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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 78 - Témoignages du 31 octobre 2018 (séance du soir)


OTTAWA, le mercredi 31 octobre 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je m’appelle Percy Mockle, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Bienvenue à toutes les personnes présentes dans la salle et à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne. Je rappelle aux auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne à sencanada.ca.

[Français]

J’invite maintenant les sénateurs à se présenter.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Toronto.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, du Québec.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le président : Je voudrais également reconnaître la greffière de notre comité, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que nos deux analystes, M. Alex Smith et M. Shaowei Pu qui, ensemble, appuient les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Ce soir, nous continuons notre examen du projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, lequel a été renvoyé au comité par le Sénat, le 16 octobre dernier.

[Français]

Nous avons avec nous ce soir deux organisations fédérales. Nous recevons M. Marc Thibodeau, directeur général, Relations de travail et rémunération, de l’Agence des services frontaliers du Canada.

[Traduction]

Nous avons également M. Nick Fabiano, commissaire adjoint par intérim, Gestion des ressources humaines, de Service correctionnel Canada.

[Français]

La greffière m’a informé que M. Thibodeau fera une courte présentation, et qu’il sera suivi de M. Fabiano.

Monsieur Thibodeau, la parole est à vous.

Marc Thibodeau, directeur général, Relations de travail et rémunération, Agence des services frontaliers du Canada : Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux d’être ici ce soir au nom de l’Agence des services frontaliers du Canada dans le cadre de vos délibérations sur le projet de loi C-62. Je vous remercie sincèrement de votre invitation.

Comme le savent les membres du comité, le projet de loi C-62 réunit le précédent projet de loi C-5, qui portait sur les dispositions relatives aux congés de maladie dans la fonction publique, et le projet de loi C-34, qui porte sur les négociations collectives et les services essentiels. Mes observations porteront principalement sur cette dernière composante, les services essentiels, en ce qui concerne l’Agence des services frontaliers du Canada.

Le double mandat de l’agence, qui est de protéger la sécurité nationale tout en facilitant l’entrée des personnes et des marchandises à la frontière, signifie qu’elle doit maintenir de nombreux employés dans des postes désignés essentiels. Nos opérations sont vastes, et permettez-moi d’illustrer davantage mes propos afin de vous donner une idée de l’ampleur de cette responsabilité.

[Traduction]

L’agence emploie environ 14 000 personnes, qui offrent des services à plus de 1 100 endroits au Canada et à l’étranger. Nous avons des employés avec ou sans uniforme qui s’assurent que les opérations frontalières se déroulent de façon fluide 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Chaque année, l’Agence des services frontaliers du Canada traite plus de 93 millions de voyageurs qui entrent au Canada par les modes terrestre, ferroviaire, maritime et aérien. Nos agents effectuent plus de 17 millions de mainlevées commerciales, inspectent 780 000 expéditions par messagerie, mènent plus de 89 000 examens commerciaux, saisissent des drogues d’une valeur totale de 400 millions de dollars et perçoivent 30,5 milliards de dollars en droits et taxes dus à l’État.

L’agence joue aussi un rôle important dans la protection de la sécurité des Canadiens. Par exemple, les agents des services frontaliers interceptent de plus en plus de substances hautement toxiques, comme du fentanyl et des analogues du fentanyl, dans les filières du fret aérien/des services de messagerie et du mode postal. Depuis avril 2016, l’agence a effectué 287 saisies, pour un total de 42 kilogrammes, de substances qui sont la plupart du temps passées clandestinement au Canada dans des expéditions légitimes.

[Français]

La version actuelle de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique définit les services essentiels comme étant les « services, installations ou activités que [le gouvernement du Canada juge] nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public. »

Les services essentiels et les ententes qui les gouvernent sont établis par l’Agence des services frontaliers du Canada et l’agent négociateur, et ils sont conformes à son mandat prescrit par la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada. Ces postes sont essentiels pour la gestion efficace des opérations de l’ASFC et pour assurer la sécurité publique. C’est pourquoi environ 75 p. 100 ou 7 700 de tous les postes désignés essentiels au sein de l’agence font partie du groupe professionnel FB, et 95 p. 100 de tous les postes désignés essentiels sont à la première ligne. Les autres postes font partie d’autres groupes professionnels nécessaires pour appuyer nos agents de première ligne dans l’exercice de leurs fonctions.

[Traduction]

Le nombre et le pourcentage de postes liés à des services essentiels sont demeurés relativement stables depuis la création de l’agence, en 2003. Depuis ce temps, la proportion de postes liés à des services essentiels est demeurée à environ 75 p. 100 à 80 p. 100 de l’effectif du groupe professionnel FB.

Les services essentiels sont au cœur du mandat de l’agence et de son contexte opérationnel et l’ASFC accueille favorablement les mesures prises pour mieux définir le processus.

Je termine ici mes observations. Je répondrai avec plaisir aux questions des membres du comité.

Nick Fabiano, commissaire adjoint par intérim, Gestion des ressources humaines, Service correctionnel Canada : Je remercie les honorables membres du comité de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui au nom du Service correctionnel du Canada. C’est avec plaisir que je parlerai de l’étude du comité sur le projet de loi C-62.

J’espère vous éclairer sur l’effectif du Service correctionnel du Canada et sur notre régime de relations de travail, et répondre à vos éventuelles questions.

Le Service correctionnel du Canada, qui administre les peines des délinquants incarcérés pendant deux ans ou plus, joue un rôle clé dans la protection des collectivités canadiennes. Il a la responsabilité de gérer des établissements de divers niveaux de sécurité et de surveiller les délinquants mis en liberté sous condition. Tout en veillant à la sécurité de nos collectivités, le SCC surveille la mise en œuvre de mesures de détention appropriées et offre des services de réadaptation efficaces aux personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Il joue aussi un rôle crucial en aidant les délinquants à réussir leur réinsertion dans la collectivité en toute sécurité.

Pour remplir notre mandat avec succès, nous administrons un des plus grands organismes de la fonction publique fédérale. Le Service correctionnel du Canada gère 43 établissements, 92 bureaux de libération conditionnelle et 14 centres correctionnels communautaires dans l’ensemble du Canada. Il compte un effectif de 18 000 personnes, affectées aux établissements et aux bureaux de libération conditionnelle.

Le Service correctionnel du Canada s’emploie à créer et à conserver un effectif diversifié, représentatif de la société canadienne. Grâce aux efforts ciblés qu’il a déployés pour recruter et maintenir en poste des employés autochtones, le SCC constitue le principal employeur de personnes autochtones dans l’administration publique centrale, puisque 10,2 p. 100 de notre personnel s’identifie comme étant autochtone.

Les membres de notre personnel sont également répartis dans divers groupes professionnels et postes. Le personnel de première ligne comprend les agents correctionnels, les agents de programme, les agents de libération conditionnelle, les intervenants de première ligne, ainsi que les agents de développement auprès de la collectivité autochtone et les agents de liaison autochtones. Des professionnels de la santé, incluant des infirmiers/infirmières et des psychologues, font également partie du personnel de première ligne.

Plus de la moitié du personnel affecté aux unités opérationnelles appartient à deux groupes professionnels, soit le groupe des agents correctionnels, le groupe CX, et le groupe Programmes de bien-être social, dans lequel on retrouve principalement les agents de libération conditionnelle et les agents de programmes correctionnels qui travaillent dans la collectivité et dans les établissements du SCC. Nous avons aussi des employés qui exécutent des fonctions organisationnelles et administratives dans chaque région, de même qu’ici, à Ottawa.

Les efforts acharnés et le dévouement de nos employés sont essentiels à la réalisation de notre mandat et à l’obtention de résultats correctionnels positifs. S’assurer que le SCC offre un environnement de travail respectueux et positif est donc essentiel à notre succès. Sur le plan des relations patronales-syndicales, le SCC est déterminé à engager un dialogue constructif avec ses partenaires syndicaux, puisqu’il reconnaît que la prise de décisions éclairées et la résolution concertée des problèmes reposent sur la consultation et l’échange d’informations, d’idées et de points de vue. Travailler de concert avec les agents négociateurs aide également à préserver un milieu de travail sain, sûr, productif et respectueux.

En ce qui concerne la négociation collective, la plupart des unités de négociation présentes au SCC ont déposé un avis de négocier, et la majorité des conventions collectives ont expiré.

Même si les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui est le bras administratif du Conseil du Trésor, ont le mandat de négocier les conventions collectives au nom du Conseil du Trésor, le SCC offre un soutien direct à ces activités de négociation collective.

En ce qui concerne le projet de loi C-62 et son incidence sur le Service correctionnel du Canada, comme vous le savez, cette loi rétablirait dans la fonction publique le régime de relations de travail qui existait avant l’entrée en vigueur de certaines lois d’exécution du budget, y compris les mesures concernant les services essentiels et le choix des mécanismes de règlement des différends dans le cadre des négociations collectives. Point important, les modifications apportées par le projet de loi C-62 à la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral retirent à l’employeur le droit exclusif de déterminer quels services sont essentiels à la sécurité du public. Au Service correctionnel du Canada, la plupart des postes occupés dans nos établissements et dans nos bureaux communautaires demeureront conformes à la définition de service essentiel, puisqu’ils sont nécessaires à la sécurité du public.

Dans ce contexte, l’adoption du projet de loi C-62 appuierait le retour à l’ancienne approche de négociation employée pour déterminer le profil des services essentiels au SCC et exigerait un examen des postes ainsi désignés, considérant la nécessité d’encourager un équilibre entre une participation active des syndicats et la gestion du risque opérationnel.

Le Service correctionnel du Canada continuera d’assurer la sécurité des collectivités, des délinquants et de son personnel en collaborant avec les agents négociateurs du secteur public pour désigner certains postes comme étant essentiels afin d’éviter les interruptions de services en cas de grève.

Le projet de loi C-62 laisse également aux agents négociateurs représentés parmi l’effectif du SCC le choix de déterminer le mode de règlement des différends qu’ils souhaitent utiliser, advenant une impasse dans les négociations entre les parties. Historiquement, les agents négociateurs actifs au SCC ont opté pour la conciliation comme mode de règlement, même lorsque 100 p. 100 des postes sont jugés essentiels dans l’unité de négociation. Si le projet de loi C-62 entre en vigueur, nous prévoyons que les agents négociateurs conserveront leur méthode de prédilection pour résoudre les différends, soit la conciliation.

En guise de conclusion, je souhaite exprimer toute la gratitude du Service correctionnel du Canada envers son personnel, pour sa précieuse contribution dans les établissements correctionnels, la collectivité ainsi que les bureaux régionaux et l’administration centrale. Un effectif solide et professionnel, combiné à un milieu de travail qui contribue à son épanouissement et à son bien-être, aide la SCC à remplir son mandat et contribue à la sécurité publique de toute la population canadienne.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant vous aujourd’hui, et je suis prêt à répondre à vos questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup d’être avec nous ce soir. Je vais commencer par M. Fabiano.

Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que la plupart des unités de négociation ont déposé un avis de négocier et que la plupart des postes continuent de satisfaire à la définition de service essentiel. Vous avez ensuite déclaré que vous allez continuer de collaborer avec les agents négociateurs du secteur public pour désigner les postes essentiels. On dirait que les postes essentiels n’ont pas encore été désignés. Les postes essentiels sont-ils désignés actuellement?

M. Fabiano : Nous avons des postes désignés comme essentiels, mais les négociations consistent en partie à nous entendre avec nos partenaires syndicaux sur les postes que nous convenons de désigner essentiels. Par exemple, nous avons déjà convenu avec nos agents de correction que tous leurs postes sont désignés comme essentiels.

Certains autres postes plus difficiles à juger à cet égard font encore, je crois, l’objet de débats. Tel est le cas notamment des services de soutien. Il faut déterminer dans quelle mesure tous ces postes, ou certains de ces postes, doivent être déclarés essentiels.

La sénatrice Marshall : Comment ont-ils été choisis? Après des négociations avec l’employeur? Comment s’y est-on pris pour déterminer lesquels sont essentiels?

M. Fabiano : Comme nous l’avons toujours fait, nous revoyons la définition des fonctions qui peuvent être considérées comme étant essentielles. Après un premier examen, nous présentons la catégorie initiale d’employés que nous estimons essentiels.

La sénatrice Marshall : Cet examen est-il fait chaque fois qu’il y a des négociations collectives ou vaut-il pour plusieurs cycles de négociation?

M. Fabiano : Je crois que nous négocions la définition de ces postes à chaque fois. Nous commençons avec la même catégorie que celle que nous avons déjà, je crois.

La sénatrice Marshall : Vous partez des mêmes principes? D’accord.

M. Fabiano : Comme il y a eu des changements dans les dispositions législatives, nous sommes en train de négocier ces principes également. Nous commençons donc à partir d’un nouveau cycle actuellement.

La sénatrice Marshall : Les congés de maladie sont également traités. Quelle information gardez-vous sur les congés des employés? Est-ce le Conseil du Trésor qui s’en occupe ou votre propre organisme?

M. Fabiano : Un petit peu les deux. Nous avons un système interne de suivi de l’utilisation des congés de maladie pour déterminer la rémunération et les avantages sociaux et pour surveiller les comptes des congés.

Nous communiquons également beaucoup de ces données au Conseil du Trésor. Des données peut-être moins précises. J’ai de l’information et des données pour l’employé X, alors que le Conseil du Trésor a des données globales sur le nombre d’employés et les secteurs concernés dans mon organisation.

La sénatrice Marshall : Cette information serait-elle semblable à des données de haut niveau relativement à l’étendue des congés de maladie, et cetera? Le Conseil du Trésor ne s’occupe donc pas de la gestion, qui est laissée à votre organisme. À la lumière des renseignements que vous lui transmettez, le Conseil du Trésor vous demande-t-il des données supplémentaires ou formule-t-il des préoccupations sur ce qu’il voit dans vos renseignements de haut niveau?

M. Fabiano : Les gens du Conseil du Trésor pourraient le faire et ils ont posé des questions sur l’utilisation de beaucoup de congés observée dans certaines catégories d’employés. Ils peuvent demander à connaître les mesures que nous prenons pour gérer cela. Toutefois, ils ne sont pas mêlés à la gestion quotidienne des congés de maladie des employés.

La sénatrice Marshall : Cela relève complètement de vous. D’accord. Merci.

Monsieur Thibodeau, pourriez-vous nous dire où vous en êtes dans la désignation des employés essentiels?

M. Thibodeau : Nous menons actuellement des discussions avec tous nos agents négociateurs. Nous avons commencé les discussions avec des groupes représentés par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, en vue de mettre à jour les ententes sur les services essentiels pour les groupes visés par les négociations. Notre situation est semblable à celle décrite par M. Fabiano. La plupart de nos groupes négocient actuellement des conventions collectives.

La sénatrice Marshall : Procède-t-on par consensus, parce qu’à un moment donné, les parties doivent être en désaccord sur le choix des postes à désigner essentiels?

M. Thibodeau : Le Conseil du Trésor nous a donné comme instruction de consulter les agents négociateurs pour décider de ces postes et c’est ce que nous avons fait, par exemple, à la dernière ronde de négociations avec les agents de l’Agence des services frontaliers.

La sénatrice Marshall : Procède-t-on par consensus? Y a-t-il déjà eu un désaccord concernant le nombre ou le type de postes désignés comme essentiels?

M. Thibodeau : Cela a été négocié à la dernière ronde de négociations.

La sénatrice Marshall : Par consensus?

M. Thibodeau : Oui.

La sénatrice Marshall : Serait-ce la même chose pour les congés de maladie, à savoir que, comme M. Fabiano l’a dit, vous êtes totalement responsables de la gestion des congés de maladie et que le Conseil du Trésor a un droit de regard?

M. Thibodeau : C’est exact. L’administration des dispositions des conventions collectives est confiée aux ministères; nous administrons donc les congés pour chaque employé et nous présentons un rapport chaque année au Conseil du Trésor sur ce sujet.

La sénatrice Marshall : Un des problèmes dont nous avons discuté aujourd’hui et dont nous entendons parler à l’extérieur du gouvernement est le fait que certains employés en fin de carrière se portent malades pendant l’année précédant leur départ à la retraite. Votre organisme est-il aux prises avec ce problème?

M. Thibodeau : Ce n’est pas un problème chez nous. Nous surveillons chaque cas, tout particulièrement les employés qui s’absentent pour une longue période en vertu de leur programme d’avantages sociaux ou d’un programme de mieux-être. Le fait est également qu’on prend habituellement plus de congés de maladie en vieillissant parce que la santé se fragilise avec l’âge. Malheureusement, plusieurs personnes sont atteintes de maladies graves en vieillissant et prennent plus de congés. Est-ce que je dirais que nous avons un problème d’employés qui prennent de longs congés juste avant de partir à la retraite? Si tel était le cas, nous surveillerions la situation pour voir si le congé est approprié.

La sénatrice Marshall : En quoi le Conseil du Trésor intervient-il? Vous lui fournissez certains renseignements. Les choses s’arrêtent-elles là ou les gens là-bas regardent-ils le tableau général de votre organisme par rapport à celui de tous les autres au gouvernement pour ce qui est, disons, de l’utilisation des congés de maladie des personnes qui se préparent à partir à la retraite?

M. Thibodeau : Je ne peux pas présumer de ce que les gens du Conseil du Trésor font ces jours-ci avec l’information transmise, mais, lorsque nous étions en négociation, ils recevaient de l’information sur notre effectif et sur l’utilisation des congés de maladie dans notre organisme.

La sénatrice Marshall : Merci.

[Français]

Le sénateur Pratte : J’aimerais poursuivre avec les questions posées par la sénatrice Marshall. L’adoption de la loi actuelle, en 2013, permettait à l’employeur de déterminer unilatéralement les services essentiels. Est-ce ce que vous avez fait dans vos institutions? En d’autres mots, avez-vous déterminé que vous n’étiez plus obligés de négocier sur les services essentiels et que vous pouviez dresser votre liste vous-mêmes? Ou bien, malgré tout, avez-vous continué à négocier et à chercher à vous entendre avec le syndicat?

M. Thibodeau : La question est pour moi?

Le sénateur Pratte : Elle s’adresse à vous deux.

M. Thibodeau : Je peux vous donner l’exemple du groupe des agents des services frontaliers. On a discuté, et on a fait un bon bout de chemin avant l’adoption de la loi. On a révisé les listes et consulté l’agent négociateur avant d’établir la liste des postes désignés. À la suite de l’information que l’agent négociateur nous a fournie, nous avons révisé la liste et l’avons mise en œuvre. Cette liste a été revue à la lumière des directives qui nous ont été fournies par le Secrétariat du Conseil du Trésor au cours des dernières années, qui demandaient de consulter de nouveau l’agent négociateur et de négocier la liste qui avait été adoptée pour la dernière ronde.

M. Fabiano : Je n’étais pas en poste il y a quatre ans. Presque tous nos employés sont désignés comme étant essentiels. Il n’y a donc pas eu de grand débat. Environ 80 p. 100 de nos employés sont désignés essentiels.

[Traduction]

Comme c’est le cas pour les agents de correction, ce n’est pas quelque chose dont nous avons déjà débattu parce que les postes sont largement désignés comme essentiels, semble-t-il. Il y a peut-être eu une certaine négociation ou discussion au sujet de deux ou trois postes, mais nous n’avons jamais eu de débats importants. Donc, à la dernière ronde, même si nous avions le pouvoir de désigner nous-mêmes les postes à déclarer essentiels, et même si nous l’avons fait, il n’y a pas eu beaucoup de débats ni de discussions, je crois.

Le sénateur Pratte : Au sujet des congés de maladie, nous entendons beaucoup parler d’un scénario dans lequel un employé qui arrive à la fin de sa carrière et qui a accumulé 122 jours de congé de maladie les utilise pour partir plus tôt.

Est-il possible de faire cela? Est-il possible de dire : « Eh bien, d’accord, j’ai 122 jours de congé de maladie. Adieu, vous ne me reverrez plus »?

M. Fabiano : C’est certainement possible. Si quelqu’un a accumulé des congés de maladie, se présente chez un médecin et obtient un certificat qui lui permet d’obtenir un congé d’une certaine durée, cela est possible et cela arrive. Pour les longs congés, nous avons le pouvoir de demander des documents aux médecins. Il ne suffit pas de dire : « Je choisis de ne pas venir au travail. » Si quelqu’un ne se présente pas pendant une période de temps considérable, nous demandons un certificat médical. Comme mon collègue, M. Thibodeau, j’estime qu’il n’y a pas d’abus à cet égard et que nous n’avons pas à exercer une surveillance particulière.

Nous essayons également de suivre la situation tout au long de la carrière de la personne. Au SCC, nous avons un programme national de surveillance de l’assiduité dans le cadre duquel nous regardons les moyennes des différents groupes que nous avons, parce que l’utilisation des congés de maladie varie selon les groupes. Si le nombre de congés pris par une personne est beaucoup plus élevé que la moyenne de ce groupe, le gestionnaire discutera tout d’abord de la situation avec cet employé. Il est possible que cette personne soit en début de carrière, qu’elle soit malade ou ait un autre problème. Si l’absence est justifiée, il n’y a pas de problème. Toutefois, si, tout à coup, une personne se met à se porter malade tous les vendredis ou tous les lundis, nous pouvons repérer ce cas grâce à l’information dont nous disposons et aux données sur les comportements que nous avons recueillies. Ce n’est pas quelque chose dont nous faisons abstraction tout au long de la carrière d’un employé. Une bonne organisation va retracer et gérer ces cas, je crois. Le Conseil du Trésor fournit également cette information pendant les négociations collectives. Sans vérifier si cela est vrai, les gens parlent toujours d’une personne qui s’est portée malade à la fin de sa carrière, mais, nous, nous regardons le comportement de nos employés tout au long de leur carrière.

[Français]

M. Thibodeau : Je pourrais offrir une interprétation alternative à ce scénario, qui fait en sorte que lorsqu’une personne est vraiment malade et prend congé pendant une période prolongée, souvent, cela peut l’amener à réexaminer ses choix de carrière et à mettre fin à sa carrière. Ce qui peut être perçu comme étant une utilisation de congés de maladie pour devancer la retraite devient plutôt un scénario où une personne tombe malade et est malade au point de ne pas pouvoir revenir au travail, puis prend sa retraite. C’est une interprétation alternative de la situation.

Le sénateur Pratte : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : À ce que je comprends, le sénateur Pratte vous a posé une question sur les congés de maladie. Sont-ils cumulables? Autrement dit, je pourrais me présenter au travail année après année et ne pas pouvoir accumuler les congés à la fin?

M. Fabiano : On peut accumuler les congés. Selon le mode de fonctionnement actuel, on obtient un certain nombre de congés de maladie par année, qui s’accumulent et qui sont gardés en réserve. C’est 15 jours par année environ, je crois.

La sénatrice Eaton : Donc, le nouvel employé n’a aucun jour de congé lorsqu’il commence.

M. Fabiano : Il n’a pas beaucoup de jours de congé lorsqu’il commence, et il accumule de plus en plus de jours à mesure que sa carrière avance.

La sénatrice Eaton : Il y a des femmes dans votre effectif. Prennent-elles moins de congés de maladie ou plus parce qu’elles doivent s’occuper de leurs enfants ou prendre soin de leurs parents? Avez-vous des données à ce sujet?

M. Fabiano : Nous avons différents types de congés au gouvernement fédéral. Nous avons les congés de maladie. Nous avons également des congés relatifs à la famille, des congés pour prendre soin des enfants. Voilà le genre de congés que nous avons — des congés de maladie, des congés pour des rendez-vous et des congés pour les enfants. Les congés de maladie ne devraient pas servir à prendre soin d’un enfant.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le sénateur Tannas : J’aimerais revenir à ce que vous avez dit à la sénatrice Marshall et au sénateur Pratte. Serait-il juste d’affirmer qu’en ce qui concerne non pas les congés de maladie, mais les autres questions, que ce soit délibérément ou simplement à cause de l’évolution des choses, rien n’a vraiment changé dans les rapports? Personne qui n’était pas classifié X est maintenant classifié X; peu de choses ont été réalisées, quoi. Il s’est écoulé bien peu de temps après l’adoption du projet de loi précédent et la présentation de celui-ci. Vous avez mentionné, je crois, que le gouvernement vous a dit de ne pas vous occuper de cela et de poursuivre les consultations auprès des syndicats; ce qui est très bien. Cependant, il me semble que très peu de choses aient changé.

Le ministre Brison a été clair là-dessus : il faut respecter une promesse faite aux syndicats pendant la campagne électorale, soit que nous ferions montre de respect et n’aurions pas les relations de travail qu’a eues le gouvernement précédent et qui étaient nuisibles pour les négociations. Voilà pour ma première question.

Ma deuxième question est la suivante. Nous changeons de gouvernements assez souvent. Selon vous, serait-ce une bonne chose si le gouvernement suivant faisait de même et si nous commencions à faire un pas en avant et un autre en arrière dans notre attitude à l’égard de notre fonction publique, des gens qui travaillent fort pour nous tous, chaque fois que le gouvernement change?

M. Fabiano : Vous posez deux questions difficiles et je peux peut-être y répondre en deux volets. Certaines de ces dispositions législatives fixent les balises à l’intérieur desquelles les choses doivent se passer. En dernier recours, à titre d’employeurs et de négociateurs, nous nous occupons moins de la façon dont nous nous présentons à la table que des négociations mêmes. À la table, avec l’unité de négociation et nos agents, je m’efforce de créer un climat de bonne foi. Toutefois, je ne vous dis pas que les agents négociateurs sont heureux de certains changements que nous avons apportés. Ces changements n’ont toutefois pas nui à la tenue de négociations de bonne foi, mais je ne parle pas en leur nom. Vous devrez leur poser la question.

Au bout du compte, nous savons que la négociation avec nos partenaires constitue la meilleure solution, et c’est la voie que nous gardons.

Les règles d’engagement sont importantes et les gens peuvent les interpréter de différentes façons, mais je crois qu’en définitive, nous devons nous rencontrer et négocier.

Vous avez posé une question sur les services essentiels. Nous n’avons jamais apporté beaucoup de changements à ce sujet, en raison de la nature même de notre organisme. Notre employeur n’a pas exercé de grandes pressions à ce sujet. D’autres auraient pu le faire.

M. Thibodeau : Je vais partir de ce point pour vous parler de l’évolution des choses chez nous. Les changements apportés n’ont pas eu beaucoup d’incidence pour l’ASFC. Nous avons examiné un plus grand nombre de postes en vue de les déclarer essentiels. Nous en avons discuté avec les agents négociateurs, mais nous avons fini par nous entendre. Le nombre dont nous avons convenu était près de celui dont nous avions discuté au début avec les agents négociateurs avant le projet de loi C-4. Alors, à toutes fins utiles, beaucoup de choses ont changé, mais pas dans cette perspective.

L’agent négociateur a formulé certaines réserves concernant les changements dans les échanges que nous avons eus dans les négociations. Cela a-t-il affecté l’atmosphère des rencontres? Le ministre Brison, ou des responsables de son organisme, seraient mieux placés, je crois, pour répondre à cette question.

Le sénateur Tannas : Merci.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ce qui m’intéresse, ce sont les services essentiels. Le milieu de travail des services correctionnels est très stressant ou à risque. Dans les dispositions actuelles, le gouvernement peut trouver des cadres et du personnel non syndiqué pour offrir les services essentiels. Pourriez-vous m’indiquer ce que vous en pensez en fonction de la loi actuelle, dans un environnement comme le vôtre?

[Traduction]

M. Fabiano : Si je comprends bien, nous avons le droit, en qualité de gestionnaires, d’occuper certains postes pendant une grève, ce qui aide bel et bien.

La sénatrice Moncion : Selon le libellé actuel du projet de loi, le gouvernement pourrait désigner des cadres et du personnel non syndiqué pour exercer des tâches du personnel correctionnel.

M. Fabiano : L’incidence serait un peu moins grande pour nous, je crois, parce que, comme je l’ai indiqué, la plupart de nos employés dans les établissements occupent des postes qui seront considérés comme essentiels. En fait, les agents négociateurs de nos agents de correction ont convenu de cela. Nous continuerons de négocier avec nos agents de libération conditionnelle et nos employés des services de santé. Cela aide. Si les négociations devaient échouer, il faudra négocier la capacité des cadres d’occuper certains de ces postes. En cas d’échec de cette négociation, il faudra trouver des moyens de fournir ces services. Toutefois, compte tenu des négociations qui ont cours avec nos partenaires, je ne crois pas que nous aurons besoin d’appliquer cette disposition.

La sénatrice Moncion : Alors, le projet de loi actuel n’a pas d’incidence sur votre groupe?

M. Fabiano : Pas sur nous, parce qu’un grand nombre de postes sont déjà désignés comme essentiels.

[Français]

M. Thibodeau : On est un peu dans la même situation, sauf qu’on n’a pas le même niveau de services essentiels. La ligne primaire, soit les employés que vous voyez lorsque vous traversez aux douanes, essentiellement, compte de 75 à 80 p. 100 de postes désignés essentiels. Cela nous offre déjà un bon cadre vers lequel on peut se retourner. Dans le même ordre d’idées, on a déjà du personnel de supervision, du personnel-cadre, du personnel exclu qui travaille dans les opérations et qui peut intervenir ou venir donner un coup de main, et ce, dans le cadre des opérations quotidiennes. On est donc dans une situation où, en raison de la nature du travail et des discussions qu’on a eues historiquement avec l’agent négociateur, on a un niveau déjà élevé de services essentiels. Cela permet un peu de réduire le besoin d’avoir recours à d’autres types de personnel en cas de grève.

La sénatrice Moncion : Donc, si je comprends bien, la loi actuelle qui est déjà en place ne vous touche pas nécessairement. Vous êtes en mesure de fonctionner avec ça. Je ne parle pas du projet de loi C-62. C’est ce que je vous entends dire.

M. Thibodeau : En pratique, oui.

La sénatrice Moncion : Mais en principe?

M. Thibodeau : Il faut toujours mettre les principes dans le contexte opérationnel de l’Agence des services frontaliers. La loi actuelle nous permet de répondre à nos besoins et à notre mandat.

La sénatrice Moncion : Qu’y a-t-il dans le projet de loi C-62 qui vous avantage ou qui fait que c’est mieux pour vous? Si je prends ce qui existe déjà qui ne vous dérange pas trop, qu’est-ce que le projet de loi C-62 vous apporte de plus?

[Traduction]

M. Fabiano : Ce serait naturellement plus facile pour nous de ne pas devoir négocier et de pouvoir simplement choisir les postes que nous jugeons approprié de désigner comme essentiels. Y a-t-il un avantage à ne pas avoir l’ancien système? Certainement. Toutefois, nous comprenons aussi, je crois, qu’à long terme, le nouveau système ne va pas nous nuire à cause de la nature de nos activités.

J’aimerais simplement ajouter que nous fournissons déjà à nos gestionnaires de première ligne une formation complète pour exécuter les fonctions des agents de correction. Il arrive aujourd’hui que nos agents de correction se retirent parce qu’ils jugent la situation trop dangereuse ou pour une autre raison et nous devons alors continuer d’assurer les opérations.

Nous avons aujourd’hui la capacité de poursuivre les opérations avec des gestionnaires formés à cette fin. En cas de grève, il nous faudrait encore négocier la capacité de désigner nos gestionnaires pour remplacer du personnel en grève. Au bout du compte, cela ne change pas grand-chose pour le fonctionnement d’un organisme comme le nôtre, mais cela nous oblige à avoir des conversations et des négociations à certains niveaux.

La sénatrice Moncion : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Monsieur Thibodeau, je suis assez impressionné par les chiffres que vous avez avancés, soit les 17 millions de mainlevées commerciales, sur une base annuelle l’an dernier, et les 780 000 inspections de messagerie. Est-ce que vos mainlevées commerciales sont toutes des transactions qui transitent par messagerie, camion ou avion, et cetera?

M. Thibodeau : Ce sont des transactions qui nous parviennent de façon électronique. D’autres sont plus physiques et sont déclarées au point d’entrée.

Le sénateur Forest : Dans la perspective de l’augmentation du commerce électronique, qui est une réalité reconnue et connue, cela aura-t-il un impact sur ce volume de transactions?

M. Thibodeau : Le commerce électronique, effectivement, augmente le volume de colis qui sont importés.

Le sénateur Forest : Avec tout le défi de la relève, sur le plan démographique, est-ce que vos services ont fait une certaine prospective de l’évolution de ce type de commerce par rapport aux besoins et aux impacts pour les services essentiels, entre autres?

M. Thibodeau : Je vous dirais que, pour les services essentiels, c’est un des secteurs où on fait l’analyse de chacun des modes et des services commerciaux, de même que pour l’importation par Postes Canada et l’importation en général. On fait une analyse régulièrement. Si vous me demandez si on a un plan pour les prochaines années par rapport aux services essentiels pour ces modes, je vous répondrai non.

Le sénateur Forest : Avez-vous un plan pour les cinq prochaines années?

M. Thibodeau : Nous sommes en train de revoir l’analyse à l’heure actuelle, parce que nous allons entamer d’autres discussions avec l’agent négociateur. Des plans sont faits quant aux prévisions d’importation. Ce sont des éléments qui sont pris en compte par la gestion lorsqu’elle détermine les postes qu’elle veut proposer comme étant essentiels.

Le sénateur Forest : Avec la connaissance que vous avez du projet de loi C-62 actuellement, c’est toujours plus facile si on décidait seul. Seul, on va plus vite, mais on va plus loin en groupe. Est-ce que le projet de loi C-62 contribue à créer un environnement de travail plus favorable pour faire face à ce type de changements?

M. Thibodeau : Je soulèverais deux points. Le premier est l’élément de collaboration qui donnera la possibilité d’avoir des conversations par rapport aux changements organisationnels, ce qui est toujours une bonne chose. Le deuxième élément, c’est la possibilité de revoir des ententes de services essentiels au fur et à mesure que le contexte évolue.

Le sénateur Forest : Selon vous, est-ce que le projet de loi C-62 est utile dans ce défi organisationnel ou plutôt embêtant?

M. Thibodeau : Je vous dirais qu’à long terme, on a parlé de la collaboration, qui était meilleure. Dans votre question, vous avez dit qu’on va plus loin en groupe, effectivement, mais si on a un besoin criant ponctuel, il est plus facile d’aller de l’avant de son propre chef, c’est certain.

Le sénateur Forest : Monsieur Fabiano, si vous me le permettez, j’aimerais clarifier la question des congés de maladie. Dans certaines organisations, par exemple, le gouvernement du Québec, on peut accumuler les congés de maladie et, au moment du départ à la retraite, automatiquement, on peut les appliquer. Si la personne a 144 jours de congé de maladie et qu’elle y ajoute ses jours de vacances, finalement, elle part pour la retraite et reste presque un an et demi sur le bras du gouvernement. Avec vos conventions collectives, il n’est pas possible de le faire, dans le sens où on ne peut pas les appliquer automatiquement. Il faut une preuve d’état de santé, une condition de maladie pour utiliser ses congés de maladie, peu importe le nombre. Est-ce que je comprends bien?

M. Fabiano : Oui. Pour être plus clair, je vais parler anglais.

[Traduction]

Tout comme cela est le cas au Québec, on peut accumuler des jours avec les années et arriver à la dernière année avec 200 ou 300 jours. On ne peut toutefois pas transformer ces journées en congés. Il faut une raison pour prendre un congé de maladie. Peu importe qu’on ait une année d’ancienneté ou 30 années, il faut déclarer être malade pour prendre un congé de maladie. Nous avons le pouvoir, selon la durée du congé, de demander un certificat médical.

[Français]

Le sénateur Forest : Dans vos statistiques, vous indiquez que 10,2 p. 100 de vos employés sont d’origine autochtone.

M. Fabiano : Oui.

Le sénateur Forest : On connaît la surreprésentation de la population autochtone canadienne en milieu carcéral. Compte tenu de cette réalité, étant donné que ce n’est pas un milieu de travail facile, en termes de plan de relève, avez-vous des objectifs pour augmenter la proportion de vos employés d’origine autochtone?

M. Fabiano : Oui, absolument. C’est notre but d’augmenter le nombre d’employés autochtones.

Le sénateur Forest : Avez-vous un objectif, un but sur cinq ans?

M. Fabiano : Non, nous n’avons pas de cible.

[Traduction]

La main-d’œuvre est moins disponible maintenant, mais nous voulons continuer en ce sens. Pourrons-nous en venir au point où le nombre d’employés autochtones sera approprié pour le nombre de détenus autochtones que nous avons? Cela pourrait être difficile, mais nous continuons de chercher des moyens de recruter des Autochtones.

Le sénateur C. Deacon : Merci pour les commentaires que vous avez faits jusqu’à maintenant.

Je suis étonné par l’importance de la culture du respect perceptible dans vos deux organismes chez vos employés dans l’exécution de leurs responsabilités. Chaque fois que je traite avec du personnel de sécurité à la frontière canadienne lorsque je vais aux États-Unis pour différentes raisons, c’est toujours agréable de constater le respect manifesté. Je vous en remercie, c’est très important pour les deux organismes, je crois. Certaines de ces mesures sont très importantes pour renforcer cette culture du respect.

En ce qui concerne les risques et les dangers auxquels doivent faire face les employés des deux organismes, je trouve intrigant de constater que le projet de loi C-4 comprend une définition considérablement plus restrictive du danger par rapport à celle contenue dans le Code canadien du travail. Y a-t-il eu un problème, selon vous? On met davantage l’accent sur une menace imminente ou sérieuse pour la vie et non pas sur des risques potentiels, à venir et prévus. Je me demande si cela vous préoccupe, parce que le personnel de vos deux organismes est souvent confronté, je crois, à des situations dangereuses.

M. Fabiano : Oui. Nous sommes favorables à une définition plus restrictive du danger — non pas plus restrictive, mais plus claire. Comme vous l’avez indiqué, nous travaillons dans un environnement dangereux et risqué. Le travail est dangereux en raison de sa nature même. Toutefois, nous travaillons aussi extrêmement fort pour former nos employés, leur fournir l’équipement de sécurité, et cetera.

Les milieux de travail ne sont pas tous les mêmes et les dangers inhérents à ces milieux sont pris en considération. Il est important de distinguer un danger imminent d’un danger potentiel parce que lorsque quelqu’un invoque le critère du danger et refuse de travailler, nous devons quand même fournir les services essentiels aux détenus pour les nourrir et leur fournir les soins de santé requis. Il nous est donc encore difficile de trouver un juste équilibre entre les risques réels, pour lesquels nous avons besoin d’une définition claire, auxquels nos employés sont confrontés et la protection à leur fournir.

Le sénateur C. Deacon : J’aimerais obtenir une précision. La définition contenue actuellement dans le projet de loi C-4, qui n’a pas été modifiée en vertu de ce projet de loi, est-elle acceptable et appropriée pour vous?

M. Fabiano : Oui.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Monsieur Thibodeau?

M. Thibodeau : Oui, c’est la même chose pour nous. La santé et la sécurité constituent une priorité pour l’agence, et un environnement de travail sûr revêt pour nous une importance cruciale. Même si la définition actuelle ne nous crée pas de problèmes, nous estimons qu’une définition claire est essentielle. Tel est le cas tout particulièrement lorsque des situations dangereuses sont imminentes; nous avons besoin de savoir quelles sont ces situations et d’y réagir.

Nous avons accès à un certain nombre de possibilités pour discuter de divers problèmes de santé et de sécurité concernant les employés. Nous continuons de collaborer avec le partenaire de notre agent négociateur pour fournir un milieu de travail sûr.

La définition du danger est suffisamment claire, je crois, pour nous permettre de gérer le risque imminent et de tenir des discussions sur les préoccupations de sécurité, dans le but de fournir un milieu de travail sûr. La définition actuelle nous satisfait.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J’aimerais poser deux questions en ce qui a trait aux congés de maladie. N’est-il pas vrai que, si un employé utilise des congés de maladie pour une période qui dépasse la période des congés accumulés et que ce même employé quitte son emploi quelque temps plus tard, il devra rembourser les congés de maladie?

M. Thibodeau : C’est ce qui est prévu dans la convention collective, sauf en cas de décès.

La sénatrice Bellemare : Merci de cette réponse.

En ce qui a trait à la définition de santé et de sécurité, qui a été modifiée par le projet de loi C-4, à l’époque, dans le Code canadien du travail, n’est-il pas vrai que cela ne fait pas partie du contexte ou des amendes qui figurent au projet de loi C-62?

M. Thibodeau : C’est ma compréhension.

La sénatrice Bellemare : Moi aussi. Merci.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. La main-d’œuvre change d’une génération à l’autre. Monsieur Fabiano, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le projet de loi C-62 modifie la loi de façon que les employeurs n’ont plus la responsabilité exclusive de déterminer quels postes sont essentiels et lesquels ne le sont pas et, naturellement, de définir la nature du travail au Service correctionnel.

Ma question porte sur ce droit exclusif. Êtes-vous satisfait de cela? L’est-on dans vos milieux de travail et dans l’environnement de travail qui se dessine? Nous tenons pour acquis que ce droit n’est plus exclusif, et que c’est une chose positive, mais j’adorerais savoir ce qu’on en dit à votre travail?

M. Fabiano : C’est intéressant, parce que c’est au niveau du personnel et des agents négociateurs. Je vous dirais que le personnel est très peu conscient de ce droit. Les agents négociateurs par contre en sont contents parce que cela fait redéfinir la notion de négociation. Je ne crois pas que le sujet fasse l’objet de débats intenses entre les employés eux-mêmes.

M. Thibodeau : J’abonde dans le même sens. Les employés ne connaissent pas ce droit. Il n’est pas connu non plus dans une certaine mesure par les gestionnaires lorsque nous parlons des services essentiels avec eux. Nous parlons de la définition qu’on en donne, nous disons ce qui constitue des services essentiels et nous parlons ensuite des règles d’engagement. Toutefois, la discussion porte beaucoup plus sur ce qu’est un service essentiel, ce que nous devrions proposer, que sur la possibilité de décider unilatéralement de la proportion des postes essentiels ou de la tenue ou non d’une négociation à ce sujet.

La sénatrice M. Deacon : C’est la bonne conversation à avoir, je crois. Je me demandais simplement s’il y avait ingérence pour le remplacement des employés. Merci à vous deux.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ma question concerne les congés de maladie, même si je sais que vous nous avez mentionné que vous vouliez parler des services essentiels. Les employés accumulent 15 jours de congé de maladie par année, n’est-ce pas?

M. Fabiano : Oui.

La sénatrice Moncion : À quel moment est-ce que le régime d’invalidité de courte durée entre en jeu?

M. Thibodeau : Le régime d’invalidité de courte durée représente le régime de congés de maladie prévu à la convention collective. Pour vous expliquer tout cela, je vais sauter d’un bout à l’autre de l’équation pour ensuite revenir au centre. Comme je viens de le dire, le régime d’invalidité de courte durée est le régime de congés de maladie prévu dans le cadre de la convention collective. Pour bénéficier du régime d’assurance invalidité de longue durée, il y a une période d’attente de 15 semaines.

La sénatrice Moncion : D’accord.

M. Thibodeau : Pour la période de temps entre les deux régimes, lorsqu’il y a un manque de crédits de congé de maladie, il y a toujours la possibilité d’accéder à une avance de crédits de congé de maladie allant jusqu’à 25 jours de congé de maladie ou d’avoir recours au régime de prestations d’assurance-emploi en cas de maladie.

La sénatrice Moncion : Je comprends donc qu’il n’y a pas d’assurance invalidité de courte durée qui entre en vigueur avant la période d’attente de 15 semaines. Les employés doivent donc absolument accumuler les 15 jours par année jusqu’à un nombre de 75 jours pour ne pas être pénalisés, pour ne pas avoir recours aux avances de crédits de congé ou pour ne pas avoir à recourir à l’assurance-emploi. C’est bien cela?

M. Fabiano : Oui.

La sénatrice Moncion : Je comprends donc maintenant le besoin relatif aux banques de congés, et je comprends aussi pourquoi les employés utiliseraient — après 75 jours, j’imagine — leurs congés de maladie.

Maintenant, dans le cas des services correctionnels, je tiens pour acquis que vous devez sûrement prendre des congés de maladie plus fréquemment que dans n’importe quel autre service du gouvernement fédéral. Est-ce que je me trompe?

M. Fabiano : Non, vous avez raison.

La sénatrice Moncion : Il est possible que certains de vos employés prennent plus de 15 jours de congé de maladie dans une année, soit parce qu’ils ont subi des blessures ou à cause de problèmes de stress post-traumatique.

M. Fabiano : Absolument. Notre environnement de travail est stressant et on subit des blessures. Toutefois, il y a une différence entre les blessures subies au travail et les congés de maladie.

[Traduction]

Il y a d’autres dispositions pour les employés qui se font blesser au travail. Il y a les congés de maladie, l’indemnisation des accidentés du travail et d’autres réseaux de sécurité. Il y a un ensemble de facteurs, dont le travail par quarts, des environnements stressants, l’activité même — c’est un travail physique. Ceux qui se foulent une cheville en jouant au baseball au cours de la fin de semaine peuvent rentrer au boulot s’ils travaillent dans un bureau. Toutefois, l’agent de correction qui se foule une cheville au cours de la fin de semaine ne peut pas rentrer au travail. Nous avons toujours dit qu’on ne peut juger nos employés en fonction du nombre élevé de congés de maladie qu’ils prennent parce qu’ils doivent être en forme physiquement pour se présenter au travail, contrairement à une autre personne qui travaille dans un bureau. Si je me blesse, je peux encore aller au bureau et travailler. Il y a donc deux ou trois facteurs qui expliquent pourquoi nos agents de correction prennent beaucoup de congés de maladie.

La sénatrice Moncion : Cela nous fait comprendre pourquoi le cumul des congés est important pour les fonctionnaires contrairement aux gens qui travaillent dans une entreprise privée. Dans certaines compagnies, comme celle dans laquelle j’ai travaillé, les employés avaient un congé d’invalidité de courte durée après cinq jours de maladie. Nous avions la possibilité de réduire le nombre de jours accordés en congé de maladie parce que si quelqu’un partait en congé de maladie plus de cinq jours, cette personne percevait une assurance et, après 90 jours, elle était en congé d’invalidité prolongé. Or il en coûterait cher au gouvernement d’avoir une assurance d’invalidité de courte durée pour 200 000 employés.

Merci. Vos explications clarifient l’article relatif au congé de maladie et au cumul de congés par les employés.

M. Fabiano : Lorsque nous parlons aux jeunes employés, nous devons leur expliquer qu’ils doivent gérer leur cumul de congés; et que ce n’est pas quelque chose qui peut être élargi chaque semaine, chaque année. Lorsque j’ai commencé à travailler il y a de nombreuses années, on m’a dit que je devais accumuler 45 jours de congé de maladie pour me constituer un filet de sécurité. C’est une information qu’on m’a donnée. C’est ce que nous disons également aux jeunes. Ils doivent se constituer une réserve de congés, non pas pour en abuser plus tard, mais pour se construire un filet de sécurité. Il est important de se constituer une réserve de congés.

[Français]

Le président : Merci, sénatrice Moncion, de la précision.

Au nom du comité, monsieur Thibodeau, monsieur Fabiano, je vous remercie d’avoir témoigné au sujet du projet de loi C-62.

[Traduction]

Honorables sénateurs et honorables sénatrices, je vous remercie de votre attention et de vos questions. Je vous rappelle que nous poursuivrons notre étude du projet de loi C-62 la semaine prochaine, à notre séance de mardi matin.

(La séance est levée.)

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