Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 80 - Témoignages du 21 novembre 2018 (séance du soir)
OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général, notamment les comptes publics, les rapports du vérificateur général et les finances publiques (sujet : Comptes publics du Canada 2018).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je suis président du comité. Je souhaite la bienvenue à tous ceux ici présents dans la salle et à ceux qui nous regardent à la télévision ou en ligne.
[Français]
Je tiens à rappeler à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne à l’adresse sen.canada.ca.
Maintenant, je demanderais aux sénateurs et aux sénatrices de bien vouloir se présenter, en commençant à ma gauche.
Le sénateur Forest : Bonsoir. Éric Forest, sénateur de la région du Golfe, au Québec.
Le sénateur Pratte : Bonsoir. André Pratte, du Québec.
La sénatrice Moncion : Bonsoir. Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Sénatrice Marty Deacon, Ontario.
La sénatrice Marshall : La sénatrice Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Ontario.
Le président : J’aimerais également vous présenter la greffière du comité, Gaëtane Lemay, ainsi que nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui composent l’équipe de soutien aux travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Honorables sénateurs et membres du public, le mandat du comité des finances nationales consiste à examiner les questions liées, de façon générale, au budget des dépenses du gouvernement fédéral, et notamment les comptes publics.
Aujourd’hui, nous tenons une séance sur les Comptes publics du Canada 2018, lesquels décrivent les résultats financiers du gouvernement au cours de l’exercice 2017-2018 et sa situation financière au 31 mars 2018. Ces comptes publics ont été déposés au Sénat du Canada le 23 octobre 2018.
[Français]
Pour la première heure de la réunion de ce soir, nous entendrons les témoignages de représentants de deux organisations.
[Traduction]
Premièrement, nous accueillons des représentants du Bureau du vérificateur général du Canada : Terrance DeJong, vérificateur général adjoint, Karen Hogan, directrice principale, et Renée Pichard, directrice principale.
Deuxièmement, nous recevons des représentantes du Bureau du contrôleur général, qui relève du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Mme Janique Caron, contrôleur général adjoint, Secteur de la gestion financière, ainsi que Diane Peressini, directrice exécutive, Politique comptable et rapports du gouvernement.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins ici ce soir et je les remercie d’avoir accepté notre invitation. La greffière m’informe que M. DeJong prononcera le premier exposé, et qu’il sera suivi de Mme Caron.
[Français]
Monsieur DeJong, la parole est à vous.
[Traduction]
Terrance DeJong, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de notre audit des états financiers consolidés du gouvernement du Canada de l’exercice 2017-2018. Je suis accompagné aujourd’hui de Mme Karen Hogan, directrice principale chargée de cet audit. Mme Renée Pichard est aussi avec nous, elle est directrice principale chargée du Commentaire sur les audits financiers de 2017-2018, qui a été déposé récemment et dans lequel nous présentons de l’information sur les audits financiers des organisations fédérales que le Bureau réalise.
Les états financiers consolidés du gouvernement sont un des documents clés du gouvernement en matière de reddition de comptes. Pour l’exercice clos le 31 mars 2018, le gouvernement avait un déficit d’environ 19 milliards de dollars et une dette nette de 759 milliards de dollars. La dette nette correspond à l’excédent des passifs du gouvernement sur la valeur de ses actifs financiers.
[Français]
Notre rapport de l’auditeur indépendant, notre opinion d’audit, figure à la page 48 du volume I des Comptes publics du Canada. Nous avons constaté que les états financiers étaient conformes, dans tous leurs aspects significatifs, aux principes comptables généralement reconnus pour le secteur public. C’est donc dire que vous pouvez vous fier aux informations qu’ils contiennent.
Peu de gouvernements nationaux obtiennent une opinion d’audit sans réserve sur leurs états financiers. Le gouvernement du Canada devrait être fier d’avoir réussi ce tour de force chaque année au cours des 20 dernières années.
[Traduction]
Cette année, nos employés ont consacré plus de 60 000 heures à l’audit des états financiers du gouvernement, ce qui est plus que ce qu’il faut pour mener à terme sept audits de performance. Cet audit financier est important parce qu’il aide le Parlement à exercer une surveillance sur le gouvernement, favorise la transparence et encourage une bonne gestion financière.
Notre commentaire sur les audits financiers de 2017-2018 renferme trois observations qui découlent de notre audit des états financiers consolidés du gouvernement.
[Français]
Ce commentaire n’est pas un rapport d’audit. Il fait plutôt ressortir les résultats de tous les audits financiers que nous avons réalisés et présente des commentaires sur les résultats. Nous voulons ainsi communiquer aux parlementaires de l’information utile et facile à trouver sur nos audits d’états financiers.
Les trois observations formulées sur les états financiers de 2017-2018 du gouvernement portent sur la gestion de la paie, les taux d’actualisation utilisés par la direction pour établir ses estimations, et la gestion des stocks de la Défense nationale.
Permettez-moi d’aborder brièvement chacun de ces points.
[Traduction]
Commençons par la gestion de la paye. Encore cette année, nous avons relevé des déficiences dans les contrôles internes du gouvernement visant les charges salariales. Nous avons donc dû effectuer des tests d’audit détaillés sur les salaires et les avantages sociaux d’une valeur de 25 milliards de dollars qui avaient été traités par le système de paye Phénix.
Nous avons examiné environ 16 000 opérations de paye dans 47 ministères. Nous avons constaté que 62 p. 100 des employés de notre échantillon avaient eu une paye inexacte au moins une fois dans l’année. Nous avons estimé que les paiements en moins s’élevaient à 369 millions de dollars et que les paiements en trop se chiffraient à 246 millions de dollars.
Même s’il y a eu beaucoup d’erreurs dans les payes individuelles, elles n’ont pas donné lieu à une erreur significative dans les charges salariales totales présentées par le gouvernement. Cela s’explique par le fait que les paiements en trop et en moins se sont compensés partiellement et que le gouvernement a comptabilisé des écritures d’ajustement comptable de fin d’exercice pour améliorer l’exactitude de ses charges salariales. Ces ajustements ont seulement permis de modifier les charges salariales présentées dans les états financiers consolidés. Le gouvernement n’a pas corrigé les problèmes sous-jacents, ni les erreurs de paye qui continuent de toucher des milliers d’employés.
Le deuxième point abordé dans nos observations est positif. Il souligne la résolution d’un problème que nous avions signalé les deux dernières années. Au cours de l’exercice 2017-2018, le gouvernement a fini d’examiner les taux d’actualisation qui servaient à estimer le montant de ses passifs à long terme. Cet examen, qui portait sur un point important, a été rigoureux. L’incidence la plus importante de l’adoption d’une nouvelle méthode de détermination des taux d’actualisation a touché l’évaluation des passifs non capitalisés des régimes de retraite du secteur public. Ce changement a fait augmenter la valeur de ces passifs de 19,6 milliards de dollars par rapport aux exercices antérieurs. À notre avis, cela correspond mieux au montant que le gouvernement devra payer pour honorer ses promesses au titre des pensions.
Nous notons avec plaisir que les soldes des états financiers de l’exercice précédent ont été ajustés. Il est donc plus facile de comparer les résultats d’un exercice à l’autre. La note 2 afférente aux états financiers audités présente de l’information détaillée sur ce changement.
[Français]
Le troisième point abordé dans nos observations concerne la comptabilisation et l’évaluation des stocks de la Défense nationale d’une valeur d’environ 6 milliards de dollars. Chaque année, depuis 15 ans, nous signalons ce point au Parlement. Nous sommes satisfaits des mesures prises par le ministère au cours du dernier exercice. Nous nous attendons à constater des progrès supplémentaires au cours des années à venir, alors que le ministère prendra les mesures nécessaires pour améliorer ses méthodes de gestion des stocks.
En plus de nos observations sur les états financiers consolidés du gouvernement, nous abordons d’autres points dans notre commentaire, que j’aimerais souligner aujourd’hui.
Premièrement, à la lumière de nos discussions avec la Défense nationale, nous prévoyons que le ministère réussira à régler les problèmes comptables relatifs au régime de pension de la Force de réserve au cours des prochaines années. Deuxièmement, nous avons observé que le gouvernement a apporté certaines améliorations à son analyse des états financiers. Nous continuerons de collaborer avec le gouvernement en vue de trouver des façons pour lui d’améliorer l’information financière présentée. Nous sommes d’avis que nous pouvons aussi aider le gouvernement à simplifier les autres informations qu’il présente dans les Comptes publics du Canada afin qu’elles soient plus faciles à comprendre.
[Traduction]
Troisièmement, le gouvernement a plus de 30 projets informatiques importants qui sont prévus ou en cours. Ces projets posent un risque pour le gouvernement, car les organisations fédérales comptent sur ces systèmes informatiques complexes pour offrir des services à la population. Le gouvernement doit surveiller la mise en œuvre de ces projets, et tester et évaluer les systèmes avant de procéder à une conversion.
Enfin, dans notre commentaire, nous analysons les informations sur lesquelles repose l’approbation des dépenses publiques par le Parlement. Près des deux tiers des dépenses publiques ne sont pas soumises à l’approbation du Parlement, dans le cadre du processus du Budget principal des dépenses, parce qu’elles ont été autorisées par d’autres lois par le passé. Les parlementaires se doivent de comprendre la nature de ces dépenses.
Tous les ans, il y a un écart de plusieurs milliards de dollars entre les montants présentés dans le budget et ceux présentés dans le Budget principal des dépenses. Pour l’exercice considéré, cet écart était de 62,5 milliards de dollars. Nous estimons que la majorité de ce montant devrait être incorporée dans les dépenses législatives.
[Français]
Monsieur le président, j’aimerais remercier le contrôleur général, son personnel et le personnel des nombreux ministères, organismes et sociétés d’État qui ont participé à l’établissement des états financiers consolidés du gouvernement. Leurs efforts, leur coopération et leur assistance sont grandement appréciés. Je tiens aussi à remercier sincèrement les membres de mon personnel de leur dévouement et des longues heures de travail qu’ils ont consacrées à la réalisation de nos audits financiers.
Je conclus ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur DeJong.
Je donne maintenant la parole à Mme Janique Caron.
[Traduction]
Janique Caron, contrôleur général adjoint, Secteur de la gestion financière, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui. J’aimerais profiter de cette occasion pour parler des Comptes publics du Canada 2017-2018. Je suis accompagnée aujourd’hui de ma collègue du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Diane Peressini, directrice exécutive, Politique comptable et rapports du gouvernement.
[Français]
Monsieur le président, les comptes publics comprennent les états financiers audités consolidés de l’exercice 2017-2018 qui s’est terminé le 31 mars 2018, ainsi que d’autres renseignements financiers non audités. Ce document fait partie d’une série de rapports destinés au Parlement et aux Canadiens qui sont préparés par le Bureau du receveur général pour le compte du gouvernement.
[Traduction]
Il montre comment le gouvernement dépense les fonds qu’il a demandés au Parlement et comment il a généré des revenus.
Les comptes publics comprennent trois volumes. Nous les voyons ici. Le volume I contient les états financiers consolidés vérifiés du gouvernement du Canada et les notes aux états financiers, les commentaires et l’analyse des états financiers et le rapport de vérification indépendante du vérificateur général. Pour la première fois cette année, les observations du vérificateur général ne sont plus présentées dans le volume I; celles-ci font maintenant partie du Commentaire sur les audits financiers de 2017-2018, qui a été déposé au Parlement le 19 octobre 2018.
Le volume II présente les opérations financières du gouvernement pour chaque portefeuille ministériel. Plus particulièrement, il présente les sources des autorisations de dépenser, la répartition des fonds dépensés au cours de l’année et les fonds non utilisés.
[Français]
Le volume III présente des données et des analyses supplémentaires, telles que des informations exigées par la Loi sur la gestion des finances publiques et les renseignements qui ont été demandés par le Parlement au cours des années précédentes.
[Traduction]
Monsieur le président, je suis heureuse de mentionner qu’il s’agit de la 20e année consécutive où le vérificateur général a exprimé une opinion d’audit non modifiée, ou sans réserve, au sujet de ces états financiers. Cela témoigne du maintien de la haute qualité et de l’exactitude du système de production de rapports financiers du Canada et du professionnalisme des personnes concernées.
[Français]
Cela démontre également l’engagement du gouvernement à l’égard de la gestion financière responsable et de la surveillance des fonds publics.
[Traduction]
Pour l’exercice 2017-2018, les comptes publics montrent un déficit annuel de 19 milliards de dollars, qui est presque le même que celui de l’année dernière, ainsi qu’un déficit accumulé de 671,3 milliards de dollars.
Le ratio du déficit accumulé par rapport au PIB est de 31,3 p. 100, ce qui est légèrement inférieur au ratio de 32 p. 100 de l’exercice précédent.
[Français]
Il convient de noter que cette année, le gouvernement a modifié sa méthode de sélection du taux d’actualisation pour favoriser la mesure uniforme des éléments dans les états financiers
[Traduction]
Les taux d’actualisation servent à estimer la valeur actuelle des flux de trésorerie qui se produiront à l’avenir. Le nouveau taux d’actualisation a été utilisé pour un certain nombre d’actifs et de passifs. En ce qui concerne les obligations au titre des prestations de retraite non capitalisées, l’utilisation de ce nouveau taux représente un changement fondamental de l’approche d’actualisation du gouvernement. Par conséquent, il a été considéré comme une modification apportée aux conventions comptables et appliqué de façon rétroactive.
Monsieur le président, ces états financiers sont le fruit du travail assidu de nombreuses personnes. Ils sont préparés sous la direction conjointe du ministre des Finances, du président du Conseil du Trésor et du receveur général du Canada.
[Français]
J’aimerais exprimer ma gratitude à l’équipe de la gestion financière du gouvernement du Canada pour l’excellent travail qu’elle a accompli lors de la préparation de ces états financiers.
[Traduction]
J’aimerais aussi remercier le Bureau du vérificateur général de sa collaboration et de son aide soutenues. Ils ont travaillé pendant de longues heures, comme M. DeJong l’a mentionné, et collaboré étroitement avec mon bureau pour parvenir à formuler cette opinion d’audit sans réserve pour la 20e fois.
J’aimerais exprimer ma reconnaissance à mon équipe de travail sur les comptes publics cette année : ce fut une année exceptionnelle. Nous leur sommes très reconnaissants de leur dévouement, de leur professionnalisme et de leur intégrité.
Monsieur le président, c’est avec plaisir que nous répondrons maintenant aux questions du comité.
Le président : Merci, madame Caron.
Avant de passer aux questions, j’aimerais demander à la sénatrice Andreychuk et au sénateur Neufeld de se présenter.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Marshall : Ma première question porte sur l’oléoduc Trans Mountain, car il y a très peu d’information à ce sujet. J’ai cherché, je m’attendais à trouver une note dans les états financiers du gouvernement, mais je n’y ai pas trouvé grand-chose. J’ai passé du temps à tâcher de comprendre ce qui se passe concernant la Trans Mountain Corporation, et il semble que l’information se trouve à plusieurs endroits. Il y a de l’information sur la corporation de développement. Je pense qu’il y a une garantie qui a été émise par Exportation et développement Canada.
Ma question s’adresse tant aux représentantes du Bureau du contrôleur général qu’à ceux du Bureau du vérificateur général. Je suis consciente qu’il s’agit d’un événement survenu après, mais pouvez-vous nous fournir de plus amples renseignements sur cet investissement? Pouvez-vous aussi nous indiquer comment il paraîtra dans les états financiers du prochain exercice?
Karen Hogan, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Les premiers états financiers vérifiés sur l’oléoduc Trans Mountain paraîtront après le 31 décembre. La première fin d’exercice applicable est le 31 décembre 2018. Nos équipes de vérification sont déjà au travail, donc ces sommes feront partie des montants consignés pour l’acquisition des actifs de l’oléoduc Trans Mountain
L’oléoduc est une filiale en propriété exclusive de la Corporation de développement des investissements du Canada, donc tous les chiffres seront regroupés sous la rubrique de cette société d’État, et les états financiers de la société d’État figureront dans les états financiers du gouvernement du Canada au 31 mars 2019.
La sénatrice Marshall : Pourquoi les transactions relatives à Trans Mountain paraîtront-elles dans les états financiers de deux sociétés d’État? La garantie a été émise par Exportation et développement Canada, mais il y a ensuite aussi la Trans Mountain Corporation. Il semble donc que le gouvernement sépare ses transactions : certaines seront affectées à une société d’État et d’autres, à l’autre.
Mme Hogan : Je peux vous donner une partie de la réponse, puis Mme Caron pourra compléter.
Cette acquisition s’est faite par une société d’État, la Trans Mountain Corporation, donc c’est là où les actifs paraîtront. Il a toutefois été décidé d’inscrire le financement associé à cela dans le Compte du Canada, qui est géré par Exportation et développement Canada.
Je ne sais pas si Mme Caron veut ajouter quelque chose.
La sénatrice Marshall : Je cherche l’information, et je trouve que cela arrive assez souvent. J’essaie de trouver de l’information dans les comptes publics et les états financiers, mais il faut vraiment la chercher. J’ai noté ces deux sociétés d’État. Je ne sais pas s’il y a d’autres renseignements ailleurs. Vous pouvez peut-être m’orienter.
Mme Caron : Peut-être que la difficulté à trouver l’information actuellement vient du fait que ces dépenses ont été engagées pendant cet exercice-ci. Donc, quand la CDEV fermera ses livres, au 31 décembre, et préparera ses états financiers, elle fournira un peu plus d’information. Puis si je ne me trompe pas, le Compte du Canada suit un cycle d’avril à mars.
Diane Peressini, directrice exécutive, Comptabilité gouvernementale, politique et rapport, Bureau du contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Il y a un rapport annuel sur le Compte du Canada au 31 mars, mais Exportation et développement Canada publiera en décembre...
Mme Caron : Vous aurez donc accès à plus d’information une fois l’exercice clos et les états financiers publiés.
Mme Peressini : Il y a aussi des rapports financiers trimestriels dans lesquels paraissent les transactions au fur et à mesure.
La sénatrice Marshall : Il faudrait que j’y jette un coup d’œil.
Dans les états financiers du gouvernement, il est écrit qu’elles paraîtront dans les états financiers de 2019, donc elles figureront parmi les investissements dans les états financiers du gouvernement?
Mme Peressini : C’est en raison du mode de comptabilité d’une société d’État. Donc dans les faits, les données ne sont pas ventilées ligne par ligne. Il y aura une somme pour les investissements dans la CDEV, puis tous les profits ou les pertes paraîtront dans nos résultats annuels. Ce n’est donc pas le montant de l’investissement direct dans l’oléoduc qui paraîtra.
La sénatrice Marshall : Je sais que vous devrez évaluer la valeur de l’actif l’an prochain. S’il doit y avoir une dépréciation, paraîtra-t-elle dans les états financiers du gouvernement?
Mme Caron : Nécessairement, parce que ce sont des états financiers consolidés, oui.
La sénatrice Marshall : Donc, le déficit augmentera proportionnellement à l’ampleur de la dépréciation. Très bien. C’était ma question.
Pour ce qui est du Régime de pension de la Force de réserve, pourquoi est-il si difficile de résoudre le problème? Quel est-il, exactement? Il semble traîner depuis des années. J’en ai déjà eu connaissance, et c’est toujours un problème. Quel est-il? Cela semble être un problème particulier. Tout le reste semble bien aller, mais il y a toujours un grave problème concernant le Régime de pension de la Force de réserve. Est-ce que l’un d’entre vous peut m’expliquer cela, s’il vous plaît?
Mme Hogan : Le problème, depuis quelques années, c’est que la Force de réserve n’arrive pas à fournir la documentation nécessaire à l’appui des contributions ou des sommes qu’elle doit à ses membres. Sans preuve de leurs gains, il est difficile d’établir ce qu’on leur doit. Nous travaillons donc avec elle pour l’aider à améliorer sa documentation, afin de produire l’information nécessaire pour pouvoir mieux estimer les sommes dues.
La sénatrice Marshall : Pourtant, il doit y avoir des documents originaux. Ont-ils été détruits?
Mme Hogan : Je pense que c’est très décentralisé en raison de l’éparpillement au pays des membres de la Force de réserve et qu’il y a probablement beaucoup de documentation papier qui n’a pas été transmise d’une base à l’autre. Cela pose donc un problème, parce qu’il manque de données qui remontent à longtemps.
La sénatrice Marshall : Peut-on espérer une résolution bientôt?
Mme Caron : Essentiellement, le MDN s’affaire à recréer l’information, à envoyer des copies des pièces d’identité du gouvernement, à confirmer l’information et à envoyer des confirmations. Le ministère préparera ses lettres de confirmation, et il semble que ce soit peut-être la mesure nécessaire pour fournir l’information qui pourra être vérifiée plus tard, donc il y a de l’espoir.
La sénatrice Marshall : Croyez-vous que ce problème se réglera au cours de la prochaine année ou qu’il se posera toujours l’an prochain?
Mme Caron : Le ministère travaille vraiment pour le résoudre au cours du prochain exercice.
La sénatrice Marshall : Merci.
Vous avez publié votre rapport d’audit sur la Corporation de développement des investissements du Canada. On y trouve un commentaire sur la Société de gestion Canada Hibernia. Je représente Terre-Neuve-et-Labrador. Ce commentaire est essentiellement positif, mais vous mettez en lumière une faiblesse en particulier : la société n’avait pas les outils nécessaires pour faire facilement le suivi de toutes ses obligations contractuelles. Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce que cela signifie?
M. DeJong : Je présume que vous parlez du rapport d’examen spécial sur la CDEV.
La sénatrice Marshall : Oui, il vient juste d’être publié.
M. DeJong : Je devrai vous répondre ultérieurement sur les détails à ce sujet, plutôt que d’essayer de vous répondre maintenant.
La sénatrice Marshall : Pouvez-vous me donner des détails? Je m’interroge sur les obligations contractuelles. Parle-t-on d’une ou deux obligations contractuelles ou y en a-t-il une multitude dans les contrats? J’aimerais un peu plus d’information à ce sujet.
Me reste-t-il du temps ou dois-je m’inscrire au second tour?
Le président : Vous devrez vous inscrire au second tour, sénatrice Marshall.
Le sénateur Pratte : J’essaierai d’être aussi bref que possible, pour que la sénatrice Marshall ait plus de temps. C’est très intéressant.
J’ai une brève question à poser, et j’espère que vos réponses seront assez claires pour qu’une personne ordinaire comme moi puisse comprendre. Je me questionne sur le problème apparemment résolu des taux d’actualisation des pensions. Je me demande si vous pouvez nous expliquer un peu plus la nature du problème, à votre avis, parce que vous aviez relevé un problème il y a quelques années. Quel était-il? Pourquoi les taux d’actualisation étaient-ils surévalués, selon vous?
M. DeJong : Je vous répondrai rapidement, puis céderai la parole à Karen, qui a participé à la recherche d’une solution avec le contrôleur général.
Les normes en vigueur dans le secteur public prévoient une bonne marge de manœuvre. Ce qu’il faisait auparavant était permis selon ces normes, mais nous avons conclu, en gros, que c’était vraiment le maximum qui puisse se justifier selon ces normes.
Il y a aussi qu’ils avaient tendance à se fonder davantage sur des taux historiques que sur les taux réels de la fin de la période. Il semblait un peu plus objectif d’utiliser des taux observables sur le marché que des taux s’inscrivant davantage dans un contexte historique.
Pour ce qui est des détails, je vais demander à Karen de continuer.
Mme Hogan : Je n’ai pas grand-chose à ajouter à part qu’habituellement, un taux d’actualisation élevé se traduit par un passif plus faible. C’est toujours une préoccupation lorsqu’on fait un audit d’une estimation de la direction. Comme l’a dit Terry, nous estimions que le taux utilisé était à la limite supérieure de la fourchette des taux acceptables — acceptables, presque un peu trop élevé. On veut voir les taux du marché à la date de clôture, de sorte qu’on veut toujours se reporter au 31 mars, examiner ce qui se passe et les pratiques sectorielles. La méthode qui est utilisée maintenant est beaucoup plus conforme à tous ces éléments, et nous croyons que cela favorise une meilleure estimation du passif.
Le sénateur Pratte : Savez-vous si le gouvernement choisissait ces taux d’actualisation pour sous-estimer les passifs? Avait-il tout simplement de bonnes raisons de le faire que vous ne trouviez pas acceptables?
Mme Hogan : Par le passé, la méthode utilisée était sensée, mais le marché a évolué et il était temps de la revoir. C’est ce qu’on fait à chaque période. La direction doit examiner leurs estimations importantes et déterminer s’il est temps de modifier la méthode utilisée pour déterminer les taux. Il était simplement temps de modifier les taux d’actualisation.
Le sénateur Pratte : Merci.
La sénatrice Eaton : Je veux vous parler de la défense. Dans votre exposé, monsieur DeJong, vous avez parlé de différentes choses qui touchent la Défense nationale. Il semble que le ministère a de la difficulté à mettre en œuvre son plan à long terme pour régler les problèmes d’évaluation et de comptabilisation de ses stocks, mais il devra consacrer du temps et des efforts à sa mise en œuvre. Quel est le problème? Il dure depuis des années. De quoi s’agit-il? Parle-t-on d’un problème mécanique ou opérationnel?
M. DeJong : En gros, il s’agit de l’exactitude des registres d’inventaire concernant les quantités et les prix. Bon nombre de ces articles sont très vieux, et donc certains de ces...
La sénatrice Eaton : Autrement dit, on n’a pas pris l’information en note au fil des ans.
M. DeJong : Dans certains cas, oui. Dans d’autres, il s’agit de l’exactitude de la saisie initiale. Il y a différents types de problèmes.
La sénatrice Eaton : Au moment où un produit a été acheté, on n’a pas inscrit qu’il y avait, par exemple 10 balles qui coûtent un montant X ?
M. DeJong : Dans certains cas, le prix n’a peut-être pas été inscrit correctement dans le système. Dans d’autres, on n’a peut-être pas inscrit la bonne quantité. Il y a un certain nombre de causes.
Pour ce qui est de la réponse de la Défense nationale, il y a environ deux ans, elle a présenté un plan qui, à notre avis, était assez complet, en fait. Il faudra beaucoup de temps pour régler ce problème, et je ne m’attends donc pas à ce que nos observations sur les stocks de la Défense nationale s’effacent bientôt. Cependant, il faut dire que le ministère donne suite à ce qu’il a promis d’accomplir au cours des deux premières années du plan. L’information sur les munitions, en particulier, un des volets qui comportaient beaucoup d’erreurs par le passé, est beaucoup plus exacte qu’elle l’était auparavant.
Nous trouvons les progrès encourageants, mais nous sommes réalistes quant à l’ampleur du défi.
La sénatrice Eaton : Dans le rapport du vérificateur général sur les avions de combat qui a été publié hier, on indique que l’ajout d’avions de combat d’occasion à une flotte déjà vieillissante n’améliore pas vraiment la capacité de combat du Canada; que le Canada ne sera peut-être pas en mesure de respecter ses engagements auprès du NORAD et de l’OTAN simultanément; et que l’achat d’avions de combat pour un usage provisoire ne changerait pas cela. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. DeJong : Concernant l’audit, il faudrait poser ces questions à l’équipe responsable.
La sénatrice Eaton : Autrement dit, vous ne voulez pas y répondre. Je suis certaine que vous savez exactement de quoi il s’agit.
M. DeJong : En fait, ce n’est pas le cas. Selon notre façon de fonctionner, je m’occupe davantage des audits financiers et je participe peu à l’audit de performance. Je ne voudrais pas dire des choses inexactes.
La sénatrice Eaton : Je vais passer à une autre question. Nous avons de la difficulté à obtenir des réponses de la part du MDN , et j’avais espéré que vous puissiez nous éclairer.
M. DeJong : Cela soulève une question intéressante qui montre probablement toute la complexité de la question des stocks. Lorsqu’on achète des avions de combat, souvent, il y a aussi toutes les pièces de rechange et toutes les autres choses. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter un avion de combat; il s’agit d’ajouter toutes les pièces de rechange, de décider...
La sénatrice Eaton : Et il s’agit d’un avion de chasse d’occasion.
M. DeJong : Et ce sont aussi des pièces d’occasions. Il faut déterminer la valeur de tous ces éléments.
C’est un processus complexe, mais je ne participe pas à l’audit de performance.
La sénatrice Eaton : Dans votre exposé, vous avez dit que tous les ans, il y a un écart de plusieurs milliards de dollars entre les montants présentés dans le budget et ceux présentés dans le Budget principal des dépenses. Pour l’exercice considéré, cet écart était de 62,5 milliards de dollars. S’agit-il d’un montant total, ou c’est seulement qu’il y a une différence de 62,5 milliards de dollars cette année?
M. DeJong : Il s’agit d’un problème permanent. Il s’agit du montant de cette année. Je pense que Renée...
La sénatrice Eaton : Donc, c’est le montant de cette année. On ne parle pas d’une somme à partir d’autres années?
Renée Pichard, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Non, c’est un montant total présenté chaque année. Il s’agit de la valeur en date du Budget principal des dépenses.
[Français]
La sénatrice Moncion : J’aimerais poursuivre avec la réponse que vous venez de donner à la sénatrice et parler du montant de 62,5 milliards de dollars. J’imagine que vous savez pourquoi on agit ainsi quand on prépare un budget. Normalement, on prépare le budget en fonction des besoins pour l’année à venir et on ne devrait pas se retrouver avec des dépenses supplémentaires de l’ordre de 62,5 milliards de dollars. Je ne sais pas si c’est fait de façon délibérée ou s’il s’agit d’une pratique qui existe depuis toujours et que l’on poursuit.
Mme Pichard : L’enjeu consiste à présenter ces montants dans le document des dépenses supplémentaires. La plus grande partie de cette somme de 62 milliards de dollars est reliée à deux éléments, qui sont énumérés dans le rapport, soit les prestations pour l’assurance-emploi et le crédit d’impôt pour enfants. Ces deux montants, pour une raison qui n’est pas évidente, se présentent comme étant une différence. Toutefois, ce sont des dépenses législatives. Ces montants ont été préapprouvés dans le cadre de lois antérieures.
Pour améliorer la clarté du document des dépenses supplémentaires, nous croyons que ces montants devraient être présentés selon leur nature dans la catégorie des dépenses législatives. Il est question ici d’améliorer la clarté de l’information présentée dans le Budget supplémentaire des dépenses.
La sénatrice Moncion : Y a-t-il une raison pour laquelle ils ne le sont pas?
Mme Caron : Nous accueillons la suggestion du vérificateur général à ce chapitre. Le Budget principal des dépenses permet aux parlementaires de voter sur les crédits parlementaires qui doivent être adoptés. Comme les crédits législatifs ne sont pas assujettis à des approbations sur une base annuelle, l’accent est mis sur les crédits parlementaires qui doivent être adoptés.
Les informations liées au crédit d’impôt pour enfants et aux prestations d’assurance-emploi sont présentées aussi dans d’autres sources. Nous sommes prêts à examiner la possibilité de prévoir une meilleure consolidation de l’information.
La sénatrice Moncion : Dans vos deux rapports, vous parlez d’un déficit accumulé de 671,3 milliards de dollars. M. DeJong parle d’un déficit de 759 milliards de dollars. Lequel est le bon?
Mme Caron : Les deux.
La sénatrice Moncion : Je préfère le montant de 671 milliards de dollars.
Mme Caron : Deux montants sont présentés dans les états financiers. Celui de 671 milliards de dollars représente la position finale ou l’équivalent du bilan du gouvernement. C’est la différence entre tous les passifs, les actifs financiers et les actifs tangibles. Le montant mentionné par M. DeJong exclut les actifs tangibles. Il représente le total des passifs et les actifs financiers seulement.
La sénatrice Moncion : Lorsqu’on regarde les documents qui ont été produits par le directeur parlementaire du budget, on voit que le déficit est beaucoup plus élevé. En soustrayant les actifs, on arrive à un montant d’environ 700 milliards de dollars. Vous parlez d’autres actifs. Je regardais cette information la semaine dernière. Le déficit actuel combiné des autres entreprises, y compris la SCHL, s’élève à 1,071 milliards de dollars. Une fois qu’on soustrait les actifs, on arrive à peu près à vos chiffres.
Mme Caron : Je ne sais pas s’il parle du passif. Le total du passif se chiffre à environ 1,157 milliards de dollars. Lorsqu’on prend en considération les actifs financiers de presque 400 milliards de dollars, qui sont valides et qui sont inscrits au bilan, on arrive à une dette nette de 758 milliards. Il faut aussi tenir compte des actifs tangibles, qui sont liés à la prestation des services et qui représentent 671 milliards. Cela reflète la consolidation des sociétés d’État. Voilà donc la position au 31 mars.
Je ne connais pas le document du directeur parlementaire du budget, mais je pourrais en faire le suivi.
La sénatrice Moncion : C’est bon. Merci.
Le sénateur Forest : Dans la version française du document de M. DeJong, on parle d’erreurs de l’ordre de 369 milliards de dollars en moins, et de 246 milliards de dollars en plus sur la paie. J’imagine qu’il doit s’agir de millions, et non de milliards de dollars — du moins, je l’espère.
Mme Hogan : En effet, il s’agit de millions de dollars.
Le sénateur Forest : Ma question concerne les régimes de retraite. Vous dites que le changement a fait augmenter le passif de 19,6 milliards de dollars, par rapport aux estimations antérieures, afin que le gouvernement puisse honorer sa promesse. Si aujourd’hui on arrêtait de capitaliser les fonds de régime de retraite avec l’augmentation du déficit de 19,6 milliards de dollars, dois-je comprendre qu’on pourrait honorer, jusqu’à maintenant, la promesse liée aux régimes de retraite faite aux employés?
Mme Hogan : La terminologie comptable, lorsqu’il s’agit des fonds de pension, n’est pas la même. Je vais tout de même essayer de vous répondre en français.
Il y a une différence entre une estimation comptable des fonds de pension et une estimation « on a funding basis ».
Le sénateur Forest : En fait, l’évaluation actuarielle.
Mme Hogan : En effet. Ici, on voit l’évaluation actuarielle pour les états financiers, et elle n’a pas d’impact, à savoir s’il y a assez d’argent dans les fonds de pension afin de payer toutes les prestations aux membres.
[Traduction]
Il faut savoir qu’il y a une différence entre une évaluation actuarielle ou la solvabilité du régime de retraite et l’estimation comptable. Ceci a changé l’estimation comptable, donc l’estimation, en date du 31 mars, de ce que seront les flux de trésorerie en dollars d’aujourd’hui. Cela n’a pas eu de répercussions sur la question de savoir s’il y a assez d’argent ou comment les paiements seront faits. Il s’agit d’une estimation comptable pour les états financiers.
[Français]
Le sénateur Forest : Quand vous parlez d’honorer les promesses au titre des pensions, cela signifie que, avec ce qu’on capitaliserait des 19,6 milliards de dollars, on serait en mesure d’honorer les promesses en date d’aujourd’hui. Si le gouvernement fermait ses portes aujourd’hui, on pourrait tout de même honorer l’ensemble des promesses en calculant ce passif.
Mme Hogan : Aujourd’hui? C’est-à-dire au 31 mars 2018.
Le sénateur Forest : Il y a peu de chances que le gouvernement ferme ses portes. Toutefois, on capitalise quand même les 19,6 milliards de dollars dans nos comptes.
Mme Caron : Il faut estimer le passif qui est dû. Or, c’est le passif qui est non capitalisé, donc qui porte sur les pensions de l’année 2000 et des années précédentes. À partir de l’année 2000, le fonds de pension est capitalisé. Des actifs sont mis de côté pour honorer les montants qui seront payés. Dans cette estimation, le taux d’actualisation a changé d’un point de vue comptable. Cela ne change pas les contributions des membres ni les droits aux pensions. Cela ne change pas le régime de pension ni les montants qui seront payés.
Le sénateur Forest : Il a un impact sur le passif.
Mme Caron : Du point de vue de la version comptable, oui.
Le sénateur Forest : On ne capitalisait pas avant 2000. On considérait les régimes de pension comme une dépense courante.
Mme Caron : Pour le montant capitalisé sans fonds, on n’avait pas mis de côté d’actifs séparément et qui seraient gérés par un conseil.
Le sénateur Forest : Par un gestionnaire de fonds.
Mme Caron : Un gestionnaire de fonds, justement. C’est vraiment le fonds du revenu consolidé qui est la source de fonds pour payer ces pensions pour l’année 2000 et les années précédentes.
Le sénateur Forest : Je pense que c’était la bonne façon de faire.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous de votre présence ce soir. Dans le cadre de notre étude du rapport, j’aimerais parler du processus, soit de l’approbation des dépenses publiques par le Parlement. Nous savons que cela doit être concis et précis. Il en est question à la section 17 et aux sections suivantes du rapport.
À votre avis, pouvons-nous améliorer notre façon d’approuver, d’autoriser et de dépenser en suivant le cycle annuel?
Bien entendu, des modifications et des améliorations ont été apportées au processus budgétaire annuel récemment, mais je me demande s’il y a, selon vous, des moyens d’améliorer l’examen parlementaire des dépenses du gouvernement.
Mme Pichard : Nous avons relevé la réforme du Budget principal des dépenses. Nous croyons que des améliorations importantes ont été apportées quant au moment où il est publié pour améliorer son alignement avec le montant prévu au budget.
Un nouveau mécanisme a été créé avec ce qu’on appelle le crédit 40 — j’ignore si vous le connaissez —, une mesure provisoire qui a été mise en place pour que le Budget principal des dépenses reflète tous les montants inscrits au budget.
Nous ne nous sommes pas penchés sur d’autres améliorations à apporter. Nous avons constaté que celle-là avait été apportée. C’est une chose que nous surveillerons, mais à ce moment-ci, nous n’avons pas vraiment regardé les détails de ces aspects pratiques pour déterminer s’il y a d’autres aspects à améliorer. Or, c’est assurément une question prioritaire.
Mme Hogan : Nous avons également constaté que le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires avait recommandé que sur un certain nombre d’années, les parlementaires devraient examiner toutes les dépenses législatives pour s’assurer qu’elles sont encore pertinentes. Nous croyons que c’est aussi quelque chose qui devrait se faire parce que les dépenses législatives ne font pas l’objet d’un vote tous les ans. On veut s’assurer que c’est toujours pertinent concernant les opérations gouvernementales et les besoins des Canadiens.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
La sénatrice Andreychuk : Ma question s’adresse aux représentants du Bureau du vérificateur général. Encore une fois, concernant Phénix, vous avez fait des observations et des déclarations à ce sujet, mais vous dites qu’il y a des projets importants comportant des composantes informatiques, par opposition à des projets de grande envergure comme Phénix.
Ils semblent être en cours. Ce ne sont pas de nouveaux projets, si je comprends bien. Y a-t-il eu des problèmes semblables à ceux qu’on a rencontrés avec Phénix, mais à plus petite échelle?
J’ai examiné votre pièce 6, qui s’intitule « pratiques courantes en gouvernance et gestion de projets informatiques ». Je les ai lues, et même selon ma façon simple de les examiner, elles vont de soi. On obtient les approbations et on établit une base. Il faut informer les gestionnaires dès qu’il y a un problème. Le vérificateur général a déjà dit que la haute direction n’était pas au courant ou qu’on ne l’avait pas informée en temps opportun, et cetera.
Ma première question porte sur les autres projets. Avez-vous constaté des ressemblances, qui vous ont amené à inclure la pièce 6? Est-ce la première fois que vous incluez une telle pièce 6 de quelque manière que ce soit? Si c’est le cas, allez-vous faire un suivi là-dessus pour déterminer si ces pratiques de gouvernance, d’analyse de rentabilisation et de capacité organisationnelle s’appliquent à Phénix et aux technologies de l’information?
M. DeJong : Je vais répondre brièvement et je cèderai la parole à Renée, qui s’occupe davantage de ce volet.
Ce sont des projets en cours. À ce que nous sachions, ils n’ont pas été touchés par des problèmes d’une ampleur comparable à ceux liés à Phénix. Je crois qu’il y a des difficultés ordinaires, mais à mon avis, la situation de Phénix et les leçons tirées quant à l’absence de mécanismes de contrôle de base dont la mise en place pourrait aller de soi incitent le gouvernement à surveiller ces mêmes types de mécanismes pour ces autres projets afin de s’assurer qu’on ne se retrouve pas avec un autre système Phénix.
Mme Pichard : En effet, c’est la première fois que nous le faisons. Dans le cadre de notre audit financier, nous devons avoir une connaissance de base des systèmes et des processus qui ont des répercussions sur l’information financière. La plupart du temps, notre connaissance des systèmes est très élémentaire et nous ne sommes donc pas en mesure à ce moment-ci de déterminer si ces projets se déroulent bien. Or, nous voulions au moins informer les parlementaires de leur portée au gouvernement fédéral de sorte qu’ils aient l’information qu’il faut pour poser des questions ou de faire un suivi.
Oui, la surveillance de ces types de projets constituera une pratique de notre bureau à l’avenir, et si nous en voyons l’utilité, nous pourrons assurément continuer à en faire rapport. Or, l’objectif n’était pas de faire ressortir des problèmes. Comme je l’ai dit, nous n’avons pas fait assez de travaux et notre audit financier ne vise pas à examiner ces projets en profondeur, mais nous les mentionnons dans le cadre de notre audit financier.
La sénatrice Andreychuk : Nous pouvons donc nous attendre à ce que vous reveniez sur la pièce 6, n’est-ce pas? J’ose l’espérer.
Mme Pichard : Absolument. Nous examinerons la question.
La sénatrice Marshall : Où puis-je trouver la dette totale, qui n’inclut pas seulement ce que j’appelle le gouvernement central, mais aussi toutes les sociétés d’État? C’est que la Loi autorisant certains emprunts qui a été adoptée l’an passé, je crois, prévoit une limite quant au montant que le gouvernement peut emprunter, mais on inclut ici la dette des sociétés d’État. À l’heure actuelle, la limite est légèrement supérieure à 1 billion de dollars. Si l’on veut obtenir cette donnée, où peut-on la trouver?
Mme Caron : Dans les états financiers, comme vous pouvez le constater, nous avons les sociétés d’État regroupées, mais pour les sociétés d’État entreprises, qui fonctionnent comme des entreprises, nous avons un solde net. Nous n’avons pas le passif total ni l’actif total.
La sénatrice Marshall : Or, je voulais la trouver pour pouvoir la comparer à ce qui est autorisé par la Loi autorisant certains emprunts.
Mme Peressini : Le tableau 9.5, qui se trouve à la page 276, présente les emprunts effectués par les sociétés d’État, mais il s’agit d’entreprises publiques.
La sénatrice Marshall : De quel volume s’agit-il?
Mme Peressini : Du volume I.
La sénatrice Marshall : Quel est le montant?
Mme Peressini : 291 milliards de dollars.
La sénatrice Marshall : C’est le montant pour les sociétés d’État, et que faites-vous? Vous l’additionnez au montant de 671 milliards?
Mme Peressini : À ce qui figure dans nos états financiers.
La sénatrice Marshall : C’est la façon de procéder?
Mme Peressini : Oui.
La sénatrice Marshall : Très bien. Merci beaucoup.
Avez-vous fait des travaux de suivi sur le système Phénix? Vous avez publié un rapport précédemment. Avez-vous accompli d’autres travaux afin de nous donner quelques précisions sur ce que pourrait être le pronostic à long terme? Est-ce que les choses s’améliorent ou se détériorent?
M. DeJong : Notre bureau a fait deux audits de performance qui ont tous les deux été diffusés. Notre travail consiste surtout à faire suffisamment de tests pour nous assurer que nous pouvons donner un avis sur les états financiers. Dans nos observations de l’an dernier, nous avons donné un aperçu de ce que nous croyions être le taux d’erreur. Nous avons refait des travaux similaires cette année, afin de pouvoir faire une mise à jour à cet égard. Il nous fallait effectuer ces travaux pour appuyer notre avis, mais en même temps, nous croyions que c’était un aperçu utile; les observations de cette année fournissent le même type de données que l’année précédente. Comme on le signale dans les observations, je dirais que les choses ne se sont pas améliorées.
La sénatrice Marshall : Les choses ne s’améliorent pas. Je ne croyais pas que vous vous prononceriez, et j’allais dire que vos observations s’étendent sur plusieurs pages. La situation ne s’améliore pas.
Mme Hogan : Je peux vous dire les résultats. Une bonne partie des graphiques qui figuraient dans le chapitre portant sur les problèmes liés au système de paye Phénix sont le résultat de l’audit détaillé que nous avons effectué en appui aux Comptes publics de 2017. Voilà pourquoi nous avons été en mesure de reproduire une partie des graphiques et des tableaux que vous avez vus dans le chapitre portant sur Phénix, car nous avons utilisé notre échantillon de notre audit détaillé de 2018. Cela ressemble beaucoup au chapitre parce que nous avons essayé de vous fournir cette comparaison au fil des ans.
La sénatrice Marshall : Étant donné que vous y avez consacré un si grand nombre de pages dans les observations, cela donnait l’impression que les choses ne s’amélioraient pas. Voilà pourquoi j’ai posé la question.
Mme Hogan : Nous avons constaté que 62 p. 100 des personnes composant notre échantillon comptaient des erreurs dans leur paie cette année; il s’agit du même pourcentage que l’année passée.
Mme Caron : Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose, sachez que Services publics et Approvisionnement Canada a, parmi les changements notables qu’il a mis en œuvre vers la fin du dernier exercice, lancé une approche par groupes, mais elle a probablement été mise en œuvre trop tard pour que des résultats se fassent sentir dans l’audit. Nous espérons que les résultats de 2018-2019 témoigneront d’une amélioration.
La sénatrice Marshall : Le ministère travaille-t-il suffisamment à ces groupes? Lorsque nous avons effectué notre examen, un seul groupe avait été mis sur pied.
Mme Caron : C’est exact; il s’occupe de trois ministères, il me semble.
La sénatrice Marshall : N’y a-t-il pas de groupes à l’œuvre actuellement pour vous permettre de savoir si la situation s’améliore, ou est-ce qu’il est trop tôt pour le savoir?
Mme Caron : Il y a des signes d’amélioration. Des groupes sont prévus dans 24 ministères, et on entend les mettre en œuvre graduellement vers le milieu de 2019. C’est toutefois le nombre d’incidents qui témoigne d’une amélioration. Nous verrons si cette approche se traduira par un degré supérieur d’exactitude des paies. Nous avons noté des améliorations au chapitre de la réduction du nombre d’incidents et des retards accumulés.
La sénatrice Marshall : En ce qui concerne les postes législatifs, il s’agit d’un point que vous avez évoqué avant. J’ai consulté le site web du gouvernement fédéral, où sont énumérés tous les postes législatifs. J’ai été étonnée par leur nombre; il y en a beaucoup.
J’aimerais connaître votre opinion à toutes les deux. Que nous proposeriez-vous de faire? À quel genre d’examen devrions-nous soumettre les postes législatifs, qui constituent plus de la moitié des dépenses maintenant? Que devrait faire le comité des finances pour examiner ces postes?
Mme Caron : Examinez-les et analysez les tendances, demandant peut-être aux ministères de vous fournir ces analyses. Vous pourriez aussi étudier les résultats afin de voir si les résultats escomptés sont obtenus.
La sénatrice Marshall : D’accord.
Mme Hogan : Je vous référerai au début de la page 20 de notre commentaire, où nous formulons une observation sur la recommandation du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Nous considérons que c’est un bon endroit pour commencer à effectuer un examen cyclique des dépenses législatives. Comme vous l’avez fait remarquer, la liste est longue; vous ne les examinerez donc pas tous en un an.
La sénatrice Marshall : C’est toutefois quelque chose que le Comité des finances pourrait faire.
Ma dernière question concerne les renseignements financiers figurant dans les dossiers du gouvernement. Je dois dire que je trouve très difficile de trouver ces renseignements, et le dossier de Trans Mountain n’est qu’un exemple. Y a-t-il quelqu’un que nous pourrions convoquer pour nous donner une idée de l’endroit où nous pouvons obtenir des renseignements financiers? Sur le plan de la dette globale, c’était excellent, et j’examine bel et bien les comptes publics, mais c’est vraiment complexe. Pourriez-vous nous suggérer une personne que nous pourrions convoquer pour nous expliquer comment les comptes publics sont présentés? Qui pourrait le faire? Quelles compétences le Comité des finances devrait-il chercher à renforcer au sujet des renseignements financiers du gouvernement?
Mme Hogan : Eh bien, je peux vous dire que depuis trois ans, notre bureau et celui du contrôleur général comparaissent chaque année devant le Comité des comptes publics au cours d’une séance à huis clos, avant la séance publique. Le Bureau du contrôleur général explique les trois volumes, et nous prodiguons des conseils sur les points auxquels il faut s’attarder, sur ce qu’il faut lire et ce sur quoi il faut poser des questions. Je peux dire, en notre nom, que nous sommes disposés à vous aider.
Mme Caron : Si vous voulez approfondir la question...
La sénatrice Marshall : Monsieur le président, le comité de direction pourrait-il se pencher sur ce point? Je m’intéresse beaucoup à la question, comme c’est le cas, j’en suis sûre, pour certains de mes collègues.
Le président : Je peux vous assurer, sénatrice Marshall, que la question sera portée à l’attention du comité de direction.
La sénatrice Marshall : Qui l’examinera d’un œil favorable. Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : J’ai une question rapide et facile. Que pensez-vous de la façon dont le gouvernement s’y est pris pour annoncer la radiation d’une dette aussi importante que celle de Chrysler? On a réussi à le dépister entre deux lignes. Que pensez-vous de cette façon de procéder?
Mme Hogan : Du point de vue de la comptabilité, en 2009-2010, quand le prêt a été octroyé, c’est à ce moment-là que le gouvernement a pris la décision qu’il n’allait pas recevoir le prêt. Une provision a été ajoutée dans les comptes publics. La dépense a été comptabilisée en 2010, alors que le gouvernement ne pensait pas pouvoir recevoir l’argent sur le prêt. En 2018, il y a eu la radiation pour retirer le prêt des livres. Alors, pour nous, c’était bien comptabilisé de 2010 à aujourd’hui.
Le sénateur Forest : En ce qui a trait à la perception des choses, est-ce qu’on n’aurait pas pu indiquer de façon plus transparente le fait qu’on avait approvisionné le non-remboursement et la radiation?
Mme Hogan : La provision apparaissait dans les états financiers. En ce qui concerne la transparence et la communication, peut-être que Mme Caron pourrait vous répondre.
Mme Caron : L’information était divulguée dans les états financiers. Je pense que vous avez des invités qui comparaîtront plus tard et qui pourront en témoigner.
Le sénateur Forest : Oui, car j’ai d’autres questions.
Mme Caron : Je n’en doute pas. Cependant, dans le Compte du Canada, une information indiquait que le prêt était octroyé, mais il y avait aussi une provision. Dans les comptes publics, l’information est consolidée. Il y a une ligne qui traite des provisions prises contre les prêts. C’est une évaluation qui est réalisée tous les ans. Quand on octroie un prêt, l’organisation détermine si elle sera en mesure ou non de recouvrer ce prêt. Parfois, on veut tout de même garder le pouvoir d’aller chercher les sommes qui ont été prêtées. Donc, la divulgation, de façon très transparente, du fait qu’il y ait une provision dans d’autres situations, par exemple, pourrait peut-être éroder le pouvoir du gouvernement en ce qui a trait aux recouvrements. Dans ce cas-là, par contre, dans les comptes du gouvernement du Canada, une note indiquait qu’il y avait un montant approvisionné.
Le sénateur Forest : La provision était étiquetée. Elle n’était pas consolidée dans une provision plus globale pour mauvaises créances. Elle était étiquetée dans le cadre de ce prêt-là.
Mme Caron : Elle était divulguée dans ces états financiers, effectivement.
Le sénateur Forest : D’accord. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Je remercie les témoins du Bureau du vérificateur du Canada et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
[Traduction]
Merci beaucoup. Vous nous avez certainement fourni beaucoup d’information, nous permettant ainsi de mieux comprendre les transactions.
Pour la deuxième partie de notre séance de ce soir, nous avons invité des organisations qui peuvent ou non avoir contribué à l’aide versée à Chrysler Canada et à GM Canada pendant la crise économique internationale de 2008. L’affaire n’est pas claire. Nous savons qu’une partie substantielle des prêts a été radiée au cours de l’exercice 2017-2018 et nous voudrions faire la lumière sur cette question précise.
[Français]
Ce soir, nous recevons M. Paul Halucha, sous-ministre adjoint principal, Secteur de l’industrie.
[Traduction]
Nous recevons également M. Charles Vincent, directeur général de la Direction générale de l’automobile, du transport et des technologies numériques.
M. David Bhamjee est, pour sa part, vice-président, Communications d’entreprise et Affaires publiques, à Exportation et développement Canada.
Nous entendrons également un témoin d’Affaires mondiales Canada que nous recevons régulièrement : M. Arun Thangaraj, qui est sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Planification ministérielle, finance et technologie de l’information, qui est accompagné de Mme Chris Moran, directrice générale, Stratégie et coordination du portefeuille commercial.
Enfin, nous accueillons Soren Halverson, sous-ministre adjoint délégué de la Direction du développement économique et des finances intégrées du ministère des Finances du Canada.
Merci à tous d’avoir accepté notre invitation, admettant de ce fait que nous voulons faire la lumière sur certaines questions qui concernent directement vos responsabilités au sein de vos ministères.
Cela dit, on m’a informé que le ministère de l’Innovation, Finances Canada et Exportation et développement Canada n’ont pas préparé d’exposé. Je demanderai donc, aux fins du compte rendu, à M. Thangaraj de faire son exposé, après quoi nous poserons des questions à tous les témoins.
Arun Thangaraj, sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Planification ministérielle, finance et technologie de l’information, Affaires mondiales Canada : Merci, monsieur le président. C’est toujours un plaisir que de témoigner devant vous. Nous avons un seul exposé. C’est un peu succinct, mais nous avons jugé qu’il serait bien plus efficace de n’en présenter qu’un seul. Cet exposé étant le fruit d’un effort commun, il témoigne de la position de tous les ministères.
[Français]
En 2008, l’industrie automobile au Canada et aux États-Unis a éprouvé de grandes difficultés financières. General Motors et Chrysler Canada ont eu besoin d’aide financière afin de restructurer leurs activités. Les gouvernements du Canada et de l’Ontario, ainsi que les gouvernements des États-Unis ont convenu de leur fournir cette aide financière.
[Traduction]
L’aide financière fournie à Chrysler Canada comprenait un prêt de 1,16 milliard de dollars américains accordé au titre du Compte du Canada. Ce prêt a été autorisé en avril 2009 par le ministre du Commerce international avec l’aval du ministre des Finances. Cette autorisation s’accompagnait d’une disposition autorisant une possible radiation. Le Compte du Canada, géré par Exportation et développement Canada au nom du gouvernement fédéral, permet à ce dernier d’offrir du soutien aux exportateurs quand cette aide excéderait autrement la capacité financière ou la tolérance au risque d’EDC et de son propre compte.
Même si le Compte du Canada est géré par EDC, les fonds nécessaires aux transactions effectuées au titre de ce compte viennent du Trésor. Du point de vue comptable, Affaires mondiales Canada appuie Exportation et développement Canada en présentant des rapports consolidés au gouvernement du Canada, puisqu’EDC relève du ministre du Commerce international.
[Français]
Chrysler a déclaré faillite en juin 2009. À la suite de sa restructuration, l’entreprise a été scindée en deux entités distinctes : la nouvelle Chrysler, qui demeure en fonctionnement et qui a été achetée par Fiat, et l’ancienne Chrysler, qui a mis fin à ses activités. En 2009, lorsque le prêt a été accordé à l’ancienne Chrysler, il n’y avait aucune attente de recouvrement. Cela a été reflété dans le traitement comptable du prêt et les déclarations publiques faites à ce moment-là, puis reconfirmé dans un rapport produit par Industrie Canada en 2014. Conformément au Règlement sur la radiation des créances, la radiation du prêt accordé à l’ancienne Chrysler n’a été envisagée qu’une fois les procédures de faillite achevées.
Le 1er mars 2016, EDC a reçu la confirmation que toutes les procédures de faillite liées à l’ancienne Chrysler étaient achevées et que la fiducie de liquidation de l’ancienne Chrysler était dissoute, ainsi qu’un autre remboursement qui était attendu de la part de l’ancienne Chrysler. Une fois la dissolution de la fiducie de liquidation de l’ancienne Chrysler confirmée, EDC a pris les mesures administratives nécessaires pour radier les prêts. La radiation est un redressement comptable visant à effacer le prêt des livres comptables du gouvernement du Canada. Ces mesures ont été prises conformément au Règlement sur la radiation des créances.
[Traduction]
Le gouvernement a comptabilisé les dépenses afférentes au prêt accordé au cours de l’exercice 2009-2010, et les redressements comptables effectués en mars 2018 n’ont entraîné aucune dépense supplémentaire.
Merci, monsieur le président. Mes collègues et moi répondrons avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir.
Le président : Merci. Nous passerons maintenant aux questions.
[Français]
Le sénateur Forest : Quelles étaient les conditions du prêt qui a été accordé à l’ancienne Chrysler et pourquoi a-t-on prêté cette somme à l’ancienne Chrysler, en sachant dès le début qu’on ne serait pas remboursé? Je ne comprends pas la logique. Y avait-il des conditions? Y avait-il des intérêts? Y avait-il des garanties associées au prêt?
David Bhamjee, vice-président, Communications d’entreprise et Affaires publiques, Exportation et développement Canada : Merci de cette question. Permettez-moi de répondre en anglais.
[Traduction]
Comme vous le savez, ce prêt a été accordé pendant la crise financière. Comme mon collègue l’a souligné, ce prêt a été accordé par les gouvernements de l’Ontario et du Canada, alors que des mesures semblables étaient prises aux États-Unis. Même si je ne parlerai pas au nom des décideurs de l’époque, il a été décidé, au regard de la situation financière et de ses conséquences graves sur l’emploi, d’accorder un prêt en sachant pertinemment qu’il risquait fort de ne pas être remboursé; le provisionnement ou l’affectation s’est donc effectué presque immédiatement après l’octroi du prêt.
C’est probablement tout ce que je sais à ce sujet, compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis, mais je pense qu’on savait parfaitement qu’on se retrouverait probablement dans une situation comme celle-là.
[Français]
Le sénateur Forest : Quand le prêt a été accordé, j’imagine qu’il y avait des documents qui accompagnaient ce prêt, compte tenu de son ampleur. Y avait-il des intérêts? Y avait-il des garanties associées au prêt ou était-ce un chèque en blanc?
[Traduction]
M. Bhamjee : Le prêt a été accordé et les intérêts se sont accumulés. Dans les opérations comptables et les comptes publics, le montant principal, le provisionnement et les intérêts ont été pris en compte dans le processus. Le tout n’était donc pas structuré comme une subvention ou un chèque en blanc, comme vous le laissez entendre.
Pour ce qui est de la possibilité de remboursement ou de recouvrement, comme mon collègue l’a indiqué, une fois Chrysler sous la protection de la Loi sur les faillites, une fiducie a été établie pour que les fiduciaires puissent déterminer si les actifs restants de la société pourraient être liquidés afin de recouvrer une partie du montant. Ce n’est qu’une fois que les fiduciaires eurent déterminé qu’aucun montant n’était recouvrable, au début de 2016, que la fiducie de liquidation a été dissoute. Par la suite, le processus visant à déclarer la radiation du prêt et à présenter le tout dans les comptes publics s’est entamé.
[Français]
Le sénateur Forest : Le prêt a été accordé lorsque l’ancienne Chrysler était déjà traité en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Elle n’a pas été placée sous la protection de cette loi après avoir reçu le prêt.
[Traduction]
M. Bhamjee : Je crois comprendre que le prêt devait être fort semblable à celui accordé aux États-Unis afin de permettre à Chrysler de poursuivre ses activités pendant que la compagnie était sous la protection de la Loi sur les faillites; on voulait donc adoucir sa fermeture.
Charles Vincent, directeur général, Direction générale de l’automobile, du transport et des technologies numériques, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je peux peut-être ajouter quelques observations qui pourraient contribuer à éclaircir la situation.
Il importe d’abord de garder à l’esprit que le prêt accordé à l’ancienne Chrysler faisait partie du financement d’ensemble fourni à l’ancienne et à la nouvelle Chrysler. Ce financement s’accompagnait de conventions, en ce qui concerne particulièrement la nou Chrysler au chapitre des dépenses en immobilisations, de la production au Canada et de la recherche-développement. Dans ce contexte, le montage financier comprenait une série de conventions.
D’après ce que je comprends, le financement versé à l’ancienne Chrysler visait principalement à assurer la clôture adéquate des activités de la société au cours du processus de faillite.
Il importe également de comprendre que le Canada fournissait un montant proportionnel dans le cadre d’un effort conjoint avec les États-Unis. Le montant qu’il a accordé à l’ancienne Chrysler était proportionnel à celui que les États-Unis fournissaient avec lui, en vertu d’une décision commune prise par le Canada, l’Ontario et les États-Unis, lesquels avaient déterminé le financement qu’il fallait verser à l’ancienne société pour qu’elle cesse graduellement ses activités et celui qu’il fallait accorder à la nouvelle société pour s’assurer que la restructuration ait des chances optimales de réussite dans l’avenir.
[Français]
Le sénateur Forest : En fait, c’est une offre beaucoup plus globale. Lorsqu’on essaie de connaître la motivation derrière l’allocation d’un prêt de plus de 2 milliards de dollars à l’ancienne Chrysler, l’objectif qu’on découvre, finalement, c’est qu’on voulait prévoir un processus de faillite plus doux. Quelle était la contrepartie positive?
[Traduction]
M. Vincent : Comme mon collègue l’a indiqué, je ne veux pas parler au nom des décideurs ou des négociateurs de l’époque, car je n’ai pas assisté directement à ce qu’il s’est passé alors. Comme vous l’avez fait remarquer, il faut tenir compte de bien des facteurs quand on tente de déterminer les actifs qui resteront dans l’ancienne société et ceux qui iront dans la nouvelle entité pour que cette dernière ait les meilleures chances de réussite. Selon ce que je comprends de la situation de l’époque, on a pris cette décision pour tenter de faire en sorte que l’ancienne société dispose des actifs dont elle avait besoin pour cesser ses activités dans l’ordre tout en permettant à la nouvelle société de pouvoir réussir et respecter les conventions prévues dans le montage financier.
[Français]
Le sénateur Forest : Finalement, on a consenti ce prêt pour que l’ancienne Chrysler puisse fermer boutique correctement et préparer le terrain pour que la nouvelle Chrysler puisse avoir accès à un terrain « dépollué » financièrement.
[Traduction]
M. Vincent : J’ajouterais le fait que l’ancienne Chrysler avait manifestement une série d’obligations à respecter au fil du temps: elle devait fermer certaines usines et liquider d’autres actifs. Elle devait s’acquitter de certaines dépenses et d’autres obligations dans le cadre de ce que je qualifierais de fermeture organisée de l’ancienne entité.
[Français]
Le sénateur Forest : Neuf ans plus tard, avec le recul, lorsque vous regardez ce qui a été investi, il s’agissait d’une contribution importante au chapitre de l’économie, particulièrement à l’égard du secteur automobile. Est-ce que vous feriez de nouveau le même montage financier?
[Traduction]
M. Vincent : Je ne veux pas faire de suppositions sur les décisions prises à l’époque. Je ferais toutefois remarquer que du montant de 2,9 milliards de dollars versé alors à Chrysler, 2,1 milliards de dollars ont été recouvrés; nous avons donc récupéré environ 72 ou 74 p. 100 du prêt. Je présume que c’est un pourcentage supérieur à ce que la plupart des gens avaient prévu à l’époque, mais je ne voudrais pas tenter de formuler des hypothèses à propos des décisions prises dans le temps.
[Français]
Le sénateur Forest : Le passé doit guider nos actions pour l’avenir. Il serait peut-être intéressant de faire le bilan de cette opération.
La sénatrice Moncion : Vous saviez dès le début que ce prêt allait devoir être radié de vos livres, donc vous l’avez comptabilisé ainsi. Pourquoi ne l’avez-vous pas établi comme étant un subside ou un prêt? Vous avez sûrement réalisé une étude économique pour examiner les effets ou les contre-effets de ne pas financer l’opération et ce que cela représentait comme perte. Il y a sûrement des calculs qui ont été faits quelque part pour indiquer que la décision n’a pas été prise à la légère. Il y avait toute la question de la perception du public, qui a sûrement été prise en considération, parce qu’il n’y avait pas seulement cette entreprise qui avait des problèmes financiers. On a eu aussi le problème des papiers commerciaux adossés d’actifs. Le gouvernement ne voulait pas s’impliquer à cet égard. Donc, je voulais avoir une idée du projet au complet, parce que lorsqu’on l’examine de façon isolée, c’est comme si on avait fait un cadeau à Chrysler.
[Traduction]
Paul Halucha, sous-ministre adjoint principal, Secteur de l’industrie, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je tenterai de répondre, puis Charles pourra ajouter quelque chose.
De toute évidence, le secteur de l’automobile constitue une composante importante du secteur manufacturier ontarien. Vous avez souligné la différence entre les petites et les grandes entreprises. Je pense qu’il est essentiel d’admettre que Chrysler, GM et d’autres fabricants de pièces d’origine sont des entreprises d’attache des écosystèmes qui ont un effet multiplicateur considérable et qui font vivre un nombre important de petites compagnies. Une grande partie des compagnies formant la chaîne d’approvisionnement qui participent à la production dépendent de ces grandes entreprises.
À l’époque, ces deux sociétés produisaient environ 55 p. 100 des automobiles au Canada : l’incidence n’aurait donc pas été minime. Nous aurions perdu deux des plus grands et des plus importants fabricants de pièces d’origine. Ils effectuent énormément de recherche-développement. Comme je l’ai souligné, ce sont des entreprises d’attache. L’incidence n’en aurait été que plus importante en raison des effets indirects. Je pense que le ministère en était conscient à l’époque. Ce ne sont pas que ces deux sociétés, mais tous les fournisseurs des chaînes d’approvisionnement qui auraient été touchés.
Ces chaînes d’approvisionnement servent aussi d’autres fabricants de pièces d’origine. Or, elles auraient eu moins d’intérêt économique à rester en Ontario pour fournir des pièces à Ford, Toyota ou Honda. Les répercussions économiques auraient donc été bien plus considérables. C’est là un facteur crucial qui a influencé la décision d’offrir du soutien.
De plus, il est facile d’oublier la rapidité avec laquelle les choses se sont passées. J’étais alors chef du personnel auprès du sous-ministre, et lui et le sous-ministre délégué ont joué un rôle de premier plan au chapitre de l’élaboration de politiques et de la préparation de l’effort. Je me souviens à quelle vitesse les choses se passaient à New York, à Toronto et dans le reste du monde. Nous ne nous préoccupions pas que du secteur de l’automobile dans ce temps-là; ainsi, en collaboration avec des entités comme la Banque de développement du Canada, le gouvernement a déployé un effort d’envergure pour injecter des liquidités dans l’économie. Il a fait feu de tout bois avec des instruments économiques.
Vous vous souviendrez que le budget fédéral qui a suivi quelques mois plus tard comprenait d’importantes mesures de stimulation afin de fournir un financement pour contrer ce cycle. Comme je l’ai fait remarquer, toutes les ressources ont été mises à contribution, mais le secteur de l’automobile a certainement fait l’objet d’une grande attention en raison de sa nature cruciale au sein de l’économie de l’Ontario et de l’industrie manufacturière du Canada.
M. Vincent : Tout ce que j’ajouterais à cela, c’est le fait que, comme nous l’avons indiqué précédemment, cette décision a été prise dans un contexte international et nord-américain. Comme Paul l’a souligné, ces usines risquaient réellement de fermer leurs portes si elles ne recevaient pas de soutien; c’était d’autant plus vrai si les Américains décidaient de soutenir leur industrie et optaient pour une restructuration, décidant quelles usines resteraient ouvertes ou fermeraient. Personne n’aurait été là pour défendre les intérêts du Canada et des usines canadiennes. Il était donc essentiel de veiller à ce que le Canada participe aux négociations, jouant un rôle proportionnel pour que les intérêts canadiens soient protégés.
La sénatrice Moncion : Comme l’aide a pris la forme d’un prêt, la population a l’impression qu’il sera remboursé ou qu’il sera possible de le recouvrer à un moment donné. Or, dans le cas présent, le recouvrement était impossible. Pourquoi n’a-t-on pas joué cartes sur table d’entrée de jeu? Pourquoi la population n’a-t-elle pas su ce qu’il en était? Ce n’est pas une manière inhabituelle de procéder, car je comprends pourquoi les choses se sont passées ainsi. Toutefois, comme nous accordons une grande importance à la perception du public, j’aimerais savoir où ce facteur est entré en jeu dans ce dossier.
M. Bhamjee : Je commencerai à répondre, et peut-être que d’autres témoins pourraient intervenir. Je ne connais pas les détails de la décision de recourir à Exportation et développement Canada et au Compte du Canada plutôt qu’à d’autres options, mais une fois que la décision d’utiliser le Compte du Canada a été prise, l’aide financière n’aurait pu être structurée autrement que comme un prêt.
La sénatrice Moncion : Je vois.
M. Bhamjee : EDC n’a pas le pouvoir d’octroyer des subventions. Il n’était pas possible, par l’intermédiaire du Compte du Canada, d’offrir quelque chose s’apparentant à un investissement fondé sur le capital-action; il fallait que ce soit un prêt général. Par conséquent, cela devait être comptabilisé comme tel, avec les données adéquates sur les provisions pour dépréciation, les intérêts exigés, et cetera.
Je ne sais pas vraiment quelles autres options s’offraient au gouvernement du Canada au moment de prendre la décision. Je dirais que dans le cas d’EDC, c’est souvent une question d’efficacité, puisqu’EDC peut intervenir rapidement. Comme mes collègues l’ont indiqué, compte tenu de la situation à l’époque, les deux gouvernements devaient agir rapidement.
Soren Halverson, sous-ministre adjoint délégué, Direction du développement économique et des finances intégrées, ministère des Finances Canada : J’ai deux commentaires. Le premier porte sur les attentes du public.
Je pense qu’à l’époque le gouvernement en place avait clairement indiqué qu’il ne s’attendait pas à ce que cet argent lui soit remboursé, peu importe le mécanisme par lequel le financement serait offert. Donc, je suis convaincu que le gouvernement a tenté de faire preuve de la plus grande transparence possible à cet égard.
Deuxièmement, cet accord ne concernait pas seulement le Canada. C’était une entente avec une entreprise présente à l’échelle nord-américaine, et le Trésor américain était une importante contrepartie. À mon avis, si vous examinez les ententes commerciales qui ont été conclues, il y a un parallèle entre l’aide offerte par le gouvernement canadien et par le gouvernement américain, tant à l’étape du financement du débiteur-exploitant qu’à celle du financement de sortie. Il y avait donc des ententes d’emprunt parallèles. À l’époque, offrir des subventions aurait entraîné des difficultés et des incohérences quant à la prestation des mesures d’aide.
La sénatrice Moncion : Vous comprendrez que, pendant cette crise financière, d’autres industries étaient en difficulté, mais le gouvernement n’est pas intervenu. C’était simplement un commentaire.
Ai-je assez de temps pour deux autres questions?
Le président : Oui.
La sénatrice Moncion : Dans quelle mesure cette décision s’appuyait-elle sur des chiffres? Combien d’analyses des répercussions financières ont-elles été faites? Je comprends l’urgence de la situation, mais dans quelle mesure était-ce fondé sur des données?
M. Vincent : Vous comprendrez que le gouvernement du Canada a fait de nombreuses analyses. Un groupe de travail interministériel a été créé. Il a consacré beaucoup de temps à l’analyse des répercussions générales de possibles fermetures d’usines au Canada à l’échelle de l’économie canadienne.
En outre, on a embauché plusieurs experts externes afin d’obtenir des conseils et une expertise qui n’était peut-être pas disponible. Si je me souviens bien, cela s’est produit très rapidement. La crise a frappé le secteur de l’automobile en novembre et décembre, et la faillite a eu lieu en mai ou en juin. Il a fallu miser, en très peu de temps, sur quantité d’analyses et d’expertises pour mettre cela en place. Cela comprenait les questions sur les obligations relatives aux régimes de retraite et sur les multiples démarches requises pour restructurer l’entreprise.
J’ai consulté plusieurs études. Je crois comprendre qu’il y a eu de nombreuses analyses. Je n’étais pas là à l’époque, et j’ai été très impressionné par les analyses qui ont été faites.
M. Halucha : Je tiens à souligner qu’ISDE, autrefois Industrie Canada, a une Direction générale des industries de l’automobile et des transports, maintenant dirigée par Charles. Le ministère a donc un centre d’expertise permanent qui suit de près les activités du secteur. Donc, nous avions une capacité existante, comme pour d’autres secteurs, notamment l’aérospatiale, la défense, l’industrie maritime, la fabrication et les industries numériques, qui relèvent aussi de la direction.
J’aimerais également souligner qu’on avait des liens étroits avec l’industrie, pas seulement avec les dirigeants des fabricants d’équipement d’origine, mais aussi avec les principaux fabricants de pièces au Canada et les représentants syndicaux. Nous avons adopté une approche « Équipe Canada » lors des récentes négociations sur l’ALENA, et c’était également le cas à l’époque. Les entreprises ont fourni énormément d’informations, y compris leurs prévisions de trésorerie. C’était donc un processus très rigoureux.
La sénatrice Moncion : Ma dernière question porte sur la perception actuelle du public. La radiation de ces prêts a fait les manchettes. Les explications sont très rares, mais ces prêts sont entièrement comptabilisés comme passifs éventuels. Or, d’entrée de jeu, cela n’a pas été présenté comme des mesures entièrement financées ou comme des prêts qui seraient radiés un moment donné. On a quelque chose qui remonte à 8 ou 10 ans, et cela fait mal paraître le gouvernement aujourd’hui en raison du manque d’information. Les interrogations qui surgissent aujourd’hui sont liées à la situation actuelle et au manque d’information. Y a-t-il moyen de corriger l’information qu’on fournit au public aujourd’hui?
M. Bhamjee : La provision pour le prêt a été pleinement comptabilisée dès la première année. Je pense que c’est là-dessus que s’est terminée la discussion avec le groupe de témoins précédent. Sur le plan de la transparence, on n’a jamais tenté...
La sénatrice Moncion : J’en conviens, du point de vue d’un comptable.
M. Bhamjee : Je pense, comme l’a indiqué mon collègue du ministère des Finances, que le gouvernement de l’époque avait clairement indiqué qu’il ne s’attendait pas à être remboursé. Sur le plan comptable, cela a été comptabilisé sur une base annuelle, comme il se doit.
M. Halverson : Je vous invite à consulter un rapport d’Industrie Canada — j’oublie si c’était en 2015 ou en 2014 — qui contenait une évaluation exhaustive de l’aide apportée à Chrysler, du début à la fin. Ce document venait clore le dossier Chrysler; il n’y avait rien à ajouter.
Notre présence à ce comité est peut-être une occasion de clarifier publiquement qu’il s’agit d’une mesure comptable technique qui n’a aucune incidence sur les perspectives budgétaires ni sur les projections concernant un ultime recouvrement du prêt.
La sénatrice Moncion : Je comprends cela. L’affaire, c’est que cela ne correspond pas à ce qui a été dit dans les journaux. Selon les médias, c’était une radiation de 2,6 milliards de dollars, mais sans aucune explication. Pour une personne qui n’est pas comptable et qui n’a pas accès aux livres... Le public sait seulement qu’il y a eu une radiation de 2,6 milliards de dollars, mais vous n’en êtes pas responsables.
La sénatrice Andreychuk : Une partie des fonds était récupérable. Quel était le montant initial du prêt ou de la subvention — peu importe comment vous l’appelez —, et quel montant était récupérable? Nous connaissons le montant qui a été accordé et nous savons ce qui a été radié, mais ce n’est pas le portrait général. Il y a quelque chose entre les deux.
Si ma mémoire est bonne, vous avez mentionné le monde du travail, les emplois indirects qui étaient menacés et l’incidence sur les familles, mais aussi sur les concessionnaires automobiles. On répétait sans cesse, partout au pays, que ce serait une perte pour chaque communauté, ce qui n’est pas très différent des autres subventions ou prêts que nous avons remis en question. Pourquoi choisir une industrie plutôt qu’une autre? Les gouvernements doivent justifier ces décisions.
Cet enjeu semblait plus vaste. J’étais en Saskatchewan et je me disais que cela ne concernait que l’Ontario, jusqu’à ce que des gens viennent me voir pour dire qu’ils seraient touchés, puisque le secteur de l’automobile a des ramifications partout.
Pouvez-vous me dire combien d’argent a été récupéré?
M. Vincent : Comme Soren l’a souligné, le ministère a publié un rapport comptable sur ce financement. Selon ce rapport, le montant total versé à Chrysler — l’ancienne et la nouvelle Chrysler — était de 2,9 milliards de dollars. Le montant total récupéré est de 2,1 milliards de dollars, ce qui représente environ 72 p. 100 du financement versé à Chrysler.
La sénatrice Andreychuk : Voilà le point que soulevait la sénatrice Moncion. Je n’ai rien entendu à ce sujet, mais j’ai entendu parler de la radiation. Ce n’est peut-être pas auprès du public qu’il faut intervenir, mais plutôt auprès des médias, pour qu’ils comprennent que la radiation est un aspect technique, que ce n’est pas de l’argent perdu et qu’une partie a été recouvrée. L’écart représenterait la perte réelle.
C’est une question de transparence; les gens devraient savoir que ce n’était pas le cas, car nous pourrions nous retrouver un jour dans une grave récession. Un autre gouvernement, celui-ci ou un autre, devra intervenir. Ce n’est pas irréaliste; cela risque probablement de se reproduire. Nous devrions connaître tous les faits.
M. Bhamjee : Donc, du point de vue d’Exportation et développement Canada, il y a une leçon à retenir. Dans ma collaboration avec mes collègues du ministère des Finances et d’Affaires mondiales, la comptabilité du Compte du Canada ne nous pose pas problème, mais ce qu’on entend, c’est que nous devrions trouver des façons plus efficaces de communiquer, de façon plus claire, pour expliquer les processus et le contexte général pour les personnes qui ne sont pas comptables. C’est une leçon que nous devons retenir.
La sénatrice Andreychuk : Les manchettes parlaient d’une radiation complète.
Deuxièmement, EDC fera l’objet ou devrait faire l’objet d’un examen par le rendement. Je ne sais pas si c’est commencé. Vous avez indiqué que c’était le seul mécanisme possible. A-t-on l’intention d’examiner EDC et d’autres mécanismes afin de les moderniser?
M. Bhamjee : L’examen législatif d’EDC est en cours. Sénatrice Andreychuk, je pense que vous siégiez au comité sénatorial qui a fait le dernier examen, en 2008-2009.
Le Compte du Canada est au nombre des éléments du mandat de l’examinateur. Il est fort probable que les commentaires et les conclusions qui seront communiqués à Affaires mondiales Canada et au ministère des Finances au terme de cet exercice portent, en théorie, sur l’utilisation du Compte du Canada et sur la question de savoir s’il s’agit du meilleur instrument ou si d’autres conviendraient mieux.
De façon plus générale, l’examen porte sur le rôle que joue EDC pour appuyer les entreprises canadiennes, mais aussi sur son rôle au sein de l’écosystème de mécanismes offerts au Canada pour aider les entreprises à tirer parti des occasions commerciales partout dans le monde. Cela pourrait être étudié.
Chris Moran, directrice générale, Stratégie et coordination du portefeuille commercial, Affaires mondiales Canada : L’examen législatif a commencé au printemps. Nous prévoyons présenter un rapport d’ici au printemps prochain. Je me ferai un plaisir de transmettre à la greffière des renseignements sur l’examen législatif, le calendrier et les modalités. Comme David l’a indiqué, cela couvre l’ensemble des opérations et de la gouvernance d’EDC, y compris le Compte du Canada.
La sénatrice Andreychuk : Il y a d’autres enjeux liés aux activités d’EDC à l’étranger, notamment des fonds inutilisés, tandis que d’autres entités ont besoin d’aide. Je pense donc qu’il convient d’examiner la structure d’EDC de manière globale. Merci.
La sénatrice M. Deacon : Je pense que 95 p. 100 des questions que j’avais ont été posées par d’autres, ce qui est formidable. Toutefois, même si certains aspects ont été abordés, je me demande s’il y a des leçons à retenir dont on n’a pas encore parlé ce soir, de vos points de vue respectifs.
Le président : Nous aimerions avoir une approche et une réponse de type « Équipe Canada ».
M. Vincent : Dans cette optique, le ministère a fait un compte rendu exhaustif du financement, comme il l’avait fait en 2014. En 2015-2016, nous avons également publié un rapport sur les leçons retenues. Comme nous l’avons indiqué plus tôt, nous espérons ne plus jamais être confrontés à pareille situation, mais nous reconnaissons que cela demeure une possibilité. Qu’avons-nous appris de cette expérience très intense, et comment pouvons-nous tirer parti de ces leçons à l’avenir? Le rapport est publié sur le site web du gouvernement et est accessible à tous.
Deux ou trois aspects y sont soulignés, notamment la nature interministérielle et même intergouvernementale d’un exercice de ce genre. À titre d’exemple, cela peut être le groupe que vous avez devant vous, une collaboration avec le gouvernement de l’Ontario, qui fait vraiment partie de cette équipe, et la collaboration avec le Trésor américain et les gens des États-Unis.
Je pense que c’est un aspect très important. Nous n’avons pas seulement créé des équipes au niveau opérationnel; cela s’étend aux sous-ministres. Un comité de sous-ministres formé de représentants des divers organismes s’est réuni régulièrement afin que les décisions puissent être prises rapidement et en temps opportun, en fonction des différents points de vue.
Je pense que la capacité de mobiliser une équipe de spécialistes était probablement l’aspect le plus important, compte tenu des délais serrés et de la complexité des activités qui étaient menées à l’époque.
L’autre aspect d’une grande importance, c’est que les hauts dirigeants, au niveau des sous-ministres et au niveau politique, ont établi d’entrée de jeu des lignes directrices claires assorties d’objectifs concrets nécessaires au succès. C’était essentiel, à mon avis. À titre d’exemple, nous avons parlé du concept de la proportionnalité et du rôle du Canada dans le contexte nord-américain. Ces principes ont aidé à orienter les équipes dans les premiers jours. L’objectif était de veiller à ce que tous les membres de l’équipe comprennent ces principes et en tiennent compte lors des négociations et des discussions. Discuter de ces aspects d’entrée de jeu et veiller à ce que tous aient une excellente compréhension des objectifs du gouvernement et des critères de la réussite étaient d’autres facteurs importants découlant de cette démarche.
Pour terminer, je tiens à souligner que nous avons consacré beaucoup de temps, à la fin, à un exercice de leçons retenues. Dans le feu de l’action, il est facile de passer rapidement à autre chose, mais nous avons pris le temps d’examiner la situation en rétrospective, de comprendre et de documenter ces processus. Nous voulions nous assurer de faire tout le nécessaire, y compris la reddition de comptes et les étapes subséquentes nécessaires du processus de prêt d’EDC et d’autres. À l’échelle de la gestion et de l’organisation, la consignation des leçons retenues était en soi une leçon importante que nous devions mettre en œuvre.
La sénatrice M. Deacon : Je vous en remercie.
On peut aussi dire, après coup, bien sûr, que, en 2018, il y a peut-être plus un brin d’inquiétude ou même de négativisme d’énergie négative sur ce qui devait survenir il y a longtemps. Je m’interroge sur le fait que, à l’époque et dans les leçons retenues, des raisons convaincantes expliquaient la décision. En prenant en considération les divers secteurs et même en les consultant, qu’est-ce qui pourrait, d’après vous, à l’époque, être la meilleure raison pour l’avoir fait, le meilleur résultat ou le meilleur élément qui aurait pu l’expliquer? Je pense que nous perdons parfois de vue ce contexte, lorsque nous essayons de dresser un bilan après un certain temps.
M. Vincent : Pour moi, ce que Paul m’avait dit plus tôt sur les écosystèmes et leurs répercussions générales reste présent à mon esprit et s’impose aujourd’hui comme l’élément le plus important. Dans mes contacts réguliers avec des fournisseurs de partout au Canada, plus particulièrement de l’Ontario, et de l’industrie de l’automobile, j’entends très régulièrement que l’industrie et ces petits fournisseurs n’auraient pas survécu si nous avions laissé ces compagnies faire faillite et si le gouvernement n’était pas intervenu et n’avait pas participé à cette restructuration avec les États-Unis.
Même 10 ans après, quand on rencontre les témoins de cette période, on ressent très bien ce qu’elle leur a laissé. Leur existence était vraiment menacée.
L’année dernière, j’ai fait pas mal de travail dans le cadre des négociations sur l’ALENA, qui étaient peut-être, d’une certaine façon, la deuxième menace, en gravité, pour l’existence de cette industrie. Régulièrement, ils rappelaient le rôle que le gouvernement et l’industrie ont joué, ensemble, pour comprendre les véritables conséquences et l’importance des mesures prises à l’époque pour non seulement assurer la survie de ces entreprises, mais également pour conserver, durant la crise et ultérieurement, les emplois des travailleurs de ces industries.
M. Bhamjee : Si vous me permettez d’ajouter un détail à ce que Paul a dit. Je pense que c’est peut-être ce dont vous parliez, madame la sénatrice. Nous parlons d’une mesure précise prise à un moment essentiellement très historique de l’économie mondiale.
Comme Paul l’a dit, à ce qu’on a fait pour le secteur de l’automobile pour deux compagnies et la chaîne logistique, se sont ajoutées des mesures pour accorder du crédit aux entreprises, pour assurer une liquidité plus générale à l’économie. Nous, à Exportation et développement Canada, nous y étions des acteurs, tout comme la Banque de développement du Canada. On a injecté des capitaux dans les deux organisations, élargi les pouvoirs d’emprunt et autorisé une augmentation du passif éventuel pour assurer la distribution du crédit. Dans notre cas, nous avons fait preuve de plus de souplesse pour leur permettre d’accorder, au Canada, des prêts qui, normalement, n’auraient pas été possibles.
À l’époque, un certain nombre de mesures ont été prises, mais, 10 ans plus tard, nous nous arrêtons à un détail particulier parce que c’est un poste budgétaire.
Une leçon à retenir est que, quand nous en parlons, même si la question se trouve à concerner le poste budgétaire particulier, nous tenons à procurer à celui qui pose la question l’avantage de ce point de vue. La prise en considération de la totalité des mesures prises par le gouvernement offre un point de vue beaucoup très différent de la réflexion unidimensionnelle.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le sénateur Neufeld : Merci beaucoup, mesdames et messieurs, de vos explications. Je tiens seulement à ajouter mon point de vue.
À l’époque, pendant l’une des pires récessions que nous ayons affrontées depuis longtemps, j’étais là. Je ne crois pas que notre gouvernement ait dit qu’il pouvait structurer ce prêt pour que, quelque part dans l’avenir, un autre gouvernement en prenne la responsabilité. À l’époque, rien n’était plus éloigné de l’esprit des députés fédéraux. Leur objectif était de protéger les emplois, les personnes et l’industrie, pour l’avenir.
Pas seulement en Ontario, mais partout au Canada. Bon sang! Si on avait abandonné l’automobile à son sort, toutes vos prédictions se seraient réalisées. Nous nous serions demandé ensuite qui était dans le pétrin et qui aurait eu des tuyaux. Nous savons qui était alors au pouvoir.
Quelqu’un a dit qu’ils subissent une critique justifiée, mais je vous le dis, ils étaient dans la Chambre et ils étaient d’accord. Personne, à l’époque, n’a déconseillé ces mesures. L’opinion unanime était qu’il fallait protéger ces emplois et l’économie, parce que, sinon, toutes vos prédictions se seraient réalisées.
La décision n’a pas été facile, loin de là, mais celle de ne rien faire aurait été catastrophique, et l’issue, absolument incroyable. L’Ontario se serait vidé assez rapidement de tous les emplois et tout le Canada aussi, et nous aurions perdu tout pouvoir de négociation avec les États-Unis pour conserver certains des actifs destinés au Canada.
Il est facile d’oublier et de sélectionner, 10 ans après, ce qu’il fallait faire en peu de temps, et au moment où c’est arrivé. Je vous félicite donc tous, vous qui travailliez à conserver les emplois et à faire rouler le plus rondement possible l’économie canadienne. Le gouvernement de l’époque y est parvenu. Rendons à César ce qui lui appartient.
Même en faisant un grand effort d’imagination, je ne suis pas comptable. Je connais mes rudiments d’arithmétique. Cependant, j’ai une question, la seule, grâce à vos excellentes explications. Je pense qu’il est inutile d’en ajouter. Vous dites que le prêt était de 2,9 milliards et qu’on en a recouvré 2,1 milliards. Il reste 800 millions. J’ignore s’il y a un calcul des intérêts ou quelque chose d’autre qui explique cette différence. Vous avez fait allusion à des intérêts. J’ignore leur montant ou leur taux, mais vos renseignements me seraient vraiment utiles.
Avez-vous une idée du nombre d’emplois ainsi que des investissements qui auraient été perdus, si le gouvernement de l’époque n’avait pas agi? Je ne demande pas de chiffres absolus, mais une indication générale. À ce que je sache, aucun parti, à la Chambre, ne s’est opposé aux mesures. Tout le monde était d’accord, sinon, ça n’aurait pas eu lieu.
M. Vincent : Pour répondre à la première question, le sommaire que nous avons publié a mis en évidence les prêts à l’ancienne et à la nouvelle société Chrysler, 2,9 milliards en tout. Les montants reçus comprenaient l’intérêt et le principal. Comme quelqu’un l’a fait remarquer, on a recouvré un petit montant de fonds propres dans l’accord, environ 132 millions. En mettant les deux ensemble, on obtient le prêt à l’ancienne société, à hauteur de 1,3 milliard plus les intérêts. Quelqu’un a dit que le montant de 2,6 milliards avait été radié. C’était une combinaison de ce prêt plus les intérêts qui avaient couru. La différence entre 2,9 et 2,1 milliards constitue essentiellement les intérêts, les taux de change et d’autres éléments, ce qui nous laisse avec la comptabilité définitive.
Le sénateur Neufeld : Alors, combien avez-vous reçu en intérêts?
M. Vincent : D’après ce tableau, 300 millions de dollars.
Le sénateur Neufeld : Très bien.
M. Vincent : Sur les emplois, un certain nombre d’études ont été réalisées à l’époque. D’après l’une d’elles, si l’usine d’Oshawa avait été la seule à fermer, l’économie aurait perdu en gros 52 000 emplois. Si on avait laissé les deux compagnies disparaître, les pertes totales d’emplois, d’après une autre étude, auraient été supérieures à 100 000.
Aujourd’hui, le secteur de l’automobile pourvoit à environ 130 000 emplois directs et à plus d’un demi-million d’emplois directs et indirects confondus. De ce point de vue, si l’industrie canadienne s’était effondrée, je pense que ce serait l’amplitude des dégâts.
Le sénateur Neufeld : Est-ce que ça comprend les emplois auxiliaires comme chez les fournisseurs de pièces et comme dans la chaîne logistique?
M. Vincent : Oui. Les emplois directs et indirects, y compris ceux de la chaîne logistique, chez les concessionnaires et d’autres qui sont associés à l’industrie.
Le sénateur Neufeld : Si tous ces emplois, et la plupart d’eux en Ontario, étaient partis, cela aurait été désastreux.
M. Vincent : Oui.
Le sénateur Neufeld : Je suis heureux que quelqu’un soit intervenu, au lieu de ne rien faire et de laisser l’industrie s’effondrer.
M. Halucha : N’oublions pas les emplois de l’avenir. Nous entrevoyons l’automobile de l’avenir, qui emploie beaucoup plus de technologies numériques, qui est branchée et qui se sert de l’intelligence artificielle.
Une autre raison pour laquelle ces mesures ont eu lieu en 2008-2009 est que les entreprises font la R-D dans les usines de production. La perte de la production entraîne celle de la R-D. L’automobile de l’avenir apporte un ensemble totalement nouveau d’entreprises dans l’écosystème et la chaîne logistique. Le Canada possède beaucoup d’atouts en intelligence artificielle à Toronto, Montréal, Edmonton et dans d’autres régions.
Voilà une occasion dont il faut profiter grâce aux mesures prises il y a 10 ans pour protéger ce secteur. Beaucoup de R-D a lieu actuellement, et beaucoup de nouvelles entreprises seront, nous l’espérons, au centre de la croissance de l’automobile de l’avenir. Cela se passera au Canada. Si, il y a 10 ans, nous n’avions pas agi, cet avenir se ferait encore attendre. Par exemple, quand BlackBerry a fait certaines compressions et cessé la fabrication du téléphone intelligent, toute l’équipe d’ingénierie qui travaillait à son dernier appareil a été embauchée par Ford. Cette absorption a été un fait économique remarquable. Cela ne se serait pas produit si les usines n’avaient pas été ici pour maintenir cet écosystème.
Le sénateur Neufeld : Merci.
Le président : Y a-t-il d’autres questions? Non.
Je dois dire que, collectivement, vous, les fonctionnaires fédéraux, vous avez fait la démonstration de votre travail d’équipe. Toutes mes félicitations pour avoir enrichi notre dossier, l’avoir clarifié et nous avoir certainement donné amplement matière à réflexion. Les comptes rendus prouveront aux Canadiens que vous avez un souci constant et efficace de transparence et de reddition des comptes.
Au nom du comité, je vous remercie de vos renseignements. N’hésitez pas à nous en communiquer d’autres, au besoin, par l’entremise de notre greffière.
Chers collègues, nous nous réunissons encore demain, à 13 h 45, dans la pièce 160-S de l’édifice du Centre. Nous terminerons l’étude du Budget supplémentaire des dépenses (A) par la comparution des quatre derniers ministères.
(La séance est levée.)