fait cela pendant environ un mois afin de nous assurer que la transition se faisait bien et que ce qui était intégré pouvait être consolidé.
Pouvez-vous m’expliquer comment cela a été fait dans le cas du système de paie Phénix?
Mme Lahaie : Nous avons travaillé de près avec PSPC afin de tester l’interopérabilité et de nous préparer. Nous avons reçu de la formation. Nous avons formé nos employés. Cependant, lorsque nous sommes entrés en activité, on faisait partie de la deuxième vague qui commençait, et ce seulement deux mois après la première vague. On n’a pas eu la possibilité de faire un test en parallèle à ce moment-là.
On a donc eu quelques surprises en ce qui a trait à la façon dont le système réagissait aux transactions. Nos employés essayaient de suivre le guide, mais cela ne donnait pas toujours les résultats escomptés. Nous avons alors dû fournir de la formation supplémentaire et travailler avec PSPC pour mieux comprendre la situation. C’est pourquoi on a eu un retard accumulé. On était aussi au pic de nos activités à ce moment-là. Le recensement était en mai 2016 et il a donné lieu à l’embauche de 2 000 employés qui se sont ajoutés au système de paie. Cela nous a causé des difficultés supplémentaires en termes de charge de travail.
La sénatrice Moncion : Aucun projet pilote n’a été fait avec de plus petits échantillons, par exemple pendant un mois ou deux. On voit où se trouvent les coquilles puis on corrige au fur et à mesure avant d’embarquer tout le monde là-dedans.
Mme Lahaie : Nos équipes ont travaillé pendant près d’un an à développer l’interface du système de paie, mais à savoir pourquoi le système a réagi différemment, je ne pourrais pas me prononcer.
La sénatrice Moncion : Je comprends. Vous avez aussi dit deux choses extrêmement importantes — je m’adresse aux deux témoins —, dont quelque chose à propos des interfaces.
Vous, vous avez dit que vous travaillez en interface, donc que vous intégrez votre information financière et que c’est cela que vous envoyez au système de paie.
Chez vous, vous transmettez l’information là-bas et c’est eux qui l’intègrent pour vous. C’est ce que j’ai compris et c’est ce qui fait la différence. Vous avez un contrôle beaucoup plus axé sur l’information, alors s’il s’agit de la bonne information, vous vérifiez l’entrée et la sortie de l’information.
Vous, vous avez donné de l’information et vous avez « ramassé des déchets » à la sortie. C’était dysfonctionnel.
Ce que je comprends, c’est que vous avez fonctionné de deux façons différentes. Et vous, en ayant le personnel sur place, vous avez été en mesure de gérer cela cas par cas, alors que chez vous, si je comprends bien, tous les cas devaient être gérés à Miramichi?
M. Fabiano : Oui, au début c’était comme cela.
[Traduction]
Au début, tous les cas étaient gérés à Miramichi, et la plupart d’entre eux continuent de l’être, soit ceux qui portent sur les questions de règlement. Nous avons été en mesure d’accroître les effectifs de certains de nos centres de services de RH et nous avons un accès limité à Phénix pour pouvoir régler une partie de ces problèmes, mais, au départ, il revenait entièrement au centre des services de paye de corriger ces erreurs. Encore une fois, cela explique une partie de la frustration de notre personnel et de la complexité qui n’ont cessé de croître.
La sénatrice Moncion : Alors, dans les deux cas, vous avez fait revenir du personnel pour prêter main-forte aux RH, si je comprends bien, pour pouvoir avoir un type de contrôle sur ce qui se passait. Quels ont été les coûts associés à cette démarche pour vos deux organismes?
Mme Lahaie : Du côté de Statistique Canada, nous avons investi 2,5 millions de dollars depuis le début — donc au cours des deux dernières années — principalement pour payer des conseillers en rémunération supplémentaires et des capacités en matière d’analyse et de finances.
La sénatrice Moncion : Donc, les 17 personnes supplémentaires que vous avez embauchées.
Mme Lahaie : Oui.
La sénatrice Moncion : Et dans votre cas?
M. Fabiano : Nous avons été tenus de présenter les économies de 8 millions de dollars réalisées à partir de la transition vers Phénix au cours des deux dernières années. Nous avons été autorisés à les garder et nous avons réutilisé le plein montant pour rehausser certains de nos services actuels et embaucher des personnes de plus, pour ce faire. Il s’agit de financement limité. Avant cela, nous avions toujours des dépenses, car nous avions à accroître nos effectifs. Cependant, nous avons pu garder les économies qui devaient revenir au centre ces deux dernières années, et nous les avons utilisées au cours du dernier exercice et les utiliserons au cours du prochain.
La sénatrice Moncion : Comment fonctionnait votre service de paye par le passé?
M. Fabiano : Comme Statistique Canada, nous avions nos propres conseillers en rémunération et notre propre système qui nous permettait, en gros, de déterminer tous nos intrants, lesquels produisaient les chèques de paye. Ces chèques étaient toujours produits dans une centrale, mais notre système les calculait tous. Nous avions donc la capacité et la latitude voulues pour apporter des corrections et des ajustements plus régulièrement.
Pour rendre justice à nos collègues de SPAC, la transition vers les systèmes centralisés n’est pas facile lorsqu’il est question de convivialité. Même pour le prochain système, s’il est centralisé, nous serons tous mieux préparés à le gérer. Je pense que, au fond, les employés regrettent de ne plus faire affaire avec une personne, mais ce n’est pas une réalité que nous pouvons appuyer au gouvernement dans tous les secteurs. Nous sommes mieux préparés à faire aussi affaire avec les gens à distance.
La sénatrice Andreychuk : Mes questions s’adressent à Service correctionnel Canada. Vous avez parlé de la différence avant, et les dilemmes que vous avez eus. Vous avez été en mesure de garder les 8 millions de dollars, mais, manifestement, ce montant n’était pas suffisant pour régler les problèmes. Je sais à quel point Service correctionnel Canada est important pour assurer notre sécurité, la réadaptation et l’intégration de toutes les personnes qui nous sont chères. C’est un des services les plus vulnérables que nous avons, je pense, et celui qui a la plus grande interface entre les collectivités. Je sais aussi ce que c’est de vivre d’une paye à l’autre et le stress qui découle des postes très émotionnels et instables que vous occupez, le stress qui pèse sur tous les employés qui doivent composer avec une situation difficile. Quelqu’un a-t-il calculé le nombre d’heures qu’on a grugé sur le mandat de Service correctionnel avec l’interface entre le personnel et la direction ainsi que l’inquiétude? Vous ne pouvez pas fonctionner lorsque vous vous inquiétez de pouvoir payer votre loyer. C’est un coût que nous n’avons même pas pris en compte ou dont nous n’avons pas discuté au sein du comité et, à mon sens, il s’agit d’une difficulté fondamentale. Non seulement nous désavantageons nos employés, mais les services qui devraient être offerts par le gouvernement ne le sont pas pleinement.
M. Fabiano : Merci pour ce commentaire. Vous avez bien exprimé la chose. C’est un travail complexe qui comporte nombre de problèmes. Fort heureusement, nos employés ont fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension, et je ne crois pas, au fond, que la situation ait influé sur notre mandat, parce que les gens ont continué à travailler malgré nos structures de paye.
Nous avons parlé des avances de salaire en cas d’urgence. Nous n’avons pas calculé le nombre d’heures que nous y avons consacré, mais notre rôle est d’appuyer notre personnel. Depuis que cela est arrivé, nous avons émis environ 10 000 avances de salaire en cas d’urgence à environ 3 000 employés, et elles servent à aider les personnes aux prises avec le dilemme de la paye. Je pense que nous avons reconnu, dès le départ, que ce que nous pouvons faire est de veiller à prendre soin de nos employés lorsqu’il nous est possible de le faire. Nous nous sommes vraiment attachés à faire en sorte que si quelqu’un avait une exigence salariale, nous lui versions immédiatement une avance de salaire en cas d’urgence ou un paiement prioritaire. Le gouvernement nous donne aussi une plus grande latitude de cette façon, alors tout va bien.
Je ne crois pas qu’il y ait eu une incidence négative sur notre capacité de nous acquitter de notre mandat, mais c’est grâce au professionnalisme du personnel.
La sénatrice Andreychuk : Donc, parmi les 18 000 employés, 12 000 ont un dossier ouvert; ai-je raison?
M. Fabiano : Oui.
La sénatrice Andreychuk : La situation s’améliore-t-elle, ou demeure-t-elle à peu près la même?
M. Fabiano : Elle est à peu près la même pour l’instant.
La sénatrice Andreychuk : Par conséquent, 12 000 personnes sont toujours aux prises avec des problèmes et des difficultés pendant une période soutenue de…
M. Fabiano : C’est ainsi depuis le début, je suppose. À mesure que nous réglons des problèmes, malheureusement, d’autres questions surgissent. Dans certains cas, nous devons être compréhensifs. Je ne veux pas minimiser les répercussions de la paye. Ces dossiers couvrent un éventail de questions, allant de l’absence de paye à l’augmentation salariale en cas de nomination intérimaire ou encore, au prélèvement des frais de stationnement sur la paye. Il y a toute une gamme de problèmes. Ils sont tous importants, mais je le répète, c’est variable. Donc, encore une fois, quand on parle des avances de salaire en cas d’urgence, un certain nombre d’employés ne se sont même pas manifestés pour s’en prévaloir, car je suppose qu’ils estiment pouvoir se débrouiller, et c’est ce qu’ils font. Quoi qu’il en soit, nous continuons d’offrir cette option en tout temps.
La sénatrice Andreychuk : Ou c’est parce qu’ils ne veulent pas devenir vulnérables au sein de l’association?
M. Fabiano : Oui. C’est une forte possibilité, et je pense qu’ils se débrouillent. Mais nous rappelons sans cesse à notre personnel que cette option est immédiatement disponible, si jamais ils en ont besoin.
Le président : On vient de m’informer que la ministre est arrivée, alors je vais céder la parole aux deux derniers sénateurs, qui auront chacun droit à une question.
Le sénateur Neufeld : Je serai bref. Pour revenir à votre réponse à la dernière question, lorsqu’un employé était sous-payé, vous avez pris des mesures correctives pour le payer. Est-ce que c’était à partir du système Phénix ou directement à partir de la direction générale au sein du Service correctionnel du Canada?
M. Kearney : C’était directement à partir de notre système.
Le sénateur Neufeld : Vous avez donc fait les paiements à partir de votre système. D’accord.
La sénatrice Cools : Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Ma question est assez simple. Il est peut-être difficile d’y répondre, mais la question elle-même est assez simple. Pourriez-vous nous indiquer le ratio des hommes détenus par rapport aux femmes détenues qui se trouvent actuellement dans les établissements dirigés par le Service correctionnel du Canada? Je sais qu’ils sont nombreux. J’ai siégé à la Commission nationale des libérations conditionnelles pendant plusieurs années, alors je connais très bien vos établissements et ce genre de choses.
M. Fabiano : Le ratio des hommes détenus par rapport aux femmes détenues?
La sénatrice Cools : Oui. Combien y a-t-il de détenus de sexe masculin par rapport aux détenues de sexe féminin? Vous en serez choqué.
M. Fabiano : Je crois que, selon nos dernières statistiques, la population carcérale totale est d’un peu moins de 14 000 détenus, dont environ 700 sont des femmes, si je ne me trompe pas.
La sénatrice Cools : Voilà qui devrait être un élément révélateur pour nous : la proportion des hommes incarcérés par rapport aux femmes incarcérées. C’est énorme. Cependant, il s’agit d’un problème social que nous devrions examiner un jour. Je quitterai le Sénat sous peu, mais peut-être que le Sénat pourrait mener une étude là-dessus parce que le ratio est disproportionné à tous les niveaux.
Le président : Je remercie énormément les représentants des deux ministères d’avoir répondu à nos questions.
Chers collègues, pour poursuivre notre étude et nos discussions sur le système de paye Phénix, nous recevons maintenant la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, l’honorable Carla Qualtrough.
Madame Qualtrough, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. C’est l’occasion pour nous de vous poser quelques questions. Nous vous demanderons de faire une déclaration avant de passer à la période des questions.
J’aimerais profiter de l’occasion, madame la ministre, pour dire que M. Les Linklater, votre sous-ministre délégué, s’est illustré de façon remarquable en aidant le comité dans le cadre de son travail. Je tiens également à mentionner que nous visiterons le Centre des services de paye de Miramichi le 7 mai 2018. Nous vous remercions infiniment — vous, madame la ministre, et votre personnel — d’être des nôtres ce soir. Je vous invite à faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.
L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci, à tous, de m’avoir invitée et merci aussi d’avoir souligné le travail acharné de M. Linklater. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui et son équipe. Ils sont formidables.
Pour commencer, je peux vous assurer qu’il n’y a pas de plus grande priorité pour moi que celle de réparer Phénix. Je l’ai déjà dit et je le répète : il est absolument inacceptable que les fonctionnaires dévoués ne soient pas payés adéquatement. Tous les jours, j’entends des histoires troublantes de personnes en situation précaire qui sont accablées par l’anxiété et le stress à cause des ratés du système de paye. J’échange régulièrement avec des fonctionnaires, de partout au pays, qui sont touchés par ces problèmes. Je lis leurs histoires dans les journaux, et les syndicats m’indiquent régulièrement à quel point ces problèmes bouleversent la vie des gens. Je suis au courant de la famille qui a du mal à joindre les deux bouts au cours d’un congé de maternité ou du parent qui a dû se serrer la ceinture pendant les Fêtes pour acheter des cadeaux à ses enfants. Ces histoires sont déchirantes, et c’est pourquoi Phénix est ma grande priorité depuis que j’ai été nommée ministre des Services publics et de l’Approvisionnement. Il en sera ainsi jusqu’à ce que les fonctionnaires soient payés avec exactitude et à temps.
Il ne fait aucun doute que notre cheminement doit être guidé par notre compréhension du passé. Dans le même ordre d’idées, nous ne pouvons pas discuter de la situation actuelle sans reconnaître comment nous en sommes arrivés là. Je suis heureuse d’apprendre que le comité entendra des représentants de Goss Gilroy, d’IBM et de Queensland Health au cours de la semaine prochaine. Alors que vous vous apprêtez à tenir ces discussions, sachez que SPAC continue de travailler étroitement avec IBM et qu’il existe une volonté très forte, des deux côtés, de voir à ce que les gens soient rémunérés avec exactitude et à temps.
En ce qui concerne la société Goss Gilroy, l’examen des problèmes de rémunération révèle que le travail complexe de consolidation et de modernisation de la rémunération dans la fonction publique a été sous-estimé dès le départ, il y a une dizaine d’années. Par conséquent, les décisions prises dès les premières étapes de la planification de la transformation de la rémunération du gouvernement ont été malavisées et n’ont pas tenu compte de la vaste portée de l’initiative.
Lorsque le gouvernement précédent a choisi de traiter la modernisation des services de paye comme une mesure de réduction des coûts au lieu d’une transformation opérationnelle complexe à l’échelle de l’organisation, il a exposé ce processus à un risque considérable. J’attends avec impatience le deuxième rapport du vérificateur général sur Phénix, qui portera sur ce même sujet. La gouvernance, les processus opérationnels, la capacité en matière de ressources techniques et humaines et la gestion du changement ont tous été négligés.
[Français]
Aujourd’hui, nous constatons les retombées des décisions mal informées motivées par la réduction des coûts et non sur le service aux employés. Nous corrigeons les erreurs du passé et nous veillerons à ne plus jamais nous retrouver dans ce genre de situation.
Lorsque le sous-ministre délégué Les Linklater a témoigné devant vous le 6 février, il a décrit une série de mesures annoncées en novembre pour amener le système à un point de stabilité et à court terme pour réduire les temps d’attente et les opérations en retard liées aux payes en souffrance. Sur la base des informations fournies par Goss Gilroy du premier rapport du vérificateur général sur Phénix et de la validation fournie par les syndicats, les mesures portent sur quatre domaines clés : la prise de décision responsable et éclairée, l’amélioration des processus et de la technologie, l’accroissement de la capacité et du service, ainsi que le partenariat et l’engagement.
M. Linklater s’est penché sur chacun de ces domaines et détails. Comme nous l’avons appris, il n’y a pas de solution rapide, mais je crois que ces mesures font une différence. Nous avons une meilleure gouvernance et une meilleure surveillance à tous les niveaux. Nous participons à un dialogue constructif avec nos partenaires syndicaux et apprécions leur soutien. Les employés reçoivent la formation et l’information appropriée.
[Traduction]
Je suis la première à admettre que les progrès sont lents. Bien que la situation actuelle demeure très difficile pour les employés, je tiens à mentionner trois éléments positifs récents.
Premièrement, depuis que je suis ministre, j’ai mis l’accent sur la communication auprès des employés. Nous fournissons des mises à jour mensuelles sur nos activités et sur les progrès que nous réalisons. Notre dernière mise à jour, qui a été diffusée le vendredi 16 mars, a montré qu’entre le 24 janvier et le 21 février, nous avons traité 4 000 opérations de plus que ce que nous avons reçu. Le personnel du Centre des services de paye a également traité 5 000 autres opérations liées aux conventions collectives. Ces résultats découlent d’une augmentation de la productivité. Cela signifie que l’arriéré de travail au Centre des services de paye de Miramichi n’a pas augmenté pour la première fois depuis juillet dernier. Nous continuons à composer avec de nombreuses conventions collectives et opérations liées à l’impôt, de sorte que notre arriéré de travail pourrait encore augmenter, mais nous nous attendons à des baisses constantes au début du printemps et à l’été.
Le deuxième élément que je tiens à mentionner est le nouveau financement annoncé dans le budget de 2018, qui nous aidera à renforcer la capacité dont nous avons grandement besoin. Pour assurer l’ouverture et la transparence des coûts continus liés à Phénix, les membres du comité ont reçu un document qui résume clairement les dépenses du gouvernement précédent et les économies non réalisées, ainsi que les fonds que le gouvernement actuel investit pour stabiliser le système. Je vous renvoie donc à ce document, et nous pourrons certainement fournir des renseignements plus détaillés à ce sujet durant la période des questions.
Le budget de 2018 propose des investissements de 431 millions de dollars pour favoriser des solutions en ce qui concerne Phénix. Ce financement nous aidera à faire passer le nombre d’employés au Centre des services de paye et aux bureaux de paye satellites à plus de 1 500. Comme vous le savez, un écart important a été créé lorsque plus de 700 postes en rémunération ont été supprimés en 2014. Le budget de 2018 comble cette lacune. En plus de renforcer notre capacité en rémunération, des fonds sont affectés à l’embauche de conseillers en ressources humaines supplémentaires au sein des ministères pour aider les employés à régler les problèmes de paye.
Notre objectif immédiat est de stabiliser le système afin que les payes soient livrées avec exactitude et à temps. Cependant, nous devons aussi nous pencher sur une solution à plus long terme, une solution qui fait un meilleur usage de la technologie moderne et qui offre aux fonctionnaires un système de rémunération fiable et efficace. Le budget propose donc un nouveau financement de 16 millions de dollars pour que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada travaille avec les experts, les syndicats et les fournisseurs de technologie afin de définir la voie à suivre pour la mise en place d’un nouveau système de rémunération.
[Français]
Le troisième élément que j’aimerais aborder est le soutien continu destiné aux employés. Dans le cadre de la reconstruction de nos capacités, je tiens à remercier les syndicats de la fonction publique pour leur précieux soutien à nos efforts. Depuis le lancement de Phénix, nous avons plus que doublé le nombre de conseillers en rémunération et nous continuons de chercher de nouvelles façons de mieux servir nos employés. Mon ministère s’est également associé à Anciens Combattants Canada afin de créer de nouveaux bureaux de paie temporaires pour traiter des opérations à Charlottetown et à Kirkland Lake. Dès le premier jour, nous avons mis l’accent sur l’aide aux employés. La fonction publique du Canada est la meilleure au monde et nous apprécions le travail que les employés font tous les jours au nom de tous les Canadiens. Nous aurons bientôt 100 personnes travaillant à notre centre de contact avec la clientèle qui auront un accès direct à Phénix et seront en mesure de fournir plus de renseignements aux employés au sujet des problèmes de rémunération. Ce sera un grand soulagement pour les employés qui veulent désespérément parler à quelqu’un qui peut leur fournir de l’information sur leur salaire.
[Traduction]
En partenariat avec le Conseil du Trésor, nous offrons également des assouplissements supplémentaires pour ce qui est des options de remboursement pour recouvrement de trop-payés, des avances salariales d’urgence et des paiements prioritaires. Ces mesures permettront de résoudre l’un des problèmes les plus épineux auxquels sont confrontés les employés : devoir rembourser de l’argent au gouvernement pendant qu’ils sont encore aux prises avec des problèmes de paye. À moins qu’un employé ne demande autrement, les recouvrements se feront uniquement lorsque les problèmes de rémunération de celui-ci seront entièrement réglés et qu’il aura reçu une paye exacte pendant trois périodes de paye consécutives.
Cela m’amène à vous parler de notre plus récente initiative en vue d’appuyer davantage le Sénat et les bureaux des députés dans le cadre de leurs efforts visant à aider les citoyens aux prises avec des problèmes de rémunération. À ce sujet, j’attire votre attention sur un deuxième document. Je crois comprendre que vous l’avez tous reçu par courriel ce lundi, si je ne me trompe pas. Lundi, des renseignements supplémentaires vous ont été envoyés pour vous fournir des directives sur la façon de gérer les problèmes de rémunération des citoyens et d’envoyer les demandes d’information à la personne-ressource attitrée. Il est important de noter que les problèmes de rémunération qui sont signalés — que ce soit par l’entremise du bureau d’un député ou d’un sénateur, des syndicats, des ministères, au moyen de formulaires web ou du centre d’appels —, sont tous évalués par le Centre des services de paye. Ce travail repose sur le processus interne en vigueur, et des efforts immédiats seront déployés pour résoudre les problèmes ayant la plus grande incidence financière pour un employé.
En nous appuyant sur ces mesures de soutien aux employés, nous continuons de chercher des moyens d’alléger le fardeau des fonctionnaires, tout en travaillant aussi rapidement que possible pour régler leurs problèmes de rémunération. Je ne saurais m’excuser de manière assez profonde auprès de toutes les personnes touchées.
Je crois comprendre que les membres du comité visiteront le Centre des services de paye de Miramichi au cours des prochaines semaines. Les employés, j’en suis certaine, vous seront reconnaissants de votre préoccupation à leur égard, tout comme j’apprécie votre intérêt.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions. Merci.
Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, madame la ministre, de votre présence.
J’aimerais parler du financement qui a été approuvé dans le budget. Je remarque que, dans le document que vous nous avez remis, vous indiquez un montant de 431 millions de dollars. Si l’on examine le budget, le gros de ce montant sera dépensé durant le nouvel exercice, qui commence dans deux semaines.
Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet, et je ne m’attends pas à ce que vous ayez les renseignements avec vous, mais vous pouvez peut-être vous engager à nous les faire parvenir plus tard. Comment les 307 millions de dollars seront-ils dépensés au juste? Vous avez mentionné dans votre exposé que vous comptez embaucher du personnel supplémentaire, et je crois que cela représente peut-être 90 millions de dollars, mais si vous pouviez nous transmettre les détails quant à la façon dont l’argent sera dépensé, nous vous en serions très reconnaissants. Pourriez-vous également vous engager à nous fournir des détails sur les résultats que vous comptez obtenir en 2018-2019 grâce aux 431 millions de dollars? Je suis consciente que vous ne disposez pas nécessairement de ces renseignements, mais pourriez-vous vous engager à nous les faire parvenir?
Mme Qualtrough : Oui, bien sûr. En fait, M. Linklater peut vous donner un aperçu des renseignements que je vous fournirai.
Les Linklater, sous-ministre délégué, Services publics et Approvisionnement Canada : Certainement. Pour répondre à votre question, sénatrice, au cours du prochain exercice, nous prévoyons dépenser environ 158 millions de dollars pour le renforcement des capacités. Cela servirait à maintenir et à accroître la capacité en matière de ressources humaines que nous rétablissons au sein du réseau pour SPAC.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il une répartition des dépenses? Je suis curieuse, et c’est d’ailleurs ce que nous constatons dans le cadre d’autres réunions de comité, à savoir que les montants qui nous sont présentés sont de nature très générale; nous cherchons toujours à obtenir une répartition détaillée.
M. Linklater : Je pourrai transmettre à la greffière de plus amples détails à ce sujet.
La sénatrice Marshall : Nous vous en serions bien reconnaissants.
M. Linklater : Le deuxième élément important du financement, soit le montant d’environ 144 millions de dollars qui sera débloqué durant le prochain exercice, sera consacré aux améliorations du système. Cela engloberait notre travail avec le fournisseur, c’est-à-dire IBM, à mesure qu’il fera la transition pour s’occuper d’un plus grand nombre d’activités quotidiennes liées à la paye et pour assumer une plus grande part des risques connexes.
Le troisième montant considérable serait les 16 millions de dollars dont la ministre a parlé et qui visent, en partie, à continuer de fournir du soutien au personnel par l’entremise du bureau des réclamations, ainsi que d’autres services de soutien plus spécialisés au sein des ministères pour être en mesure d’appuyer l’interaction avec le système.
La sénatrice Marshall : Qu’en est-il des résultats? Quel genre de résultats prévoyez-vous? Vous attendez-vous à ce que les problèmes soient réglés au cours du nouvel exercice? D’après vous, où en seront les choses?
M. Linklater : Eh bien, une de nos difficultés, sénatrice, c’est que nous avons dû nous en tenir à, je dirais, un financement au compte-gouttes depuis l’entrée en service de Phénix. Le budget de 2018 offre plus de clarté à cet égard, ce qui nous donne l’assurance non seulement de pouvoir continuer à embaucher, mais aussi de maintenir les capacités que nous avons bâties ces deux dernières années, surtout au chapitre des ressources humaines. Ainsi, nous pourrons offrir des postes de durée indéterminée aux gens afin qu’ils viennent travailler au sein du réseau, à titre d’employés spécialisés en rémunération, et nous attaquer avec plus de vigueur à l’arriéré qui pourrait autrement s’accumuler.
Lors de ma première comparution devant vous cette année, je vous ai parlé de notre série de mesures et de notre réponse au rapport du vérificateur général dans le cadre de notre plan d’action de la direction, lequel précise que notre objectif est de chercher à assurer la stabilité du système le plus rapidement possible. Ces ressources et ces fonds nous permettront d’y arriver.
La sénatrice Marshall : Puisque la plus grosse partie du financement, c’est-à-dire le montant de 307 millions de dollars, sera accordée au cours du nouvel exercice, j’ai l’impression que vous vous attendez à ce que presque tous vos problèmes soient réglés à ce moment-là. Quels sont vos indicateurs de rendement? Ont-ils été établis? Pour obtenir de l’argent du Conseil du Trésor, vous devez dire : « Voici exactement ce que nous allons faire avec les 307 millions de dollars. » J’aimerais donc savoir quels sont vos résultats escomptés, car à voir le bilan, on s’aperçoit que le nombre de cas ne diminue pas et que les problèmes persistent. Que comptez-vous réaliser grâce aux 307 millions de dollars?
M. Linklater : Nous nous attendons à ce que le nombre de transactions dans la file d’attente demeure stable, comme la ministre l’a mentionné dans son exposé, et à ce qu’il diminue progressivement après la mise en œuvre de la convention collective, ainsi que pendant la période des impôts.
À notre avis, grâce aux progrès réalisés par les ressources supplémentaires que nous embauchons, sachant que nous avons essentiellement plus que doublé le nombre d’employés spécialisés en rémunération — depuis l’entrée en service du système, leur nombre est passé à 1 400, et nous avons maintenant l’intention d’en embaucher 200 autres au cours des prochaines semaines —, nous serons en mesure de nous attaquer à l’arriéré de façon plus énergique. Voilà donc ce qui constitue, pour l’instant, notre principal indicateur de rendement.
La sénatrice Marshall : Pourrais-je obtenir des détails sur le rendement?
M. Linklater : Oui.
La sénatrice Marshall : Ma dernière question s’adresse à la ministre. Je sais que ces deux ou trois dernières années ont été très difficiles. Je sais aussi qu’il existe encore un arriéré important dans le traitement des transactions. M. Linklater a déjà comparu devant notre comité; je crois que c’est la troisième fois qu’il vient nous expliquer la stratégie. Lorsque le nombre de cas ne diminue pas et que les problèmes persistent — et je suis au courant de votre stratégie, parce que M. Linklater nous en a parlé —, à quel moment décidez-vous de revoir votre stratégie? À quel point faites-vous confiance aux mesures qui sont prises pour résoudre le problème, et à quel moment vous dites-vous qu’il est temps de changer de stratégie, car vous faites la même chose sans obtenir de bons résultats?
Mme Qualtrough : Une partie de la réalité à laquelle nous faisons face, c’est que nous avons été en mode réactif pendant si longtemps. Pour utiliser une analogie, le moment décisif du match a eu lieu à la fin de l’automne dernier, lorsque nous avons commencé à adopter une approche plus proactive pour résoudre ce problème. Nous avons enfin eu l’impression d’aller de l’avant grâce à nos mesures de suivi.
Le plus grand changement cette année, sénatrice, c’est le passage à ce que nous appelons le « modèle groupé ». Au début de la crise, nous nous occupions de la file d’attente ou de l’arriéré, ainsi que des transactions reçues, selon une approche horizontale. Autrement dit, nous allons tenir compte de toutes les rémunérations d’intérim, toutes les indemnités d’invalidité et tous les congés de maternité. Or, d’après les commentaires que nous avons reçus, même si cette approche permettait de régler des problèmes précis, elle ne traitait pas les personnes de manière globale. On pouvait quand même avoir six transactions distinctes, au lieu d’une seule.
Voilà pourquoi nous avons opté pour un modèle groupé. Il s’agit, au fond, d’une équipe de conseillers en rémunération, d’adjoints administratifs et d’autres employés qui s’occupent exclusivement d’un ministère ou d’un groupe de ministères ou d’organismes, selon la taille, et qui sont devenus spécialistes des questions propres à ce ministère, notamment les conventions collectives, les nuances relatives aux modes et aux périodes de rémunération ou encore, la question de savoir s’il y a un responsable. Comme on peut l’imaginer, la Garde côtière nécessite différents types de transactions qu’Élections Canada, à défaut d’un meilleur exemple.
Nous avons obtenu des résultats très prometteurs en créant déjà deux groupes au sein de trois ministères. Nous envisageons de faire passer tout le monde au modèle groupé au cours des prochains mois. Nous croyons que cette approche donnera lieu à des résultats probants, de concert avec notre réinvestissement dans la capacité en matière de ressources humaines au sein des ministères. Les deux domaines problématiques sont les ressources humaines et la paye, et nous savons que nous ne pouvons pas nous contenter de mettre l’accent sur le système de paye sans reconnaître le volet des ressources humaines de cette initiative. Par conséquent, le renforcement des capacités en matière de ressources humaines au sein des ministères est un élément clé, non seulement pour arrêter l’hémorragie, de sorte que le nombre de transactions reçues n’augmente pas, mais aussi pour éliminer l’arriéré par ministère et par personne de façon plus complète et plus valorisante.
Ainsi, nous allons prendre le dossier de Les Linklater et nous occuper de lui de manière globale, au lieu de faire une transaction pour chacun de vous six — à moins qu’il y ait une nouvelle transaction le mois prochain, ce qui peut arriver; c’est la réalité. Notre norme de service en matière de paye est de 80 000 transactions par mois; par conséquent, le nombre de transactions d’entrée et de sortie, dans un mois donné, s’élève à 80 000. Idéalement, nous voulons stabiliser le système, de telle sorte que nous puissions recevoir plus ou moins 80 000 transactions et en résoudre une quantité plus ou moins égale. Ce serait là un rythme constant pour nous; d’ailleurs, pour la première fois depuis juillet, — et même si c’est très faible —, le nombre de transactions traitées le mois dernier était supérieur au nombre de transactions reçues, ce qui est une petite victoire, mais c’est mieux que rien. Cela montre que des innovations, comme le modèle groupé, permettent d’obtenir des résultats.
M. Linklater : Je peux traiter du modèle groupé plus en détail. Depuis décembre, nous avons, comme la ministre l’a expliqué, regroupé les transactions et les arriérés de trois ministères, soit Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Anciens Combattants Canada et l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario, et nous les avons confiés à des employés dotés de divers niveaux de compétences. Nous constatons que le groupe affecté à ces ministères à Miramichi est en train de créer des liens solides et concrets avec leurs services des ressources humaines et des finances, et ces trois organisations reçoivent de leur part une rétroaction plus directe. Les gens savent avec qui communiquer et établissent des relations. Les trois ministères du groupe apprennent l’un de l’autre, et les employés de Miramichi les informent à propos de certains genres de transactions, ce qui permet à ACC et au ministère de l’Innovation d’adopter mutuellement leurs pratiques. Voilà qui nous permet de nous tenir à jour depuis décembre pour toutes les transactions qui concernent ces ministères. Ce modèle permet également aux employés affectés au groupe de réduire graduellement les arriérés collectifs des trois ministères. Comme la ministre l’a souligné, nous observons des progrès réels.
Le sénateur Pratte : Monsieur Linklater, vous avez mentionné quelque chose, et peut-être que la ministre aurait une réponse à ce sujet. Il s’agit d’une facette de la transaction entre le gouvernement et IBM dont il vient d’être question et dont j’ignorais l’existence, c’est-à-dire le transfert d’un rôle plus important à IBM. C’est une sorte de partenariat public-privé, n’est-ce pas?
Mme Qualtrough : J’ai personnellement établi une relation fort solide avec la chef de la direction d’IBM Canada. Nous nous considérons comme des partenaires dans ce dossier et avons renégocié notre contrat avec IBM pour lui transférer une part plus importante du risque.
M. Linklater : Quand le projet Phénix a été conçu, le contrat avec IBM reposait sur des autorisations de travail. Ces dernières, tout comme la valeur du contrat, ont augmenté au fil du temps. SPAC, à titre de propriétaire du projet, indiquait à IBM : « Nous voulons que vous conceviez un module pour traiter la rémunération d’intérim », par exemple, en lui disant comment procéder. IBM se chargeait alors de la codification et nous présentait le module, que nous mettions à l’essai pour décider si nous l’acceptions. Une fois le module terminé, nous confiions une autre tâche à IBM, qui l’exécuterait.
Nous nous sommes aperçus que ce n’était pas une manière efficace ou souple d’aborder l’ensemble du projet et de gérer le risque. Ainsi, en 2016, nous avons renégocié les fondements du contrat avec IBM du point de vue technique, lui indiquant que nous voulions conclure une entente de service gérée nous permettant de lui dire quels résultats nous désirions, sans toutefois lui dire comment procéder. Nous voulions qu’IBM nous donne les résultats que nous attendions, en fonction de certaines contraintes de coûts et de certains paramètres, après quoi nous verrions si nous acceptions ou non le résultat.
D’un point de vue technique, cet arrangement a si bien fonctionné qu’à la fin de 2017, en décembre, nous avons également renégocié notre approche fonctionnelle pour passer à des services gérés nous permettant de dire à IBM « nous voulons que vous puissiez nous dire comment nous pouvons mieux automatiser une autre transaction. » Dans le cas de la rémunération d’intérim, par exemple, nous confions une tâche à IMB sans lui dire comment procéder, mais en lui précisant le résultat attendu. IBM s’exécute, mais assume ainsi un risque plus élevé parce qu’elle n’a pas reçu de paramètres stricts. Il n’y a pas de balise, ce qui transparaît dans les coûts. Le coût du soutien technique augmente, mais en échange, nous transférons à IMB une plus grande part du risque et des responsabilités. Cela nous permet de libérer des ressources de la Couronne, que nous pourrons utiliser pour apporter des correctifs et des modifications techniques plus stratégiques, que nous demanderons ensuite à IBM de mettre en œuvre.
Le sénateur Pratte : Comment le risque est-il transféré? Quel est le risque si IBM livre le produit en retard, par exemple, ou si…
M. Linklater : Le contrat prévoit des sanctions.
Le sénateur Pratte : D’accord.
Mme Qualtrough : Désolée de ne pas l’avoir précisé.
Le sénateur Pratte : Donc, une partie de la somme de 431 millions de dollars prévue dans le budget de 2018…
M. Linklater : … ira à IBM.
Le sénateur Pratte : Y aura-t-il des coûts dans l’avenir? Est-ce tout ce qu’il en coûtera pour le contrat renégocié ou est-ce que des coûts apparaîtront dans le budget de 2019?
M. Linklater : Il y aura des coûts dans l’avenir. IBM a avec nous un contrat pour ce que nous appelons le soutien en service jusqu’en juin 2019. Nous n’avons pas encore décidé qui fournira ce service par la suite. Le gouvernement doit réfléchir à la question et en discuter avec des fournisseurs potentiels. Nous avons lancé un appel d’intérêt sur le marché à la fin de 2016, mais très peu de fournisseurs ont exprimé l’intention de soumissionner, compte tenu de la complexité du système.
Le sénateur Pratte : Ce contrat se termine en juin 2019?
M. Linklater : Oui.
Le sénateur Pratte : C’est tout?
M. Linklater : Oui.
La sénatrice Eaton : Pour donner suite aux questions de mon collègue, le sénateur Pratte, quand vous parlez de 2019, faites-vous référence au moment où vous abandonnerez Phénix pour adopter un autre système, madame la ministre?
Mme Qualtrough : À titre de ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, ma priorité consiste à stabiliser le système actuel. S’il est une leçon que nous avons retenue, c’est qu’il faut prendre le temps de stabiliser le système actuel, car nous devons payer 300 000 personnes aux deux semaines. Nous ne pouvons pas tout bonnement abandonner Phénix, car nous devons rémunérer des employés et évaluer adéquatement tout nouveau système que nous mettrions en œuvre dans l’avenir. Le gouvernement s’est procuré ce système il y a près de 10 ans; même s’il fonctionnait parfaitement, nous serions à l’affût d’une nouvelle technologie et chercherions à voir ce qui a été mis au point depuis et comment les gens et les organisations gèrent la rémunération et l’intégration d’autres fonctions, comme les ressources humaines. Nous travaillons en parallèle, et nous avons annoncé dans le budget de 2018 que nous avons entamé les discussions pour effectivement abandonner Phénix. C’est une autre initiative que dirige le Secrétariat du Conseil du Trésor. Entre-temps, toutefois, nous devons continuer de payer les employés.
La sénatrice Eaton : Vous voulez encore arranger Phénix?
Mme Qualtrough : Nous devons le stabiliser. Je ne veux pas jouer avec les mots, mais je pense que notre objectif en est un de stabilisation afin de rémunérer les gens aux deux semaines, à temps et selon le budget. Restera-t-il bancal? Il le demeurera probablement d’ici à ce que nous adoptions un meilleur système, mais je préfère parler de stabilisation.
La sénatrice Eaton : Ma dernière question, que j’ai posée aux témoins précédents, qui n’avaient évidemment pas le poids et le pouvoir que vous possédez, est la suivante : quelles leçons pensez-vous avoir tirées de cette affaire? Je sais qu’on vous a, en quelque sorte, confié ce dossier difficile, mais que pensez-vous avoir appris afin d’éviter de répéter les mêmes erreurs? Sur quoi insisterez-vous quand vous chercherez un nouveau système?
Mme Qualtrough : Je ne pense pas avoir le temps de vous dire tout ce que j’ai personnellement appris dans le cadre de ce processus.
La sénatrice Eaton : Quelles seraient vos trois principales recommandations?
Mme Qualtrough : Il faut avant tout saisir la complexité d’une transformation massive des activités à l’échelle gouvernementale et comprendre que ce n’est pas qu’une question de programme et de logiciel. L’initiative doit s’accompagner de processus de gouvernance et de procédures administratives solides, et de modifications des politiques.
La sénatrice Eaton : Expliquez-moi quelque chose : est-ce que chaque ministère possédait son propre système ou est-ce qu’ils devaient tous utiliser le même?
M. Linklater : Ils utilisaient ce que nous appelions le Système régional de paye, ou SRP. Si je me souviens bien, sénatrice — et nous pourrions confirmer l’information ultérieurement par écrit —, tous les organismes, qui sont plus d’une centaine, utilisaient cinq systèmes, mais ces derniers n’étaient pas connectés au système des ressources humaines. Ils ne concernaient donc que la rémunération, et les agents effectuaient des transferts manuels entre les systèmes des ressources humaines et de la paye.
Mme Qualtrough : Si vous me permettez d’intervenir, je ne peux vous dire combien de fois par semaine, alors que nous étudions d’autres grandes initiatives du gouvernement fédéral, je dis qu’il faut se rappeler ce que Goss Gilroy disait : nous devons gérer le changement et former les gens adéquatement. Je peux facilement vous dire que tout ce que nous avons appris et le temps que nous avons pris pour comprendre ce que nous aurions pu faire de mieux dans mon ministère seulement sert à étayer des centaines de mes décisions, simplement parce que nous avons dû vraiment comprendre l’ampleur et la complexité de ce genre de transformation. J’ai personnellement beaucoup appris, mais je sais qu’il en va certainement de même de nos ministères et nos équipes. Nous ne voulons pas nous faire « phénixer » de nouveau. Eh oui, c’est maintenant un verbe.
[Français]
La sénatrice Moncion : Dans votre document, vous mentionnez que le budget propose un nouveau financement de 16 millions de dollars pour le Secrétariat du Conseil du Trésor. Il travaille avec les experts, les syndicats et les fournisseurs des technologies afin de définir la voie à suivre pour la mise en place d’un nouveau système de rémunération. Votre système est déficient actuellement, et vous voulez travailler à mettre un autre système en place éventuellement. Comment allez-vous faire la transition d’un système instable à un autre système qui est probablement instable si vous n’êtes pas capable de mener des projets pilotes qui vous donneront de l’information de base qui est bonne pour s’en aller dans un système?
Mme Qualtrough : Absolument. C’est une autre leçon qu’on a apprise.
[Traduction]
Nous ne pouvons réduire la pression tant que nous ne sommes pas certains que le système fonctionne; nous en concevrons discrètement un nouveau en parallèle. Nous mettrons l’accent sur le système actuel dans l’espoir de le stabiliser, car les données que nous transférerons dans le nouveau système devront être exactes. Phénix doit donc contenir des informations justes. Pour réussir, le nouveau système devra être le meilleur possible.
Je peux également vous dire, pour avoir appris que les systèmes de rémunération ne fonctionnement pas isolément, c’est que le nouveau système devra être mieux intégré au système de ressources humaines. Il nous faudra donc peut-être investir également dans la capacité des ressources humaines et à l’échelle systémique.
[Français]
M. Linklater : J’aimerais mentionner, madame la ministre, le fait que le Conseil du Trésor a maintenant la capacité d’explorer et de développer des options à plus long terme. Cela indique qu’il faut continuer à investir dans le système actuel pour atteindre un plafond ou un état de stabilité où nous aurons des renseignements qui sont nets et qu’on pourra transférer à un autre système au fur et à mesure que ce sera développé.
La sénatrice Moncion : Dans le choix de systèmes, vous avez mentionné que vous aviez auparavant un système de paie qui fonctionnait bien. On ne travaillait qu’avec de l’argent. Là, vous avez les ressources humaines et le service de la paie, et quand vous combinez les deux c’est là que vous arrivez à la catastrophe. Quelle est votre vision en ce qui a trait à la recherche d’un système sur le marché qui vous ramènera dans le même chaos que vous connaissez actuellement?
[Traduction]
Mme Qualtrough : Comme je l’ai déjà souligné, le gouvernement fédéral compte actuellement 32 systèmes de ressources humaines différents qui sont intégrés à Phénix; certains fonctionnent bien, mais d’autres s’avèrent boiteux. J’ignore s’il s’agit d’un terme technique, mais j’en suis arrivée à comprendre la situation ainsi. Nous avons appris que tout ce qui concerne les ressources humaines et la rémunération est interdépendant. Ces systèmes ne fonctionnent pas de manière distincte, particulièrement à notre époque. Quand nous évaluerons la prochaine version d’un système moderne de ressources humaines et de rémunération pour le gouvernement fédéral, nous devrons tenir compte de ces deux éléments.
[Français]
M. Linklater : La paie est actuellement une fonction des transactions ou des événements dans les ressources humaines. Alors, si l’on prend un poste occupé par intérim ou un congé sans traitement, cela aura un impact sur le salaire. Comme Mme la ministre l’a mentionné, si l’on ne peut pas régler le système de ressources humaines avant de transformer le système de paie ou de mettre en œuvre un autre système de paie, nous aurons probablement un autre désastre. Il faut, au début, nous assurer que le processus de ressources humaines est aligné avec les pratiques actuelles, que les ministères ont l’occasion de se voir dans le processus des ressources humaines avant qu’on mette en vigueur un autre système qui donnera les résultats réels et à jour pour les employés.
[Traduction]
Mme Qualtrough : J’ajouterais que j’entrevois une époque où nous ne parlerons pas du système de ressources humaines et du système de rémunération de manière distincte, mais d’un système de ressources humaines ayant une fonction de rémunération. Si nous ne parlons pas de système de paye dans cinq ans, je sourirai, car nous avons indubitablement appris que la rémunération ne constitue qu’un élément des ressources humaines, à l’instar du contrôle des présences et de l’entrée de données. Il existe d’autres fonctions, et sachez que nous avons vraiment appris qu’elles sont interdépendantes.
[Français]
M. Linklater : Mon équipe est maintenant responsable de la stabilisation des ressources humaines à la paie. La majorité de notre travail se trouve avec les ministères et le système de ressources humaines pour assurer le bon fonctionnement des interfaces avec le système des ressources humaines, que les données qu’on reçoit de Phénix sont à jour et exactes pour qu’on puisse obtenir les résultats attendus avec la paie.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : Je suis un peu confuse maintenant, car la version française du budget indique que Phénix sera éliminé, alors que sa version anglaise parle de « wound down ». Vous dites maintenant que vous étudiez la question. Phénix sera-t-il éliminé ou non?
Mme Qualtrough : Phénix sera éliminé graduellement, et le Conseil du Trésor étudie actuellement comment cela s’effectuera. Je n’essaie pas de me moquer de vous, car je n’ai que le plus grand respect à votre égard. Nous devons vraiment être plus précis quand nous nous exprimons, mais nous avons admis que Phénix n’est pas le système de l’avenir pour le gouvernement fédéral. Nous ne pouvons toutefois pas l’éliminer demain, car nous devons payer les employés. Nous avons appris qu’il faut du temps pour bien évaluer un système afin de nous assurer qu’il comble les besoins que nous sommes en train de déterminer. Phénix disparaîtra, mais ce n’est pas pour demain, et cela pourrait prendre quelques années.
La sénatrice Andreychuk : Je suppose que c’est la question qui nous préoccupe. Les employés vivent dans l’incertitude. Nous qui tentons de rendre le système fonctionnel vivons dans l’incertitude. Êtes-vous en train d’élaborer un plan que nous pourrions obtenir afin de savoir où vous en êtes au chapitre de l’élimination et quelles sont les solutions que vous envisagez? Vous avez rendu la situation plus complexe en indiquant que vous voulez intégrer davantage le système aux ressources humaines, mais à mon avis, les ressources humaines vont bien au-delà de la paye. Pensez-vous simplement inclure une fonction de rémunération, tout en affectant des ressources supplémentaires pour moderniser les ressources humaines? Tout cela devient de plus en plus complexe. Comment pouvons-nous obtenir le plan?
Mme Qualtrough : Je vais retirer ce que j’ai dit à propos de l’élimination graduelle. Je ne veux pas dire que nous éliminons lentement Phénix, mais que nous en arriverons à un point où nous aurons un système de rémunération moderne et fiable qui fonctionnera parallèlement au système existant jusqu’à ce que nous soyons certains de pouvoir transférer les données d’un à l’autre et que tout fonctionne. Il n’y a pas d’élimination graduelle. Pardonnez-moi ma désinvolture.
La sénatrice Andreychuk : Je pense que c’est ce que la version anglaise du budget indique de toute façon.
Mme Qualtrough : Les choses n’auraient probablement pas dû être exprimées ainsi, mais nous faisons tout en notre pouvoir pour stabiliser le système. Après que les employés auront été rémunérés aux deux semaines de manière fiable et juste et que les données auront été exactes pendant une période, nous transférerons les données au nouveau système. Il est trop tôt pour que je puisse prédire de quoi le nouveau système aurait l’air. Il pourrait s’agir d’une plateforme infonuagique ou d’un système exclusif. Nous pourrions le concevoir nous-mêmes ou utiliser divers logiciels intégrés aux ressources humaines. Il est bien trop tôt pour le dire. L’argent servira expressément à étudier la question.
La sénatrice Andreychuk : Justement, si nous devons assumer un rôle de supervision, ce que je juge nécessaire, nous devons savoir quand ce projet ira de l’avant. Quand saurons-nous de quel système il s’agit, pour l’analyser au lieu de discuter des leçons tirées de l’expérience?
Mme Qualtrough : C’est une question pertinente, mais nous ne disposons pas de ces renseignements actuellement. Je peux certainement vous promettre de vous transmettre l’information à mesure que nous étudions le dossier. Nous ne sommes qu’à l’aube du voyage.
La sénatrice Andreychuk : Plus vous attendez avant d’informer tout le monde, moins cela nous aide.
Mme Qualtrough : Vous avez raison.
La sénatrice Andreychuk : Nous savons que ce projet était en cours depuis une dizaine d’années, mais on nous a indiqué que quand le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir, il a décidé d’implanter Phénix. Pourquoi n’a-t-il pas procédé à des projets pilotes? Le vérificateur général se penchera sur la question, mais pourquoi n’y a-t-il pas eu de projets pilotes? J’ai participé à un des premiers essais aux Affaires étrangères il y a quelques années, agissant à titre de cobaye à l’ambassade. La tentative s’est soldée par un échec et les responsables y ont mis fin, mais ils n’avaient pas implanté le système partout. On a retenu des leçons de l’entreprise. Pourquoi n’avez-vous pas mis le système à l’essai pour voir ce qu’il en était des ressources humaines et des autres fonctions? Voilà pourquoi je considère qu’il faut avoir un plan. Certains d’entre nous ont demandé comment, quand et pourquoi; ces questions devaient être posées, mais elles sont apparemment restées sans réponse.
Mme Qualtrough : Deux choses se sont produites quand le gouvernement a dû prendre une décision à propos de Phénix au début de 2016. Tout d’abord, les responsables nous ont affirmé qu’il était prêt à être mis en œuvre; nous sommes donc allés de l’avant en toute confiance.
Sachez en outre que nous n’avions pas à choisir entre conserver le système existant ou adopter Phénix, puisqu’à dire bien franchement, il n’existait pas de système que nous pouvions conserver. Personne ne pouvait gérer le système, qui avait déjà été en grande partie déclassé. En raison des décisions prises au cours des deux années et demie précédentes, nous ne pouvions vraiment pas décider d’attendre de régler tous les pépins, car il n’y avait littéralement pas de système sur lequel se rabattre.
Puisqu’on a déclaré que le système était prêt, notre gouvernement a décidé d’aller de l’avant. Je pense que je peux dire sans me tromper que nous ne saisissions pas l’ampleur des défis auxquels nous pourrions être confrontés aussi rapidement, mais nous avons poursuivi nos démarches et, en l’espace de six mois, nous avions une nouvelle gouvernance, nous investissions de nouveaux fonds et nous agissions de manière réactive, car nous étions inondés de transactions, de sorte que très rapidement, nous ne pouvions plus suivre le rythme, sans compter le fait qu’il y avait un arriéré de 40 000 transactions laissées par le système précédent.
À mesure que nous réglons les situations au cas par cas, que ce soit la mise en œuvre de conventions collectives ou de taxes, nous devons gérer le clivage qui existe entre ces deux systèmes. Nous instituons donc une convention collective rétroactive de quatre ans qui prévoit que deux années de transactions d’un employé figurent dans Phénix et deux années de transactions sont archivées dans l’ancien système. Il faut énormément de ressources humaines et financières pour traiter la rémunération rétroactive sur quatre ans à laquelle une personne a droit en vertu de cette convention collective.
Sachez qu’il n’y avait pas de convention collective en place lorsque notre gouvernement est arrivé au pouvoir. Nous avons mis en place 24 des 27 conventions collectives, si bien que plus de 90 p. 100 des fonctionnaires sont encore couverts par des conventions collectives, mais nous devons gérer les centaines de milliers de transactions qui ont été créées dans un système déjà instable en raison de cette négociation réussie. C’est difficile.
La sénatrice Andreychuk : Il vous faut un plan si vous avez l’intention de vous en départir.
Le sénateur D. Black : Pour entamer mes questions, je me demande si vous seriez en mesure de nous fournir un montant approximatif des dépenses que le gouvernement du Canada a engagées pour régler ce problème. Avez-vous une idée des coûts approximatifs?
Mme Qualtrough : Je vais demander à Les de vous fournir ce montant, car il se trouve dans ce graphique.
M. Linklater : 645 millions de dollars.
Le sénateur D. Black : Je me demandais si c’était le montant. C’est la somme que nous avons dû dépenser en raison du gâchis que nous devons nettoyer, pour une raison quelconque.
M. Linklater : Il faut des ressources additionnelles en TI et en RH.
Mme Qualtrough : Nous avons dépensé 190 millions de dollars jusqu’à présent, en plus des 431 millions de dollars prévus dans ce budget, et des 16 millions de dollars et des 110 millions de dollars.
M. Linklater : Oui.
Le sénateur D. Black : C’est donc presque 1 milliard de dollars, et ce n’est pas terminé. Tenons pour acquis qu’il y a 1 milliard de dollars en fonds additionnels pour l’instant.
Là où je veux en venir, madame la ministre, c’est que vous êtes née et avez grandi à Calgary, alors je sais que vous avez les compétences voulues pour régler ce problème. Je ne suis pas sensible au problème dont vous avez hérité. J’estime cependant que vos fonctionnaires et vous assumez une trop grande part de la responsabilité. Vous dites que vous ne compreniez pas les détails complexes et nous pensons que nous devrions faire mieux.
J’ai œuvré dans le secteur des services dans le passé. Vous avez embauché l’une des plus grandes firmes de services au monde pour mettre en œuvre ce projet, alors je ne sais pas trop pourquoi vous vous blâmez autant. Pourrions-nous, s’il vous plaît, voir la copie de l’avis du ministère de la Justice sur la raison pour laquelle nous n’avons pas poursuivi IBM pour les 647 millions de dollars, pour commencer?
Mme Qualtrough : Je comprends votre point de vue. Je ne peux pas vous dire si nous pouvons vous fournir ce document. Je ne sais pas s’il est protégé par le secret professionnel. Je vais devoir me renseigner à ce sujet.
Le sénateur D. Black : Je crois connaître la réponse.
Mme Qualtrough : Je crois connaître la réponse aussi, mais je préfère vous fournir une réponse exacte plutôt que d’émettre des hypothèses.
Le sénateur D. Black : Je comprends.
Mme Qualtrough : C’est de façon très réfléchie que je vous dis ceci : nous devons connaître le contrat qui a été négocié avec le fournisseur. Il n’incluait pas les formations, la transformation opérationnelle, l’intégration des RH et les systèmes de paye. Nous avons acheté un logiciel sur le marché qui devait être énormément adapté pour satisfaire à 80 000 règles relatives aux processus opérationnels en lien aux conventions collectives et à d’autres mesures du gouvernement du Canada.
Le sénateur D. Black : Pourquoi votre entrepreneur indépendant n’a-t-il pas dit : « Madame la ministre, ce n’est pas l’outil approprié pour la tâche à accomplir »? C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas. Pourquoi personne n’a dit que cet outil ne fonctionnerait pas?
M. Linklater : J’ai trouvé le rapport de Goss Gilroy utile, car il fait état que la gouvernance n’était pas adéquate, pour ainsi dire, afin de veiller à ce que tous les points de vue soient pris en considération dans la conception et le déploiement du système. Par exemple, avec l’approche d’autorisation axée sur les tâches d’IBM, SPAC, en tant que gestionnaire du projet à l’époque, aurait pu faire plus pour solliciter l’avis d’IBM à l’étape de la conception. Je pense aussi que les syndicats auraient pu assumer un rôle plus important. Les services de rémunération auraient pu assumer un rôle plus important. Nous avons consulté les ministères et les organismes, mais en rétrospective, je ne pense pas qu’il y a eu suffisamment de consultations et d’efforts de mobilisation pour régler certains des défis particuliers auxquels nous sommes confrontés à l’heure actuelle, surtout en ce qui concerne le travail par quarts et le travail irrégulier que Phénix n’était pas équipé à gérer, tout en sachant qu’il y avait des solutions de rechange manuelles en place. Il y a aussi le fait que le système précédent fonctionnait à merveille. Il y avait des solutions de rechange manuelles. Il n’était pas relié aux RH comme l’est Phénix à l’heure actuelle. À mesure que nous continuons d’apporter des améliorations, nous aurons un meilleur outil de gestion associé à la plateforme Phénix, quoi qu’il risque d’être un peu maladroit, mais qui deviendra peut-être meilleur que ce que nous avions auparavant. Le problème, c’est qu’aucune balise n’a été fixée avec le SRP, si bien que nous ne savons pas si nous sommes meilleurs dans la prestation de l’administration de la paye que nous l’étions avec le système précédent.
Le sénateur D. Black : Si nous examinions le contrat initial entre le gouvernement du Canada et IBM, nous pourrions nous faire notre propre opinion à ce sujet. Je parle ici non seulement en tant que membre du comité, mais aussi en tant qu’avocat. Vous assumez une trop grande part de la responsabilité. Quelqu’un a effectivement fait une gaffe. Nous portons le problème à l’attention de la banque. C’est évident. Mais je pense que vous aviez un partenaire, et je ne suis pas certain qu’il endosse une part de la responsabilité. J’ai peut-être tort, mais pourquoi ne faites-vous pas des démarches pour nous soumettre les accords qui ont été conclus avec IBM afin que nous puissions y jeter un coup d’œil?
M. Linklater : Nous devrons peut-être les censurer ou les réviser pour des considérations commerciales, mais nous pouvons discuter avec nos collègues du ministère de la Justice.
Le sénateur D. Black : J’aimerais connaître l’avis du ministère de la Justice à ce sujet. Si l’entreprise IBM peut échapper au problème, elle pourra dire qu’elle suivait les instructions. Si elle peut s’en tirer en disant simplement qu’elle faisait ce qu’on lui disait de faire, il y a alors une autre série de questions à poser.
Mme Qualtrough : Je pense que c’est ce que vous devrez faire.
Le sénateur D. Black : Je pense que vous avez raison, et ce n’est pas quelque chose que je veux faire.
Mme Qualtrough : Un exemple qui me vient à l’esprit dans le cadre de ce dialogue, c’est que le projet initial devait inclure la fonctionnalité de rétroactivité. C’est un bon exemple. Le gouvernement précédent avait pris la décision de laisser tomber cette fonctionnalité. Par conséquent, Phénix ne verse pas de paiements rétroactifs, si bien que dans la majorité des cas, les paiements rétroactifs doivent être calculés manuellement.
Imaginez des employés qui n’ont pas confiance, et avec raison, dans un système, et qui sont réticents à faire quoi que ce soit qui pourrait perturber leur salaire de base. Donc, plutôt que de consigner en temps opportun leurs transactions, leurs payes intérimaires ou leurs congés, ils attendent et le font à une date ultérieure, ce qui donne lieu à une rémunération rétroactive. S’ils avaient confiance dans le système — et je répète que je comprends leur manque de confiance —, ils pourraient avoir consigné ces données dans la période de paye visée et Phénix les aurait traitées sans problème puisqu’il traite les transactions en temps opportun avec beaucoup de succès. C’est tout le contraire cependant avec les cas de rétroactivité.
Le sénateur D. Black : Pendant 10 ans, qui était votre consultant? On parle de 10 ans. On ne parle pas de 10 jours ou de 10 mois, mais de 10 ans.
Mme Qualtrough : Je n’en disconviens pas.
Le sénateur D. Black : Merci beaucoup.
Le président : Pour donner suite à l’observation que vous avez entendue plus tôt, madame la ministre, pourriez-vous vous renseigner, s’il vous plaît? Nous aimerions avoir les faits.
Mme Qualtrough : Oui.
Le président : Vous pouvez les faire parvenir à la greffière.
Le sénateur Neufeld : Merci, madame la présidente, d’être ici. Je sais que c’est un dossier difficile. Bien entendu, il y a des gens qui ne sont pas payés ou qui sont surpayés ou sous-payés, et personne ne souhaite être dans cette situation.
Qui est responsable de régler le problème du système Phénix? Est-ce votre ministère? Je crois savoir que le président du Secrétariat du Conseil du Trésor est le responsable. Pouvez-vous préciser à qui incombe cette responsabilité?
Mme Qualtrough : J’en suis la responsable. Il est énoncé dans ma lettre de mandat que je suis responsable de stabiliser le système de paye. Le président du Secrétariat du Conseil du Trésor, en tant qu’employeur, joue un rôle essentiel, ainsi qu’en tant que fournisseur des services de ressources humaines. C’est la raison pour laquelle, dans notre modèle de gouvernance, dans la façon dont nous abordons l’intégration des RH, lui et moi assumons cette double responsabilité, mais, au final, je suis la responsable.
Le sénateur Neufeld : Merci.
De plus, vous avez répondu à une question de la sénatrice Andreychuk sur la raison pour laquelle le déploiement n’a pas été reporté. Vous avez dit que le système était prêt à être déployé. J’ai d’autres renseignements à ce sujet. Les mises à l’essai à l’interne effectuées en décembre 2015 ont fait ressortir des préoccupations. Le contrôleur général a rendu public un rapport le 13 janvier 2016 dans lequel des préoccupations sont soulevées. Au cours du même mois, vos fonctionnaires ont rédigé une ébauche du rapport Gartner dans lequel on réclamait un plan d’urgence et un système parallèle. L’ARC a déclaré que les résultats des mises à l’essai ne sont pas connus. EDSC a dit qu’il avait des questions à ce sujet. Il en va de même pour l’ACIA, la GRC et Sécurité publique. De nombreuses initiatives ont été menées en janvier 2016 qui laissaient entendre qu’il y avait des problèmes avec le système et que nous devrions l’examiner un peu. Vous avez fait savoir qu’on vous a dit que le système était prêt à être déployé. Qui vous a dit que le système était prêt à être déployé?
Mme Qualtrough : Je suis désolée. Ce n’était pas moi personnellement. Je crois savoir que mon prédécesseur a été informé par des hauts fonctionnaires que le système était prêt à être déployé et que les ministères avaient donné leur aval. Cette information a été communiquée à une séance d’un comité de la Chambre par le sous-ministre. Il y a un témoignage à cet égard. D’après les renseignements que nous avons reçus au ministère, le système était prêt à être déployé.
Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous fournir à la greffière les noms des dirigeants ministériels qui ont écrit dans des communiqués que le système était prêt à être déployé pour que nous puissions voir les dates? J’ai des documents qui remontent à janvier 2016 dans lesquels on ne dit pas qu’on ne devrait pas aller de l’avant avec le déploiement, même s’il y avait de nombreux problèmes. J’aimerais savoir qui a déclaré que le système pouvait être mis en œuvre. Qui vous a dit cela?
Mme Qualtrough : Il y a un document public qui a été fourni par mon prédécesseur dans lequel les ministères affirmaient être prêts à aller de l’avant avec Phénix, et nous pouvons certainement vous fournir cette information.
Le sénateur Neufeld : J’imagine que ce sont les mêmes hauts fonctionnaires qui vous disent maintenant que c’est un gâchis. J’aimerais obtenir ces renseignements. Si vous pouvez les faire parvenir à la greffière, je vous en serais reconnaissant.
J’avais d’autres questions auxquelles vous avez déjà répondu, mais vous pourriez peut-être me dire à combien s’élèvent les paiements en trop qui ont été versés aux employés.
M. Linklater : Soyez patient avec moi, monsieur le sénateur. Nous avons une question inscrite au Feuilleton. La question a été déposée aujourd’hui à la Chambre en tant que question inscrite au Feuilleton — et nous pouvons transmettre ces renseignements à la greffière également. En 2016, le total des paiements en trop s’élevait à 106 millions de dollars : 23 millions de dollars étaient des paiements en trop versés avec l’ancien système régional de paye et 83,5 millions de dollars, avec le système Phénix. En 2017, le total des paiements en trop était de 246 millions de dollars, dont 141 millions étaient de nouveaux paiements en trop versés en 2017.
Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous me dire à combien s’élevaient les moins-payés pour ces mêmes périodes?
M. Linklater : Je n’ai pas ces renseignements, mais je vais voir ce que je pourrai vous fournir.
Le sénateur Neufeld : Ce serait bien si vous pouviez nous fournir ces données.
Ma deuxième question est la suivante : prévoyez-vous payer les montants dus à tous les employés qui ont été sous-payés, et sur quelle période pensez-vous pouvoir le faire? Allez-vous percevoir les trop-payés, et sur quelle période le ferez-vous?
Mme Qualtrough : Nous nous sommes engagés à ne pas percevoir de remboursement avant qu’un employé ait reçu ce qui lui est dû. Que ce soit un moins-payé ou un trop-payé, jusqu’à ce que toutes les transactions d’un employé aient été effectuées, et jusqu’à ce qu’un employé ait reçu trois payes exactes consécutives, nous ne commencerons pas à discuter de remboursements avec les employés. Lorsque ces discussions auront lieu, nous nous assurerons d’établir des calendriers de remboursement les plus flexibles possible.
Je suppose que vous voulez savoir quand toutes les transactions en attente qui ont des retombées financières seront effectuées. Je ne peux pas vous fournir de réponse, monsieur. J’ai compris que ce dossier est bien trop imprévisible. Ce que je cherche à faire actuellement, c’est d’accomplir des progrès constants et prévisibles dans ce dossier. Je ne suis pas prête à dire que nous sommes rendus à cette étape parce que nous avons eu une période où nous avons enregistré une baisse. Il serait irresponsable de ma part d’annoncer un échéancier.
Le sénateur Neufeld : En 2016, lorsqu’il y a eu 106 109 000 $ en trop-payés, avez-vous perçu une partie de ce montant, ou avez-vous pris la décision récemment de ne pas percevoir de remboursement ou d’essayer de régler les moins-payés avant?
M. Linklater : Une partie de ces fonds, monsieur le sénateur, a été perçue. Il y a eu des défauts de paiement dans le système. Nous avons pris des arrangements avec différentes personnes qui ont reçu des paiements en trop en 2016 qui sont visées par des calendriers de remboursement; nous récupérons activement une partie de cet argent.
Le sénateur Neufeld : Vous récupérez une partie de ces 106 millions de dollars. Merci.
La sénatrice Marshall : Madame la ministre, je vous remercie de votre engagement à fournir une ventilation détaillée des 431 millions de dollars en sommes dues et les indicateurs de rendement, mais il y a un élément dans le budget qui me laisse perplexe. Je ne sais pas si vous aurez la réponse de mémoire. Vous vous engagez à rembourser 431 millions de dollars, mais si on regarde le calendrier sur cinq ans, le total n’est que de 330 millions de dollars. Je me demande où se trouvent les 100 millions de dollars restants.
M. Linklater : Ce sont les fonds pour l’exercice financier en cours. Vous vous rappellerez sans doute que le groupe de travail de la ministre a annoncé en mai que 142 millions de dollars seront disponibles, dont 80 millions de dollars seront versés en 2017-2018.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. J’ai hâte de recevoir les renseignements additionnels.
M. Linklater : Je me ferai un plaisir de vous les fournir.
Le président : Madame la ministre, merci beaucoup d’avoir pris part à la séance de ce soir.
Monsieur Linklater, je vais vous citer en exemple. Lorsque nous vous avons demandé des renseignements additionnels à transmettre à la greffière, vous avez immédiatement répondu que vous nous les ferez parvenir d’ici les 72 prochaines heures, et pas des mois plus tard, comme c’est le cas avec d’autres ministères qui ne nous ont toujours pas transmis les renseignements que nous leur avons demandés.
Nous vous remercions à tous les deux d’être venus.
(La séance est levée.)