Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 5 - Témoignages du 6 juin 2016
OTTAWA, le lundi 6 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 31, pour poursuivre son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonsoir. Je m'appelle Claudette Tardif, je suis sénatrice de l'Alberta et je suis présidente du Comité sénatorial des langues officielles.
Avant de donner la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter.
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, du Québec.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
La présidente : Le comité poursuit son étude spéciale sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi. Nous discuterons des enjeux récents en matière de recherche dans les domaines de l'éducation au sein des communautés francophones en situation minoritaire, recherches menées par l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques. Nous nous attendons aussi à recevoir des commentaires sur certains aspects de l'étude que le comité mènera l'automne prochain au sujet des défis liés à l'accès aux écoles francophones et aux programmes d'immersion française en Colombie- Britannique.
Nous avons le plaisir d'accueillir, ce soir, le professeur Rodrigue Landry, chercheur associé à l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
Rodrigue — je l'appelle Rodrigue, car je connais M. Landry depuis plusieurs années. Il a été un chercheur avec qui j'ai eu le grand plaisir de travailler, et nous avons souvent été inspirés par les écrits de M. Landry —, au nom des membres du comité, je vous remercie de votre participation aux audiences ce soir. Je sais que vous avez préparé une allocution d'ouverture. Après votre présentation, les sénateurs vous poseront des questions.
Rodrigue Landry, chercheur associé, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques : Merci beaucoup pour votre invitation. Nous nous faisons un devoir, à l'Institut canadien de recherche, de présenter nos recherches, surtout lorsqu'elles peuvent avoir des conséquences positives. L'institut a d'ailleurs été créé par le gouvernement fédéral dans le but d'inspirer des politiques publiques et des actions, des interventions dans les communautés.
Je pensais faire une présentation PowerPoint ce soir, et j'avais mis de la couleur, mais les couleurs sont plutôt grisonnantes. J'ai donc mis le français en plus foncé et je crois que l'anglais, qui est vert sur mon document, est gris sur le vôtre.
Si vous passez tout de suite à la deuxième page, vous y verrez un plan d'ensemble de ma présentation. Je vais commencer par vous parler de quelques tendances démolinguistiques que je qualifie d'inquiétantes, dans le sens qu'elles démontrent une vitalité fragile de la francophonie hors Québec. J'en ferai une présentation rapide pour vous donner un contexte et pour faire suite à la discussion sur l'éducation. Ensuite, en raison des tendances lourdes observées, je propose dans mon document qu'une des priorités essentielles devrait être la petite enfance et le recrutement scolaire. En outre, pour favoriser la mise en œuvre de cette priorité, je vais proposer une sorte de campagne nationale de sensibilisation, que j'expliquerai une fois que nous y serons rendus.
Je vais commencer par les tendances à la page 4. Un premier constat est que le Canada connaît une proportion décroissante de francophones. On observe cette décroissance de la population francophone depuis un certain temps déjà. Par exemple, en 1951, il y avait 29 p. 100 de francophones au pays. Ce pourcentage est maintenant de 21,7 p. 100. En ce qui concerne les minorités de langue officielle, on parlait de 7,3 p. 100 de la population hors Québec en 1951, pourcentage qui se situe maintenant à 4 p. 100.
Une deuxième tendance est qu'à l'extérieur du Québec, le français constitue une faible attraction linguistique. Statistique Canada utilise la continuité linguistique pour arriver à une mesure très semblable; c'est un peu le contraire de l'assimilation. Ici, il y a une nuance. On prend le total de ceux qui parlent le français le plus souvent à la maison et on en fait un ratio par rapport au total de ceux qui ont le français comme langue maternelle. On peut aussi faire l'exercice avec d'autres langues. Pour les francophones hors Québec, en 1971, le ratio était de 0,73 p. 100, ce qui signifie qu'il y avait moins de gens qui parlaient le français à la maison, même en combinant toutes les réponses. Donc, les allophones qui parlent le français à la maison ont été comptabilisés. En outre, ce ratio de 0,73 p. 100 en 1971 a diminué de plus de 10 points en 2011 et se situe maintenant à 0,61.
J'aimerais souligner le contraste ici avec la population anglophone du Québec. Ce n'est pas pour montrer que les 8,3 p. 100 d'anglophones au Québec sont en train d'assimiler les allophones, mais plutôt que l'anglais, comme langue globale très forte, a une forte attraction. Déjà, en 1971, le ratio dépassait 1, c'est-à-dire qu'il y avait plus de personnes qui parlaient le français à la maison qu'il y avait d'anglophones ayant l'anglais comme langue maternelle. Le ratio se situait, en 2011, à 1,29, ce qui veut dire qu'il y a près de 30 p. 100 de personnes de plus qui parlent l'anglais à la maison au Québec qu'il y a de personnes ayant l'anglais comme langue maternelle.
Je passe maintenant à l'autre tendance, à la page 6. Dans le passé, le nombre d'enfants, qui était relativement élevé dans les communautés francophones, avait compensé jusqu'à un certain point pour l'assimilation. Maintenant, la situation a beaucoup changé. Le taux de natalité est maintenant inférieur au taux de remplacement qui est calculé par les démographes comme étant 2,1 enfants par famille pour remplacer les deux parents et la mortalité infantile. On peut voir qu'à la fin des années 1950, il y avait presque cinq enfants par famille; nous en sommes maintenant à 1,5. C'est un changement énorme. Donc, la population francophone est en décroissance par le simple fait qu'elle n'atteint pas le taux de remplacement, et ceci, sans considérer le fait que bon nombre de ces enfants n'ont pas le français comme langue maternelle.
Une autre des tendances est la faible contribution de l'immigration et des allophones à la communauté francophone. Ceux qui demeurent dans certaines régions où il y a beaucoup d'immigrants qui adoptent le français diront peut-être que c'est impossible, puisqu'ils en voient beaucoup. Cependant, je parle de la tendance globale, parce que les immigrants ont tendance à aller surtout dans les grandes villes.
Il y a une façon bien simple de percevoir cette contribution, c'est qu'au Canada, il y a deux façons de mesurer les populations : par la langue maternelle, que vous connaissez bien, et aussi par la première langue officielle parlée, donc la PLOP — en anglais, on parle de « First Official Language Spoken », la FOLS.
C'est une mesure qui est utilisée, par exemple, par le commissaire aux langues officielles. Cette mesure est beaucoup plus inclusive de tous les Canadiens. En effet, si on calcule selon la langue maternelle, on finit avec le français et l'anglais et les langues non officielles parlées par les allophones. Cependant, selon les calculs effectués avec la première langue officielle parlée, on réussit à classer 98 p. 100 de la population du Canada par rapport aux langues officielles.
Il ne s'agit pas d'une mesure de recensement; c'est une variable dérivée de trois questions sur le recensement qui regroupe les critères suivants : la connaissance de la langue, qui est l'habilité à soutenir une conversation dans la langue, la langue maternelle et la langue la plus souvent parlée à la maison.
Par exemple, si je ne connais que le français, c'est le français qui est ma première langue officielle parlée. Si je connais les deux langues officielles, le français et l'anglais, je sélectionne la langue maternelle, et c'est ce qui détermine ma première langue officielle parlée. Si c'est le français, on me place dans le groupe de la première langue officielle parlée : le français. Si le français et l'anglais sont deux langues maternelles, ce qui arrive pour un certain nombre d'enfants, dans ce cas, on sélectionne la langue la plus souvent parlée à la maison.
Cette mesure a un effet de perte chez les francophones; tous ceux qui possèdent la langue française comme langue maternelle, mais qui ne peuvent plus soutenir une conversation dans cette langue, sont comptabilisés comme des anglophones.
On peut voir, à l'aide du ratio, jusqu'à quel point on compense ces pertes et si, même, cela ajoute d'autres francophones. Le ratio pour la population francophone hors Québec est de 0,9997 — aussi bien dire 1 —. Cela apporte un équilibre pour les pertes, mais cela n'apporte pas de parlants francophones supplémentaires.
Vous pouvez constater la grande attraction de l'anglais au Québec. Je le donne comme exemple, car il est frappant de constater à quel point l'anglais peut être attirant, même au Québec avec la Loi 101 et tout. Si on mesure la proportion d'anglophones selon la première langue officielle parlée, le ratio est de 1,63. Ceci revient à dire qu'on ajoute 63 p. 100 de parlants anglais à la population du Québec, soit 410 000 personnes. On retrouve ces données à la page 7.
Passons maintenant à la page 8. Si on utilise les mêmes ratios par rapport à la population totale canadienne, on note que, pour le français au Canada, le ratio est de 1,07. Cela se traduit par un ajout de 519 000 personnes à la population francophone ou dont la première langue officielle parlée est le français.
Quant à l'anglais, dans l'ensemble du Canada, le même ratio donne un ratio de 1,30. Cela signifie que s'ajoutent 5 525 000 personnes de plus. On constate l'énorme différence entre ce que les allophones apportent au français par rapport à ce qu'ils apportent à l'anglais. Cela veut dire que, à long terme, le français continuera à diminuer en proportion de la population.
Passons à la page 9. Lorsqu'une population est minoritaire et est très dispersée sur un territoire, l'un des phénomènes tout à fait normaux qui se produisent est l'exogamie, soit les mariages mixtes, s'il n'y a pas de barrière sociale. Par exemple, quand j'étais jeune et grandissant à Cap-Pelé, je me souviens qu'on voyait les francophones comme étant des catholiques et les anglophones comme étant des protestants. La religion était suffisante pour empêcher plusieurs mariages. Aujourd'hui, c'est une barrière sociale qui n'existe pratiquement plus. Le taux d'exogamie tend à être élevé, surtout dans les régions francophones qui sont très minoritaires. On peut observer que le taux moyen est de 45 p. 100; 39,6 p. 100 ont un conjoint anglophone et 5,3 p. 100 ont un conjoint allophone, donc de langue non officielle. Il s'agit des données de 2006, car je n'ai pas les données de 2011.
Lorsqu'on parle d'exogamie, cela comprend les couples de 90 ans comme ceux de 22 ans; c'est pour cette raison que je préfère m'attarder aux données sur les couples qui ont des enfants et qui sont des ayants droit, afin d'examiner quelle proportion des enfants a pour parents un couple exogame. On voit, toujours à la page 9, que 66 p. 100 des enfants d'ayants droit, en vertu de l'alinéa 23(1)a) de la Charte canadienne des droits et libertés — l'article qui donne droit à l'enseignement en français et selon la langue maternelle des parents —, sont nés de couples exogames. Cela varie de 32 p. 100 au Nouveau-Brunswick à 95 p. 100 au Yukon. C'est maintenant la majorité des enfants qui sont issus de couples exogames qui peuvent aller à l'école française.
Passons à la page 10. L'exogamie est aussi associée à une faible transmission du français comme langue maternelle. J'ai marqué en rouge le mot « croissance »; j'y reviens dans quelques instants. Par exemple, si les deux parents sont francophones — il s'agit d'endogamie —, 93 p. 100 des enfants ont le français comme langue maternelle. Cependant, si un seul parent est francophone, la proportion est réduite à 25 p. 100. On voit que la mère réussit mieux que le père; 39 p. 100 pour la mère, par rapport à 18 p. 100 pour le père. On se rappelle que les exogames représentent 66 p. 100 de cette population, ils sont donc majoritaires, et cela a un effet sur la moyenne qui est réduite à 52 p. 100 pour l'ensemble des francophones en ce qui concerne la transmission du français.
On note une chose intéressante : la plupart des recherches montrent que chez les groupes ethnolinguistiques, lorsque le taux d'exogamie est élevé, c'est un signe que le groupe est bien intégré à la société et qu'il est même assimilé. Toutefois, chez les francophones, la tendance est inversée; elle est en croissance. En d'autres mots, dans le cas de la mère francophone dont j'ai dit tout à l'heure qu'elle réussissait relativement bien, en 1971, elle transmettait à 13,4 p. 100 seulement des enfants la langue maternelle, alors qu'en 2006, cette proportion était maintenant de 39 p. 100. Je reviendrai plus tard sur cet aspect important à retenir dans le cadre de la campagne nationale dont je parlerai aussi plus tard.
Passons maintenant à la page 11. On mentionne un faible taux de natalité et un taux d'assimilation cumulatif assez important. Le fait qu'il y ait beaucoup d'exogamie fait en sorte que la clientèle scolaire de la francophonie hors Québec est en baisse. Ici, elle est calculée selon l'article 23(1)a) de la Charte canadienne des droits et libertés, parce que Statistique Canada ne peut pas nous donner les autres critères liés à la scolarisation des parents et des enfants. J'utilise donc uniquement le critère de la langue maternelle. Tout de même, j'ai pu calculer que de 1986 à 2006, il y a eu une baisse de 26 p. 100. Cela varie selon les provinces et les territoires, mais on parle d'une baisse de 26 p. 100 du nombre d'enfants qui peuvent aller à l'école française.
Je passe ensuite à la page 12. On observe aussi un faible taux de fréquentation de l'école française chez les enfants de ces ayants droit. À l'école primaire, 55 p. 100 des enfants fréquentent l'école de langue française. Au niveau secondaire, cette proportion diminue à 44 p. 100, pour un total de 49 p. 100 si on fait la moyenne de la maternelle jusqu'à la 12e année.
Encore là, vous voyez un effet de l'exogamie; 88 p. 100 des enfants fréquentent l'école française si les deux parents sont francophones, mais cette proportion est réduite à 34 p. 100 si un seul parent est francophone.
Il y a de 14 à 15 p. 100 des élèves qui sont inscrits dans des programmes d'immersion. Ils ont accès à l'école française, mais ils suivent plutôt un programme d'immersion, et de 31 à 40 p. 100 des élèves sont inscrits au programme régulier de langue anglaise.
Passons à la page 13. C'est la suite du faible taux de fréquentation de l'école française, et on peut lire des données relatives au pourcentage des parents dont l'enfant fréquente le réseau de langue anglaise. Ainsi, 30 p. 100 des élèves sont inscrits dans un programme d'immersion, mais le chiffre que je trouve le plus intéressant est le suivant : 41 p. 100 des parents — ce sont des chiffres qui proviennent de l'enquête post-censitaire menée par Statistique Canada en 2006 — auraient préféré que leur enfant fréquente l'école de langue française. Est-ce un indice que la demande semble supérieure à l'offre? Il serait intéressant d'examiner cet aspect.
Je termine avec une dernière tendance. Avec tout cela, l'anglais exerce une attraction sur toutes les autres langues. C'est un phénomène mondial que j'appelle la « force mondialisante ». Ce qui est particulier chez les jeunes francophones et même chez les jeunes allophones qui vivent au Canada, c'est qu'ils sont tout près de l'épicentre de cette « force mondialisante ». L'anglais domine de plus en plus l'économie, la place publique, le paysage linguistique, l'affichage commercial, les médias et la science. Ainsi, les francophones du Canada subissent une énorme pression sociale pour utiliser l'anglais partout dans la société.
Je passe maintenant à la deuxième partie de ma présentation.
La présidente : Monsieur Landry, je vous demanderais d'accélérer afin de permettre aux sénateurs de vous poser des questions.
M. Landry : Je ne voulais pas parler trop vite aux fins de l'interprétation.
La présidente : Vous pourriez peut-être abréger un peu.
M. Landry : Je parle ici d'une priorité essentielle. On peut voir différemment l'attraction de la langue anglaise lorsqu'on examine les statistiques relatives aux inscriptions scolaires.
Au bas de la page 16, vous verrez, pour chaque niveau scolaire, le pourcentage des élèves qui fréquentent l'école de la minorité. Ce taux s'élève à 62 p. 100 à la maternelle et diminue graduellement pour atteindre 40 p. 100 au niveau postsecondaire.
Pour les anglophones du Québec, c'est l'inverse. Ils commencent en faisait beaucoup d'études en français et finissent fortement en anglais. Plus l'enfant s'approche de l'étape de la carrière, plus on a tendance à croire que c'est l'anglais qui devient nécessaire, et on étudie surtout en anglais.
Un autre effet de l'attraction de la langue anglaise, c'est qu'au Québec, l'inscription aux écoles de la minorité de langue officielle est limitée. Par exemple, la Loi 101 oblige les allophones et les anglophones qui sont non-ayants droit à fréquenter l'école de langue française. De plus, l'article 23(1)a) de la Charte ne s'applique pas au Québec. Les élèves du Québec ne peuvent pas simplement alléguer qu'ils ont l'anglais comme langue maternelle, il leur faut d'autres critères. Par contre, même avec tous les droits dont disposent les francophones minoritaires, seulement un sur deux fréquente l'école française. Il y aurait donc nécessité de promouvoir davantage cet aspect, tandis qu'au Québec, il faut plutôt limiter les mesures, parce qu'il y a une forte attraction de l'anglais.
Cela concerne directement le sujet de votre comité. Selon nos recherches, aucune action du gouvernement fédéral, liée à ses obligations en vertu de la partie VII, plus particulièrement de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles, n'aurait plus d'impact sur la vitalité des communautés francophones que celle de promouvoir la transmission du français comme langue maternelle à la petite enfance et dans le cadre de la fréquentation de l'école de la minorité.
Je rappelle ici le fameux Plan Dion de 2003, soit le premier plan d'action sur les langues officielles et le dernier à avoir fixé des objectifs clairs par rapport à l'éducation. Par exemple, il proposait d'accroître la fréquentation des enfants d'ayants droit à l'école de langue française à 80 p. 100 et d'améliorer l'accès aux études postsecondaires.
Aucun plan d'action sur les langues officielles depuis celui-là n'a accordé un peu d'importance à la petite enfance. Le Sénat a réalisé un excellent rapport en 2005, qui s'intitulait L'éducation en milieu minoritaire francophone : un continuum de la petite enfance au postsecondaire. J'y fais référence, parce qu'il s'agit vraiment d'un excellent rapport.
J'ai aussi lu le rapport du comité sénatorial de 2015, Viser plus haut : Augmenter le bilinguisme de nos jeunes Canadiens. C'est aussi un excellent rapport, mais je trouve qu'il parle très peu du bilinguisme au sein de la francophonie, qui est pourtant le plus élevé au Canada.
Je propose qu'il y ait un principe très simple qui donne les conditions du bilinguisme additif, autant pour les groupes linguistiques minoritaires que majoritaires. Ce principe consiste simplement à mettre l'accent sur le développement langagier dans la langue qui a la plus faible vitalité. Le simple fait de respecter ce concept augmente le bilinguisme de beaucoup.
Aux pages 22 et 23, je présente un modèle qui explique ce concept. Il y a trois milieux de vie pour un enfant : le milieu familial, le milieu scolaire et le milieu socio-institutionnel. Plus l'enfant se trouve dans un contexte de faible vitalité, plus on met l'accent sur le français ou la langue qui est minoritaire au sein de la famille et à l'école, et si on peut ensuite lui amener quelques expériences au sein du milieu socio-institutionnel, meilleur sera le bilinguisme.
À l'inverse, pour les majoritaires, le milieu familial et socio-institutionnel fait déjà pencher la balance de leur côté, et c'est par une forte scolarisation dans la langue minoritaire et par des expériences en milieu socio-institutionnel qu'on peut leur garantir un bon niveau de bilinguisme.
Je passe maintenant à la page 24. Chez le groupe francophone en situation minoritaire, plus la francité familiale et scolaire est forte, plus élevé est le degré de bilinguisme. En 12e année, chez les enfants issus de couples exogames, lorsqu'ils respectent ce principe — dans le sens que le parent francophone parle français à son enfant et qu'on a inscrit l'enfant à l'école française —, il n'y a plus de différence statistique entre les taux de compétence et l'identité de ces élèves par rapport à ceux qui ont deux parents francophones.
Je passe maintenant à la page 25. Les enfants issus de couples exogames ont tout de même une forte identité anglophone et des taux de compétence en anglais très similaires aux anglophones. En d'autres mots, cela garantit beaucoup de succès en anglais. Pour les deux catégories d'enfants, ceux qui ont des parents exogames et ceux qui ont des parents endogames, j'ose affirmer que l'école française est le meilleur programme d'éducation bilingue au Canada, même si l'accent est mis sur une seule langue.
À la dernière section de ma présentation, je propose une campagne nationale. Pourquoi? Parce que les parents francophones sont mal renseignés sur les conditions du bilinguisme additif de leurs enfants. D'après nos recherches, lorsqu'on demande aux parents s'ils étaient libres de choisir le programme scolaire de leur choix, lequel serait le meilleur pour leur enfant, la moitié, voire presque les deux tiers des parents pensent que ce serait le 50-50, soit de donner la moitié des cours en anglais et l'autre moitié en français.
C'est une formule mathématique intéressante, mais ils oublient qu'il y a une société qui s'occupe de la langue dominante. Or, c'est le programme qui est enseigné entièrement en français, sauf pour l'anglais bien sûr, qui donne le meilleur résultat.
Aussi, beaucoup de parents ne sont pas sensibilisés aux principes que j'ai expliqués. Il y a le principe un parent, une langue dans le cas des couples exogames, où chaque parent parle sa langue à l'enfant. Ensuite, on appuie de façon intentionnelle la langue minoritaire, c'est-à-dire celle dont la vitalité est la moins soutenue par la société, soit par des activités langagières, comme le fait de choisir la garderie francophone, par exemple, et on inscrit l'enfant à l'école française. Cela donne d'excellents résultats.
La campagne nationale que je propose a pour but d'informer les parents et de les sensibiliser. Bien sûr, ce n'est pas une campagne de propagande, car les parents sont libres de faire leurs choix, mais on veut les renseigner. Je propose deux étapes. La première serait nationale, et consisterait à éveiller l'attention et la curiosité. C'est ce que j'appelle le marketing social. Cela attirerait l'attention sur le fait que c'est l'école française qui donne le meilleur bilinguisme. Ensuite, il y aurait une deuxième étape, qui serait la diffusion d'une information personnalisée à l'échelle locale ou provinciale.
Je passe à la page 30. Ici, j'aimerais donner quelques renseignements qui seraient très pertinents à cette campagne. Les diplômes de l'école française en situation minoritaire sont les plus bilingues au pays. En Nouvelle-Écosse, par exemple, on donne tous les cours en français, mais on enseigne l'anglais comme si les élèves étaient des anglophones. Dans le cadre des tests du ministère de l'Éducation, ces élèves ont de meilleurs résultats en anglais que ceux des écoles anglaises, et ils améliorent beaucoup leur français. Donc, l'école de langue française produit de fortes compétences en français et en anglais, et les deux identités sont fortes chez les enfants issus de couples exogames.
Je poursuis avec la page 31. Avec le respect des deux principes qui sont relativement simples à comprendre, mais pas toujours simples à appliquer, le bilinguisme est à la portée de tous les enfants. Je trouve intéressant de présenter les parents exogames comme étant un genre de microcosme de la dualité linguistique canadienne. Les deux langues officielles sont présentes au sein de leur famille, donc que doivent-ils faire? Certains disent qu'il serait plus juste que 50 p. 100 d'entre eux se tournent du côté francophone, et que l'autre 50 p. 100, du côté anglophone. Personnellement, je crois qu'il serait plus juste, pour le potentiel humain des enfants et le respect de leur double héritage, que 100 p. 100 d'entre eux apprennent les deux langues, car les enfants sont capables de le faire.
À la page 32, il est important de comprendre que l'exogamie n'est pas un facteur causal de l'assimilation, même s'il y est beaucoup associé. Selon nos statistiques, si on contrôle la dynamique langagière des parents, le degré auquel ils utilisent le français, l'exogamie n'est pas un facteur statistiquement significatif.
Je passe à la page 33, et j'achève. L'exogamie est un facteur associé à la perte de la langue minoritaire. On l'a vu, mais elle apporte aussi un potentiel démographique intéressant. Très peu de gens s'en rendent compte, mais ce n'est pas toujours bon pour la transmission de la langue maternelle. Il y a un aspect qui compense jusqu'à un certain point, c'est que si tous les francophones étaient exogames, il y aurait deux fois plus d'enfants d'ayants droit que si personne ne l'était. C'est simple à comprendre. Avec le même nombre d'enfants par famille, c'est ce qui se produirait.
Hors Québec, le pourcentage de la population scolaire possible est plus élevé que sa représentation dans la population provinciale. Au Manitoba, par exemple, avec 2 p. 100 de la population, à une certaine époque, il y avait un potentiel de 4 p. 100 de la population scolaire, soit le double de sa représentation.
Ensuite, la transmission du français comme langue maternelle chez les couples exogames est faible, mais en croissance. Je le répète, car cette croissance montre qu'on peut continuer à croître. Il y a deux facteurs explicatifs : de plus en plus de conjoints anglophones sont bilingues et il y a de plus en plus d'écoles françaises. Vous l'avez d'ailleurs indiqué dans votre propre rapport de 2015, et un certain nombre d'avantages liés au bilinguisme pourraient être communiqués dans le cadre de la campagne.
Accroître la transmission du français aux enfants, comme langue première et comme langue seconde, c'est renforcer la dualité linguistique canadienne et actualiser le capital humain et identitaire de ces enfants.
Je mets l'accent, à la page 36, sur le fait que la promotion de l'école de langue française ne signifie pas qu'il faut diminuer la qualité du programme d'immersion. Certains croient que, parce qu'il y a beaucoup de gens qui inscrivent leurs enfants à un programme d'immersion, cela va diminuer le niveau de qualité du programme. Pour les enfants issus de couples exogames, l'école de langue française leur assure deux langues maternelles et deux identités fortes. Pour les enfants issus de couples endogames francophones, l'école de langue française appuie le développement de leur langue maternelle et de leur identité, et assure un haut degré de bilinguisme.
Pour terminer, je rappelle le rapport de 2005 du Comité sénatorial permanent des langues officielles qui traite du continuum de la petite enfance au postsecondaire. D'ailleurs, la première recommandation de ce rapport est exactement ce que j'avais recommandé à votre comité. Vous avez retenu l'idée qu'une campagne nationale pourrait aider plus d'ayants droit à bien comprendre leur réalité, leurs droits et aussi les avantages d'un bilinguisme additif.
Je vous remercie. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.
La présidente : Je vous remercie de votre présentation exhaustive et très intéressante.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie de votre présentation, et je vous souhaite la bienvenue au comité. Notre comité envisage d'étudier les défis liés à l'accès aux écoles françaises en Colombie-Britannique l'automne prochain. Seriez-vous en mesure de nous parler de cette situation difficile en Colombie-Britannique, comparativement aux autres provinces du Canada?
M. Landry : C'est une province très intéressante. Je crois que je peux en parler maintenant, parce que le procès est terminé. J'ai témoigné dans un procès où 27 écoles et le conseil scolaire ont poursuivi le gouvernement de la Colombie- Britannique. J'ai fait valoir qu'il y a encore un très faible pourcentage de leurs ayants droit qui fréquentent l'école de langue française. Cela varie de 25 à 30 p. 100.
Il y a donc encore énormément de potentiel et, lorsqu'on sait qu'une très grande proportion des francophones de la Colombie-Britannique viennent du Québec, il est difficile de croire qu'ils sont tous assimilés. Les parents devraient pouvoir parler français à leurs enfants et les inscrire à l'école française.
J'ai collaboré à une étude avec l'Association d'études canadiennes. On posait la question suivante à des parents québécois francophones : « Si vous aviez à déménager dans une province où la langue anglaise est dominante, dans quelle école enverriez-vous vos enfants? » Près du tiers des parents ont répondu qu'ils enverraient leurs enfants à l'école anglaise.
Je crois que les Québécois, les Français de France, comparativement aux francophones minoritaires, n'ont pas été vaccinés contre l'assimilation. Ils sont habitués à être majoritaires. Ils veulent apprendre l'anglais, donc ils ont un peu la même logique du 50/50.
J'ai passé une semaine à interviewer des parents en Alberta à ce sujet, et j'ai été éberlué par leur raisonnement. Ils croient que si leurs enfants fréquentent l'école anglaise tout en parlant français à la maison, ils deviendront parfaitement bilingues. J'ai vu des mères de famille pleurer, parce que leur enfant de 10 ans ne voulait plus dire un seul mot de français.
Les parents ne sont pas des sociolinguistes et ils ne savent pas toujours ce qui est mieux pour leur enfant en termes de bilinguisme. Beaucoup de parents québécois vont vivre dans une province anglophone pour une année ou deux et, en ce sens, l'immersion anglaise est peut-être une bonne décision. Cependant, s'ils y restent plus longtemps, ils ne se rendent pas compte que s'ils avaient inscrit leurs enfants à l'école française, ceux-ci auraient maintenu leurs acquis en français, et leur anglais serait tout de même très bon.
La sénatrice Poirier : Cette situation ne se répète-t-elle pas dans d'autres provinces du Canada également?
M. Landry : J'ai souligné la Colombie-Britannique, parce que près de la moitié des francophones viennent du Québec.
La sénatrice Poirier : Ce n'est pas ce qui se produit ailleurs?
M. Landry : Il y a des Québécois francophones dans toutes les provinces, y compris au Nouveau-Brunswick, mais pas autant qu'en Colombie-Britannique.
La sénatrice Poirier : Ma deuxième question concerne le Nouveau-Brunswick. Cela fait des années que nos jeunes, surtout ceux du nord, vont vivre à Moncton ou à Dieppe pour y travailler ou pour étudier. D'autres se dirigent vers l'ouest, soit en Ontario ou à Ottawa. Le défi se présente non seulement en Acadie, mais dans l'ensemble du Nouveau- Brunswick. Nous perdons beaucoup de nos jeunes, qu'ils parlent une langue ou l'autre. Auriez-vous une stratégie provinciale à nous proposer pour contrer l'exode des jeunes?
M. Landry : Il y a deux facteurs qui sont reliés à l'exode, soit les études et le travail. C'est une question d'économie. La solution pour contrer l'exode, c'est de créer des emplois dans la province. Ce n'est pas mon domaine de spécialisation, mais il est évident que c'est une question économique.
Ensuite, s'ils déménagent dans une autre province, s'ils sont sensibilisés un tant soit peu, ils savent qu'ils peuvent amener leurs ayants droit au Nouveau-Brunswick, ou les transposer en Alberta ou en Colombie-Britannique ou ailleurs. Encore là, il s'agit d'être bien renseigné.
Quant à l'exode lui-même, je crois que la plupart des experts s'entendent pour dire qu'il s'agit surtout d'une question économique. Donc, si on crée du travail, on garde nos jeunes. Je ne dis pas qu'il n'y a personne qui partirait, mais le taux migratoire des francophones au Nouveau-Brunswick est négatif depuis plusieurs années. Ainsi, il y a davantage de francophones qui sortent qu'il y en a qui entrent.
La sénatrice Poirier : Je suis entièrement d'accord avec vos statistiques concernant les familles où il y a un parent francophone et un parent anglophone. C'est le cas de ma fille aînée, et mes petits-enfants ont deux langues maternelles. Ils sautent d'une langue à l'autre depuis qu'ils ont commencé à parler. Ils vont à l'école française, mais ils sont complètement bilingues à l'oral et à l'écrit, et cela fait une grande différence.
M. Landry : Je le vis dans ma famille également.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre présentation très intéressante, monsieur Landry. Quelles sont vos priorités de recherche pour les prochains mois et les prochaines années?
M. Landry : Je suis à la retraite, mais j'ai quelques priorités, car il y a des choses que je voulais faire avant de me retirer que je n'ai pas pu faire.
Cela tombe bien, parce que j'ai donné la statistique suivante : 88 p. 100 des enfants, lorsque les deux parents sont francophones, fréquentent l'école française par rapport à 34 p. 100. Donc, il s'agit du phénomène de l'exogamie. J'aimerais faire des études multivariées et contrôler beaucoup de facteurs. Je prendrai les données de Statistique Canada afin de les analyser au moyen de méthodes plus sophistiquées. Dans le cadre d'études multivariées, on tient compte de plusieurs facteurs en même temps plutôt que de donner simplement une description.
Je suis convaincu que l'exogamie n'est pas un facteur aussi négatif qu'on le croie, lorsque les parents sont bien renseignés. Il faut tenir compte du fait qu'il y a des exogames qui sont assimilés, au sens qu'ils ont eu le français pour langue maternelle. Par exemple, ils sont déménagés du Nouveau-Brunswick en Ontario, et ils n'ont pas fréquenté l'école française. Donc, ils ont perdu leur français. Pour eux, il est peut-être difficile de transmettre la langue française à leurs enfants, malgré que certains se servent de l'école pour reconnecter avec la francophonie. Je m'éloigne peut-être de votre question.
Le sénateur McIntyre : Non, ça va, mais permettez-moi de faire un suivi avec vos propos. Je comprends qu'il existe présentement des projets de recherche. Vous avez discuté de la question de la fréquentation scolaire en Colombie- Britannique avec la sénatrice Poirier. Je comprends qu'il existe d'autres sujets de projets de recherche, comme l'accès à la justice en milieu minoritaire francophone et les nouveaux médias. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu d'information à ce sujet, brièvement?
M. Landry : Les travaux de l'institut lui-même sont très variés. Je suis spécialiste de l'éducation. Le collègue qui m'a remplacé à la direction de l'institut étudie beaucoup les questions économiques et de migration. Cela fait quatre ans que je suis déconnecté de tout cela, alors j'oublie un peu, mais il reste tout de même qu'il y a une grande variété de projets. Nous sommes quatre chercheurs et nous faisons des travaux sur les anglophones du Québec également. Il y a une variété de perspectives, mais pas toujours par la même personne. De plus, nous donnons des contrats à d'autres chercheurs qui sont spécialisés pour faire d'autres types de recherches, mais j'aimerais savoir ce que vous croyez plus urgent.
Le sénateur McIntyre : L'accès à la justice serait prioritaire, je crois.
M. Landry : Des avocats comme Michel Doucet, de l'Observatoire international des droits linguistiques, s'y intéressent. Il s'agit plutôt du domaine des avocats que du nôtre, car nous sommes des sociologues et des psychologues, mais c'est une question intéressante.
Le sénateur McIntyre : Me Doucet est très actif dans ce domaine. Quel genre de collaboration l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques entretient-il avec d'autres organismes, comme l'Université de Moncton, avec les communautés de langues officielles en situation minoritaire, avec les collèges, les universités, les institutions fédérales comme le Secrétariat du Conseil du Trésor, Patrimoine canadien, Santé Canada, le ministère de l'Immigration, de la Citoyenneté et des Réfugiés, le Conseil de recherches, les Instituts de recherche en santé du Canada, et j'en passe?
M. Landry : Je ne voudrais pas me tromper, mais je dirais que nous avons fait des travaux avec les trois quarts des organismes mentionnés. Cela marche dans les deux sens. Parfois, c'est nous qui voyons une question intéressante et nous la proposons au ministère, et parfois, ce sont eux qui se tournent vers nous pour étudier une question. De plus, on travaille beaucoup à l'échelle communautaire. Par exemple, bon nombre des statistiques que je vous ai présentées sont tirées d'analyses que nous avons faites pour la Commission nationale des parents francophones.
Cependant, pour 2011, personne n'a pu le faire, parce qu'ils n'ont pas pu obtenir les fonds. Je ne suis pas gêné de dire que je ne suis pas très impressionné par le dernier gouvernement en ce qui concerne la recherche. Par exemple, il y avait une collection de livres qui durait depuis les années 1980, intitulée Nouvelles perspectives canadiennes, qui traitait des langues, et cela a été annulé. Cela n'existe plus. On a publié les derniers livres de cette collection. J'espère qu'il y aura un renouveau d'intérêt pour financer la recherche, parce que des questions brûlantes demandent à être étudiées.
La sénatrice Fraser : Je vous présente toutes mes excuses. Je suis arrivée en retard, car il y avait une autre réunion.
Vos recherches sont fascinantes. À la page 16 de votre présentation, vous parlez du pourcentage d'inscriptions dans les institutions de la minorité, soit française, soit anglaise. Lorsque vous dites, par exemple, que pour l'école anglaise au Québec, 24 p. 100 des enfants fréquentent la maternelle et 44 p. 100 le primaire, que représente le 24 p. 100?
M. Landry : C'est une excellente question, car je n'ai pas eu le temps de nuancer mes propos. Je l'ai mentionné brièvement, mais les ayants droit du Québec ne sont pas définis de la même façon que les ayants droit francophones. Donc, il était très difficile de faire des comparaisons, parce que les critères ne sont pas les mêmes. Je connais bien l'enquête de Statistique Canada, car j'étais président du comité consultatif pour Statistique Canada. Donc, nous avons tenu compte de tous les francophones de langue maternelle hors Québec et de ceux qui avaient le français comme première langue officielle parlée. Nous avons fait la même chose au Québec.
La sénatrice Fraser : Donc, la langue maternelle, la première langue apprise?
M. Landry : Pas la première langue apprise, mais la première langue officielle parlée. Je ne sais pas si vous étiez là lorsque j'ai défini cette variable, c'est la variable liée aux trois questions du recensement.
La sénatrice Fraser : On sait que cela exclut un certain nombre d'anglophones.
M. Landry : Oui, justement, parce que certains d'entre eux ne sont pas admissibles. Il y a des facteurs légaux qui expliquent ces faibles pourcentages. Nous trouvions que la comparaison la plus juste était de comparer deux mêmes populations. Dans ce cas-là, il est très intéressant de voir — et il y a d'autres recherches que je ne pourrai citer ici, mais que je cite dans mes écrits — que les parents anglophones souhaitent que leurs enfants apprennent le français au Québec, mais plus ils avancent vers le secondaire et l'université, plus les pourcentages augmentent en ce qui concerne la scolarisation en anglais.
La sénatrice Fraser : La Loi 101 ne s'applique pas aux études postsecondaires.
M. Landry : Justement.
La sénatrice Gagné : J'ai eu la chance, le plaisir et le privilège de siéger au conseil d'administration de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, et j'ai remis ma lettre de démission à la fin du mois de mars lorsque j'ai accepté de siéger à titre de sénatrice. Je suis très consciente des défis auxquels fait face l'institut pour faire avancer les connaissances et la recherche dans le domaine de l'éducation et dans tous les secteurs d'activités de la minorité linguistique au Canada.
Nous allons bientôt entamer une consultation sur le prochain Plan d'action sur les langues officielles. À titre d'ancien directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, selon vous, qu'est-ce qu'on devrait retrouver dans ce plan en ce qui a trait à la recherche portant sur les minorités linguistiques?
M. Landry : Je pense qu'on doit accorder plus d'importance à la recherche qu'on ne l'a fait au cours des dernières années. Je crois qu'il est surtout important de cibler les bonnes recherches. On devrait peut-être avoir comme modèle le premier Plan d'action sur les langues officielles de 2003. Je le dis pour deux raisons : en tant que chercheur, j'ai trouvé que ce plan avait fait la meilleure analyse de la situation, à l'époque, de la francophonie et des anglophones du Québec. D'ailleurs, je pense que c'est peut-être un des premiers rapports fédéraux qui ont établi une certaine dissymétrie entre les deux minorités de langues officielles.
Auparavant, ce qui était bon pour l'un était bon pour l'autre. Cependant, si vous lisez bien le rapport du Plan d'action des langues officielles de 2003, les objectifs pour les anglophones du Québec ne sont pas les mêmes que pour les francophones hors Québec. Ils avaient des besoins différents, et j'ai trouvé que l'analyse était très fine, pour bien cibler les enjeux.
Lorsqu'on détermine certaines priorités, parce qu'on en fait une bonne analyse, la recherche la plus importante est celle qui répond à ces besoins. Il est très difficile de dire simplement qu'on doit faire de la recherche ici ou là. Si on cible bien les priorités et les besoins, les besoins en recherche se définissent presque d'eux-mêmes.
La sénatrice Gagné : L'enveloppe de financement accordée à la recherche, où devrait-elle se trouver? Devrait-il y avoir une enveloppe spécifique pour la recherche qui cible les minorités linguistiques au sein des agences subventionnaires, ou les ministères devraient-ils prévoir ce financement?
M. Landry : Je pense que si tous les ministères avaient des fonds de recherche, ce serait intéressant. Par exemple, en ce qui nous concerne, peut-être à cause de la nature du ministère, c'est de la part de Patrimoine canadien que nous avons obtenu le plus de fonds. Bien sûr, Patrimoine canadien ciblait les besoins qu'il privilégiait.
Donc, si les fonds sont distribués dans certains ministères, nous ferons de la recherche sur la justice, la citoyenneté, l'immigration, et cetera. Il me semble que l'idéal serait que chaque ministère ait des fonds de recherche, mais que la recherche soit surtout valorisée.
On doit aussi veiller à faire de la recherche de qualité. Je ne m'en cache pas, je pense que, à l'institut, nous avons de bons chercheurs, mais nous ne sommes pas nombreux. Donc, selon l'approche que nous privilégions, lorsqu'une question intéressante nous était soumise pour un projet de recherche, nous cherchions parmi la grande communauté des chercheurs les spécialistes du domaine, et nous leur donnions le contrat. Si vous regardez nos rapports annuels, vous verrez que nous avons de nombreux chercheurs associés. Ce ne sont pas seulement les quatre personnes qui sont associées directement à l'institut qui font la recherche.
Le sénateur Maltais : Merci, monsieur Landry, d'être venu témoigner devant nous. Je me ferai l'avocat du diable; je n'ai pas de difficulté à le faire, c'est dans ma nature, et Mme Fraser pourra en témoigner.
Les jeunes Canadiens, comme tous les jeunes du monde, sont devenus universels. La langue anglaise, que vous le vouliez ou non, est la langue internationale. Je vais vous donner un exemple bien concret : l'Europe. Allez au Conseil de l'Europe, au Parlement européen. D'abord, ils n'ont pas été capables de s'entendre pour faire un seul Parlement, et ils ont dû en faire un à Strasbourg, et l'autre à Bruxelles. Ils siègent six mois à l'un, six mois à l'autre. La seule chose sur laquelle ils se sont entendus, c'est sur la langue commune : l'anglais.
Allez à l'OTAN : c'est en anglais. Allez aux Nations Unies : c'est en anglais. Allez à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe : c'est en anglais. Allez dans tous les groupes internationaux : c'est en anglais. C'est une réalité.
Je vais vous raconter l'autre réalité. J'ai trois enfants et je suis le grand-père de cinq petits-enfants. Mes enfants ont fait des études universitaires, jusqu'à la maîtrise. Nous avons vécu 10 ans au Québec, pendant lesquels il était interdit à nos enfants d'apprendre l'anglais. Tout allait bien jusqu'au cégep, mais une fois arrivés à l'université — et je vous donne des exemples bien concrets —, en médecine, il n'y a pas un traître livre écrit en français. En génie électrique, il n'y a pas de livres écrits en français. En droit, oui, c'est le Code civil qui est écrit en français. Cependant, si votre fille veut devenir avocate, fiscaliste de surcroît, il faut qu'elle aille à Sherbrooke, où tous les livres de fiscalité sont en anglais. Alors, le père, en plus de payer les études, doit débourser des sous pour leur faire apprendre l'anglais. C'est obligatoire s'ils veulent exercer leur profession. C'est clair, net et précis.
Dans le cas d'un jeune qui vient du Manitoba et qui veut étudier en médecine, est-ce qu'il choisira l'école française ou l'école anglaise? Je ne peux pas y répondre.
M. Landry : Moi, je peux répondre à cette question.
Le sénateur Maltais : Qu'est-ce que vous me répondez?
M. Landry : Justement, c'est ce que nos recherches démontrent. Ceux qui étudient entièrement en français en milieu minoritaire sont aussi bons en anglais que ceux qui ont étudié en anglais. Ainsi, l'enfant du Manitoba qui a fait sa scolarisation en français, je n'ai aucun doute qu'il soit capable de faire sa médecine en anglais. Or, ce n'est pas le cas au Québec.
Le sénateur Maltais : Donnez-nous un autre exemple.
M. Landry : Dans le milieu minoritaire, c'est ce qui se produit. C'est un bilinguisme qu'on appelle « additif ». C'est une langue qui s'ajoute. Il y avait une enseignante qui l'avait très bien compris et qui avait fait une tournée de conférences avec moi. Elle m'appelait le « ti-scientifique ». À la fin de la conférence, elle m'a dit : « J'ai tout compris ce que tu m'as dit, et je peux le résumer en une phrase. » C'est une phrase qui est maintenant bien connue dans le milieu minoritaire : « Le français s'apprend, et l'anglais s'attrape. »
Si l'enfant décide d'aller à l'école anglaise au secondaire pour mieux réussir sa médecine, il va perdre son français et ne réussira pas mieux sa médecine que s'il était resté à l'école française. C'est ce que nos recherches démontrent.
Le sénateur Maltais : Alors, les médecins anglophones sont moins bons que les médecins francophones?
M. Landry : Non, je n'ai pas dit qu'ils étaient moins bons.
Le sénateur Maltais : Vous dites qu'ils réussissent mieux leurs études.
M. Landry : Je n'ai pas dit qu'ils réussissaient mieux. Ils ont un niveau d'anglais à peu près équivalent aux anglophones. J'ai donné l'exemple de la Nouvelle-Écosse, où les étudiants francophones bilingues réussissent même mieux que les anglophones aux tests d'anglais. C'est exceptionnel. Habituellement, c'est un peu en dessous. Cependant, c'est un excellent bilinguisme, et ils gardent leur français. Donc, il n'est pas nécessaire de vendre son âme pour pouvoir faire des études en anglais.
Le sénateur Maltais : Je vous comprends, vous êtes un chercheur et un éminent professeur. Je comprends très bien votre réalité. Cependant, il y a une autre réalité, c'est l'universalité des gens. Celle-là, on ne peut pas y échapper, qu'on soit francophone ou anglophone. Je l'ai vécu dans ma propre famille, et je suis certain qu'il y en a d'autres ici.
Je donne un exemple : les magasins Simons. Ils ne viennent pas d'Angleterre, de St James Street, ils viennent de Québec. Les enfants des propriétaires sont obligés d'aller à l'école française. C'est quand même surprenant, mais c'est la réalité. Au Québec, c'est particulier, je vous l'accorde.
M. Landry : C'est particulier, et j'aimerais souligner un point : personne ne peut nier qu'un bilinguisme personnel, que l'apprentissage de trois ou quatre langues, est excellent pour une personne. Cependant, dans une société, à un moment donné, quand tout le monde est bilingue, il y a une langue de trop.
Le sénateur Maltais : J'écoute régulièrement la Télévision francophone de l'Ontario, TFO, et beaucoup de jeunes francophones viennent de toutes les provinces. Une jeune dame d'environ 25 ans avait fait la réflexion que le français, c'est d'abord une culture qui se propage par la chanson, les livres, et ainsi de suite. C'est ainsi que les gens prennent goût à cette culture francophone. Or, on n'accorde pas assez d'attention à cet aspect. Il y a deux ou trois ans, lors de la fête des Acadiens... je ne sais pas comment vous l'appelez...
M. Landry : Le Congrès mondial acadien?
Le sénateur Maltais : Oui. J'ai fait le tour du Nouveau-Brunswick. J'ai été très surpris de la valeur artistique qu'on retrouve dans toutes ces petites municipalités. La diffusion de la langue française en milieu minoritaire doit compter sur autre chose que l'enseignement; elle doit compter sur la culture.
M. Landry : Cela va de soi.
Le sénateur Maltais : La culture a un rôle important. Certains artistes viennent de chez vous, comme M. Lavoie, l'auteur-compositeur-interprète implanté au Québec depuis des années. On ne doit pas négliger la culture ni le facteur économique, comme vous l'avez souligné.
Quelles sont les chances pour les jeunes de décrocher un bon emploi? Est-ce que le fait de connaître deux langues est un atout? Je crois que oui.
M. Landry : Justement.
Le sénateur Maltais : Cependant, il faut qu'il y ait un emploi quelque part.
M. Landry : C'est un problème sociolinguistique.
Le sénateur Maltais : Vous avez beaucoup voyagé partout au Canada. Pouvez-vous me dire s'il y a une migration des jeunes du Nouveau-Brunswick et des jeunes francophones de l'Ontario vers le Québec? Vous avez dit qu'il y a beaucoup de jeunes Québécois qui s'installent en Colombie-Britannique, et je les comprends, en raison du climat. Y a- t-il une telle migration de jeunes?
M. Landry : Il y en a beaucoup, oui.
Le sénateur Maltais : On parle de quel pourcentage? Par exemple, le Nouveau-Brunswick a 700 000 habitants.
M. Landry : Ce n'est pas mon domaine, mais il y a des études de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques qui se sont penchées sur ce sujet.
Le sénateur Maltais : Il y a une migration qui se fait?
M. Landry : Oui.
Le sénateur Maltais : La dénatalité est un facteur aussi. Vous l'avez dit dans votre mémoire : il y a 25 ou 30 ans, la famille moyenne comptait cinq enfants. Aujourd'hui, elle en compte 1,5. Cela ne donne pas beaucoup de remplaçants. En fait, il n'y a pas de remplacement. À deux, on est à égalité, on ne produit pas.
On vient d'accueillir 25 000 immigrants au cours des six derniers mois. Combien d'entre eux apprendront le français au Canada, d'après vous?
M. Landry : La majorité d'entre eux apprendront l'anglais. En fait, 98 p. 100 des allophones hors Québec apprennent l'anglais. Cependant, j'ai été particulièrement surpris d'apprendre qu'au Nouveau-Brunswick, il y a au moins une centaine d'enfants allophones dans les écoles françaises.
Le sénateur Maltais : Bravo! C'est une bonne nouvelle.
M. Landry : C'est une bonne stratégie pour les allophones, c'est-à-dire les personnes qui ne sont ni anglophones ni francophones, parce que, comme je l'ai dit tantôt, on apprend le français et on attrape l'anglais. S'ils vont à l'école française, ils apprendront l'anglais, c'est certain.
Je vais apporter une nuance : ce que je dis ici ne s'applique pas au Québec, ni dans le Nord du Nouveau-Brunswick. Ce phénomène s'applique pas mal partout en Ontario, et cela va de soi dans l'Ouest canadien. Si on apprend le français et qu'on transfère ses habilités en français vers l'anglais... Par exemple, on a fait une étude spécifiquement pour la Nouvelle-Écosse, car on y avait une peur bleue de l'école secondaire en français. Les citoyens croyaient que leurs enfants ne seraient pas assez forts pour aller à l'université en anglais. Or, le meilleur indicateur des compétences en anglais était les compétences acquises en français.
Le sénateur Maltais : J'aurais une dernière question. Est-ce réalité ou fiction que les immigrants de langue latine ont de meilleures chances d'apprendre le français que ceux d'autres langues qui se dirigent naturellement vers la langue anglaise?
M. Landry : Il y a une partie de cette affirmation qui est fiction et une partie qui est réalité. Vous avez fait une très belle présentation à ce sujet sur la force d'attraction de l'anglais. Un chercheur aujourd'hui a un modèle intéressant : il appelle l'anglais la langue hypercentrale. C'est comme un modèle gravitationnel où des langues tournent autour de l'anglais. Le bilinguisme est vertical. On cherche toujours à apprendre une langue qui va accroître nos chances de communication.
De nos jours, les Français, les Espagnols, les Russes, les Chinois, tout le monde veut apprendre l'anglais comme langue seconde. On ne pense pas que l'anglais va assimiler toutes les langues. Cela se produira au Canada, parce que nous habitons très près de l'épicentre. Certains s'assimileront. Dans d'autres pays, c'est plutôt que l'anglais n'y sera plus une langue étrangère, mais une langue seconde qui sera utilisée couramment. C'est ce sur quoi les chercheurs s'entendent.
Le sénateur Rivard : Monsieur Landry, votre présentation était extrêmement intéressante.
M. Landry : Merci.
Le sénateur Rivard : Est-ce que je dois comprendre que les statistiques que vous nous avez présentées sont tirées surtout des réponses aux recensements? Ou bien, est-ce que vos propres recherches vous ont permis d'arriver à ces statistiques de façon plus ciblée?
M. Landry : Quand on veut présenter un portrait global de la francophonie, il va de soi qu'il n'y a pas grand-chose de plus représentatif que le recensement. J'ai fait de nombreuses recherches dans les écoles dans toutes les provinces, et même dans les territoires. On parle ici de questionnaires beaucoup plus détaillés qui permettent d'étudier l'impact de variables plus précises que ce que le recensement peut aller chercher.
On mesure trois vécus : le vécu « enculturant », qui est le contact avec chaque langue; le vécu autonomisant, qui amène à être motivé de l'intérieur; et le vécu conscientisant, qui amène à être conscient de sa réalité en tant que minoritaire. On peut prédire des comportements précis à partir de chaque type de vécu. Ce genre de recherche nous permet d'aller au-delà du recensement.
Cependant, si je veux un portrait global de la francophonie, il est difficile de faire mieux que le recensement. Ceci dit, l'enquête post-censitaire qu'a réalisée Statistique Canada en 2006, où elle a comparé ses résultats à ceux des firmes de sondage... Statistique Canada peut prendre un échantillon directement du recensement et prendre un échantillon de la population canadienne.
Comme je le disais à la sénatrice Fraser tout à l'heure, cela nous a permis d'étudier de façon précise des populations soit francophones, de première langue officielle parlée, et ainsi de suite. Cela a été d'une grande valeur. L'institut a même fait des démarches pour voir s'il serait possible d'en faire une autre en 2016, mais il était trop tard. Le nouveau gouvernement a été élu juste avant le recensement. Cependant, dans cinq ans, il serait très utile d'avoir une autre étude de cette sorte permettant de constater les progrès réalisés de 2006 à 2021.
Le sénateur Rivard : Trouvez-vous que le gouvernement fédéral vous consulte assez dans le cadre de ses politiques sur les langues officielles? Pouvez-vous donner un exemple où les fruits de vos recherches ont pu faire changer des politiques liées aux langues officielles?
M. Landry : Le Comité sénatorial permanent des langues officielles s'intéressait beaucoup à nos recherches. Il a rédigé un excellent rapport et l'a présenté au gouvernement, mais il n'y a pas eu de conséquences. Il n'est pas facile de changer des politiques lorsque la volonté n'y est pas.
Je crois que nous avons eu des impacts ici et là, parce que nous avons fait des travaux spécifiques pour des provinces, des communautés. Par exemple, aujourd'hui, il y a beaucoup plus de personnes qui sont sensibilisées, des parents qui sont sensibilisés à la réalité de l'école française, qui ne produit pas que des francophones, mais aussi d'excellents bilingues. Nos premières recherches montraient que beaucoup de parents croyaient que le 50/50 serait préférable. Je serais intéressé de voir si, maintenant, le nombre a baissé. Il semble que les parents sont sensibilisés, ils se parlent entre eux, et cela se transmet rapidement.
Le sénateur Rivard : Ma dernière intervention est un commentaire. Monsieur Landry, je me sens privilégié de siéger au Comité des langues officielles. Lorsqu'on naît, qu'on étudie et qu'on travaille dans un milieu francophone, on a l'occasion de parler en anglais environ une heure par mois. On ne s'imagine pas les difficultés que les francophones peuvent avoir dans les autres provinces. Autour de la table, ici, il y a des représentants du Manitoba, de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick. Nous avons également des collègues du Québec dont la langue maternelle est l'anglais. Cela m'a permis de voir la situation telle qu'elle est. Je ne dis pas que le français est en danger, mais on doit toujours se battre pour s'assurer qu'il ait toujours sa place.
La présidente : C'est un très beau et très juste commentaire, sénateur Rivard.
Pour faire suite aux commentaires du sénateur Maltais, j'aimerais ajouter qu'en Alberta, par exemple, les finissants des écoles secondaires francophones peuvent poursuivre leurs études en français au Campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta. Or, nous les encourageons à étudier en médecine ou en droit, car il y a des programmes spéciaux offerts en français dans ces disciplines, à l'Université de Moncton ou à l'Université d'Ottawa, qui leur permettent de continuer leurs études en français. Ensuite, ces jeunes reviennent en Alberta et pratiquent en anglais, mais ils ont souvent l'occasion d'utiliser le français. Ils travaillent en anglais après avoir fait des études entièrement en français. D'ailleurs, on apprend très rapidement à bien maîtriser le jargon du travail.
Le sénateur Maltais : Vous êtes en train de me dire qu'un jeune de l'Alberta ne peut pas y faire son cours de médecine en français?
La présidente : Non, il n'y a pas de programme de médecine en français, ni en Alberta ni au Manitoba. Pour les francophones à l'extérieur du Québec, il y a l'Université d'Ottawa et l'Université de Moncton, en partenariat avec l'Université de Sherbrooke. C'est tout.
Le sénateur Maltais : Mais les livres, même au Québec, en médecine, sont anglais.
La présidente : Oui.
Le sénateur Maltais : Et en génie électrique.
La présidente : Sénateur Maltais, nous pourrons poursuivre notre discussion plus tard.
Ne voyant pas d'autres questions de la part des sénateurs, je tiens à vous remercier sincèrement pour votre excellente présentation, monsieur Landry. Votre travail a certainement eu un impact auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui œuvrent dans le milieu scolaire. Un grand merci.
(La séance est levée.)