Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 79 - Témoignages du 6 novembre 2018
OTTAWA, le mardi 6 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mon nom est Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont dans la salle avec nous ainsi qu’aux téléspectateurs qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je rappelle d’ailleurs à ces derniers que les audiences du comité sont ouvertes au public et aussi affichées en ligne sur le site sencanada.ca.
[Français]
Maintenant, je demanderais aux sénateurs et sénatrices de se présenter, en commençant par ma gauche, s’il vous plaît.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Le sénateur Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Marshall : La sénatrice Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
[Français]
Le président : Je voudrais également vous présenter la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui font équipe pour appuyer les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, que le Sénat a renvoyé au comité le 16 octobre 2018. La semaine dernière, nous avons accueilli le président du Conseil du Trésor et des représentants de deux autres ministères, et aujourd’hui, nous accueillons quatre organisations qui représentent les employés du gouvernement fédéral. Nous les avons invitées à faire des observations sur le projet de loi en question.
Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation et de s’être joints à nous aujourd’hui.
Souhaitons la bienvenue à nos témoins, dont la première est Debi Daviau, présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
[Français]
Elle est accompagnée de Mme Isabelle Roy, avocate générale, chef des services des relations du travail. Merci d’avoir accepté notre invitation.
[Traduction]
Deborah Cooper est avocate générale auprès de l’Association canadienne des employés professionnels; Ursula Hendel est présidente de l’Association des juristes de justice; et enfin, Amy Kishek est conseillère juridique à l’Alliance de la Fonction publique du Canada.
[Français]
Nous accueillons aussi M. David-Alexandre LeBlanc, agent de recherche principal du président national, Chris Aylward.
[Traduction]
Veuillez saluer M. Aylward de notre part. Avant de vous inviter à donner vos exposés, j’aimerais vous remercier, au nom du Comité sénatorial des finances nationales, d’avoir accepté notre invitation et d’être venues nous faire part de vos opinions, perspectives et recommandations.
La greffière m’apprend que Mme Daviau sera la première à présenter, suivie par Mme Cooper, Mme Hendel, et enfin, Mme Kishek.
La parole est à vous, madame Daviau.
Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Bonjour, mon nom est Debi Daviau et j’ai récemment été réélue pour un nouveau mandat de trois ans à titre de présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Notre syndicat représente quelque 60 000 professionnels dans l’ensemble du pays qui sont, pourla plupart, des employés du gouvernement fédéral, dont la charmante dame à votre gauche, qui est membre de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
Je vous remercie de l’occasion qui m’est offerte de comparaître devant le comité au sujet du projet de loi C-62, une mesure qui touche directement la grande majorité de nos membres. J’aimerais ajouter que je suis fière d’être en compagnie d’autant de femmes exceptionnelles, autant du côté des sénateurs que parmi les syndicats.
Je m’attends bien à ce que vous ayez plusieurs questions à me poser, dont certaines seront de nature plutôt technique, c’est pourquoi je suis accompagnée de notre avocate générale et chef des services des relations du travail, Isabelle Roy, qui tentera d’y répondre avec la plus grande précision juridique possible. Comme vous le savez sans doute, le projet de loi C-62 vient abroger certaines dispositions du projet de loi C-4, concernant les services essentiels et les processus de règlement des différends, ainsi que du projet de loi C-59, concernant les programmes de congés de maladie et d’invalidité. Ces projets de loi étaient motivés par une idéologie manifestement antisyndicale et ils n’ont aucune place dans une société démocratique comme la nôtre.
Commençons par le projet de loi C-4. Le projet de loi C-4 brime considérablement le droit à la négociation collective en violation de la liberté d’association protégée par la Charte canadienne des droits et libertés et de la convention no 87 de l’Organisation internationale du Travail.
Le projet de loi C-4 pipe complètement les dés en faveur de l’employeur; non seulement met-il les syndicats sur la voie de la conciliation et éventuellement de la grève, mais il maintient également un contrôle exclusif et sans restrictions sur le nombre de travailleurs qui pourront aller en grève tout en s’assurant que les commissions d’arbitrage ou de conciliation aient les mains liées par le gouvernement du jour — et par sa volonté de payer. Nous sommes fermement d’avis qu’une telle approche n’est dans l’intérêt d’aucune des parties, et encore moins dans celui des Canadiens ou des services dont ils dépendent.
Jusqu’à l’adoption du projet de loi C-4, les agents négociateurs pouvaient choisir, au début de la négociation collective, l’une de deux méthodes de règlement des différends en cas d’impasse : l’arbitrage, ou la conciliation avec possibilité de grève. Le processus de définition des services essentiels était le fruit de négociations et faisait l’objet d’un examen par la commission du travail. Ce régime nous a permis d’avoir un semblant de paix syndicale pendant de nombreuses années.
Le projet de loi C-59 a lui aussi fondamentalement perturbé l’équilibre de pouvoirs dans la négociation collective en faveur de l’employeur et miné le processus même de la négociation collective en donnant au Conseil du Trésor le pouvoir de fixer unilatéralement les modalités de l’emploi en ce qui concerne les congés de maladie et d’invalidité; c’était une violation des principes fondamentaux de la négociation collective et un volte-face par rapport aux normes en matière de loi du travail que respectait le parti depuis des décennies. Aux termes du projet de loi C-59, les syndicats se trouvent à négocier de bonne foi une question que nos membres considèrent comme étant essentielle — les congés de maladie — sous la menace constante de voir les dispositions négociées totalement invalidées au gré de l’employeur.
Si le projet de loi C-59 visait seulement les conditions d’emploi liées aux congés de maladie et d’invalidité, il crée néanmoins un dangereux précédent et menace les négociations futures en encourageant les gouvernements futurs à accorder des pouvoirs semblables aux employeurs du gouvernement fédéral lorsqu’ils ne préfèrent pas entreprendre des négociations de bonne foi dans des dossiers importants.
Si, en tant que société démocratique, nous estimons devoir jeter les fondements d’une négociation collective équitable, il faut aussi veiller à l’équilibre pour ne pas avantager une partie plutôt qu’une autre. C’est justement ce qu’ont fait les projets de loi C-4 et C-59. Ils ont accordé un plus grand pouvoir aux employeurs en violation de la liberté d’association protégée par la Charte dont jouissent les employés; il faut ainsi les abroger sans plus tarder.
L’institut s’est réjoui de la décision prise par le gouvernement nouvellement élu, en 2016, de ne pas appliquer ces mesures draconiennes lors du dernier cycle de négociations. Nous nous réjouissons également d’apprendre que le gouvernement a accepté de ne pas suivre les nouvelles règles dans le cadre du nouveau cycle de négociations que l’on vient d’entamer. Dans un grand élan de collaboration et d’imagination, nous avons réussi à négocier des mesures provisoires avec les Conseil du Trésor pour nous soustraire à l’application des dispositions des projets de loi C-4 et C-59 qui touchaient la négociation collective.
Les résultats sont éloquents. L’institut a mis ses poursuites en veilleuse, les parties ont appliqué les mesures provisoires convenues et le dernier cycle de négociations s’est déroulé sans heurt, à la satisfaction des deux parties. Nous avons ratifié des conventions dans bien plus de 90 % des groupes des services fédéraux de base et d’organisations distinctes. La confiance et les liens que nous avons noués tout au long du processus nous permettront de mener à bien les quelques conventions qu’il reste à conclure, ce qui nous laissera dans une position avantageuse avant le prochain cycle.
Il faut toutefois que ces mesures soient officiellement abrogées une fois pour toutes.
Il est impératif que le projet de loi C-62 soit adopté le plus rapidement possible afin que les relations de travail dans la fonction publique fédérale redeviennent fructueuses et capables d’évoluer dans un cadre démocratique positif. C’est la promesse que le gouvernement nous a faite. C’est la bonne chose à faire, et c’est pour cela que nous préconisons l’adoption rapide du projet de loi C-62.
Je vous remercie de votre temps ce matin. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci.
Deborah Cooper, avocate générale, Association canadienne des employés professionnels : Honorables sénateurs, nous aimerions remercier les membres du comité de nous avoir invitées à comparaître pour vous faire part de nos perspectives ce matin.
Je m’appelle Deborah Cooper, je suis avocate générale à l’Association canadienne des employés professionnels. L’ACEP représente près de 15 000 employés du secteur public, dont la grande majorité sont des économistes ou spécialistes en sciences sociales qui conseillent le gouvernement en matières de politique publique. Nous représentons également les traducteurs et interprètes qui œuvrent tous les jours à préserver et à promouvoir la dualité linguistique canadienne. Nous avons également l’honneur de représenter 90 analystes et adjoints de recherche employés par la Bibliothèque du Parlement. L’ACEP se réjouit de la décision qu’a prise le gouvernement d’entamer le processus visant à abroger les projets de loi C-4 et C-59, mesures manifestement antisyndicales adoptées par le précédent gouvernement. Bien que le gouvernement ait beaucoup tardé à remplir ses promesses avant les élections de 2015...
Le président : Madame Cooper, pourriez-vous ralentir un peu la cadence aux fins de l’interprétation?
Mme Cooper : Pour les interprètes, bien sûr.
Le sénateur Neufeld : Ceux que vous représentez.
Le président : Merci, madame la greffière.
Mme Cooper : L’ACEP espère que ce projet de loi franchira le plus vite possible les dernières étapes du processus législatif afin qu’il rétablisse l’équilibre dans les relations de travail au sein du secteur public fédéral.
Comme vous le savez sans doute, sous prétexte de moderniser les relations de travail, l’ancien gouvernement s’est attaqué aux droits à la négociation collective des fonctionnaires fédéraux sur plusieurs plans.
Il y a eu d’abord le projet de loi C-4, qui posait problème à bien des égards. Il donnait au gouvernement trop de pouvoir dans le régime de négociation collective, notamment sur le plan de la négociation des ententes sur les services essentiels ainsi que des procédures de recours de la fonction publique.
Toutefois, du point de vue de l’ACEP, les changements les plus extrêmes touchaient le processus de règlement des différends. Plus précisément, le projet de loi C-4 a retiré aux agents négociateurs le droit de choisir entre l’arbitrage ou la conciliation-grève comme processus de règlement des différends relatifs à la négociation collective. Dans le cas de l’ACEP, il lui a enlevé le droit à l’arbitrage, processus qui avait toujours bien fonctionné pour l’ACEP et ses membres, et l’a poussée vers la conciliation-grève. En plus, l’ancien gouvernement a même compromis les processus d’arbitrage et de conciliation en imposant de nouveaux facteurs dont les arbitres et les conciliateurs devaient tenir compte lorsqu’ils faisaient une recommandation ou qu’ils rendaient une décision.
Nos membres n’ont pas du tout considéré cette mesure comme étant productive. En fait, depuis le début, l’ACEP tente de régler les problèmes avec le gouvernement au moyen d’un processus solide de négociation collective et, lorsqu’il y a une impasse, au moyen de l’arbitrage. Par conséquent, il importe qu’un processus réellement indépendant soit accessible et qu’il puisse tenir compte de tous les critères pertinents sans hiérarchisation, ce qui favorise la confiance sur le plan procédural. Qui plus est, l’imposition d’un processus de conciliation-grève n’est pas, selon l’ACEP et selon mon collègue, dans l’intérêt des Canadiens. Il est nettement préférable pour les Canadiens qu’il existe des relations de travail harmonieuses au sein de la fonction publique fédérale.
Voilà pourquoi le droit de négociation collective est reconnu dans les conventions internationales sur les droits de la personne dont le Canada est signataire. Comme l’a indiqué la Cour suprême :
La négociation collective permet aux travailleurs de parvenir à une forme de démocratie et de veiller à la primauté du droit en milieu de travail. Ils acquièrent une voix au chapitre pour l’établissement des règles qui régissent un aspect majeur de leur vie.
Quant au projet de loi C-59, il est allé un peu plus loin en permettant au gouvernement de modifier fondamentalement les programmes de congés de maladie et d’invalidité des fonctionnaires qui existaient depuis longtemps et avaient été durement acquis. Le plus troublant, c’est qu’il a donné au gouvernement le pouvoir de le faire unilatéralement, en contournant complètement le processus de négociation. À l’instar de nombreux autres syndicats du secteur public fédéral, l’ACEP était d’avis que le projet de loi privait ses membres de leurs droits fondamentaux protégés par l’alinéa 2d) de la Charte, en ce sens qu’il ne permettait pas la tenue de véritables négociations collectives sur ces aspects clés du travail. Par conséquent, l’ACEP a participé activement à une contestation de la constitutionnalité du projet de loi devant les tribunaux de l’Ontario. Après l’importante décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan en 2015, l’ACEP est convaincue que cette contestation fondée sur la Charte aurait permis de faire invalider le projet de loi C-59.
Il va sans dire que les changements apportés par le gouvernement précédent au régime de relations de travail ont créé un climat d’affrontement improductif dans le secteur public fédéral. Cela pose problème non seulement pour nos membres et pour les agents négociateurs, mais aussi pour tous ceux qui travaillent dans la fonction publique fédérale. Comme je l’ai dit au début, l’ACEP estime qu’il a fallu beaucoup trop de temps au gouvernement pour prendre ces mesures simples afin de rétablir le régime de relations de travail qui existait avant les projets de loi C-4 et C-59. Ce long délai de plus de deux ans et demi, depuis les élections, a fait durer inutilement le climat de confrontation. Nous espérons qu’un nouveau climat s’installera maintenant.
L’ACEP est un peu déçue que le projet de loi n’aborde pas certains des problèmes qui affligeaient le régime des relations de travail de la fonction publique fédérale depuis l’adoption des projets de loi C-4 et C-59, comme les longs délais de traitement des dossiers jusqu’à l’arbitrage. Cela aurait été une excellente occasion pour le gouvernement de s’attaquer à cet important problème d’accès à la justice. À cet égard, nous sommes disposés à prendre part à des consultations sérieuses qui pourraient donner lieu à des améliorations au processus et nous vous demandons instamment de fournir des fonds supplémentaires à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral pour les retards auxquels elle tente de s’attaquer du mieux qu’elle peut avec les ressources à sa disposition.
Cela dit, il semble que ce projet de loi supprime pratiquement toutes les difficultés créées par les projets de loi C-4 et C-59. L’ACEP envisage favorablement le retour à un régime de relations de travail imparfait, mais beaucoup plus juste et équilibré que le régime actuel. Par conséquent, l’ACEP vous demande de ne plus tarder à rétablir cet équilibre.
Sur une note plus positive, lorsque l’ACEP a formulé des observations sur le projet de loi C-62 au début du processus, nous avons dit espérer que le gouvernement mettrait en place un régime proactif d’équité salariale le plus tôt possible. Depuis, une mesure législative positive, quoique attendue depuis fort longtemps, a été présentée la semaine dernière.
C’est un bon point de départ. Nous espérons que des progrès significatifs seront réalisés à mesure que progresseront le projet de loi et les travaux qui l’accompagnent.
En conclusion, nous sommes heureux de voir que le projet de loi C-62 est enfin devant nous et nous vous exhortons à l’adopter le plus rapidement possible. Merci.
Le président : Merci, madame Cooper.
Ursula Hendel, présidente, Association des juristes de justice : Bonjour. Je m’appelle Ursula Hendel et je suis présidente de l’Association des juristes de justice. Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée. C’est pour moi un plaisir d’être ici aujourd’hui.
L’Association des juristes de justice est l’agent négociateur de plus de 2 600 avocats, qui travaillent tous pour vous et moi au sein du gouvernement du Canada.
[Français]
C’était agréable d’entendre le président du Conseil du Trésor reconnaître que la fonction publique du Canada est de classe mondiale. Je suis fortement d’accord, car nos membres travaillent très fort tous les jours pour faire respecter la primauté du droit au Canada.
[Traduction]
Nous sommes vos rédacteurs législatifs, et à ce titre, nous faisons en sorte que les centaines de projets de loi soumis au Parlement au cours de la présente session, y compris celui-ci, cheminent bien. Nous sommes des constitutionnalistes. Nous sommes des spécialistes des questions juridiques complexes comme les revendications territoriales des Premières Nations, les pensionnats autochtones, l’immigration, le droit pénal, le droit des réfugiés et le droit de l’extradition. Vos avocats civilistes défendent actuellement le Canada dans des poursuites judiciaires totalisant 12,2 billions de dollars. Nous veillons à assurer à la fois la sécurité publique et le respect des droits de la personne.
Je suis procureure depuis plus de 20 ans. Avec mes collègues, j’engage des poursuites contre les responsables d’actes de terrorisme, les organisations criminelles, les individus qui font la traite des personnes, les narcotrafiquants et les pollueurs environnementaux. Voilà une partie du travail très utile qu’accomplissent chaque jour les membres de l’Association des juristes de justice pour les Canadiens. Je crois que les gens ont l’impression que les fonctionnaires gagnent plus que leurs homologues du secteur privé, mais en ce qui concerne les avocats membres de mon association, c’est en fait l’inverse. Notre travail est précieux et essentiel, mais nous gagnons environ la moitié de ce que les avocats qui possèdent une expérience comparable à la nôtre gagnent dans le secteur privé.
Les membres de l’association sont bien au fait des questions constitutionnelles et ils se préoccupent beaucoup de la primauté du droit. Nous voulons en particulier que tous les travailleurs soient traités de manière juste et conforme à la loi. Nous partageons les inquiétudes exprimées par mes collègues à ma droite au sujet de la constitutionnalité de la loi actuelle. C’est l’un des points que je veux souligner aujourd’hui.
Un autre point concerne la façon dont la loi nuit aux membres de mon association qui travaillent pour les Canadiens comme vous et moi. Enfin, je parlerai de l’utilisation par nos membres de leurs congés de maladie. Je vais aborder ces points dans l’ordre inverse.
En ce qui concerne les congés de maladie, contrairement à certains autres groupes opérationnels qui travaillent pour le gouvernement fédéral, nos membres ne sont pas remplacés, en général, quand ils sont malades. Si un dossier de litige de plusieurs millions de dollars ou un dossier de terrorisme m’est assigné et que je ne suis pas en mesure de me présenter au travail, personne ne peut me remplacer ce jour-là. Le travail préparatoire que j’étais censée effectuer dans ce dossier cette journée-là ne sera pas fait; le dossier restera sur mon bureau jusqu’à ce que je revienne, et je devrai rattraper le temps perdu.
Non seulement on ne me remplacera pas, mais on ne me paiera pas non plus d’heures supplémentaires. Je ne suis d’ailleurs pas payée du tout pour les heures supplémentaires. Je fais des heures supplémentaires gratuitement. Les heures de plus que je fais parce que j’ai été malade me désavantagent, parce que je dois maintenant les faire après les heures normales de bureau et gratuitement.
On attribue aux congés pour maladie de courte durée une valeur comptable, quelle qu’elle soit — et nous sommes ici avec un groupe de professionnels de la finance —, mais en réalité, les congés de maladie de courte durée qu’utilisent nos membres ne coûtent rien aux contribuables.
C’est peut-être un peu différent pour les congés à long terme, mais en réalité, ce n’est pas tellement différent, car le processus de remplacement d’une personne absente ne débute que lorsque nous savons qu’elle ne reviendra pas.
Si une personne de mon bureau est très malade et qu’elle doit s’absenter durant une longue période, mais que nous ignorons pour combien de temps, cette personne ne sera pas remplacée. Ses dossiers seront attribués à quelqu’un d’autre, sans ajout à l’effectif. Nous travaillerons tout simplement plus fort pour accomplir les tâches additionnelles. D’ailleurs, le fait d’être malade est considéré comme un tel fardeau dans un bureau des litiges que je suis déjà allée au tribunal — et je ne suis pas la seule — alors que je n’étais aucunement en état de le faire, parce que l’idée de ne pas m’y rendre était tout simplement inacceptable pour moi. Soit je devais être présente pour un dossier important concernant une victime d’agression sexuelle que je ne pouvais pas laisser tomber, soit je voulais éviter que l’un de mes collègues, arrivé au travail en pensant profiter d’une rare journée pour préparer un dossier, doive aller au tribunal pour une poursuite dont il n’avait jamais pris connaissance, parce qu’Ursula était malade et qu’elle n’était pas capable de faire son travail.
Comme je l’ai dit, je ne suis vraiment pas la seule. La majorité des gens avec qui je travaille considèrent qu’être malade est un inconvénient majeur et une chose à éviter. Ce n’est peut-être pas ce que pensent toutes les personnes qui travaillent pour le gouvernement du Canada — il y en a 290 000 —, mais je crois que c’est ce que pensent les membres de mon association.
Je vais parler un peu de la loi. Nous avons fourni des mémoires contenant une analyse juridique assez aride qui explique pourquoi, selon nous, la loi est inconstitutionnelle. Je vais vous épargner cela aujourd’hui. Je suis heureuse que le ministre Brison ait dit au comité que son ministère adhère à notre analyse selon laquelle la loi est inconstitutionnelle. Je pense que c’est une concession juste et claire et qu’elle découle de la décision rendue dans l’affaire Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan. Selon moi, cela fera épargner beaucoup d’argent au gouvernement à long terme. Il mérite des félicitations.
Dans mon dernier point, je voudrais mettre l’accent sur les répercussions de la loi actuelle sur nos membres. Nous sommes l’un des syndicats qui ne sont pas parvenus à une entente négociée, et nous sommes allés en arbitrage. Notre convention collective est arrivée à échéance en mai 2014. Nous avons signalé que les négociations étaient dans une impasse en décembre 2016 et nous avons reçu une décision arbitrale en juillet 2018, soit plus de quatre ans après l’expiration de la convention. Une nouvelle convention entrera en vigueur demain. Elle n’a pas encore été signée, et à la date de son entrée en vigueur, elle sera déjà expirée. C’est une situation bizarre, alambiquée et difficile à expliquer d’une façon simple au commun des mortels. J’espère que vous conviendrez que c’est tout à fait inacceptable.
Au moins une partie du retard était directement attribuable à la loi. Ma collègue Mme Cooper a parlé des très mauvaises relations de travail qui s’étaient établies entre les unités de négociation et le gouvernement, et nous n’avons pas fait exception. Lorsque le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir, il a fallu un certain temps pour établir une nouvelle démarche, ce qui a encore contribué au retard. Durant tout ce temps, nos conditions d’emploi étaient gelées.
Le ministre a aussi mentionné au comité l’importance d’attirer davantage de jeunes au sein de la fonction publique. Pour vous donner un exemple, dans une région de la Colombie-Britannique, au cours des deux dernières années, le ministère de la Justice a perdu la moitié de ses avocats débutants. Tous les étudiants en droit endettés sont au courant qu’au gouvernement fédéral, ce n’est pas un bon endroit où travailler.
Le dernier point que je veux soulever, c’est que des avocats comme ma collègue répugnent à faire la grève. J’ai parlé des victimes d’agression sexuelle et de la traite des personnes. Tout comme je n’aime pas leur dire que je suis trop malade, je ne veux pas leur dire que j’ignore si je pourrai les représenter au tribunal la semaine suivante parce qu’il se pourrait que nous soyons en grève. Voilà une autre raison pour laquelle le choix est important.
Comme il ne me reste plus de temps, je dirai simplement, en terminant, que je pense moi aussi qu’il est important d’adopter ce projet de loi le plus rapidement possible.
Le président : Merci, madame Hendel.
La présidence donne maintenant la parole à Mme Kishek.
Amy Kishek, conseillère juridique, Alliance de la Fonction publique du Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui. L’Alliance de la Fonction publique du Canada représente plus de 180 000 travailleurs de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada et de quelques emplacements à l’étranger.
Le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, rétablit enfin en partie l’équilibre qui avait été rompu dans les négociations collectives dans la fonction publique fédérale à cause de l’adoption par le gouvernement précédent des projets de loi C-4 et C-59.
Comme nous l’avons dit, la section 20 du projet de loi C-59 a privé les fonctionnaires fédéraux de leur droit à la négociation collective en donnant au gouvernement le droit unilatéral de modifier en tout temps les dispositions relatives aux congés de maladie des conventions collectives. Il ne s’agit pas de négociations libres et collectives quand l’employeur a le pouvoir d’imposer un résultat déterminé d’avance. Le projet de loi C-62 lui retirera ce pouvoir.
La Cour suprême a confirmé que le droit à la négociation collective est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.
L’alinéa 2d) de la Charte garantit le droit des syndicats et des employés d’agir de concert pour réaliser des objectifs communs concernant le travail et les conditions d’emploi.
En 2007, la Cour suprême a jugé que la liberté d’association comprend le droit à la négociation collective. Par conséquent, l’alinéa 2d) de la Charte limiterait l’exercice des pouvoirs législatifs qui visent à restreindre la portée des négociations collectives. C’est ce que faisait le projet de loi C-59. Il restreignait notre capacité de parler de certains enjeux, qui avaient été complètement écartés.
Le président du Conseil du Trésor, Scott Brison, vous a dit que des négociations sont en cours avec les syndicats de la fonction publique fédérale afin d’adopter une approche plus globale à l’égard du bien-être des employés et d’améliorer le régime actuel de congés de maladie. Il a également indiqué que, selon le gouvernement, ces améliorations doivent faire l’objet de négociations et non pas être imposées unilatéralement par le gouvernement. Nous sommes tout à fait d’accord.
Nous sommes conscients des lacunes du régime actuel de congés de maladie et nous sommes prêts à discuter des diverses options possibles pour protéger la santé de nos membres. Toutefois, retirer les congés de maladie des conventions collectives et les remplacer unilatéralement et à l’aveuglette n’est pas la solution. Nous estimons que le gouvernement devrait mettre l’accent sur la promotion de milieux de travail plus sains et s’assurer que les travailleurs malades obtiennent l’aide dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin, afin qu’ils puissent continuer à fournir des services publics de qualité aux Canadiens. Nous croyons qu’il est possible de travailler ensemble dans cette direction.
Par exemple, l’AFPC a négocié la mise sur pied d’un groupe de travail mixte sur la santé mentale dans le cadre de ses négociations avec le Conseil du Trésor en 2015. Le groupe de travail se compose d’un nombre égal de représentants des syndicats et de l’employeur et vise à améliorer à long terme la santé mentale en milieu de travail. Depuis sa mise sur pied, le groupe de travail sur la santé mentale a publié trois rapports et il a permis la création du Centre d’expertise pour la santé mentale en milieu de travail, qui est codirigé par un représentant du Conseil du Trésor et un représentant de l’AFPC.
Améliorer la santé et le bien-être des employés de la fonction publique est une priorité de longue date de l’AFPC. L’adoption du projet de loi C-62 permettra aux parties de continuer à discuter de santé mentale et de bien-être dans le contexte de la convention collective, non seulement maintenant, mais aussi à l’avenir.
Le projet de loi C-62 rétablira également les droits qui ont été supprimés lorsque des modifications ont été apportées à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique par le biais de la section 17 du projet de loi C-4. Cela a restreint fondamentalement les droits de nos membres relativement à la négociation collective, notamment en ce qui concerne la désignation des services essentiels. Comme on l’a déjà dit, en 2015, la Cour suprême du Canada, dans le jugement concernant la Saskatchewan Federation of Labour, a conclu que le droit de grève est aussi protégé par l’alinéa 2d) de la Charte. La cour a établi que le droit de grève constitue un élément essentiel d’un processus véritable de négociation collective dans le régime canadien de relations de travail. C’est une conclusion fondée sur l’histoire, la jurisprudence et les obligations internationales du Canada.
L’un des aspects les plus importants de la décision relative à la Saskatchewan Federation of Labour, c’est que la mesure législative en cause est presque identique à celle que proposait le projet de loi C-4. Nous savons déjà — et le gouvernement l’a déjà admis — que cette loi est inconstitutionnelle. La section 17 du projet de loi C-4 allait à l’encontre des droits des membres garantis par la Charte, soit la liberté d’association et le droit de négociation collective, ainsi que le droit de grève, en permettant au Conseil du Trésor d’annuler unilatéralement les modalités établies dans les conventions collectives existantes. Elle donnait à l’employeur le pouvoir de passer outre à de nombreuses dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, y compris aux dispositions relatives au gel prévu par la loi qui protègent les conditions d’emploi de nos membres durant les négociations collectives. Et bien sûr, elle donnait également à l’employeur le droit unilatéral et le pouvoir de déterminer comment les services essentiels étaient désignés. Nous espérons que le projet de loi C-62 sera adopté, car il abrogera ces dispositions inconstitutionnelles.
L’AFPC, comme vous l’avez entendu, a déposé deux contestations constitutionnelles contre les deux projets de loi qui touchaient aux droits fondamentaux de négociation de nos membres. L’une a été déposée en mars 2014 concernant la section 17 du projet de loi C-4, et l’autre a été déposée en juin 2015 pour la section 20 du projet de loi C-59. Les deux instances sont actuellement en suspens dans l’attente de l’abrogation des dispositions fautives contenues dans ces deux lois. Évidemment, nous avons conclu une entente provisoire avec le Conseil du Trésor en juillet 2016, entente qui comprend diverses mesures visant à répondre aux préoccupations soulevées, notamment sur le choix des mécanismes de règlement des différends, les règles régissant la commission de l’intérêt public et les conseils d’arbitrage, ainsi que la désignation des services essentiels. Cette entente provisoire reste en place durant les négociations. Cependant, les ententes provisoires n’apporteront pas de certitude aux deux parties dans le processus de négociation. L’AFPC ne retirera pas ses contestations constitutionnelles avant que la mesure législative fautive ne soit abrogée.
Nous demandons instamment au comité d’accélérer l’adoption du projet de loi C-62. M. LeBlanc et moi sommes prêts à répondre à vos questions.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie tous de vos excellents exposés. J’aimerais parler des services essentiels. Nous avons entendu les dirigeants de certaines organisations sur cette question. Je vais d’abord adresser ma question à Mme Daviau. Qu’en est-il actuellement de la désignation des employés essentiels ou des services essentiels? Vous avez tous parlé des projets de loi C-4 et C-59 par rapport au projet de loi C-62. Comment les services essentiels sont-ils désignés actuellement, le cas échéant? J’aimerais que vous compariez les deux ensembles législatifs. J’essaie de comprendre comment on désigne les services essentiels.
Mme Daviau : Je vais commencer à répondre, puis céder la parole à notre avocate générale, car ce sont les détails techniques pour lesquels je lui ai demandé de venir. Par le passé, les services essentiels étaient désignés en fonction des personnes. Si une personne occupait un poste nécessaire afin de maintenir les services essentiels durant une grève ou toute forme de moyens de pression, alors elle se rendait tout simplement à son travail, même s’il y avait une grève, pour fournir le service. Cela portait sur la personne. Selon la modification apportée à la loi, la désignation se fait en fonction du poste, et il n’y a pas de renégociation à chaque cycle. Comme vous pouvez l’imaginer, il y a énormément de changements qui ont lieu dans la fonction publique.
Même si un poste était essentiel en 2014, cela ne veut pas dire qu’il l’est en 2018. Il y a très peu de possibilités d’y revenir, comme nous le faisions à chaque cycle de négociations. Le problème le plus important, c’est qu’auparavant, nous le faisions en collaboration avec les représentants de l’employeur, qui nous aidaient à déterminer le niveau adéquat de désignation des services essentiels. Cela faisait l’objet d’un examen de la commission du travail. Maintenant, c’est l’employeur qui a le pouvoir de déterminer ce qui est un service essentiel et ce qui ne l’est pas.
La sénatrice Marshall : En ce qui concerne les employés désignés comme étant essentiels, dans quelle mesure cette désignation est-elle désuète? Vous dites qu’il n’y a pas de renégociation à chaque cycle. Cela a peut-être été fait il y a deux conventions collectives, alors, n’est-ce pas?
Mme Daviau : Quand la loi a été modifiée, nous avons eu du mal à établir la première série d’ententes sur les services essentiels. Je vais céder la parole à Isabelle, qui va vous parler de cette distinction.
La sénatrice Marshall : Pourriez-vous aussi nous dire environ combien de vos membres, sur les 60 000, sont considérés comme des employés essentiels?
Isabelle Roy, avocate générale, chef des services des relations du travail, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Le processus de désignation des services essentiels varie selon les unités de négociation. Je ne peux vous donner le nombre total, car il varie à chaque cycle de négociations. Le processus relatif aux services essentiels ne s’applique qu’aux unités de négociation qui choisissent le mécanisme conciliation-grève. Parmi toutes les unités de négociation entre l’institut et le Conseil du Trésor, il y en aura peut-être deux ou trois par cycle qui choisiront la conciliation-grève, et on n’effectuera l’exercice de désignation des services essentiels que pour ces groupes. Je suis sûre que des témoins vous ont déjà parlé du temps nécessaire pour négocier des ententes sur les services essentiels. C’est un processus de longue haleine, mais s’il est fait correctement, à un moment donné, on peut s’inspirer de chaque cycle sans devoir recommencer chaque fois. Comme l’a indiqué notre présidente, on ne commence pas à zéro; c’est une question de mise à jour. Il est toutefois important de comprendre qu’il s’agit d’un processus conjoint et que l’employeur doit d’abord fournir une liste.
Je parle de la façon dont les choses étaient avant l’adoption du projet de loi C-4 que nous tentons d’abroger. Le processus de désignation des services essentiels prévoit que l’employeur fournisse une liste et des raisons pour lesquelles certains postes devraient être désignés comme essentiels. Il est très difficile pour l’agent négociateur d’engager des discussions constructives et productives au sujet des services essentiels quand aucune raison n’est fournie. Il incombe à l’employeur de justifier qu’un poste — ou plusieurs — est essentiel. L’agent négociateur n’est pas entièrement responsable du retard dont il est question. Chaque partie a sa part de responsabilité. Je crois que la façon la plus constructive de procéder est de garder l’esprit de collaboration dans lequel nous avons abordé la dernière ronde de négociations, pendant laquelle nous avons conclu une entente provisoire et décidé d’adopter une différente approche aux services essentiels en acceptant certaines échéances.
Il est donc possible, en faisant preuve de bonne volonté, d’accélérer le processus sans qu’il soit nécessaire d’abroger le droit des agents négociateurs de faire revoir ce genre de décisions par un conseil des relations de travail.
La sénatrice Marshall : Qui tranche quand il y a un différend? Si le gouvernement veut que certains postes soient considérés comme étant essentiels, mais que l’institution ou le syndicat ne le veut pas, comment fait-on pour résoudre ce problème? Je sais que les employeurs représentent des organismes et qu’ils disent qu’ils le font en obtenant le consensus, comme si les choses étaient idylliques ou roses. Comment résout-on les différends?
Mme Roy : Une fois que le projet de loi C-62 aura été adopté, on pourra demander aux conseils des relations de travail de décider si un service est essentiel, quel niveau de services essentiels est nécessaire et quels postes sont essentiels.
Le projet de loi C-4 a supprimé le droit d’accès aux conseils des relations de travail. C’est le processus que nous avons prévu dans l’entente provisoire et qui continue d’exister.
La sénatrice Marshall : Le projet de loi C-4 donne-t-il donc à l’employeur la possibilité de procéder à une désignation de façon arbitraire? Est-ce la même chose pour tous les organismes? Merci beaucoup.
Le sénateur Pratte : Merci d’être ici ce matin. Quand certains de vos organismes ont comparu devant le comité de la Chambre des communes, vous avez demandé qu’un changement soit apporté au projet de loi C-62 afin que les services essentiels soient désignés sans égard au principe voulant que l’on ne tienne pas compte de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève. Votre demande était basée sur la décision prise en Saskatchewan. Avez-vous laissé tomber cette proposition ou y a-t-il une autre raison pour laquelle on n’en a pas entendu parler ce matin?
Mme Kishek : Nous avons parlé de cette modification au comité de la Chambre et choisi de ne pas l’adopter. On veut toujours qu’elle soit apportée, mais on se penche davantage maintenant sur l’intérêt général du projet de loi. On croit qu’il rétablit en grande partie le droit à la négociation collective qui a disparu pendant plusieurs années. Nous sommes ravis qu’il soit rétabli. D’autres exemples ont été soulevés aujourd’hui sur certaines des lacunes de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. À l’époque, il y avait plusieurs versions de la loi. Il est temps qu’elle soit examinée. Nous nous attendons à avoir d’autres occasions de proposer ce genre de modifications dans un avenir rapproché. Le libellé date d’avant le projet de loi C-4. C’est ce qu’on trouvait dans la loi historique. Nous pensons avoir l’occasion de proposer cette modification à un autre moment, mais pas aujourd’hui.
Le sénateur Pratte : Dans votre présentation, vous avez parlé du fait que votre syndicat était conscient de certains problèmes concernant le régime de congés de maladie et que vous étiez prêts à travailler avec le gouvernement pour les régler. Pouvez-vous nous dire ce qui pose problème dans le régime des congés de maladie et si cela peut être réglé de façon négociée et collaborative?
Mme Kishek : Il n’y a rien qui ne peut pas être négocié. Nous avons le plaisir de représenter les travailleurs de la fonction publique et de divers autres milieux de travail partout au pays. Certains œuvrent dans le milieu universitaire et d’autres dans le secteur minier. Nous savons que nos membres participent de façon créative à l’élaboration de différentes revendications. En ce qui concerne l’avenir des congés de maladie, nous avons déjà commencé à envisager les changements possibles. Ils ont dit que l’idée de créer un groupe de travail mixte sur la santé mentale était venue de la négociation collective entre le Conseil du Trésor et l’AFPC. Le groupe de travail a publié trois rapports, que l’on peut faire circuler et partager avec les membres du comité. Il examine certaines des façons dont les congés de maladie, le bien-être et la santé mentale sont perçus. Il s’agit d’un enjeu complexe avec plusieurs facettes.
David-Alexandre LeBlanc, agent de recherche principal, Alliance de la Fonction publique du Canada : Certaines des discussions que nous avons eues avec des employeurs portent sur la gestion de cas et le protocole d’intervention pour le retour au travail. Il y a des différences entre certains ministères. Tous les employés ne sont pas traités de la même manière. Ce sont certaines des lacunes du régime actuel.
Le sénateur Pratte : Les gens croient que le régime de congés de maladie dans la fonction publique est propice aux abus. Il est trop généreux et certaines personnes en profitent. Qu’en pensez-vous?
Mme Kishek : Je n’ai pas d’exemples d’abus flagrants. En fait, cette idée a été réfutée à maintes reprises. Après que le projet de loi C-4 avait été présenté, même le directeur parlementaire du budget avait affirmé que le gouvernement de l’époque avait exagéré certains chiffres sur la prise de congés de maladie pour appuyer son point de vue voulant que l’on élimine les congés de maladie de la table de négociation.
La réalité reflète autre chose. Les travailleurs ont le droit à 15 jours de congés de maladie par année, soit 1,25 jour par mois. Pour une personne qui souffre d’une maladie chronique, c’est l’équivalent d’une migraine par mois qui est couvert. Ce n’est pas disproportionné par rapport aux besoins de la personne moyenne. Les congés de maladie accumulés ne sont pas monétisés. On ne peut pas s’en prévaloir sans prouver qu’on en a besoin.
J’ai entendu ce qu’a dit M. Brison et les représentants du Conseil du Trésor la semaine dernière. Ils ont affirmé que de toutes les personnes qui ont pris leur retraite en 2015 et en 2016, 1 000 personnes avaient épuisé leurs banques de congés. C’est facilement attribuable au fait que les gens sont en général plus souvent malades à la fin de leur carrière. Ils doivent épuiser leurs congés afin de bénéficier des prestations d’invalidité à long terme, qui ne sont pas faciles à obtenir. C’est adéquat et nécessaire.
Le président : Madame Daviau, madame Cooper et madame Hendel, avez-vous des commentaires à faire sur cette question?
Mme Daviau : Je commencerai en vous parlant de là où se situent nos membres en ce qui concerne les congés de maladie. Environ 50 p. 100 de nos membres ont plus de 13 semaines de congés de maladie pour des maladies de courte durée dans leurs réserves. Plus de 25 p. 100 d’entre eux en ont 26. C’est de cette nouvelle durée que l’on parle. On trouve certaines des banques de congés les plus garnies dans la fonction publique, ce qui montre qu’il y a très peu d’abus en ce qui concerne le régime de congés de maladie.
Il y a des écarts. Il y a des jeunes qui n’ont pas eu l’occasion d’accumuler des congés de maladie même si les données montrent qu’ils ont moins de risques de tomber malades que d’autres fonctionnaires. Il y a également les gens qui souffrent de maladies chroniques et épisodiques que certains de mes collègues ont mentionnées. Ce sont eux qui souffrent des lacunes, car une fois qu’ils ont utilisé les 15 jours qui leur sont offerts, s’ils tombent malades et qu’ils doivent prendre des congés supplémentaires, ils se retrouvent dans une position difficile. C’est pour ces gens que l’on veut résoudre ces problèmes.
Je voulais répondre à cette question, car l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et quelques autres collègues syndicaux tentent de négocier un nouveau plan de bien-être et de soutien. Je crois que le ministre Brison en a parlé lors de son témoignage. Je suis la coprésidente de ce comité-là. Nous avons bien avancé pour résoudre les problèmes et combler les lacunes qui ont été relevées au début de ce processus. Nous nous attendons à avoir terminé les négociations d’ici la fin de l’année. Même s’il y a des lacunes, c’est pour tout cela que nous avons accepté d’entamer un processus pour tenter de régler les problèmes du régime de congés de maladie. Ce n’est qu’une petite partie de nos membres qui sont touchés, mais ils sont grandement touchés. Nous avons presque fini de résoudre ces problèmes ensemble grâce à des négociations collaboratives et équitables.
Mme Cooper : En ce qui concerne les écarts, il en restera. Si quelqu’un a un cancer et a 100 jours de congés de maladie dans sa banque, il doit tous les utiliser avant d’être admissible au régime d’assurance-invalidité de longue durée. À la fin de tout cela, quand cette personne est prête à revenir au travail et qu’elle a réussi à survivre à la maladie, ce qui n’est pas simple, car tout le processus de demande est compliqué, peu de gens reviennent à temps plein dès le premier jour. En général, le médecin recommande qu’elle revienne pour deux ou trois jours par semaine afin de rebâtir ses forces pour être en mesure de revenir au travail de façon permanente un jour. Une personne qui a utilisé tous ces jours de congés de maladie retourne donc au travail sans paye. La plupart des sociétés d’assurance ne paieront pas pour les autres jours. Donc, il y a également un écart à combler à la fin du congé de maladie, ce qui est très difficile parce que les gens doivent pouvoir revenir comme il faut s’ils veulent réussir leur retour au travail. Si on s’oblige à retourner au travail pendant quatre ou cinq jours parce qu’on n’est pas payé, cela crée un tout nouveau problème.
Effectivement, le système comporte des lacunes, mais j’aimerais aborder brièvement la question du risque d’abus. Je pense que, quel que soit le régime, il y aura toujours quelqu’un, quelque part, qui va essayer d’en profiter, mais dans la majorité des cas, nos membres ont accumulé énormément de congés de maladie. La plupart des gens, au moment de prendre leur retraite — et vous avez probablement déjà entendu plusieurs dire : j’ai 200 jours, j’ai 150 jours. Cela montre que les fonctionnaires sont dévoués et utilisent rarement leurs congés de maladie.
On a l’impression que les fonctionnaires ont beaucoup de congés de maladie, mais en fait, très peu les utilisent. Si vous prenez votre retraite avec 250 ou 300 jours de congé de maladie en réserve, vous ne recevrez rien en échange. Il s’agit d’un régime d’assurance que, si vous êtes chanceux, vous n’aurez jamais besoin d’utiliser. Ces 250 jours de congé accumulés seront perdus, alors que vous partirez joyeusement à la retraite. Vous ne recevrez aucune forme de rémunération en contrepartie, et je sais que les gens se font aussi une idée fausse à ce sujet.
Je crois que ces histoires d’abus sont très exagérées. Il peut y en avoir ici et là, mais des mécanismes sont en place pour vérifier que les gens sont réellement malades, et il est très rare que nous devions les utiliser.
Mme Hendel : En ce qui concerne les lacunes, nos membres vont probablement, à un moment ou à un autre, souffrir d’épuisement professionnel, parfois indirectement causé par des épreuves difficiles qu’ils traversent. Je pense que nous devrions mieux gérer leur charge de travail et leurs problèmes de santé mentale, de sorte qu’ils n’en arrivent pas au point où ils ne peuvent plus du tout travailler parce qu’ils sont au bord de l’abîme. C’est là où je constate une lacune.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Moncion : Madame Daviau, vous avez fait référence aux négociations que vous avez avec le Conseil du Trésor au sujet d’une nouvelle entente pour les invalidités de courte et de longue durée et pour la santé mentale. Pourriez-vous nous indiquer quels sont les avantages de cette négociation qui est en cours par rapport au projet de loi C-62, en ce qui concerne spécifiquement les congés de maladie?
[Traduction]
Mme Daviau : La plus grande partie de ces négociations touche les congés de maladie. C’est vraiment de cela qu’il s’agit, sous un nom différent: le Programme de soutien au mieux-être des employés. Toutefois, ce régime ne se résume pas seulement aux congés; il mise sur le mieux-être, la gestion de cas et un processus de suivi centralisé pour ce qui est de la façon dont les maladies sont classées et traitées au sein de la fonction publique. On commence aussi à tenir compte des problèmes de violence conjugale et d’autres problèmes connexes qui pourraient nuire au bien-être des employés. Nos membres ont accompli un travail remarquable en faisant avancer ces dossiers également.
Ce que nous essayons d’expliquer ici, c’est que la section 20 du projet de loi C-59 est inutile. On n’en a pas besoin puisque nous avons déjà des mécanismes qui fonctionnent bien depuis la fin des années 1960, lorsque nous avons entrepris des négociations avec la fonction publique fédérale afin de collaborer et de faire les choses correctement. Jusqu’ici, nous avons montré qu’il était tout à fait possible de le faire, sans qu’on ait besoin de fusil sur la tempe ou de mesure législative qui va à l’encontre de nos droits, garantis par la Charte, de négocier librement au nom de nos membres.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question est plus ciblée que cela. Il y a d’importants changements dans le nouveau document de négociation. On y parle du nombre de jours avant lesquels l’employé peut avoir accès à son salaire complet avec l’assurance invalidité de courte et de longue durée. En fait, quelle est la nécessité d’avoir encore des banques de congés de maladie de 15, 200 ou 300 jours?
[Traduction]
Mme Daviau : J’hésite à donner les détails de cette entente, étant donné que le processus de négociation n’a pas été finalisé. En revanche, avant d’entreprendre ces négociations, nous étions parvenus à une entente détaillée sur certaines dispositions de base afin que tous comprennent bien les objectifs visés. Nous avions déterminé que neuf congés de maladie seraient accordés pour cause de maladie. Par conséquent, si vous devez vous absenter pour quelques jours en raison d’un rhume — d’une migraine, par exemple — ou d’un problème de santé qui n’est pas lié à une maladie chronique récurrente, dans ce cas, après trois jours, soit à votre quatrième journée, vous êtes couverts par un nouveau régime de congés de maladie pour des maladies de courte durée.
Cependant, tout congé de trois jours et moins serait déduit de ces neuf jours — à l’exception des personnes atteintes d’une maladie chronique ou récurrente, qui seraient traitées différemment, puisqu’elles doivent parfois s’absenter un ou deux jours par semaine, sans nécessairement accumuler plus de trois jours de congé. Ces personnes seraient identifiées et feraient l’objet d’une gestion de cas. Même si elles ne prennent qu’une seule journée de congé pour recevoir leur radiothérapie ou leur traitement pour leur diabète, selon le cas, elles auraient droit à leur plein salaire pour cette journée au titre du régime de congés de maladie de courte durée.
La sénatrice Moncion : Merci.
Mme Daviau : Est-ce que cela répond à votre question?
La sénatrice Moncion : Presque. Je m’intéresse aux répercussions sur le projet de loi C-62.
Mme Daviau : Le projet de loi C-62 abroge une loi qui donnait essentiellement au gouvernement le droit de prendre toutes ces décisions de façon unilatérale, et ce, sans négociation. Nous avons démontré qu’il n’était pas nécessaire d’avoir une mesure législative comme le projet de loi C-59, puisque ces négociations ont été couronnées de succès et nous ont permis de régler les questions que le gouvernement et nous-mêmes avions soulevées au début du processus. Le projet de loi donnait carte blanche au gouvernement. Ce n’était pas nécessaire, car le gouvernement a pu faire ce qui s’imposait en s’appuyant sur des données probantes et en menant de véritables négociations.
La sénatrice Moncion : Si le nouveau régime est approuvé, à ce moment-là, les congés de maladie prévus dans le projet de loi C-62 pourront être modifiés puisqu’on n’aura plus besoin de ces réserves de congés de maladie?
Mme Daviau : Les dispositions qu’ils affirment vouloir pour apporter des ajustements dans le cadre du projet de loi C-59 sont négociées sérieusement. Vous avez tout à fait raison; on n’aurait pas besoin du projet de loi C-59 ni des éléments déclencheurs prévus dans le projet de loi parce que toutes ces questions font actuellement l’objet de négociations entre notre syndicat et le Secrétariat du Conseil du Trésor.
La sénatrice Moncion : Ce sont les mêmes négociations pour tous les...
Mme Daviau : Non. Il y avait deux séries de négociations en cours. L’AFPC a signé un protocole d’entente, tout comme nous d’ailleurs. Je ne peux pas me prononcer sur leur processus, mais je peux vous parler du nôtre, auquel ont participé notamment des représentants de l’ACEP, soit l’Association canadienne des employés professionnels; de la FIOE, c’est-à-dire la Fraternité internationale des ouvriers en électricité; et de l’ACAF, l’Association canadienne des agents financiers, dont Deborah Cooper était représentante.
Par ailleurs, j’aimerais préciser que même si Deborah Cooper représente l’ACEP aujourd’hui, le dernier poste qu’elle a occupé est celui de secrétaire générale du Conseil national mixte, lequel réunit les parties patronale et syndicale pour régler des problèmes comme ceux-ci. Par conséquent, n’hésitez pas à lui poser des questions sur la façon dont l’employeur perçoit ces négociations.
Le président : Madame Cooper, la parole est à vous.
Mme Cooper : Jusqu’à juin dernier, j’étais secrétaire générale du Conseil national mixte. Le point que je voudrais soulever ne concerne pas précisément le projet de loi C-62 ni les congés de maladie, même si le Conseil national mixte est chargé d’examiner les appels qui lui sont présentés relativement aux régimes de prestations d’invalidité et de soins dentaires et de superviser les négociations concernant le régime de soins de santé. D’après mon expérience, tout ce qui fait l’objet de véritables négociations entre les parties est nettement mieux que ce qui pourrait leur être imposé de façon unilatérale. Il est difficile pour les syndicats de dire : nous n’aimons pas ça. Nous rallions les membres, nous parlons au public canadien et nous disons que ce n’est pas ce que nous voulions. Lorsqu’on travaille en collaboration, non seulement on se retrouve avec quelque chose qui a reçu l’assentiment de tous, mais on recueille aussi des points de vue dont l’employeur n’a pas toujours nécessairement connaissance.
Les syndicats donnent un autre son de cloche. Nos statistiques diffèrent de celles de l’employeur. Il nous incombe donc à tous de travailler ensemble pour en arriver au meilleur régime possible.
Au titre du projet de loi que nous souhaitons abroger, toutes les décisions étaient prises de façon unilatérale. C’est exactement ce qui doit changer pour que nous puissions contribuer au processus. Au Conseil national mixte, cela fonctionne très bien. Nous nous réunissons et nous élaborons conjointement des directives qui satisfont les deux parties. C’est exactement ce que nous voulons aujourd’hui. Nous espérons que ce projet de loi sera adopté rapidement afin que nous revenions au régime où l’on menait de véritables consultations sur toutes les questions ayant trait aux relations de travail.
[Français]
Le sénateur Forest : J’aurais un commentaire à faire, d’entrée de jeu. Dans plusieurs secteurs d’activité, on recherche la parité hommes-femmes. Je m’aperçois que, dans ce secteur, où vous veillez aux intérêts de vos collègues et négociez de bonnes conditions de travail, la présence féminine est très forte. Je vous en félicite. M. LeBlanc doit se sentir comme bien des dames se sentent dans certaines activités. Profitez-en pleinement!
Pour donner suite à l’intervention de mon collègue, le sénateur Pratte, concernant votre demande de retirer, à l’article modificatif 9, les alinéas 121(2)a), 123(6)a) et 127(6)a), ai-je bien compris que ce n’est plus un enjeu pour vous, à l’heure actuelle?
[Traduction]
Mme Hendel : Ce n’est pas proposé en ce moment, et pour ce qui est de savoir s’il s’agit toujours d’un enjeu, on pourrait en débattre, mais nous nous attendons à une révision de l’ensemble de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral à l’avenir, et nous aurons d’autres occasions de nous exprimer à ce moment-là.
Mme Daviau : C’est exactement ce que je voulais dire. Nous voulons revenir à ce que nous avions avant l’adoption de cette mesure législative. Cela ne veut pas dire que tout était parfait, mais cela valait bien mieux que ce que nous avons en ce moment. Je m’attends à ce que le gouvernement veuille tenir des consultations sérieuses sur ce que l’on doit modifier et corriger pour avoir un bon processus de négociation pour toutes les parties. Les changements comme ceux-ci peuvent être soulevés à ce moment-là.
Pour le moment, la chose à faire est de rétablir le régime de relations de travail qui était en place pendant une bonne partie des 60 dernières années afin que nous puissions négocier les conventions collectives et continuer de défendre les intérêts des Canadiens, ce que nous faisons le mieux.
[Français]
Le sénateur Forest : Donc, le tout est plus important que certains détails à l’intérieur.
Madame Hendel, j’étais un peu surpris de vous entendre dire que, si l’un de vos membres avait une cause et qu’il était malade, ce qui l’empêcherait de consacrer sa journée à préparer sa cause, il devait le faire en heures supplémentaires sans rémunération. Je ne comprends pas comment cela se passe au privé. Si des avocats ou des avocates au privé tombent malades lorsqu’ils ont une cause avec une échéance de comparution, comment est-ce que ça fonctionne? Pouvez-vous m’expliquer la réalité de cette situation?
[Traduction]
Mme Hendel : Si je ne me trompe pas, nous sommes l’une des deux seules unités de négociation du gouvernement fédéral dont la convention collective ne renferme pas de dispositions sur les heures supplémentaires. Ce que nous avons, par contre, c’est un meilleur contrôle de nos heures de travail. Nous avons une convention collective qui exige que nous travaillions une moyenne d’heures. Chose certaine, nous dépassons de beaucoup cette moyenne, mais nous avons une certaine souplesse quant à l’organisation de nos heures de travail.
Il est vrai que la nature de nos dossiers fait en sorte qu’il est difficile de respecter une norme. Il n’est pas facile pour moi ni pour mon superviseur d’estimer le temps qu’il me faudra pour préparer mon dossier de meurtre. Parfois, je pense que ce sera un cas facile, et finalement, il y a un imprévu qui survient durant la préparation du dossier ou même pendant le déroulement des poursuites. Un témoin peut devenir invalide, mourir ou changer son témoignage. Il y a toutes sortes d’éléments qui entrent en ligne de compte.
Il est difficile de contrôler notre charge de travail. À l’instar des avocats dans le secteur privé qui ne sont pas payés pour les heures supplémentaires qu’ils font, le contrôle de la charge de travail est une priorité pour nos membres. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes l’un des rares groupes à avoir négocié un horaire de travail souple plutôt que la rémunération des heures supplémentaires.
[Français]
Le sénateur Forest : Je ne veux pas tuer votre argument, mais si je comprends bien, c’est un peu comme le régime des cadres, où il n’y a pas d’heures supplémentaires en tant que telles.
[Traduction]
Mme Hendel : Non. Je pense que les professeurs et les avocats sont les deux groupes qui travaillent pour le gouvernement fédéral qui ne sont pas rémunérés pour leurs heures supplémentaires. La direction a une certaine marge de manœuvre. Notre convention prévoit une disposition sur le congé de direction. Les employés qui n’ont pas droit au paiement de leurs heures supplémentaires peuvent se voir accorder un congé discrétionnaire rémunéré à titre de compensation, à la suite de circonstances exceptionnelles. Ce n’est pas aussi rigide que cela, mais cela représente en général une très petite proportion des heures supplémentaires que nous travaillons.
[Français]
Le sénateur Forest : En conclusion, si vous préparez une cause, que vous tombez malade et que vous y travaillez des heures supplémentaires, votre supérieur peut vous accorder, par exemple, un long week-end ou une forme de compensation en temps.
[Traduction]
Mme Hendel : Il y a un mécanisme pour nous accorder des congés.
[Français]
Ce n’est pas une augmentation salariale, mais ce sont des jours de congé payés. C’est un petit nombre, mais ça existe.
Le sénateur Forest : En terminant, je suis vraiment préoccupé par la relève quand on regarde la situation démographique du pays. L’ensemble des organisations sont aux prises avec ce phénomène. Est-ce que, pour vous, le projet de loi va contribuer à faire de la fonction publique fédérale un milieu de travail plus attrayant?
[Traduction]
Mme Hendel : Je peux commencer. Il s’agit certainement d’une amélioration. C’est un pas dans la bonne direction. Tous les témoins vous ont dit que des problèmes persistent. Évidemment, il peut être avantageux de moderniser les relations de travail, mais il faut revenir sur certaines choses qui ont fait en sorte qu’il est peu attrayant de travailler pour le gouvernement fédéral.
Mme Daviau : Je précise que nous ne sommes pas remplacés lorsque nous sommes malades. Il faut donc mettre les bouchées doubles à notre retour. J’aimerais apporter une nuance au sujet des heures supplémentaires. Il est peu probable que votre patron vous accorde des heures supplémentaires, même pour ceux qui y ont droit, pour rattraper le retard causé par votre absence. C’est habituellement leurs priorités et leurs échéanciers qui poussent les patrons à demander à leurs employés de travailler des heures supplémentaires.
J’aimerais mettre les choses en contexte. Lorsque les syndicats négocient une rémunération à taux et demi ou à taux double, c’est en fait pour décourager l’employeur d’avoir recours aux heures supplémentaires. Nous encourageons plutôt l’employeur à se doter des ressources suffisantes pour éviter les heures supplémentaires. Cela nous ramène à la notion de mieux-être, d’épuisement professionnel et d’équilibre. Je pense que nous reconnaissons tous la nécessité de parvenir à un équilibre dans la vie; par conséquent, un travail qui exige beaucoup d’heures supplémentaires peut être avantageux sur le plan financier, mais peut nuire au bien-être général de l’employé à long terme.
Nous n’encourageons pas les possibilités d’heures supplémentaires, bien au contraire. N’empêche que nous ne sommes pas remplacés lorsque nous sommes malades. Par conséquent, ce sont nos collègues qui doivent absorber notre charge de travail ou nous qui devons mettre les bouchées doubles à notre retour. Le coût des congés de maladie ne reflétait pas la réalité lorsque le gouvernement a adopté ce projet de loi au départ. Il s’agit davantage d’un exercice comptable que d’un montant en dollars et en cents.
[Français]
Mme Cooper : Puis-je ajouter quelque chose en réponse à votre question?
[Traduction]
Vous demandez si le projet de loi C-62 va contribuer au recrutement et au maintien en poste de l’effectif. Je pense qu’il ne peut faire autrement que d’aider dans ce sens. Il s’agit de la mobilisation de la fonction publique, de l’engagement des étudiants qui pourraient vouloir entrer dans la fonction publique à la fin de leurs études universitaires ou autre. Si on impose une façon de faire de manière unilatérale, il sera difficile d’obtenir la participation des employés actuels. Les gens veulent avoir l’impression de participer. Le projet de loi C-62 ramène cet aspect.
[Français]
Mme Roy : Quant à l’enjeu d’attirer et de maintenir une main-d’œuvre nouvelle et plus jeune afin de remplacer les gens qui prennent leur retraite, je veux simplement souligner que les syndicats font face au même défi que l’employeur, c’est-à-dire d’inciter ses membres plus jeunes à passer à l’action. Sans le passage du projet de loi C-62, ça devient beaucoup moins intéressant d’être engagé dans son syndicat au sein de la fonction publique, parce qu’on a comme obstacle principal la législation qui donne tous les pouvoirs à l’employeur.
Il ne faut pas se leurrer, le projet de loi C-4 change entièrement l’équilibre en donnant trop de pouvoir à l’employeur et en rendant le processus de négociation complètement injuste.
Enfin, le projet de loi C-59, pour faire suite à un commentaire de la sénatrice Moncion, n’est pas devenu caduc.
[Traduction]
Le projet de loi C-59 n’est pas devenu caduc.
[Français]
En effet, si le projet de loi C-59 demeure en vigueur, l’employeur continue à bénéficier de cette occasion à tout moment, peu importe l’état des négociations, de changer le régime existant qui gouverne les congés de maladie et le système d’invalidité, ce qui redonne entièrement ce pouvoir à l’employeur. Donc, oui, le projet de loi C-62 est très important, pas seulement pour l’engagement des employés, mais aussi pour l’engagement des syndicalistes.
Le sénateur Forest : Merci.
[Traduction]
Le président : Madame Kishek, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Kishek : J’aimerais faire une petite remarque concernant la participation des membres aux syndicats. Les propositions faites par l’AFPC dans le cadre des négociations proviennent des membres. Elles reposent sur la participation des membres au processus de négociation, à commencer par les conférences auxquelles des centaines de membres sont invités à participer et à y présenter leurs idées. Nous acceptons aussi les propositions au moyen d’autres mécanismes. Ces membres sont ensuite élus et font partie de notre équipe de négociation. Plus nous pouvons les amener à participer en leur disant qu’on tiendra compte de leurs points de vue, que l’employeur ne rejettera pas leurs idées et qu’il ne soumettra pas une proposition unilatérale sur une question aussi cruciale que les congés de maladie, plus la participation sera importante. Et c’est grâce à la participation des membres que nous pouvons faire preuve de créativité et devenir une fonction publique agile, comme M. Brison se plaît à le dire. Ce sont nos membres qui sont à l’origine de toutes ces idées.
Le président : Avant de donner la parole au sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, j’ai une question à poser par rapport aux conditions de travail attrayantes ou rébarbatives. En vous fondant sur votre expérience — je sais en partie ce qu’en pense l’AFPC parce que M. Aylward a fait une présentation ici au sujet du rapport sur Phénix —, croyez-vous que le système de paie Phénix peut décourager de jeunes gens brillants de se joindre à la fonction publique?
Mme Kishek : Sans aucun doute. Beaucoup d’employés se sont sentis impuissants. Je ne saurais vous répondre plus clairement : vous avez tout à fait raison.
Mme Hendel : Je voudrais ajouter quelque chose. Les avocats en devenir doivent faire au moins trois années d’études de premier cycle, sauf au Québec, et trois années de droit, puis suivre le processus d’admission au barreau. C’est un cheminement extrêmement coûteux. En début de carrière, la plupart d’entre eux — d’entre nous — sont lourdement endettés. La possibilité de ne pas savoir s’ils recevront une paie ou si celle-ci sera versée dans les temps ou sans erreur n’est pas une question à prendre à la légère.
Le président : Merci.
Madame Cooper, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Cooper : Je suis tout à fait d’accord. Il n’y a pas d’autres façons de voir la situation. Les gens n’arrêtent pas d’en parler autour de nous. On m’a notamment dit : « Si cette situation avait lieu dans le secteur privé, les employés cesseraient tout simplement de travailler. » C’est tout à l’honneur des fonctionnaires : ils font leur travail même s’ils ne sont pas rémunérés correctement.
Les répercussions sont multiples, même en ce qui concerne les dons à Centraide. Les employés ne veulent prendre absolument aucun risque en modifiant les données dans Phénix. Je crois que la situation doit également nuire au recrutement. On me parle de Phénix, peu importe où je me trouve au Canada. L’association compte des membres des quatre coins du pays. En toute franchise, on me pose parfois des questions qui ne portent pas uniquement sur la fonction publique lorsque je suis en Alberta, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs, mais le système de paie revient à tous coups. Les gens me posent des questions sur Phénix. Si on en parle autant, c’est que les jeunes sont aussi au courant.
Soit dit en passant, au sujet de la mobilisation et des consultations en bonne et due forme, on n’y a pas eu recours pendant le développement de Phénix.
Le président : Merci, madame Cooper.
Mme Daviau : Je suis convaincue que cette situation accentue la difficulté d’assurer la relève. Je m’en voudrais toutefois de ne pas souligner que nous avions déjà des problèmes de recrutement et de rétention avant la mise en place de Phénix, et c’est particulièrement vrai pour les professionnels représentés par mon association. Ces questions ne font probablement pas partie du sujet étudié par le comité aujourd’hui, mais plusieurs d’entre elles touchent à la rémunération et aux conditions d’emploi.
Je peux également dire que des problèmes comme ceux liés à l’équité fiscale et à l’intégrité scientifique ne sont pas étrangers au fait que nos membres hésitent à travailler au sein de la fonction publique fédérale. Il y a quelques années, j’ai fait une tournée de présentations devant des jeunes pour expliquer pourquoi l’état actuel des choses décourageait les professionnels en début de carrière de se joindre à la fonction publique.
Les problèmes de recrutement et de rétention ne découlent pas seulement de Phénix. En fait, je suis toujours aussi impressionnée par l’engagement extraordinaire dont font preuve les fonctionnaires. Nous vivons depuis près de trois ans des situations parmi les plus intenables qu’on puisse imaginer. Des gens reportent leur mariage, le moment de fonder une famille, leur retraite et d’autres grandes décisions de la sorte. Des employés n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants à une ligue de hockey ou à d’autres activités. C’est évident que Phénix a des répercussions négatives sur le recrutement. Je ne doute pas que les données qui seront publiées le démontreront.
Le président : Il est important de ne pas s’éloigner du projet de loi C-62.
Mme Daviau : J’en suis consciente, mais le fait de parler de Phénix nous pousse à aborder d’autres sujets.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie des exposés que vous avez faits aujourd’hui. Étant donné que je viens du secteur des jeunes entreprises de technologies, je me reconnais dans les tâches quotidiennes des travailleurs que vous représentez. En effet, qu’il s’agisse d’une loi, d’une stratégie ou d’une politique excellente, tout repose sur la façon avec laquelle elle est mise en œuvre. Il faut que les employés embarquent dans l’aventure.
La plupart d’entre vous ont parlé de la productivité. À mon avis, c’est une source importante de fierté, de santé et de satisfaction au travail. Les personnes qui se sentent très productives, qui font du bon travail et qui disposent de repères pour le déterminer rentrent à la maison avec un sentiment d’accomplissement, ce qui se reflète dans les autres aspects de leur vie.
Il n’est pas facile pour moi d’évaluer une grande partie des dispositions du projet de loi, parce qu’elles s’appliquent à un monde qui m’est complètement étranger. Je suis sénateur depuis peu. Je viens d’un milieu où, si on ne travaille pas, on ne reçoit pas de paie. C’est aussi simple que cela.
Pourriez-vous nous parler des stratégies de vos organisations visant à montrer la productivité des membres que vous représentez? Vous avez établi un parallèle avec le secteur privé au sujet du salaire, mais ce n’est pas vraiment suffisant pour discuter de la productivité. Ce n’est qu’un des éléments. Il faut parler à la fois des résultats et des salaires. C’est une approche complètement différente et complexe, j’en suis bien conscient. Toutefois, selon moi, c’est une des façons de gagner la confiance du public dans ce genre de dossiers. De telles mesures de la productivité joueraient un rôle essentiel pour convaincre la population que tout ceci contribuera manifestement à améliorer les relations de travail, à régler les problèmes du système Phénix et à augmenter la capacité des fonctionnaires à faire du bon travail.
Pouvez-vous me parler du travail que vous faites à ce sujet? Ce serait utile pour me convaincre que ces éléments nous mettent sur la bonne voie.
Mme Daviau : Je peux répondre en premier. D’abord, les gestionnaires, et non les syndicats, sont responsables de la grille de productivité.
Le sénateur C. Deacon : À mon avis, c’est un élément essentiel qui regarde tous les employés. N’êtes-vous pas d’accord?
Mme Daviau : Je suis d’accord avec vous. Je veux simplement dire que nous n’établissons pas de grille qui permet de mesurer le rendement. Cependant, beaucoup de nos membres nous parlent du travail crucial qu’ils font pour les Canadiens. Nous concentrons une grande partie de nos revendications sur des aspects qui sont dans l’intérêt public. L’importante distinction, par rapport au domaine des technologies dont vous venez, c’est que le secteur privé repose sur les résultats financiers obtenus. Au gouvernement, nous travaillons pour offrir des services essentiels aux Canadiens. C’est un indicateur différent.
Il suffit de penser à des projets gouvernementaux comme la mise en œuvre de Phénix, la fusion de sites web et la transformation des services de courriels — j’essaie d’utiliser des exemples qui vous seront connus — pour comprendre que les fonctionnaires sont beaucoup mieux placés pour réaliser ces initiatives complexes que les intégrateurs de systèmes du secteur privé. Nous connaissons les systèmes et nous disposons des formations adéquates sur ceux-ci. Nous comprenons les interactions entre les systèmes et les façons d’assurer leur fonctionnement sans défaillance. Nous sommes les mieux placés pour régler les problèmes qui surviennent. S’il y a un problème dans un projet — Phénix n’est qu’un exemple parmi tant d’autres — qui remonte à une lacune du processus contractuel, il est impossible de corriger la situation lorsqu’une entreprise privée fait partie de l’équation. Dans un projet exclusivement public, nous pouvons reconnaître que nous nous sommes engagés dans la mauvaise direction et réorienter toute la main-d’œuvre vers un nouvel objectif, ce qui entraîne peu de frais.
Je ne peux pas vous dire quels sont exactement les indicateurs de rendement. Chose certaine, nous avons organisé nos propres campagnes pour faire connaître le travail de nos membres et l’importance qu’ils y accordent. Je sais que l’AFPC mène aussi une campagne de la sorte. Dans une étude publiée plus tôt cette année, des chercheurs du Royaume-Uni ont d’ailleurs conclu que notre fonction publique affiche un très bon rendement. Ils ont déterminé que le Canada a le secteur public le plus performant du monde malgré le fait que ses employés ne soient pas rémunérés correctement. Ce n’est même pas mon point de vue subjectif sur le travail extraordinaire que nous faisons. Il s’agit d’une évaluation beaucoup plus objective du rendement de la fonction publique.
Vous n’avez pas tort de dire que les Canadiens n’en sont pas conscients. C’est la vérité. Ils profitent simplement d’excellents services au quotidien. Toutefois, si l’un de ces services devait connaître des ratés — si une situation semblable à celle de Phénix touchait, par exemple, l’assurance-emploi ou les pensions d’invalidité du Régime de pensions du Canada —, les problèmes soulèveraient certainement un tollé au sein de la population canadienne qui réclamerait des mesures de correction.
Les faits sont éloquents : depuis de nombreuses années, la fonction publique offre des services de façon productive au nom des Canadiens, en respectant le programme du gouvernement en place.
Le sénateur C. Deacon : Je crois que vous venez de démontrer pourquoi il faut faire connaître ces repères pour favoriser la productivité. La question suscite beaucoup d’incompréhension.
Mme Daviau : C’est vrai. Cela dit, je ne vois pas comment cette discussion nous aide à déterminer si une loi antisyndicale doit être annulée.
Le sénateur C. Deacon : Ce n’est pas ce que j’avance. Je crois que les mesures de la productivité et l’importance qu’on leur accorde contribueraient grandement à mettre en valeur le travail des fonctionnaires et à faire en sorte qu’ils gagnent la confiance de la population.
Mme Kishek : Comme Debbie l’a mentionné, l’AFPC a lancé une campagne sur Phénix pour faire mieux connaître toute l’étendue des services offerts par ses membres. C’était notre objectif en organisant cette campagne qui vise le grand public.
Nous discutons d’une donnée précise. Qu’est-ce que la productivité? Comment pouvons-nous l’évaluer? Certains services ne peuvent être comparés à aucun autre. Nous travaillons avec le groupe FB, les agents des services frontaliers. Il n’existe pas de postes équivalents dans le secteur privé. Pourtant, ils offrent un service irréprochable qui passe souvent inaperçu. Ils font partie de la campagne publicitaire sur Phénix afin de rappeler aux Canadiens les mesures de protection et les services dont les membres de l’Alliance de la Fonction publique du Canada sont responsables tous les jours.
Dans d’autres domaines, nous ne sommes pas aussi concurrentiels. Pour certains de nos membres, ceux qui sont visés par un accord de services techniques, ce n’est pas une question de productivité. En fait, le taux de rémunération que nous leur offrons n’est pas équivalent aux salaires concurrentiels versés dans le secteur privé. À bien des égards, nos membres sont très productifs tout en étant sous-payés pour le travail qu’ils accomplissent par rapport au secteur privé. Les cas varient grandement.
Le sénateur C. Deacon : De telles mesures de la productivité pourraient servir à demander des augmentations de salaire. C’est là où je veux en venir.
Mme Kishek : Nous soulèverons ce point à la table des négociations. Nous le rappellerons au gouvernement.
Mme Cooper : J’abonde dans le même sens. Le groupe FB est un excellent exemple. J’ai été directrice pendant un an à l’Agence des services frontaliers du Canada, et je peux vous assurer que les Canadiens remarqueraient la fermeture des frontières. Je parle des aéroports et de tous les autres lieux, et pas seulement des postes frontaliers terrestres.
Nous devons faire connaître beaucoup de services. Les Canadiens accomplissent tellement de tâches différentes. Il ne s’agit pas que de travail de bureau. Il n’y a qu’à penser aux infirmières dans le Nord. Aujourd’hui, vous avez probablement lu des documents analytiques rédigés par nos membres de la Bibliothèque du Parlement. Il y a toute une gamme de services.
J’allais aborder un autre point, mais je crois qu’il a déjà été soulevé. Je m’arrêterai donc ici.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vous remercie de vos présentations, qui sont très bien articulées.
Ma question ne concerne pas directement le projet de loi C-62, mais plutôt vos commentaires, qui ont suscité chez moi un questionnement. Nous n’avons pas souvent l’occasion d’entendre des représentants du milieu syndical nous parler du futur monde du travail et de son impact sur les conventions collectives.
Vous avez dit que, pour la profession d’avocat, il y aurait d’importants changements à l’avenir, et que ces changements, vous les vivez au présent dans plusieurs secteurs. Quel impact ces changements auront-ils sur vos négociations?
C’est un vaste sujet qu’on n’abordera peut-être pas aujourd’hui, mais j’aimerais entendre quelques commentaires de votre part, si vous en avez.
Mme Daviau : Il y a quelques thèmes qui concernent l’avenir du travail et dont nous discutons. Premièrement, il y a la préparation des employés à l’avenir du travail et pour laquelle nous constatons un manque de représentation quant à la direction du gouvernement.
Nous savons que la formation et le développement professionnels sont aussi des sujets de discussion très importants et, à chaque ronde de négociations, nous essayons d’en parler davantage. Nous savons aussi qu’il faut payer aux employés un salaire équitable par rapport à ce que gagnent leurs homologues du secteur privé. Une étude est nécessaire afin de veiller à ce que le gouvernement soit en mesure de rémunérer les professionnels équitablement. On entend dire que les chercheurs, les scientifiques, les médecins, les infirmières et les comptables sont tous payés 25 p. 100 de moins que leurs homologues du secteur privé.
[Traduction]
Mme Cooper : Je crois que le point le plus important à soulever est celui de la formation et du perfectionnement professionnel. Il ne suffit pas de prévoir le temps nécessaire, il faut aussi octroyer les fonds pour y arriver.
Je reviens à la question précédente pour ajouter quelque chose à propos des données. Le gouvernement en recueille, mais il nous les transmet rarement. Si nous y avions accès, nous pourrions brosser un portrait encore plus précis de la situation. Nous collectons nos propres données, mais nous aimerions pouvoir analyser celles du gouvernement autant que possible. Plus on fera preuve de transparence, plus on pourra avoir les consultations en bonne et due forme dont je parlais plus tôt.
Mme Hendel : L’une des difficultés qui sont vastement répandues est le fait que la population est mal informée. Revenons aux congés de maladie. Il y a, à mon avis, une croyance omniprésente selon laquelle ces jours de maladie sont, en quelque sorte, des cadeaux dont nous profitons allègrement; nous prenons tous notre retraite huit mois plus tôt que prévu. Il faut informer la population afin qu’elle sache que ce n’est pas vrai.
C’est aussi le cas d’une autre perception : les fonctionnaires seraient surpayés. Les données à ce sujet indiquent que ce n’est pas la réalité.
Le gouvernement devrait être le plus grand défenseur de ses employés en corrigeant ces perceptions erronées et en soulignant le travail extraordinaire qu’ils effectuent, parfois sans aucune rémunération à cause de Phénix. Or, à quelques reprises par le passé, un climat de confrontation s’est installé. Le gouvernement a utilisé la fonction publique et a tiré parti de cette perception entretenue par certains Canadiens au sujet des fonctionnaires. L’une des choses que nous pourrions améliorer, c’est de collaborer pour défendre les causes qui nous tiennent à cœur, en fonction des données existantes.
Mme Kishek : J’aimerais ajouter quelque chose à ce qui a été dit. La dotation est l’un des aspects qui ont désespérément besoin d’être modifiés pour moderniser la fonction publique. Cette question est exclue du domaine de la négociation collective selon les lois qui s’appliquent.
Je suis convaincue — et mes collègues seraient sûrement d’accord — que l’intégration de la dotation au contexte de la négociation collective serait la meilleure façon de gérer les problèmes en la matière, que ce soit le travail à forfait prolongé ou le recours à des consultants externes ou à des agences de placement temporaire. Nous pourrions ainsi nous exprimer sur le processus et créer un système qui s’adapte vraiment aux besoins. La fonction publique fait face à des problèmes en matière de recrutement, d’avancement professionnel et de rétention, et je crois que beaucoup de ceux-ci découlent de la dotation. Si les syndicats participaient au processus, tout le monde s’en porterait mieux. La Chambre des communes envisage cette voie, et nous sommes impatients de voir ce changement.
Le sénateur Neufeld : Je remercie tous les témoins d’être ici aujourd’hui et de nous avoir expliqué très clairement leur point de vue. À la lumière de vos présentations et de vos interventions, je comprends que vous considérez les projets de loi C-4 et C-59 comme de terribles mesures législatives qui doivent être annulées le plus rapidement possible; elles ont créé une fonction publique où il est difficile d’attirer de nouveaux employés et de bien travailler.
Une fois ces mesures annulées et le projet de loi C-62 mis en œuvre, vous semblez penser que ce sera la joie, que tout sera rose et merveilleux. Combien de temps faudra-t-il attendre avant que le recrutement devienne plus facile? Dans combien de temps les fonctionnaires seront-ils plus satisfaits de leur travail de façon générale? Combien de temps sera nécessaire? Parlons-nous d’un mois, de six semaines ou d’un an? Chose certaine, vous avez très bien expliqué l’aspect négatif de la situation. En ce qui concerne les retombées positives du projet de loi C-62, pourrons-nous les observer le lendemain ou le vendredi suivant?
Mme Daviau : À mon avis, la question est loin d’être aussi simple. La loi a envenimé les problèmes dont vous avez parlé, mais ce n’est pas le seul facteur à considérer. Ce qui importe dans les abrogations prévues par le projet de loi — et c’est la grande priorité de notre programme législatif —, c’est qu’elles redonnent les commandes à l’employeur et aux syndicats, qui pourront régler les problèmes de la bonne façon. C’est là toute l’importance du projet de loi : en développant des liens et en établissant des solutions concertées, nous améliorerons globalement les relations de travail, ce qui touchera directement les employés et leur bien-être, pour ensuite accroître la productivité et faciliter le recrutement des meilleurs et des plus brillants.
En toute honnêteté, j’ai parlé de l’augmentation des salaires, mais les fonctionnaires se soucient bien davantage de la capacité à accomplir les tâches, des outils, de la formation, du perfectionnement professionnel, du bien-être en milieu de travail et de la lutte au harcèlement. Toutes ces questions passent avant la possibilité d’obtenir une hausse salariale de 1,5 ou 2 p. 100. On ne peut donc pas parler que d’argent. Plutôt, il faut tenir compte de tous ces aspects nécessaires pour créer une fonction publique saine et performante.
Selon moi, le processus de guérison a déjà commencé grâce à l’adoption d’une approche qui reconnaît la valeur des fonctionnaires et qui respecte l’apport des syndicats qui les représentent. C’est le premier pas vers l’obtention d’un message positif de notre part — et je crois que vous entendez parler de nous de temps à autre. C’est aussi essentiel pour permettre aux employés d’établir un lien de confiance avec leur nouvel employeur, à court et à long terme. Malheureusement, notre relation avec le gouvernement connaît des hauts et des bas. Lorsque nous entretenons une bonne relation avec le gouvernement, les employés ont tendance à être plus heureux. Lorsque cette relation s’envenime, les employés sont généralement de plus en plus malheureux.
Le président : Madame Cooper, avez-vous des commentaires à ajouter?
Mme Cooper : J’aimerais que la situation change du jour au lendemain, mais il faudra du temps. Je crois que le mot à retenir est « guérison ». Le projet de loi rétablit la confiance dans les procédures. Par exemple, si un employé sait qu’il peut déposer une plainte pour harcèlement et qu’un processus fiable est en place, les conditions établies sont beaucoup plus acceptables, qu’elles lui plaisent ou non. Si aucune procédure n’existe, l’employé n’a pas pu se faire entendre et il n’acceptera probablement pas le résultat.
C’est la même chose ici. Le projet de loi rétablit toute une série de procédures qui avaient été modifiées pour en faire des outils unilatéraux. Les employés constateront que les procédures sont rétablies; en ayant de nouveau confiance, ils pourront guérir et aller de l’avant. C’est un investissement dans les employés de l’État. C’est un investissement pour les Canadiens, par l’entremise des employés et de nos membres. Le processus nécessitera du temps, mais le projet de loi est un très bon départ pour y arriver.
Le sénateur Neufeld : Imaginons que je retourne bientôt dans mon coin de pays et que je discute avec des employés de la fonction publique, qui se trouvent en première ligne et qui font les tâches dont vous avez parlé. Je tiens à vous dire qu’ils font un excellent travail. Je ne remets aucunement ce fait en question. Je voudrais toutefois savoir s’ils seront beaucoup plus heureux au travail dans un mois, deux mois ou un an par rapport à aujourd’hui. C’était ma question.
Je suppose que le projet de loi va probablement rendre votre travail beaucoup plus facile. C’est ce que je comprends de vos réponses. Je voulais toutefois parler des employés ordinaires du gouvernement fédéral, qui offrent un bon service aujourd’hui dans des conditions qui ont été décrites comme mauvaises. Seront-ils plus heureux demain si le projet de loi est adopté? C’est ce à quoi je pensais.
Mme Daviau : Je crois qu’ils le seront. Comme il a été dit, le projet de loi rétablirait une certaine confiance dans le processus et dans les ressources dont nous disposons pour régler ces problèmes complexes. Toutefois, je ne pense pas qu’on observera une amélioration du bien-être au sein de la fonction publique jusqu’à ce que la crise liée à Phénix soit réglée. Ce n’est pas que je tienne à revenir sur un sujet abordé plus tôt, mais les fonctionnaires ne se sentiront pas bien tant qu’ils ne pourront pas compter sur un chèque de paie toutes les deux semaines. Il est difficile d’atteindre le bien-être sans un revenu stable. Nous sommes ravis que ce processus aille aussi de l’avant et nous espérons que, une fois les problèmes de paie réglés, il y aura un groupe de fonctionnaires visiblement beaucoup plus heureux.
Le président : Merci.
La sénatrice Marshall : Mes questions s’adressent à Mme Hendel parce qu’elle a parlé de quelques aspects qui ont grandement suscité mon intérêt. Il y a entre autres l’utilisation des congés de maladie. Vous avez dit que vos membres se rendent au travail même s’ils ne se sentent pas bien parce qu’ils le doivent. Avez-vous comparé votre taux d’utilisation des congés de maladie avec celui d’autres associations et syndicats?
Mme Hendel : Oui, je crois que nous l’avons fait.
La sénatrice Marshall : Où votre taux se situe-t-il?
Mme Hendel : Je crois qu’il est inférieur à la moyenne nationale.
La sénatrice Marshall : Il est donc inférieur? Merci, c’est une information très utile. Je passe aux dispositions additionnelles sur les heures supplémentaires dont vous avez parlé. Vous avez mentionné que vos membres ne sont pas admissibles au paiement des heures supplémentaires, mais que des journées de congé additionnelles sont prévues. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je connais un cas de figure — qui ne vient pas d’un milieu syndiqué — où les gestionnaires ont droit au paiement des heures supplémentaires après avoir travaillé 35 heures pendant 8 semaines. Il n’y a aucune rémunération, puis, après cette période, il y a une certaine compensation. Pourriez-vous décrire la disposition sur les heures supplémentaires et préciser si elle fait partie de la convention collective ou si elle a été introduite sous la forme d’une politique au sein de votre organisation?
Mme Hendel : Oui. C’est dans notre convention collective. Il y a deux dispositions qui diffèrent un peu de ce qui est la norme pour bien d’autres. Premièrement, nous avons cette notion selon laquelle nous avons, du moins en théorie, un degré de contrôle sur notre semaine de travail et notre horaire de travail. Cela ne fonctionne pas aussi bien que je le souhaiterais, en ce sens qu’il y a souvent beaucoup de pression exercée sur nous pour que des gens occupent leur poste de travail aux heures de travail normales, même si la convention collective nous permet de gérer nos heures et même nos jours de travail. La charge de travail est également un gros problème. Ma convention collective a beau me permettre de ne pas travailler le lundi parce que j’ai travaillé toute la fin de semaine à attendre la réponse d’un jury, il n’en demeure pas moins que je dois préparer mon prochain procès. Ainsi, quoi qu’en dise la convention collective ou mon gestionnaire, je ne peux m’absenter, car ce procès doit être préparé. Alors, je vais travailler. Cela dit, nous avons effectivement, du moins en théorie, une certaine marge de manœuvre pour ce qui est de gérer notre propre horaire de travail.
Deuxièmement, il y a les dispositions régissant les congés de direction. Elles sont dans la convention collective. Mon gestionnaire peut autoriser cinq jours de congé par année. Si j’en veux plus, il faut aller beaucoup plus haut dans la hiérarchie, car il peut y en avoir plus. Nous avons fait enquête auprès des membres. Il existe un très grand écart au niveau du nombre de personnes au sein de l’organisation qui obtiennent des congés de direction, mais c’est un ratio très faible. J’aimerais qu’une disposition dise que, après un certain nombre d’heures...
La sénatrice Marshall : C’était ma prochaine question.
Mme Hendel : C’est un point que nous envisageons de négocier. Nous estimons que les dispositions régissant les congés de direction ne fonctionnent pas très bien pour nous, surtout compte tenu de la portée élargie. Dans certains bureaux, le ratio de temps de congé par rapport aux congés de direction est pas moins de 14:1. Pour chaque tranche de 14 heures travaillées, vous obtenez 1 heure. Cela varie selon la région. Certains gestionnaires sont plus généreux que d’autres. Cela dépend en partie des besoins de fonctionnement. J’ai beau vouloir prendre congé le lundi, je n’ai d’autre choix que d’aller travailler après le petit-déjeuner parce que tel dossier doit être préparé et que je suis la seule à pouvoir le faire.
La sénatrice Marshall : J’en déduis qu’il n’y a pas de comparaison entre les heures supplémentaires effectuées par vos membres et celles effectuées par les membres d’autres syndicats ou associations. Les données ne sont pas disponibles, est-ce que je me trompe?
Mme Hendel : Ces données n’existent pas. Nous n’avons pas de régime d’heures supplémentaires. Même si c’était le cas, on ne peut travailler des heures supplémentaires simplement parce qu’on le souhaite. Je crois qu’elles doivent être attribuées. Le gestionnaire doit d’abord les approuver. Je soupçonne donc — je m’avance peut-être un peu trop — qu’il y a souvent un écart entre les heures supplémentaires approuvées et consignées et les heures supplémentaires travaillées en réalité.
La sénatrice Marshall : Donc, ni les heures supplémentaires ni les congés de maladie de vos membres ne sont comparables à ceux des autres syndicats. Ce serait comme comparer des pommes et des oranges. Est-ce exact?
Mme Hendel : Certainement. Il est pratiquement impossible de comparer les heures supplémentaires.
La sénatrice Marshall : Et votre taux de congés de maladie est inférieur.
Mme Hendel : On vient de me donner une note indiquant que, de concert avec l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’Association des juristes de justice présente les plus importantes banques de congés de maladie de la fonction publique. Ainsi, nous avons le plus important...
La sénatrice Marshall : Est-ce que la banque de congés de maladie continue de croître? Si vous êtes fonctionnaire depuis 30 ans et que vous n’avez pas utilisé vos congés de maladie, vous pourriez avoir 450 jours en banque à votre départ à la retraite.
Mme Hendel : J’en ai 283, mais ils sont perdus. Si je retournais à la fonction publique, puis que je prenais ma retraite, ces 283 jours accumulés au cours de ma carrière ne seraient plus valides.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il une limite? Si une personne a une banque de, disons, 300 jours de congé de maladie et qu’elle contracte une maladie grave, il n’y a pas de limite au nombre de jours qu’elle peut utiliser, n’est-ce pas? Elle peut utiliser les 300 jours?
Mme Hendel : C’est exact.
Mme Daviau : J’aimerais intervenir. Comme je l’ai dit plus tôt, nous nous affairons à négocier un nouveau régime et, selon ce régime, on ne pourrait plus accumuler de grosses banques comme par le passé. Un nombre très faible de congés pourrait être reporté d’une année à l’autre, mais on parle d’une limite de quelques jours seulement. Le problème soulevé par l’employeur concernant la valeur des banques, quoiqu’il s’agisse d’une valeur comptable et non d’une valeur réelle, pourrait être réglé dans ces négociations. C’est certainement un élément dont nous tenons compte pour tenter d’éliminer les grosses banques.
Aussi, comme l’a dit Ursula, il est vrai que l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’Association des juristes de justice comptent de grosses banques. En fait, beaucoup de fonctionnaires ont une grosse banque parce qu’ils n’utilisent pas leurs congés de maladie. Ils ne les utiliseront pas plus tard non plus. Ainsi, l’histoire de la personne qui prend sa dernière année de service en congé pour écouler sa banque de congés de maladie est une occurrence rare. Il faut garder à l’esprit que les congés de maladie sont gérés par des personnes et que celles-ci n’autoriseront pas les congés de maladie injustifiés. Il peut arriver qu’une personne tombe si malade qu’elle épuise sa banque à la fin de sa carrière, mais ces cas sont rares.
Comme je l’ai dit aux membres de mon organisation, si nous avions le bon genre de système de congés de maladie, le genre qui permet à une personne de prendre congé lorsqu’elle est légitimement malade, quel que soit le solde de sa banque de congés par rapport à quelqu’un d’autre, alors les banques n’auraient aucune valeur, sinon un écusson qui dit j’ai accumulé 350 jours de congé de maladie. Personnellement, j’étais mère monoparentale en plein milieu de ma carrière lorsque j’ai accepté ce poste, et je n’ai jamais reporté un seul jour de congé d’une année à l’autre. Il y a donc d’importants écarts à ce chapitre également.
La sénatrice Marshall : Que serait-il donc advenu des banques de congés de maladie aux termes des projets de lois C-4 et C-59?
Mme Daviau : Ce n’était pas clair. Il était clair que le gouvernement allait déterminer cela unilatéralement, sans consultation ou négociation, conformément à notre convention collective.
La sénatrice Marshall : Donc, aucune décision n’avait été prise sur le sort des banques?
Mme Daviau : Je crois qu’il était clair pour nous que les banques allaient disparaître. Le gouvernement voulait pouvoir éliminer les banques des livres. C’était clair parce que c’est ce qu’il a fait après avoir adopté le projet de loi, et les libéraux ont dû rétablir la valeur de ces banques.
Mme Cooper : J’aimerais répondre à votre question à savoir si vous pourriez utiliser les 300 jours. Vous devez les utiliser tous avant d’être admissible à des prestations d’invalidité à long terme.
La sénatrice Marshall : Peu importe le solde de la banque?
Mme Cooper : Peu importe.
La sénatrice Marshall : Même si ce n’est que 10 jours?
Mme Cooper : Oui, mais 10 jours ne couvriraient pas toute la période d’attente avant d’y être admissible. Il y a donc un écart. Vous devez présenter une demande de prestations d’invalidité ou de maladie auprès du régime d’assurance-emploi pour obtenir un revenu pendant la période d’attente avant d’être admissible aux prestations d’invalidité à long terme.
La sénatrice Marshall : On parle de quel délai?
Mme Cooper : Treize semaines. Ainsi, si vous avez un solde de 10 jours de congé en banque, vous seriez payée pour deux semaines. Ensuite, pour les 11 autres semaines, vous pourriez demander des prestations de maladie de l’assurance-emploi, mais, comme pour la plupart des gens, cela ne remplacerait pas vraiment votre revenu.
Mme Daviau : Selon le nouveau régime que nous tentons de négocier, il y aurait une période d’invalidité à court terme de 26 semaines avant que la personne soit admissible à des prestations d’invalidité à long terme. Ce sont les deux délais qui existent à l’heure actuelle.
La sénatrice Marshall : Merci.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. Les régimes sont complexes, différents et uniques, mais aussi très similaires.
Lorsqu’il est question de rendement, de points de référence, de culture et d’information, l’une des choses que j’ai apprises — notamment au Sénat — est que de la fausse information circule. La fausse information et la perception s’inscrivent dans la réalité de nombreuses personnes qui prennent des décisions, qui assument ces rôles et qui sont assujetties à ces règles. Que faites-vous, individuellement ou collectivement, pour communiquer, tant à l’interne qu’à l’externe, ce qu’est la bonne information. Ce doit être un défi constant. Je ne parle pas simplement d’avoir un bon agent de communication. Quelles stratégies utilisez-vous pour relever ce défi?
Le président : Avez-vous des commentaires à ce sujet?
Mme Daviau : Je vais tenter de répondre à la question. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est notre plus gros défi, car nous nous opposons non seulement aux gros gouvernements, mais aussi aux grandes sociétés et aux gros capitaux. Jamais nous ne pourrions avoir assez d’argent pour nous exprimer aussi fort que nos opposants. Cela dit, nous représentons un nombre important de personnes. Je suppose que notre première stratégie consiste à veiller à ce que tous nos membres participent au travail que nous effectuons, puisque nous avons, collectivement, 250 000 membres capables de faire valoir le travail qui est effectué.
Je crois que certains sondages réalisés au cours des dernières années montrent que la perception que les Canadiens ont des services publics est en train de changer. Soit notre façon de faire fonctionne, soit le gouvernement fait quelque chose qui les pousse à changer leur perception. Les Canadiens appuient les services publics. Ce n’est pas toujours le cas des sénateurs, ni des députés, ni des dirigeants syndicaux, mais, à mon avis, les Canadiens respectent les services publics et en sont reconnaissants.
Par exemple, dans une entrevue que j’ai accordée à un journaliste, il a été question d’une étude du Royaume-Uni selon laquelle la fonction publique du Canada est la meilleure au monde. Le journaliste voulait savoir si les Canadiens sont du même avis et les encourageait à appeler pour dire si, selon eux, ce titre est mérité ainsi que pour raconter leur expérience par rapport au gouvernement. Personne n’a appelé.
Il y a cinq ans, les gens se seraient rués sur cette occasion de dénoncer le gouvernement. Or, ce jour-là, personne n’a appelé. Le pauvre animateur n’a eu d’autre choix que de raconter ses propres expériences d’interaction avec la fonction publique. Il a raconté une expérience positive de collaboration avec des représentants de l’administration municipale dans le cadre d’un projet communautaire. Il a parlé d’une expérience positive au bureau des passeports. Je tiens à préciser que l’entrevue a eu lieu à London.
Tout cela pour dire que la réaction des Canadiens par rapport aux services publics est en train de changer. Les résultats des sondages le montrent. Je crois que cela est attribuable au fait que nous, les représentants des travailleurs, en avons fait notre priorité. Nous avons beaucoup collaboré pour véhiculer ces messages. Surtout, nous entretenons de bien meilleures relations de travail avec le gouvernement, ce qui nous permet de travailler en partenariat pour exprimer la valeur des services publics. Un peu plus d’efforts en ce sens contribueraient probablement grandement à cette cause.
Le président : Cela fait 10 ans que je suis sénateur et je crois que c’est la première fois que je vois les quatre organisations qui représentent les fonctionnaires canadiens à la même réunion ici, à Ottawa. Je vous remercie de vos observations, points de vue, recommandations et visions d’avenir concernant la fonction publique du Canada. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’elle est la meilleure au monde. Merci.
Ce que vous avez dit est public. Si vous souhaitez ajouter des commentaires par rapport au projet de loi C-62, n’hésitez pas à le faire, par écrit ou par téléphone, par l’entremise de la greffière.
Honorables sénateurs, la prochaine séance aura lieu demain soir.
(La séance est levée.)