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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 90 - Témoignages du 20 mars 2019


OTTAWA, le mercredi 20 mars 2019

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui à 18 h 45 pour procéder à l’étude sur les processus et les aspects financiers du système d’approvisionnement en matière de défense du gouvernement du Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je veux souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes et à ceux et celles qui nous regardent peut-être à la télévision ou en ligne aux quatre coins du pays.

[Français]

J’aimerais rappeler à nos auditeurs et auditrices que les séances du comité sont publiques et peuvent être visionnées en ligne à l’adresse www.sencanada.ca.

[Traduction]

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Forest : Bonsoir. Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

Le sénateur Pratte : Bonsoir. André Pratte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Bonsoir. Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l’Ontario.

[Français]

Le président : J’aimerais souligner la présence de la greffière du comité, Gaëtane Lemay, et de nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui appuient également les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Distingués sénateurs et téléspectateurs, notre comité poursuit aujourd’hui son étude spéciale sur l’approvisionnement militaire, entamée le 30 octobre 2018.

J’indiquerais aux Canadiens et Canadiennes de toutes les régions du pays que la construction navale constituera l’élément le plus important de l’approvisionnement militaire dans les prochaines années. Le comité voulait entendre les industries de la construction navale; il en a donc convoqué les trois principaux acteurs afin qu’ils lui fassent part de leurs observations sur le processus et les aspects financiers du système d’approvisionnement en matière de défense du gouvernement.

Distingués sénateurs, j’aurai besoin de votre entière collaboration et de votre soutien inébranlable, puisque nous ne disposons que de 40 minutes pour chaque entreprise et que nous devons en entendre trois. Je vous demanderais donc de rester concis au cours du premier tour de questions et de réponses, en vous en tenant à des interventions de trois minutes maximum pour que tous aient l’occasion de participer à la discussion et de poser des questions aux témoins.

Notre premier groupe de témoins est composé de M. James Davies, président, et de M. John Schmidt, vice-président, Programmes commerciaux et gouvernementaux, du Chantier Davie Canada Inc., situé à Lévis, au Québec.

Messieurs Davies et Schmidt, nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation afin de nous permettre de recevoir vos observations sur les répercussions qui se font sentir dans les diverses régions du pays.

James Davies, président, Chantier Davie Canada Inc., (Davie) : Je vous remercie de cette présentation. Permettez-moi de remercier sincèrement le Sénat du Canada de réaliser la présente étude, ainsi que les distingués sénateurs du Québec, dont 21 ont écrit au premier ministre Trudeau pour lui demander instamment de réformer la Stratégie nationale de construction navale, conformément aux motions adoptées à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec en 2017 et 2018.

Distingués sénateurs, en 2012, moi et mon partenaire d’affaires, Alex Vicefield, avons acheté Davie, le plus gros et le plus expérimenté constructeur naval du Canada. Depuis la reprise des activités en 2013, Davie a livré cinq nouveaux navires. En 2015, notre entreprise a été nommée chantier naval de l’année en Amérique du Nord selon le registre de Lloyd’s, devançant ainsi le chantier General Dynamics NASSCO de San Diego. Davie est encore aujourd’hui le premier constructeur naval du Canada, assurant 50 p. 100 de la capacité de construction navale au pays. Malgré ses succès, ses capacités et le travail offert par le gouvernement, toutefois, l’entreprise demeure considérablement sous-utilisée.

À titre de renseignement, sachez que l’Asterix, le seul navire ravitailleur du Canada, a été livré dans les délais et selon le budget par Davie. C’est un succès retentissant.

Notre pays a manifestement besoin d’un deuxième navire ravitailleur de classe Resolve pour soutenir les flottes de l’Atlantique et du Pacifique. La côte canadienne a une longueur de plus de 243 000 kilomètres et, comme le Sénat l’a souligné en 2017, nous avons besoin de quatre navires ravitailleurs.

Quand le gouvernement a lancé la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale, des fonctionnaires ont fait remarquer que la plupart des marines avaient observé des dépassements de coûts faramineux dans le cadre de leurs programmes de construction navale; les efforts déployés pour mettre les projets en œuvre ont mis au jour des augmentations de coût dépassant largement les budgets des projets. Près de 10 ans plus tard, aucun navire n’a été livré, et le budget initial a considérablement gonflé. D’un total de 30 milliards de dollars, le coût du programme est passé à bien plus de 80 milliards de dollars.

Les fonctionnaires qui avaient décelé les problèmes il y a une dizaine d’années et formulé des recommandations budgétaires ont été incapables d’atténuer les risques au sujet desquels ils avaient émis des mises en garde.

Aujourd’hui, il est généralement considéré que le Parlement et les contribuables devraient simplement accepter que l’augmentation du prix et les retards de livraison sont normaux dans le domaine de l’approvisionnement en matière de défense et de la construction navale au Canada. Voilà un point de vue que nous ne partageons absolument pas. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi et de vous faire part de certaines de nos observations et de nos recommandations collectives.

Tout commence avec l’entente. En 2018, nous avons livré l’Asterix en respectant un prix fixe et un échéancier ferme, conformément à l’entente. Si nous avions dépassé le budget ou livré le bâtiment avec beaucoup de retard, nous aurions dû assumer une pénalité. En passant, l’annulation du contrat fait partie des pénalités. Il nous revenait entièrement de gérer le risque.

Les futurs contrats devraient se fonder sur un prix fixe et des conditions de livraison fermes, et non sur le modèle du prix coûtant majoré à risque zéro offrant une marge de profit d’environ 15 p. 100, au grand détriment du Canada. En fait, le modèle du prix coûtant plus bénéfices utilisé aujourd’hui a l’effet pervers d’encourager les constructeurs navals à dépenser davantage.

Lors de la négociation de contrats, il faudrait concilier le risque, l’optimisation des ressources et une récompense congrue. Le contrat devrait préciser ce que le chantier naval peut livrer en fonction d’un prix et d’une date de livraison fixes. Si le chantier dépasse le prix ou la date de livraison, c’est à lui d’en assumer les conséquences. Le gouvernement et, implicitement, les contribuables, ne devraient pas assumer tous les risques, tout en payant au chantier un montant excessif. Bien entendu, cela laisse entendre que l’acheteur, le Canada, a fait sa part en ne retardant pas les décisions nécessaires ou en changeant d’avis au sujet des spécifications. Les retards et les changements ont un prix.

Mon deuxième point concerne les conséquences. Une entente ne prévoyant aucune conséquence en cas d’échec est sans efficacité. Par échec, j’entends une incapacité à livrer la marchandise en respectant le budget ou l’échéancier. Au chapitre des conséquences, en cas d’échec, le gouvernement doit pouvoir choisir un autre fournisseur pour de futurs contrats. Je sais que certains architectes de la Stratégie nationale de construction navale et les bénéficiaires de ces généreux programmes voudraient perpétuer le mythe selon lequel le Canada a déjà éliminé la possibilité de changer de fournisseurs de la stratégie, mais ce n’est pas le cas.

Le vérificateur général a affirmé que les ententes-cadres, qui constituent les fondements de la Stratégie nationale de construction navale, ne garantissent pas que les futurs contrats de conception ou de construction de navires seront accordés aux chantiers navals. Aucune obligation contractuelle ne force le gouvernement à accorder tous les contrats de construction navale de la Stratégie nationale de construction navale aux chantiers navals retenus en vertu des ententes-cadres.

La troisième recommandation concerne le point de mire. Pour connaître le succès dans le dossier fédéral de la construction navale, l’acheteur doit se concentrer sur la mission première à accomplir et sur les ressources nécessaires à l’atteinte de son objectif au lieu de chercher aveuglement à atteindre la perfection.

Aujourd’hui, le processus est établi de telle sorte qu’il permet une évolution constante de la conception à mesure que les groupes toujours plus grands d’influenceurs se forment graduellement une opinion. En bref, la conception navale effectuée en comité permet l’ajout perpétuel de spécifications. De toute évidence, personne ne veut construire de navires à trois ou cinq fois le prix normal; pourtant, c’est ce qui arrive.

Le Canada doit employer des équipes d’approvisionnement plus petites pour obtenir des navires destinés à des missions précises et adaptés aux besoins. Il faut établir la mission et les spécifications au début du processus et ne plus y retoucher, sinon, l’achat de 15 frégates devant coûter 61,8, 77 ou 100 milliards de dollars débouchera sur le plus grand fiasco de l’histoire de l’approvisionnement du Canada et le pays ne recevra pas 15 frégates, loin de là.

Sénateurs, dans le cadre du plan actuel, le gouvernement s’apprête à dépenser au moins 30 milliards de dollars de plus que nécessaire. Les coûts de renonciation sont dangereusement stratégiques de nature, car ils font en sorte qu’il y a moins d’argent à accorder pour acquérir ou moderniser des capacités, comme une nouvelle flotte de sous-marins, des dragueurs de mines, des brise-glaces dont nous avons un besoin criant ou d’autres capacités pour protéger et défendre nos 243 000 kilomètres de côte. Les dépenses incontrôlée, justifiées par le processus, n’aident pas la marine, la Garde côtière ou le Canada.

La quatrième recommandation concerne quelque chose qui est nécessaire pour que le reste fonctionne : il s’agit de la viabilité de l’industrie de la construction navale. Quand on construit des navires adaptés aux besoins, on conçoit un produit exportable qui attirera des acheteurs étrangers. Or, aucun pays ne paiera de quatre à cinq fois le prix qui a cours sur les marchés internationaux pour un navire. Une stratégie de construction navale n’incluant pas de produit exportable se résume à un simple programme de stimulation à court terme ou à ce que d’aucuns pourraient qualifier d’« aide sociale pour chantiers navals ».

Ma cinquième et dernière recommandation concerne la transparence. Le Canada doit accroître l’ouverture, la transparence et la reddition de comptes dans le domaine de l’approvisionnement en matière de défense.

Aujourd’hui, dans le cadre du programme national de construction navale, les parlementaires et les Canadiens se font dire qu’ils ne peuvent connaître le coût véritable des navires, les échéanciers de livraison réels et exacts, les profits négociés et prévus dans les contrats, ou les détails importants qui leur permettraient d’évaluer adéquatement la réussite du programme. Ces renseignements sont qualifiés de « commerciaux » et de « confidentiels » afin de refuser de transmettre l’information aux parlementaires qui cherchent à surveiller les budgets et les coûts d’un programme de 80 milliards de dollars. Pour qui ces renseignements sont-ils commerciaux? Le tout fait déjà l’objet d’une entente contractuelle. Ces détails sont qualifiés de commerciaux uniquement parce qu’ils ne plairaient guère au contribuable.

Je conclurai en indiquant que le gouvernement est aujourd’hui sur le point de dépenser plus de 30 milliards de dollars de plus qu’il le devrait dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale. Il ne rompt pas le cycle de périodes de vaches grasses et de vaches maigres, appuyant plutôt artificiellement un essor à un coût excessif pour le contribuable, et cela ne fonctionne pas. Mais le pire, c’est le sentiment qu’ont certains que ce travail leur revient de droit, ayant l’impression que le programme offre des garanties aux deux chantiers navals visés par la Stratégie nationale de construction navale, peu importe le coût, l’échéancier ou la qualité du produit final. Comme le vérificateur général l’a souligné, cela n’a jamais été l’intention.

Je répondrai à vos questions avec grand plaisir.

Le président : Merci, monsieur Davies.

La présidence va maintenant accorder la parole au vice-président du comité des finances, le sénateur Pratte.

Le sénateur Pratte : Bienvenue, messieurs, et merci de témoigner ce soir. Monsieur Davies, vous avez donné votre avis sur les ententes-cadres et leurs implications. D’après ce que je comprends, malgré ces ententes-cadres, vous considérez que le gouvernement devrait modifier certains aspects de la Stratégie nationale de construction navale pour vous accorder plus de travail, puisque vous n’en avez pas au titre de la stratégie à l’heure actuelle.

Quand nous parlons avec les fonctionnaires, ils nous disent que s’ils agissaient ainsi, les deux autres chantiers intenteraient tout simplement des poursuites et qu’ils seraient fort susceptibles d’avoir gain de cause en raison des ententes-cadres. Vous ne partagez pas leur opinion?

M. Davies : La situation est légèrement plus complexe. Si on annulait un contrat déjà accordé, il pourrait y avoir un problème. Il y aurait une conséquence financière. Je vous demanderais toutefois d’examiner la question suivante un instant : le montant de cette conséquence financière équivaut-il à celui de l’évolution constante du budget? Rendu à un certain point, force est d’admettre qu’on jette peut-être l’argent par les fenêtres.

La question a peut-être une conséquence plus grande si vous portez attention aux détails de ce que j’ai dit. J’ai parlé de « contrats supplémentaires ». Si vous éprouvez des problèmes relativement à un, deux, voire une série de navires, ne récompensez pas les chantiers navals en leur accordant d’autres contrats, car cela constituerait un mauvais incitatif et tendrait à surcharger ces chantiers. Un chantier qui se rétablit après avoir dépassé l’échéancier est un endroit épouvantable, et la dernière chose que les chantiers veulent à ce moment-là, c’est de la pression supplémentaire.

Le sénateur Pratte : Si vous faisiez partie du gouvernement aujourd’hui et que quelqu’un vous convainquait que la Davie devrait recevoir plus de travail, comment procéderiez-vous, étant donné que le travail a déjà débuté dans les deux autres chantiers navals et est assez en avance dans certains cas, et que des ententes-cadres et des contrats ont déjà été conclus?

M. Davies : Trois chantiers navals se sont qualifiés lors du concours initial, soit Seaspan Shipyards, Irving et Chantier Davie Canada Inc. En autorisant la Davie à être un chantier naval au titre de la Stratégie nationale de construction navale, on lui permettrait d’obtenir des contrats dans l’avenir. Je ne toucherais pas aux contrats déjà accordés aux chantiers navals. À ce jour, toutefois, moins de la moitié des contrats prévus pour atteindre l’objectif de la stratégie ont été accordés.

Le sénateur Pratte : Cela signifie-t-il, par exemple, que la Davie pourrait construire les mêmes navires que ceux que construisent actuellement les deux autres chantiers, ou parle-t-on de décider de faire construire le Diefenbaker...

M. Davies : Je pense que la construction du Diefenbaker a été confiée à Seaspan Shipyards. Par contre, les contrats relatifs à certains brise-glaces polyvalents et à un certain nombre de navires de classe semblable n’ont pas encore été accordés. Le gouvernement aurait là un moyen d’alléger la pression. On peut envisager la situation de diverses manières.

Un des titulaires de contrat pourrait aussi confier du travail en sous-traitance, particulièrement s’il est débordé.

Le président : Aux fins du compte rendu, je voudrais demander aux sénatrices Duncan et Andreychuk de se présenter.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Duncan : Pardonnez-moi mon retard. Patricia Duncan, du Yukon.

La sénatrice Eaton : Comme vous le savez, nous réalisons la présente étude pour tenter de trouver des manières plus optimales et moins onéreuses d’effectuer les approvisionnements militaires. Je m’intéresse à votre observation sur la prise de décisions, monsieur Davies. Je pense que cinq ministères et 33 centres de prise de décisions interviennent dans le processus. Pensez-vous qu’il existe un moyen de simplifier tout cela? Devrions-nous constituer un comité d’approvisionnement et nommer un ministre devant rendre des comptes au Parlement? Devrait-il y avoir un ou deux ministères? Comment simplifieriez-vous et accéléreriez-vous le processus?

M. Davies : Le problème vient de la capacité des gens à influencer les spécifications. Nous avons travaillé avec succès à la construction de l’Asterix en choisissant une fonction de ravitaillement primaire ou même secondaire — les tâches d’aide humanitaire et de secours aux sinistrés étant les deux exigences de base — et en nous y tenant. Si d’autres personnes doivent exercer une influence quelconque, il faut qu’il existe une excellente raison pour demander à un influenceur...

La sénatrice Eaton : Je pense qu’avant d’en arriver là, 35 décideurs sont intervenus.

M. Davies : Il faut simplifier le processus.

La sénatrice Eaton : Avez-vous des conseils pour le simplifier?

John Schmidt, vice-président, Programmes commerciaux et gouvernementaux, Chantier Davie Canada Inc., (Davie) : Je pourrais l’aider à répondre, car j’ai travaillé pendant près de 25 ans à Travaux publics, au sein de la direction de la marine qui achetait des navires à l’époque. Nous achetions alors des navires et exécutions des programmes entiers en quatre ans tout en respectant le budget.

Ce qu’il faut, c’est conférer des pouvoirs aux responsables qui effectuent le travail. À l’heure actuelle, même si la délégation s’effectue vers le bas à partir du ministre, ce sont les hauts fonctionnaires qui prennent les décisions, et les simples bureaucrates s’adressent à eux pour prendre des décisions relatives aux ordres de changement et aux modifications de la portée, comme M. Davies l’a souligné. Tout ce qui aurait une incidence sur le coût, l’échéancier ou un point important n’est plus délégué. Il faut conférer des pouvoirs aux fonctionnaires qui ont l’autorité ministérielle d’approuver des ordres de changement à hauteur de 2 ou 3 millions de dollars, afin d’apporter les modifications et de faire progresser les programmes.

Comme M. Davies l’a fait remarquer, chaque fois qu’on retarde une décision, les coûts augmentent, l’échéancier change et le programme dévie de sa voie.

La sénatrice Eaton : Réduiriez-vous le nombre de ministères qui interviennent?

M. Schmidt : Je ne pense pas que ce soit une question de nombre de ministères. Ce qu’il faut, c’est conférer du pouvoir à l’équipe de projet. Par exemple, dans le domaine de la construction navale, il n’y a pas de pouvoir de changement, alors que dans celui de la réparation de navires, les petites équipes qui travaillent sur le chantier naval peuvent exécuter les ordres de changement dans un délai de 24 heures, sachant que le temps est précieux sur le quai et que les navires doivent entrer et partir. Voilà où se situe le problème.

La sénatrice Eaton : Faudrait-il qu’un seul ministre soit responsable de l’approvisionnement militaire devant le Parlement?

M. Schmidt : Au ministère de la Défense nationale, il est très clair que le sous-ministre adjoint (Matériel) est responsable des programmes. Il dispose des fonds, approuve les programmes et avalise les soumissions. Je pense donc qu’un seul ministère est responsable du dossier à l’heure actuelle. Services publics et Approvisionnement Canada s’occupe de l’approvisionnement, mais à titre de service pour le ministère de la Défense nationale.

La sénatrice Eaton : Je peux me tromper, mais je pense que dans certains pays, comme le Royaume-Uni, il y a un ministre de l’Approvisionnement en matière de défense, de sorte que les députés peuvent s’adresser à une personne responsable de ce qu’il se passe s’ils ont des questions.

À l’heure actuelle, il ne semble pas y avoir de tel responsable, n’est-ce pas?

M. Schmidt : Je pense que les pouvoirs sont répartis entre les ministères. Le ministère de la Défense nationale est responsable du programme et établit les exigences, alors que Services publics et Approvisionnement Canada est responsable du contrat et de la négociation des conditions et du prix. Il est très clair que...

La sénatrice Eaton : Le ministère de l’Innovation est quant à lui responsable du contenu canadien.

M. Schmidt : Oui.

[Français]

Le sénateur Forest : Bienvenue chez nous. Dans le budget qui a été déposé hier, il était question de deux traversiers. Dans le cadre de ce budget, voyez-vous la possibilité d’octroyer des contrats au chantier naval Davie?

[Traduction]

M. Davies : J’ai remarqué ce poste budgétaire, à mon grand bonheur. Au Canada, l’heure de la retraite approche pour un certain nombre de traversiers, particulièrement sur la côte Est. À court terme, quatre, voire cinq traversiers pourraient être mis au rancart. Il y en a certainement huit qui le seront au cours de la prochaine décennie environ.

Nous considérons qu’en vertu de la politique de construction au Canada, il faut que ces traversiers soient construits par la Davie. Je ne sais pas encore comment les choses se passeront à Services publics et Approvisionnement Canada.

[Français]

Le sénateur Forest : Donc, ces traversiers ne font pas partie de la Stratégie nationale de construction navale.

[Traduction]

M. Schmidt : Non, ils n’en font pas partie actuellement.

[Français]

Le sénateur Forest : La Stratégie nationale de construction navale prévoit des contrats d’environ 100 milliards de dollars. Quel pourcentage la Davie reçoit-elle de ce carnet de commandes avec les vaisseaux de combat et les vaisseaux de soutien?

[Traduction]

M. Schmidt : Je dirais qu’en réalité, c’est certainement moins que ce qui est indiqué sur le site web du gouvernement, car tous les travaux de réparation sont maintenant considérés comme faisant partie de la Stratégie nationale de construction navale. Mais nous assimilons cette stratégie au programme fédéral de remplacement de navires, que le gouvernement a lancé pour remplacer et renouveler sa flotte. La Davie n’a actuellement aucun nouveau contrat de construction navale. Je vous répondrais donc que ce pourcentage est de zéro.

[Français]

Le sénateur Forest : À l’exception de l’Asterix.

[Traduction]

M. Schmidt : Oui. Ce navire ne fait pas partie de la Stratégie nationale de construction navale.

[Français]

Le sénateur Forest : Donc, c’est à l’extérieur de l’Asterix.

Je suis surpris que le responsable de l’approvisionnement ne soit pas ici. Je ne le vois pas dans la salle. J’ai essayé à plusieurs occasions d’obtenir l’argumentaire qui a permis d’arriver à la conclusion qu’un deuxième navire de soutien ne sera pas nécessaire. Compte tenu de l’étendue du côté nord, est et ouest, devrait-on entreprendre la construction de l’Obelix?

[Traduction]

M. Schmidt : Je considère que l’Obelix est nécessaire. Nous l’avons d’ailleurs fait valoir à maintes reprises. Il y a un manque dans le programme naval à l’heure actuelle. Je pense que si le gouvernement s’est fait conseiller de ne pas construire l’Obelix, c’est simplement parce que certains voulaient commencer le programme de navires de soutien interarmées trop tôt et qu’ils avaient besoin d’un motif pour ne pas construire l’Obelix.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de témoigner ce soir. Monsieur Davies, je sais que vous n’êtes pas satisfaits — ce sont mes mots, pas les vôtres — du travail qui vous a été confié, mais vous savez quel travail a été accordé à d’autres chantiers. Quelles sont les occasions qui s’offrent à votre chantier naval, selon vous?

M. Davies : En dehors de la Stratégie nationale de construction navale?

La sénatrice Marshall : Non, de façon générale.

M. Davies : Nous nous intéressons à des appels d’offres d’autres pays, qui totalisent plus de 1,5 milliard de dollars, et à la construction de traversiers au pays, notamment sur la côte Est, où on doit en remplacer un certain nombre, comme je l’ai indiqué. J’ai également remarqué un certain nombre de possibilités sur la côte Ouest.

La sénatrice Marshall : Rien toutefois qui émane du gouvernement fédéral?

M. Davies : Rien à part ce qui a été annoncé dans le budget hier.

La sénatrice Marshall : Vous avez parlé de la transparence dans votre exposé. J’ai remarqué qu’au gouvernement, il est très difficile d’obtenir des renseignements sur les budgets accordés aux divers projets d’immobilisation et sur les coûts réels. Vous avez fait allusion au problème vers la fin de votre exposé. Pourriez-vous traiter de la question? J’essaie de suivre les chiffres. Pourquoi est-il si difficile de les suivre, de comparer les budgets et de connaître les chiffres réels au gouvernement?

M. Davies : Je suis comptable.

La sénatrice Marshall : Moi aussi.

M. Davies : Ce qui est évalué est mesuré et analysé, et nous composons avec la situation. Si nous pouvons procéder en établissant des comparaisons, nous avons l’occasion de comparer les choses. Sans les chiffres de base, toutefois, on ne peut le faire. Étant de nature soupçonneuse, je me demande si c’est une motivation.

Les chiffres sont parfois difficiles à suivre, mais la tâche n’est pas insurmontable.

La sénatrice Marshall : Qu’avez-vous proposé au gouvernement fédéral?

M. Schmidt : À l’heure actuelle, nous collaborons avec le gouvernement. Nous nous sommes vu accorder un préavis d’adjudication de contrats afin de négocier des périodes de réparation de frégates canadiennes. Nous nous employons donc à préparer une proposition à l’intention du gouvernement.

La Défense nationale a décidé d’ajouter de la capacité supplémentaire à la réparation de ses frégates navales. Les autres chantiers étant surchargés, le ministère offre à la Davie de réparer les navires. Nous négocions la réparation de trois frégates de la côte Est, soit les Ville de Québec, Montreal et Halifax.

La sénatrice Marshall : C’est tout?

M. Schmidt : Nous participons à l’appel d’offres pour d’autres petits travaux de réparation sur des navires fédéraux. Par exemple, dans votre circonscription, nous négocions une petite réparation sur le Louis S. St-Laurent.

La sénatrice Marshall : Merci.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de témoigner. C’est un soir important pour notre comité et le Sénat. Nous vous remercions d’avoir été francs lors de votre exposé. J’essaie d’assembler les pièces du casse-tête.

Ce document, qui nous a été distribué, est le vôtre, n’est-ce pas?

M. Davies : Oui.

La sénatrice M. Deacon : Je veux m’arrêter à deux points dans ce document, notamment à la page portant sur la main-d’œuvre d’hier à aujourd’hui, qui se trouve aux deux tiers du document ou vers la fin. Vous nous donnez des graphiques à barres comparant la main-d’œuvre entre 2015 et 2019 concernant les emplois directs et indirects.

Vous avez indiqué qu’environ 1 300 employés sont actuellement mis à pied. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer si la situation est le résultat direct des contrats accordés au pays? Les employés ont-ils particulièrement tendance à perdre leur emploi dans certains domaines? La tendance est-elle plus marquée pour certaines compétences? Pouvez-vous m’en dire plus au sujet de ce graphique à barres?

M. Davies : C’est un peu binaire. Il s’agit de métiers comptant presque exclusivement des cols bleus. La main-d’œuvre du chantier de Lévis ne bouge pas beaucoup. Le chantier est là depuis plus de 150 ans et se dirige vers son 200e anniversaire. Ces travailleurs ont passé une bonne partie de leur carrière à construire des navires.

Quand le chantier obtient un contrat de construction navale, tout le monde est immédiatement à l’œuvre.

À l’heure actuelle, nous nous employons à convertir trois brise-glaces pour qu’ils satisfassent aux exigences du Canada dans le cadre du programme de brise-glaces maritimes. Cela ne permet toutefois pas d’alimenter suffisamment le chantier pour qu’il fonctionne à plein rendement.

Quand nous avons atteint un point culminant, en 2017, nous travaillions approximativement deux millions d’heures-personnes, ce qui, par bonheur, procurait du travail à bien plus de 1 300 employés directs et à un éventail de sous-traitants à l’œuvre sur place et dans la chaîne d’approvisionnement, à l’extérieur du chantier. La construction de navires a un effet de ruissellement incroyable sur l’économie.

La sénatrice M. Deacon : Les employés qui ne travaillent pas, selon la nature de leurs compétences et leur attachement à l’égard de la construction navale au fil des ans, seraient en grande partie au chômage s’ils ne construisent pas de navires?

M. Davies : Non. Ils acceptent des emplois à court terme, mais pour rester sur la liste de rappel, ils doivent être disponibles. Ils ne peuvent donc pas prendre d’engagement dans une autre province ou accepter un gros contrat, car ils espèrent que leur employeur obtiendra un nouveau contrat et les rappellera pour faire le travail pour lequel ils ont été formés. C’est le principe de base.

Le président : Avant d’accorder la parole à la sénatrice Andreychuk, je demanderais aux sénatrices Jaffer et Forest-Niesing de se présenter.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Je vous remercie de votre exposé. Vous vous êtes attardés à l’augmentation des coûts prévus. Au chapitre des chiffres, vous parlez en milliards, je parle en milliers. Je viens de la Saskatchewan; or, nous sommes ici au gouvernement fédéral, où il est question de millions. Outre les dépassements de coût qui sont faramineux, tant pour vous que pour le gouvernement, qu’est-ce qui différencie votre industrie des autres? Je soulignerais que l’édifice dans lequel nous nous trouvons fait l’objet de dépassements de coût.

C’est symptomatique d’un gouvernement qui doit rendre des comptes, mais où tout le monde intervient. J’observe des dépassements de coût pratiquement partout; peut-être que les décisions ne sont pas bien gérées ou que les ministères ne communiquent pas entre eux. Le problème est omniprésent dans les rouages du gouvernement. Qu’est-ce qui fait que le problème est plus criant dans votre industrie et qu’il faut corriger? Est-ce en raison des sommes colossales qui entrent en jeu ou est-ce un problème particulier que je ne comprends pas parce que je viens de la Saskatchewan?

M. Davies : Sachez d’abord que ce n’est pas dans le cadre de nos contrats qu’il y a des dépassements de coût à l’heure actuelle. Je tiens à le faire remarquer.

Le problème vient du principe et commence avec les incitatifs. Si on a négocié une marge à coût majoré au début du contrat, comment augmentera-t-on le montant discret qu’on finit par empocher? On ne peut rien faire avec la fraction, alors on fait quelque chose avec le coût de base. Il n’est pas impossible de faire en sorte qu’un client se retrouve dans une position où il apporte plus de changements et assume des coûts plus élevés.

En outre, certains éléments concernent ce qui a été construit. C’est le plus petit chantier qui construit les plus imposants navires. C’est une tâche très ardue et cela fait en sorte qu’il est très difficile d’atteindre les objectifs fixés au départ. C’est une question d’expérience, de capacité et d’attribution de contrat à la partie compétente, selon moi.

La sénatrice Andreychuk : La situation est-elle propre à la construction navale? Qu’en est-il des installations et du matériel militaires et d’autres secteurs?

M. Schmidt : Cette question nous ramène à notre exposé. Tout dépend de l’entente. Si le contrat comprend des dates de livraison et des échéanciers fermes, et des exigences bien définies d’entrée de jeu, l’entrepreneur a de la pression sur les épaules.

Quand j’étais de l’autre côté de l’équation dans le cadre des approvisionnements gouvernementaux, il importait de travailler avec l’entrepreneur pour s’assurer qu’il ait toutes les chances de réussir et de livrer la marchandise à temps. Maintenant, l’incitatif n’est peut-être pas le même.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins. Monsieur Davies, je suis fort impressionné par les chiffres comparant les bâtiments de classe Resolve aux navires de soutien interarmées, mais cela m’a fait réfléchir à diverses erreurs que j’ai commises par le passé quand j’essayais d’obtenir quelque chose à prix moindre et que j’ai cru les promesses voulant qu’un produit plus cher soit meilleur, pour ne pas être nécessairement satisfait dans les deux cas.

J’aime qu’on promette que le produit sera livré conformément au budget, aux spécifications et à l’échéancier. Le concept selon lequel une industrie non concurrentielle ne sera ni exportable ni viable me plaît aussi. Ce sont des points importants.

Quelle assurance pourriez-vous nous donner quant à votre obligation continue à l’égard de l’Asterix pour être certain de livrer ce qui a été...

M. Davies : Le navire a été livré.

Le sénateur C. Deacon : Mais je parle du rendement réel. Oui, le navire respecte les spécifications, mais son rendement est-il conforme aux normes?

M. Davies : Oui.

M. Schmidt : J’étais gestionnaire de contrat avant de me joindre à la Davies dans le cadre du projet, et c’est le nombre de jours de déploiement et de disponibilité qui nous encourage dans le cadre du contrat. Par exemple, le contrat prévoit un certain niveau de profit, mais nous pouvons doubler ce chiffre si le navire est livré et est disponible 100 p. 100 du temps pour la marine. Nous sommes donc encouragés à faire en sorte que le navire soit toujours disponible. S’il manque une journée ou que le navire tombe en panne en raison de notre négligence, nous ne serons pas payés.

M. Davies : Tel qu’indiqué, le navire doit être disponible 130 jours par année. Pour l’exercice qui se termine, la disponibilité aura été de 350 jours. Le navire a donc satisfait, voire dépassé les exigences.

La marine est enchantée du navire et est impatiente de le voir en fonction sur les deux côtes afin de s’assurer que les deux groupes de frégates ont le temps de pratiquer avant les opérations de ravitaillement.

Le sénateur C. Deacon : Ma deuxième question est la suivante : pouvez-vous donner au comité des exemples de projets auxquels vous avez travaillé par le passé, quand vous étiez de l’autre côté de l’équation, et qui ont atteint les mêmes objectifs?

M. Schmidt : Les mêmes objectifs concernant les délais?

Le sénateur C. Deacon : Sur les plans du budget, des spécifications, des délais et du rendement en continu.

M. Schmidt : Je pense que l’ensemble du projet de modernisation des navires de classe Halifax — soit le projet FELEX, qui a commencé quand je travaillais au gouvernement à titre de directeur de l’approvisionnement — s’est révélé une réussite retentissante. Tous les navires de ce programme ont été livrés à temps, selon l’échéancier. J’étais responsable du programme des navires de classe Hero quand j’étais gestionnaire de projet pour la compagnie Irving. Par la suite, une fois les navires livrés, j’ai travaillé pour le gouvernement des Bahamas, collaborant avec le gouvernement du Canada, et nous avons livré deux navires de patrouille en respectant le délai et le budget.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de témoigner ce soir. Je veux revenir à la Stratégie nationale de construction navale et à ce qui en est exclu. Très souvent, dans le cadre d’approvisionnements, on a l’occasion de tenir une rencontre après les délibérations ou une conférence de consultation qui permettent peut-être d’expliquer pourquoi certains entrepreneurs ont été exclus de la stratégie. A-t-on mis en œuvre un processus semblable?

Je pense qu’on envisage de réexaminer la stratégie et de lancer un nouvel appel d’offres. Quels changements apporteriez-vous si on révise la stratégie? Ce sont deux questions que je vous pose.

M. Schmidt : Pour avoir participé aux travaux relatifs à la stratégie dès les premiers jours, je peux dire qu’un des gros problèmes, c’est le fait que la stratégie repose sur un fondement erroné. Selon l’analyse effectuée à l’époque, le renouvellement de la flotte pouvait être confié à deux chantiers navals, cette évaluation étant fondée sur un chiffre approximatif de deux ou trois millions d’heures-personnes par année au cours de la production. C’est à peu près la limite pour deux chantiers navals pour de nouvelles constructions.

En réalité, la flotte doit maintenant remplacer quelque 55 navires, alors qu’aucun navire n’a été livré sept ans après le début du programme. En fait, on a besoin d’environ six millions d’heures-personnes par année pour remplacer la flotte fédérale dans l’état où elle se trouve actuellement. Ainsi, si on commence en s’appuyant sur un fondement erroné voulant qu’on ait besoin de seulement deux ou trois millions d’heures-personnes par année alors qu’en réalité, on en a besoin de six millions, on tirera toujours de l’arrière. C’est la réalité.

Ce que nous disons, c’est que vous avez retenu trois chantiers navals lors du concours lancé dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale et qu’il est maintenant temps de faire appel au troisième chantier.

Le sénateur Klyne : Il faudrait réviser la stratégie nationale?

M. Schmidt : Non, monsieur, ce ne serait pas nécessaire, car trois chantiers navals se sont qualifiés au départ et vous avez décidé de confier du travail à seulement deux d’entre eux, pensant avoir besoin de seulement deux ou trois heures-personnes par année.

Nous devons maintenant construire des brise-glaces. Seaspan a remanié les plans à trois reprises pour établir un échéancier adéquat, et cela ne convient toujours pas. Il faut ajouter de la capacité.

Le sénateur Klyne : Il faut donc modifier la portée du projet?

M. Schmidt : C’est une question de besoin, de demande. Compte tenu de la complexité des navires, la construction est plus longue et exige un plus grand nombre d’heures-personnes. En outre, comme James l’a fait remarquer plus tôt, on tente de construire de gros navires dans de petits chantiers navals. Voilà qui exige plus d’heures-personnes.

Le sénateur Klyne : Merci.

Le président : Je regarde l’heure, et je pourrais encore accorder la parole à deux sénateurs, qui pourraient poser une question chacun. Messieurs, si jamais je dois vous interrompre, vous pouvez aisément faire parvenir votre réponse par écrit à la greffière. En outre, comme j’ai entendu que vous suivez attentivement notre étude, sachez que vous pouvez nous transmettre des renseignements supplémentaires en les faisant parvenir à la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay.

Le sénateur Pratte : Monsieur Schmidt, en ce qui concerne l’Obelix, vous avez indiqué qu’on cherchait une raison pour ne pas le construire. Voilà qui m’intrigue, car nous avons interrogé à maintes reprises les fonctionnaires de la Défense nationale à ce sujet, et ils nous ont assuré qu’ils n’avaient pas besoin de ce navire, en évoquant diverses raisons.

À titre de législateur, je ne sais pas ce qu’il en est, mais je pense que s’ils nous indiquent qu’ils n’en ont pas besoin, qu’est-ce qui vous pousse à croire qu’ils en ont besoin, même s’ils ne le savent pas ou ne veulent pas l’admettre?

M. Schmidt : Je pense qu’ils ne veulent pas l’admettre, car cela nuirait au programme. Je pense que les décisions administratives visent à protéger le programme, et pas forcément dans l’intérêt supérieur de la construction navale.

Comme M. Davies l’a signalé, nous avons été engagés pour être déployés pendant 135 jours. L’an dernier, nous avons été déployés 355 jours sur les deux côtes et nous n’étions pas censés aller dans la mer de Chine méridionale et d’autres secteurs comme celui-là. Nous sommes allés partout. Nous nous sommes rendus à l’autre bout du monde à deux reprises. Si cela ne fait pas ressortir la nécessité d’un deuxième navire — lorsqu’un navire est constamment déployé, il faut deux bateaux... Les deux ravitailleurs d’escadres AOR, que nous avons remplacés, ont été déployés 150 jours chaque, si bien qu’ils font le travail de deux navires.

M. Davies : L’Allemagne compte cinq AOR et elle a un petit littoral et une marine de petite taille comparativement au Canada. Si vous n’avez pas d’escadre AOR, vous avez une Garde côtière qui coûte très cher ou vous empruntez des capacités ailleurs.

Le président : Pour conclure les questions adressées à notre premier groupe de témoins, nous allons entendre la sénatrice Eaton.

La sénatrice Eaton : Je pense que la marine nous à dit à la Conférence sur la sûreté maritime à Vancouver que nous avions besoin de quatre navires, deux sur chaque côte, car il y en a toujours un au quai d’entretien.

Devrions-nous envisager des sous-marins?

M. Schmidt : Je pense qu’une étude a été réalisée récemment dans le cadre de laquelle la marine s’est penchée sur l’acquisition de sous-marins et a conclu qu’elle disposait de capacités suffisantes pour l’instant.

La sénatrice Eaton : Nous en avons deux, n’est-ce pas?

M. Schmidt : Nous en avons quatre. Un fait habituellement l’objet de travaux d’entretien. Mais vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice. Je pense que la même philosophie s’applique aux navires de ravitaillement, où il y en a généralement un au quai d’entretien et les trois autres sont opérationnels. Je pense que si on n’a pas les moyens d’en avoir quatre, on a certainement besoin d’en avoir trois. On en avait trois dans le passé au Canada. C’était la norme.

La sénatrice Eaton : Nous en avions trois dans le passé?

M. Schmidt : Oui, et Davie a construit le premier. Nous sommes passés à deux, et je pense que le plan à l’heure actuelle est de construire deux navires de soutien interarmées, mais la date d’exécution est encore inconnue.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le président : Monsieur Davie, de Davie Shipyards, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Vos observations et les renseignements dont vous nous avez fait part ont été très instructifs pour nous.

[Français]

Nous accueillons maintenant les représentants du chantier naval Irving, situé principalement à Halifax, avec des chantiers satellites ailleurs en Nouvelle-Écosse.

[Traduction]

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons J.D. Irving, Limited, représenté par M. James Irving, coprésident-directeur général, M. Ross Langley, vice-président exécutif, M. Kevin McCoy, président, Les Chantiers Maritimes Irving Inc., et M. Scott Jamieson, vice-président, Programmes, Les Chantiers Maritimes Irving Inc.

Chers collègues, on m’a informé que M. Irving a un bref exposé liminaire à faire et que M. McCoy prendra la parole par la suite.

Monsieur Irving, la parole est à vous.

James Irving, coprésident-directeur général, J.D. Irving, Limited (Irving) : Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui pour faire le point sur nos travaux au chantier naval de Halifax.

Je suis accompagné aujourd’hui des membres de l’équipe de direction d’Irving Shipbuilding : M. Ross Langley, M. Kevin McCoy et M. Scott Jamieson, vice-président des programmes.

Nous sommes fiers de notre histoire dans la construction de navires pour le Canada. Nous avons construit plus de 80 p. 100 de la flotte actuelle du Canada à notre ancien chantier naval de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et au chantier naval de Halifax. Nous avons été forcés de fermer notre chantier naval de Saint John quand le Canada a cessé de construire de grands navires pour la Marine canadienne et la Garde côtière canadienne. Aujourd’hui, ce chantier naval est une usine de plaques de plâtre qui emploie beaucoup moins de travailleurs.

Il y a 25 ans ce mois-ci, nous achetions le chantier naval de Halifax. Durant les premières années, nous avons construit les navires de défense côtière, mais vers la fin des années 1990, les choses sont devenues difficiles. Nous ne savions pas d’une année à l’autre s’il y aurait suffisamment de navires à construire au Canada pour maintenir le chantier naval de Halifax en activité. Nous avons continué de croire dans cette industrie et dans les capacités des hommes et des femmes qui travaillent dur pour gagner leur vie en construisant des navires au Canada.

Quand le Canada n’avait pas suffisamment de navires à construire, nous faisions en sorte que le chantier naval de Halifax reste ouvert en construisant des navires de taille plus petite pour notre propre entreprise afin d’assurer la poursuite des activités. Nous avons envisagé de fermer le chantier pour faire un redéveloppement immobilier quand le Canada a finalement lancé l’appel d’offres compétitif de la Stratégie nationale de construction navale. Nous sommes très fiers d’avoir remporté l’appel d’offres pour construire les grands navires de combat.

Le Canada peut être fier de la Stratégie nationale de construction navale. Après une longue période sans construction de grands navires au Canada, nous avons maintenant une stratégie qui a du sens pour le Canada et les Canadiens et qui garantira que la marine et la Garde côtière obtiennent les navires dont elles ont besoin à un prix raisonnable.

Nous avons fait le tour du monde pour assembler la meilleure équipe de gestion possédant l’expérience nécessaire pour diriger notre main-d’œuvre canadienne. Pour optimiser notre rentabilité, nous avons investi plus de 450 millions de dollars afin de construire des installations à la fine pointe de la technologie, comprenant les meilleurs équipements.

J’aimerais inviter personnellement chacun d’entre vous qui siège au comité à visiter le chantier naval de Halifax pour voir de vos propres yeux l’envergure et la complexité de nos travaux et rencontrer nos constructeurs de navires. Il s’agit d’une très grande opération, de classe mondiale, dont tout le Canada peut être fier. Nous nous sommes engagés non seulement à faire un excellent travail en construisant des navires pour le Canada, mais aussi à nous assurer que l’industrie reste viable à long terme.

Enfin, nous déployons de nombreux efforts pour raconter l’histoire de nos progrès et réussites aux Canadiens par l’entremise de notre site web et d’autres moyens de communication. Il se peut que vous ayez vu nos annonces positives sur les panneaux publicitaires de l’aéroport d’Ottawa ou dans les journaux, qui ont pour but de faire savoir aux Canadiens que la Stratégie nationale de construction navale produit des résultats. À chaque contrat conclu ou annonce de proposition de valeur, nous communiquons la nouvelle. Nous tenons à ce que les Canadiens et les dirigeants gouvernementaux soient au courant des effets positifs engendrés par la Stratégie nationale de construction navale.

Nous sommes fiers de continuer notre longue histoire en tant que partenaire de confiance dans la construction navale canadienne. Nous avons besoin d’une vision commune, partagée par tous les partis politiques et nos représentants de gouvernement, pour renforcer et rendre viable l’industrie de la construction navale au Canada et retenir les compétences en construction navale que nous sommes en train d’acquérir à nouveau.

Kevin McCoy, président des Chantiers Maritimes Irving, parlera des travaux en cours à notre chantier naval à Halifax et des avantages qui en découlent au Canada.

Kevin McCoy, président, Les Chantiers Maritimes Irving Inc., (Irving) : Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités aujourd’hui.

J’ai rejoint Les Chantiers Maritimes Irving en 2013, après avoir mené une longue carrière de 36 ans dans le secteur de la construction navale et de l’entretien des navires. Dans mon poste antérieur, j’étais responsable de la conception, de la construction, de l’entretien et de la modernisation de la flotte de navires de surfaces, de sous-marins et de porte-avions de l’U.S. Navy en tant que vice-amiral. J’ai occupé ce poste pendant cinq ans.

Mes observations porteront sur quatre principaux sujets : premièrement, le progrès au chantier naval de Halifax depuis notre sélection comme constructeur de navires de combat du Canada en 2011; deuxièmement, les retombées économiques considérables que la Stratégie nationale de construction navale a déjà produites partout au Canada; troisièmement, l’incidence que la stratégie a déjà eue sur la stabilisation et la croissance des emplois dans l’industrie de la construction navale; et dernièrement, nous avons des recommandations visant à améliorer et à garantir la réussite à long terme de la stratégie de construction navale ainsi que réduire les coûts de la construction des navires et de leur soutien.

Permettez-moi de commencer par les progrès réalisés à ce jour. La Stratégie nationale de construction navale a été conçue afin de revitaliser l’industrie de la construction navale au Canada et de mettre fin au manque de durabilité de l’industrie de la construction navale à l’échelle nationale. Des cycles de forte croissance et de récession ont été vécus par tous les grands chantiers navals et par leurs communautés locales. En élaborant le cadre de la stratégie, le Canada a reconnu que le nombre insuffisant de grands navires construits pour la marine et la Garde côtière ne permettait pas d’assurer l’avenir de plus de deux chantiers navals et de leur main-d’œuvre qualifiée.

Depuis que nous avons été sélectionnés pour être le constructeur de navires de combat du Canada en 2011, nous avons été très occupés. Plus précisément, nous avons construit neuf patrouilleurs semi-hauturiers pour la Garde côtière canadienne, ce que nous avons fait dans le respect des délais et des budgets. Nous avons remis en état les turboréacteurs très complexes au milieu de leur cycle de vie et modernisé le système de combat des sept frégates de classe Halifax de la flotte de la côte Est de la Marine royale canadienne, dans le respect des délais et des budgets.

À la suite de cette modernisation, nous avons également terminé deux périodes en cale sèche pour l’entretien de deux frégates de classe Halifax. Nous travaillons actuellement à l’entretien d’une troisième en cale sèche. Nous avons également procédé à l’entretien de 25 navires des secteurs public et privé à notre chantier naval de Halifax depuis octobre 2011. De plus, à Shelburne, nous avons effectué la remise en état et l’entretien de 97 navires, ce qui a créé de bons emplois dans des régions rurales de la Nouvelle-Écosse.

J’ajouterais que, durant cette période, nous avons également présenté une offre hautement compétitive pour le ravitailleur provisoire de la Marine, ce qui a commencé comme étant un processus d’appel d’offres ouvert, transparent et équitable. Nous avons présenté une soumission de 220 millions de dollars pour le renouvellement du bail et la conversion de ce navire, qui a fini par être un projet d’environ 660 à 700 millions de dollars. Nous promettions que 100 p. 100 des retombées seraient industrielles et régionales, que tout le travail serait effectué au Canada et que la proposition de valeur serait conforme à notre proposition pour la Stratégie nationale de construction navale.

Nous avons soumissionné à de nombreux autres projets, pour des rouliers, pour des navires à double hélice plutôt qu’à hélice simple et, à ce jour, nous nous demandons encore pourquoi notre proposition de mener le projet à bien en un an pour 220 millions de dollars a été surpassé par une proposition d’exécuter le projet sur deux ans pour 660 à 700 millions de dollars. Nous allions utiliser notre chantier naval ultra moderne de Halifax, dans lequel nous avons investi 450 millions de dollars, pour construire un module afin d’apporter des modifications à un roulier existant. Je me ferai un plaisir d’assurer un suivi à cet égard durant la période des questions aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous avons rétabli la capacité de construire de grands navires au Canada et nous sommes en train de stabiliser l’industrie de la construction navale. Notre investissement de 450 millions de dollars dans nos installations nous permet de construire des navires de façon efficiente et n’aurait pas été possible sans la certitude offerte par la Stratégie nationale de construction navale.

J’ai visité en personne tous les grands chantiers navals d’Amérique du Nord, et je peux vous affirmer que le chantier naval de Halifax est le plus moderne. C’est également l’installation de construction navale la plus grande en Amérique du Nord. Le fait d’avoir une grande superficie qui n’est pas modernisée ne fait pas de vous le plus grand constructeur de navires au Canada. Le fait d’avoir les installations pour transformer un navire en acier brut en navire de combat et d’avoir une main-d’œuvre formée fait de vous le plus grand constructeur de navires du Canada.

C’est la raison pour laquelle, dans notre soumission pour la construction du ravitailleur provisoire, nous avons pu nous engager à faire 100 p. 100 des travaux au Canada et à ne pas envoyer en sous-traitance une partie de ces travaux en Finlande ou ailleurs.

Nous sommes en train de construire les trois premiers navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique du Canada, ou NPEA. Le premier NPEA, le futur NCSM Harry DeWolf, sera livré à la Marine royale canadienne cet été et apportera une nouvelle capacité phénoménale à la Marine. Le deuxième NPEA est déjà achevé à 75 p. 100 et sera inauguré cette année, puis livré à l’été 2020. La construction du troisième NPEA est en bonne voie. Nous découperons les tôles du quatrième navire plus tard ce printemps.

On entend beaucoup de fausse rhétorique de la part de personnes extérieures à la Stratégie nationale de construction navale, alléguant que peu de choses se sont passées depuis octobre 2011. Les faits démontrent évidemment le contraire.

Nos contrats avec le gouvernement du Canada sont équitables, nécessitent un investissement important de notre part, font l’objet de vérifications régulières et sont complètement transparents. Nous nous sommes engagés contractuellement à construire les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique sans dépasser un prix maximum. Ces contrats axés sur le rendement nous incitent à optimiser l’efficacité de nos activités, à augmenter la productivité et à réaliser des économies.

Nous réalisons déjà des gains de productivité considérables de navire à navire. À 75 p. 100 d’achèvement, nos constructeurs de navires sont 34 p. 100 plus efficaces lors de la construction du second NPEA par rapport au premier, et nos gains de productivité sont encore meilleurs avec le troisième.

Avec le gouvernement du Canada, le mois dernier, nous avons sélectionné Lockheed Martin Canada, BAE et leur équipe type 26 pour les 15 navires de combat de surface canadiens que nous construirons au chantier naval de Halifax. Nous prévoyons commencer la construction des NCC d’ici le milieu de 2023. Les travaux de production sur les NPEA commenceront à ralentir en 2022, et il y a un vide dans notre charge de travail qui, s’il n’est pas atténué, pourrait entraîner la mise à pied de 650 constructeurs de navires pendant 18 mois.

Le Canada a embauché la Rand Corporation pour analyser ce vide et émettre des recommandations afin de l’atténuer. RAND est un expert à l’échelle internationale de l’évaluation et de l’atténuation des vides de production entre les programmes de construction navale. Sur la recommandation de RAND, le gouvernement a attribué un sixième NPEA et s’est engagé envers l’entretien continu de la classe Halifax au chantier naval de Halifax. Cette mesure a contribué à réduire le vide qui aurait été de 36 mois à 18 mois.

Nous continuons de travailler avec le gouvernement du Canada afin d’éliminer le vide restant. RAND a documenté qu’une interruption des travaux se traduirait par des augmentations de coûts considérables et retarderait le programme NCC en raison de la reconstitution de la main-d’œuvre et de sa formation à la suite des mises à pied.

Avant que je délaisse le sujet des navires de guerre canadiens, je veux signaler qu’un chantier naval au Canada qui n’a pas remporté l’appel d’offres national pour la construction navale vante à tort les avantages de la construction distribuée en blocs afin d’obtenir du soutien pour fabriquer des sections du navire de combat canadien. La construction distribuée est utilisée dans d’autres pays, où aucun chantier naval n’a les capacités de construire efficacement un navire complet à un même endroit, comme l’a fait le Royaume-Uni lorsqu’il a construit ses énormes porte-avions récemment. La construction distribuée est beaucoup plus coûteuse que la construction à un seul emplacement et est absolument illogique pour la construction d’un navire de combat canadien. Notre chantier naval de Halifax a été conçu précisément pour construire efficacement des navires de combat canadiens, et nous avons la main-d’œuvre qualifiée et formée nécessaire.

Permettez-moi de passer aux avantages économiques et à l’incidence que la stratégie a déjà sur le Canada dans son ensemble.

Le président : Sur ce, monsieur McCoy, je vais devoir vous interrompre dans exactement une minute. Le document que vous avez porté à l’attention du comité est consigné au compte rendu. Nous allons maintenant passer à la période des questions, si vous le voulez bien.

M. McCoy : Permettez-moi de formuler les recommandations.

Le président : D’accord, monsieur.

M. McCoy : Nous recommandons fortement au Canada d’adopter une approche plus holistique à l’égard de la réduction des coûts et de la mise à profit de l’investissement pour les ressources humaines, la formation, les installations et les processus rendus possibles par la stratégie. Permettez-moi de m’expliquer en prenant un exemple concret.

En 2016, les Chantiers maritimes Irving ont fait une offre contre une entreprise non canadienne pour gérer l’effort d’entretien en service, ingénierie et logistique pour les NPEA. La demande de soumissions du gouvernement contenait quatre sections principales aux fins de l’évaluation et de la notation. Le coût était la seule partie notée objectivement. Les trois autres parties étaient basées sur une notation subjective. Bien que notre offre ait été évaluée comme la moins disante, nous n’avons pas remporté le processus.

Nous sommes la seule entreprise qui dispose d’une expérience de conception, de construction, d’essais, ainsi que d’une expérience opérationnelle des NPEA. Nous élaborons les plans de formation et d’entretien pour les NPEA ainsi qu’un plan d’approvisionnement et d’entreposage de leurs pièces de rechange. De plus, nous aurons les NPEA sous garantie avec une main-d’œuvre formée, expérimentée et déjà entièrement financée jusqu’à la mi-2025. Toutefois, le Canada met en place une nouvelle équipe plus coûteuse pour le soutien en service des NPEA au lieu de mettre à profit les investissements importants que nous avons déjà effectués.

Les chantiers navals sont consolidés s’ils ont un périmètre d’activité étendu permettant la mobilité des ressources humaines lors des périodes de pointe et des périodes creuses, ainsi qu’un périmètre plus large pour répartir ses coûts indirects, afin que le coût de la construction des navires soit réduit.

En conclusion, nous sommes fiers d’être le constructeur de navires du Canada, et nous prenons cette responsabilité au sérieux. Nous espérons avoir un avenir prometteur et productif dont pourront bénéficier non seulement les hommes et les femmes en uniforme, mais aussi l’ensemble des Canadiens. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir permis de consigner notre déclaration au compte rendu.

Le président : Votre exposé est consigné au compte rendu tel que vous l’avez présenté.

M. McCoy : Je dirais seulement que la Stratégie nationale de construction navale fonctionne. Nous devons garder le cap.

Le président : Merci, monsieur.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie de votre présence, messieurs.

Je sens dans vos propos de ce soir un certain degré de frustration. Je me demande pourquoi, parce que d’après ce que je comprends, la plupart des contrats ont été attribués, et franchement, Chantier Davie ne semble pas souvent l’emporter dans ses arguments.

Est-ce que les ententes-cadres comportent des dispositions qui donnent au gouvernement la flexibilité, s’il le souhaite, d’octroyer des contrats hors du cadre de la Stratégie nationale de construction navale à la Davie, au lieu de ce que vous avez en ce moment?

M. McCoy : Le mot « frustration » n’est peut-être pas le bon. Il se dit beaucoup de faussetés, et nous voulons nous assurer en particulier que le Sénat et ce comité, lorsqu’ils débattent de ces questions, comprennent qu’en fait, tout ce qui se dit n’est pas nécessairement vrai. Je vais m’en tenir à cela.

Le sénateur Pratte : Concernant les ententes-cadres, on nous a dit d’un côté que le gouvernement du Canada peut choisir d’octroyer des contrats à un chantier naval autre que les deux chantiers qui ont été choisis initialement, et de l’autre, on nous a dit que le gouvernement du Canada n’a pas cette flexibilité.

M. Irving : Nous avons dépensé 450 millions de dollars sans avoir de contrat. Nous n’avions aucun contrat pour la construction de navires. Nous avons agi de bonne foi, nous y avons consacré l’argent qu’il fallait, et ce, parce que nous devions être le constructeur de navires du Canada. Nous avons participé à un processus concurrentiel auquel Davie a également participé, ainsi que les gens de la côte ouest. Il y a eu une analyse approfondie, et nous avons été choisis. Nous avons fait les investissements, embauché tous ces gens et accompli tout ce travail parce que nous avions l’assurance de construire les navires, la condition étant que nous nous acquittions de la tâche correctement.

Si on pense qu’il y a peut-être de la flexibilité quant à l’octroi du contrat, c’est faux à mon point de vue, parce que nous avons dépensé l’argent de bonne foi, et nous nous attendons à ce que le Canada remplisse ses obligations de bonne foi. Nous nous attendons à devoir faire le travail correctement afin d’être un bon fournisseur pour le Canada. Merci.

Le sénateur Pratte : Merci.

La sénatrice Eaton : Merci, messieurs. Le but de notre étude, comme je l’ai dit aux représentants de Davie, est d’améliorer le processus d’approvisionnement du Canada, car il semble être embourbé, très coûteux et lent.

Est-ce qu’il y a trop de décideurs dans le processus d’octroi des contrats et de détermination de ce qu’il faut construire et de ceux qui devraient le faire? Cinq ministères interviennent, et il y a 35 points de décision. Connaissez-vous des pays qui ont un processus plus simple et plus efficace?

M. McCoy : Dans le cadre de mon travail précédent, j’avais la construction navale. Un constructeur venait me voir et discuter avec mon organisation. J’avais l’aspect juridique des choses; j’avais les avocats dans mon effectif. J’avais les besoins en matière de combat qui m’étaient transmis par le chef de la marine. J’avais tous les pouvoirs contractuels et techniques. La négociation se faisait avec une entité, pour la construction navale — la Naval Sea Systems Command, aux États-Unis —, et s’il y avait un problème, la décision était prise par la seule personne responsable.

Nous avons officiellement recommandé au gouvernement qu’il y ait un seul décideur, même pour un programme de la portée du programme des navires de combat de surface canadiens. D’autres pays ont une seule entité pour gérer cela, parce que la rapidité de la prise de décision importe, et que le consensus a tendance à mener à la médiocrité par moments, étant donné que chacun a son mot à dire.

La sénatrice Eaton : Et que personne ne rend des comptes au Parlement.

M. McCoy : En effet. Il faut que quelqu’un s’occupe du chéquier et de l’échéancier.

La sénatrice Eaton : L’autre chose que j’aimerais vous demander, parce que vous construisez les six navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, et je crois que le coût initial était de 400 millions de dollars, mais qu’il est passé à 800 millions pour le sixième… Ce n’est peut-être pas le bon montant, mais c’est ce que ma recherche m’a révélé.

Plusieurs personnes nous ont dit que l’approvisionnement ne devrait pas se fonder sur le principe du contrat à prix coûtant majoré. Le contrat devrait comporter un prix fixe. Est-ce possible? Est-ce réaliste?

M. McCoy : Dépendant des coûts initiaux pour le premier navire et des coûts du dernier navire, ce qui correspond à la façon dont les frais généraux sont répartis, les navires construits entre le premier et le dernier reviennent à environ 400 millions de dollars chacun.

La sénatrice Eaton : Le premier navire est le plus coûteux parce que vous mettez les choses en place.

M. McCoy : C’est parce que vous avez les coûts initiaux. Même si vous devenez plus efficaces au fil du temps, l’inflation tend à s’installer.

Je dirais aussi, pour la démarche relative à l’attribution du contrat initial avec le Canada, que nous ne voulions pas immobiliser beaucoup d’argent pour les imprévus. Nous lancions une toute nouvelle industrie au Canada — une chaîne d’approvisionnement complètement nouvelle, un nouveau chantier, de nouveaux processus, un nouveau logiciel et une nouvelle formation.

La sénatrice Eaton : Si c’était à recommencer — je pense à l’avenir, car tout ceci est dans le passé —, est-ce que ce devrait être un contrat à prix ferme ou un contrat à prix coûtant majoré?

M. McCoy : Je vais vous dire que c’est sans précédent pour le premier navire d’une nouvelle classe. Nous avons convenu d’un prix plafond initial pour les navires. Le principe du prix coûtant majoré ne s’applique pas, pour les NPEA; nous avons un prix plafond. Si nous dépensons plus que le montant d’argent du gouvernement, c’est à nous que cela incombe.

La sénatrice Eaton : Et les navires de combat de surface?

M. McCoy : Cela n’a pas encore été négocié.

Je crois qu’aucun pays dans le monde ne pourrait obtenir d’un chantier naval qu’il construise un navire aussi complexe et haut de gamme que le navire de combat de surface canadien dans le cadre d’un contrat à prix ferme, à moins de fonds pour imprévus si élevés que cela constituerait probablement une mauvaise affaire pour le gouvernement. Quand vous entreprenez la construction d’une nouvelle classe de navires avec tous les risques que cela comporte, la question est de savoir qui va assumer les risques, à quel moment, et d’établir la meilleure façon de répartir ces risques.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre présence. J’ai trouvé vos exposés vraiment intéressants.

Monsieur Irving, j’ai très bien compris ce que vous avez dit. Vous avez dit que vous avez investi l’argent nécessaire, si je vous ai bien compris, et que vous êtes prêts à faire le travail. D’après ce que vous avez entendu, est-ce que les contrats étaient justes et concurrentiels ? Est-ce que les communications du gouvernement étaient transparentes? Saviez-vous quels étaient ses besoins?

M. Irving : Écoutez, il faut que vous compreniez certaines choses. L’industrie de la construction navale et la machinerie nécessaire à la construction de navires étaient rouillées parce que nous n’avions construit aucun navire de guerre au Canada de quelque envergure que ce soit. La machinerie de la construction navale du gouvernement fédéral, si je peux parler en ces termes de la gestion, était également rouillée. C’était une grosse entreprise, non seulement pour nous, mais aussi pour le gouvernement fédéral.

On nous a choisis, et on nous a octroyé le contrat en octobre 2011. Nous avons commencé à dépenser de l’argent presque immédiatement. Mais il a fallu attendre le mois de juillet de l’année suivante pour recevoir le moindre argent du gouvernement fédéral. Même si le gouvernement avait très bien préparé le processus d’appel d’offres et de sélection, et ainsi de suite, ce qui s’est produit au surlendemain de la sélection, c’est qu’il y avait un vide. Cela a été notre point de départ.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les fonctionnaires, et ils ont fait du bon travail, car comme vous l’avez dit, il se fait beaucoup de travail en vase clos et il y a de nombreux maîtres auxquels il faut rendre des comptes. Cependant, ils ont très bien travaillé avec nous. Nous avons eu des difficultés, mais nous les avons surmontées.

Je ne me plaindrais pas du manque de clarté des contrats ou des attentes, parce que nous travaillions des deux côtés à bâtir cela. L’idée, c’était que les navires allaient coûter tel montant au départ, puis que le coût allait diminuer au fil du temps. C’est ce qui s’est passé avec les frégates, quand nous les avons construites dans les années 1980 et 1990. Le premier navire a été plus coûteux; le dernier navire l’a été beaucoup moins. J’espère que cela répond à votre question, sénatrice.

La sénatrice Jaffer : Monsieur McCoy, je n’ai pas eu la chance de parcourir tout ce que vous avez fourni au sujet des emplois. Je vous en sais gré et je vais en faire la lecture, bien sûr. Je suis intéressée par la question des emplois pour les personnes marginalisées, les personnes qui ne seraient pas normalement employées, et les femmes en général, pas nécessairement marginalisées. Est-ce que ce sont des emplois de longue durée, ou est-ce que vous leur donnez simplement une occasion, après quoi ces personnes vont aller chercher ailleurs? Est-ce qu’elles deviennent des membres à part entière de votre effectif?

M. McCoy : Ce sont des carrières. Ces personnes deviennent des membres à part entière du syndicat.

Dans les chantiers de construction navale traditionnelle qu’on trouve partout en Amérique du Nord, la démographie est constante : ce sont des hommes blancs. Cela exclut 50 p. 100 au moins des talents d’une nation. Nous avons trois programmes en ce moment : un pour les Autochtones, un pour les femmes, et un pour les Afro-Néo-Écossais. Cela fonctionne vraiment bien. Ce sont des carrières à long terme qui vous permettent d’élever une famille.

La sénatrice Jaffer : À votre chantier naval?

M. McCoy : À notre chantier naval.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup. Monsieur McCoy, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la période qui va séparer les deux contrats. Pour les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, je sais que le programme progresse bien, puis vous allez vous occuper des navires canadiens de combat de surface. Vous parlez de la période entre les deux. Vous dîtes que nous visons le milieu de 2023 pour commencer les navires canadiens de combat de surface.

Est-ce que c’est acceptable pour le gouvernement, ou est-ce votre objectif à vous?

M. McCoy : C’est ce que nous visons tous les deux. Nous en sommes aux premières étapes. Nous venons d’être choisis parce que notre soumission a été retenue. Nous faisons en ce moment le rapprochement des exigences afin de nous assurer de bien les saisir et d’orienter la conception dans la bonne direction.

Il y a ensuite trois étapes de conception : la conception préliminaire, qui sert à veiller à ce que tout se tienne; la conception fonctionnelle, soit celle du dimensionnement des pompes, des systèmes de conduites et ainsi de suite; et la conception détaillée, qui mène au plan à remettre aux constructeurs de navires qui feront le travail sur le terrain.

Nous croyons que le processus prendra en tout environ quatre ans, ce qui nous amène à 2023. S’il y avait des contretemps, cet échéancier ne tiendrait plus.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement a un plan d’investissement sur 20 ans. Nous essayons d’y donner suite. Par exemple, ils étaient censés dépenser 6 milliards de dollars l’année passée, mais n’en ont dépensé que 4 milliards. C’est la même chose qui s’est produite cette année. Il y a donc des reports.

Où en sont exactement les navires canadiens de combat de surface, par rapport à la stratégie d’investissement? Je ne le sais pas, car ils ne veulent pas nous donner les chiffres.

Comment pouvez-vous combler cet écart, et que faites-vous si l’écart s’élargit? En fait, j’aimerais savoir en premier ce que vous feriez si l’écart se creusait. Il semble que le gouvernement n’investit pas conformément à son plan et qu’il y a des reports. Pouvez-vous répondre à cette question?

M. McCoy : Nous envisageons un certain nombre de choses. Premièrement, nous avons partout dans le monde des gens qui ont pour mandat d’essayer de vendre les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique à d’autres nations. Un pays au moins s’est montré très intéressé. Je ne veux pas en parler publiquement, car ils souhaitent ne pas ébruiter cela. C’est un navire très performant. Des marines et des gardes côtières de quelques pays ont manifesté de l’intérêt après l’avoir examiné.

Nous envisageons de le vendre à l’étranger. Ayant beaucoup de métier dans ce domaine, je dirais que c’est peu probable, mais nous essayons quand même.

Nous discutons aussi avec le gouvernement d’autres options de travail. L’entretien est certainement une de ces options.

De plus, en ce qui concerne la conception des navires canadiens de combat de surface, l’aspect des systèmes de combat serait le plus complexe, mais la plateforme devrait être presque identique à celle que le Royaume-Uni et l’Australie utilisent. Il y a donc des éléments de la plateforme que nous pouvons commencer à construire si la conception risque de ne pas être terminée d’ici 2023.

La sénatrice Marshall : C’était ma prochaine question. Seriez-vous prêts? Pourriez-vous réduire l’écart en commençant à travailler aux navires canadiens de combat de surface avant le milieu de 2023, disons?

M. McCoy : Oui, nous envisageons cela, sénatrice. Cependant, nous devons être prudents, car si la conception d’un navire aussi complexe et dense n’est pas terminée et qu’il y a des modifications, reprendre les travaux est très coûteux. Il y a donc un point d’équilibre à trouver.

La sénatrice Marshall : C’est la raison pour laquelle je vous demande si vous seriez prêts.

M. McCoy : Nous aurions l’effectif nécessaire. Il s’agit de savoir dans quelle mesure la conception est proche d’être finalisée.

La sénatrice Marshall : Mais vous êtes assez sûrs que ce sera en 2023?

M. McCoy : Pas pour l’instant. Nous travaillons tous dans ce sens. Ce ne serait probablement pas très réaliste. Nous travaillons tous en ce sens, et nous allons tout faire pour que cela se produise, mais c’est un navire très complexe.

La sénatrice Marshall : Nous allons faire tout ce que nous pouvons afin de voir les chiffres qui sont prévus pour cette période de 20 ans.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci d’avoir accepté notre invitation. Combien de cales de construction y a-t-il sur le plus grand chantier naval?

[Traduction]

M. McCoy : La construction navale ne se fait pas en cale de construction; elle se fait sur le terrain. L’acier arrive à une extrémité de notre usine, qui fait essentiellement un quart de mille de longueur, et le navire de guerre sort en trois parties dans une installation au niveau du terrain, où les trois parties sont assemblées. Le navire est ensuite lancé au moyen d’une barge de lancement.

Les chantiers de construction navale ne construisent pas les navires en cale de construction, mais plutôt dans une installation au niveau du terrain. C’est plus flexible, pratique et propice pour les travailleurs, pour les installations, et cetera. Nous avons une cale sèche pour l’entretien; nous avons une barge de lancement qui peut également servir à l’entretien; et nous avons l’installation au niveau du terrain que nous utilisons pour la construction.

Et cela fait partie de l’investissement de 450 millions de dollars dont M. Irving a parlé.

[Français]

Le sénateur Forest : Dans le cadre de la stratégie, vous avez confirmé que vous détenez le monopole en ce qui a trait à la construction des navires de combat canadiens. C’est une forme de contrat « cost plus ». C’est bien cela?

[Traduction]

M. McCoy : Non. Je dirais que je ne suis pas d’accord avec le terme « monopole ». Nous avons gagné le concours de façon juste, ouverte et transparente…

[Français]

Le sénateur Forest : En fait, vous êtes le seul chantier qui a le mandat de construire les 15 navires de combat.

[Traduction]

M. McCoy : Oui. Nous avons été choisis dans le cadre du concours. Nous avons aussi fait l’objet d’un audit réalisé par le mandataire du Canada, First Marine International, dont le but était de veiller à ce que nous respections toutes les bonnes pratiques de la construction navale moderne. Nous avons dû accepter de changer près de 700 de nos processus et pratiques afin d’atteindre ce qu’on appelle l’état cible; c’est essentiellement l’état attendu de la crème des chantiers de construction navale dans le monde. Ils viennent régulièrement vérifier que le prix des navires que nous construisons est juste, compte tenu de nos processus.

Tout est transparent, et nous faisons l’objet d’un audit complet par le Canada.

[Français]

Le sénateur Forest : J’ai une question d’éthique à poser. Je lisais qu’un journaliste avait fait une demande d’accès à l’information. En deux ou trois heures, vous l’avez appelé pour l’interpeller à propos de cette demande d’accès à l’information qui est confidentielle. Vous devez avoir des liens très étroits avec la fonction publique pour obtenir ces renseignements privilégiés.

[Traduction]

M. McCoy : Je ferais une description différente de la situation, sénateur. Nous avons reçu un appel du gouvernement fédéral disant qu’un journaliste faisait des accusations effrénées au sujet de la qualité d’exécution, qu’il affirmait que le navire aurait une cote glace réduite et qu’il faudrait le mettre en cale sèche. Ce que nous avons dit, c’est que rien de cela n’était vrai, et nous avons demandé à parler au journaliste afin de comprendre quel était le problème et de lui dire ce qu’il en était.

Je lui ai téléphoné, et il m’a immédiatement raccroché au nez, disant que nous n’avions absolument pas le droit de savoir qu’il avait posé cette question. Oui, mais nous nous préoccupions de notre réputation et de la réputation de la Stratégie nationale de construction navale. Il y a eu des accusations folles contre plusieurs personnes du gouvernement. Ces personnes nous ont donc demandé si c’était vrai, et ce que nous avons dit, c’est que nous allions discuter avec lui et comprendre ce qu’il en était.

Le président : Je vous remercie de ces éclaircissements, monsieur McCoy.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie de votre exposé. J’ai rencontré un certain nombre de travailleurs de votre chantier. Ils sont fiers du travail qu’ils accomplissent.

J’aimerais que vous m’aidiez concernant la Stratégie nationale de construction navale, la proposition qui a été retenue en 2011 et le plan qui a été mis en place. Je ne l’ai pas vu, mais où en êtes-vous par rapport à votre expérience et à vos attentes? Est-ce que la réalité correspond à vos attentes? Est-ce que le processus avec le gouvernement fédéral et ce qui se produit correspond à ce qui était attendu sur le plan des spécifications et de ce que vous livrez, des coûts engagés, et des échéanciers que vous constatez? Dans quelle mesure est-ce que cela correspond à vos attentes en 2011?

C’est un projet remarquablement imposant. J’ai une idée du montant d’argent qui a été investi dans les installations, mais dans quelle mesure est-ce que cela correspond à vos attentes?

M. McCoy : Je vais laisser M. Jamieson vous répondre parce qu’il était là en 2011.

Scott Jamieson, vice-président, Programmes, les Chantiers maritimes Irving inc. : L’objectif visé au départ était de se doter d’une stratégie à long terme pour la construction navale qui allait permettre de construire des navires, de créer de l’emploi et de maintenir le dynamisme de l’industrie. On peut maintenant constater que tout cela s’est concrétisé.

Si vous n’êtes pas convaincu, vous n’avez qu’à rouler sur la rue Barrington à Halifax pour voir toutes les installations découlant de cet investissement de 450 millions de dollars; ou à parler aux 485 personnes qui ont été embauchées l’an dernier seulement; ou aux 1 400 embauchées au cours des trois dernières années; ou à ceux et celles qui suivent des cours de formation à la suite de l’obtention de ce contrat; ou à tous les fournisseurs qui en bénéficient; ou encore aux contribuables de l’Ontario qui sont au deuxième rang parmi les bénéficiaires de la Stratégie nationale de construction navale pour ce qui est des dépenses; ou bien à ceux du Québec, la province qui vient au troisième rang à ce chapitre.

Il n’y a aucun doute dans notre esprit; nous parvenons effectivement à atteindre les cibles fixées à l’origine.

M. McCoy : J’ajouterais, du point de vue de l’architecture navale, qu’il s’agit de bâtiments formidables. Ils vont rendre d’énormes services au Canada. C’est l’une des raisons pour lesquelles ils suscitent autant d’intérêt à l’étranger.

On ne pourrait pas acheter les mêmes navires aux États-Unis avec l’argent que le Canada investit dans ce projet. Plusieurs hauts gradés de la marine américaine sont venus nous rendre visite. Quand nous leur avons parlé de tout ce que nous avions à offrir à l’intérieur d’un navire de 6 600 tonnes, ils ont été vraiment ébahis. Le Canada peut assurément être fier du rapport qualité-prix de ce navire.

Le président : Sénateur Klyne, une dernière question. Il ne nous reste que trois minutes.

Le sénateur Klyne : Diriez-vous que le gouvernement a été clair, conséquent et transparent dans ses communications avec vous?

M. McCoy : Oui.

Le sénateur Klyne : Je veux revenir à un commentaire que vous avez fait tout à l’heure. Je n’ai pas pu retrouver les chiffres exacts dans vos notes, mais vous parliez d’un contrat pour la construction d’un navire qui a été octroyé à un proposant dont la soumission était environ trois fois plus élevée que la vôtre. Comment cette affaire s’est-elle conclue? Y a-t-il eu des communications par la suite?

M. McCoy : Non. Nous avons été l’un des soumissionnaires à répondre à un appel d’offres ouvert qui semblait tout à fait équitable. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la marine, Services publics et Approvisionnement Canada et d’autres intervenants pour préparer notre soumission. Il y a eu une journée de l’industrie au cours de laquelle nous avons présenté notre proposition. Nous n’avons eu aucun son de cloche.

On nous a ensuite annoncé qu’une autre entreprise avait obtenu le contrat. On ne nous a pas indiqué si cette entreprise offrait une capacité supérieure ou un meilleur prix.

Les gens de la marine nous avaient dit qu’ils avaient besoin de ce navire dans un délai d’un an. Nous avons donc mis sur pied la meilleure équipe possible d’architectes navals — et Maersk a été un excellent partenaire — pour concevoir un nouveau type de navire exigeant peu de modifications et pouvant être livré dans un délai d’un an. C’est ainsi que nous en sommes arrivés au prix de 220 millions de dollars. On ne nous a jamais dit pourquoi c’est une autre entreprise qui a obtenu le contrat.

M. Irving : Il y a un élément qui ne cesse de me chicoter concernant ce navire désormais célèbre. En fait, il a été construit en bonne partie en Finlande. Tout le monde veut les emplois associés à un tel contrat et je peux le comprendre, mais personne ne nous explique pourquoi ce navire a été construit en grande partie en Finlande. Nous proposions de le construire à Halifax à un coût nettement inférieur et dans un délai plus court.

J’en ai un peu marre de me faire sans cesse interpeller à ce sujet, car je ne pense pas que les choses se soient déroulées de la bonne manière. J’aimerais bien que vous puissiez poser cette question. Je serais curieux d’entendre la réponse.

Le président : Ceci met un terme à cette portion de notre séance avec notre deuxième groupe de témoins pour ce soir.

Si vous avez des renseignements supplémentaires à nous transmettre — car je suis persuadé que vous suivez le travail de notre comité sénatorial —, vous pouvez le faire par écrit en passant par notre greffière qui s’assurera d’intégrer le tout à notre documentation.

Je tiens à remercier vivement les témoins représentant J.D. Irving Limited. Merci pour toute cette information que vous nous avez communiquée de façon très claire.

Honorables sénateurs, nous allons reprendre nos travaux avec notre troisième groupe de témoins, soit les représentants de Seaspan Shipyards à North Vancouver (Colombie-Britannique).

[Français]

Nous avons devant nous deux représentants : Mark Lamarre, chef de la direction, et Tim Page, vice-président, Relations gouvernementales.

[Traduction]

Merci d’avoir accepté notre invitation à venir éclairer notre lanterne dans le cadre de l’étude sur l’approvisionnement naval en matière de défense que nous a commandée le Sénat du Canada.

Je crois que M. Mark Lamarre, chef de la direction, a une déclaration à nous faire. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. Monsieur Lamarre, vous avez la parole.

Mark Lamarre, chef de la direction, Seaspan Shipyards : Seaspan Shipyards apprécie votre invitation à prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de votre étude sur les moyens à prendre pour améliorer le système d’approvisionnement en matière de défense du gouvernement du Canada. Je suis un constructeur naval de troisième génération ayant acquis 35 années d’expérience aux États-Unis et en Australie, dont un grand nombre au chantier naval Bath Iron Works de General Dynamics.

Je suis chef de la direction de Seaspan Shipyards depuis juillet 2018 après avoir occupé le même poste pendant plusieurs années pour ASC Shipbuilding à Adélaïde en Australie. Depuis mon arrivée à la tête de l’entreprise en juillet dernier, j’ai formé une équipe totalisant 450 années d’expérience en construction navale, des gens qui font bénéficier notre entreprise de flux de valeurs diversifiés et qui nous aident à aller de l’avant en contribuant à la formation de leurs collègues plus jeunes. Chacun des membres de cette équipe a l’expérience de la construction d’au moins 40 navires.

Seaspan Shipyards est fière d’être partenaire à long terme du gouvernement du Canada dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale (SNCN). Cette stratégie vise à contrer les difficultés d’approvisionnement que le Canada a toujours connues en matière de construction navale. On parle d’une succession de cycles d’expansion et de ralentissement résultant de programmes à court terme qui occasionne un manque de continuité dans la conception et la production, et d’une approche d’attribution des contrats visant à satisfaire aux aspirations régionales.

Bien au contraire, la SNCN s’est donné l’objectif ambitieux mais réalisable de remettre à niveau les équipements de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne tout en revitalisant à long terme une industrie nationale de la construction navale en perte de vitesse, et en créant de l’activité économique et de l’emploi pour les Canadiens d’un océan à l’autre.

Avant la SNCN, la construction navale vivait une période difficile au Canada. En raison des cycles incessants d’expansion et de ralentissement, l’industrie ne pouvait pas compter sur un apport de travail suffisamment prévisible pour pouvoir investir dans son avenir. Des travailleurs compétents et expérimentés quittaient ce secteur qui ne leur permettait plus de subvenir aux besoins de leur famille. Le Canada s’est ainsi retrouvé avec des capacités atrophiées en matière de construction navale.

Avant la SNCN, la Garde côtière canadienne et la Marine royale canadienne ne disposaient pas d’une plateforme stratégique leur permettant de retenir suffisamment l’attention pour que l’on investisse dans la remise à niveau de leurs flottes. En conséquence, bon nombre de leurs navires avaient déjà atteint ou dépassé leur durée utile normale et risquaient de ne plus pouvoir satisfaire aux besoins opérationnels.

Et toujours avant la SNCN, le Canada avait perdu sa capacité de gérer des projets d’approvisionnement complexes pour sa Marine et sa Garde côtière.

À tous ces égards, la Stratégie nationale de construction navale a complètement changé la donne. En adoptant cette stratégie, le gouvernement du Canada a reconnu l’importance cruciale d’une industrie nationale de construction navale viable pour un pays maritime comme le nôtre, en même temps que la nécessité de pouvoir compter sur un volume de travail stable et prévisible à long terme avec un apport en ressources suffisant.

À l’issue de vastes consultations, le gouvernement a compris qu’il serait préférable pour atteindre ces objectifs que le Canada établisse des liens stratégiques avec deux chantiers navals pour la construction de tous les grands bâtiments, car le volume de travail sur une longue période n’était pas suffisant pour maintenir les emplois, une des priorités de la SNCN, dans plus de deux chantiers à long terme.

Dans le cadre de la SNCN, le gouvernement du Canada a choisi, à l’issue d’un processus concurrentiel, Irving Shipyards pour la construction de sa flotte de grands bâtiments de combat et Seaspan Shipyards pour la construction de tous les navires de plus de 1 000 tonnes brutes n’étant pas destinés au combat.

À la faveur de l’engagement à long terme du gouvernement du Canada, Seaspan Shipyards a investi plus de 200 millions de dollars de ses propres fonds pour mettre à niveau ses installations, ses équipements et ses processus, et faire de son chantier de Vancouver le plus moderne du genre sur la côte Ouest du Canada.

La SNCN a aussi permis de revitaliser le secteur des industries maritimes en Colombie-Britannique qui compte maintenant plus de 900 entreprises, emploie plus de 20 000 travailleurs et contribue au PIB provincial à hauteur de plus de 880 millions de dollars.

Grâce à la SNCN, Seaspan est devenue un chef de file dans la revitalisation des métiers de la construction navale. Nous avons ainsi investi plus de 6 millions de dollars dans plusieurs établissements d’enseignement postsecondaire et écoles de métiers afin d’attirer la prochaine génération de constructeurs navals.

Toujours grâce à la SNCN, Seaspan a embauché l’an dernier seulement plus de 200 apprentis et de 75 stagiaires dans ses installations de construction navale et de réparation de bâtiments de Vancouver et de Victoria. En outre, nous collaborons avec des organisations qui s’emploient expressément à encourager les femmes et les travailleurs autochtones à poursuivre une carrière dans l’industrie maritime.

Aujourd’hui, grâce à l’engagement à long terme du gouvernement du Canada dans le cadre de la SNCN, Seaspan emploie plus de 2 300 travailleurs, y compris des soudeurs, des tuyauteurs, des électriciens et d’autres gens de métiers, des ingénieurs, des architectes navals, des spécialistes de l’approvisionnement, des estimateurs maritimes et des gestionnaires de programme. Certains de ces employés travaillent dans le secteur de la construction navale depuis des décennies et ont vécu ces cycles d’expansion et de ralentissement qui ont incité un si grand nombre de leurs collègues à quitter l’industrie.

Ils sont toutefois encore plus nombreux à être des nouveaux venus dans l’industrie et dans ses différents corps de métier, ce qui témoigne bien de notre détermination à renouveler nos effectifs et à investir dans la formation et l’éducation.

C’est grâce à la SNCN et à la prévisibilité à long terme qu’elle procure que Seaspan a pu créer et maintenir des emplois de bonne qualité pour la classe moyenne, contribuant ainsi à la stabilité et à la sécurité financières de nombreuses familles de la Colombie-Britannique.

De plus, l’impact déterminant de la SNCN ne se fait pas uniquement sentir pour Seaspan et le secteur des industries maritimes en Colombie-Britannique. Nous avons mis en place une très longue chaîne d’approvisionnement pour nous accompagner dans ce parcours partout au Canada.

Après six années de participation au programme, nous avons déjà octroyé des contrats d’une valeur totale de 850 millions de dollars à 540 entreprises du Canada atlantique, du Québec, de l’Ontario et de l’Ouest du Canada, ce qui nous permet de devancer les projections économiques établies lors de la mise en œuvre de la SNCN.

Les travaux qui nous attendent sont loin d’être une sinécure, même pour un chantier arrivé à maturité. Les sept premiers navires qui seront conçus et construits à Vancouver appartiennent à quatre catégories différentes. Le défi est d’autant plus grand que nous sommes un nouveau chantier maritime comptant sur des effectifs renouvelés qui doit répondre aux besoins d’un nouveau client et satisfaire à des attentes publiques élevées. Nous contribuons à l’édification d’une capacité nationale en matière de construction navale. Il faut pour ce faire investir beaucoup de temps dans la stratégie, tirer de nombreux enseignements des expériences vécues et s’engager à long terme dans le processus.

Nous allons tout de même parvenir à livrer cette année à la Garde côtière canadienne deux navires hauturiers de science halieutique en plus d’avoir entrepris la construction d’un navire de soutien interarmées pour la Marine royale canadienne. Nous passerons ensuite à un navire hauturier de science océanographique pour la Garde côtière avant de livrer le nouveau brise-glace polaire du Canada.

Malgré les progrès formidables qui ont été réalisés et les étapes importantes que nous allons franchir en 2019, il faut bien avouer que le programme s’est heurté à certains écueils. La construction navale est un domaine complexe dont le Canada doit refaire l’apprentissage après 30 années d’investissements insuffisants.

Il s’agit essentiellement pour le Canada, et pour Seaspan sur la côte Ouest, de développer un nouveau secteur et une nouvelle base de ressources parallèlement à la construction navale à proprement parler. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est une entreprise complexe pour les membres de ce partenariat stratégique — et je parle de Seaspan et du Canada — qui cheminent dans ce processus d’investissement, de croissance et d’apprentissage.

Je peux vous dire que la courbe d’apprentissage a été plutôt abrupte pour Seaspan au départ. Le programme des navires non destinés au combat est fortement axé sur le développement. Des sept premiers navires que nous allons construire, quatre sont des prototypes.

Nous avons tiré des leçons des difficultés initiales que nous avons vécues et absorbé les pertes financières qui en ont résulté. De concert avec le secrétariat de la SNCN, nous essayons de faire en sorte que les projets à venir procurent un plus grand degré de certitude à tous les intervenants.

Vous nous avez demandé des recommandations quant aux moyens à prendre pour améliorer l’approvisionnement en matière de défense. Précisons d’abord que bien que la SNCN soit la stratégie qui convienne pour le Canada, on ne peut pas la tenir responsable des décennies de difficultés qu’ont vécues la Marine royale canadienne et la Garde côtière canadienne en raison des décisions qui n’ont pas été prises et du financement qui n’a pas été accordé.

Deuxièmement, la Garde côtière canadienne ne peut pas gérer comme elle le voudrait sa flotte en l’absence d’un plan d’investissement à long terme et du budget nécessaire à cette fin. Il convient d’apporter les correctifs qui s’imposent pour éviter les délais dans la production et l’incertitude liée aux coûts et aux échéanciers.

Troisièmement, l’accumulation des demandes en attente ne devrait pas inciter le gouvernement à se tourner vers des expédients qui vont nuire à la prévisibilité du marché et augmenter du même coup les risques associés à la SNCN.

Quatrièmement, il faudrait consulter les chantiers et les architectes navals plus tôt dans le processus pour influer sur la conception des navires et tirer parti des économies d’échelle rendues possibles par une utilisation accrue des mêmes équipements sur les différentes plateformes en vue de réduire les coûts liés au cycle de vie et de rendre les échéanciers plus prévisibles.

Je veux surtout que vous reteniez de mon témoignage d’aujourd’hui que la Stratégie nationale de construction navale produit les résultats escomptés et permet de donner suite aux priorités établies d’entrée de jeu. Le gouvernement a su imprimer une orientation judicieuse à sa stratégie et devrait maintenir le cap.

Sur la base du partenariat stratégique établi avec le gouvernement du Canada, Seaspan a beaucoup investi dans ce programme. Nous mettons tout en œuvre pour respecter nos engagements. Nous apprécions l’appui de nos partenaires du gouvernement du Canada qui nous accompagnent dans cette aventure.

Notre équipe est emballée des résultats obtenus grâce aux efforts conjoints pour doter le Canada d’une industrie maritime forte et viable, assurer des retombées économiques pour les Canadiens, et livrer la prochaine génération de navires non destinés au combat de notre pays.

Sénateurs, je vous remercie encore une fois de m’avoir invité à vous exposer la démarche de Seaspan dans le contexte de la Stratégie nationale de construction marine. Je veux aussi profiter de l’occasion pour vous inviter à visiter notre chantier maritime pour vous faire directement une idée des capacités que nous sommes en train de développer au bénéfice de notre pays.

Le président : Merci.

La sénatrice Jaffer : Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre présence aujourd’hui. J’habite moi-même à North Vancouver et j’ai pu voir vos installations à maintes reprises.

Vous avez parlé de vos expériences de travail. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure l’expérience acquise en Australie vous est utile dans le travail que vous devez maintenant faire pour Seaspan Shipyards?

M. Lamarre : On pourrait établir de nombreux parallèles entre le programme de construction navale continue mis en place en Australie et la stratégie adoptée au Canada. Le programme australien est doté d’un budget de 90 milliards de dollars pour la construction de sous-marins, de navires de combat de surface et de petits bâtiments de guerre. Comme ce fut le cas ici également, il y a eu développement rapide des installations, des processus et de l’embauche malgré quelques obstacles à surmonter au départ.

Il est aussi important de noter que le premier contrat réalisé dans le cadre du programme de construction navale continue visait la construction de trois navires de combat de surface et a été octroyé à l’origine à différents chantiers maritimes en Australie. On faisait donc appel à plusieurs chantiers pour la construction de trois navires plutôt complexes, ce qui a entraîné une fragmentation de l’industrie et compliqué considérablement les choses pour la mise en commun des devis, la gestion des contrats et les contrôles de précision, par exemple.

En Australie, nous sommes parvenus en fin de compte à changer complètement l’orientation du programme. Grâce à notre travail et à celui qui a été accompli pour les sous-marins à ASC, de même que par Austal sur la côte ouest, des contrats d’une valeur totalisant 90 milliards de dollars qui semblaient destinés à l’étranger ont pu être rapatriés parce que nous avons gagné la confiance du gouvernement.

Il y a eu un changement important qui correspond exactement à celui effectué par le gouvernement canadien en ce sens que l’Australie a établi deux centres d’excellence en construction navale, l’un pour les navires de combat de surface plus complexes et l’autre pour les petits navires de combat. On évitait ainsi les investissements superflus et la fragmentation de l’industrie en créant ces centres d’excellence sur lesquels vous voulez pouvoir compter.

Il faut beaucoup de temps et, très honnêtement, des centaines de millions de dollars pour bâtir une grande organisation capable de fonctionner avec les coûts et les échéanciers qui conviennent avec un niveau de qualité suffisant et des garanties de sécurité appropriées tout en se donnant une culture de l’amélioration continue. C’est ce qu’il devient possible de réaliser lorsqu’on s’en tient à la stratégie établie.

La sénatrice Jaffer : Je vais vous demander une réponse très brève si possible, car il nous reste seulement 20 minutes et plusieurs de mes collègues ont aussi des questions à vous poser. Certains laissent entendre qu’il y a de nombreux ministères qui ont un rôle à jouer dans le processus d’approvisionnement. Pouvez-vous nous indiquer comment les choses se sont déroulées pour vous et comment vous avez pu vous débrouiller avec toute cette bureaucratie?

M. Lamarre : D’après ce que nous avons pu constater, le processus mis en place par le gouvernement est très efficace. Comme vous le savez, il y a plusieurs parties intéressées au sein même du gouvernement. Nous avons régulièrement des rencontres de gestion à l’intérieur d’un cadre qui est tout à fait gérable. Nous avons un comité de gestion du programme ainsi qu’un comité de gouvernance regroupant des hauts dirigeants dont je fais partie avec les sous-ministres adjoints. Tout cela est très efficace.

Pour revenir à ce que je disais dans mes observations préliminaires, ce programme est pour nous tous un processus d’apprentissage. Le gouvernement apprend à mieux définir ce qu’il veut acheter et à s’y prendre de la bonne façon pour l’acheter, alors que nous apprenons à construire ce que le gouvernement veut acheter. Nous essayons tous ensemble de nous inspirer des enseignements tirés de l’expérience pour améliorer encore davantage ce processus.

La sénatrice Eaton : Merci d’admettre que nous sommes tous en mode apprentissage, car cela est très coûteux pour les contribuables canadiens. Si nous devions nous retrouver en guerre demain matin, nous ne serions pas vraiment en bonne posture.

Cela dit, j’aimerais vous poser les mêmes questions que j’ai déjà posées aux représentants des deux autres chantiers maritimes. De nombreux ministères ont un rôle à jouer dans les projets de construction navale confiés à Seaspan : Pêches et Océans Canada, la Défense nationale, Services publics et Approvisionnement Canada, le Conseil du Trésor et Innovation Canada. Pouvez-vous nous dire qui est responsable du dossier? À qui vous adressez-vous à Ottawa lorsque vous avez un problème? Quel est le ministre dont vous estimez relever?

M. Lamarre : Il y a plusieurs ministres qui s’occupent du programme. Il y a également différentes parties prenantes.

La sénatrice Eaton : Avez-vous différents numéros que vous pouvez appeler en fonction de la nature du problème?

M. Lamarre : Non. C’est en fait plutôt simple. Il y a ce comité de gouvernance dont je parlais tout à l’heure. Je participe ainsi à des réunions avec les sous-ministres adjoints pour assurer la saine gestion de ce programme. Si certaines questions ne peuvent pas être réglées, elles sont soumises aux sous-ministres. Nous rencontrons également ceux-ci à l’occasion. C’est ce qui s’est passé pas plus tard que le mois dernier, alors que j’ai rencontré les représentants des organismes centraux ainsi que les sous-ministres, ce qui nous a permis de...

La sénatrice Eaton : Ma question pourra vous paraître un peu loufoque, mais c’est tout de même très important. Qu’advient-il si les cinq sous-ministres ne sont pas d’accord? S’en remettent-ils à leurs ministres respectifs? Voici en fait où je voudrais en venir. Le processus décisionnel ne devrait-il pas être simplifié? Ne devrait-il pas y avoir un seul responsable au Parlement, un ministre de l’approvisionnement? Ne devrait-il pas y avoir moins que 35 pôles décisionnels?

M. Lamarre : Je peux vous dire que cette situation n’a pas été problématique pour nous. Nous nous réunissons avec des sous-ministres adjoints qui représentent leurs sous-ministres et leurs ministres respectifs, et nous parvenons à prendre les décisions nécessaires et à procéder aux ajustements qui s’imposent pour la bonne marche du programme.

La sénatrice Eaton : Merci.

J’ai aussi posé une question aux gens d’Irving concernant les contrats à prix de revient majoré. De nombreux critiques font valoir que nous devrions octroyer des contrats à prix fixe qui inciteraient les chantiers maritimes à mieux contrôler leurs coûts. Ils n’ont aucune incitation à le faire à l’heure actuelle avec des contrats à prix coûtant majoré.

M. Lamarre : Je dirais que les programmes de ce genre sont tous différents. Ils présentent divers niveaux de complexité, divers niveaux de risque et divers niveaux d’achèvement pour des facteurs fondamentaux, avant la prise des décisions clés. L’avancement de la conception est un exemple.

Vous constaterez qu’il est fréquent, dans le monde, que des programmes à coûts majorés évoluent au fil du temps pour équilibrer les risques. Pour ce premier programme pour les navires hauturiers de science halieutique, les NHSH, nous avons un contrat à valeur déterminée et c’est nous qui assumerons les coûts supplémentaires.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le sénateur Pratte : Messieurs, je vous remercie d’être ici ce soir. Au Canada et dans d’autres pays, l’approvisionnement militaire suscite certaines frustrations, notamment les retards, les dates de livraison beaucoup trop éloignées, bien plus qu’elles devraient l’être, et les dépassements de coûts. Les médias ont révélé que Seaspan a connu des problèmes de ce genre. Les navires seront livrés plus tard qu’annoncé et les coûts seront beaucoup plus élevés, encore une fois, que ce qui a été annoncé à l’origine.

Dans votre cas, quelle est la cause de ces problèmes? Est-ce lié au processus d’approvisionnement ou à un facteur interne dans votre chantier naval?

M. Lamarre : Je dirais d’abord que ce type de problème est très courant lorsqu’on se lance dans une industrie. Cela se produit partout dans le monde. Il est aussi très courant d’éprouver de tels problèmes lorsque la conception et les spécifications techniques des navires ne sont pas clairement définies d’entrée de jeu, ce qui était le cas de nos deux premiers programmes. Cela signifie qu’il faut établir un budget sans connaître l’échéancier. Voilà un aspect du processus qui peut être amélioré. Si vous le voulez, je pourrai vous en parler dans quelques instants et vous donner des idées à ce sujet.

Cela dit, Seaspan a connu des problèmes, évidemment, en raison de sa croissance. Nous avons eu des problèmes de qualité, en particulier pour un procédé de soudage précis. Ces problèmes sont maintenant réglés. À d’autres occasions, nous aurions peut-être pu ou dû trouver des solutions plus rapidement, mais nous n’avons pu y arriver aussi vite que nous l’aurions voulu. Nous sommes un nouveau chantier naval et nous apprenons.

Selon moi, il est important, en cas de problème, qu’un chantier naval se distingue par sa capacité de se concentrer sur ce qu’il contrôle et les améliorations qu’il apporte pour les navires suivants. Encore une fois, il s’agit de ne pas se soucier de ce que tout le monde raconte, mais de nous concentrer sur ce qui est de notre ressort.

Nous en sommes arrivés là ensemble, comme je l’ai indiqué plus tôt, et nous tirons tous des leçons de ce processus. Sans vouloir faire porter la responsabilité à d’autres — c’est simplement un fait —, il est fréquent que dans le cadre de programmes de construction navale, le constructeur ait l’impression d’être responsable de tous les problèmes. Je peux vous dire que nous avons tous tiré des leçons ensemble dans le cadre de ce programme.

Ensemble, nous pourrions nous concentrer sur certains aspects principaux pour obtenir de meilleurs résultats. Tout d’abord, il conviendrait de discuter avec le client plus tôt que nous le faisons maintenant. Habituellement, comme on l’a vu au Canada, le développement de la technologie, la planification détaillée et la production se chevauchent. Or, si le calendrier n’est pas modifié en conséquence, si les dates ne sont pas réalistes d’entrée de jeu ou si ces choses sont faites simultanément, les problèmes sont garantis.

Notre plus importante recommandation relativement aux prochains programmes de la SNCN est de réunir les personnes compétentes et le client assez tôt dans le processus afin de tirer parti du temps dont nous disposons pour faire les choses de façon séquentielle.

Dans le domaine de la construction navale, vous obtiendrez toujours de meilleurs résultats si la conception détaillée est terminée avant l’étape de la production, par exemple. Les programmes futurs représentent des occasions, et j’estime que nous devons éviter certains écueils prévisibles.

Le sénateur Pratte : Merci beaucoup. Il reste peu de temps.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Merci d’être ici ce soir. Pouvez-vous nous parler de certains navires que vous construisez? Si je ne me trompe pas, vous avez dit que deux des trois navires hauturiers de recherche sur les pêches seront livrés cette année. Qu’en est-il du troisième?

M. Lamarre : Le troisième sera livré l’an prochain. Le lancement aura lieu à la fin de 2019 ou au début de 2020. J’ai apporté des photographies aujourd’hui. Je tiens à vous montrer qu’un de nos navires est en mer. Il s’agit de notre premier navire de la SNACN. Les essais ont eu lieu cette semaine. C’est la preuve que le programme fonctionne.

La sénatrice Marshall : Dans votre réponse au sénateur Pratte, vous avez parlé des coûts du contrat. Quel est le type de contrat? A-t-on opté pour un contrat à coûts fixes pour les trois navires hauturiers de science halieutique?

M. Lamarre : Je n’en connais pas les modalités exactes. C’est un contrat à montant fixe et si nous dépassons le plafond...

La sénatrice Marshall : Quel est le coût estimé des trois navires? Quel montant devrais-je voir dans les comptes publics?

M. Lamarre : Je ne suis pas certain de pouvoir fournir cette information si le gouvernement ne l’a pas déjà fait.

La sénatrice Marshall : Vous ne pouvez le dire? Dans ce cas, pourriez-vous parler des navires de soutien interarmées? Parlez simplement de la commande sur laquelle vous travaillez.

M. Lamarre : Nous avons trois patrouilleurs semi-hauturiers. Nous construisons un NSI ainsi qu’un navire hauturier de science océanographique. Nous avons aussi un autre NSI, et le prochain navire prévu dans notre accord-cadre est un brise-glace de fort tonnage.

La sénatrice Marshall : Le navire hauturier de science océanographique sera-t-il construit avant le navire de soutien interarmées?

M. Lamarre : Nous construisons le premier navire de soutien interarmées, le navire hauturier de science océanographique, puis un autre NSI. Les navires seront livrés dans cet ordre, mais essentiellement, ils sont construits simultanément.

La sénatrice Marshall : Donc, le premier navire de soutien interarmées sera construit avant le navire hauturier de science océanographique?

M. Lamarre : Il sera livré avant le premier navire hauturier de science océanographique. Nous travaillerons probablement sur les deux navires au début de la construction du navire hauturier de science océanographique, alors que s’achèvera la construction du premier NSI.

La sénatrice Marshall : Donc, si j’examinais les comptes publics, je devrais d’abord voir trois navires hauturiers de science halieutique, puis un navire de soutien interarmées, un navire hauturier de science océanographique et le deuxième navire de soutien interarmées.

M. Lamarre : C’est exact.

La sénatrice Marshall : Pourquoi ne construisez-vous pas les navires de soutien interarmées consécutivement?

M. Lamarre : Cela nous permet de tirer toutes les leçons nécessaires de la construction du premier navire. Souvent, en particulier pour les nouveaux chantiers navals, il est difficile d’intégrer les leçons liées à la conception à temps pour le début de la construction d’un deuxième navire. Nous sommes en croissance, et cela nous donne l’occasion d’intégrer ces enseignements aux bonnes étapes de la construction.

Comme nous avons peu de temps, je dirai simplement que c’est d’une importance capitale. Nous voulons faire ces choses aux étapes appropriées de la construction, car dans cette industrie, c’est ce qui multiplie les coûts. S’il me faut une heure pour installer la fondation à l’intérieur, il me faudra au moins quatre ou cinq heures pour le faire dans une aire en dur, et sept à neuf heures sur l’eau. Il est essentiel de travailler vers la gauche, comme on pourrait dire. C’est ce qui nous en donnera l’occasion.

La sénatrice Marshall : Quand pensez-vous livrer le premier navire de soutien interarmées?

M. Lamarre : Juillet 2023.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence et de l’honnêteté de vos propos. À l’heure actuelle, combien de navires sont en construction sur votre chantier?

[Traduction]

M. Lamarre : Nous avons actuellement... Je n’ai pas entendu. Nous avons actuellement quatre navires en construction dans le cadre de la SNCN.

[Français]

Le sénateur Forest : En construction?

[Traduction]

M. Lamarre : C’est exact.

[Français]

Le sénateur Forest : Vous confirmez que, en ce moment, vous travaillez selon un concept « cost plus » dans le cadre de la stratégie.

Tim Page, vice-président, Relations gouvernementales, Seaspan Shipyards : Pouvons-nous attendre jusqu’au moment où le micro marchera?

Le sénateur Forest : On peut vérifier le micro.

[Traduction]

Le président : Nous allons vérifier, monsieur Lamarre.

M. Lamarre : Je peux l’entendre légèrement à l’arrière-plan, mais c’est peut-être parce que j’ai passé trop de temps sur des navires et que je suis sourd. C’est très possible.

[Français]

Le sénateur Forest : C’est pour vous rappeler qu’aujourd’hui, c’est la Journée internationale de la Francophonie. C’est pour célébrer cette journée.

Écoutez, quand on examine les préoccupations liées à la gestion des fonds publics, on se retrouve dans une situation où, à la suite de la Stratégie nationale de construction navale, vous avez un carnet de commandes de sept ou huit navires dans le cadre de contrats « cost plus », ce qui vous place donc dans une situation de monopole. Est-ce l’environnement optimal pour obtenir le meilleur produit à un prix concurrentiel? Quand je regarde les chiffres liés à la construction du brise-glace Diefenbaker, qui accuse cinq ans de retard et qui aurait dû être livré en 2017, et dont le coût a presque doublé, comment peut-on expliquer cela? Qui est responsable de cela? Est-ce la fonction publique qui a mal fait le devis? Est-il question de l’efficacité du chantier? Comment est-on arrivé à un retard de cinq ans, en passant d’un coût prévu de 720 millions de dollars au coût de 1,4 milliard dont on parle aujourd’hui? En tant que citoyen canadien, qui peut-on interroger sur le fait qu’on en arrive à ce résultat? Quand on parlait de centres d’excellence, je crois que nous devons nous améliorer en matière d’excellence.

[Traduction]

M. Lamarre : Je vous remercie de la question, sénateur. Je reconnais qu’il y a des améliorations à faire et nous travaillons en équipe pour y parvenir.

Seaspan n’a pas de contrats « cost plus » pour le programme de la SNCN.

En ce qui concerne le monopole, il y a eu un concours, un concours ouvert à tous les chantiers navals du Canada et remporté par Irving et Seaspan. À l’instar du gouvernement, nous nous considérons comme un partenaire stratégique pour la construction de tous les navires autres que de combat de plus de 1 000 tonnes brutes. Voilà pourquoi nous avons investi plus de 200 millions dollars de fonds privés pour la création du chantier naval le plus moderne de la côte Ouest, et c’est pour cette raison que nous continuerons d’investir dans de nouvelles technologies pour appuyer ces programmes.

Je reviens à l’un de mes commentaires précédents sur la nécessité d’entreprendre les projets de construction navale assez tôt, de réunir les bonnes personnes à la table le plus tôt possible pour avoir une idée précise des spécifications nécessaires pour ces navires, de tirer parti de la présence des principaux fournisseurs d’équipements à cette table d’entrée de jeu et de lancer des appels d’offres pour les grosses pièces d’équipement, les systèmes de propulsion, les tableaux de bord, les génératrices, et cetera. Procéder ainsi nous donne une idée du design préliminaire qui résultera de cette évaluation, ce qui donne une certaine viabilité au projet. Encore une fois, voilà les étapes qu’il faut prendre tout en évitant les chevauchements. Vous constaterez qu’entre la conception définitive et la construction, les chevauchements sont nombreux.

[Français]

Le sénateur Forest : Il faut s’entendre pour conclure que, oui, vous avez été accrédité dans le cadre d’une compétition libre, mais vous n’avez pas indiqué de prix pour la livraison des sept navires. C’était un marché pour recevoir l’accréditation et l’autorisation de construire ces navires. Le prix est communiqué après, comme on le voit. C’est un commentaire que je fais.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Je m’en remets aux membres permanents du comité.

Le sénateur Klyne : Je m’excuse d’être arrivé en retard pour votre présentation. J’ai toutefois entendu vos commentaires sur la mise en œuvre d’un programme de diversité. Où en êtes-vous à cet égard? Je pense en particulier à la main-d’œuvre autochtone que vous tentez de former. Deuxièmement, a-t-on inclus des critères de pondération en matière de diversité?

M. Lamarre : Je ne peux donner de chiffres précis, mais le gouvernement exige que nous ayons de tels programmes dans le cadre de nos projets. Nous menons divers programmes actuellement.

Un de nos principaux programmes, appelé Access, est un programme de formation professionnelle destiné à la communauté autochtone. On compte deux ou trois femmes autochtones parmi les apprentis de nos quatre nouveaux cours de soudure.

Nous avons dépensé plusieurs millions de dollars pour ces programmes, et ils nous fournissent de manière continue une excellente main-d’œuvre en construction navale qui pourra nous aider à poursuivre la croissance. Ce sont des emplois de la classe moyenne.

Le sénateur Klyne : Félicitations. Merci.

La sénatrice Jaffer : Lors de leur témoignage, les représentants d’Irving ont parlé de trois groupes, y compris les Néo-Écossais d’origine africaine. La Colombie-Britannique a une grande diversité ethnique. Le gouvernement exige-t-il que vous embauchiez des gens issus des communautés ethniques, ou seulement des Autochtones et des femmes? Simple curiosité.

M. Lamarre : Nous ne sommes pas tenus d’avoir un vaste éventail d’ethnicités, pour ainsi dire. Notre chantier naval compte des gens de partout dans le monde, en particulier aux premières lignes, notamment dans l’approvisionnement, l’ingénierie et la conception. Notre main-d’œuvre est incroyablement diversifiée, bien plus que partout ailleurs dans l’industrie.

La sénatrice Jaffer : Je parle de la formation.

M. Lamarre : Nous avons trois programmes de formation spécialisée. Je n’ai pas les détails avec moi, mais je pourrais certainement les fournir au comité.

La sénatrice Marshall : Quelle est la date de livraison prévue du navire hauturier de science océanographique?

M. Lamarre : Il sera livré en avril 2024.

La sénatrice Marshall : La construction est-elle commencée?

M. Lamarre : Pas encore. Nous en sommes toujours à l’étape de la conception.

La sénatrice Marshall : Vous avez indiqué que le premier navire de soutien interarmées sera livré en juillet 2023; est-ce exact?

M. Lamarre : Oui.

La sénatrice Marshall : La construction est-elle commencée?

M. Lamarre : Oui.

La sénatrice Marshall : Quelle est la date de livraison prévue du deuxième navire de soutien interarmées?

M. Lamarre : Octobre 2025.

La sénatrice Marshall : Donc, la construction de celui-là n’est pas commencée non plus. Très bien. Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, il reste quatre minutes.

Le sénateur C. Deacon : Utilisez-vous les mêmes méthodes d’assemblage des navires que celles décrites par les représentants d’Irving?

M. Lamarre : Oui. Nous venons de construire notre chantier naval. Il a donc été conçu en fonction des mêmes caractéristiques que le chantier Irving et des nouvelles installations d’Adélaïde. Notre travail consiste à maximiser la quantité des grandes unités de montage des navires à l’intérieur du bâtiment, qui serait tenue à l’exécution de travaux, au coût le plus bas. L’importance d’un chantier naval et sa capacité de livrer plusieurs navires à sa clientèle est tributaire de sa capacité d’assembler les navires sur une aire en dur, puis de les mettre à l’eau pour terminer les travaux.

Les meilleurs chantiers navals au monde ont pour objectif de réaliser tout au plus 15 p. 100 des travaux après la mise à l’eau. En fait, ceux qui atteignent les normes internationales font 90 p. 100 des travaux sur la terre ferme, avant le lancement. Nous obtiendrons ce résultat pour le navire que nous lancerons en mai. Pour le deuxième navire, nous dépasserons les 90 p. 100.

[Français]

Le sénateur Forest : J’ai une dernière petite question. Dans le cadre de la stratégie, quelle est la marge de profit qui vous est autorisée?

[Traduction]

M. Lamarre : Tous les programmes sont différents. Chaque programme de navire est différent.

[Français]

Le sénateur Forest : Mais quelle est la fourchette?

[Traduction]

Entre 10 et 20? Entre 5 et 50?

M. Lamarre : Les règles du CCF et les règles connexes de l’accord-cadre fixent la marge brute à 20 p. 100, mais dans cette industrie, la marge est habituellement réduite à un seul chiffre au fil des étapes. C’est l’évolution des marges, comme on dit. Voilà des aspects dont nous devrions parler.

Donc, encore une fois, les règles du CCF fixent un maximum de 20 p. 100 pour les profits bruts, mais une fois réglées les choses non conformes à ces règles et à celles de l’accord-cadre, on se retrouve avec une marge à un chiffre.

Selon mon expérience, surtout avec le volume d’affaires de Seaspan, étant donné son vaste portefeuille de prototypes de navires, nous devrions viser une marge nette à deux chiffres. Voilà ce que nous devrions obtenir un moment donné, et nous y parviendrons au fil du temps grâce à des gains d’efficacité.

Le sénateur Forest : C’est un bel objectif.

Le président : Chers collègues, je tiens à remercier les représentants de Seaspan Shipyards de nous avoir fourni toutes ces informations.

Aux représentants du Chantier Davie, des Chantiers maritimes Irving et de Seaspan Shipyards, je tiens à dire que vos témoignages ont été instructifs et nous ont beaucoup éclairés dans le cadre de l’étude sur l’approvisionnement militaire entreprise à la demande du Sénat du Canada.

Monsieur Lamarre, si vous voulez envoyer des renseignements supplémentaires, n’hésitez pas à le faire par l’intermédiaire de la greffière. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous les transmettre par l’intermédiaire de la greffière, encore une fois. Nous avons fait ce commentaire aux représentants des trois chantiers navals du Canada.

Cela dit, chers collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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