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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 99 - Témoignages du 19 juin 2019


OTTAWA, le mercredi 19 juin 2019

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 h 55, pour étudier la teneur du projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, et à huis clos, pour l’étude d’une ébauche de rapport.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

[Français]

Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont dans la salle et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent à la télévision ou en ligne.

[Traduction]

Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Forest : Bienvenue. Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Forest-Niesing : Bon après-midi et bienvenue. Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le président : Je voudrais également présenter la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, M. Alex Smith et M. Shaowei Pu, qui, ensemble, appuient les travaux de notre comité.

[Traduction]

Chers collègues, nous entreprenons cet après-midi notre étude du projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

Le projet de loi C-101 est toujours à l’étude à l’autre endroit, mais hier soir, le Sénat nous a confié le mandat d’en étudier la teneur. Nous devons déposer notre rapport demain, au plus tard.

Merci beaucoup aux témoins d’avoir accepté notre invitation et d’être venus nous donner des explications au sujet du projet de loi C-101.

Aujourd’hui, nous recevons d’abord des représentants du ministère des Finances, soit M. Patrick Halley, directeur général, Division de la politique commerciale internationale, Finances et échanges internationaux.

[Français]

Nous recevons également, du ministère des Finances Canada, Mme Michèle Govier, directrice principale, Règles du commerce international, Division de la politique commerciale internationale, Finances et échanges internationaux.

[Traduction]

Nous recevons également un représentant d’Affaires mondiales Canada, M. John Layton, directeur général de la Direction des recours commerciaux et de la politique commerciale en Amérique du Nord.

Les fonctionnaires feront une déclaration d’ouverture puis répondront à nos questions.

La greffière m’a informé qu’une personne fera un exposé, soit M. Halley.

[Français]

Monsieur Halley, la parole est à vous.

Patrick Halley, directeur général, Division de la politique commerciale internationale, Finances et échanges internationaux, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président. C’est un plaisir d’être parmi vous pour parler du projet de loi C-101, qui modifie le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

Avant de faire la description des modifications proposées dans le projet de loi, nous croyons qu’il est opportun de rappeler le contexte actuel qui a mené à la rédaction du projet de loi.

[Traduction]

Les mesures de sauvegarde générales sont des mesures commerciales pouvant être imposées en vertu des règles de l’Organisation mondiale du commerce et des lois canadiennes lorsqu’il est établi qu’une augmentation des importations effectuées dans des conditions loyales a causé, ou menace de causer, des préjudices graves aux producteurs nationaux.

En octobre 2018, le gouvernement a imposé des mesures de sauvegarde provisoires pour une période de 200 jours à l’égard des importations de produits de l’acier dans sept catégories : tôles lourdes, barres d’armature pour béton, produits tubulaires pour le secteur de l’énergie, tôles minces laminées à chaud, acier prépeint, fils en acier inoxydable et fils machine. Ces mesures ont pris la forme d’un contingent tarifaire, de sorte qu’une certaine quantité de produits pouvait être importée sans surtaxe. La quantité a été établie en fonction de notre historique d’importations. Toute quantité excédentaire serait frappée d’une surtaxe de 25 p. 100.

Conformément à ce que prévoit la loi canadienne, le gouvernement a aussi demandé au Tribunal canadien du commerce extérieur, ou TCCE, de faire enquête pour déterminer s’il était justifié d’imposer des mesures de sauvegarde définitives pouvant s’appliquer pendant une période maximale de trois ans sur ces produits.

Au début avril, le TCCE a indiqué qu’il avait conclu que de telles mesures de sauvegarde étaient justifiées relativement aux importations de deux catégories de produits : les tôles lourdes et les fils en acier inoxydable. En conséquence, les mesures de sauvegarde provisoires sur les cinq autres catégories de produits ont cessé de s’appliquer le 29 avril dernier.

Dans sa forme actuelle, le Tarif des douanes interdit la réimposition de mesures de sauvegarde à l’égard de produits qui ont déjà fait l’objet de telles mesures pendant une période de deux ans suivant la dernière imposition. Ainsi, aux termes de la loi actuelle, pour les cinq produits au titre desquels les mesures de sauvegarde provisoires ont pris fin à la fin du mois d’avril, de nouvelles mesures de sauvegarde ne peuvent pas être imposées avant avril 2021.

En vertu des modifications proposées dans le projet de loi C-101, on supprimerait temporairement le moratoire de deux ans sur l’imposition de mesures de sauvegarde à l’égard de produits ayant récemment fait l’objet de mesures semblables. Des modifications corrélatives sont également proposées à la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

Ces modifications sont censées être d’application temporaire. C’est la raison pour laquelle elles ont été structurées comme suit.

Tout d’abord, les dispositions interdisant de nouvelles mesures de sauvegarde — les paragraphes 55(5) et 55(6) — du Tarif des douanes seraient abrogées à la date de la sanction royale. Une modification corrélative est également apportée à la Loi sur le TCCE afin de supprimer les renvois à ces dispositions pendant la période où elles sont abrogées.

Deuxièmement, ces mêmes dispositions qui ont été abrogées seraient réintégrées à la fois au Tarif des douanes et à la Loi sur le TCCE deux ans après la sanction royale, ce qui entraînerait également des modifications corrélatives à la Loi sur le TCCE.

Si le besoin s’en fait sentir pendant la période de deux ans, les modifications proposées donneraient au gouvernement une plus grande marge de manœuvre pour réagir rapidement et de façon appropriée à une augmentation marquée des importations qui nuirait aux producteurs et aux travailleurs canadiens.

Les conditions pour l’application de mesures de sauvegarde en vertu des lois canadiennes demeurent inchangées et devraient toujours être remplies pour que de nouvelles mesures de sauvegarde soient mises en place. Cela demeurera inchangé. Le seul changement, c’est que des mesures de sauvegarde pourront être réimposées pendant cette période de deux ans.

Voilà qui termine notre exposé. C’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Halley. Nous passons aux questions.

La sénatrice Marshall : Pour commencer, n’y avait-il pas aussi un problème avec l’aluminium?

M. Halley : Il y a en effet le problème de l’imposition de droits de douane sur nos exportations d’aluminium vers les États-Unis, mais il n’y a pas eu de hausse soudaine des importations d’aluminium au Canada. De plus, aucune mesure de sauvegarde n’a été mise en place sur les importations d’aluminium au Canada.

La sénatrice Marshall : Donc, ces importations ne posent pas problème.

Ces modifications ne visent pas seulement deux des sept catégories pour lesquelles c’est justifié. Il s’agit plutôt d’un amendement général, n’est-ce pas?

M. Halley : C’est exact. Cette modification s’appliquerait de façon générale. Le cas le plus récent est celui des produits de l’acier, dont j’ai parlé dans mon exposé. Il s’agit des cinq catégories pour lesquelles les mesures de sauvegarde provisoires ont cessé de s’appliquer en avril. Pour le moment, ces produits ne peuvent être visés par de nouvelles mesures de sauvegarde avant avril 2021. Cet amendement permettrait de le faire, si le besoin s’en faisait sentir. Cela dit, pendant la période de deux ans, la levée du moratoire de deux ans permettrait d’imposer des mesures de sauvegarde pour d’autres catégories de produits.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous parler de la surtaxe? Qui était chargé de percevoir cette surtaxe?

M. Halley : La surtaxe s’appliquait uniquement dans les cas où les quantités importées étaient supérieures aux seuils fixés. Une certaine quantité de produits d’acier pouvait être importée sans que la surtaxe s’applique. Elle s’appliquait uniquement aux quantités excédentaires. La surtaxe était perçue par l’intermédiaire du processus régulier de l’Agence des services frontaliers du Canada.

Les entreprises importaient les produits et se voyaient imposer une surtaxe seulement quand elles dépassaient les seuils établis. Un permis était requis pour l’importation de quantités limitées, sans quoi la surtaxe s’appliquait.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous dire le montant de la surtaxe perçue?

M. Halley : Le montant perçu s’élève à 7,1 millions de dollars entre le 25 octobre 2018, date d’entrée en vigueur des mesures de protection, et la fin de la période visée, le 30 avril.

Le montant perçu est légèrement plus élevé, mais en vertu des règles commerciales, nous avons remboursé toute surtaxe qui aurait été payée pour les cinq catégories de produits pour lesquelles les mesures de sauvegarde provisoires ont pris fin en avril. Ces montants sont comptabilisés comme des remboursements; le résultat net est donc 7,1 millions de dollars.

La sénatrice Marshall : Où vont ces 7,1 millions de dollars? C’est le montant net. Est-il versé au Trésor public?

M. Halley : Oui.

La sénatrice Marshall : Est-ce simplement porté aux recettes générales?

M. Halley : Oui, c’est cela.

La sénatrice Marshall : Donc, le gouvernement a 7,1 millions de dollars supplémentaires. Merci.

Le président : Avant que nous passions à la question suivante, j’aimerais vous présenter la sénatrice Lankin, qui vient de se joindre à nous. Elle est la marraine du projet de loi.

[Français]

Le sénateur Pratte : J’essaie de comprendre, monsieur Halley ou madame Govier, comment cela fonctionne exactement. Le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé que, pour cinq produits, le gouvernement du Canada n’avait pas le droit d’utiliser ses mesures de sauvegarde. Donc, si le projet de loi est adopté, le Tribunal canadien du commerce extérieur continue d’être de l’avis que vous ne pouvez pas imposer de mesures de sauvegarde sur ces cinq produits, parce que j’imagine que le jugement est encore valable. Est-ce que cela veut dire que, sur ces cinq produits, vous ne pourrez pas prendre de mesures, de toute façon, malgré l’adoption du projet de loi?

M. Halley : Non. L’enquête du tribunal a été menée pendant une certaine période. Selon les gens de l’industrie, la situation est particulièrement fluide dans le secteur de l’acier, où il y a beaucoup de distorsion au sein des marchés à l’échelle mondiale. Donc, les circonstances peuvent changer rapidement. Si le tribunal devait revoir la question, ce serait pour une période... Ils examineraient une période d’activité un peu différente où il pourrait y avoir eu des changements de circonstances.

Cela dit, pour ce qui est des normes à respecter en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures de sauvegarde, rien n’a changé. Il s’agit simplement de voir si la situation a changé et si les données sont différentes en examinant une période d’application différente.

Le sénateur Pratte : Je n’ai pas lu la décision du tribunal, mais on dit qu’il n’y a pas eu d’avalanche de produits étrangers au Canada pour ces cinq catégories.

M. Halley : En fait, parmi les cinq catégories, dans deux cas, il y a essentiellement deux tests qui permettent de déterminer s’il y a une augmentation marquée des importations et si cette augmentation cause préjudice ou menace de causer préjudice aux producteurs nationaux. Dans deux des cinq cas, il y a eu une augmentation subite des importations. Par contre, il n’y a pas eu de dommages ou de menace de dommages. Dans les trois autres cas, selon l’avis du tribunal, il n’y a pas eu d’augmentation des importations. Donc, il n’y a pas eu de préjudice ou de menace de préjudice.

Le sénateur Pratte : Comment ce projet de loi s’inscrit-il dans nos obligations en ce qui a trait à l’OMC? Est-il conforme? L’OMC permet-elle d’imposer ce genre de moratoire?

[Traduction]

John Layton, directeur général, Direction des recours commerciaux et de la politique commerciale en Amérique du Nord, Affaires mondiales Canada : Selon les règles de l’OMC, nous n’avons aucune obligation d’avoir un moratoire dans nos lois nationales. Certains membres de l’OMC ont un moratoire et d’autres, non. Toutefois, si nous imposions de nouvelles mesures de sauvegarde sur ces cinq produits au cours de la période de deux ans, l’OMC chercherait à déterminer si ces mesures sont conformes à nos obligations.

Le sénateur Pratte : La période de deux ans est-elle une exigence de l’OMC?

M. Layton : Aux termes de l’Accord sur les sauvegardes de l’OMC, il faut attendre deux ans avant d’imposer une mesure sur un produit donné.

Le sénateur Pratte : Si nous adoptons ce projet de loi, allons-nous à l’encontre des exigences de l’OMC? Pourrait-on contester ce que nous faisons?

M. Layton : Certains membres de l’OMC ont soulevé des questions sur la raison d’être de la mesure législative. Nous avons expliqué qu’elle vise à offrir une certaine latitude en cas d’urgence, advenant une hausse soudaine des importations préjudiciables.

Je ne pense pas que les modifications aux lois canadiennes seront contestées. Je pense que l’OMC y verrait un problème seulement si nous imposions des mesures à nouveau.

La sénatrice Eaton : Dans quelle mesure le Canada dépend-il de l’acier importé? Je crois comprendre que certaines régions dépendent beaucoup de ce produit.

M. Halley : Mme Govier peut me corriger, mais je pense qu’environ 40 p. 100 de la production canadienne est exportée. Donc, le reste de la production reste sur le marché.

Évidemment, nous sommes conscients que l’offre pour certains produits varie selon les régions.

La sénatrice Eaton : Donc, nous dépendons de l’acier importé à 60 p. 100...

M. Halley : Si je me souviens bien, c’est 60 p. 100. Quarante pour cent de la production canadienne est exportée, de sorte que le reste demeure sur le marché intérieur.

La sénatrice Eaton : Voici le texte de l’accord :

3. Les États-Unis et le Canada mettront en œuvre des mesures efficaces pour empêcher ce qui suit :

b. Le transbordement d’acier et d’aluminium fabriqués ailleurs qu’au Canada ou aux États-Unis vers l’autre pays. Le Canada et les États-Unis se consulteront au sujet de ces mesures.

Fait intéressant, aux termes de l’accord, les États-Unis pourraient imposer de nouveau des droits de douane, à l’avenir, en cas d’augmentation marquée des importations en provenance du Canada, mais il nous est interdit d’exercer des représailles, sauf dans le secteur touché. Par exemple, nous ne pourrions pas imposer de droits sur le bourbon du Kentucky. Nous serions très limités. Est-ce vrai? Est-ce à sens unique?

M. Halley : Oui, c’est exact. Si les États-Unis imposaient de nouveau des mesures pour l’acier... Je précise que l’application de la disposition sur l’augmentation soudaine des importations fonctionne par produit. Donc, cela ne s’appliquerait donc pas à l’ensemble des produits d’acier, mais seulement au produit dont les importations ont considérablement augmenté. En outre, nous pouvons imposer nos propres mesures sur l’acier américain.

Si nous voulions imposer des contre-mesures, elles pourraient uniquement viser les produits d’acier ou, dans le cas de l’aluminium, l’aluminium ou les produits contenant de l’aluminium. Nous ne pourrions pas viser les produits d’autres secteurs, en effet.

La sénatrice Eaton : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Dans un premier temps, pour bien comprendre, quelle est la différence entre des mesures de sauvegarde et des mesures antidumping?

M. Halley : Les mesures antidumping existent pour protéger un marché contre le commerce déloyal. Donc, lorsqu’il y a du dumping... Le dumping signifie que l’on vend des produits sur le marché canadien à un prix qui est plus faible que sur un marché national ou en deçà du coût de production. Donc, on parle de commerce déloyal.

Les mesures de sauvegarde, ce sont des importations qui n’entraînent pas de déséquilibre. On ne parle pas de commerce déloyal, car c’est un commerce tout à fait loyal, mais il y a seulement trop d’importations, et les mesures de sauvegarde permettent aux producteurs nationaux d’obtenir une certaine protection pour s’ajuster au flux d’importations qui augmente. Cela leur donne la chance d’avoir une période de transition pour s’adapter.

Michèle Govier, directrice principale, Règles du commerce international, Division de la politique commerciale internationale, Finances et échanges internationaux, ministère des Finances Canada : Le dumping est également plus ciblé. Il peut s’exercer en vertu d’un pays ou d’un exportateur en particulier. Cependant, pour les mesures de sauvegarde, on parle des importations de tous les pays.

Le sénateur Forest : Suit-on le même cheminement critique pour en arriver à l’adoption de ces mesures?

Mme Govier : C’est différent. Pour le dumping, il faut faire une analyse et se poser les questions suivantes : est-ce que le dumping a eu lieu, et pose-t-il des problèmes pour les producteurs nationaux?

Dans le cas des mesures de sauvegarde, c’est différent, car on parle du taux d’importations à venir. De plus, il y a des normes pour déterminer s’il y a eu des dommages ou non, et ces normes sont un peu plus élevées dans le cas des mesures de sauvegarde.

Le sénateur Forest : Avez-vous eu connaissance de réactions ou de commentaires de la part de nos partenaires relativement à l’élimination du moratoire de deux ans?

[Traduction]

M. Layton : Certains de nos partenaires commerciaux ont posé des questions sur le but de la mesure législative. La semaine dernière, l’Organisation mondiale du commerce a examiné les politiques commerciales du Canada. En général, les pays étaient très satisfaits de la politique commerciale du Canada et de l’engagement du pays à l’égard du système commercial fondé sur des règles, mais les intentions ont suscité des questions. Évidemment, nous avons expliqué que la mesure législative vise à offrir une certaine latitude en cas d’urgence liée à une hausse soudaine des importations d’acier.

[Français]

Le sénateur Forest : Donc, le projet de loi ne provoque pas de heurts ou de réactions qui pourraient nourrir certains conflits commerciaux avec nos partenaires?

[Traduction]

M. Layton : Non. Jusqu’à maintenant, seule l’intention de la mesure législative a suscité des interrogations, mais nos relations n’ont pas souffert et nous n’avons vu aucune réaction négative des autres pays.

Le sénateur Boehm : Je vous remercie d’être ici. Ma question est dans la même veine que celle du sénateur Forest.

Le problème de la surcapacité sidérurgique n’est pas nouveau. Divers organismes internationaux se sont penchés sur la question. Le G20 y a consacré beaucoup de temps, de même que le G7. Il y a eu le Forum mondial sur les surcapacités sidérurgiques. De plus,, bien sûr, l’OCDE a son Comité de l’acier, qui a entrepris ses travaux.

À la veille des sommets du G20, au Japon, et celui du G7 qui aura lieu en France au mois d’août, dans quelle mesure êtes-vous prêts à nous informer sur les progrès de ces discussions?

La deuxième partie de la question est la suivante : alors que certains pays suivent notre situation — et M. Layton a mentionné les discussions à l’OMC, à Genève —, d’autres pays sont certainement dans une situation semblable sur les plans de la surcapacité, des importations et du transbordement. Les lois à cet égard varient d’un pays à l’autre, mais j’imagine que d’autres discutent plutôt activement de leurs options en comparaison aux mesures que nous prenons.

M. Layton : Je peux commencer par le G20. Le Forum mondial sur les surcapacités sidérurgiques poursuit ses travaux. Une réunion a été tenue le mois dernier, au Japon. Ce sera d’ailleurs un sujet de discussion lors de la réunion des dirigeants du G20, qui aura lieu la fin de semaine prochaine. Tous les membres du forum, à une exception près, tiennent à ce que le forum continue d’exister et poursuive les discussions pour essayer de s’attaquer aux causes profondes de la surcapacité sidérurgique.

La Chine, quant à elle, n’est pas convaincue que le forum devrait continuer d’exister. Son mandat devrait être renouvelé par les dirigeants du G20. C’est une question qui est actuellement étudiée au sein du G20.

D’autres pays sont certainement préoccupés par le détournement de produits d’acier, la surcapacité sidérurgique et les importations dans leurs régions. L’Union européenne a mis en place des mesures de sauvegarde contre un grand nombre de produits d’acier. La Russie et certains pays membres de son union douanière ont également adopté des mesures de sauvegarde. Aux États-Unis, bien entendu, les tarifs prévus à l’article 232 visent toutes les importations d’acier, sauf celles en provenance du Canada et du Mexique. Plusieurs autres pays imposent des mesures de sauvegarde ciblées sur les produits d’acier. Bref, beaucoup de pays dans le monde ont déjà pris des mesures pour essayer de contrer le détournement prévu à la suite de cette surcapacité.

Le sénateur Boehm : Comme vous l’avez laissé entendre, la probabilité que quelqu’un dépose une plainte contre nous est assez faible.

M. Layton : Nous avons eu des questions de la part des pays qui ont mis en place des mesures, mais je doute qu’ils lancent une procédure contre nous, parce qu’ils comprennent les circonstances.

Le sénateur Boehm : Merci.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre présence cet après-midi. J’aimerais vous poser une question qui fait suite à la série de questions soulevées par la sénatrice Eaton.

En ce qui concerne les tôles lourdes et les fils en acier inoxydable, de quels pays importons-nous principalement ces produits, et ces importations visent-elles des régions particulières du Canada?

Mme Govier : Dans presque toutes les catégories de produits, les États-Unis constituent une source importante de nos importations, lesquelles ne sont pas assujetties aux mesures de sauvegarde actuellement en vigueur.

En ce qui a trait aux fils en acier inoxydable, les principales sources, autres que les États-Unis, sont l’Inde, la Chine, la France et Taiwan. Dans le cas des tôles lourdes, les importations proviennent surtout de la Turquie, de la Malaisie, de l’Allemagne et de la Corée du Sud.

Pour ce qui est de la répartition régionale de ces importations, je n’ai pas cette information. Je crois que, dans le cas de ces produits, les importations sont assez bien réparties. Nous n’avons pas été mis au courant de problèmes régionaux particuliers à cet égard.

Le sénateur Klyne : J’ai retenu les pourcentages de 60 et 40 p. 100. Que représente la production locale, dans l’un ou l’autre de ces cas? Les chiffres que vous avez donnés, c’est-à-dire la proportion de 60 et 40 p. 100, concernent-ils l’acier en général ou plutôt un métal lourd en particulier?

Mme Govier : Il faudrait vérifier les chiffres précis. Pour déterminer quelle proportion du marché canadien repose sur l’approvisionnement auprès de producteurs canadiens, nous devons également déterminer l’ampleur du marché canadien, parce que nous savons qu’une certaine quantité de produits sont fournis par des producteurs canadiens et que le reste est importé. Nous n’avons pas sous la main les chiffres pour chacun des produits.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie d’être ici.

Aidez-moi un peu, parce que je ne connais pas parfaitement ce dont nous parlons. Je me souviens qu’il y a un an ou deux, la Colombie-Britannique était aux prises avec un problème concernant le coût des barres d’armature, notamment en ce qui a trait à leur commerce et à leur production. La situation actuelle aura-t-elle une incidence quelconque sur l’Ouest canadien — et je parle de la Colombie-Britannique — pour ce qui est des produits d’acier comme les barres d’armature, ou est-ce totalement différent?

M. Halley : Je vais céder la parole à Mme Govier, mais le projet de loi accorde la souplesse nécessaire uniquement en cas de besoin. Ainsi, aucune des mesures prévues dans le projet de loi ne sera appliquée immédiatement. Cela se fera en fonction d’une plainte ou d’une demande présentée par l’industrie au gouvernement pour déterminer, par exemple, s’il y a lieu de rétablir les mesures de sauvegarde. Rien dans le projet de loi ne déclenche une telle démarche. Il s’agit vraiment d’un processus axé sur la demande.

En ce qui a trait aux barres d’armature, Mme Govier pourra en expliquer l’historique.

Mme Govier : Cette question a été soulevée dans le cadre d’enquêtes antérieures sur le dumping des barres d’armature. Cela remonte un peu plus loin dans le temps. Des représentations avaient été faites auprès du tribunal du commerce pour faire valoir que la Colombie-Britannique devrait être exclue des mesures. Cela n’a pas été fait. À l’heure actuelle, les barres d’armature sont assujetties à des droits antidumping qui s’appliquent partout au Canada.

Dans le contexte des mesures de sauvegarde qui ont été imposées, les parties intéressées de la Colombie-Britannique et d’ailleurs avaient des préoccupations au sujet des barres d’armature. Il s’agit de produits lourds, dont la valeur est relativement faible. Par conséquent, les coûts de transport, par rapport à la valeur de ces produits, s’avèrent assez élevés. Toutefois, les producteurs canadiens de barres d’armature maintiennent la position qu’ils peuvent certainement approvisionner le marché canadien.

En somme, si une demande était présentée en faveur de mesures de sauvegarde supplémentaires sur ce produit, je crois qu’il faudrait alors tenir compte de ce problème.

Le sénateur Neufeld : Ce serait donc dicté par le marché; cela coûterait plus cher en Colombie-Britannique que dans le lieu de production. Est-ce exact?

Mme Govier : C’est possible. Comme M. Halley l’a mentionné tout à l’heure, les mesures de sauvegarde ont pris la forme d’un contingent tarifaire. Ainsi, une certaine quantité de produits peut être importée sans surtaxe. Cela permet de tenir compte des échanges commerciaux traditionnels. Si les importateurs de la Colombie-Britannique maintiennent leurs tendances commerciales traditionnelles, ils ne subiront peut-être pas une augmentation considérable des coûts. La surtaxe ne s’appliquerait vraiment qu’à la quantité excédentaire.

Le sénateur Neufeld : Merci.

La sénatrice Lankin : Mes collègues ont abordé avec brio un certain nombre de points. J’aimerais, pour ma part, vous poser deux questions.

Premièrement, pourriez-vous préciser la différence entre, d’une part, les activités commerciales que nous qualifierions d’illégales, comme le dumping, et, d’autre part, les activités commerciales équitables, les mesures de protection et la question de l’augmentation subite? Vous pourriez peut-être revenir là-dessus parce que, dans le cadre des discussions avec mes collègues, les mots « dumping » et « mesures de sauvegarde » sont utilisés de façon interchangeable, alors qu’il s’agit de deux notions différentes.

M. Halley : En ce qui concerne le dumping ou l’octroi de subventions, il s’agit de pratiques commerciales jugées déloyales. Les outils disponibles visent à instaurer des mesures antidumping ou compensatoires pour contrebalancer les effets négatifs des subventions. L’octroi de subventions et le dumping étant considérés comme des pratiques commerciales légales ou justifiées, les mesures antidumping et compensatoires sont là pour amortir leurs effets lorsque cela porte préjudice aux producteurs nationaux.

Quant aux mesures de sauvegarde, elles s’appliquent lorsqu’il y a beaucoup trop d’importations. Il ne s’agit pas nécessairement d’importations faisant l’objet de pratiques déloyales, mais elles sont beaucoup trop nombreuses. Les producteurs nationaux disposent d’une certaine période, pouvant aller jusqu’à trois ans, pour s’adapter à la nouvelle réalité ou pour essayer d’endiguer l’augmentation des importations.

Ces mesures prévoient une période d’adaptation à la nouvelle réalité liée à la hausse possible des importations, mais celles-ci augmentent à un rythme si effréné que les producteurs ne sont pas en mesure de s’adapter aux nouvelles conditions. Nous leur donnons ainsi un peu de répit.

La sénatrice Lankin : D’après ce que je peux comprendre, lorsque nous parlons de niveaux d’augmentation subite, c’est-à-dire au-delà des niveaux traditionnels d’importations — et cela rejoint les préoccupations exprimées par le sénateur Neufeld —, nous envisagerons l’imposition de mesures de sauvegarde provisoires si les circonstances, les recherches et les consultations le justifient. Nous avons donc la souplesse nécessaire pour y recourir.

Le problème, ce n’est pas seulement la capacité de production excédentaire dans le monde; c’est le fait que le plus grand marché, à savoir les États-Unis, n’a pas utilisé de mesures de sauvegarde ou de protection contre une augmentation subite. Nos voisins du Sud ont bloqué le marché tout entier afin de protéger leur propre marché. Ils pourraient changer d’avis et nous imposer de nouveau des droits de douane, mais nous n’avons pas la capacité de faire quoi que ce soit en matière de sauvegarde pendant une période de deux ans, à moins que cet outil soit mis à notre disposition. Est-ce exact pour l’essentiel, ou pouvez-vous nous en dire davantage?

Mme Govier : Je crois que la première partie de votre question portait sur l’autre norme. L’augmentation subite n’est pas le seul facteur; il faut aussi l’existence d’un préjudice ou d’une menace de préjudice à l’égard d’un producteur national. De plus, il faut un lien de causalité entre les deux, parce qu’il pourrait y avoir d’autres facteurs qui nuisent probablement au rendement des producteurs d’acier canadiens.

Voilà, en gros, l’analyse qu’effectue le tribunal du commerce, et ce travail précède l’imposition de toute mesure de sauvegarde provisoire. Il faut prouver que les entreprises souffrent à cause de l’augmentation subite des importations.

Quant à la deuxième question concernant les États-Unis, il faut faire une distinction entre les mesures qui visent directement le Canada et celles qui sont imposées à tous les autres pays. Les mesures de sauvegarde servent à contrer les effets des mesures que les États-Unis imposent au reste du monde, parce que l’acier qui entrerait normalement aux États-Unis en provenance de tous ces autres pays pourrait être détourné vers le Canada. C’est vraiment ce que nous essayons de cibler. Que nous ayons ou non un accord avec les États-Unis, les mesures de sauvegarde représentent quand même un outil que nous voudrions utiliser.

La sénatrice Lankin : Merci.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre présence. Nous essayons de prendre de grandes décisions dans un court laps de temps, comme nous pouvons tous le reconnaître, je crois.

Je voudrais m’attarder sur une question internationale et nationale. Vous avez parlé de l’aspect international dans vos réponses à deux de mes collègues. D’autres pays ont-ils conclu que les importations de tôles lourdes et de fils en acier inoxydable en provenance de certains partenaires commerciaux menacent leurs industries nationales respectives, comme le déclare le TCCE dans son rapport au sujet du Canada?

Mme Govier : J’ai une liste de mesures qui sont en place dans d’autres pays. Comme M. Layton l’a mentionné, certaines d’entre elles sont très précises. Cela dépend de ce que les pays produisent. Certains pourraient ne pas produire de tôles lourdes ni de fils en acier inoxydable, parce qu’il faut vraiment tenir compte des dommages causés à une industrie nationale.

Je signale que la mesure de sauvegarde de l’Union européenne à l’égard des produits d’acier est en vigueur depuis janvier, et elle ratisse large. En effet, elle englobe 26 catégories. Je n’ai pas toute la liste. Les tôles, je présume, sont sûrement visées; pour ce qui est des fils en acier inoxydable, je n’en suis pas certaine.

Si je parcours la liste des autres produits visés, je ne vois pas ces deux produits. Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas pris en considération. Par exemple, comme M. Layton l’a mentionné, l’union douanière russe qui s’occupe des mesures de sauvegarde tient compte maintenant des laminés plats, ce qui comprendrait probablement les tôles lourdes.

Bref, les produits qui posent problème varient selon le pays et les circonstances des producteurs nationaux.

La sénatrice M. Deacon : Aidez-moi à comprendre une question toute simple. Qui sont les grands producteurs d’acier au Canada? Quelles provinces affichent les plus hauts niveaux de production?

Mme Govier : La plus forte production se concentrerait au Québec, en Ontario, en Saskatchewan et en Alberta, mais la production en aval serait un peu plus répartie. Voilà les principaux producteurs.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Je vais faire une petite mise en contexte avant de vous poser ma question. L’Organisation mondiale du commerce a pour mission de régler les conflits commerciaux entre les nations. L’Organe de règlement des différends, l’ORD, est l’instance d’appel de l’OMC.

Si je comprends bien, il faut obligatoirement trois juges présents à l’ORD pour traiter un appel. Je comprends également que, depuis le printemps 2018, les États-Unis bloquent les renouvellements de mandats pour lesquels il faut obtenir l’unanimité des membres de l’Organisation mondiale du commerce. Étant donné cette situation, comment entrevoyez-vous une mise en œuvre efficace des mesures prévues au projet de loi dont nous discutons aujourd’hui?

[Traduction]

Mme Govier : Tout d’abord, à titre de précision, si nous devions choisir la voie des mesures de sauvegarde provisoires, cela n’aurait rien à voir avec tout ce qui se passe en ce moment au sein de l’OMC dans le cadre du processus de règlement des différends. Selon le processus de l’OMC pour les mesures de sauvegarde provisoires, le ministre des Finances serait chargé de préparer un rapport qui prouve que l’imposition de mesures de sauvegarde est justifiée. Ensuite, une décision serait prise par le gouverneur en conseil, et le dossier serait renvoyé au Tribunal canadien du commerce extérieur, qui est un tribunal national, pour en examiner la teneur.

Vous avez raison de dire qu’il existe des problèmes de taille au sein de l’organisme de règlement des différends.

M. Layton : Voici le problème que pose l’organe d’appel de l’OMC : si le Canada intente une poursuite contre un autre pays, ou vice versa, après l’étape de la procédure d’audience devant un groupe spécial, il est impossible d’interjeter appel de la décision. En gros, d’ici la fin de l’année, aucun appel ne pourra être entendu auprès de l’OMC, à moins que nous puissions résoudre le problème de nomination des nouveaux membres ou réformer le mécanisme de règlement des différends. Franchir toutes les étapes du processus de règlement des différends pose un véritable problème au sein de l’OMC, mais, comme Mme Govier l’a dit, cela s’applique uniquement aux différends internationaux, et non au processus national pour les mesures de sauvegarde.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci.

Le président : Lorsque la sénatrice Marshall vous a posé une question sur les taxes, vous avez dit que le montant perçu s’élève à 7,1 millions de dollars en date du 30 avril dernier.

M. Halley : Les mesures de sauvegarde provisoires ont été appliquées entre le 25 octobre 2018 et le 30 avril 2019.

Le président : Par conséquent, pouvez-vous expliquer comment les contre-mesures imposées aux États-Unis ont permis de recueillir 1,3 milliard de dollars? Selon les bleus de l’autre endroit, le montant perçu s’établit, en gros, à 3,1 milliards de dollars. Pouvez-vous expliquer la différence?

M. Halley : Le montant de 7,1 millions de dollars concerne uniquement les mesures de sauvegarde à l’égard des produits d’acier provenant de pays autres que les États-Unis. C’est un chiffre distinct de celui pour les contre-mesures. Ces dernières sont entrées en vigueur à partir du 1er juillet 2018, et elles visaient certains produits des États-Unis. À la fin d’avril, les surtaxes sur les importations en provenance des États-Unis ont généré 1,3 milliard de dollars. Un certain montant a également été perçu durant la période de trois semaines en mai, jusqu’à l’annulation des contre-mesures, qui a été annoncée le 20 mai par le ministre des Finances. Il se peut donc que le montant total soit un peu plus élevé.

L’Agence des services frontaliers du Canada apporte toujours des modifications à ses méthodes comptables, en fonction de la déclaration en détail des importateurs. Le chiffre pourrait fluctuer quelque peu, mais, à ce stade-ci, on parle de 1,3 milliard de dollars, du 1er juillet 2018 au 30 avril 2019.

Le président : Ce n’était pas 3,1 milliards de dollars?

M. Halley : Non.

Le président : Grâce à l’application de ces taxes, envisagez-vous d’aider les entreprises canadiennes qui ont été touchées par les perturbations dans les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada? Avez-vous un plan d’action pour venir en aide à ces entreprises?

M. Halley : De nombreuses annonces ont été faites et de nombreuses mesures ont été mises en place pour aider les entreprises touchées par le différend avec les États-Unis, soit celles qui ont été touchées par les tarifs imposés par les États-Unis et aussi celles qui ont été touchées par les contre-mesures prises par le Canada.

Diverses mesures ont été annoncées, dont certaines le 28 ou le 29 juin 2018 à la suite des contre-mesures. Des mécanismes de financement ont été mis en place par Exportation et Développement Canada et la Banque de développement du Canada. Le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a reçu des sommes destinées au Fonds pour l’innovation stratégique. Emploi et Développement social Canada a aussi fourni du soutien aux travailleurs. De nombreuses mesures ont donc été mises en place à ce moment.

D’autres mesures ont également été annoncées dans l’Énoncé économique de l’automne 2018, soit une nouvelle bonification du financement destiné au Fonds pour l’innovation stratégique. En mars 2019, le gouvernement a également annoncé qu’il allait financer des programmes destinés aux petites et moyennes entreprises. Nous pouvons vous donner plus de détails à ce sujet, car Mme Govier et moi avons beaucoup travaillé sur le mécanisme de remise lié aux contre-mesures.

Lorsque le gouvernement a imposé des contre-mesures à l’égard de certains produits importés des États-Unis, le ministère a mis en place un mécanisme de remise dans le cadre duquel la surtaxe était annulée ou remboursée à l’entreprise importatrice lorsque les produits n’étaient pas disponibles au pays. Il s’agissait d’une autre mesure visant à aider les entreprises touchées par le différend.

Le président : Madame Govier, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Govier : Non, tout a été dit.

Le président : La dernière question que je veux poser aux représentants du ministère est la suivante : depuis que nous avons imposé des droits compensateurs, combien de cet argent a été investi au Canada?

M. Halley : Nous pouvons vous faire parvenir les chiffres exacts. Il y a de nombreux programmes. Nous connaissons les chiffres pour certains mieux que pour d’autres. Par exemple, le mécanisme de remise des tarifs douaniers aurait permis de verser jusqu’à 395 millions de dollars. Nous le savons parce que nous nous en sommes occupés. Toutefois, pour ce qui est des détails concernant chaque mesure d’aide, nous pouvons vous fournir les chiffres exacts.

Le président : Étant donné l’échéancier que nous avons pour notre étude préliminaire et notre rapport au Sénat, pourriez-vous, monsieur Halley, nous assurer que vous serez en mesure d’acheminer l’information à la greffière au cours des prochaines heures?

M. Halley : Oui, nous allons le faire.

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur le président, de votre aide sur ce point. J’aimerais savoir ce qu’il en a coûté au gouvernement pour aider l’industrie, car c’était un peu la manne. Il serait bon de savoir qui en a profité.

La Bibliothèque du Parlement nous fournit de l’information lorsque nous avons des audiences. Dans la documentation, on peut lire à ce sujet :

Si le gouvernement réimposait de telles mesures et que cette action amenait des partenaires commerciaux du Canada à entamer une procédure en vertu du mécanisme de règlement des différends de l’OMC, la période de réimposition pourrait prendre fin avant que l’OMC rende sa décision.

J’ai trouvé cela un peu curieux.

J’ai consulté quelques articles, et j’en ai trouvé un sur le site web de Borden Ladner Gervais, un cabinet d’avocats qui a un bureau à Ottawa. Je ne pense pas que le cabinet en soit l’auteur, mais le titre de l’article pourrait se traduire comme suit en français : « Si vous n’aimez pas la réponse, ne tenez pas compte tout simplement des règles : le gouvernement du Canada a l’intention de faire fi des règles de l’OMC limitant le recours répété aux mesures de sauvegarde. » Ce n’est pas un très long article, mais il y a une phrase qui dit que le projet de loi :

[...] le gouvernement se donne la possibilité de faire fi de ses obligations à l’égard de l’OMC en réimposant des mesures de sauvegarde sur les mêmes produits d’acier pour lesquels le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu, après une enquête qui a duré des mois, au cours de laquelle il y a eu notamment deux semaines d’audiences, des dizaines de témoins et plus de 38 000 pages de preuves et d’arguments, que cela n’était pas justifié. C’est sans précédent pour le Canada et probablement pour tout autre membre de l’OMC.

On poursuit en disant :

Dans le monde du droit commercial, on appelle cela une mesure « coup de force », car en pratique, il est fort probable qu’elle vienne à expiration avant que toute contestation par des partenaires commerciaux devant le système de règlement des différends de l’OMC aboutisse.

Après avoir lu cela, ces modifications me mettaient un peu mal à l’aise. Pourriez-vous nous parler de la validité de ce que je viens de citer dans l’article?

M. Halley : Le projet de loi ne met pas en place des mesures de sauvegarde. Il procure au gouvernement la souplesse, si le besoin s’en fait sentir au cours d’une période de deux ans, d’imposer des mesures de sauvegarde sur un produit ayant fait l’objet d’une telle mesure auparavant. Le projet de loi ne met pas en place des mesures de sauvegarde; il permet simplement au gouvernement au cours d’une période donnée, si le besoin s’en fait sentir, de le faire.

Je répète encore une fois que le projet de loi ne change rien aux critères auxquels il faut satisfaire pour instaurer une mesure de sauvegarde. Il faut qu’il y ait une augmentation soudaine des importations qui cause ou menace de causer du tort aux producteurs nationaux, et il faut qu’il y ait des preuves à l’appui. Rien n’a changé à cet égard.

Le projet de loi permet au gouvernement de réimposer des mesures de sauvegarde si le besoin s’en fait sentir. Je répète encore une fois que le marché est très fluide. Il y a beaucoup de distorsion dans ce marché. Si on examinait une période de temps différente que celle sur laquelle le tribunal s’est penché dans l’enquête initiale, on pourrait aboutir à une conclusion tout à fait différente, mais encore une fois, des preuves seraient nécessaires.

La sénatrice Marshall : Il me semble curieux que nous ayons une loi qui comporte des règles générales et qu’en raison de cette situation particulière, nous allons maintenant modifier les règles générales pour que cette situation particulière puisse, en quelque sorte, cadrer avec elles.

Merci de votre réponse.

[Français]

Le sénateur Pratte : Je veux continuer dans la même veine que la sénatrice Marshall. Comme on le dit dans l’article, est-ce qu’on parle du cas d’un pays qui trouve embarrassante la règle de l’OMC, selon laquelle on ne peut pas réimposer de contingents tarifaires sur des produits qui en ont déjà fait l’objet pendant une période de deux ans? Est-ce qu’on parle d’un cas où un pays, le Canada, n’aime pas une règle et s’arrange pour être en mesure de violer cette règle?

M. Halley : Comme je l’ai déjà mentionné, le projet de loi offre la flexibilité, si les circonstances le permettent, de pouvoir le faire, afin de protéger l’industrie canadienne ainsi que les travailleurs canadiens qui pourraient être affectés par ce marché global en déséquilibre. Il faut que ce soit évident pour être en mesure de soutenir la réimposition. Il faut qu’il y ait une augmentation subite des importations, et il faut qu’il y ait un lien de causalité entre cette augmentation et le fait qu’il y a eu un préjudice ou une menace de préjudice, et que tout cela est causé essentiellement par l’augmentation de ces importations. Tout cela reste inchangé à cet égard. C’est vraiment une question de flexibilité en ce qui concerne les outils qui sont à la disposition du gouvernement pour traiter avec une situation de marché fluide.

Le sénateur Pratte : Pourquoi a-t-on choisi une période de deux ans? Y a-t-il une raison pour laquelle on a fixé cette période à deux ans?

M. Halley : C’est vraiment dans l’intention que la situation puisse se résorber ou soit temporaire. On reconnaît que l’on prend des mesures de sauvegarde pour lutter contre les effets d’un commerce qui n’est pas loyal. De cette manière, on peut bénéficier d’une certaine flexibilité, même si cette flexibilité n’est pas nécessairement infinie par rapport à cette situation.

Lorsque ces obligations sont négociées dans des accords de libre-échange ou dans des accords commerciaux, comme pour l’OMC, il y a des attentes par rapport au fait que les pays qui sont parties à ces accords ne prendront pas de mesures contre les exportations canadiennes, ce qui serait tout à fait déloyal. Cela pourrait faire en sorte d’amoindrir les concessions que le Canada a faites lorsqu’il a décidé de faire partie de ces accords.

Le sénateur Pratte : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Direz-vous qu’il s’agit d’un projet de loi qui est en grande partie de nature préventive, ou est-ce que le dumping nous cause déjà des problèmes à l’heure actuelle?

M. Halley : Il y a une différence entre le dumping et les mesures de sauvegarde.

La sénatrice Eaton : Est-ce que nous en avons besoin en ce moment, ou s’agit-il d’une mesure préventive?

M. Halley : C’est une mesure qui offre au gouvernement la souplesse…

La sénatrice Eaton : Il s’agit alors d’une mesure préventive, n’est-ce pas?

M. Halley : C’est exact, si les circonstances sont là, si nous avons des preuves à l’appui, si le moratoire de deux ans ne s’applique plus, ce serait une mesure de prévention pour éviter que ces circonstances nuisent aux producteurs canadiens.

La sénatrice Eaton : Nous convenons donc qu’il s’agit d’une mesure préventive. Si j’ai bien compris ce que vous avez dit, les principaux pays touchés seraient probablement la Chine, la Malaisie… et quels autres pays?

Mme Govier : Pour ce qui est des pays que j’ai mentionnés un peu plus tôt, ce sont des pays pour lesquels des mesures de sauvegarde sont déjà en place. Les cinq produits qui pourraient être en jeu concernent d’autres pays.

La sénatrice Eaton : Quels pays craignons-nous à l’heure actuelle?

Mme Govier : Je ne les énumérerai pas tous, car il y en aurait 20 à nommer, mais il s’agit notamment de la Turquie, Singapour, le Vietnam, la Corée du Sud, la Russie…

La sénatrice Eaton : Vous avez mentionné le Vietnam et Singapour. Ne font-ils pas partie du PTP? Cela ne nuira pas à nos partenaires du PTP, n’est-ce pas?

Mme Govier : Il n’y a rien dans le PTP qui nous empêcherait d’imposer des mesures de sauvegarde générales si les circonstances l’exigeaient. Dans certains de nos accords commerciaux, il y a des dispositions de cette nature qui s’appliquent dans certaines conditions, mais ce n’est pas le cas du PTP. Rien ne nous empêche de le faire. En fait, ces pays peuvent très bien imposer des mesures de sauvegarde qui pourraient toucher le Canada. Cela fait partie de leurs droits.

La sénatrice Eaton : Une dernière question pour parfaire mes connaissances. Quand il y a dans un pays du dumping, et je vais utiliser ce terme parce qu’il est imagé, ou une augmentation soudaine des importations, qu’est-ce qui se produit? Il y a une arrivée massive d’un produit au Canada en provenance d’un autre pays, mais comment est-il acheminé aux États-Unis? Y a-t-il un distributeur ici qui se rend délibérément au Vietnam, en Malaisie ou en Chine pour l’acheter à petits prix pour l’expédier ensuite aux États-Unis? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme Govier : Il n’y a pas, à notre connaissance, beaucoup d’activités de ce genre en ce moment, mais les États-Unis craignent que cela puisse se produire. Il se pourrait que des importations arrivant au Canada d’un pays particulier soient destinées aux États-Unis.

La sénatrice Eaton : Pourquoi passerait-on par ici?

Mme Govier : Ce pourrait être pour différentes raisons de logistique. Le transbordement ou le fait de passer par un pays pour aller dans un autre n’est pas nécessairement une mauvaise chose en soi. Il peut s’agir d’une question de logistique.

La sénatrice Eaton : Mais nous sommes bordés par le même océan. J’essaie de comprendre pourquoi quelqu’un enverrait des surplus d’acier de la Chine à Vancouver quand il pourrait les envoyer directement à Seattle.

Mme Govier : Il faut faire une distinction entre diverses situations. Si l’intention est de faire en sorte qu’un produit du Vietnam arrive sur le marché des États-Unis, par exemple, et que personne n’essaie de faire croire que le produit ne vient pas du Vietnam, il n’y a rien de mal à cela. Que le produit se rende directement aux États-Unis ou qu’il passe par le Canada, cela n’a pas d’importance. Il est clairement indiqué qu’il s’agit d’un produit de ce pays, et le tarif douanier de 25 p. 100 s’appliquerait alors à ce produit.

Toutefois, si une entreprise veut faire les choses en cachette et importer un produit du Vietnam — je ne peux pas nuire à l’image de ce pays, il s’agit simplement d’un exemple — et qu’elle décide de réétiqueter le produit pour le faire passer pour de l’acier canadien sans qu’il y ait eu une quelconque transformation, il s’agit alors d’une activité illégale qui doit être sanctionnée par les États-Unis lorsque cet acier arrive dans ce pays s’il est mal étiqueté.

Une autre situation pouvant se produire est celle où un producteur canadien ou une entreprise canadienne importe de l’acier pour le transformer. Cet acier est transformé en un produit qui devient alors un produit canadien — si on y ajoute une certaine valeur, et c’est une chose qui se produit —, et il s’agit d’une activité commerciale légale et très fréquente.

Il faut simplement comprendre ces distinctions pour savoir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas.

Le sénateur Klyne : C’est l’un de ces dossiers où l’on aurait besoin d’un tableau blanc.

Sept produits font l’objet d’une mesure de sauvegarde provisoire, mais cette mesure a été jugée légitime pour seulement deux d’entre eux, les tôles lourdes et les fils d’acier inoxydable. Si on prend ces deux produits, et vous avez répondu à la question plus tôt, quels sont les principaux pays d’importation qui seraient touchés?

Mme Govier : Désolée, les principaux pays pour…

Le sénateur Klyne : Pour les tôles lourdes et les fils d’acier inoxydable.

Mme Govier : Pour ce qui est des fils d’acier inoxydable, l’Inde, la Chine, la France, et Taiwan sont les principales sources d’importation. Encore une fois, cela exclut les États-Unis, qui dominent dans presque toutes les catégories.

Pour ce qui est des tôles lourdes, il s’agit de la Turquie, la Malaisie, l’Allemagne et la Corée du Sud.

Le sénateur Klyne : Ma question concerne les mesures de sauvegarde définitives sur ces produits. Vous attendez-vous à ce qu’il y ait des contre-mesures ou des mesures de représailles de la part des pays touchés? Si c’est le cas, quelles exportations canadiennes pourraient être visées? Vous avez mentionné la Turquie, et je pense aux légumineuses ou aux lentilles que nous emballons, raffinons et exportons. Vous attendez-vous à ce qu’il y ait des mesures de représailles qui pourraient toucher les exportations canadiennes?

Mme Govier : Je ne dirais pas qu’on prévoit quoi que ce soit. Nous avons eu des discussions avec certains de nos partenaires commerciaux. Il y a un processus de consultations au sein de l’OMC lorsque des mesures de sauvegarde sont imposées, alors des discussions ont eu lieu et d’autres sont prévues.

Nous n’avons, à l’heure actuelle, aucune indication qu’il pourrait y avoir des mesures de représailles de la part d’un de ces partenaires commerciaux, mais nous en sommes au début du processus, alors je pense qu’on ne peut l’exclure advenant qu’il y ait des préoccupations graves.

Le sénateur Klyne : Certains de ces pays sont de grands importateurs de légumineuses du Canada.

Mme Govier : Oui, je pense que certains de ces pays importent de ces produits. Il se pourrait que ces produits soient ciblés, mais il revient au pays en question de déterminer quels produits feront l’objet de mesures de représailles.

Habituellement, quand il s’agit de mesures de sauvegarde, les mesures de représailles ne viennent qu’à la fin du processus de l’OMC, s’il est prouvé que le Canada est fautif. Les menaces potentielles pourraient venir très tard dans ce cas.

Le sénateur Klyne : Est-il probable qu’il y ait des mesures de représailles?

Mme Govier : Nous n’avons aucune indication pour l’instant qu’il y en ait à l’horizon. Aucun pays n’a donné d’indication qu’il y songeait ou menaçait de le faire.

Le sénateur Klyne : Il faut qu’il décide que c’est justifié.

Mme Govier : C’est exact. Des discussions sont en cours, et c’est pourquoi je ne peux pas éliminer cette possibilité.

M. Halley : Je pense que des représentants d’environ 15 pays ont participé également au processus du Tribunal canadien du commerce extérieur quand il a statué au sujet de ces deux produits. Ils ont été en mesure de faire connaître leur point de vue et de soumettre au tribunal tout argument qu’ils souhaitaient faire valoir à ce moment.

Le sénateur Klyne : Et cela est pris en considération au moment de décider si la mesure est justifiée?

M. Halley : C’est exact.

La sénatrice Lankin : J’ai deux questions. Je vais tout d’abord poser celle qui concerne les mesures prises au titre de l’article 232, qui a une portée très large, puis l’autre qui porte sur les contingents tarifaires.

À la suite de diverses questions qui ont été posées, je sens le besoin de revenir à un examen de la source de l’article 232. L’argument de la sécurité nationale n’est pas une mesure de sauvegarde mise en place par les États-Unis. Les mesures de sauvegarde sont des mesures légales. Une fois qu’elles sont prises, elles ne sont pas censées être prolongées pour deux années additionnelles, mais on dit qu’on pourrait avoir à le faire.

Cet article 232 a une portée très large, et à la suite de l’accord qui a été négocié, seuls le Mexique et le Canada y sont soustraits, ce qui laisse une barrière très importante en place. Les producteurs qui ont des surplus dans ces pays cherchent un marché. Ils ne peuvent pas vendre leurs produits aux États-Unis sans se voir imposer un tarif de 25 p. 100 — le tarif qui s’applique en général —, si bien que le Canada devient ainsi plus vulnérable parce que, pour ce qui est des cinq produits, nous avons adopté une mesure de sauvegarde dans la foulée des gestes posés par les États-Unis. Selon l’accord, elle a été éliminée. Les deux ans deviennent donc, tout à coup, pertinents s’il y a un surplus de production et que les conditions mondiales font en sorte que le surplus peut aboutir chez nous.

L’autre point est que les États-Unis ont prévu dans l’accord qu’ils se réservent le droit — car il ne s’agit pas d’une mesure de sauvegarde; ils ne sont pas assujettis à la restriction de deux ans pour respecter leurs obligations à l’égard de l’OMC — de rétablir le tout s’ils constatent tout transbordement.

Pouvez-vous expliquer le lien entre ces deux éléments? Je crois que c’est ce qui rend le Canada vulnérable actuellement, d’où la volonté d’accorder la souplesse nécessaire à notre gouvernement grâce à l’adoption de ce projet de loi.

Mme Govier : Le recours à l’article 232 de la Trade Expansion Act des États-Unis est un facteur majeur dans la décision initiale du gouvernement d’imposer des mesures de sauvegarde provisoires, ce qui est plutôt inhabituel au Canada. Les dernières mesures du genre datent en effet des années 1990, ce qui montre bien le caractère exceptionnel de la situation et la nature tout aussi exceptionnelle de la réponse nécessaire.

Comme je l’ai déjà dit, le fait que les tarifs imposés en vertu de l’article 232 n’aient pas été révoqués pour essentiellement tous les autres pays signifie que le risque demeure. C’est en partie pourquoi il est important d’avoir la souplesse nécessaire pour rétablir les mesures de sauvegarde si elles devaient de nouveau s’avérer nécessaires.

La sénatrice Lankin : La deuxième question que j’ai porté sur les contingents tarifaires. Nous parlons ici de la possibilité de recourir à des mesures de sauvegarde. C’est le genre de mesures de protection qui pourraient être utilisées.

Comme vous l’avez expliqué, il y a une norme historique en matière d’importations. Ces mesures s’appliqueraient uniquement à une augmentation au-delà de la norme et qui, après examen, s’avérerait dommageable pour l’industrie. Divers tests devraient être effectués.

Ceux qui pourraient être préoccupés, comme les importateurs et les utilisateurs finaux qui dépendent des importations, auraient toujours accès aux quantités usuelles. Je crois, en outre, que cela renvoie à la question du sénateur Neufeld sur les particularités régionales des importateurs britanno-colombiens. Parmi les préoccupations soulevées quand le Canada a imposé des mesures de sauvegarde provisoires l’an dernier, il y avait la ruée vers sa part des importations, et donc le fait que le premier arrivé était le premier servi.

Le gouvernement est intervenu pour remédier à la situation en instaurant un contingent qui permet aux utilisateurs finaux et aux importateurs de ne pas se faire couper l’herbe sous le pied par un groupe plus imposant et ainsi de bénéficier d’un accès équitable.

Pouvez-vous décrire comment cela fonctionne? C’était une mesure pour protéger les entités préoccupées par l’imposition de mesures de sauvegarde l’an dernier.

Mme Govier : Oui, je peux vous en parler.

Quand les mesures de sauvegarde ont été instaurées l’an dernier, c’était sous la forme d’un contingent tarifaire. À l’époque, il n’y avait aucune autorité légale qui permettait d’en assurer la gestion. C’était un système du premier arrivé, premier servi, qui a suscité des préoccupations chez les parties concernées. Elles avaient du mal à bien planifier leurs activités sans savoir si elles obtiendraient une licence et, donc, si une surtaxe serait imposée.

Dans le contexte de la loi d’exécution du budget, il y a eu des modifications à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation afin de permettre la gestion de ce contingent. Dans l’éventualité où des mesures de sauvegarde seraient de nouveau imposées sous forme de contingent tarifaire, le gouvernement aurait la possibilité d’en assurer la gestion selon différents principes, dont un pourrait être la part historique des importateurs. Les importateurs comme les utilisateurs finaux seraient ainsi plus aptes à prévoir leur approvisionnement en acier et à savoir s’il fera ou non l’objet d’une surtaxe.

La sénatrice Lankin : La dernière fois, les importateurs et certains utilisateurs finaux et de produits étaient préoccupés. Nous avons discuté avec les fabricants et les exportateurs qui nous ont essentiellement dit qu’ils représentaient l’ensemble des acteurs du marché et qu’ils avaient constaté des préoccupations des deux côtés. L’industrie de l’acier a elle aussi une préoccupation légitime. Elle a donc une approche très pragmatique où les mesures sont autant d’outils employés au besoin et où le processus et les preuves doivent dicter si cet emploi est nécessaire ou non.

Dans nos discussions avec différents avocats spécialisés en droit commercial sur des préoccupations semblables à celles citées dans l’article mentionné par la sénatrice Marshall, nous avons constaté que les gens se braquent moins quand ils sont amenés à en discuter et qu’il est question d’une simple augmentation de capacité, car ils pourraient eux aussi avoir besoin d’une autre forme de protection à un moment donné.

Que vous ont dit, à ce jour, les différents groupes de parties intéressées qui voudraient naturellement poser des questions et comprendre l’intention du gouvernement ici? Plusieurs sont au courant, et nous en avons discuté. J’aimerais savoir ce que le gouvernement a officiellement entendu.

M. Halley : Certains sont préoccupés par un possible retour des mesures de sauvegarde. Cela dit, comme l’a précisé Mme Govier, une partie des difficultés rencontrées au cours de la période d’application, soit d’octobre à avril, prendront probablement une autre forme le cas échéant. Dans une certaine mesure, cela peut aussi contribuer à atténuer une partie des préoccupations de certaines entreprises ou de certains importateurs ou utilisateurs en aval.

Je crois que même au cours de la période d’application des mesures de sauvegarde provisoires de l’an dernier, nous avons réussi à remédier à certains problèmes. Par exemple, avant l’imposition des mesures de sauvegarde, il y avait des préoccupations quant aux marchandises outre-mer en transit vers le Canada, puisqu’elles mettent habituellement un certain temps à se rendre à destination. Nous avons donc corrigé le tir à un moment donné.

Certaines des leçons que nous avons tirées ont été utiles, et je crois qu’elles vont aider à atténuer une partie des préoccupations des importateurs, mais pas toutes, si nous avons de nouveau recours à ces mesures.

Le président : Juste pour préciser, j’ai deux questions.

D’abord, de quelle façon le TCCE établit-il si les mesures de sauvegarde sont justifiées quand il mène une enquête?

Ensuite, est-ce que l’adoption du projet de loi C-101 changerait la façon dont la Loi sur le TCCE lui permet de mener ses propres enquêtes?

M. Halley : Je vais répondre à la deuxième question, qui est moins complexe que la première.

Rien ne changerait pour le tribunal. Il devrait respecter les mêmes critères, les mêmes conditions et les mêmes processus qu’avant.

Madame Govier, souhaitez-vous répondre à la première question?

Mme Govier : Je peux vous exposer brièvement le processus du TCCE. Essentiellement, il communique avec tous les intéressés et invite les gens à se présenter comme tels dans le cadre d’une procédure.

Si vous consultez le rapport produit par le TCCE la dernière fois, il y a un éventail assez varié de parties intéressées qui se sont manifestées, des producteurs d’acier nationaux aux syndicats en passant par les utilisateurs en aval, les importateurs et les gouvernements provinciaux, de même que d’autres ordres de gouvernement.

Le TCCE a reçu des mémoires de tous ces intéressés afin de réunir les preuves relatives à une augmentation et à son incidence sur les producteurs canadiens, et ainsi établir s’il y avait dommage ou menace d’un tel dommage.

Le TCCE tient aussi une audience publique où les titulaires peuvent poser des questions aux différents témoins. Ils peuvent aussi mettre à l’épreuve les renseignements qu’on leur a fournis sous forme de mémoires, et les intéressés peuvent demander aux autres d’étayer leurs dires. C’est un processus fort complet et transparent qui permet à tous les intéressés d’exprimer ouvertement leur point de vue.

Après l’audience, les titulaires du TCCE délibèrent et rédigent un rapport assez exhaustif qui détaille la preuve reçue et leurs conclusions.

Dans le cas où les titulaires du TCCE jugent que les mesures de sauvegarde finales étaient justifiées, ils les entérinent ou recommandent la prise de mesures correctives par le gouvernement.

Le président : Je vous félicite de votre professionnalisme au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Vos interventions ont été très instructives dans le contexte de notre étude préliminaire du projet de loi C-101. Les membres du comité vous remercient.

Honorables sénateurs, nous allons suspendre la séance pendant deux minutes afin de poursuivre les travaux à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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