Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 76 - Témoignages du 16 octobre 2018
OTTAWA, le mardi 16 octobre 2018.
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour examiner les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je veux souhaiter la bienvenue à ceux qui sont ici avec nous et à ceux qui regardent peut-être la séance à la télévision ou en ligne aux quatre coins du pays. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et peuvent aussi être visionnées en ligne à sencanada.ca.
[Français]
J’aimerais maintenant demander aux honorables sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de Nouvelle-Écosse.
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : Merci. Je voudrais aussi souligner la présence de la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et de nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui font équipe pour appuyer les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Français]
Honorables sénateurs et honorables sénatrices, membres du public, le mandat de notre comité consiste à examiner les prévisions budgétaires en général et les finances publiques canadiennes.
[Traduction]
Aujourd’hui, nous poursuivons notre examen des dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019, dossier qui a été renvoyé au comité le 18 avril 2018.
Au printemps, le comité a tenu sept séances sur le budget principal des dépenses, au cours desquelles 15 organisations fédérales du Canada ont comparu pour répondre aux questions. Un premier rapport provisoire a été déposé au Sénat du Canada le 18 juin 2018.
Aujourd’hui, mesdames et messieurs, nous reprenons notre étude avec d’autres organisations que nous n’avons pas encore entendues.
[Français]
Pour la première heure, nous avons réuni devant nous les représentants de deux sociétés d’État responsables d’ouvrages stratégiques dont elles assurent les projets de construction, de réfection et de renforcement, de même que leur opération et leur entretien. Nous recevons, de la société Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée, M. Claude Lachance, directeur principal de l’Administration, accompagné de Mme Nathalie Lessard, directrice des communications.
[Traduction]
Nous recevons également M. Bryce Phillips, premier dirigeant, et M. Kevin Wilkinson, contrôleur et dirigeant principal des finances par intérim, de l’Autorité du pont Windsor-Detroit.
Nous remercions les témoins d’avoir accepté notre invitation.
[Français]
La greffière m’informe que M. Lachance prendra d’abord la parole afin de nous faire sa présentation et qu’il sera suivi ensuite de M. Phillips.
Monsieur Lachance, la parole est à vous.
Claude Lachance, directeur principal, Administration, Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée : Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée (la société). Je suis accompagné de Mme Nathalie Lessard, directrice des communications.
Notre société est gestionnaire d’infrastructures fédérales qui comprennent des ponts, des autoroutes et des tunnels de la grande région de Montréal. Constituée en 1978, elle célébrera son 40e anniversaire le 3 novembre prochain. Au cours de ces quatre décennies, elle a connu diverses transformations et une croissance importante, en plus de relever plusieurs défis techniques et de réaliser de grands projets que je vous présenterai brièvement.
De 1978 à 1998, soit pendant 20 ans, elle a été une filiale de l’administration de la Voie maritime du Saint-Laurent. Puis, en 1998, elle relevait de la Société des ponts fédéraux Limitée. En février 2014, PJCCI est devenue une société d’État mère.
Si, initialement, la société n’était responsable que des ponts Jacques-Cartier et Champlain, en 2018, son portefeuille comprend trois grands ponts, soit le pont Jacques-Cartier, le pont Champlain actuel, ainsi que la portion fédérale du pont Honoré-Mercier. À cela s’ajoutent deux ponts de plus petite portée, soit le pont Clément et le pont de contournement, ainsi que trois infrastructures connexes : la section fédérale de l’autoroute Bonaventure, l’estacade du pont Champlain et le tunnel de Melocheville.
Pour ce qui est de l’actuel pont Champlain, je me permettrai de vous rassurer. La société a déployé depuis 2014 un ambitieux programme de renforcement et de surveillance de cet ouvrage. Les 100 poutres de rive, ainsi que 39 des 45 chevêtres ont été renforcés, en plus de 335 capteurs qui ont été installés et qui assurent une surveillance en continu de la structure. Par ailleurs, nous procédons à des inspections trimestrielles que nous gérons assidûment. Le pont Champlain est donc renforcé, surveillé, stable et sécuritaire.
Nos ouvrages accueillent plus de 110 millions de véhicules par année. C’est pourquoi la mobilité est au cœur de notre mission et de nos actions. En fait, la société s’est donné la mission d’assurer la mobilité des usagers, la sécurité et la pérennité des infrastructures en préconisant une gestion systémique selon une approche de développement durable.
À l’aube de notre 40e anniversaire, je vous dresse un bref portrait des grands projets qui se sont succédé sur nos ouvrages.
Depuis 1990, nous avons mené trois ambitieux projets de remplacement de tabliers, dont celui du pont Champlain en 1991-1992 et celui du pont Jacques-Cartier en 2001-2002. De 2008 à 2016, le remplacement du tablier du pont Honoré-Mercier a constitué l’un des plus importants contrats réalisés par des entrepreneurs et travailleurs autochtones au Canada. En 2017, nous avons mené un incomparable projet d’illumination du pont Jacques-Cartier, l’un des projets phares des célébrations du 150e anniversaire du Canada et du 375e anniversaire de la Ville de Montréal.
La société doit assurer la sécurité de ses infrastructures en tout temps. Elle a mis en place des programmes d’inspection jumelés à des relevés détaillés et des investigations ponctuelles supplémentaires, ainsi que des études de capacité portante. Elle s’assure ainsi de disposer de l’information pertinente et à jour nécessaire à une prise de décisions éclairées relativement aux programmes d’entretien et de réfection à court, à moyen et à long terme.
Les travaux sont déterminés dans une perspective à long terme visant à assurer la pérennité des ouvrages et à prolonger la durée de vie selon la vision établie pour chacune des structures. Ainsi, au cours des cinq dernières années, la société s’est penchée sur des approches d’intervention adaptées en vue de diminuer les interventions curatives et d’augmenter les interventions en mode préventif.
À titre d’exemple, depuis 2012, nous nous affairons au Programme de réfection du pont Jacques-Cartier. Comme il date de 1930, nous visons à en assurer la sécurité et la pérennité jusqu’à son 150e anniversaire.
Le président : Monsieur Lachance, pouvez-vous ralentir un peu pour les interprètes? Merci.
M. Lachance : En 2016, et ce, pour les 10 prochaines années, nous avons entamé un programme de réfection de la section fédérale du pont Honoré-Mercier. Érigé en 1959, nous souhaitons qu’il célèbre son 125e anniversaire.
Sur le plan financier, en avril dernier, PJCCI s’est vu confirmer un financement sur cinq ans de 1,1 milliard de dollars. En ce qui a trait à l’exercice financier de 2018-2019, un budget total de 341 millions de dollars a été approuvé. En raison des sommes importantes qui lui sont confiées, la société a fait preuve d’une vigilance constante pour assurer une utilisation judicieuse des fonds publics.
Soulignons enfin que la société exerce ses activités dans un environnement complexe où de nombreux facteurs externes peuvent avoir une incidence sur sa planification, notamment les différents chantiers majeurs qui sont en cours ou qui sont prévus par nos partenaires dans la grande région de Montréal. Pour assurer la mobilité des usagers, nous nous affairons à une planification à court, à moyen et à long terme de nos travaux prioritaires en tenant compte des autres grands projets montréalais.
Encore une fois, je vous remercie de nous avoir invités aujourd’hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Lachance.
[Traduction]
Bryce Phillips, premier dirigeant, Autorité du pont Windsor-Detroit : Bonjour. Je vous remercie de m’offrir l’occasion de témoigner devant le comité pour traiter du projet du pont international Gordie-Howe et de l’Autorité du pont Windsow-Detroit.
Il s’agit de ma première comparution depuis ma nomination, en juillet dernier, au poste de PDG de l’Autorité du pont Windsor-Detroit. Cette dernière est une société d’État responsable de la réalisation du projet du pont international Gordie-Howe. Je me suis joint à cette organisation en une période palpitante, et c’est avec un immense plaisir que je viendrai informer votre comité en de futures occasions. Je suis certain que nous reviendrons témoigner au cours des six années que dureront la conception et la construction du pont. Je viendrai faire état des progrès réalisés à mesure que les travaux avancent, jusqu’à ce que nous ayons un nouveau passage entre Windsor et Detroit.
Je voudrais commencer mon exposé en vous fournissant quelques détails sur l’Autorité du pont Windsor-Detroit, ou APWD.
L’APWD a été créée en octobre 2012 et a commencé ses activités en août 2014. Nous avons deux mandats, dont le premier consiste à superviser et à gérer le processus d’approvisionnement du partenariat public-privé, ou PPP, afin d’assurer la construction, le financement, l’exploitation et l’entretien du pont international Gordie-Howe. Le second mandat vise à gérer la conception, la construction et l’exploitation du nouveau passage.
Le premier mandat a été exécuté avec grand succès par l’APWD et Infrastructure Canada, qui ont fait un excellent travail d’équipe pour en arriver à atteindre leurs objectifs financiers. Vous l’avez peut-être vu aux nouvelles du 5 octobre, avec certaines activités qui se sont déroulées à Windsor. Le jalon officiel a été atteint le 28 septembre.
La clôture financière n’est pas que le jalon final du processus d’approvisionnement. Il s’agit d’un moment décisif dans l’histoire du projet du pont international Gordie-Howe. Maintenant que nous avons atteint la clôture financière, nous pouvons commencer la construction de ce qui pourrait constituer le plus grand projet d’infrastructure le long de la frontière canado-américaine. En fait, il s’agit d’un des plus importants projets d’infrastructure en Amérique du Nord aujourd’hui.
Nous sommes fiers d’avoir accueilli le premier ministre, le ministre des Infrastructures et des Collectivités, le gouverneur du Michigan et d’autres dignitaires des deux côtés de la frontière à l’occasion de l’activité organisée le 5 octobre pour souligner le début officiel de la construction.
Notre partenaire du secteur privé, Bridging North America, lequel comprend certains des chefs de file les plus renommés des industries de la construction et des infrastructures du Canada et des États-Unis, est maintenant en place.
Avec ce partenaire, l’APWD se concentre maintenant sur son second mandat, celui de la conception, de la construction et de l’exploitation du nouveau passage.
Le projet du pont international Gordie-Howe comporte en fait quatre composantes : le pont, bien entendu, mais aussi les points d’entrée des côtés canadien et américain, ainsi que la prolongation de la route entre le pont et l’autoroute 75 aux États-Unis. Chacune de ces composantes du projet du pont international Gordie-Howe est en soi un projet de taille. Ensemble, ils forment un projet d’infrastructure gigantesque et complexe.
Sur le plan des chiffres, l’ampleur du projet est colossale. Ensemble, les points d’entrée canadien et américain couvrent près de 300 acres. Pour présenter les choses selon la perspective de Gordie Howe, qui a donné son nom au projet, c’est l’équivalent de plus de 227 patinoires de hockey. C’est une vaste superficie. En fait, le point d’entrée canadien sera la zone d’inspection la plus grande du pays le long de la frontière canado-américaine. Le pont lui-même mesurera 2,5 kilomètres et aura une portée libre de 853 mètres. Les deux piliers, qui prendront appui sur la terre ferme et non dans la rivière Detroit, soutiendront ce qui sera le plus long pont à haubans en Amérique du Nord. Les deux piliers auxquels j’ai fait référence mesureront 220 mètres de haut. Pour mettre les choses en perspective, c’est deux fois la hauteur de la tour de la Paix. Le pont international Gordie-Howe modifiera tout simplement la silhouette de Windsor et de Detroit.
J’aimerais maintenant traiter du contrat que nous avons conclu avec Bridging North America. Ce contrat à prix fixe est évalué à 5,7 milliards de dollars. Il inclut l’étape de la conception et de la construction, ainsi que celles de l’exploitation, de l’entretien et de la remise en état. Bridging North America a présenté un calendrier de construction de 74 mois, qu’elle sera tenue de respecter, et le pont s’ouvrira à la circulation à la fin de 2024.
Avec ce contrat, les Canadiens en auront pour leur argent. Comme il s’agit d’un contrat à prix fixe, le partenaire du secteur privé assume le risque relatif au coût des matériaux et aux fluctuations des coûts. Une analyse de rentabilisation réalisée par une entreprise indépendante a montré qu’en recourant au modèle de PPP, le projet coûtera environ 10 p. 100, soit d’un peu plus d’un demi-million de dollars de moins que si on avait utilisé les méthodes traditionnelles de passation de contrat et de construction.
C’est par le passage Windsor-Detroit que circulent les camions grâce auxquels s’effectue environ 30 p. 100 du commerce entre le Canada et les États-Unis. Ces échanges commerciaux ont une valeur de près de 200 milliards de dollars par année.
Ce projet présente un grand avantage : il permettra de répondre à la demande actuelle et future à long terme entre les deux pays. Le pont doit favoriser l’économie et satisfaire les besoins pour les 100 à 130 prochaines années.
En outre, une fois achevé, il assurera un lien entre les autoroutes de l’Ontario et du Michigan. En fait, une fois le nouveau pont en place, on pourra emprunter l’autoroute au Québec et conduire jusqu’en Floride sans croiser de feux de circulation. Pour les économies reposant sur la livraison juste-à-temps, c’est une initiative importante qui permettra de résoudre les problèmes qu’il faut régler pour faire progresser nos économies.
Je parlerai maintenant du budget principal des dépenses de 2018-2019. Nous devons continuer de préparer les sites des points d’entrée canadien et américain en vue de la construction du pont international Gordie-Howe et du début des travaux effectués par nos partenaires privés. Pour le présent exercice fiscal se terminant en mars 2019, nous demandons un montant total de 196 millions de dollars. Ces fonds serviront principalement à appuyer l’acquisition finale des propriétés aux États-Unis, la relocalisation des services publics des côtés canadien et américain, et l’achèvement des travaux initiaux du côté canadien. Ce sont là toutes des activités essentielles qui permettront de préparer le terrain pour que le consortium de Bridging North America puisse commencer la construction du pont international Gordie-Howe.
Moi et mon partenaire, le dirigeant principal des finances, Kevin Wilkinson, nous ferons un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir au sujet du projet du pont international Gordie-Howe. Merci.
Le président : Merci, monsieur Phillips.
Avant de passer aux questions, je demanderais aux sénateurs Forest et Moncion de se présenter.
[Français]
Le sénateur Forest : Bonjour et bienvenue. Je suis le sénateur Éric Forest, de la région du Golfe, Québec.
La sénatrice Moncion : Bonjour. Sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Pratte : Bonjour, messieurs. Mes questions s’adressent à la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée. J’aimerais que vous m’éclairiez davantage quant aux chiffres qui apparaissent dans le budget des dépenses. Un montant de 340 millions a été approuvé, si je comprends bien, pour l’exercice financier de 2018-2019. Dans le Budget principal des dépenses qui nous a été remis, on note une réduction de 80 millions de dollars grâce à la terminaison du programme d’entretien du pont Champlain. Cependant, lorsqu’on se réfère à la somme globale, cette diminution n’y est pas reflétée. En réalité, l’entretien du pont Champlain fait-il toujours l’objet de dépenses? Y a-t-il une réelle réduction des dépenses attribuables à ce secteur?
M. Lachance : Le budget de 341 millions de dollars pour la société inclut environ 132 millions de dollars pour le pont Champlain pour l’année 2018-2019. Ce montant fait partie d’une réserve dans le cas où il y aurait des retards dans la construction du nouveau pont ou si l’on devait effectuer des travaux à la suite d’inspections et de travaux d’instrumentation, et cetera. Une grande partie de ce financement est une réserve comme telle. On prévoit dépenser environ une cinquantaine de millions de dollars pour le pont Champlain en 2018-2019. C’est donc une baisse par rapport aux années précédentes.
Le sénateur Pratte : À combien s’élevaient les coûts dans les années précédentes?
M. Lachance : L’année dernière, les coûts s’élevaient à environ 41 millions de dollars, mais en 2017 on a géré les travaux majeurs pour les poutres de rive et le renforcement des chevêtres, ce qui représente une centaine de millions de dollars.
Le sénateur Pratte : Vous entretenez une relation avec Infrastructure Canada, qui est chargé de la construction du nouveau pont. Vous n’avez pas le mandat de construire le nouveau pont, mais vous devez entretenir des relations étroites avec ce ministère. Comment fonctionne cette relation?
M. Lachance : On a des ententes-cadres qui gèrent la méthode et le contenu à utiliser dans les différents territoires, parce qu’on travaille dans le même secteur, L’Île-des-Soeurs, Brossard, et cetera. On a des ententes en place pour gérer les différents travaux et l’entretien des différentes parties des structures actuelles et futures. On gère les projets par l’entremise des ententes et de la coordination entre les deux organismes.
Le sénateur Pratte : Une fois que la construction du nouveau pont sera terminée, cela tombera sous votre autorité.
M. Lachance : Non, ce n’est pas dans notre mandat actuel.
Le sénateur Pratte : D’accord. Je n’étais pas au courant. Les crédits de 400 millions de dollars octroyés pour la démolition du pont actuel relèvent-ils de votre budget ou de celui du projet du nouveau pont Champlain?
M. Lachance : On est en discussion à l’heure actuelle. Le gouvernement n’a pas encore décidé ce qui arrivera avec la démolition de l’ancien pont. Il n’y a pas eu d’annonce comme telle, mais on a fait une présentation devant le gouvernement pour assurer la gestion des travaux de démolition.
Le sénateur Pratte : Les budgets à cet égard n’ont pas été accordés.
M. Lachance : Non, mais nous avons eu le mandat de faire des évaluations d’études environnementales.
Le sénateur Pratte : D’où provient le chiffre de 400 millions de dollars?
M. Lachance : Ce chiffre est tiré d’une étude de préfaisabilité réalisée l’année dernière. Cette étude a été rendue publique, je crois, en septembre de l’année dernière.
Le sénateur Pratte : S’il n’y a pas de décision prise quant au budget, y a-t-il des décisions qui ont été prises quant à l’échéancier? Savez-vous quand la démolition de l’ancien pont commencera?
M. Lachance : Non, nous allons commencer la démolition de l’ancien pont lorsque le nouveau pont sera entièrement opérationnel.
Le sénateur Pratte : D’accord, merci.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Je veux revenir au début et traiter du pont Champlain. Le budget initial s’élevait à 4 milliards de dollars; est-ce exact? C’est ce que je lis dans le rapport du vérificateur général du Canada. Le contrat conclu avec un partenaire privé relativement à ce projet totalisait 4 milliards de dollars, montant qui incluait 2,3 milliards de dollars pour la conception et la construction, 750 millions de dollars pour l’exploitation, l’entretien et la réfection, et 950 millions de dollars pour le financement. Est-ce exact?
[Français]
M. Lachance : Nous n’avons pas le mandat de gérer la construction du nouveau pont Champlain.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : En répondant à la question du sénateur précédent, vous avez indiqué que vous travailliez en étroite collaboration. Je suppose donc que vous devez discuter également des coûts dans le cadre de cette relation, ou peut-être pas.
[Français]
M. Lachance : Non. Il s’agit de la coordination des travaux qui sont réalisés sur le territoire comme tel. Nous n’assumons pas la coordination des travaux de construction du nouveau pont Champlain.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Avez-vous respecté tous les budgets prévus pour garder l’ancien pont en place et sécuritaire?
[Français]
M. Lachance : Absolument. Certains fonds n’ont pas été utilisés. Ils sont traités comme des fonds de réserve. Les travaux en vue d’assurer la sécurité du pont Champlain ont été réalisés.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Vous avez donc toujours respecté les budgets prédéterminés avant le début de la construction du nouveau pont? Tous les budgets ont été entièrement respectés? Je crois comprendre que le gouvernement fédéral a transféré une somme substantielle pour régler certains problèmes que PJCCI n’avait pas prévus initialement. Est-ce exact?
[Français]
M. Lachance : Lorsque les fonds nous ont été transférés en 2014, il y avait une fissure dans une superpoutre, et nous avons dû intervenir rapidement. Nous avons obtenu des fonds supplémentaires pour effectuer des travaux de réparation sur les 100 poutres de rive. Récemment, nous avons fait des travaux sur 49 chevêtres. Tous ces fonds étaient consacrés aux travaux afin d’assurer la sécurité du pont Champlain.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Grâce à votre collaboration étroite, le nouveau pont devrait être en place le 21 décembre 2018. Le vérificateur général du Canada affirme que ce ne sera probablement pas le cas. Qu’en pensez-vous?
[Français]
M. Lachance : Je ne peux me permettre de donner mon opinion, puisque nous ne sommes pas responsables de la construction du nouveau pont Champlain. Ce n’est pas dans le mandat de PJCCI.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Si, en fait, les choses se passent comme le vérificateur général l’a prévu, comme c’est habituellement le cas, quelles mesures avez-vous prises pour continuer de financer l’ancien pont pour qu’on puisse continuer d’y circuler en toute sécurité?
[Français]
M. Lachance : Comme je l’ai mentionné précédemment, dans le budget de 2018-2019, 132 millions de dollars ont été octroyés au pont Champlain actuel, et on prévoit dépenser environ une cinquantaine de millions de dollars d’ici à juin. Si on dépasse cet échéancier, on prévoit des dépenses supplémentaires de 10 millions de dollars jusqu’en décembre 2019. Nous avons donc les fonds pour assurer la sécurité du pont Champlain actuel.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Le gouvernement fédéral n’aura donc pas à fournir d’autres fonds?
M. Lachance : Pour l’instant, non.
Le sénateur Neufeld : Faut-il pour cela que le nouveau pont ouvre le 21 décembre prochain?
[Français]
M. Lachance : Non, absolument pas. Si l’ouverture du pont est retardée, nous avons les fonds nécessaires pour assurer la sécurité du pont.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : Ma question s’adresse à M. Lachance. J’aimerais obtenir une précision. Le Budget principal des dépenses fait état de crédits de l’ordre de 250,1 millions de dollars de dépenses et, lorsqu’on regarde les crédits parlementaires disponibles, on parle de 341 millions de dollars. D’où provient l’écart de 91 millions de dollars?
M. Lachance : Dans la présentation de notre plan d’entreprise de 2018 à 2023, on a demandé des fonds supplémentaires pour créer un fonds destiné aux risques reliés au retard dans la livraison du nouveau pont Champlain. Ces fonds nous ont été accordés dans le budget de 2018. Nous avons demandé des fonds de réserve pour les travaux additionnels à faire au pont Champlain, ainsi que pour les travaux visant à renforcer la structure d’acier du pont Jacques-Cartier.
Le sénateur Forest : C’est donc une réserve affectée.
M. Lachance : Oui.
Le sénateur Forest : Dans le budget, cette réserve n’est pas définie comme telle.
M. Lachance : Elle est définie comme telle dans le budget du pont Champlain actuel.
Le sénateur Forest : C’est un peu difficile pour nous de faire le pont parce que, compte tenu de la comptabilité de la construction et du Groupe Signature sur le Saint-Laurent (SSL), on ne sait pas où cela se trouve dans le budget.
M. Lachance : Il n’y a pas de lien avec la société SSL, mis à part la tâche d’assurer la sécurité du pont advenant un retard dans la construction du nouveau pont Champlain. Il n’y a pas de lien entre notre budget et celui du groupe SSL pour le nouveau pont Champlain. Il s’agit d’une question d’échéancier. Notre conseil d’administration a pris les mesures nécessaires pour veiller à ce que nous ayons les fonds nécessaires dans le cas où il y aurait des retards dans la construction du pont Champlain.
Le sénateur Forest : Dans une perspective de garantir la sécurité sur l’ancien pont.
M. Lachance : Absolument.
Le sénateur Forest : C’est à même votre réserve, et c’est décrit ainsi.
M. Lachance : Exactement.
Le sénateur Forest : S’il n’y a pas de retard, cette réserve retourne-t-elle au fonds consolidé?
M. Lachance : Exactement. Ce qu’on a fait par le passé lorsqu’on n’utilisait pas tous les fonds, c’est qu’on les redistribuait à d’autres projets connus et approuvés par les instances gouvernementales.
Le sénateur Forest : En ce qui concerne les autres projets, la piste multifonctionnelle du pont Jacques-Cartier peut-elle être considérée?
Nathalie Lessard, directrice, Communications, Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée : En fait, nous avons mené un projet pilote l’hiver dernier pour cerner les techniques de déneigement possibles et les produits de déglaçage. À ce stade-ci, nous n’en sommes pas à l’étape d’examiner la possibilité de refaire la piste. Elle est vraiment très étroite et elle présente différents enjeux en ce qui a trait à la sécurité en raison de sa géométrie difficile, surtout pour la circulation en hiver. Il est possible qu’on examine cela, parce que, à la suite de notre projet pilote, nous souhaitons poursuivre les études afin de trouver des solutions qui permettraient la circulation en hiver. L’une des solutions que nous avons en main serait de refaire la piste, mais il est prématuré pour nous de nous prononcer en ce moment.
Le sénateur Forest : Actuellement, n’y a-t-il pas une volonté de trouver un compromis? Dans la perspective où on veut réduire — on connaît tous les problèmes de congestion à Montréal — l’impact de la circulation automobile pour ralentir le réchauffement climatique, cette volonté viserait directement les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est une possibilité, mais ce n’est pas un objectif que vous poursuivez avec ténacité et persévérance.
Mme Lessard : En fait, on a mené un projet pilote ambitieux, et notre volonté était de trouver une solution, mais une solution qui permette une circulation sécuritaire. À ce stade-ci, trop d’enjeux entrent en ligne de compte pour maintenir une surface de circulation sécuritaire pour l’ensemble des usagers. On ne peut pas ouvrir la piste seulement aux cyclistes aguerris. À partir du moment où on ouvre cette piste, il faut s’assurer que n’importe qui puisse l’utiliser de façon sécuritaire.
Les enjeux sont principalement liés à la complexité des conditions climatiques sur le fleuve Saint-Laurent. On est au-dessus d’un milieu très humide, venteux et extrêmement changeant. Il est possible de déglacer et de déneiger la piste, mais maintenir une surface sécuritaire toute la journée, dans des conditions aussi changeantes et variables, c’est très difficile.
Il s’agit aussi d’une dalle de béton suspendue dans les airs, exposée sur les quatre côtés aux conditions climatiques, à l’opposé d’une piste en ville qui serait sur remblai, un matériau qui permet d’isoler la piste. Ces conditions ne sont pas présentes sur le pont. La « glace noire » est encore plus susceptible de s’y former. Voilà les enjeux.
En outre, il y a des superstructures à côté, des enjeux de chutes de glace, à titre d’exemple. On examine toutes les possibilités, comme ajouter une toiture, mais cela impliquerait des investissements très importants.
Cette année, notre objectif était de trouver des solutions pour assurer une circulation sécuritaire sur la piste actuelle. Vraiment, il y a trop de risques que nous ne sommes pas en mesure de mitiger à ce stade-ci. C’est pourquoi nous n’allons pas de l’avant. Cependant, nous avons bien annoncé que nous allions poursuivre nos études pour essayer de trouver une solution.
Le sénateur Forest : Avez-vous des statistiques sur l’utilisation de la piste lorsque les conditions le permettent, pendant les périodes printanière, estivale et automnale, par exemple?
Mme Lessard : Oui. En fait, la circulation quotidienne en semaine est estimée à environ 1 900 à 2 000 passages aller-retour par jour, donc à environ 1 000 cyclistes par jour.
Le sénateur Forest : Vous êtes sûrs que tout le monde revient?
Mme Lessard : On l’espère bien.
[Traduction]
La sénatrice Moncion : Ma première question concerne le pont international Gordie-Howe. Vous avez conclu un PPP. Vous dites que le pont sera construit dans le respect du calendrier et du budget. Qui gérera l’ensemble du projet?
M. Phillips : Merci de cette question. C’est une excellente question à poser au début d’un tel projet.
Notre partenaire dans le cadre du PPP, Bridging North America, est responsable de la conception, de la construction et de l’exploitation du pont. L’APWD a un mandat de supervision pour veiller à ce que le projet soit réalisé conformément au contrat; nous déployons donc beaucoup d’efforts actuellement pour nous préparer et pour superviser notre partenaire du secteur privé afin qu’il réalise les travaux et respecte tous les jalons tout au long du projet.
La sénatrice Moncion : Une fois le pont construit, qui en gérera l’entretien?
M. Phillips : Nous avons signé un contrat de 30 ans avec Bridging North America. Une fois que le pont sera construit et ouvert au public, à la fin de 2024, Bridging North America continuera, à titre de partenaire du secteur privé, d’en assurer l’exploitation et l’entretien, sous la supervision de l’APWD et en vertu du contrat qui nous lie.
La sénatrice Moncion : Ce sera un pont payant, n’est-ce pas?
M. Phillips : Oui.
La sénatrice Moncion : Les recettes ont-elles été calculées pour la durée du contrat de 30 ans?
M. Phillips : Comme vous l’avez souligné, le pont international Gordie-Howe sera payant. Quand approchera la date de mise en exploitation, dans six ans, nous réaliserons les études nécessaires pour déterminer les frais adéquats. Ce pont sera concurrentiel comparativement à d’autres passages entre le Canada et les États-Unis. Tout cet argent reviendra ensuite au Canada. Aucune des sommes perçues n’ira aux États-Unis; tout l’argent reviendra donc en totalité au gouvernement du Canada.
La sénatrice Moncion : C’est le péage en direction des États-Unis?
M. Phillips : Et du Canada. Dans les deux sens.
La sénatrice Moncion : Est-ce parce que le Canada finance la totalité du pont?
M. Phillips : Oui.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Français]
En ce qui a trait au pont Champlain, vous avez mentionné que vous ne vous occupez pas de la construction du nouveau pont, mais de la gestion de la structure actuelle en ce qui concerne l’entretien et le maintien, et vous jouerez le même rôle quand la construction du nouveau pont sera terminée. C’est ce que je comprends.
M. Lachance : Non. En fait, lorsque le pont Champlain sera terminé, il demeurera sous la gestion de SSL, donc du PPP comme tel. Il n’a pas été question, jusqu’à maintenant, qu’il revienne à la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain.
La sénatrice Moncion : Donc, le PPP a l’obligation de maintenir le pont en bon état pendant 30 ans.
M. Lachance : Exactement. La construction du nouveau pont, c’est un PPP.
La sénatrice Moncion : Le parallèle entre le pont Windsor et le pont Champlain, c’est que le pont Windsor est un pont à péage, tandis que le pont Champlain sera sans péage.
M. Lachance : Exactement. Le gouvernement libéral a annoncé que le pont Champlain ne comporterait pas de péage.
La sénatrice Moncion : Comment le secteur privé y trouvera-t-il son compte, dans ce cas? Je le comprends dans le cas du pont Gordie-Howe, mais je le comprends moins pour le pont Champlain.
M. Lachance : PJCCI n’est pas responsable du nouveau pont Champlain ni de tout ce qui concerne le contrat et les décisions. Ce n’est pas dans le mandat de PJCCI de gérer toute la question du nouveau pont Champlain comme tel. Le mandat de PJCCI, c’est de veiller à la sécurité du pont actuel. Ce n’est pas dans notre mandat de répondre aux questions concernant le nouveau pont Champlain.
La sénatrice Moncion : Par conséquent, vous êtes en train de me dire qu’une fois le nouveau pont Champlain construit, vous n’aurez plus de travail.
M. Lachance : Nous avons d’autres contrats : le pont Jacques-Cartier, le pont Honoré-Mercier, la partie fédérale de l’autoroute Bonaventure et aussi le tunnel de Melocheville. On a encore beaucoup de travail.
La sénatrice Moncion : Vous me rassurez. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président : À l’intention des deux sénateurs Deacon, je donnerai d’abord la parole, pour la première question, à une recrue, le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse. Je vous remercie de votre arrivée à notre comité.
Le sénateur C. Deacon : Je vous aurais conseillé de privilégier l’expérience, mais nous ferons de notre mieux.
Comme j’arrive au comité et que je suis sénateur depuis peu, je m’en tiendrai forcément à des aspects assez élémentaires. Je ne connaissais pas l’existence de la société des Ponts Jacques-Cartier et Champlain avant mon arrivée au comité. Votre mission, assurer la mobilité des usagers, la sécurité et la pérennité des infrastructures en préconisant une gestion systématique selon une approche de développement durable, a piqué ma curiosité. Qu’est-ce que le développement durable englobe? Comment mesurez-vous l’atteinte de cet objectif?
[Français]
M. Lachance : Au cours des deux dernières années, nous avons ajouté des ressources internes à la protection de l’environnement et au développement durable. Si vous en avez la chance, je vous invite à examiner notre dernier rapport annuel, où nous faisons état du travail que nous avons fait en ce qui concerne le développement durable et l’incorporation avec différents indicateurs et différentes actions qui ont été posées. Nous souhaitons inclure le développement durable dans la gestion et la réalisation de nos projets. Nous voulons tenir compte des notions techniques, environnementales, sociales et économiques dans l’évaluation de nos projets en cours et de ceux qui seront réalisés au cours des prochaines années.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Je m’intéresse particulièrement à la viabilité économique. Deux ponts de ma ville sont entièrement financés par péage. Comment mesurez-vous votre viabilité économique alors que la gestion de vos ponts exige en permanence tellement de fonds fédéraux?
[Français]
M. Lachance : Une méthode que nous utilisons actuellement, c’est de planifier nos projets selon les coûts des cycles de vie des différentes parties de la structure et de l’infrastructure dans son ensemble. Au chapitre économique — comme je l’ai mentionné précédemment —, pour chacune des structures, nous avons une vision. On a parlé de 125 ans pour un pont, de 150 ans pour un autre. Nous voulons déterminer s’il est possible de se rendre à 150 ans et mesurer d’autres questions en ce qui a trait aux investissements. Nous tentons de déterminer également le moment approprié où l’on devrait peut-être penser à remplacer un pont au lieu de continuer à l’entretenir pendant cette durée de temps.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Cependant, aucun plan ne vise, pour les ponts de Montréal, la viabilité économique, comme dans ma ville de Halifax, où les usagers supportent les coûts du pont?
[Français]
M. Lachance : Les décisions concernant le péage sur les ponts n’appartiennent pas à la PJCCI, mais plutôt au gouvernement. Ce n’est pas dans notre mandat d’établir ce genre de chose.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Votre vision déclarée est de devenir un chef de file en gestion d’infrastructures majeures à titre d’expert innovant, de leader en mobilité et d’acteur social et urbain. Comment mesurez-vous ces qualités sur une échelle globale? Comment, dans vos rapports, décrivez-vous votre efficacité dans l’accomplissement de votre vision, relativement à votre gestion globalement concurrentielle des infrastructures?
[Français]
M. Lachance : La société a commencé à faire un peu de balisage avec différentes organisations pour déterminer où elle se situe en ce qui a trait à son leadership quant à la mobilité. Pour nous, le choix quant à la mobilité, c’est de faire en sorte qu’on diminue le nombre d’entraves lorsqu’on fait les réparations, et cela inclut beaucoup de coordination avec les différents partenaires du Grand Montréal. Il y a quand même plusieurs gros projets à Montréal : le nouveau pont Champlain, le Réseau express métropolitain (REM), l’échangeur Turcot, et il y aura la réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.
Nous devons tenir compte de tous les différents travaux qui ont lieu sur l’île de Montréal. Nous devons tenir compte aussi de tous ces enjeux pour évaluer notre mobilité. Nous voulons faire en sorte de pouvoir investir, et nous sommes en train d’investir dans un système de transport intelligent afin que les gens puissent se déplacer plus facilement à travers les différentes entraves possibles sur le réseau pendant la grande période de construction.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Votre organisation existe depuis une quarantaine d’années?
M. Lachance : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Mais vous ne possédez pas encore de méthode permettant de vous comparer aux autres. Vous commencez à peine cette analyse comparative pour mesurer à quel point vous êtes à la hauteur de votre ambition de jouer un rôle de chef de file ou de leader?
[Français]
M. Lachance : En fait, la société a subi de grandes transformations. En 2009, la société avait 40 employés et le budget de fonctionnement pour la réparation et l’entretien des ponts était d’environ 60 millions de dollars. La société a presque triplé en l’espace de trois ans à partir de 2012 quant à son budget de réparation et d’entretien et à son budget de fonctionnement. Cela nous amène à comprendre ce que nous avons à faire. En ce moment, nous sommes dans un mode de fonctionnement où nous voulons travailler davantage en amont, et c’est là qu’entre en jeu la question du balisage en ce qui a trait à notre gestion.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Je suis désolé de revenir à la charge. Vu vos lourdes dépenses, je suis étonné que vous ne commenciez pas, dès le point de départ, par l’exercice de comparaison au lieu de le faire après avoir dépensé les sommes que nous avons sous les yeux. Quand je m’apprête à engager des dépenses, je tiens a savoir qu’elles donneront des résultats et au moindre coût. La seule façon de le savoir est d’avoir des points de comparaison. La production de vos rapports sera-t-elle organisée de toute urgence dans votre organisation pour montrer que vous êtes fidèle à votre vision, particulièrement quand elle exige d’investir tellement de fonds publics et qu’elle n’est pas financièrement indépendante comme nos ponts de Halifax, par exemple?
[Français]
M. Lachance : Cela fait partie effectivement de nos objectifs en cours pour 2018-2019 et les années suivantes et de notre plan d’entreprise à venir afin de pouvoir établir ces jalons, comme vous le mentionnez, et de faire en sorte que les sommes dépensées en faveur des structures soient investies d’une façon durable.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie d’être ici.
Nous sommes devant deux chantiers importants, celui de l’est et celui de l’ouest — je reviendrai aux analyses comparatives, en poursuivant sur la lancée de mon collègue et homonyme. Ces chantiers vous obligent à un apprentissage assez important. Pour le projet du pont international Gordie-Howe, il me vient à l’esprit l’analyse comparative, puis les leçons, peut-être, des travaux antérieurs, qu’on commence à examiner, en prenant la résolution d’en faire le suivi dès le premier jour. En 2018, nous avons la possibilité de le faire.
Dans un deuxième temps, après une dizaine de minutes d’écoute de cette conversation, je vous le demande franchement : comment vous y prendrez-vous pour les analyses comparatives? Nous parlons vraiment de certains chiffres, et je vous questionnerai bientôt à ce sujet, mais, compte tenu du contexte général de ce projet, qui touche à la fois la communauté, l’environnement et le patrimoine, que mettez-vous en place?
M. Phillips : C’est une excellente question à nous poser au début de notre projet. L’analyse comparative est un élément important de ce que nous faisons pour nous préparer à la surveillance dont je viens de parler, il y a quelques minutes.
En fait, nous avons fait hier une analyse comparative avec une équipe de 20 personnes. Elle a porté sur un chantier majeur de l’Ontario soumis, au début de l’année, à un audit externe de certains hauts cadres de l’industrie de la construction pour en déterminer la bonne marche. Les travaux ont commencé il y a deux ans. Nous avons choisi le projet pour deux raisons. Il s’est révélé non prêt pour les opérations, il a fait l’objet d’une cession pour la construction, et on a reconnu sa force dans le contrôle de projet. C’est un élément important de la gestion d’un projet de construction : à quel point contrôle-t-on les divers aspects du projet, selon l’échéancier et les coûts et réclamations? Encore une fois, notre équipe comptait 20 personnes, et mon dirigeant principal des finances et de l’administration a participé à cette analyse. Nous avons intégré les leçons tirées de ces travaux d’infrastructures dans nos façons de faire, à l’Autorité du pont Windsor-Detroit.
Opportunément aussi, j’ai une réunion, ce midi, avec Infrastructure Canada. L’un des sujets à l’ordre du jour est l’analyse comparative du pont dont nous avons parlé ce matin à Québec. Nous voulons apprendre de ses réussites et de ses difficultés, des solutions appliquées et intégrer ce savoir dans nos façons de faire.
La troisième visite prévue d’analyse comparative se fera sur un chantier du Grand Toronto. Les travaux de construction sont bien avancés. Sur certains points, les travaux ont très bien avancé, tandis que sur d’autres, ils ont éprouvé des difficultés. Nous préparons une visite sur place pour comprendre ces vicissitudes, tirer les leçons utiles et les intégrer dans nos façons de faire.
Sur les trois visites prévues, une a eu lieu. Nous maintiendrons le cap pendant la construction. Mes antécédents ont fait entrer l’analyse comparative dans mon ADN. C’est la façon de faire en affaires. C’est une visite annuelle avec différents membres du personnel, et cette analyse comparative doit être confiée aux surveillants opérationnels, et non aux cadres exclusivement. C’est le personnel qui répond effectivement à ce besoin d’analyse comparative. C’est ma façon de faire.
La sénatrice M. Deacon : Voilà qui est encourageant. Je perdrai ma prochaine question. L’analyse comparative fait partie de votre ADN. Vous êtes à l’école d’autres organisations qui se trouvent à des points assez critiques de leur travail. Ça fait partie de l’essence de votre travail, l’analyse comparative, puis votre obligation de rendre des comptes à l’extérieur. Donc, cette analyse comparative, c’est vraiment important. Mais à qui rendez-vous compte? Compte tenu des organisations que vous avez déjà décrites, de la surveillance à long terme et des travaux proprement dits, à qui, ensuite, devrez-vous rendre des comptes, à l’extérieur, pour vos analyses comparatives?
M. Phillips : Si j’ai bien compris votre question, nous avons un conseil d’administration. La surveillance relève d’Infrastructure Canada. Nos actionnaires sont canadiens et américains. Je dois leur rendre des comptes sur l’exécution de notre mandat, qui est la conception, la construction et l’exploitation de ce pont, conformément à ce qui a été convenu par nous. Les résultats de l’analyse comparative me serviront en partie à modifier notre façon de faire et à nous assurer que les actionnaires et le conseil d’administration le comprennent. À leur tour, ils peuvent me demander de leur montrer les résultats de ce que j’ai appris de l’analyse comparative. Je pense que c’est ce que vous vouliez savoir.
La sénatrice M. Deacon : Oui. Je suis peut-être l’une des seuls sénateurs à traverser souvent ce pont. Merci beaucoup.
Le sénateur Pratte : Pour ceux qui connaissent très bien le projet du pont de Windsor-Detroit, tout est limpide, mais j’éprouve encore des difficultés à comprendre comment fonctionne ce partenariat public-privé. Visiblement, vous en surveillerez la construction et même celle des points d’entrée, également visés par le partenariat, n’est-ce pas?
M. Phillips : Oui.
Le sénateur Pratte : Dans votre exposé, vous avez dit que le deuxième volet de votre mandat consiste à gérer la construction — et nous en avons discuté — et l’opération du nouveau passage. Éclairez-moi. Le partenariat exploitera le pont et en fera la maintenance pendant 30 ans. Quel sera votre rôle, une fois le pont construit?
M. Phillips : Je vous remercie de la question.
Précisons d’abord deux ou trois choses que j’ai dites. J’ai notamment parlé de réhabilitation. Le contrat stipule que, après 30 ans, Bridging North America cédera l’exploitation et la maintenance du pont à l’Autorité du pont Windsor-Detroit. Nous ne voulons pas d’un pont vétuste, usé. C’est là qu’intervient la réhabilitation. Le contrat prévoit la cession d’un pont remis à neuf. Idem pour les revêtements routiers. Les ouvrages seront remis dans l’état normal prévu. Nous n’hériterons pas d’un pont et de points d’entrée mal réparés. Notre mandat est de surveiller la maintenance du pont, des points d’entrée et des routes par Bridging North America, pour la contrôler et nous assurer du bon état de réparation du pont, des points d’entrée et des routes, au bout de ces 30 années, quand ils nous seront cédés.
Le sénateur Pratte : Merci. Vous avez dit que le montant des péages serait déterminé un peu plus tard, pendant la construction du pont. Qui en décide? Le partenaire dans le partenariat public-privé, vous, vous et lui ensemble ou le gouvernement?
M. Phillips : L’Autorité du pont Windsor-Detroit a le pouvoir de fixer le montant des péages du pont international Gordie-Howe. Nous ferons les études nécessaires des coûts d’exploitation et de maintenance, mais aussi des coûts pratiqués par nos concurrents, pour fixer, pour le péage, des montants concurrentiels qui nous permettront de rentrer dans nos frais, mais pour aussi favoriser l’industrie que nous voulons appuyer et susciter pour ce passage, pour pouvoir maintenir l’augmentation du volume de circulation pendant les 100 ans prévus d’exploitation de ce pont.
Le sénateur Pratte : Le contrat prévoit une marge de profit pour le partenaire du partenariat public privé. Il est donc tenu compte d’un niveau que les péages doivent atteindre. Vous devez vous assurer que votre partenaire fera beaucoup d’argent.
M. Phillips : Les profits de l’autre cocontractant sont intégrés. C’est une entreprise privée. Une partie du financement du projet provient de nos versements quand il atteint certains résultats pendant ces 30 années. L’avantage ou l’idée derrière un contrat de partenariat public-privé est qu’il est profitable pour l’entrepreneur de concevoir et de construire l’ouvrage en respectant ou en devançant les échéanciers, parce que des versements plus rapprochés réduisent ses coûts de financement et accroissent ses profits. Les péages ne sont pas liés à sa profitabilité, laquelle dépend entièrement du respect des modalités du contrat et des versements prévus par le contrat.
Le sénateur Pratte : Les péages sont donc déterminés par les montants que vous recevrez pour payer l’entrepreneur, n’est-ce pas?
M. Phillips : Les péages retournent au gouvernement du Canada.
Le sénateur Pratte : Très bien.
M. Phillips : Par l’entremise de l’Autorité du pont Windsor-Detroit.
Le sénateur Pratte : Le gouvernement pourrait-il intervenir et décider, pour quelque raison que ce soit, que les péages sont excessifs? Ça s’est vu ailleurs quand les usagers estiment les péages excessifs. Le gouvernement a-t-il le pouvoir d’intervenir et de décréter que les péages sont trop élevés ou trop faibles et peut-il agir comme il l’a fait pour le nouveau pont Champlain et décider qu’il n’y aurait pas de péage?
M. Phillips : Je suis président-directeur général d’une société fédérale d’État. Mon patron se trouve à être le gouvernement du Canada. Je dois lui obéir. C’est donc une possibilité.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.
La sénatrice Moncion : Ma question vous paraîtra peut-être inhabituelle. La route 407 appartenait au gouvernement de l’Ontario, qui l’a vendue à des intérêts privés. Quelle est la probabilité que la même chose arrive au pont international Gordie-Howe, sa vente à des intérêts privés qui le conserveraient pour toujours?
M. Phillips : Question légitime, vu ce qui est arrivé en Ontario. Le gouvernement du Canada et divers gouvernements du Canada ont appuyé l’idée du projet de pont international Gordie-Howe et ont pressenti sa valeur pour l’économie du Canada. Ils lui ont tous publiquement donné un coup de pouce et aidé à la concrétiser jusqu’à la clôture de la transaction financière. À ma connaissance, ils ne semblent pas vouloir s’en débarrasser. L’ouvrage est trop indispensable à l’économie du Canada. Je m’attends à ce qu’ils veuillent en rester propriétaires pour aider et faire tourner l’économie de notre pays.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le président : Avant de conclure la séance, je voudrais poser deux questions aux groupes de témoins.
Monsieur Phillips, ma question fait suite à des renseignements que nous avons reçus sur les infrastructures. Quand les représentants de l’Autorité du pont Windsor-Detroit ont comparu devant notre comité, le 11 novembre 2016, sur le Budget supplémentaire des dépenses pour 2016-2017, ils ont déclaré que tous les coûts du projet, y compris les coûts encourus jusqu’alors, étaient enregistrés et qu’ils seraient remboursés, avec intérêts, par les péages. C’est ce qu’ils ont déclaré. Aujourd’hui, monsieur Phillips, vous êtes ici. Le gouvernement s’attend-il encore à rentrer dans tous les frais des travaux grâce aux péages?
M. Phillips : C’est une excellente question. Mon dirigeant principal des finances et de l’administration me fait signe et confirme ce que j’avais compris. C’est ce à quoi le gouvernement s’attend.
Le président : C’est ce à quoi il s’attend. Merci.
[Français]
Ma dernière question s’adresse à M. Lachance.
Depuis l’annonce de la construction, des sénateurs ont posé des questions pour obtenir des données sur les sommes d’argent impliquées, mais nous n’avons pas encore reçu ces renseignements. Pouvez-vous nous informer à ce sujet? Depuis l’annonce de la construction du nouveau pont Champlain, à combien s’élèvent les sommes d’argent dépensées depuis 2014?
M. Lachance : En ce qui a trait au pont Champlain actuel?
Le président : Pour l’entretien du pont Champlain.
M. Lachance : Pour l’entretien du pont Champlain actuel, depuis le 1er avril 2014, les sommes d’argent dépensées sont de 328 millions de dollars.
Le président : Merci beaucoup.
Étant donné qu’il n’y a pas d’autres questions, nous vous remercions.
[Traduction]
Je remercie tous les témoins de s’être déplacés. Nous vous rappellerons si nous en avons envie ou besoin.
Chers collègues, pour la poursuite de notre étude des dépenses consignées dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019, nous accueillons trois représentants du Bureau du Conseil privé. Chers témoins, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Les sénateurs entendront vos observations et vos opinions, après quoi ils vous questionneront.
Je vous présente donc M. Matthew Shea, qui est sous-ministre adjoint aux Services ministériels et dirigeant principal des finances; Mme Marian Campbell Jarvis, la secrétaire adjointe du Cabinet, Politique du développement social; enfin, M. Matthew Mendelsohn, le sous-secrétaire du Cabinet, Bureau du sous-secrétaire du Cabinet, Résultats et livraison.
Merci encore une fois. On m’informe que M. Shea fera un court exposé. Ensuite nous passerons aux questions.
Matthew Shea, sous-ministre adjoint, Services ministériels et dirigeant principal des finances, Bureau du Conseil privé : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci d’avoir invité le Bureau du Conseil privé à passer en revue son Budget principal des dépenses. Comme vous nous avez déjà présentés, j’entre tout de suite dans le vif du sujet.
Comme vous le savez, le mandat du Bureau du Conseil privé est de servir le Canada et les Canadiens en fournissant des services professionnels non partisans ainsi que d’appuyer le premier ministre et les ministres de son portefeuille, tout en assurant le fonctionnement efficace du cabinet.
Le Bureau du Conseil privé a trois grands rôles : fournir des conseils et un soutien non partisans au premier ministre, aux ministres du portefeuille ainsi qu’au cabinet et à ses comités sur des enjeux d’importance nationale et internationale, notamment les questions de politique, de législation et d’administration gouvernementale auxquelles est confronté le gouvernement; servir de secrétariat au cabinet et à tous ses comités, à l’exception du comité du Conseil du Trésor, qui est appuyé par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada; encourager un rendement élevé et la responsabilisation au sein de la fonction publique.
[Français]
Tout comme le ministère des Finances et le Secrétariat du Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé du Canada est un organisme central.
[Traduction]
Il exerce un leadership dans l’ensemble des ministères et organismes gouvernementaux afin de conseiller le premier ministre et le Cabinet, et de coordonner l’élaboration et la mise en œuvre des politiques.
J’aimerais commencer par un bref aperçu du Budget principal des dépenses de 2018-2019. Le BCP a demandé un total de 166,4 millions de dollars pour sa responsabilité principale, à savoir servir le premier ministre et le Cabinet, ainsi que pour ses services internes. Le BCP poursuit sa coordination des efforts du gouvernement pour mettre en œuvre les politiques et les initiatives suivant une approche pangouvernementale. Pour ce faire, il doit entre autres renforcer la diversité et l’inclusion, notamment en apportant un soutien au conseiller spécial auprès du premier ministre sur les enjeux touchant la communauté LGBTQ2; renouveler les relations avec les peuples autochtones du Canada et apporter de l’aide au Groupe de travail de ministres chargé d’examiner les lois et les politiques ainsi qu’à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dans le cadre des efforts continus du Canada pour faire progresser la réconciliation.
Le président : Monsieur Shea, il semble bien que nous soyons sur la voie rapide. Pourriez-vous ralentir un peu pour faciliter le travail de nos interprètes?
M. Shea : Je vous ai fourni une copie de mon mémoire dont les membres du comité pourront prendre connaissance à leur guise. Disons simplement que c’est un résumé que je vous présente et que nous serons ravis de répondre à vos questions.
Le président : Vous pouvez lire votre texte, mais je vous demande seulement de ralentir.
M. Shea : Désolé, je croyais que vous aviez dit que ce n’était pas assez rapide. Je vais ralentir. Je ne sais plus où j’en étais.
Nous devons aussi collaborer bilatéralement et multilatéralement avec les provinces et les territoires dans des domaines prioritaires clés afin de maintenir et de faire progresser les relations intergouvernementales; nous assurer que le Canada est doté d’un gouvernement ouvert et responsable, en partie grâce à des mises à jour non partisanes périodiques sur l’état des engagements ministériels figurant dans les lettres de mandat affichées sur le site web « Suivi des lettres de mandat », et en soutenant l’engagement des gouvernements à l’égard de processus de sélection ouverts, transparents et fondés sur le mérite pour les nominations au Sénat et par le gouverneur en conseil; coordonner et soutenir les négociations commerciales internationales, ainsi que les voyages internationaux du premier ministre et sa participation à des sommets; coordonner l’élaboration des lois et des politiques en matière de sécurité nationale et de renseignement, et répondre aux préoccupations et aux menaces mondiales en ce qui a trait aux exportations, aux investissements et à la sécurité des Canadiens; renouveler et moderniser la fonction publique, notamment grâce à des mesures novatrices comme l’Initiative Impact Canada et l’engagement à promouvoir des milieux de travail sains qui favorisent la diversité et l’inclusion, sont exempts de harcèlement et d’intimidation, et suscitent l’innovation; et, enfin, améliorer, renforcer et protéger les institutions démocratiques du Canada en appuyant des initiatives liées aux débats des chefs de parti, à la Loi sur la modernisation des élections et au financement politique.
Nous continuons également à soutenir le premier ministre en coordonnant l’élaboration de politiques éclairées par un dialogue avec les jeunes et les organismes au service des jeunes, en partenariat avec le Conseil jeunesse du premier ministre.
Ce bref résumé du Budget principal des dépenses de 2018-2019 du BCP évoque quelques-uns des moyens par lesquels le BCP continue de soutenir le greffier en tant que chef de la fonction publique du Canada, le premier ministre et le Cabinet, suivant une approche pangouvernementale.
[Français]
Chers membres du comité, je vous remercie de m’avoir donné la possibilité de vous exposer le contexte dans lequel évolue le Bureau du Conseil privé.
C’est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Shea.
Nous allons commencer la période des questions avec le sénateur Pratte, qui sera suivi du sénateur Forest.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : L’Initiative Impact Canada vise à renouveler et moderniser la fonction publique. Pourriez-vous nous donner de plus amples détails à ce sujet? J’ai pris connaissance de certains des projets auxquels vous collaborez ou dont vous assurez la coordination. Pouvez-vous nous en dire plus long? Combien d’argent est prévu pour cette initiative et qu’essaie-t-on de réaliser exactement?
[Français]
Matthew Mendelsohn, sous-secrétaire du Cabinet, Bureau du sous-secrétaire du Cabinet, Résultats et livraison, Bureau du Conseil privé : Il s’agit d’une initiative qui est vraiment unique et novatrice. Il y a seulement un centre d’expertise au Bureau du Conseil privé composé d’une petite équipe qui dispose d’un budget de moins d’un million de dollars par année. Ce centre d’expertise est composé de gens qui ont une expertise en matière de finances sociales et de mesures d’impacts afin de remettre en question les initiatives de financement fondées sur les résultats, et non seulement sur les intrants.
Cette petite équipe a mis au point un processus pour appuyer les ministères qui souhaitent tirer parti de l’Initiative Impact Canada. Par exemple, nous avons appuyé le ministère de l’Infrastructure dans le cadre du Défi des villes intelligentes. Nous avons aussi appuyé le ministère des Ressources naturelles avec un groupement de cinq défis relativement aux femmes dans les domaines de la technologie et de la bioénergie, des stratégies pour faire en sorte que les communautés autochtones utilisent autre chose que le diesel, et ainsi de suite.
L’Initiative Impact Canada appuie les ministères, mais les ministères doivent avoir leur propre autorité budgétaire. Il se peut que beaucoup de fonds soient dépensés, mais il ne s’agit pas des fonds du Bureau du Conseil privé. Les ministres eux-mêmes demeurent responsables des programmes. Nous les appuyons, leur donnons des conseils et nous approuvons les défis et la méthodologie qui est suivie, mais ce sont les ministres et les ministères qui détiennent l’autorité budgétaire et qui, ultimement, sont responsables du succès ou non du projet.
Le sénateur Pratte : Est-ce qu’il y a un objectif global lorsqu’il s’agit de renouveler ou de moderniser la fonction publique? Est-ce qu’il y a un objectif central sur lequel vous vous basez pour approuver un projet ou non?
M. Mendelsohn : Oui, nous disposons de critères, mais comme nous en sommes au début, nous prenons encore de l’expérience. Il y a un engagement pour le gouvernement qui est inclus dans toutes les lettres de mandat des ministres afin qu’ils utilisent davantage de fonds pour expérimenter de nouvelles façons d’établir des programmes et des contributions. L’Initiative Impact Canada a pour objectif d’aider les ministères à accélérer l’adoption d’approches fondées sur les résultats, et nous les appuyons, de sorte que nous leur donnons une marge de manœuvre afin qu’ils puissent expérimenter de nouvelles approches plus facilement. L’objectif est d’améliorer les résultats pour les Canadiens, de rechercher de meilleures façons d’établir des programmes, de faire des contributions ou de structurer des programmes afin d’obtenir de meilleurs résultats. Notre équipe compte des gens qui ont une expertise en méthodologie pour mesurer les résultats de ces nouvelles expériences et pour les comparer afin de voir si les nouvelles façons de faire donnent de meilleurs résultats par rapport aux anciennes méthodes.
Le sénateur Pratte : Si je comprends bien, en ce qui a trait à ces nouvelles façons de faire, ce n’est pas vous nécessairement qui avez les idées. Ce sont les ministères qui arrivent avec leurs projets et qui ont une idée pour faire les choses autrement; c’est bien comme ça que ça se passe?
M. Mendelsohn : Oui.
Le sénateur Pratte : De votre côté, vous approuvez les projets, mais vous n’avez pas l’autorité budgétaire, puisqu’elle provient du Conseil du Trésor.
M. Mendelsohn : Exactement. Nous avons reçu un peu d’argent pour appuyer une petite équipe.
Le sénateur Pratte : Merci.
Le sénateur Forest : Ma première question concerne les nominations, puisque la liste actuelle des postes à pourvoir comporte des postes importants, par exemple, au sein du Conseil national de recherches du Canada, d’Exportations et développement Canada, de VIA Rail, de la Société canadienne des postes, et de la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée, que nous avons entendue juste avant vous.
Il y a donc de nombreux postes à pourvoir dans le cadre du processus actuel. On parle de gens à la tête d’organisations vitales pour le Canada. Comment peut-on expliquer les délais qui ont cours dans la dotation de ces postes? Vous avez un défi en ce qui a trait à la relève qui s’exprime très bien par la situation actuelle, mais comment pouvez-vous expliquer des délais aussi longs pour doter des postes aussi stratégiques pour le Canada?
[Traduction]
M. Shea : Le BCP appuie le processus de nomination par décret pour 2 000 postes au nom du premier ministre et de son bureau. En 2016, le premier ministre s’est engagé à mettre en place des processus de sélection ouverts, transparents et fondés sur le mérite. Au cours des deux dernières années, nous avons eu recours à de tels processus pour doter 940 des quelque 2 000 postes à pourvoir au sein des différentes organisations.
Bien que je ne puisse rien vous dire au sujet des différents processus eux-mêmes, je peux vous assurer que des progrès sont réalisés dans les efforts déployés pour veiller à ce que ces processus soient ouverts et transparents, mais également à ce qu’ils permettent une plus grande diversité. Ainsi, parmi les 940 personnes nommées à des postes, 53 p. 100 étaient des femmes, 12 p. 100 appartenaient à une minorité visible, près de 9 p. 100 étaient autochtones, et 3,5 p. 100 vivaient avec une incapacité. Tout ça pour vous dire que nous avons réalisé des progrès considérables et que nous poursuivons dans le même sens dans le cadre de nos efforts pour pourvoir ces postes dont vous parlez.
[Français]
Le sénateur Forest : Effectivement, je crois que ce sont des résultats qui sont fort appréciés et appréciables. Toutefois, ne trouvez-vous pas qu’il y a un équilibre à maintenir entre l’efficacité du renouvellement de ces postes et les objectifs de transparence, mais aussi d’équité quant à une meilleure représentation de certains groupes cibles?
[Traduction]
M. Shea : Le BCP assume son leadership en la matière en essayant d’optimiser l’efficience de ces processus, notamment via la mise en place d’une équipe centralisée qui appuie les ministères, plutôt que de les laisser se débrouiller par eux-mêmes. Je dois préciser qu’il s’agit d’une responsabilité partagée. Pour la plupart des nominations par décret, la responsabilité est partagée entre le Bureau du Conseil privé, le Bureau du premier ministre, le ministère responsable du poste à pourvoir et le cabinet du ministre responsable du secteur visé. Toutes ces instances conjuguent leurs efforts pour que le poste soit pourvu de la façon la plus efficiente possible, sans négliger pour autant les objectifs de transparence et de diversité dont je vous ai parlé.
[Français]
Le sénateur Forest : Donc, je comprends que le rythme d’attribution des postes vous satisfait.
[Traduction]
M. Shea : Je ne vais pas me prononcer sur le degré de satisfaction ou d’efficience, mais plutôt simplement vous dire que nous essayons d’agir le plus efficacement possible. Nous veillons à ce que les ressources nécessaires soient en place. Cela fait d’ailleurs partie de mon rôle de dirigeant principal des finances. Je dois voir à ce que l’équipe responsable dispose des ressources suffisantes pour mener ces processus à terme, et nous devons nous assurer à l’interne que cette équipe a accès aux enveloppes budgétaires nécessaires pour appuyer les ministères dans cette démarche très importante.
[Français]
Le sénateur Forest : Puis-je poser une question sur un autre sujet?
Le président : Bien sûr.
Le sénateur Forest : C’est au sujet de l’Initiative Impact Canada. Je ne suis plus une nouvelle recrue du Sénat, car il y a maintenant deux ans que je suis ici. Je regarde la principale stratégie de développement économique du gouvernement fédéral actuel, soit le programme d’infrastructures. On parle d’un montant de 180 milliards de dollars sur 12 ans, on parle de beaucoup de budgets liés à des partenariats, que ce soit des villes ou autres, entre autres des villes intelligentes, ce qui m’apparaît fort pertinent.
Actuellement, nous avons de la difficulté à mesurer l’impact de cette stratégie économique très audacieuse. On prévoit, par exemple, un montant de 28,7 milliards en faveur du secteur du transport en commun, des infrastructures vertes, des infrastructures sociales, et il y a des enveloppes versées en fonction de projets qui proviennent de partenaires, soit de territoires, de provinces ou de villes.
Dans la mission externe de l’Initiative Impact Canada, pouvez-vous réfléchir à la façon dont on peut mesurer l’effet de levier et l’impact réel de cette stratégie fort ambitieuse? Vous avez une responsabilité, au sein du BCP, d’évaluer les engagements par rapport aux lettres de mandats. Y a-t-il un moyen pour l’Initiative Impact Canada de mesurer non seulement les crédits qui ont été dépensés ou qui sont consacrés au niveau du gouvernement du Canada, mais également ce qui en découle, compte tenu des partenariats qui se développent avec les territoires, les provinces et les municipalités?
M. Mendelsohn : C’est une question très intéressante. Évidemment, ce n’est pas le mandat de l’Initiative Impact Canada de faire cela. Toutefois, ce qu’on est en train de faire au Bureau du Conseil privé, et le greffier a donné des instructions claires à ce sujet, c’est d’améliorer notre capacité à travers le système fédéral, mais aussi avec dans le cadre de partenariats. Il faut mesurer l’impact, non seulement à court terme, mais à long terme également, des investissements que nous faisons. Il y a toutes sortes de discussions globales en cours pour tenter de mesurer l’impact d’une dépense, non seulement le lendemain, comme je le disais, mais aussi en ce qui a trait au retour sur l’investissement à long terme.
En outre, il y a aussi le retour au niveau social. Il y a toutes sortes de questions méthodologiques qui se posent actuellement, et les ministères peuvent mesurer l’impact en matière de création d’emplois. Il y a quelques années, en 2009-2010, le ministère des Finances a fait des estimations de l’impact de toutes ces dépenses après la récession et la crise économique globale. Nos méthodologies ne sont pas parfaites, donc, l’une des choses que l’on fait au chapitre du renouvellement de la fonction publique, c’est de travailler, à travers tout le système, pour essayer d’améliorer notre capacité de mesurer les résultats et le retour sur les investissements à moyen et à long terme.
Le sénateur Forest : Je crois qu’en ce qui concerne les résultats, cela me paraît incontournable, c’est la stratégie première en ce qui concerne le développement économique. Il y a un impact sur la création d’emplois et sur l’investissement dans les milieux, ce qui a créé un effet de levier, parce qu’il y avait une participation souvent tiers-tiers-tiers. Il y a aussi un impact en ce qui a trait aux aspects social et environnemental, et cetera. Il me semble qu’il y a là un défi important à relever pour bien mesurer tout cela, puisqu’il y avait un engagement de la part de ce gouvernement, et compte tenu des investissements très importants de fonds publics.
M. Mendelsohn : Tout à fait. Comme vous le savez, il y a plusieurs objectifs; il y a des objectifs verts et des objectifs sur le plan du transport en commun, de la création d’emplois et de l’inclusion sociale. Il y a toutes sortes d’objectifs. Quant à l’infrastructure, nous avons un accord global avec les provinces et les territoires et, par la suite, nous avons négocié des accords bilatéraux avec les provinces.
Les provinces ont leurs propres priorités. Donc, comme gouvernement fédéral — je ne vais pas parler pour le ministre de l’Infrastructure qui est le responsable —, on présente les priorités du gouvernement fédéral, mais il se peut qu’une province ait d’autres priorités. Il faut donc négocier. Pour moi, c’est toujours un bon objectif d’avoir une bonne structure de mesures, de sorte que l’on puisse mesurer l’impact réel sur le transport en commun, l’inclusion sociale, la création d’emplois et les émissions de gaz à effet de serre. Tous les gouvernements, non seulement au Canada, mais à travers le monde, sont en train d’essayer d’améliorer leur capacité de mesurer cela, et nous travaillons en collaboration avec les ministères pour les aider à améliorer leurs capacités en cette matière.
Le sénateur Forest : Merci, je vais réserver mes autres questions.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : Je me suis toujours intéressée de près à ce qui se passe au Bureau du Conseil privé qui sert en quelque sorte de pont entre la bureaucratie et le Cabinet.
Si j’ai bien compris, vous demandez environ 166 millions de dollars dans votre budget. Est-ce bien cela?
M. Shea : C’est exact.
La sénatrice Andreychuk : Et 16 millions à titre de contributions aux avantages sociaux des employés. Combien des quelque 150 millions de dollars qui restent vont aller à la dotation, et quels autres postes budgétaires seraient inclus dans ce total? Dans la mesure de ce que je suis à même de découvrir, je vois que vous appuyez le travail du gouvernement ainsi que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, en plus de mettre sur pied des secrétariats. Est-ce que ces fonds vont servir essentiellement à la dotation?
M. Shea : Le BCP est fortement, mais pas entièrement, axé sur la dotation. Vous pouvez consulter en ligne un document complémentaire au Budget principal des dépenses qui s’intitule Dépenses budgétaires par article courant de dépenses. On y trouve une ventilation détaillée des 166 millions de dollars dont vous parlez. Je peux ainsi vous dire que 119,5 millions de dollars vont aux salaires de nos employés. Il y a donc le montant que vous avez indiqué qui va aux avantages sociaux correspondants. Comme vous pouvez le constater, il y a encore une somme de 30 millions de dollars qui sert à d’autres fins.
Le budget du BCP a fluctué au cours des dernières années. Ces variations sont en partie attribuables au budget de 2016 qui nous octroyait des fonds pour des investissements dans nos infrastructures et la mise à niveau de nos outils informatiques et de nos mécanismes de sécurité, tout cela pour nous permettre de compter sur les ressources nécessaires afin d’appuyer les ministres de notre portefeuille et d’offrir des plateformes technologiques tournées vers l’extérieur. À titre d’exemple, nous avons maintenant des sites web destinés aux jeunes et permettant un accès externe sur lesquels nous affichons du contenu. Il y a donc différents éléments qui sont visés.
Tout cela pour dire qu’il ne s’agit pas uniquement de salaires, mais que ceux-ci occupent tout de même une grande place. Comme vous l’avez indiqué, nous avons différentes sections qui peuvent aussi bien appuyer le travail des comités du Cabinet que celui de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, et il y a également nos services internes qui représentent une partie importante de notre ministère.
Étant donné que nous sommes un ministère unique, nous devons nous occuper de choses particulières comme la correspondance du premier ministre. Celui-ci reçoit chaque année 250 000 courriels, lettres et appels téléphoniques auxquels il faut répondre. Nous avons une équipe qui s’en charge, et c’est d’ailleurs au sein de ma direction générale. Nous avons aussi un groupe qui accompagne le premier ministre dans tous ses déplacements dans le monde, que ce soit dans le cadre de ses fonctions ou lorsqu’il est en vacances, car nous devons nous assurer qu’il lui est toujours possible de communiquer de façon sécuritaire peu importe où il se trouve, et ce, pour garantir bien évidemment la continuité du gouvernement.
Nous avons donc différentes fonctions qui nous distinguent des autres ministères et qui font en sorte que les salaires occupent chez nous une place aussi importante. J’espère avoir répondu tout au moins partiellement à votre question.
La sénatrice Andreychuk : C’est un début. La transparence semble être le thème du jour. Comment les parlementaires peuvent-ils savoir exactement ce que vous faites, et dans quelle mesure avons-nous accès aux documents ou aux conseils que vous produisez? Est-ce que tout cela est gardé confidentiel?
M. Shea : On s’éloigne ici des questions liées directement au budget. Vous parlez des documents qui sont produits pour conseiller le premier ministre et le greffier et que nous ne rendons généralement pas publics. Nous avons un groupe responsable de l’accès à l’information qui essaie de déterminer quelles portions de ces documents ne peuvent être rendues accessibles dans bien des cas. Nous procédons ligne par ligne afin de pouvoir diffuser le plus de renseignements possible conformément à l’objectif d’ouverture et de transparence par défaut. Cependant, comme vous pouvez vous l’imaginer, nous ne pouvons pas, compte tenu des usages établis et des dispositions législatives en vigueur, dévoiler des secrets du Cabinet en réponse à une demande d’accès à l’information. Comme ces demandes se retrouvent sur mon bureau dans bien des cas, je peux tout de même vous confirmer que nous diffusons de grandes quantités d’information en réponse non seulement à ces demandes d’accès, mais aussi aux questions des parlementaires. À titre d’exemple, si un député nous posait la même question que vous concernant notre budget en nous demandant de plus amples détails, nous lui fournirions cette information.
La sénatrice Andreychuk : Si l’on en croit ces documents, vous appuyez l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Parmi les difficultés évoquées par les membres de la commission eux-mêmes, il y avait le fait qu’il leur était impossible de s’acquitter de leur mandat parce qu’ils avaient l’impression de se heurter à des obstacles — pour dire les choses poliment — et à une trop grande ingérence du gouvernement. Est-ce le Bureau du Conseil privé qui serait fautif dans son rôle de soutien? Quel est exactement votre rôle auprès de cette commission?
M. Shea : Je suis au fait de certaines des préoccupations que vous soulevez. Bon nombre d’entre elles remontent à assez longtemps déjà. Je dois vous dire que depuis que j’ai joint les rangs du BCP il y a environ un an, j’ai eu d’excellentes relations avec les commissaires, la directrice générale et la commissaire en chef, et je n’ai reçu aucune plainte semblable de la commission.
Nous offrons tout le soutien nécessaire pour les services internes dont la commission a besoin. Comme la commission est indépendante, nous ne nous mêlons pas de savoir qui est embauché et comment on procède, mais nous offrons notre aide à cette fin. Si la commission indique qu’elle souhaite embaucher quelqu’un, nous faisons le nécessaire pour rédiger la lettre d’offre. Nous avons des normes de service à respecter. En général, dans les 72 heures suivant un avis semblable, nous leur fournissons la lettre qu’ils doivent remettre. Nous les aidons également à trouver les locaux dont ils ont besoin. Comme vous pouvez facilement le comprendre, la commission ne se limite pas à un seul emplacement, car elle doit se déplacer dans les différentes régions du pays. Nous devons donc négocier un grand nombre de baux à court terme pour les besoins de la commission. Nous traitons également toutes ses factures. Encore là, il ne s’agit pas de remettre en question la pertinence des dépenses, mais de nous conformer à la loi en prenant en charge ces factures. C’est le rôle que prévoit la Loi sur la gestion des finances publiques pour le BCP, mais nous devons tout de même respecter l’indépendance de la commission.
Je vais vous donner quelques exemples des mesures que nous prenons pour nous assurer que la commission peut faire son travail sans entrave. Nous avons cerné ce besoin dès la création de la commission. Pour dégager des pistes de solution, nous avons mis sur pied un groupe de travail formé non seulement d’employés du Bureau du Conseil privé, mais aussi de représentants de Services partagés Canada, du Secrétariat du Conseil du Trésor et de RCAAN, soit les ministères concernés et aptes à appuyer la commission dans son travail. Lorsque les gens de la commission nous ont indiqué ne pas pouvoir s’acquitter d’une tâche importante parce qu’ils ne disposaient pas des pouvoirs pour le faire, nous leur avons expliqué comment il était possible d’obtenir lesdits pouvoirs et nous avons fait le nécessaire à cette fin.
L’initiative After-Care constitue un excellent exemple. Au départ, la commission n’était pas autorisée à offrir de telles mesures, mais jugeait cela important dans le cadre de son mandat. Nous nous sommes alors adressés au Conseil du Trésor pour que la commission puisse obtenir les pouvoirs lui permettant d’accomplir ce travail d’une grande importance.
Je vais résumer en me contentant de vous dire que nos relations sont excellentes. Nous rencontrons régulièrement les gens de la commission et nous intervenons rapidement pour trouver des solutions de concert avec eux dès qu’un problème se pose. Nous leur offrons du soutien là où ils se trouvent. Nous avons envoyé des spécialistes en informatique par avion dans différentes régions du pays pour aider les commissaires à tenir leurs réunions. Tout en respectant le fait que la commission est indépendante, nous l’aidons à rédiger des contrats et à prendre toutes les dispositions nécessaires pour travailler efficacement, .
La sénatrice M. Deacon : Au début de votre exposé, vous avez parlé de hausses budgétaires pour cinq secteurs. Il y avait entre autres le soutien au projet de modernisation informatique du BCP et la création du Secrétariat LGBTQ2. Il y a donc des fonds alloués sur une période de trois ans pour mettre sur pied ce secrétariat, ainsi qu’un soutien offert pour la mise à niveau technologique. J’essaie de mieux cerner quels pourraient être les budgets annuels pour ces deux secteurs et à quelles activités et fins spécifiques pourraient servir les fonds supplémentaires demandés.
M. Shea : Je vais permettre à ma collègue, Mme Campbell Jarvis, de répondre d’abord à la question concernant le Secrétariat LGBTQ2, puis je vous parlerai de l’aspect technologique, si cela vous convient.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Marian Campbell Jarvis, secrétaire adjointe du Cabinet, Politique du développement social, Bureau du Conseil privé : Bonjour à tous.
Le Secrétariat LBGTQ2 a été mis sur pied au départ pour appuyer le travail du conseiller spécial du premier ministre. Il était chargé d’organiser des rencontres avec les différentes parties prenantes, de tenir des consultations et d’appuyer le conseiller spécial dans certaines activités à l’échelle internationale.
Quant aux autres rôles que le secrétariat a pu jouer, il faut noter un événement très significatif du point de vue historique, à savoir les excuses présentées en décembre dernier à la communauté LGBTQ2 du Canada. Le secrétariat a alors apporté une contribution importante en réunissant les principaux intéressés pour les consulter quant à savoir ce qu’ils souhaitaient retrouver dans ces excuses, et en aidant le premier ministre à les préparer. Dans le même ordre d’idées, il y a eu un règlement hors cour dans le recours collectif Ross, Roy, Stalic pour lequel le Secrétariat LGBTQ2 a joué un grand rôle dans le cadre d’une approche pangouvernementale pilotée par les Forces armées canadiennes. Ce règlement a permis non seulement qu’une compensation soit versée aux survivants, si l’on peut s’exprimer ainsi, mais aussi que d’importantes mesures de commémoration soient prises. Ce sont donc des dossiers dans lesquels le secrétariat a été très actif.
Le secrétariat intervient également à l’égard de certains enjeux sociaux exigeant une approche multidisciplinaire. Par exemple, lorsqu’il est question de politique sociale et d’itinérance chez les jeunes, les données indiquent clairement qu’une forte proportion des jeunes sans-abri sont membres de la communauté LGBTQ2. Il s’agit d’aller au-delà de l’identité de genre pour essayer de comprendre les enjeux dans une autre optique. Le secrétariat réalise aussi un projet sur une troisième désignation de genre. Si nous prenons l’exemple d’une demande de passeport, on pourrait dire que la mention M., Mme ou Mlle n’est pas vraiment nécessaire; on peut simplement désigner la personne par son nom. C’était donc un aperçu des projets auxquels s’intéresse le Secrétariat LBGTQ2.
M. Shea : Pour ce qui est de la technologie de l’information, j’ai indiqué que le budget de 2016 nous avait octroyé des fonds à cette fin. Nous avons eu droit à un total de 88 millions de dollars sur une période de cinq ans pour la mise à niveau de nos outils informatiques et de nos locaux. La majorité de ces fonds ont été utilisés l’an dernier, soit pendant l’exercice 2017-2018. Cette année, le montant total alloué pour ce projet est de 13,6 millions de dollars, soit 4,1 millions de dollars pour les locaux et le reste pour la technologie de l’information. Un peu comme c’est toujours le cas, nos investissements peuvent aller des outils permettant à nos employés de bénéficier des technologies modernes — tablettes, iPhone, etc. — jusqu’aux projets de plateformes tournées vers l’extérieur dont je parlais tout à l’heure. Il y a aussi des investissements qui sont consentis pour veiller à ce que nos locaux soient suffisamment modernes et bien aménagés pour permettre le genre de travail que nous faisons. Comme certains secteurs de notre ministère n’ont pas eu droit à une telle mise à niveau depuis de nombreuses années, il est essentiel que nous prenions les mesures qui s’imposent, lentement mais sûrement.
Il y a aussi le Cabinet électronique dont vous avez sans doute entendu parler. C’est une initiative qui a été lancée il y a quelques années et à laquelle nous mettons actuellement la dernière touche. Il s’agit d’écologiser et d’améliorer sans cesse nos activités, en réduisant notamment la quantité de papier utilisé, en misant sur la technologie moderne. Nous voulons permettre des communications en toute sécurité en rendant possible le téléchargement de contenu dans différentes régions du pays sans que la confidentialité des renseignements ne soit mise en péril.
La sénatrice M. Deacon : Je vous posais justement la question en pensant notamment à la possibilité de poursuivre efficacement cette initiative de Cabinet électronique parallèlement à la mise à niveau de vos locaux. Je suis heureuse d’apprendre que cela va se faire. Merci.
Le sénateur Neufeld : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. J’ai une brève question pour vous, monsieur Mendelsohn. Vous avez fait un commentaire au sujet de l’abandon du diesel. Je me demandais où vous vouliez en venir exactement, à moins que je vous aie mal compris? Je pense que cela concernait le développement du Nord.
M. Mendelsohn : Le gouvernement souhaite réduire le recours au diesel dans les collectivités éloignées et les communautés autochtones. Impact Canada pourrait notamment lancer un défi visant à trouver des moyens novateurs pour affranchir du diesel les collectivités nordiques et éloignées en leur permettant d’utiliser d’autres sources énergétiques.
Le sénateur Neufeld : Ne s’agit-il pas d’un travail qui est déjà accompli par le ministère responsable? J’ai l’impression qu’il y a deux organisations qui déploient des efforts pour atteindre un même objectif. Est-ce vraiment logique?
M. Mendelsohn : Nous n’agirions pas sans le soutien de Ressources naturelles Canada. Même si le ministère peut compter sur un programme de subventions et contributions ou un programme de recherche dans sa forme traditionnelle, il pourrait souhaiter explorer une différente façon de faire les choses, comme par exemple un défi qui serait lancé ou un prix qui serait offert à quiconque peut trouver la solution à un problème particulièrement complexe. Le ministère n’a pas nécessairement l’expertise qu’exige un tel processus de mise au défi ou de remise d’un prix. Il faut par exemple être en mesure de bien énoncer le défi à lancer, d’évaluer efficacement les candidatures ou de déterminer un groupe de finalistes pour ces processus qui se déroulent souvent par étapes. Au lieu de laisser aux différents ministères le soin d’acquérir cette expertise à l’interne en partant de zéro, nous avons mis sur pied un groupe spécialisé pour leur venir en aide. Quoi qu’il en soit, un ministère n’est pas tenu d’avoir recours à une méthode différente. Il peut s’en tenir à ses programmes habituels, mais il peut aussi choisir d’essayer quelque chose de nouveau en tentant de voir s’il pourrait glaner de meilleures idées auprès du milieu de la recherche, du secteur privé, des collectivités et des municipalités, des instances qui n’ont pas nécessairement les moyens à leur disposition pour mettre à l’essai eux-mêmes ces idées. Si le ministère indique qu’il désire lancer un défi, nous sommes là pour l’appuyer dans cette démarche.
Le sénateur Neufeld : Vous avez également répondu aux questions du sénateur Forest sur les répercussions des dépenses à long terme et à court terme. Une évaluation des répercussions a-t-elle été menée pour l’achat du pipeline Kinder-Morgan et une évaluation des répercussions a-t-elle été menée par le BCP au sujet d’Énergie Est?
M. Mendelsohn : Je crois qu’il faudrait poser cette question au ministère responsable.
Le sénateur Neufeld : Dans ce cas, quel était votre rôle? Le BCP a-t-il joué un rôle? Avez-vous formulé des conseils de quelque nature que ce soit au Cabinet du premier ministre au sujet d’Énergie Est ou du projet Kinder-Morgan?
M. Shea : Le rôle qu’a joué le BCP dans l’achat est le même qu’il jouerait dans d’autres dossiers stratégiques du gouvernement, c’est-à-dire qu’il s’efforce d’assurer la cohérence et la coordination des initiatives, des programmes et des politiques en matière de communications du gouvernement. Le ministère des Finances dirige le dossier de l’achat et les questions à cet égard devraient donc être posées à ce ministère. Ressources naturelles Canada dirige la réponse à la décision récemment rendue par la Cour d’appel fédérale, et les questions liées à ce dossier devraient être posées à ce ministère.
Le sénateur Neufeld : En résumé, vous dites que le BCP n’a aucunement participé aux projets Kinder-Morgan ou Énergie Est? Est-ce exact?
M. Shea : Comme dans tout autre dossier, les conseils formulés au premier ministre visent l’ensemble du gouvernement. Nous regroupons les renseignements et nous formulons des conseils au premier ministre, et nous ne pouvons pas communiquer ces conseils au comité pour les raisons que j’ai expliquées plus tôt.
Le sénateur Neufeld : Je comprends l’aspect de la confidentialité. Je ne vous demande pas quels conseils vous avez formulés, je vous demande si vous avez formulé des conseils ou non.
M. Shea : Je ne peux pas parler des conseils qui ont été formulés, car ce n’est pas moi qui les aurais formulés. Je suis désolé, mais je ne peux pas en dire plus. Dans ce dossier, comme dans tout dossier, tous les conseils fournis au premier ministre par le BCP aurait utilisé cette approche pangouvernementale, et nous ne pouvons pas en parler en public.
Le sénateur Neufeld : Vous parlez de favoriser la diversité et l’inclusion, de faire de la fonction publique un milieu exempt de harcèlement et d’intimidation et de susciter l’innovation. Où en êtes-vous relativement à ces objectifs? Comment vont les choses? Avez-vous accompli beaucoup de choses dans ces domaines? Avez-vous fait la promotion de la diversité? Cela se passe-t-il bien? Qu’en est-il de l’inclusion? Avez-vous éliminé le harcèlement? Peut-être que vous ne pouvez pas me parler de cela non plus, et si c’est le cas, très bien, nous pouvons continuer, car j’ai une autre question.
M. Shea : Je serais heureux de parler de la question du harcèlement. Ce sont de vastes questions. Je crois que le greffier, dans son rôle de chef de la fonction publique, tente certainement de faire la promotion de toutes ces choses. Si vous lisez son dernier rapport sur la fonction publique, vous constaterez qu’il parle de l’importance d’aborder ces enjeux.
Des progrès ont été réalisés. Je suis désolé, mais je n’ai pas de statistiques sur la diversité en main. J’ai mentionné plus tôt qu’à mon avis, on a réalisé des progrès évidents en ce qui concerne la diversité dans les personnes nommées par le GC, et je pense qu’on peut le souligner.
En ce qui concerne le harcèlement — tous les ministères sont saisis de cet enjeu et tous les sous-ministres examinent leurs politiques internes pour veiller à ce qu’elles soient à jour. Le greffier leur a demandé de faire cela. Il a aussi récemment publié un rapport sur le harcèlement dans lequel il a formulé cinq recommandations aux ministères; on a demandé aux ministères de les examiner. Ces recommandations vont du soutien à nos employés aux manifestations de leadership, en passant par l’amélioration de notre capacité, les pratiques exemplaires et l’utilisation concrète des données, afin de répertorier ces cas en vue de pouvoir mieux répondre aux questions comme celles que vous posez maintenant. Le greffier a créé un groupe de travail formé de sous-ministres qui se penchent sur cet enjeu. Ce groupe est dirigé par un sous-ministre au BCP. Encore une fois, leur examen se fonde sur trois piliers. Il s’agit de la prévention, de l’intervention et du soutien. Je crois qu’on travaille beaucoup sur la question du harcèlement. C’est un sujet qui préoccupe énormément les intervenants de la fonction publique.
Je pense que des progrès ont été réalisés dans certains dossiers liés à la diversité. Je suis désolé, mais je n’ai pas d’autres renseignements à cet égard. Je crois que si vous consultez le sondage auprès de la fonction publique, vous trouverez des résultats positifs dans certains domaines. Nous avons parlé d’innovation. Des questions tentent de déterminer si les gens se sentent appuyés. Par exemple, si une personne avait une nouvelle idée, son superviseur l’appuierait-il? Et ces chiffres sont à la hausse. Nous observons des progrès dans certains de ces dossiers, mais il y a encore du travail à faire. Nous voulons devenir une fonction publique plus souple et tolérante au risque qui fait la promotion de l’innovation et de la diversité et qui est exempte de harcèlement et d’intimidation.
Le sénateur Neufeld : Vous parlez de coordonner et d’appuyer les négociations commerciales internationales, ainsi que d’appuyer les déplacements internationaux du premier ministre et sa participation à des réunions au sommet, et vous dites qu’un représentant du BCP accompagne toujours le premier ministre. Le BCP aurait-il planifié le voyage du premier ministre en Inde? Combien de représentants du BCP auraient accompagné le premier ministre lors de son voyage en Inde afin d’observer et d’évaluer la situation?
M. Shea : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai mentionné, nous participons à chaque déplacement. Cela dépend s’il s’agit d’un voyage d’affaires ou d’un voyage d’agrément. S’il s’agit d’un voyage d’agrément, les membres de la GRC l’accompagnent pour des raisons de sécurité...
Le sénateur Neufeld : Le voyage en Inde n’était pas un voyage d’agrément.
M. Shea : J’explique simplement les différents contextes.
Avant le voyage, le BCP a assumé plusieurs rôles de soutien importants auprès du premier ministre, surtout en ce qui concerne les communications, les conseils stratégiques et le soutien et la logistique sur le terrain. Nous collaborons étroitement avec le Cabinet du premier ministre et le Bureau du protocole d’Affaires mondiales Canada, ainsi qu’avec nos missions canadiennes à l’étranger, en vue d’appuyer les engagements internationaux du premier ministre. Nous étions certainement là-bas sur le terrain et nous aurions fourni du soutien au premier ministre au besoin. Affaires mondiales Canada joue un rôle de leadership important dans les missions commerciales et a donc activement participé. Nous assumons certainement de nombreuses fonctions sur le terrain, que ce soit dans les communications et la sécurité de la technologie, des communications et de l’administration, mais des experts en matière de politique étrangère accompagnent également le premier ministre dans ce type de voyage.
Le sénateur Neufeld : La planification préalable de ce voyage fait-elle partie de cela?
M. Shea : Une approche conjointe est utilisée par les différents ministères participants et le Cabinet du premier ministre.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie de votre exposé. J’aime beaucoup le BCP, car j’ai reçu un appel téléphonique du BCP en juin dernier, juste avant ma nomination. Il y aura toujours une place spéciale dans mon cœur pour le Bureau du Conseil privé.
Je m’intéresse à votre troisième rôle, c’est-à-dire favoriser un rendement élévé et la responsabilisation au sein de la fonction publique. Je pense que ce rôle de leadership est essentiel au fonctionnement du gouvernement du Canada, et je crois aussi qu’il est essentiel de démontrer des améliorations sur le plan de la productivité dans le cadre de ce rôle de leadership.
Je viens du milieu des petites entreprises, un milieu où le budget n’augmente pas à moins qu’on prévoie quelque chose d’extraordinaire, que quelqu’un investisse dans l’entreprise ou que l’augmentation des ventes le justifie. Le budget du BCP a augmenté de 38 p. 100 en trois ans. Si on ne tient pas compte du volet technologique pour cette année seulement, il a augmenté de 27 p. 100 en trois ans. C’est une augmentation assez substantielle lorsqu’on tient compte de ce rôle de leadership.
Je suis tout à fait d’accord avec les importants objectifs sociaux que vous avez soulignés dans un grand nombre de priorités. Parfois, les objectifs sociaux sont à risque lorsqu’on ne déploie pas des efforts efficaces et rentables pour les réaliser. Ce qui me préoccupe, c’est que ces importants objectifs sociaux pourraient être à risque si nous ne démontrons pas que les investissements effectués sont très rentables, surtout compte tenu de votre rôle de leadership au sein de la fonction publique du Canada.
Je m’intéresse beaucoup aux interactions entre le BCP et les ministères responsables et à la façon dont vous évitez le chevauchement. De nombreuses questions ont été posées sur ce sujet, mais je ne comprends pas encore clairement comment vous veillez à mener une analyse comparative de votre productivité et à démontrer que vous obtenez un très bon rendement avec les fonds issus de vos énormes augmentations budgétaires — et vous ne tenez pas à ce que chaque ministère s’octroie ces mêmes augmentations. Je m’intéresse donc à ces interactions et à la façon dont vous collaborez avec les ministères responsables.
Dans mon milieu, j’ai dû éliminer des priorités — certaines étaient importantes —, car quelque chose de plus important devait passer en premier. On ne pouvait tout simplement pas dépenser plus d’argent. Comment gérez-vous cela? Pourriez-vous expliquer un peu plus clairement comment vous gérez le facteur de risque? Selon moi, c’est un facteur de risque important. Si vous ne démontrez pas cela, vous faites courir un risque à d’importants objectifs sociaux.
M. Shea : Pour la deuxième partie de votre question, j’aimerais permettre à mes collègues d’intervenir lorsqu’ils le jugent approprié, car ils travaillent plus étroitement avec les ministères responsables que moi, mais j’aimerais répondre à la partie sur le budget, afin de préciser le contexte.
Notre budget a augmenté, mais la plupart de ces augmentations ont été à court terme pour des projets précis. Si vous consultez le plan ministériel que nous avons publié cette année et les années précédentes, cela redescend à des niveaux sous 16 et 17. La plus grande partie des augmentations budgétaires de cette année est liée aux projets que j’ai mentionnés, ainsi qu’à l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Le sénateur C. Deacon : Qui est temporaire.
M. Shea : Qui est temporaire, mais dans notre budget de cette année, 14 millions de dollars sont affectés à l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Si on ne tient pas compte de cela, on revient au niveau d’il y a quelques années, même avec certains de ces investissements dans les TI. Nous nous attendons à ce que la situation soit la même jusqu’à la fin de cette enquête. Les investissements dans les TI les plus importants ont été faits l’an dernier, et ils commencent donc à se terminer. Encore une fois, comparativement aux autres années, notre budget n’est pas beaucoup plus élevé. Cela ne veut pas dire que l’autre volet de votre question n’est pas important, mais je tiens à préciser que l’augmentation n’est peut-être pas aussi élevée qu’elle semble l’être. Je crois qu’il est important d’examiner les différentes composantes.
Les autres domaines principaux dans lesquels nous avons observé une croissance cette année comparativement à l’an dernier sont d’abord l’Initiative Impact Canada dont a parlé M. Mendelsohn. Nous avons 1,3 million de dollars pour cette initiative. De plus, 1,1 million de dollars ont été attribués au volet des LGBTQ2, et l’examen sur les lois et les politiques pour les peuples autochtones a coûté environ un million de dollars. Ces dépenses expliquent nos augmentations. Elles ne sont pas largement attribuables à ces personnes. En fait, ces choses n’ont pas énormément augmenté ces deux dernières années. Je tenais à expliquer ce contexte.
M. Mendelsohn : La question que vous posez a une importance fondamentale. Comme vous le savez, elle est également très complexe. Je dirais que le fondement de votre question est en partie la raison pour laquelle l’Unité des résultats et de la livraison a été créée. Traditionnellement, comme Matt l’a expliqué, le Bureau du Conseil privé a joué plusieurs rôles importants. Nous avons ajouté un intérêt considérable qui vise non seulement à aider le premier ministre et le Cabinet à prendre de bonnes décisions, mais également à approfondir les questions liées à la mise en œuvre et aux résultats, afin de vérifier si les choses se déroulent de façon appropriée lorsque le Cabinet prend une décision. C’est manifestement une partie du rôle pour le Secrétariat du Conseil du Trésor. C’est aussi le rôle du ministère. Toutefois, nous avons mis l’accent sur certaines priorités pour veiller à ce qu’elles se déroulent bien et que les obstacles, peu importe où ils se trouvent, soient éliminés.
Nous avons également collaboré avec les ministères, afin de renforcer leur capacité d’évaluer les répercussions et les résultats de leurs activités. Il y a maintenant plus de discussions — des discussions du Cabinet — dans la phase du Conseil du Trésor sur les résultats à court, moyen et long terme qui sont ciblés. On discute également de la stratégie utilisée pour évaluer si les résultats voulus sont obtenus ou s’il faut rajuster le tir.
Manifestement, les gouvernements ont toujours été intéressés par les résultats. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a toujours été intéressé par les résultats. Les gens ont toujours été intéressés par la mise en œuvre. Toutefois, nous tentons d’ajouter une supervision plus ciblée exercée par le Bureau du Conseil privé, afin de veiller à ce que la mise en œuvre et les résultats soient en cours, car le point que vous faites valoir est tout à fait vrai. Si nous nous contentons de mesurer des intrants, si nous avons dépensé beaucoup d’argent sans évaluer les résultats ou si nous nous concentrons seulement sur un processus, nous avons dépensé beaucoup d’argent, nous avons lancé un processus et de nombreuses personnes suivent le programme, mais à moins qu’on examine les résultats, il y a le risque que vous avez souligné, sénateur. Et c’est un changement de culture. C’est un gros changement pour le système. Il ne sera pas parfait et nous n’y arriverons pas du jour au lendemain, mais une partie de notre rôle et de celui d’autres parties du BCP est de cibler davantage les résultats et les mesures.
Mme Campbell Jarvis : Comme mon collègue l’a souligné pour les résultats et la livraison, cela vient après la prise de quelques décisions. Mon rôle et celui de mes collègues consiste à collaborer avec divers ministères pour déterminer ce qu’ils vont faire. Dans le cadre de cet effort, nous assumons un rôle de remise en question amicale et nous posons des questions sur ce que cela accomplira et pourquoi. Ces types de questions et de contexte contribuent à élaborer le cadre qui sera ensuite adopté par l’Unité des résultats et de la livraison et, manifestement, par le Secrétariat du Conseil du Trésor.
En réalité, votre question sur l’efficacité, la productivité et le rendement pour les Canadiens est à l’avant-plan de la conceptualisation d’une idée, d’une politique ou d’un programme en élaboration. C’est le rôle que joue le Bureau du Conseil privé auprès des ministères responsables dans l’élaboration de leurs propositions.
Le sénateur C. Deacon : Je suis curieux de la mesure dans laquelle ce cadre serait appliqué à toutes les dépenses et à tous les programmes du gouvernement, et pas seulement aux nouvelles idées. Il faut être très clair, car si on ne cerne pas clairement les problèmes qu’on tente de résoudre, on ne fait parfois que dépenser de l’argent. J’encouragerais le renforcement de ce volet en raison de votre rôle de leadership.
La sénatrice Andreychuk : Je vais laisser tomber toutes les questions que je voulais poser sauf une. Lorsqu’on vous propose de participer à un projet, peu importe le type, ce projet est-il déjà bien défini ou recevez-vous seulement un énoncé de politique qui vous informe qu’une initiative sera lancée avec, par exemple, la communauté LGBTQ, ou qu’un projet de modernisation de la technologie sera entrepris? Vous communique-t-on simplement un principe sans aucune administration requise de votre part ou vous envoie-t-on le produit final qui contient déjà les objectifs, les principes, les échéanciers et les coûts, afin que vous évaluiez ce produit? Ce que j’observe, c’est que certains programmes présentés sont sous forme d’objectifs et qu’on se débrouille ensuite pour le rendre productif. Quel rôle jouez-vous pour veiller à ce que nous ayons des programmes constructifs dans l’administration de ces projets et pas seulement un objectif?
Mme Campbell Jarvis : Monsieur le président, je peux commencer à répondre à cette question. Malheureusement, je crois que la réponse est oui, oui et oui à toutes ces questions. Je veux dire que dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et des programmes du gouvernement, le discours du Trône ou un document budgétaire représente réellement l’occasion pour le gouvernement d’établir son programme et ses priorités. Parfois, ses priorités sont très précises et très concrètes, et il revient ensuite à la fonction publique de les mettre en œuvre avec loyauté. Parfois, le gouvernement peut avoir une idée qu’il souhaite mettre en œuvre dans une certaine région et il demande ensuite à la fonction publique de proposer des solutions et de discuter avec les parties intéressées et d’autres intervenants d’un bout à l’autre du pays de la façon d’entreprendre un tel projet.
Cela dépend des circonstances ou de la situation, mais au bout du compte, toutes ces idées et tous ces programmes commencent par l’intention du gouvernement de faire quelque chose. Ensuite, cette intention passe par un processus rigoureux d’engagement et d’élaboration de politiques, un processus décisionnel du Cabinet, et un processus de surveillance exercée par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Ensuite, une politique est transformée en programme avec du financement, des subventions et des contributions, et ce programme est minutieusement examiné par le Parlement. Je crois que quelqu’un a déjà comparé cela au processus de fabrication de saucisses. Parfois, c’est un peu désordonné, mais on donne à l’idée un fondement très rigoureux, minutieux et réfléchi par l’entremise de la mise en œuvre et de la mesure des résultats. J’espère que cela vous aide.
La sénatrice Andreychuk : Je pense à la légalisation de la marijuana. Qu’a-t-on investi dans la mise en œuvre concrète de ce projet? Avant que nous passions à la mise en œuvre complète dans un jour ou deux, j’aimerais connaître le processus préalable. J’imagine que je devrai approfondir cette question un autre jour. Merci.
Le président : Dans ce cas, étant donné que la question a été soulevée, monsieur Shea, pourriez-vous faire parvenir à la greffière des renseignements supplémentaires sur cette question?
M. Shea : Certainement.
Le président : Pour conclure, j’aimerais remercier les représentants du BCP de nous avoir, encore une fois, communiqué leur vision avec professionnalisme.
(La séance est levée.)