Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 67 - Témoignages du 23 mai 2018
OTTAWA, le mercredi 23 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 16 h 33, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m’appelle Percy Mockler; je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je suis président du comité.
[Français]
J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous ceux et celles qui sont présents ici, dans la salle, et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent à la télévision ou en ligne.
[Traduction]
Je rappelle à tous que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca, le site web du Sénat du Canada.
Je demande maintenant à mes collègues sénateurs de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Deacon : Marty Deacon, Ontario.
[Français]
Le président : J’aimerais également vous présenter la greffière de notre comité, Mme Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, MM. Sylvain Fleury et Alex Smith qui, ensemble, appuient les travaux de notre comité.
[Traduction]
Nous allons discuter aujourd’hui de la teneur du projet de loi C-74, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2018, et plus particulièrement de la partie 3, qui traite du nouveau cadre fédéral de droits d’accise sur les produits du cannabis.
Nous accueillons à cette fin M. Bill Blair, député et secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et de la ministre de la Santé.
[Français]
Je vous présente aussi M. Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt au ministère des Finances, de même que M. Shane Baddeley.
[Traduction]
Il est analyste des politiques à la Division de la taxe de vente au sein de la Direction de la politique de l’impôt.
Monsieur Blair, je crois que vous avez un exposé à nous présenter après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.
Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à venir nous faire part de votre vision et de vos observations et à répondre aux questions des sénateurs concernant le sujet à l’étude, à savoir le cadre fédéral de droits d’accise pour les produits du cannabis.
[Français]
Monsieur Blair, la parole est à vous.
Bill Blair, député, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et de la ministre de la Santé : Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Honorables sénateurs, merci beaucoup de m’avoir invité à venir discuter avec vous du cadre fédéral de droits d’accise pour les produits du cannabis qui est prévu dans le projet de loi de mise en œuvre du budget. Comme vous pouvez le constater, je suis accompagné de cadres supérieurs du ministère des Finances qui m’aideront à répondre à vos questions, afin que vous puissiez obtenir des renseignements aussi exacts que possible.
J’essaierai d’être bref, car j’estime important de laisser un maximum de temps pour vos questions et nos réponses. J’aimerais, tout de même, débuter par un bref aperçu de l’engagement pris par notre gouvernement et des mesures que nous avons mises en œuvre pour le concrétiser.
Disons d’abord que nous avons pris un engagement envers les Canadiens au moment de notre élection il y a deux ans de cela. Nous nous sommes engagés à modifier le régime de contrôle du cannabis au pays. Nous voulions nous débarrasser d’un régime répressif fondé sur des sanctions pénales, qui a lamentablement échoué en optant plutôt pour la légalisation, la réglementation et des mesures strictes limitant l’accès au cannabis. Je crois qu’il est primordial que nous soyons très clairs sur ce point. Nous avons l’intention de mettre en place un régime exhaustif de contrôle réglementaire de la production, de la distribution et de la consommation du cannabis, qui sera plus efficace que le système répressif actuel.
Nous avons reconnu, dès le départ, qu’il est impossible de réglementer une substance interdite. C’est essentiellement à cette fin qu’il a fallu parler de légalisation. Nous devons lever l’interdiction pour la remplacer par un régime réglementaire strict qui sera nettement plus efficace et complet. À mon sens, il est très facile de comprendre les motivations d’un tel changement. Nous enregistrons au Canada l’un des taux de consommation de cannabis chez les jeunes parmi les plus élevés au monde. C’est ce que révèle une analyse de la consommation de drogues chez les étudiants ontariens et d’autres études menées par les Nations Unies et différentes instances. Il en ressort clairement que les jeunes Canadiens consomment régulièrement du cannabis. Et l’on parle ici de cannabis qui n’est pas réglementé, qui n’a pas été analysé et qui peut être dangereux.
À l’heure actuelle, le marché de la production et de la distribution du cannabis est contrôlé à 100 p. 100 par le crime organisé, et est donc totalement déréglementé et hors contrôle. Trop souvent, le cannabis risque d’être dangereux, du fait qu’il n’est ni analysé ni réglementé. On ne connaît ni sa puissance, ni son taux de pureté, ni sa provenance, tout cela parce qu’il est le fruit d’activités illicites qui rapportent des milliards de dollars par année. On estime à quelque 20 millions de dollars par jour la valeur du marché noir. Jamais le crime organisé n’aura fait de l’argent aussi facilement.
Notre gouvernement s’est donc fixé deux importants objectifs stratégiques. Il y en avait, en fait, neuf dans notre loi et le mandat de notre groupe de travail, mais je vais seulement vous en présenter quelques-uns. Il y a d’abord le fait que nous savons qu’il nous faut en faire davantage pour empêcher que nos enfants puissent avoir accès à cette drogue. Nous croyons y parvenir en combinant deux piliers d’intervention. Il faut imposer des restrictions rigoureuses sur la distribution et la consommation de cannabis tout en investissant considérablement dans les mesures de sensibilisation de telle sorte que nos jeunes, leurs parents, leurs enseignants et les fournisseurs de soins de santé aient accès à l’information dont ils ont besoin pour faire des choix plus sains, plus sécuritaires et plus responsables socialement.
Nous nous sommes également donné comme objectif de supplanter le marché noir, de manière à diminuer les bénéfices actuellement engrangés par le crime organisé. Comme je l’indiquais, la production et la distribution illicites du cannabis représentent aujourd’hui la source la plus facile de revenus pour les criminels.
Nous avons formé un groupe de travail à cette fin, il y a environ deux ans. Nous avons ainsi mobilisé des experts des domaines de la justice, de la sécurité publique, de la santé publique et de la toxicomanie sous la direction de la présidente, l’ancienne vice-première ministre, Anne McLellan. Ce groupe a mené un examen de la situation actuelle, quant au contrôle du cannabis, et formulé des recommandations au gouvernement relativement aux moyens à prendre pour réduire les problèmes de société et de santé causés par le cannabis au Canada, particulièrement au sein des populations vulnérables comme les jeunes et les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, et pour en arriver, en fin de compte, à supplanter le marché illicite. Dans la foulée de ce mandat, le groupe de travail a réalisé un sondage en ligne auprès de plus de 3 000 Canadiens. Nous avons aussi reçu des mémoires écrits de quelque 700 organisations comme l’Association médicale canadienne, la Société canadienne de pédiatrie et l’Association canadienne de santé publique, ainsi que de différents citoyens, universitaires et organismes. Nous avons aussi organisé dans diverses régions du pays des tables rondes où nous invitions des experts à discuter avec le groupe de travail des préoccupations reliées au régime actuel de réglementation et de contrôle du cannabis qui mise sur le droit pénal et l’imposition de sanctions, et à formuler des recommandations à l’intention du gouvernement, quant aux mesures à mettre de l’avant pour améliorer la protection de nos enfants et la sécurité de nos collectivités. Le groupe de travail a également examiné ce qui se fait ailleurs dans le monde, notamment dans les États du Colorado et de Washington aux États-Unis, mais aussi dans d’autres pays qui ont eu à composer avec ces enjeux. Nous avons tiré des enseignements de ces expériences.
Dans son rapport au gouvernement, le groupe de travail a formulé un nombre considérable de recommandations qui ont été prises très au sérieux. En nous inspirant des avis et des faits probants mis de l’avant par le groupe de travail, nous avons commencé à proposer différentes modifications réglementaires en vue d’assurer un meilleur contrôle de cette drogue. Nous avons aussi travaillé en étroite consultation avec les provinces, les territoires, les municipalités et les forces de l’ordre de tout le pays, de même qu’avec nos partenaires des Premières Nations pour nous assurer que la légalisation et la réglementation du cannabis puissent se faire de façon responsable en respectant les compétences des provinces et des Autochtones de toutes les régions. Les mesures prévues dans le projet de loi C-45 mettront notre pays sur la voie d’un véritable régime complet et efficace de réglementation du cannabis. Comme vous le savez, ce projet de loi a été adopté en troisième lecture par la Chambre des communes et se retrouve maintenant devant le Comité des affaires sociales du Sénat. Nous attendons les résultats du travail crucial accompli par le Sénat relativement au projet de loi C-45.
Parallèlement à cette mesure législative, nous sommes conscients que la conduite avec les facultés affaiblies demeure problématique. Près du tiers des Canadiens de 18 à 24 ans indiquent consommer du cannabis. Plusieurs d’entre eux ont, en outre, avoué qu’il leur arrivait de conduire un véhicule après en avoir consommé. Ils sont nombreux à penser que cela n’affecte pas leur capacité de conduite. Certains vont même jusqu’à dire qu’ils estiment que leur conduite s’en trouve améliorée. Nous avons donc présenté un projet de loi sur la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues, une mesure que nous jugeons exhaustive et qui s’accompagne d’améliorations importantes aux dispositions touchant la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. C’est un autre projet de loi actuellement examiné par un comité sénatorial, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le projet de loi C-74 à l’étude aujourd’hui nous permet de faire un autre pas en avant. J’aimerais faire avec vous un bref survol des importantes discussions qui ont mené à l’élaboration de ce nouveau cadre législatif.
Il y a eu d’abord la rencontre entre le premier ministre canadien et ceux des provinces et des territoires. De vastes consultations ont ensuite été tenues entre les hauts fonctionnaires de nos ministères des Finances respectifs. Le tout s’est conclu par une rencontre entre notre ministre des Finances et ses homologues provinciaux et territoriaux. Il y a eu également de nombreux échanges avec les municipalités, notamment via la Fédération canadienne des municipalités et d’autres instances, pour l’établissement d’un cadre visant à appuyer le double objectif de garder le cannabis hors de la portée des jeunes et de priver les criminels des profits qui découlent de son commerce.
Le gouvernement fédéral et la plupart des provinces ont convenu d’un cadre fiscal en vertu duquel les provinces obtiendraient 75 p. 100 des recettes tirées du droit d’accise de 1 $ par gramme — avec augmentation possible si le prix de vente est supérieur à 10 $ — alors que les 25 p. 100 restants iraient au gouvernement fédéral. On en est arrivé à ces chiffres en reconnaissance du fait que la mise en œuvre de cette nouvelle loi allait entraîner des coûts pour les municipalités et les collectivités qui reçoivent leur financement de la province. Il est donc ressorti clairement de ces discussions qu’une plus large proportion des recettes tirées du droit d’accise irait aux provinces pour compenser les coûts additionnels assumés par les municipalités.
Il a également été convenu que, pendant les deux premières années suivant la légalisation, toutes les recettes fédérales dépassant un plafond de 100 millions de dollars par année seraient retournées aux provinces et aux territoires. Le droit d’accise proposé s’appliquera d’une manière générale à tous les produits du cannabis disponibles en vente légale, ce qui comprend le cannabis séché ou frais, l’huile de cannabis, et les graines et les semis aux fins de culture à domicile.
Nous sommes également conscients de la valeur thérapeutique possible des huiles de cannabis à faible teneur en THC. Ces huiles qui ne créent pas d’accoutumance sont parfois prescrites par les professionnels de la santé pour le traitement de certains problèmes particuliers chez les enfants. Ces produits dont la teneur en THC est inférieure à 1/3 de 1 p. 100 ne sont pas assujettis aux droits d’accise prévus dans ce projet de loi.
Les produits pharmaceutiques dérivés du cannabis seront également exemptés de ces droits d’accise pour autant qu’ils aient été obtenus au moyen d’une prescription et qu’on leur ait attribué un numéro d’identification du médicament. Je peux également vous confirmer que, tel qu’indiqué dans le budget de 2018, Santé Canada va procéder à l’évaluation du processus d’examen et d’approbation des médicaments afin que les Canadiens qui en ont besoin puissent avoir accès à une gamme de solutions thérapeutiques sécuritaires, efficaces et de grande qualité pouvant inclure le cannabis.
Dans le cadre de ce travail, le gouvernement examinera les options possibles pour l’établissement d’un programme de ristourne visant à rembourser rétroactivement les Canadiens au titre de la portion fédérale du droit d’accise proposé sur les produits du cannabis qui se voient attribuer ultérieurement un numéro d’identification du médicament et peuvent donc être prescrits. Le gouvernement est entré en contact avec les groupes autochtones pour connaître leurs points de vue, notamment quant à l’accès aux recettes fiscales. Cet engagement s’inscrit dans le cadre d’un effort plus global visant la mise au point d’un nouvel arrangement fiscal avec les collectivités des Premières Nations.
Je tiens aussi à souligner en terminant le travail consciencieux accompli par de nombreux comités sénatoriaux relativement à tous les enjeux importants liés à la légalisation du cannabis. Nous avons grand hâte de pouvoir prendre connaissance des recommandations formulées par les sénateurs. Nous demeurons déterminés à respecter la promesse faite aux Canadiens en abrogeant dès cet été l’interdiction pénale existante pour mettre en œuvre un régime complet de contrôle réglementaire de la production, de la distribution et de la consommation du cannabis. Nous estimons qu’un tel régime nous permettra d’être beaucoup plus efficaces dans nos efforts pour protéger nos enfants, lutter contre le crime organisé, assurer la sécurité de nos collectivités et protéger la santé de tous les Canadiens. Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur Blair.
Avant de donner la parole à un premier sénateur, je demanderais au sénateur Day de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Day : Je vous prie d’excuser mon retard. Sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Marshall : Merci de votre présence ici aujourd’hui.
Je voulais parler de l’article 77 concernant les registres à tenir, et j’ai aussi certaines questions au sujet de l’article 76.
Quelles sont les exigences actuelles concernant les registres? Où dois-je aller pour savoir quels registres doivent être tenus par les producteurs et les détaillants? Où est-ce que cela est indiqué?
M. Blair : Je ne crois pas que ce soit dans le projet de loi de mise en œuvre du budget qu’il soit question de ces registres auxquels vous faites référence.
La sénatrice Marshall : Non, et c’est pour ça que je pose la question. Où en parle-t-on? Il n’y a pas encore de réglementation non plus, n’est-ce pas?
M. Blair : Non, les règlements sont en cours d’élaboration. Nous avons mené à cette fin une vaste consultation d’une durée de 60 jours. Nous avons fait différentes annonces publiques à ce sujet, mais ces règlements n’entreront en vigueur par décret qu’après la sanction royale. Concernant ces règlements, il y a des éléments du projet de loi C-45 qui nous permettront d’améliorer considérablement l’information sur les transactions financières que doivent conserver les producteurs autorisés. La surveillance des transactions financières et la reddition de comptes à cet égard deviendront ainsi d’autant plus faciles.
Différentes administrations ont exprimé leurs inquiétudes quant au risque de voir certaines de ces entreprises être financées par de l’argent illicite. Dans le projet de loi lui-même tout comme dans la réglementation à venir, des améliorations importantes sont apportées quant au suivi des transactions financières et aux rapports exigés sur les quantités qui sont produites, emmagasinées et vendues ainsi que sur la provenance des stocks.
Avec cette réglementation, nous mettons en place un système de suivi de l’ensemencement jusqu’à la vente de manière à assurer une surveillance de tous les instants, avec reddition de comptes à l’appui. Selon moi, cette nouvelle approche réglementaire stricte nous permet d’assurer un contrôle beaucoup plus serré des transactions financières des producteurs autorisés et du modèle de distribution. En outre, nous pouvons également suivre de plus près la production de manière à prévenir les détournements illicites et même l’utilisation inappropriée de ces marchés licites.
La sénatrice Marshall : Disons par exemple que je suis une détaillante ou une productrice, et on sait que les producteurs sont déjà en activité. Où dois-je aller pour savoir exactement quels registres je dois tenir? À quel endroit ces exigences sont-elles établies? Dans le cadre de l’impôt sur le revenu, on sait exactement quels documents on doit conserver de manière à pouvoir tous les produire si les gens de l’Agence du revenu du Canada viennent faire une vérification.
Où doit donc se rendre un producteur ou un détaillant prêt à se lancer en affaires pour savoir quels registres il doit tenir pour rendre compte des transactions effectuées?
M. Blair : Il faudrait voir ce que prévoit le règlement adopté en 2013 par Santé Canada relativement aux producteurs autorisés de cannabis à des fins médicinales. Ce règlement est en vigueur depuis maintenant près de cinq ans au Canada. Il n’y a pas actuellement de producteur autorisé pour le cannabis à des fins non médicinales. Tous les producteurs actuels sont autorisés en vertu du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicinales qui a été mis en œuvre en 2013.
Il faut dire que nous misons sur l’expérience déjà acquise. Nous avons été très efficaces dans la réglementation de la production avec un suivi très étroit de chaque transaction et du cheminement des produits. Ce règlement a permis la mise en place de mesures rigoureuses pour assurer la surveillance, la reddition de comptes et la transparence, et nous allons nous en inspirer pour veiller à l’application d’exigences strictes aux fins de la sécurité.
La sénatrice Marshall : Vous nous dites donc que c’est au ministère de la Santé qu’il faut s’adresser pour obtenir tous les formulaires et tous les renseignements concernant les registres à tenir?
M. Blair : Tout à fait.
La sénatrice Marshall : Et les producteurs et les détaillants sont au courant?
M. Blair : En fait, c’est un système qu’ils connaissent très bien. Ils doivent s’engager à se conformer aux règles et montrer qu’ils sont déterminés et aptes à le faire. Il y a un processus en vertu duquel ils doivent… Ils sont tenus de faire cette démonstration avant d’être autorisés à expédier quelque quantité que ce soit de cannabis à des fins thérapeutiques. Ils font l’objet de mesures régulières d’inspection et de surveillance par les agents de Santé Canada.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il, dans le projet de loi de mise en œuvre du budget des dispositions renvoyant les détaillants et les producteurs à cette exigence législative du ministère de la Santé?
M. Blair : Je crois que si vous vous rendez sur le site web de Santé Canada, vous y trouverez toutes les indications nécessaires quant aux formulaires à remplir et aux renseignements à fournir pour présenter une demande de licence. Les producteurs déjà autorisés peuvent également consulter sur le même site toutes les exigences auxquelles ils doivent se conformer.
Il y a actuellement environ 100 producteurs autorisés. Si vous permettez, mon collègue a des renseignements additionnels qui pourraient vous être utiles.
Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur Blair. J’ajouterais donc qu’il y a actuellement des avis publiés par l’ARC du fait que les producteurs autorisés de cannabis devront se conformer au nouveau cadre établi pour le droit d’accise. À cet égard, les modifications proposées aux termes de l’article 77 sont similaires aux obligations qui s’appliquent aux titulaires d’une licence de production pour le tabac.
La sénatrice Marshall : Alors, c’est maintenant sur le site web de l’Agence du revenu du Canada?
M. Coulombe : Oui.
La sénatrice Marshall : Si je me rends sur le site web de l’Agence du revenu du Canada, je vais trouver ces renseignements?
M. Coulombe : Vous y trouverez trois avis qui ont été publiés récemment.
La sénatrice Marshall : Je pourrai ainsi mieux savoir à quoi m’en tenir?
M. Coulombe : Vous y trouveriez des indications et des détails supplémentaires. De nouveaux renseignements seront bien évidemment communiqués à l’approche de la date de la légalisation. Des activités de sensibilisation seront aussi menées par l’ARC pour veiller à ce que chacun comprenne bien les nouvelles obligations fiscales qui entrent en jeu.
La sénatrice Marshall : Pour poursuivre dans le sens de ce que vous venez de me dire, l’article 76 prévoit un remboursement des droits d’accise pour le cannabis qui est détruit. Quel genre de preuve un producteur ou un autre titulaire de licence doit-il fournir pour obtenir un tel remboursement? Comment peut-on vérifier cela une fois le cannabis détruit? Il est indiqué :
Le ministre peut rembourser à un titulaire de licence de cannabis le droit payé sur un produit du cannabis qui est façonné de nouveau ou détruit…
Comment pourra-t-on le vérifier?
M. Coulombe : Le producteur autorisé devra faire rapport de l’utilisation de chaque gramme de matière florifère et non florifère de ses plantes de cannabis. Il doit transmettre une déclaration à l’ARC renfermant tous ces détails de la même façon qu’on le fait pour le tabac en feuilles. L’ARC effectuera différentes vérifications pour s’assurer que les rapports des producteurs autorisés de cannabis sont conformes à l’esprit de la loi.
La sénatrice Marshall : Est-ce que c’est sur le site web de l’Agence du revenu du Canada? Où est-ce que je peux trouver cette information?
M. Coulombe : Pour les formulaires et les déclarations…
Shane Baddeley, analyste des politiques, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Les trois formulaires décrivent le régime de façon générale et présentent des renseignements plus techniques. C’est un avis. L’autre avis vise les exigences relatives à l’octroi des permis. Le troisième avis a trait au régime d’estampillage de l’accise. Selon ce que nous comprenons, d’autres avis seront publiés au fil de la progression du projet de loi.
La sénatrice Marshall : Le temps file. D’accord. Alors je comprends cela et j’accepte ce que vous dites.
Ma question est la suivante : qui vérifiera le projet de loi? Je suis certaine qu’on procédera à des vérifications périodiques des détaillants et des producteurs. Qui s’en chargera? Est-ce que ce sera le ministère de la Santé, le ministère des Finances ou l’Agence du revenu du Canada?
M. Blair : Si vous me le permettez, sénatrice, selon ce que je comprends, Santé Canada est responsable de la surveillance et de la reddition de comptes relatives à la production de cannabis. Santé Canada a les ressources nécessaires pour procéder à l’inspection et à la vérification de la production et exerce un contrôle très strict à cet égard en vertu de la réglementation.
Comme l’a fait valoir mon collègue, chaque gramme doit être pris en compte parce que nous avons mis en place — à mon avis — des contrôles réglementaires très stricts pour éviter les détournements vers le marché illicite. La surveillance est importante. C’est la responsabilité de Santé Canada. L’Agence du revenu du Canada aurait aussi besoin de renseignements, et ils seraient disponibles en vertu de cette mesure législative.
La sénatrice Marshall : Est-ce qu’un groupe a déjà été formé? Monsieur Blair, selon ce que vous dites, le projet de loi sera adopté au cours de l’été. Est-ce qu’un groupe de personnes a déjà été formé?
M. Blair : Oui, madame.
La sénatrice Marshall : Donc, lorsque la loi entrera en vigueur, on procédera à une vérification des producteurs et des détaillants afin de veiller à ce que le cannabis ne se retrouve pas sur le marché illicite et que vous sachiez qu’on perçoit des taxes sur tous les produits vendus. Qui sera responsable de cela?
M. Blair : C’est déjà en place. Au début de l’année 2013, Santé Canada a mis sur pied un secrétariat sur la légalisation du cannabis, qui compte un effectif important, et qui est responsable de la délivrance des permis, de même que des inspections continues et de la réglementation de l’industrie. On a donc augmenté le personnel du secrétariat de manière importante à cette fin.
Comme je l’ai dit, on compte 100 titulaires de permis à l’heure actuelle, mais tous les producteurs autorisés au Canada détiennent un permis en vertu du régime d’accès à la marijuana à des fins médicales. Lorsque le projet de loi C-45 sera adopté et passera l’étape de la sanction royale, alors ces titulaires de permis pourraient être autorisés à produire de la marijuana à des fins non médicales afin de fournir ce qu’on appelle souvent le marché adulte ou le marché récréatif, mais ils seront assujettis à la même surveillance rigoureuse.
La sénatrice Marshall : J’ai une dernière question : nous avons entendu de nombreux témoignages des Premières Nations. Est-ce qu’on a songé à établir une relation de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations au Canada?
M. Blair : Vous avez pris un engagement important et continu à l’égard des collectivités des Premières Nations. Nous travaillons au règlement de plusieurs enjeux importants. Ce sont des enjeux complexes, j’en conviens. Nous examinons des questions de compétence. Nous avons aussi entendu plusieurs collectivités des Premières Nations qui souhaitaient participer pleinement à cette nouvelle industrie et tirer profit des possibilités économiques pour leurs collectivités. Nous avons embauché un navigateur qui les aidera à présenter les demandes de permis, de sorte qu’elles puissent profiter pleinement de cette occasion.
Nous nous sommes engagés à aborder les questions de compétence de manière continue, de même qu’à offrir des documents et des services destinés à l’éducation et à la formation du public sur la consommation de drogues qui sont adaptés à la réalité culturelle. Je crois que la discussion financière en cours fait partie d’une discussion plus vaste. Il y a un processus en place — et les responsables des finances pourraient peut-être mieux le décrire — et le premier ministre a parlé à plusieurs reprises de la mise en place d’un nouvel accord financier avec les collectivités autochtones et des Premières Nations dans le cadre de l’importante discussion de nation à nation qui est en cours. Je crois que les questions relatives aux recettes et à la taxation du cannabis doivent être abordées dans le contexte de ce cadre général plutôt qu’à titre d’événement distinct.
La sénatrice Moncion : Vous avez dit que le cannabis thérapeutique était exempté de taxes?
M. Blair : Non, madame. Je tiens à être clair. Sauf quelques exceptions — et je peux vous parler de ces exceptions —, trois préparations ont reçu un numéro d’identification et sont prescrites, mais il s’agit de produits à faibles teneurs en THC. Le cannabis thérapeutique est le résultat d’une détermination juridique visant à créer une exemption à la prohibition criminelle, et il s’agit d’une exemption autorisée par un professionnel de la santé. Ce n’est pas une ordonnance. À l’exception des préparations médicales qui font l’objet d’essais cliniques et d’autres essais exhaustifs en vue d’obtenir d’abord un numéro d’identification et ensuite une désignation par Santé Canada en fonction de normes appliquées à toutes les drogues afin de déterminer si elles peuvent être prescrites, les produits ne sont pas exemptés en vertu de l’annexe 6 de la Loi sur l’accise.
Cette question a été abordée par les tribunaux de l’impôt et par les tribunaux fédéraux dans l’affaire R. c. Hedges. Les tribunaux fédéraux ont déterminé — et je suis du même avis — que l’autorisation médicale n’était pas une ordonnance et que, par conséquent, elle ne donnait pas lieu à une exemption de TPS ni à une exemption en vertu de la Loi sur l’accise.
Pour qu’il y ait exemption, il faudrait procéder à des essais cliniques, passer par le processus approprié en vue de l’obtention d’un numéro d’identification et déterminer qu’il s’agit d’un médicament à prescrire. Le Tylenol a un numéro d’identification, mais n’est pas un médicament prescrit, alors il n’est pas exempté en vertu de l’annexe. Toutefois, certains antibiotiques ou opioïdes, par exemple, sont prescrits et sont donc exemptés. Si le cannabis — ou toute préparation connexe — faisait l’objet de ces essais, se voyait attribuer un numéro d’identification et était considéré à titre de médicament d’ordonnance, alors il serait exempté.
La sénatrice Moncion : On a fait beaucoup de lobbying en faveur de l’exemption du cannabis thérapeutique de la taxe d’accise. Vous le saviez?
M. Blair : Oui, tout à fait.
La sénatrice Moncion : Ma deuxième question a trait à la loi en matière de conduite avec les capacités affaiblies par la drogue. Vous avez dit que des mesures étaient en place. Des experts nous ont dit qu’à ce jour, nous n’avions pas trouvé de mécanisme de détection à cette fin. On peut soupçonner une personne de conduire avec les facultés affaiblies par le cannabis, mais il n’y a pas de tests ni de renseignements précis à cet égard. Vous dites que vous avez mis en place des mesures législatives. Pourriez-vous nous en dire davantage?
M. Blair : Oui. Je crois que c’est très clair. La technologie existe et est très utile aux fins de la détection des drogues et de la poursuite relative aux infractions. Il faut aussi établir clairement ce que permet la technologie.
La conduite avec les facultés affaiblies par les drogues est une infraction criminelle depuis 1923 au Canada. La police a le pouvoir de porter cette accusation, mais les preuves qu’il faut recueillir pour poursuivre sont très difficiles à obtenir pour les policiers.
Depuis 2008, lorsque l’ancien projet de loi C-2 était devant la 39e législature, de nouvelles mesures législatives avaient été présentées; elles reconnaissaient qu’en cas de doute raisonnable, on pouvait obliger un conducteur à passer un test effectué par un expert en reconnaissance de drogues. Il s’agit d’une série de tests de motricité fine et d’autres réponses physiologiques pour lesquels les experts en reconnaissance de drogues sont formés, autorisés et accrédités. Les tribunaux ont accepté cette preuve.
Pour savoir quelle drogue a été consommée et quelle quantité se trouve dans le sang, il faut procéder à un dépistage de la toxicité sanguine, qui demande une prise de sang. Toutefois, contrairement à l’alcool, on n’a pas établi de limite permise. Nous avons des limites permises d’alcool depuis des décennies au Canada. On détecte d’abord la présence d’alcool à l’aide d’un alcootest routier, mais la preuve réside dans un alcootest administré à l’aide d’un appareil approuvé à cette fin.
Le projet de loi C-46 permet des gains importants. Il permet l’autorisation d’un appareil approuvé par le procureur général du Canada. Cet appareil, le dispositif de dépistage salivaire de drogues, est utilisé dans d’autres administrations, comme en Australie depuis 2003 et au Royaume-Uni depuis 2015. Selon ce que je comprends, 18 pays européens utilisent ce dispositif. Le projet de loi C-46 permettrait aux policiers d’utiliser ce dispositif en cas de doute raisonnable.
Il importe aussi de comprendre quels seraient les résultats de ces tests. Il ne s’agit pas d’une preuve probable du taux de THC dans le sang — ou d’autres drogues, parce que ces dispositifs permettent aussi de détecter la cocaïne, les méthamphétamines et autres —, mais il s’agit d’une forte indication et donc d’un motif raisonnable pour un policier de demander à un expert en reconnaissance de drogues de procéder à un test ou de demander une prise de sang. Seule la preuve relative à la toxicité sanguine permettrait de déterminer si une personne dépasserait les limites qui seraient établies dans la loi. Le projet de loi C-46 prévoit trois infractions : une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité pour un taux de 2 à 5 nanogrammes, une infraction punissable par mise en accusation pour un taux supérieur à 5 nanogrammes et une troisième infraction dans les cas d’une association de THC et d’alcool dans le sang.
En plus d’offrir cette technologie aux policiers, on investit d’importantes sommes dans la formation des policiers sur le test de sobriété normalisé sur le terrain. Il s’agit par exemple de demander à une personne de marcher sur une ligne, de toucher à son nez et de faire des tests de coordination motrice. Ces outils peuvent être utilisés pour établir l’existence de motifs raisonnables et probables afin de faire d’autres demandes et de recueillir d’autres preuves. Les dispositifs de dépistage salivaire peuvent aussi permettre d’identifier la drogue de façon précise, mais il y a d’autres moyens de la détecter selon des motifs raisonnables et probables. Je pense à l’admission, à l’odeur de la drogue, à la présence de la drogue en soi et aux preuves inhérentes à la conduite. Il y a aussi deux possibilités d’enquête criminelle. L’une a trait à la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, et se fonde principalement sur les preuves inhérentes à la conduite et aux activités, signes et symptômes de la personne et aux infractions relatives au dépassement de la limite permise, dont la preuve ne peut être établie que par l’entremise d’un test de toxicité sanguine.
C’est la loi que nous proposons. Nous investissons d’importantes sommes d’argent dans la formation des policiers sur le test de sobriété normalisé sur le terrain et nous allons augmenter de manière importante — voire doubler — le nombre d’experts en reconnaissance de drogues au pays. C’est le métier que j’exerçais avant.
L’Association canadienne des chefs de police a demandé aux gouvernements successifs du Canada de permettre aux policiers d’utiliser cette technologie, parce qu’elle leur permettra de désigner cette infraction de manière beaucoup plus efficace et fiable que maintenant. Nous avons aussi l’occasion — et c’est une occasion importante —, puisque le permis est un privilège, d’obliger les gens à conduire sobres. Avec le recours aux alcootests routiers ou aux dispositifs de dépistage salivaire, les provinces pourraient mettre en place des lois afin qu’on puisse suspendre le permis d’une personne que l’on soupçonne d’avoir consommé de la drogue, de lui donner une amende et de remorquer son véhicule.
La plupart des provinces du Canada présentent des lois qui permettraient aux policiers de procéder à une enquête criminelle, mais même s’ils n’ont pas de motifs raisonnables de demander un test sanguin, ils peuvent tout de même se fonder sur leurs observations, le test de sobriété normalisé sur le terrain et le dépistage salivaire pour suspendre le permis et remorquer la voiture afin de rendre la situation sécuritaire immédiatement. Selon notre expérience, cela accroît la capacité des policiers d’assurer la sécurité routière.
La sénatrice Moncion : Est-ce qu’ils peuvent le faire à l’heure actuelle?
M. Blair : C’est un problème, madame, parce qu’il est difficile pour eux de déterminer ce qui affaiblit les capacités. Ils peuvent faire passer l’alcootest sur le bord de la route parce qu’ils ont l’équipement et l’autorité nécessaires pour le faire, mais après l’adoption du projet de loi C-46 et l’approbation par le procureur général de ces dispositifs qui font l’objet d’une analyse et de recommandations de la part du Comité des drogues au volant, et de recherches par le Conseil national de recherches. Nous nous préparons à rendre ces dispositifs disponibles lorsque le projet de loi C-46 aura été adopté. C’est possible, mais très difficile pour un policier de conclure de façon raisonnable que les capacités d’une personne sont affaiblies par la drogue. Les policiers pourront tirer cette conclusion de façon beaucoup plus précise — je ne dirais pas que ce sera plus facile — et pourront alors défendre beaucoup plus facilement leur décision de suspendre un permis, de donner une amende ou de remorquer un véhicule.
Le sénateur Mitchell : Nous vous remercions de votre présence, monsieur Blair. J’essaie de vous suivre. Vous dites que la partie du gouvernement fédéral se limitera à 100 millions de dollars, du moins pour commencer.
M. Blair : C’est le montant annuel.
Le sénateur Mitchell : Pour deux ans?
M. Blair : Oui, monsieur.
Le sénateur Mitchell : Ce qui signifie que le total serait de 400 millions de dollars pour les provinces et le gouvernement fédéral. On peut donc présumer, si l’on fait un calcul de 10 p. 100, qu’on ajouterait une valeur des ventes de 4 milliards de dollars sur le marché, en plus des ordonnances.
Est-ce votre estimation : 4 milliards de dollars pour le marché du cannabis à des fins récréatives? Ou est-ce que ce montant sera plus élevé?
M. Blair : Je vais vous répondre en quelques points, monsieur. Premièrement, c’est un peu difficile de savoir à quoi ressemble le marché d’aujourd’hui. Le crime organisé ne nous transmet pas ses données. On a fait plusieurs estimations. Le directeur parlementaire du budget, la CIBC et d’autres l’ont fait. Nous savons, d’après les études sur la déclaration volontaire de la consommation réalisées au pays, qu’il se consomme environ 400 000 kilogrammes, ce qui correspondrait à 400 millions de dollars. C’est une estimation conservatrice, consciencieuse et réfléchie, et nous croyons qu’il s’agit d’une estimation raisonnable.
Il est important de reconnaître que le retrait du marché illicite et du crime organisé représente plus un processus qu’un événement. Le crime organisé ne se retirera pas du jour au lendemain avec l’adoption de la loi. Il serait absurde de suggérer cela. Ce n’est pas du tout ce que nous suggérons.
Les organismes d’application de la loi ont établi clairement que le défi demeurerait, mais il est important aussi de reconnaître que nous allons maintenir tous les pouvoirs en matière d’application de la loi. Ainsi, la production, la distribution, l’importation et l’exportation illégales demeureront des infractions criminelles graves et les policiers conserveront leurs pouvoirs d’enquêter et de déposer des accusations, comme ils l’ont toujours fait, du moins au cours du dernier siècle ou presque. Ils continueront de lutter contre le crime organisé.
La nouveauté, c’est que nous offrons aux consommateurs adultes canadiens un choix plus sûr et socialement responsable. Nous croyons que lorsqu’on leur offrira l’option qui défiera la concurrence sur le plan des prix, de la qualité et de l’accès, bon nombre d’entre eux choisiront de ne pas faire affaire avec le gars dans l’escalier ou dans la cour d’école et se tourneront plutôt vers le marché de détail légal ou commanderont le produit auprès d’un distributeur provincial en ligne. Or, cela n’arrivera pas du jour au lendemain. Les estimations que nous avons faites se fondent sur des calculs très prudents.
Honnêtement, au cours des discussions que j’ai eues avec mes homologues provinciaux, je les ai incités à ne pas se concentrer sur les recettes, mais plutôt à améliorer les choses pour que le produit demeure hors de la portée des enfants et pour éliminer le marché illicite. C’est la raison pour laquelle nous avons dit que nous voulons établir un cadre fiscal qui fera en sorte que les prix resteront bas et seront concurrentiels par rapport au marché illicite et imposer des règlements ainsi que des règles sur la distribution qui incluent une surveillance et une reddition de comptes rigoureuses pour veiller à ce que le produit ne soit pas vendu aux enfants.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Je suis ravi que vous ayez souligné le dernier point, soit que comparativement à la taxe sur les cigarettes, la taxe sur la marijuana sera peu élevée. C’est 10 p. 100 le gramme, à 10 $ le gramme.
M. Blair : Or, en plus du 10 p. 100, du dollar le gramme, il y a la taxe de vente harmonisée. Ainsi, le total imposé est probablement d’environ 25 ou 26 p. 100.
Le sénateur Mitchell : Ce qui est toujours inférieur au taux qui s’applique aux cigarettes.
M. Blair : C’est inférieur aux taux qui s’appliquent ailleurs dans le monde, comme dans les États du Colorado et de Washington. Par exemple, l’État de Washington a mis en place un régime d’environ 37 p. 100.
Le sénateur Mitchell : C’est destiné à réduire le marché illicite ou…
M. Blair : En toute honnêteté, dans ces États américains des initiatives consistaient à légaliser le produit et à imposer des taxes. Leur priorité, c’était essentiellement de générer des recettes, tandis que la nôtre, c’est d’établir un cadre de santé publique visant à réduire les dommages pour la société et la santé.
Le sénateur Mitchell : L’éducation du public est une question particulière. Elle est importante pour bien des gens. Pour les Premières Nations, c’est un facteur dans le débat sur tout cela. Selon des recherches que j’ai effectuées, environ 55 p. 100 des Canadiens fumaient des cigarettes ou d’autres formes de produits du tabac lorsque nous avons voulu sérieusement prendre des mesures pour réduire le tabagisme. Le taux se situe maintenant à peu près entre 9 et 12 p. 100, ce qui indique que les mesures fonctionnent. Dans les mesures d’éducation du public, on exerçait vraiment des pressions en ce sens. Pouvez-vous nous donner une idée du type de programmes en place et nous dire où nous en sommes dans leur élaboration?
M. Blair : Nous ne nous concentrions pas sur les recettes. Nous avons investi dans l’éducation du public. Il était important de démarrer le programme. Nous avons deux volets d’éducation importants concernant les nouvelles mesures législatives sur le cannabis; environ 46 millions de dollars sont consacrés à l’éducation du public sur la conduite avec facultés affaiblies, et je crois que vous le constaterez. Vous le verrez dans des annonces publicitaires diffusées à la télévision et en ligne. C’est une bonne campagne.
La campagne est destinée principalement aux jeunes. J’espère que vous l’avez vue. Chez les jeunes, il y a eu littéralement des dizaines de millions de consultations en ligne, mais nous ne diffusons pas les annonces entre deux périodes d’un match de hockey, par exemple.
Nous avons également établi des partenariats avec deux ou trois organisations, dont Jeunesse sans drogue Canada, une organisation remarquable. Elle a produit un excellent document d’information destiné non seulement aux jeunes, mais aussi à leurs parents pour qu’ils sachent comment parler de cette drogue avec leurs enfants. Je crois qu’environ 180 000 exemplaires ont été envoyés aux écoles, et aux parents et aux enfants partout au pays. J’ai mentionné le montant de 108,5 millions de dollars consacré à une campagne d’éducation du public sur les risques sociaux et les risques pour la santé que pose le cannabis pour tous les Canadiens, mais en particulier pour les jeunes. Il y a des montants prévus. Je suis désolé, je n’ai pas les montants précis.
Nous rencontrons des collectivités autochtones. Également, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon et des collectivités des Premières Nations nous ont parlé de l’importance qu’il y ait des documents d’éducation du public rédigés dans leurs langues. Nous travaillons donc en partenariat avec elles. Elles nous ont dit qu’on ne peut pas produire ces documents à Toronto ou à Ottawa, les traduire et les livrer. Ils doivent être adaptés à leur culture. Nous collaborons donc avec des aînés et des dirigeants des Premières Nations à l’élaboration de ces produits d’éducation publique. Il y a également des investissements dans les services de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie dans ces collectivités. Ce sont des investissements importants.
L’une des choses que je voulais souligner dès le départ, c’est que nous avons dit que les recettes de la taxe d’accise sur le cannabis — le premier ministre l’a dit à la Chambre des communes, et nous l’avons dit à un certain nombre de reprises — seraient réinvesties dans la recherche, la prévention, les traitements et la réadaptation. Cela fait partie de l’engagement permanent du gouvernement de s’assurer que nous axons nos efforts sur la réduction des dommages pour la société et la santé dans le cadre d’une démarche axée sur la santé publique pour la réglementation stricte du cannabis. Ainsi, pour nous, ce n’est pas vraiment une source de recettes. C’est une occasion de faire des investissements qui sont attendus depuis longtemps.
La sénatrice Deacon : Je vous remercie de votre présence. J’ai conçu ma question en ayant à l’esprit l’état de préparation, la collecte d’autres renseignements et peut-être les leçons tirées de l’expérience d’autres pays.
Je sais que vous avez comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et nous avons passé ces dernières heures cet après-midi à vraiment défier nos connaissances concernant les dispositions législatives. Nous avons parlé de bien des choses : les normes qui sont en place — et je parle ici du cannabis thérapeutique —, le travail qui a été accompli jusqu’à maintenant, et la diligence. Nous nous sommes concentrés sur deux secteurs de fabrication et de distribution à Gatineau et Smiths Falls, que vous connaissez peut-être.
Je crois que ce qui a été intéressant pour le comité, c’est d’obtenir de l’information sur les normes dont vous avez parlé, la rigueur, les questions liées à la rigueur, la diligence et la production de rapports et la nécessité de rendre compte de chaque once d’un plant. Il existe de très bonnes normes, et je sais que ce sont les premières trois à cinq années, et que c’est du cannabis thérapeutique.
Cela dit, je me demande — et c’est certainement le cas de nous tous ici — quelles sont les leçons apprises dans le secteur du cannabis thérapeutique sur le plan des normes et de certaines des données qui sont recueillies pour les prochaines étapes. Nous aurons soit des marchés parallèles, soit des marchés parallèles complémentaires, mais nous faisons avancer quelque chose. Quel est votre avis à ce sujet, d’après votre expérience?
M. Blair : Je vais parler d’une expérience personnelle. Au début des années 2000, dans le cadre de la mise en œuvre de ce qu’était à l’époque le Règlement sur l’accès à la marijuana à des fins médicales, le RAMFM, les tribunaux ont autorisé la consommation de marijuana à des fins médicales, et nous n’avions pas de système autorisé pour la production.
Je vous parle à partir du point de vue de l’application de la loi — j’étais policier à l’époque. J’étais à la tête du service des enquêtes, à Toronto, et par la suite, je suis devenu chef de police. D’après mon expérience, les installations de culture qui sont apparues au début des années 2000 en conséquence directe de l’accès émergent au cannabis thérapeutique posaient vraiment problème. À Toronto, dans pas moins de 10 000 résidences unifamiliales, on faisait de la production illégale de cannabis. Elles sont devenues inhabitables. Il y avait des dispositifs de détournement de l’électricité et un mauvais contrôle de l’humidité. Les maisons étaient envahies par la moisissure et il y avait des trous dans les murs et des nids-à-feu.
Les forces de l’ordre et les services d’incendie détestaient y intervenir. Il y avait parfois des incendies sur ces lieux. Lorsque nous devions y entrer, mes agents devaient porter une combinaison de protection contre les matières dangereuses en raison des dangers possibles pour la santé. Je n’ai donc pas eu une bonne expérience des installations de culture de la marijuana en tant que policier.
Lorsque je suis arrivé à Ottawa, je suis allé voir l’un des producteurs autorisés. Je ne l’avais pas fait auparavant, et la différence entre les installations catastrophiques qui se trouvaient dans nos quartiers et qui posaient de sérieux problèmes et les installations de production autorisées était renversante. Tout d’abord, les mécanismes de sécurité sont comparables à ceux d’un pénitencier. Le cannabis est entreposé dans ce qui est essentiellement une chambre forte, ce qu’exige la réglementation. On pourrait y manger à même le sol. Aucune odeur ne se dégageait à l’extérieur. Il y avait un contrôle de la qualité de l’air, de bonnes mesures de sécurité et d’hygiène, et les produits chimiques employés étaient tous soumis à des contrôles rigoureux, et une surveillance était exercée de sorte que les produits n’étaient pas impropres à la consommation humaine.
Ce que l’on produisait en fait… et je reprends vos observations selon lesquelles tout est rapporté au gramme et au microgramme près. Rien ne fait pas l’objet d’évaluation ou n’est pas pris en compte. Je crois que c’était parce que Santé Canada et le gouvernement qui était en place en 2013 ont déployé des efforts extraordinaires pour créer un système fiable de contrôle réglementaire pour la production.
Je crois que concernant les leçons qu’on en a tirées, pour répondre plus précisément à votre question, nous n’en serions pas où nous en sommes aujourd’hui dans l’élaboration de la réglementation si nous n’avions pas acquis cette expérience au début de 2013 et si on ne nous avait pas montré qu’il était possible de bien le faire. Je vous dirais que des gens de partout dans le monde sont venus voir comment les règlements s’appliquent dans ces installations.
D’autres pays où la consommation de la marijuana est autorisée ont visité ces installations. Honnêtement, avec un permis ministériel, ils y achètent du cannabis parce que non seulement le cadre réglementaire est bon et les mesures de contrôle sont rigoureuses, mais pour la première fois, on peut vérifier la puissance et la pureté du produit qui est offert dans ces installations. Nous savons exactement ce qu’il contient. Nous savons quels produits chimiques ont été utilisés dans sa production. Nous connaissons sa puissance de sorte que nous connaissons le taux de THC.
Je dirai franchement que si l’on achète du cannabis auprès d’un trafiquant de drogue dans la rue, c’est comme un coup de dés. On ne sait pas ce que l’on achète. On ne connaît pas la puissance du produit, on ne sait pas si des produits chimiques dangereux ont été utilisés. On ignore s’il y a eu un mélange avec d’autres produits dangereux. On ne sait rien de tout cela.
Or, pour la première fois, dans le cadre de ce régime réglementé, qui couvre la marijuana thérapeutique, que nous pouvons appliquer à un système de production de marijuana pour un usage à des fins non thérapeutiques, nous pouvons maintenant réglementer et donc mettre avec confiance de l’information sur le devant des emballages de sorte que les gens aient de l’information précise sur la puissance et la pureté du produit qu’ils consomment. Nous pouvons leur donner de l’information exacte sur la teneur en THC ou en CBD ou sur tout autre produit chimique ou toute autre substance contenue dans ce cannabis. Les gens peuvent alors faire de meilleurs choix, des choix qui comportent moins de risques concernant le cannabis, et c’est ce que nous a appris le système de production de marijuana thérapeutique.
Je crois qu’il a été établi, grâce au caractère rigoureux de la réglementation, qu’il n’y a pas eu de problèmes importants, à ce que je sache — et, autrement, je le saurais — de détournement vers le marché illicite de produits autorisés.
Le président : Monsieur Blair, pourriez-vous parler un peu plus lentement? Les interprètes me disent que cela leur permettrait de faire un meilleur travail.
M. Blair : Je ferai de mon mieux. Je vous remercie du rappel.
La sénatrice Deacon : Ma question porte sur ce dernier volet, vos réflexions sur les théories des gens qui disent que nous devons aller de l’avant et qu’il y aura une différence si nous pouvons cultiver le cannabis à l’intérieur, dans les milieux contrôlés dont vous avez parlé plutôt que, j’imagine, dans des champs, en plein air, et certaines des préoccupations qui sont soulevées à cet égard. Pouvez-vous donner votre point de vue là-dessus?
M. Blair : À l’heure actuelle, pour pouvoir obtenir une licence, il faut que les plants cultivés à l’intérieur soient cultivés en serre. Dans ces conditions, il y a l’uniformité et le caractère quantifiable, de sorte qu’on connaît précisément la quantité de lumière, d’eau et d’engrais, et le cycle de croissance est reproduit de façon précise dans ces installations, et des tests sont effectués, mais on est capable d’évaluer de façon très fiable la puissance et la pureté du produit.
La sénatrice Deacon : Merci.
Le sénateur Duffy : Monsieur Blair, je vous remercie de votre présence. Vos nombreuses observations sur les préoccupations concernant la santé sont très convaincantes. Vous conviendrez sûrement que fumer cause le cancer. Ce que je trouve intéressant, et des représentants de l’Association pour les droits des non-fumeurs, de Médecins pour un Canada sans fumée et de nombreux autres groupes médicaux sont préoccupés par la réduction de leur financement — de fonds fédéraux il y a quelques années et de fonds provinciaux plus récemment —, c’est que nous discutions de grandes quantités de fonds, mais que les gens qui contribuent à la réduction du taux de tabagisme sont exclus. Pourquoi avez-vous fait cela?
M. Blair : Très franchement, monsieur, nous avons, en fait, investi des sommes importantes et nous continuons à le faire, et l’objectif de Santé Canada est de réduire le nombre de fumeurs. Comme l’a mentionné le sénateur un peu plus tôt, il y a eu une réduction importante du taux, entre 9 et 11 p. 100, et l’objectif est de le réduire davantage, soit à 5 p. 100 d’ici 2030.
En outre, le Sénat a récemment adopté, je crois, un projet de loi très important sur l’emballage neutre et d’autres mesures réglementaires importantes concernant la lutte contre le tabagisme qui s’ajouteront à ces efforts. Je crois qu’il y a aussi une possibilité de continuer à investir. C’est certainement l’objectif du gouvernement.
Le sénateur Duffy : Or, pourquoi le financement de ces groupes a-t-il été réduit? Nous avons ici une toute nouvelle vague, le sceau d’approbation du gouvernement du Canada, ce nouveau produit et, parallèlement, on réduit le financement pour des groupes qui ont des années d’expérience à convaincre les jeunes en particulier de ne pas fumer. Je trouve cela incongru.
M. Blair : Au cours des 15 à 20 dernières années, un certain nombre de choses se sont passées au Canada qui, je crois, ont grandement contribué à la réduction du tabagisme. Je crois qu’il est tragique que ces réductions ne soient pas proportionnelles au pays. Il y a des endroits dans le Grand Nord, dans bon nombre de collectivités nordiques et éloignées, où le taux de consommation de tabac est encore terriblement inacceptable.
Il y a un ensemble de facteurs qui ont permis de réduire le taux de tabagisme de façon importante, en particulier dans les lieux publics, au cours des dernières années. C’est en partie lié à l’éducation du public, et je crois que c’est un élément important. Or, d’autres facteurs ont fait en sorte que nous ayons un meilleur environnement, et je crois que c’est l’adoption de règlements stricts.
Par exemple, à la Ville de Toronto, nous avons tout d’abord adopté des règlements municipaux érigeant en infraction le fait de fumer dans un lieu public, un bar ou un restaurant. De plus, avec des règlements de plus en plus restrictifs et des infractions réglementaires, nous avons pu changer la donne — non seulement en informant le public, mais en changeant la norme sociale quant à l’usage du tabac. Il y a quelques années à peine, des gens auraient fumé dans cette salle. De nos jours, personne ne penserait à le faire dans un édifice public. Il faudrait fumer à plusieurs pieds de la porte et sous la pluie, et cela a été accompli en partie grâce à la réglementation.
Le sénateur Duffy : Pour la réglementation, c’étaient ces groupes…
M. Blair : Il y a de bonnes choses à dire à leur sujet également. Je crois qu’ils font un travail remarquable. Je veux également être clair : le gouvernement du Canada n’a pas l’intention de faire la promotion de la consommation de cette drogue pour quiconque. Nous voulons en restreindre l’accès pour ce qui est des enfants, mais nous ne voulons pas en promouvoir la consommation chez les adultes. Or, nous voulons, en informant le public et en adoptant des règlements stricts, nous assurer que si des gens en consomment, ce soit moins risqué et fait de façon plus socialement responsable.
Sénateur Duffy, j’ai la chance d’être accompagné par des gens très brillants qui me disent que pour renforcer la stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, le gouvernement du Canada propose de fournir 80,5 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans, et 17,7 millions de dollars par la suite, pour le maintien de ces programmes importants.
Le sénateur Duffy : Savons-nous quels groupes recevront l’argent?
Le président : Monsieur Blair, il nous reste peu de temps avec vous. Si jamais vous voulez ajouter des observations en réponse aux questions du sénateur Duffy ou de tout autre sénateur, n’hésitez pas à le faire en communiquant avec la greffière.
Nous devons respecter le temps dont nous disposons avec M. Blair. Trois sénateurs ont demandé de poser une question au cours du deuxième tour. Je vous demande de poser une question brève et d’aller à l’essentiel. Monsieur Blair, vous pouvez répondre maintenant si vous le souhaitez ou vous pourrez le faire par écrit en communiquant avec la greffière.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Nous avons parlé de l’éducation. J’aimerais savoir exactement combien d’argent a été consacré à l’éducation jusqu’à maintenant.
M. Blair : Je peux vous dire que nous avons prévu 108,5 millions de dollars. Je veux vous donner une réponse exacte, mais je n’ai pas les données en main. Nous avons investi d’importantes sommes dans la campagne d’éducation du public sur la conduite avec facultés affaiblies et les risques sociaux et les risques pour la santé que pose le cannabis. Encore une fois, mes collègues m’indiquent que nous avons lancé des campagnes d’éducation du public et que nous avons investi 46 millions de dollars jusqu’à maintenant dans le volet de la conduite avec facultés affaiblies. Je n’ai pas de données exactes sur l’argent qui a été dépensé jusqu’à maintenant.
La sénatrice Marshall : J’aimerais savoir ce qui a été dépensé jusqu’à présent.
M. Blair : Oui, madame. Je tâcherai d’obtenir l’information.
La sénatrice Moncion : J’ai des questions au sujet des prix. Parce que le marché illicite produit du cannabis à 20 ou 30 cents le gramme, et que le marché licite en produit entre 1 et 3 $ le gramme, dans quelle mesure l’élimination du marché noir sera-t-elle possible compte tenu du prix par gramme?
M. Blair : Tout d’abord, j’ignore d’où proviennent vos chiffres sur la production dans le marché noir. Selon l’information de Statistique Canada, le marché noir le vend à 7,50 $ le gramme en moyenne. Les prix varient en fonction des régions du pays. Il y a deux mois, j’étais au Nunavut, et on m’a dit que là-bas, il coûte entre 40 et 50 $ le gramme. C’est le prix auquel les trafiquants le vendent.
Ce que nous observons ailleurs dans le monde et au Canada, c’est une réduction importante du coût de production découlant d’économies d’échelles. Par exemple, au Colorado, pour le prix du marché légal, il y a une réduction de 2 p. 100 chaque mois depuis la mise en œuvre du nouveau régime.
Des producteurs autorisés nous ont parlé de réductions très importantes de leur coût de production. Certains de ces producteurs investissent d’importantes sommes dans des espaces de culture supplémentaires, et ils ne sont pas confrontés à la pression liée à l’application et à la détection, en raison de la licence qu’ils ont et des économies d’échelle réalisées. Dans le cadre de ces nouvelles activités commerciales importantes de production autorisée, nous avons observé une réduction très importante.
Je suis de plus en plus convaincu que les producteurs autorisés sont capables d’offrir aux consommateurs un prix très concurrentiel, ainsi qu’un choix et des produits concurrentiels, ce qui leur permet de soutenir la concurrence. Nous avons également collaboré avec les provinces et les territoires pour l’établissement d’un cadre fiscal et d’un cadre de fixation des prix. Le cadre fiscal résulte d’une taxe harmonisée approuvée par le gouvernement fédéral et les provinces concernant les taxes d’accise et de vente harmonisée, mais, en plus, les distributeurs provinciaux et territoriaux détermineront le prix. Or, à mon avis, les provinces et les territoires s’entendent bien quant à l’objectif d’éliminer le marché illicite. Ils savent que les prix sont importants, mais que la qualité, le choix et l’accès sont aussi des aspects importants.
Le président : Monsieur, Blair, j’ai une question. Lorsqu’on arrête une personne, il y a un coût lié au test. Ce coût sera-t-il inclus dans le montant de l’amende imposée à la personne qui a les facultés affaiblies?
M. Blair : Les amendes administratives sont administrées par les autorités provinciales et c’est souvent fondé sur le recouvrement des coûts. Je peux vous dire que j’ai promis de débloquer 274 millions de dollars pour régler des problèmes liés aux capacités d’application de la loi qui ont été relevés. Ainsi, sur ces 274 millions de dollars, 113 millions seront destinés à la GRC et à l’ASFC. Pour la GRC, il s’agit d’améliorer sa capacité de lutter contre le crime organisé et d’agir plus efficacement. Pour ce qui est de l’ASFC, il s’agit de renforcer les ressources pour les questions d’intégrité des frontières en ce qui concerne le cannabis. Également, 161 millions de dollars serviront à fournir aux services de police de la formation et l’accès à la technologie, et c’est un engagement sur les cinq prochaines années.
Nous aiderons à faire en sorte que ces appareils, cette technologie et cette formation soient accessibles et abordables pour les services de police, certainement pour la GRC. Environ le tiers de tous les policiers du pays travaillent pour la GRC, mais près de 65 p. 100 travaillent pour des services provinciaux, comme la Police provinciale de l’Ontario et la Sûreté du Québec, ou pour des services municipaux ou autochtones. De plus, nous nous assurons que tous ont accès à la technologie et à la formation.
Le président : Monsieur Blair, je vous remercie. C’était très instructif. Vous avez été très généreux de votre temps.
Si vous le souhaitez, monsieur Blair, n’hésitez pas à ajouter de l’information.
(La séance est levée.)