Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 6 - Témoignages du 5 octobre 2016 (Réunion d'après-midi)
VANCOUVER, le mercredi 5 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 13 h 00, pour poursuivre son étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je vous remercie d'être parmi nous pour nous présenter vos recherches et vos réflexions sur les défis qui se présentent au niveau de l'éducation postsecondaire. Comme vous le savez, nous étudions la question des défis liés à l'accès aux écoles françaises ainsi qu'aux programmes d'immersion française en Colombie-Britannique. Bien sûr, nous reconnaissons qu'il y a un continuum qui va de la petite enfance jusqu'au niveau postsecondaire.
Avant de passer à vos présentations, j'aimerais inviter les sénateurs à se présenter, en commençant à ma droite.
La sénatrice Jaffer : Je m'appelle Mobina Jaffer, je suis de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Gagné : Bonjour, tout le monde. Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Maltais : Bon après-midi. Ghislain Maltais, du Québec.
La présidente : Je suis Claudette Tardif, de l'Alberta, et j'ai le privilège et l'honneur de présider le Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Nous recevons, aujourd'hui, Mme Claire Trépanier, du Bureau des affaires francophones et francophiles de l'Université Simon Fraser. De la faculté d'éducation de l'Université Simon Fraser, nous accueillons la professeure Diane Dagenais et Mme Cécile Sabatier, également professeure, et finalement, du Collège Éducacentre, nous recevons M. Yvon Laberge, directeur général.
Notre temps est compté. Je vous demanderais donc de limiter vos présentations à cinq minutes. Ensuite, les sénateurs auront des questions à vous poser. Je demanderais aux sénateurs d'être aussi brefs et concis que possible.
Nous allons commencer avec M. Laberge, du Collège Éducacentre, qui sera suivi de l'équipe de l'Université Simon Fraser, en commençant par Mme Claire Trépanier.
Monsieur Laberge, la parole est à vous.
Yvon Laberge, directeur général, Collège Éducacentre : Merci beaucoup. Bonjour, madame la présidente, honorables sénateurs et sénatrices, chers collègues et participants présents.
Madame la présidente, j'aimerais vous présenter mes remerciements à la suite de votre invitation, au nom du conseil d'administration du Collège Éducacentre, institution dont je suis le directeur général. Organisme à but non lucratif fondé en 1992, le Collège Éducacentre a obtenu, en décembre 2015, la désignation de collège privé du ministère de l'Éducation supérieure. Depuis, le collège est en mesure d'offrir ses propres certificats et diplômes, alors que précédemment, il devait les remettre en partenariat avec une institution reconnue. Unique collège francophone en Colombie-Britannique, le Collège Éducacentre est également sur la liste des institutions pouvant y inscrire des étudiants internationaux.
Afin de rejoindre les francophones et les francophiles dans l'ensemble de la province, nos cours, nos programmes et services sont offerts en présentiel dans l'un de nos trois campus, soit ceux de Vancouver, de Prince George et de Victoria, ou en ligne, grâce à notre campus virtuel. En 2016, nous avons ajouté un site satellite à Surrey.
Le Collège Éducacentre est un contributeur incontournable au développement du fait français en Colombie-Britannique et du bilinguisme au Canada. Nous contribuons à répondre aux besoins grandissants pour l'accès à des services de formation variés et de qualité pour la population francophone et francophile de la Colombie-Britannique.
Avec un budget annuel de 2,5 millions de dollars, le Collège Éducacentre sert au-delà de 1 700 personnes, dont environ 50 p. 100 sont issues de l'immigration. Le personnel du collège comprend 120 employés et contractuels, à temps plein ou à temps partiel.
Le collège offre des services de formation collégiale, de formation continue et de formation de base en français. Mais le collège n'est pas une institution de formation au sens traditionnel car, en plus des services de formation, nous offrons aux étudiants des services de ressources comprenant, entre autres, de l'orientation scolaire et professionnelle, des services d'aide à l'emploi et des services d'orientation et d'intégration des immigrants.
Le modèle global et intégré mis de l'avant par le Collège Éducacentre nous permet de recommander nos participants aux différents services et formations du collège ou de la communauté, selon le besoin exprimé. Les besoins du Collège Éducacentre reposent sur quatre principaux piliers : le recrutement, l'immobilisation, l'accès et l'utilisation des technologies de pointe et, bien sûr, le financement.
Le Collège Éducacentre cherche toujours à joindre une plus grande clientèle. Pour se faire, il faut valoriser la formation collégiale comme option viable dans la poursuite d'études postsecondaires ou pour le développement professionnel. Il nous faut également mieux comprendre les besoins et attentes de notre clientèle composée de francophones et de francophiles provenant d'horizons variés : le Canada francophone, l'Europe, l'Afrique, plus de 50 pays à travers le monde, avec des cultures différentes et disséminées sur un très grand territoire. De plus, on tente de comprendre les besoins et attentes du marché du travail en effectuant des études et des analyses continues. Afin de promouvoir nos services et nos formations, nous devons utiliser une stratégie de marketing bien définie en utilisant notamment les réseaux sociaux, ainsi qu'en organisant des visites d'écoles francophones et d'immersion.
Le Collège Éducacentre doit aussi développer des stratégies pour offrir des crédits duos au niveau secondaire-collégial et au niveau collégial-universitaire. De plus, le recrutement d'étudiants internationaux offre des avantages à plusieurs niveaux. D'une part, ce recrutement pourrait aider à combler les besoins prioritaires, telles les aides pédagogiques spécialisées dans le domaine de l'éducation à la petite enfance. Ajoutons à cette liste les domaines de la santé, du tourisme et de l'hôtellerie.
Cet objectif d'internationalisation engendre des retombées importantes. Entre autres, l'entrée de nouveaux étudiants peut permettre une masse critique qui nous permettrait d'offrir un plus grand nombre de programmes. Également, les inscriptions d'étudiants internationaux impliquent une entrée de fonds importante, ce qui rejoint nos aspirations budgétaires. Finalement, cela encourage une augmentation des migrants d'expression française et renforçant ainsi la communauté francophone de la Colombie-Britannique.
Le campus principal du Collège Éducacentre est situé à Vancouver, dans un vieil édifice en très mauvais état et qui ne répond pas à nos besoins actuels et d'avenir en termes d'espace et de distribution des salles. N'oublions pas également que cela mobilise une portion considérable de notre budget opérationnel. Afin d'assurer la pérennité de l'institution, le Collège Éducacentre doit trouver des locaux plus grands, mieux disposés et à prix plus modéré.
L'apport du gouvernement fédéral est indispensable à trois niveaux, soit faciliter l'accès aux édifices dont il est le propriétaire, mais qui sont sous-utilisés; nous appuyer dans nos revendications auprès du gouvernement provincial pour un transfert d'une propriété qu'il gère, par exemple, les écoles vouées à la fermeture; et aussi contribuer financièrement à l'achat et à la rénovation d'un édifice.
La technologie, surtout en lien avec le numérique, est en évolution constante et rapide. Historiquement, le Collège Éducacentre a su bénéficier d'un appui financier du gouvernement fédéral pour rester à la fine pointe des nouvelles technologies, en particulier l'éducation à distance. L'achat de nouveaux équipements et logiciels requiert un personnel en mesure d'exploiter pleinement la nouvelle technologie et de développer de nouveaux modes de livraison des différentes formations. Cela implique la formation continue des employés du collège. Un investissement continu est nécessaire pour permettre au collège de rester chef de file dans le domaine de l'éducation à distance afin d'offrir aux francophones et aux francophiles une option d'accès à des services de formation d'une qualité équivalente à celle de la majorité.
Le Collège Éducacentre reconnaît que les budgets des institutions et organismes qui offrent des services et de la formation en français en Colombie-Britannique sont insuffisants. Le niveau collégial, par contre, demeure le parent pauvre du financement dans cette province. Afin de répondre aux besoins grandissants pour les services et formations offerts par notre collège, une bonification importante du financement est requise.
Le Collège Éducacentre vise à doubler le nombre de clients d'ici 2023, soit de passer de 1 700 à 3 400 apprenants et de multiplier le nombre de cours et de services offerts. Cette projection ambitieuse entraînera une obligation progressive du financement pour atteindre le seuil du 7 millions de dollars, d'ici 2023. Certes, cela implique une augmentation des fonds dans l'enveloppe des ententes bilatérales en éducation et des autres programmes fédéraux, mais aussi d'assurer que, dans les dossiers de dévolution, le gouvernement provincial respecte ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Depuis 2010, le collège a cherché à augmenter ses revenus autonomes, ce qui représentait à l'époque 7 p. 100 de notre budget global, atteignant 17 p. 100 en 2016. Le Collège Éducacentre s'engage à poursuivre ses activités génératrices de revenus autonomes. Par conséquent, l'appui du gouvernement fédéral sera essentiel dans le développement de nos compétences dans le domaine de l'économie sociale.
Le Collège Éducacentre est un contributeur incontournable au développement du fait français en Colombie-Britannique. Un appui accru du gouvernement fédéral sur les plans politique et financier et envers le respect des obligations en matière de langues officielles aiderait le Collège Éducacentre à atteindre ses objectifs à moyen et à long terme.
Une fois de plus, je vous adresse mes sincères remerciements de m'avoir cordialement invité aujourd'hui. C'est avec grand plaisir que je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.
La présidente : Merci, monsieur Laberge. Je dois dire que notre comité a beaucoup apprécié l'occasion, hier matin, de visiter le Collège Éducacentre et de rencontrer les membres de votre personnel.
M. Laberge : C'est réciproque.
La présidente : J'inviterais maintenant Mme Claire Trépanier, du Bureau des affaires francophones et francophiles de l'Université Simon Fraser, à prendre la parole.
Claire Trépanier, directrice, Bureau des affaires francophones et francophiles, Université Simon Fraser : Madame la présidente, mesdames et messieurs, sénatrices et sénateurs, membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, au nom de la haute direction de l'Université Simon Fraser (SFU) et des collègues qui m'accompagnent, Diane Dagenais et Cécile Sabatier, et en mon nom personnel en tant que directrice du Bureau des affaires francophones et francophiles (BAFF), je tiens à remercier le comité sénatorial de l'invitation à témoigner dans le cadre de l'étude qui touche l'éducation en français en Colombie-Britannique, que nous avons à cœur et qui nous touche tous et toutes.
Je remercie le comité de prendre en compte le rapport qui lui a été soumis. Ce rapport, que vous avez en main dans les deux langues officielles, est intitulé Assurer le continuum en éducation en français entre la maternelle et la 12e année et l'enseignement postsecondaire en français en Colombie-Britannique : Le Plan d'action du BAFF de l'Université Simon Fraser 2018-2023. Ce rapport démontre l'engagement qu'a pris, il y a 10 ans, SFU de contribuer au développement de l'enseignement postsecondaire en français et de soutenir ainsi les jeunes de la province qui désirent poursuivre des études universitaires en français ici même, en Colombie-Britannique.
J'aimerais aussi souligner l'importance de la volonté politique de la haute administration de SFU qui, en 2004, a soutenu fièrement la création du BAFF, une entité administrative qui fonctionne en français à l'intérieur d'une institution anglophone et qui travaille en collaboration avec les facultés et les départements pour le développement, la promotion et la livraison de cours et de programmes en langue française.
Notre propos, aujourd'hui, porte sur l'importance, voire la nécessité d'un continuum en éducation en français de la maternelle à la 12e année et l'enseignement postsecondaire en français, en Colombie-Britannique. Notez que, lorsque nous parlons d'éducation en français, nous faisons référence à la fois à l'éducation en langue première, en langue minoritaire, et à l'éducation en langue seconde.
Dans le cadre de l'étude que le comité sénatorial mène, SFU a cerné un nombre d'obstacles importants qui freinent l'éducation en français pour les élèves et les jeunes de la province. Ces obstacles incluent la pénurie en matière d'enseignement qualifié, un thème récurrent, le faible niveau de compétence en français des enseignants en fonction, et l'absence de planification stratégique pour réduire le taux d'attrition parmi les élèves issus des écoles françaises et des programmes d'immersion française.
SFU compte pallier les obstacles mentionnés en incluant dans son prochain plan d'action du BAFF de 2018-2023 des initiatives originales. Mes collègues, Diane Dagenais et Cécile Sabatier, vont décrire les deux premiers obstacles et proposer des pistes de solution innovatrices dans leur témoignage.
Je cède donc la parole à Mme Diane Dagenais.
Diane Dagenais, professeure titulaire, faculté d'éducation, Université Simon Fraser : Madame la présidente, membres du comité sénatorial, le besoin d'enseignants de français qualifiés a été mentionné dans nombre d'études menées par la communauté francophone et par des organismes comme Canadian Parents for French ainsi que le gouvernement fédéral. En Colombie-Britannique, la demande est forte pour un nombre accru d'enseignants capables d'enseigner le français langue première et langue seconde.
Comme le signale l'association Canadian Parents for French dans son rapport de 2014, la qualité des programmes d'immersion est menacée, car les conseils scolaires indiquent que le nombre de salles de classe limité, les coûts de démarrage et la pénurie d'enseignants qualifiés pour l'immersion française les empêchent de fournir un accès équitable à ce programme linguistique bien établi et transformateur.
En Colombie-Britannique, nombre de postes d'enseignants en français restent vacants, faute de candidats compétents. Les districts scolaires éprouvent de grandes difficultés à recruter des enseignants qualifiés pour les programmes d'éducation en français langue première et seconde, étant donné que les inscriptions dans les programmes en français langue minoritaire et en immersion française sont de plus en plus nombreuses dans toute la province. La demande est pressante.
En 2012-2013, Bâtir un avenir, le site web d'affichage de postes en éducation de la Colombie-Britannique, affichait respectivement 234 et 245 postes d'enseignants en immersion française. Par contraste, les deux grandes universités de la Colombie-Britannique, UBC et SFU, ne forment, chaque année, environ qu'une soixantaine d'enseignants qualifiés pour l'immersion française et le français de base. SFU continuera de réagir à cette pénurie de personnel qualifié en recrutant des étudiants et des enseignants, notamment francophones, à l'extérieur de la Colombie-Britannique et du Canada, pour ses programmes de formation des enseignants.
Après avoir suivi la formation des enseignants SFU et s'être familiarisés avec le programme d'études du ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique et avec la diversité de sa population étudiante, ces francophones d'origine seront qualifiés adéquatement pour transmettre la connaissance du français aux élèves. De plus, en venant vivre en Colombie-Britannique, ces nouveaux arrivants revitaliseront la communauté francophone de la province.
De manière plus concrète encore, SFU a établi d'excellentes relations avec des établissements canadiens dans le cadre de son adhésion à l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et a collaboré étroitement avec des établissements partenaires du Québec. Ces universités constitueront une importante source de recrutement pour cette initiative.
SFU a également établi des contacts avec le consulat général de France à Vancouver et l'ambassade de France à Ottawa pour déterminer s'il est possible d'attirer des étudiants français en Colombie-Britannique.
La France est confrontée à un important taux de chômage des jeunes très scolarisés. Par la voix de son ministre de l'Éducation nationale, elle a confirmé le grand intérêt des étudiants français à venir enseigner en Colombie-Britannique. Non seulement cette initiative améliorera l'accès à l'éducation en français de la maternelle à la 12e année en attirant des personnes qualifiées pour occuper des postes d'enseignant dans la province, mais ces nouveaux arrivants francophones en Colombie-Britannique auront une influence positive sur la diversité de la culture et la croissance économique de la province.
Dans sa Feuille de route pour les langues officielles du Canada de 2013-2018, le gouvernement fédéral considère que l'intensification des efforts pour recruter des immigrants de langue française dans les communautés en situation minoritaire constitue un facteur clé pour maintenir la vitalité de la communauté. Cet élément du plan d'action répond à deux objectifs de taille pour la Colombie-Britannique : améliorer la qualité et le nombre des enseignants au sein des programmes d'éducation en français, et attirer des immigrants francophones hautement qualifiés.
En région, la pénurie d'enseignants qualifiés est aussi présente. L'une des principales composantes des programmes de formation initiale professionnelle de SFU consiste en des stages qui permettent aux étudiants d'acquérir une expérience pratique en travaillant directement dans les écoles de la province, sous la supervision d'un enseignant mentor qualifié, en collaboration avec un membre du corps professoral de la faculté d'éducation. Le stage permet à un grand nombre d'étudiants d'effectuer la transition vers le monde du travail car, une fois leur diplôme obtenu, ils sont embauchés à temps plein dans les mêmes établissements où ils ont été affectés pour le stage.
Pour le moment, les stages sont circonscrits à la vallée du Bas-Fraser, ce qui ne répond pas à la demande du reste de la province. SFU souhaite donner la possibilité à ses étudiants d'aller en stage dans d'autres régions de la Colombie-Britannique. Une fois le programme professionnel terminé, il est fort possible qu'ils choisissent de continuer de travailler dans ces régions, assurant ainsi la qualité de l'éducation aux élèves dans toute la province, et non seulement à ceux de la région de Vancouver et ses alentours.
Je cède maintenant la parole à ma collègue, Cécile Sabatier.
Cécile Sabatier, professeure agrégée, faculté d'éducation, Université Simon Fraser : Madame la présidente, membres du comité sénatorial, selon un sondage réalisé par l'Université de la Colombie-Britannique en 2007 auprès de 800 enseignants de français de base, seulement 22 p. 100 des enseignants du primaire ont déclaré avoir la capacité de converser ou de lire en français. Ce pourcentage a augmenté pour atteindre 29 p. 100 chez les enseignants de l'école intermédiaire. En revanche, au niveau national, 75 p. 100 des enseignants de français de base aux niveaux primaire et intermédiaire ont déclaré avoir de la facilité à converser ou à lire en français.
Il ne fait aucun doute que ce manque alarmant de compétences en français, parmi les enseignants de français de base de niveaux primaire et intermédiaire en Colombie-Britannique, a une incidence sur la qualité de l'enseignement du français langue seconde.
Dans une étude que nous avons menée en 2011, nous avons nous-mêmes constaté que la manière dont les enseignants de français de base se représentent leurs compétences langagières en français influence les sentiments de leurs élèves vis-à-vis de l'éducation en français langue seconde. Nous pouvons aussi dire que les étudiants des programmes professionnels de formation initiale partagent ce manque de confiance.
Comme l'a fait remarquer l'association Canadian Parents for French dans son rapport de 2013, la faible connaissance du français restreint également l'épanouissement et la vitalité du français en Colombie-Britannique. Sans les compétences requises en français, ces enseignants ne sont tout simplement pas en mesure d'atteindre les objectifs du programme d'études et, de plus, la connaissance du français et la culture des francophones ne sont pas correctement transmises aux élèves.
En Colombie-Britannique, un grand nombre d'enseignants généralistes de la 5e à la 8e année sont obligés de donner des cours de français de base. La majorité de ces enseignants ont une formation en méthodologie d'enseignement de toutes les matières, excepté pour l'enseignement d'une langue seconde et, donc, du français.
Les enseignants de français de base n'ont généralement pas à passer un test de compétences linguistiques en français. Et même si l'enseignement du français de base est désormais couramment offert aux élèves de la 5e à la 8e année, aucun cours de langue française ni aucun cours de méthodologie d'enseignement du français langue seconde n'est requis par le ministère de l'Éducation pour la certification des enseignants généralistes.
Selon le gouvernement de la Colombie-Britannique, les enseignants des programmes d'immersion française devraient, eux, avoir un niveau de compétence élevé en français oral et écrit, ainsi qu'une bonne connaissance de la culture des francophones. Pour ce faire, ils devraient avoir suivi un cours de méthodologie de l'immersion française et continuer de perfectionner leurs compétences en suivant des formations de perfectionnement professionnel. Pour communiquer efficacement avec les parents, les enseignants devraient également avoir une bonne connaissance pratique de l'anglais.
Les directeurs des écoles d'immersion française devraient aussi avoir un niveau de bilinguisme fonctionnel. Toutefois, les normes en matière de compétence pour les enseignants et les directeurs des programmes d'immersion française varient selon les conseils scolaires, et les objectifs décrits par le ministère de l'Éducation sont souvent loin d'être atteints.
À l'heure actuelle, le constat est qu'un nombre alarmant d'enseignants de la Colombie-Britannique ne disposent pas de compétences linguistiques pédagogiques et culturelles suffisantes pour répondre aux besoins des élèves inscrits dans les programmes d'enseignement du français langue seconde. Il nous faut donc investir davantage dans la pédagogie et la formation en français des enseignants en fonction de leurs besoins.
SFU propose des initiatives qui comprennent donc une formation pédagogique et linguistique, sous la forme d'ateliers de perfectionnement professionnel et de cours intensifs, comme des fins de semaine d'immersion organisées pendant l'année universitaire et des instituts d'été d'une durée plus longue. Ces initiatives permettront aux enseignants d'apprendre le français dans un milieu d'immersion semblable au programme Explore, actuellement offert aux étudiants de niveau postsecondaire. SFU souhaite ajouter des activités faisant intervenir activement la communauté francophone de la Colombie-Britannique, favorisant ainsi l'engagement communautaire des enseignants et valorisant l'apport des membres de la communauté francophone à l'éducation en français.
Au cours des 12 dernières années, SFU a acquis une solide expérience dans l'offre à petite échelle de tels programmes à des enseignants en fonction. À l'heure actuelle, les ateliers de perfectionnement professionnel se tiennent principalement dans la région de Vancouver et dans vallée du Bas-Fraser. L'université est prête à étendre ses programmes de manière à rejoindre un plus grand nombre d'enseignants dans un territoire provincial plus vaste.
Voilà quelques exemples d'initiative qui pourront contribuer à enrichir le niveau de compétence en français des enseignants en fonction.
J'aimerais maintenant redonner la parole à Mme Trépanier.
Mme Trépanier : Madame la présidente et membres du comité, je vais maintenant traiter du troisième obstacle. En plus de veiller à ce que l'éducation en français soit accessible dans l'ensemble de la province et dotée d'enseignants qualifiés, il faut en faire davantage pour retenir les élèves et réduire les taux d'attrition dans les programmes d'éducation en français. Pour ce faire, nous proposons trois pistes qui, nous le souhaitons, auront un impact direct sur la rétention des élèves.
La première piste porte sur le besoin d'élargir l'offre de programmes au niveau universitaire. Nous croyons que la variété des programmes en français a une incidence directe sur les taux de rétention à l'école secondaire. Pour le moment, l'offre de programmes à SFU est limitée, mais notre université est prête à en développer de nouveaux.
Le développement de programmes dans divers champs d'études doit être, par contre, fait de façon minutieuse. Nous ne pouvons plus nous baser sur l'approche traditionnelle selon laquelle il suffit de créer des occasions, de créer des programmes et d'attendre que les jeunes s'y inscrivent. Le développement doit être basé sur une analyse des besoins, au moyen de sondages qui tiennent compte des intérêts académiques des jeunes.
SFU souhaite proposer davantage de programmes postsecondaires en français sur un plus vaste éventail de matières. Cette mesure encouragera non seulement les jeunes esprits les plus brillants à demeurer dans la province pour obtenir leur diplôme en français, mais elle renforcera la position de SFU en tant que chef de file canadien de l'enseignement postsecondaire en français, qui veut aussi attirer des étudiants francophones et francophiles de partout au Canada et même de l'étranger.
Selon le rapport de la Table nationale sur l'éducation, que je vous ai remis ce matin, qui, le printemps dernier, a mené des forums de discussions à travers le Canada, la promotion des programmes est cruciale pour motiver les jeunes à poursuivre des études universitaires et maximiser ainsi la rétention des jeunes au secondaire. Selon le même programme, la promotion doit être faite par les jeunes eux-mêmes, ces jeunes ambassadeurs qui témoignent de leurs expériences, ainsi que par les institutions éducatives et par la communauté.
Une deuxième piste pour pallier l'attrition dans les programmes secondaires est d'offrir des occasions de mobilité étudiante, et ce, à trois niveaux : aux niveaux provincial, national et international.
J'aimerais mettre l'accent aujourd'hui sur le concept de mobilité étudiante intraprovinciale. Pour attirer les jeunes du secondaire de diverses régions de la Colombie-Britannique, un appui financier pour soutenir la mobilité étudiante et permettre aux jeunes de la province de venir étudier dans la région de Vancouver devient essentiel. Au cours des dernières années, des agents de recrutement ont fait la promotion du French Cohort Program, un programme offert par SFU, dans la province, et ont rencontré, dans sept régions différentes en dehors de Vancouver, près de 3 000 élèves de la 10e à la 12e année au sein des programmes d'immersion française et du programme francophone de la province. Nous croyons qu'un programme de mobilité étudiante bien établi et offert aux jeunes des régions éloignées pourrait contribuer à la rétention dans les programmes de français et les programmes offerts en français au secondaire.
La troisième et dernière piste proposée porte sur la nécessité de lier l'enseignement postsecondaire à l'engagement communautaire des étudiants au sein des communautés francophones de la province et du Canada. SFU offre aux étudiants la possibilité de participer à des activités dans la communauté qui sont reliées directement à leurs études. Ce sont, par exemple, les ateliers, les conférences, les activités d'apprentissage expérientiel, et la recherche sur le terrain qui, à nos yeux, viennent enrichir et complémenter les programmes.
SFU a le privilège d'avoir tissé, au cours des 12 dernières années, des liens solides avec les membres, les associations et les organismes des communautés francophones et francophiles, aux niveaux provincial et national. À travers les partenariats établis, les étudiants sont en contact avec des experts, des mentors et de futurs employeurs. Ils développent ainsi un sentiment d'appartenance à la communauté francophone et contribuent à son épanouissement.
Les pistes que nous venons de proposer devraient contribuer à la rétention souhaitée au niveau secondaire et donner la chance aux jeunes de profiter d'un continuum d'études en français en Colombie-Britannique.
Pour conclure, au nom de SFU, je prie le comité sénatorial d'examiner les recommandations formulées dans le plan d'action du BAFF de 2018-2023 qui se trouvent dans le rapport que nous avons présenté. Je réitère aussi l'engagement pris par SFU d'assurer le continuum en éducation en français entre la maternelle et la 12e année et l'enseignement postsecondaire en français, en Colombie-Britannique.
Je vous remercie de votre attention.
La présidente : Merci, madame Trépanier.
Nous tenons à vous remercier, vous et l'équipe de Simon Fraser, pour l'accueil que nous avons reçu hier. Nous avons beaucoup aimé visiter le Bureau des affaires francophones et francophiles, rencontrer les membres du personnel et, bien sûr, les étudiants. Merci également pour la belle réception que vous nous avez organisée.
Je dois aussi vous féliciter pour la qualité du rapport que vous nous avez soumis. Ce dernier est très pertinent au travail que nous allons faire lorsque nous rédigerons notre propre rapport.
La première question sera posée par la sénatrice Jaffer, qui sera suivie du sénateur McIntyre.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup pour vos présentations qui étaient vraiment intéressantes.
Ma première question s'adresse à Mme Dagenais. Il y a beaucoup de discussions au sujet de la langue française ou d'autres langues.
[Traduction]
À mon sens, il ne s'agit pas de savoir si c'est une langue ou une autre. En Europe comme dans bien d'autres pays du monde, on enseigne différentes langues et les gens en maîtrisent plusieurs. Il va de soi que je souhaiterais que chaque enfant puisse apprendre nos deux langues officielles et qu'on lui enseigne également d'autres langues.
Je suis au fait de vos travaux. À la lumière de ce que vous avez pu constater, quel genre d'approche devrions-nous adopter? Je suis personnellement convaincue de la nécessité d'offrir des cours en français, mais comment faire comprendre aux gens que cela est nécessaire et leur offrir également l'accès à l'apprentissage d'autres langues?
[Français]
Mme Dagenais : Merci beaucoup pour cette question.
La recherche que nous avons menée sur plusieurs années auprès des élèves provenant de diverses origines linguistiques inscrits dans les programmes d'immersion a montré que les parents ont fait ce choix d'inscrire leurs enfants en immersion française plutôt qu'en anglais parce que, pour eux, l'arrivée au Canada représentait une occasion pour leurs enfants d'avoir accès aux deux communautés de langues officielles du Canada. Cependant, il était très important pour eux de maintenir leur langue familiale à la maison et de suivre des cours offerts dans la communauté. C'était très important pour eux de s'assurer que, lors des voyages dans leur pays d'origine, les enfants puissent maintenir des liens avec la famille. Pour les parents, il était très clair que la voie d'accès à la société canadienne passe par le bilinguisme officiel, mais pas aux dépens de leur langue d'origine. Ils font tous les efforts qu'ils peuvent pour maintenir leur langue d'origine de plusieurs manières.
La recherche que j'ai menée avec Mme Sabatier et nos collègues de l'Université de Montréal et de l'Université Simon Fraser a bien montré que, dans les classes, on essaie de former les enseignants de façon à ce qu'ils puissent soutenir toutes les langues des répertoires des élèves plurilingues dans leurs classes. On a travaillé en immersion française avec des enseignants pour amener les jeunes à s'éveiller et à regarder le paysage linguistique plurilingue du Canada, à s'informer sur les langues qui sont présentes dans leur communauté, à les valoriser et à faire des comparaisons entre les structures des langues différentes dans la communauté et la langue d'apprentissage à l'école.
Ce détour vers d'autres langues leur permet de renforcer et de mieux développer la langue française, la langue d'apprentissage, et la langue seconde, l'anglais, dans les classes d'immersion française où ils ont des cours d'anglais. On a aussi commencé à faire ce travail dans les écoles francophones.
Il y a donc moyen d'outiller les enseignants dans les classes de français de base, d'immersion française et dans les écoles françaises pour reconnaître et valoriser, à l'école, les appartenances linguistiques multiples des élèves. Cela peut être réalisé par le truchement de la langue française, en parlant en français en salle de classe et en valorisant aussi leurs compétences en anglais pour les élèves qui sont dans les classes d'immersion française et ceux qui sont dans les écoles françaises parce que, il faut le reconnaître, ils sont aussi bilingues dans le contexte britanno-colombien, bilingues dans les deux langues officielles et, souvent, possèdent d'autres langues aussi.
Est-ce que cela répond à votre question?
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Il y a une chose que j'arrive difficilement à comprendre dans vos conclusions. Une mère de famille de Surrey qui a comparu devant le comité ce matin nous indiquait que les chiffres sont plus élevés dans sa ville. Je paraphrase, mais elle nous disait essentiellement que l'une des deux langues était mise de l'avant au détriment de l'autre, c'est-à-dire du français, pour l'enseignement dans les écoles.
À mon sens, nous devons, de concert avec notre premier ministre et les députés de la Colombie-Britannique, prendre le taureau par les cornes en menant une campagne mettant en valeur notre patrimoine bilingue.
Avez-vous connaissance d'une telle initiative? Ma question s'adresse à tout le monde. Si une campagne semblable devait être mise sur pied, quelle forme devrait-elle prendre? Lorsque je suis à Ottawa, j'ai souvent l'impression de me retrouver en pays étranger, car nos modes de vie sont si différents. Ce n'est pas du tout le même monde. Les Rocheuses marquent une coupure. Il arrive que les messages en provenance du centre du pays ne se rendent pas jusqu'à nous. Comment une telle campagne devrait-elle s'articuler pour faire bien comprendre à tous les Canadiens que nous vivons dans un pays bilingue?
[Français]
Mme Trépanier : Le gouvernement fédéral, lors du 150e anniversaire du Canada, aura une obligation de préparer une campagne nationale sur le bilinguisme canadien. Or, une bonne façon de favoriser une campagne de bilinguisme au niveau national, c'est d'impliquer les jeunes. L'avenir, c'est les jeunes. Alors, il faudra qu'il y ait des événements où on mobilise les jeunes et une mobilité étudiante pancanadienne, de sorte à favoriser et à soutenir des études pendant un an dans l'autre partie de la dualité linguistique. Je pense que si les jeunes sont impliqués, nous aurons du succès, et le succès sera là au niveau de la campagne.
[Traduction]
Mme Dagenais : Il est important de bien montrer dans les écoles que nous pouvons enseigner le français tout en mettant en valeur d'autres langues. Nous pouvons aussi contribuer au perfectionnement linguistique des enfants dans leur langue maternelle. Il faut organiser une campagne faisant valoir que l'apprentissage du français et de l'anglais au Canada ne se fait pas au détriment de la langue maternelle de chacun.
Partout au pays, de nombreux enseignants ne ménagent pas leurs efforts pour appuyer le développement linguistique de leurs élèves. Nous savons très bien que les enfants qui perdent la maîtrise de leur langue maternelle éprouvent de grandes difficultés à apprendre d'autres langues à l'école et à progresser dans le système scolaire, car les compétences linguistiques deviennent de plus en plus importantes avec les années. Des recherches menées au fil de plusieurs décennies ont révélé que ces enfants peuvent éprouver différentes difficultés lorsque leur langue maternelle est dépréciée et qu'ils cessent de pouvoir l'utiliser.
La sénatrice Jaffer : En Colombie-Britannique, il n'est plus nécessaire que quelqu'un nous dise que nous pouvons apprendre telle ou telle langue. Nous en sommes rendus à une autre étape.
Mme Dagenais : Vous avez raison.
La sénatrice Jaffer : Il faut que nous, politiciens, cessions de penser que nous pouvons seulement enseigner une langue officielle ou bien l'autre. Alors qu'en Belgique, on enseigne cinq langues sans problème, on se demande ici si ce sera l'anglais ou le français. C'est trop frustrant de ne pas arriver à faire comprendre aux gens qu'il n'y a rien de mal à apprendre quatre langues à l'école. Dans notre rôle de pourvoyeurs, nous disons que c'est l'une ou l'autre. On ne devrait pas avoir à choisir. On peut apprendre les deux.
Mme Dagenais : On n'a pas à se limiter à deux; on peut en apprendre plusieurs. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous devons améliorer l'enseignement de la langue française et de la langue anglaise dans les endroits au pays où ces langues sont en situation minoritaire, aider les enfants à pouvoir continuer à utiliser les langues qu'ils maîtrisaient au départ, et valoriser et appuyer l'apprentissage de plusieurs langues par les élèves.
Il ne faut pas que nos élèves se contentent d'être bilingues. Nous pouvons prendre différentes mesures en ce sens. Les enseignants ont accès à diverses méthodes pédagogiques qu'ils peuvent utiliser à cette fin.
[Français]
La présidente : J'aimerais attirer l'attention des invités qui font des présentations aujourd'hui sur le fait que, dans notre dernier rapport, Viser plus haut : Augmenter le bilinguisme de nos jeunes Canadiens, la recommandation no 2 portait sur l'importance, pour le gouvernement fédéral, de sensibiliser l'ensemble des Canadiens sur l'usage des deux langues officielles du pays et d'encourager le bilinguisme.
La prochaine question sera posée par le sénateur McIntyre, qui sera suivi de la sénatrice Gagné.
Le sénateur McIntyre : Merci pour vos présentations et pour vos explications sur le rôle qu'une institution comme la vôtre joue dans la promotion de l'apprentissage du français langue première ou du français langue seconde.
J'ai quelques petites questions à vous poser. Je vais toutes les poser, et vous serez libres d'y répondre dans l'ordre que vous préférez. Tout d'abord, offrez-vous de l'enseignement à distance? Et le cas échéant, quelle est la proportion des étudiants qui suivent des cours à distance?
Deuxième question, votre institution offre-t-elle des programmes d'échanges linguistiques et offre-t-elle des bourses pour motiver les étudiants à apprendre le français?
Mme Sabatier : J'ai apparemment été désignée pour répondre aux questions.
Concernant l'enseignement à distance, nous avons des programmes d'enseignement à distance grâce aux nouvelles technologies qui nous permettent de rejoindre les enseignants qui sont en province, qui ne sont pas dans la vallée du Fraser ou à Vancouver même. Ces programmes sont offerts au niveau de la maîtrise.
On a des difficultés, malgré tout, à rejoindre ces enseignants, parce que, bien que ce type d'enseignement ait des avantages, il a aussi quelques inconvénients, car, sur certaines thématiques, les enseignants préfèrent la communication face à face, de manière curieuse. On aime revenir à la vision d'avoir un enseignant en face, qui nous présente des problèmes que l'on va pouvoir régler en communication et pas tout seul dans son coin. L'enseignement à distance demande beaucoup d'autonomie, et la communauté enseignante, lorsqu'elle travaille à distance, n'est pas toujours la même qu'une communauté en face à face. Nous avons donc des programmes d'enseignement à distance, et peut-être que mes collègues voudront rajouter quelque chose.
Par rapport aux échanges linguistiques, nous avons différentes initiatives. Nous allons envoyer des enseignants ou des étudiants maîtres. Nous avons un programme d'échange avec l'Université de Tours, où nos étudiants de SFU passent un semestre en immersion à Tours, pour commencer leur immersion dans la profession et dans les cours d'éducation. Ils vont donc pendant un semestre en France, puis ils reviennent chez nous faire leur programme de formation professionnelle. C'est une des initiatives.
Une deuxième initiative qui a démarré cette année est organisée de concert avec le département de français de la faculté des lettres de SFU. Nous avons mis en place, avec ma collègue Catherine Black, une majeure avec une concentration pour les futurs enseignants où, dans le cadre de leur majeure, les étudiants vont passer un semestre entier à Tours ou à Sherbrooke. On a donc à la fois le contexte de la francophonie de France, et puis la francophonie locale, avec Sherbrooke. C'est un programme qui démarre, qui semble attirer les futurs candidats vers l'enseignement parce que, effectivement, cela permet aux étudiants une immersion dans la langue, dans la culture pour ensuite être beaucoup plus fluides dans les salles de classe.
Quant aux bourses, c'est le nerf de la guerre, parce que jusqu'à l'année dernière, on avait la possibilité d'avoir des bourses pour envoyer quasiment l'ensemble de nos étudiants dans le programme du module français, soit le programme de formation professionnelle en français. On avait la possibilité de les envoyer à Québec faire un stage pendant l'été, donc en immersion intensive. Ces bourses ont malheureusement été réduites de façon importante. Avant, il y avait des bourses qui étaient octroyées UBC et à SFU de façon distincte. Maintenant, l'ensemble des bourses tombe dans un pot commun. Donc, pour la première fois cette année, certains de nos étudiants n'auront pas de bourse pour étudier et faire leur formation professionnelle en français.
L'argent, le côté bourse, est vraiment un problème pour nous, parce que cela freine la mobilité de nos étudiants maîtres et, pour des gens qui veulent enseigner le français ou enseigner en français, aujourd'hui, la mobilité est importante pour faire l'expérience d'autres francophonies, qu'il s'agisse des francophonies locales ou internationales.
Mme Trépanier : Je vais commencer par les bourses. L'Université Simon Fraser est membre de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC). Grâce à cette adhésion, les étudiants de l'Université Simon Fraser ont eu la chance d'obtenir des bourses de mobilité étudiante et des bourses d'admission, donc pour les étudiants d'immersion française qui veulent poursuivre des études en langue française.
Depuis 2011, les étudiants de SFU ont reçu 27 bourses, chacune de 5 000 $. C'est précaire, parce que l'ACUFC fait, annuellement, une demande à Patrimoine canadien pour obtenir ces bourses. Donc, le modèle est là. Maintenant, est-ce que ce modèle peut perdurer? Ce serait l'idéal. C'est ma réponse concernant les bourses.
Pour ce qui est de la mobilité étudiante et de la capacité pour les étudiants d'aller faire un séjour d'études en français, on a un programme qui est unique au Canada, le programme en administration publique et services communautaires. Vous avez rencontré quelques étudiants hier, qui font des études avec une concentration en science politique. Donc, à l'intérieur d'ententes interuniversitaires, que ce soit au Canada ou en France, en Belgique ou en Suisse, les étudiants peuvent faire un échange étudiant d'un ou de deux semestres et vivre et étudier en français. Je dis que le programme est unique parce qu'il est obligatoire. C'est un modèle que nous avons développé où, dans un programme de quatre ans, en troisième année, il est obligatoire, les étudiants n'ont pas le choix.
Mais je reviens à l'engagement des parents qui ont inscrit leurs enfants en immersion française. Lorsqu'ils arrivent dans ce programme, ces étudiants qui viennent de l'immersion française et du programme francophone, leurs parents ont cet engagement à les soutenir en troisième année pour qu'ils puissent partir et aller étudier à l'extérieur. C'est un beau modèle qui fonctionne très bien. Cela transforme l'expérience linguistique, culturelle, et académique des jeunes qui reviennent en quatrième année pour compléter leur programme de baccalauréat.
J'aimerais ajouter un dernier point sur les cours à distance. Mes collègues vont parler des programmes qui sont offerts en français à la faculté d'éducation, au niveau supérieur. Nous avons le projet de développer un programme bilingue avec l'École de criminologie de l'Université Simon Fraser. Présentement, l'École de criminologie offre 38 cours en ligne, en anglais. Nous pourrions en faire une version en français; avec des fonds, bien sûr, ce serait faisable. Mais ce que ce projet a apporté, d'abord, est lié au fait que l'Université Simon Fraser est membre du Réseau national de formation en justice. Dans ce réseau, il y a une vingtaine de partenaires, organismes et institutions, dont le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Or, celui-ci nous a approchés pour créer ce qu'on appelle un « deux plus deux », c'est-à-dire un deux ans au collège communautaire pour la formation, par exemple, des policiers, pour permettre ensuite à ces étudiants de compléter un baccalauréat, soit au moyen des cours qui seraient offerts en ligne, à l'École de criminologie, ou même avec une mobilité étudiante. Je parlais tout à l'heure de l'importance de la mobilité étudiante. Donc, vous pouvez imaginer des étudiants du Nouveau-Brunswick qui viennent à Vancouver passer un semestre ou deux pour étudier, en français, en criminologie.
C'est donc ce genre d'initiatives originales que nous sommes prêts à mettre en route.
La sénatrice Gagné : Je voulais aussi vous remercier, ainsi que votre recteur, pour le bel accueil d'hier, vous avez un campus absolument superbe. Nous l'avons beaucoup apprécié, surtout cette belle collégialité qui régnait hier soir.
J'aimerais prendre une autre approche par rapport à tout le développement du secteur postsecondaire. On sait que l'éducation postsecondaire est un élément important du continuum en éducation en français, de la petite enfance, en passant par l'école primaire et secondaire, jusqu'à l'éducation postsecondaire. Je trouve que les établissements postsecondaires contribuent non seulement au développement de ses étudiants, mais aussi au renouvellement des communautés francophones, à leur développement et à leur épanouissement.
Lorsqu'on lit la Charte des droits et libertés, on s'attarde à l'article 23. On sait que la portée de l'article 23 est quand même assez limitative. On sait que les juges ont tendance à l'interpréter d'une façon de plus en plus restrictive. On est d'accord que c'est un droit pour les écoles, la protection des écoles, mais on ne va pas au-delà de cela, c'est-à-dire pour assurer le développement de la petite enfance et le développement de l'éducation postsecondaire.
Je me demande s'il y aurait lieu de commencer à songer à une politique publique. Il n'y en a pas. Je me suis demandé si, pour contrer cela, on serait en mesure d'influencer le gouvernement du Canada pour qu'il élabore une politique gouvernementale en matière d'éducation postsecondaire afin de confirmer finalement que les établissements postsecondaires jouent un rôle de développement et d'épanouissement des communautés francophones au Canada.
M. Laberge : Vous avez entièrement raison. Je crois que si on veut appliquer entièrement l'intention de l'article 23, et qu'elle soit interprétée dans la perspective de l'épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire, il est absolument essentiel qu'on puisse former nos jeunes en français langue première en situation minoritaire, comme en Colombie-Britannique.
Ceci dit, et pour renchérir sur le besoin d'une politique publique, comme vous l'avez souligné, l'article 23 ne défend pas le droit à l'accès à la formation postsecondaire, que ce soit au niveau collégial ou universitaire. Et l'impact que cela peut avoir, à mon avis, sur l'application de l'article 23, et c'est l'issue de votre recherche, je crois, c'est que si les étudiants, au niveau des écoles francophones et d'immersion, ne voient pas de débouchés dans le marché du travail, et qu'ils passent la plupart du temps par la formation postsecondaire, cela limite leur enthousiasme à poursuivre leurs études en français de la maternelle à la 12e année. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles on voit un décrochage important au sein des programmes d'immersion et des programmes de français langue première lorsqu'on arrive au secondaire, en particulier.
Si on avait l'appui d'une perspective nationale, d'une politique publique qui puisse soutenir le volet de l'éducation postsecondaire en français, je crois que cela viendrait appuyer énormément l'application, ou l'intention, du moins, de l'article 23. Je pense qu'on peut établir une politique, mais il faut s'assurer qu'elle sera appliquée, et c'est là le nerf de la guerre dans bien des provinces.
Je crois également, et cela rejoint un peu l'intention des questions de la sénatrice Jaffer, qu'on doit revenir à stimuler la perspective du bilinguisme et du multilinguisme au Canada, et moderniser cette perspective dans une certaine mesure, de sorte qu'il ne s'agisse plus nécessairement de langues patrimoniales, par exemple. Il s'agirait plutôt d'une perspective, comme mes collègues l'ont présentée, visant à renforcer, dans un contexte de globalisation, l'importance de connaître plusieurs langues et les bénéfices personnels que cela apporte, mais aussi les bénéfices par rapport à la culture, à la communauté dans laquelle on vit, et cetera. Je pense donc qu'une réflexion autour d'un discours national sur le bilinguisme, le multiculturalisme et le multilinguisme devrait faire partie de cette réflexion autour du développement d'une politique publique.
Pour prêcher davantage pour ma paroisse, pendant que j'en ai l'occasion, je crois que, dans le continuum d'éducation et dans une perspective de développement d'une politique publique, il ne faut pas oublier que ce ne sont pas tous les étudiants qui ont la capacité ou l'intérêt de poursuivre une démarche universitaire, mais que le volet collégial ne doit pas être oublié ou négligé.
Quand on parle du continuum de l'éducation, je profite de l'occasion pour rappeler des études qui parlent de l'importance de développer l'apprentissage chez les enfants à partir de la naissance. J'avancerais que le continuum d'éducation devrait commencer à la naissance et, par après, être renforcé, encouragé peut-être par l'offre d'activités d'alphabétisation familiales en français, par exemple. Je pense que c'est un élément important.
J'ai pris beaucoup de temps, je vous remercie.
Mme Trépanier : Ce matin, on a entendu les parents de la Fédération des parents francophones de la Colombie-Britannique qui revendiquaient quelque chose à partir de la naissance, comme M. Laberge vient de le mentionner, soit tout ce qui précède l'entrée à la maternelle. Pour répondre à votre question, sénatrice Gagné, je veux voir un continuum et non pas trois secteurs séparés, parce que le danger, avec trois secteurs séparés, c'est de déterminer comment on va financer ces trois secteurs, et là, chacun va tirer sur sa couverture. Donc, il est important d'avoir un continuum pour que, justement, il y ait des actions qui aient un impact les unes sur les autres.
J'aimerais apporter un autre volet qui concerne le postsecondaire et qui traite d'une approche inclusive, quand on pense à la formation que nous donnons, à l'enseignement postsecondaire que nous faisons, à la fois pour ces jeunes ayants droit et pour les étudiants issus du programme d'immersion française ou bien du français de base. Lorsque nous donnons des cours en français dans différentes matières à l'Université Simon Fraser, les cours sont donnés par des francophones et sont donnés comme si on était dans une institution francophone, c'est-à-dire que les étudiants qui sont devant nous sont des francophones, des ayants droit, des francophiles. Je vais les appeler des « francophiles ». Je profite aussi de l'occasion pour répéter un commentaire d'un étudiant qui suit présentement un cours sur la francophonie. Le professeur définissait ce qu'était la francophonie, les francophones, les francophiles. Alors, l'étudiant qui est casé dans la case des francophiles, a dit : « Mais, je n'aime pas ce terme de "francophile". J'ai l'impression d'être moins quelque chose. »
Cela m'a portée à m'interroger sur le nom de notre bureau, à savoir si on devrait garder le nom de Bureau des affaires francophones et francophiles, et sur la raison d'être de ces deux appellations dans le contexte universitaire dans lequel nous nous trouvons, où nous voulons faire de l'enseignement en langue française pour l'éducation en langue française.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, mesdames, pour votre témoignage.
J'ai eu l'occasion de discuter avec une missionnaire de votre université qui parcourt la Colombie-Britannique pour amener les enfants, les jeunes, à votre université. Comme on avait beaucoup d'autres sujets à discuter, pendant le souper, nous n'avons pas eu le temps de demander comment vous les accueilliez. Est-ce qu'ils ont des bourses? Comment est-ce que cela fonctionne? Je vois la dame ici, mais on n'a pas eu le temps d'en parler. Or, cela m'intrigue. Est-ce que c'est uniquement pour l'université ou est-ce que c'est pour le volet collégial également?
Mme Trépanier : Le recrutement se fait par la visite d'agents de recrutement qui vont directement dans des classes, qui sont accueillis dans des classes d'immersion française à travers toute la province, et aussi dans les classes du programme francophone. Parce que nous voulons attirer les francophones et les francophiles.
Comment attirer les jeunes? Bien sûr, l'argent est le nerf de la guerre, les bourses sont le nerf de la guerre. Notre gros concurrent par rapport aux bourses, c'est l'Université d'Ottawa qui a beaucoup d'argent à donner. Les étudiants chez nous ont accès aux bourses d'immersion, par exemple, qui sont fournies par l'ACUFC, à raison de deux ou trois bourses par année. Ensuite, il y a la bourse pour l'étude d'une langue officielle. Sur quatre ans, ils peuvent recevoir 5 000 $. Il va de soi que les bourses sont le nerf de la guerre pour le recrutement, c'est ce qui attire. Alors, il y a les bourses et il y a aussi les possibilités, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, de mobilité étudiante. Cela, c'est très attirant. Encore là, la façon de soutenir la mobilité étudiante, c'est par des soutiens financiers. Donc, subventionner la mobilité étudiante, subventionner les bourses d'admission, les bourses d'accès, cela, c'est gagnant. Vous verrez des jeunes qui voudront vraiment venir poursuivre des études en langue française.
Le sénateur Maltais : Toujours dans la mobilité, vous avez parlé, madame Sabatier, d'une affiliation avec l'Université de Tours. J'imagine que vous venez de la région de Tours? Vous voulez montrer la fameuse et extraordinaire horloge de la Gare du Palais et éviter le dépaysement de vos étudiants, parce qu'il y a un McDonald's au coin et un Starbucks de l'autre côté?
Je lance une idée et, si vous n'êtes pas contents, vous me jetterez votre verre d'eau. On s'en va vers le 150e anniversaire de la fondation du Canada. Le Canada a été fondé par deux nations, je le répète. Ici, une partie de la nation fondatrice est en minorité. Pourquoi ne pas avoir la bourse du 150e qui permettrait un montant provenant en partie des gouvernements et en partie des mécènes?
Je vais vous en nommer, des mécènes. Je vais vous nommer la Banque Royale, la Banque Toronto Dominion, la Banque de Montréal. S'ils refusent de donner 5 ¢ à votre fondation, ils seront contre les francophones, non pas ceux de la Colombie-Britannique, mais ceux du Canada en entier. Cela représente quelques clients potentiels à venir.
C'est une idée que je lance, mais je l'ai fait dans d'autres domaines, et cela fonctionne. Ils ont beaucoup peur de cela. En ayant une fondation, vous verrez une continuité dans les bourses. Sur le plan international, vous pourrez aller non seulement à Tours, mais vous pourrez aller à l'île Maurice, à Madagascar. Lorsqu'on parle de Francophonie, on n'est pas restreint au Canada et à la France. C'est universel, la Francophonie. C'est avec de l'argent, comme Mme Trépanier l'a fort bien dit à plusieurs reprises, qu'on fait cela. Ne nous racontons pas d'histoire, on est en 2016, il faut de l'argent pour faire ces échanges. Comme vous le dites, les étudiants sont des ambassadeurs de la Francophonie lorsqu'ils reviennent ici. Vous multipliez donc vos chances par le nombre d'étudiants qui vont devenir des ambassadeurs dans chaque leur coin de la Colombie-Britannique.
Mais pour cela, il faut trouver de l'argent. Je vous fais donc une suggestion, vous en ferez ce vous voulez. Mais si vous décidez de l'adopter, j'en serai le défenseur au Sénat. Et si vous décidez de l'adopter, je pense que les gouvernements n'auront pas le choix que d'embarquer. Ce serait très mal vu pour un ordre du gouvernement parmi les trois qui existent — municipal, provincial et fédéral — de ne pas embarquer dans ce projet.
Vous allez sans doute vous faire dire que Patrimoine canadien vous donne déjà de l'argent. Ils vont vous le dire, c'est sûr. Mais ce n'est pas le but. Le but est de faire universaliser dans la Francophonie vos étudiants de la Colombie-Britannique. Je vous remercie.
Mme Sabatier : Je voulais juste apporter une précision par rapport à cette question de la francophonie beaucoup plus large. Je suis tout à fait d'accord avec vous et je crois qu'on a conscience que ce n'est pas simplement la France et le Québec. Aujourd'hui, on a aussi des francophones qui viennent d'ailleurs, y compris dans nos programmes, notamment de formation des enseignants. On a de plus en plus de francophones qui viennent de l'Afrique noire, subsaharienne, et d'Afrique du Nord.
Pendant deux années de suite, on a eu la chance d'amener 16 étudiants du module français, donc du module de formation initiale, pendant trois mois, au Mali. On voulait à la fois leur faire connaître une autre francophonie, qui n'est pas la francophonie française ou québécoise, et les mettre dans un milieu où le français est la langue seconde et la langue de l'école. On voulait aussi leur permettre d'aller à la rencontre de l'autre, de faire l'expérience de l'altérité, parce que notre province est une province, comme on l'a dit, extrêmement diversifiée, avec des enfants qui viennent de partout. Donc, on voulait leur faire vivre cette expérience pour les mettre dans un contexte beaucoup plus large.
Je dois avouer que, pendant deux ans, j'ai eu la chance de partir avec eux. Je les ai vus se transformer, je les ai vus s'épanouir. La collaboration qu'on avait avec nos collègues maliens ne se résumait pas à leur montrer comment faire la classe. On voulait un vrai échange de partenariat, c'est-à-dire qu'on voulait apprendre de nos collègues maliens, de même qu'on voulait que nos collègues maliens apprennent de nous. Et je dois dire que, pendant les deux années où j'ai eu la chance d'y aller avec eux, cela a été deux années extraordinaires. Cela a été une expérience extraordinaire. Et je sais que les jeunes enseignants qui sont partis se réunissent encore aujourd'hui pour en parler. Quand ils sont revenus, ils ont eu des postes immédiatement. Cela a été une expérience. Vous me dites demain de repartir au Mali, je repars tout de suite. Malheureusement, le contexte international a mis un frein à cela.
On a essayé de recentrer nos efforts sur le Maroc. Et là, j'ai un collègue marocain qui va arriver la semaine prochaine justement pour voir comment on pourrait faire, sachant que cela reste encore une partie du monde où c'est un peu compliqué à l'heure actuelle. Donc, notre idée, c'est que, puisqu'on ne peut pas nécessairement faire partir nos étudiants, ce sont peut-être les formateurs, donc les enseignants, qu'on va faire bouger. Mon collègue marocain viendrait pour parler d'interculturalité, pour parler de l'autre francophonie, et puis nous qui partirions au Maroc.
Donc, on a tout à fait cette idée que la francophonie, aujourd'hui, est beaucoup plus plurielle, sans oublier les francophones du Québec et ceux de la France.
La présidente : Étant donné qu'il ne reste que cinq minutes, je vais passer la parole au sénateur McIntyre.
Le sénateur McIntyre : J'aimerais saisir l'occasion pour féliciter votre bureau, le Bureau des affaires francophones et francophiles de l'Université Simon Fraser, pour son excellent rapport. Je comprends que c'est un rapport de 48 pages dans lequel vous faites sept recommandations.
Très brièvement, voulez-vous nous en dire davantage sur ces recommandations, sans entrer dans les détails? Parce qu'on a déjà pris connaissance de votre rapport.
La présidente : Comme on n'a que cinq minutes, on va passer à la question de la sénatrice Jaffer.
Sénatrice Jaffer, est-ce que vous pourriez poser votre question et, à ce moment-là, on pourra entendre les deux réponses?
La sénatrice Jaffer : Ce n'est pas pour SFU, c'est pour le Collège Éducacentre.
Mme Trépanier : Vous avez devant vous les recommandations. La première, bien sûr, consiste à enrichir les compétences des enseignants. Je pense qu'on vous a parlé de la problématique. Notre objectif est vraiment d'avoir un gros impact dans les cinq prochaines années, dans le plan d'action, pour vraiment enrichir la compétence linguistique et pédagogique des enseignants. C'est la première recommandation.
L'intégration des stages et la mobilité des jeunes dans la province sont cruciales. On a parlé de l'agent de recrutement qui fait du recrutement partout dans la province. S'il y a des jeunes qui sont partout dans la province, on a besoin d'enseignants, et les réalités dans les régions sont différentes de celles de la vallée du Bas Fraser et du Grand Vancouver. Donc, cela, c'est primordial aussi.
Les études supérieures, on en a parlé. La formation continue passe après la formation des enseignants. C'est aussi très important. La promotion et la mise en marché des programmes, c'est très, très important. On peut créer tous les programmes qu'on veut. Maintenant, on a une clientèle étudiante qui est exigeante, qui a des besoins, qui paie très cher, aussi. Alors, il est très important de faire la promotion et de faire le recrutement et de mettre les programmes en marché.
On veut bien sûr retenir les jeunes les plus brillants dans la province, en élargissant les programmes. Mais on veut aussi leur permettre d'aller à l'extérieur. On veut leur permettre de vivre des expériences à l'extérieur, à travers le Canada et à l'international. On ne veut pas se restreindre seulement au Canada. Et on a eu des exemples très concrets d'étudiants qui ont fait des études chez nous, en français, en science politique, qui sont allés poursuivre des études de droit, par exemple, à l'Université d'Ottawa, et qui reviennent en Colombie-Britannique et travaillent dans leur domaine, dans les deux langues officielles.
La sixième recommandation consiste à tisser des liens avec la communauté. La vision stratégique de l'université est vraiment l'engagement communautaire. Et ce n'est pas une blague, c'est vrai. Notre recteur, que vous avez rencontré hier, est très engagé et nous avons développé, au cours des 10 dernières années, des liens avec les organismes. On a des activités, des actions très concrètes d'engagement de la part de nos étudiants qui sont dans les programmes.
Le dernier point porte sur la création d'une structure de financement qui permettrait des mesures de contingence. C'est-à-dire que lorsqu'on présente un plan d'action avec un budget sur cinq ans, ce budget est normalement rattaché à des initiatives très, très concrètes, très précises. Il est important d'avoir de la flexibilité, non seulement pour continuer à soutenir le projet qu'on s'était donné, mais aussi pour pouvoir répondre davantage aux besoins qui vont émerger.
La présidente : Sénatrice Jaffer, s'il vous plaît, la dernière question est pour vous.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Ma question s'adresse à vous, monsieur Laberge. Je me réjouis que nous puissions ainsi profiter de la contribution de l'Université Simon-Fraser. Vous nous avez transmis hier des informations très détaillées. J'estime que vous accomplissez un travail d'autant plus important qu'il touche différents groupes au sein de la population.
Il n'y a pas seulement des étudiants. D'après ce que je puis comprendre, vous avez offert vos services aux aînés ainsi qu'aux nouveaux arrivants au Canada pour l'apprentissage de l'anglais, la prise de contact et la reconnaissance des diverses qualifications au moyen d'Oasis.
Comment pouvons-nous trouver une façon de mettre en valeur vos actions et celles de l'Université Simon-Fraser pour ce qui est du recrutement? Ce n'est pas tout le monde qui fréquente l'université ou qui est capable de le faire. Les étudiants que nous avons rencontrés hier nous ont notamment indiqué qu'ils étaient un certain nombre à ne pas étudier à temps plein parce qu'ils devaient travailler. Avez-vous une idée de la manière dont on peut trouver une complémentarité dans tout cela?
M. Laberge : Merci beaucoup pour cette excellente question. Je tiens à vous dire que le travail en partenariat est l'une des avenues possibles. Ainsi, nous collaborons très étroitement avec le BAFF, l'association Canadian Parents for French et le Conseil scolaire francophone, entre autres organisations.
Ce travail en partenariat est essentiel si l'on veut que le message passe. Nous pourrions tabler davantage sur le concept d'une politique publique auquel la sénatrice Gagné a fait allusion, si je ne m'abuse. Une telle approche pourrait nous permettre de lancer un message unique et cohérent par la voix de tous nos partenaires. C'est l'un des éléments clés.
Nous pourrions aussi nous employer à multiplier les possibilités pour les étudiants. Nous avons notamment parlé de mobilité étudiante. Il n'est pas uniquement question de mobilité entre les établissements, les provinces ou les pays, mais aussi des moyens à prendre pour faciliter la transition d'un niveau d'éducation au suivant.
Nous avons instauré les crédits doubles pour le secondaire et le collégial et des possibilités de liens semblables entre le collège et l'université. Plus nous pouvons ainsi offrir des options et des possibilités aux étudiants, surtout en langue française, plus le recrutement sera facile. L'accès à des bourses est également un incitatif très puissant.
La sénatrice Jaffer : J'aimerais vous raconter quelque chose très brièvement. Madame Sabatier, vous nous avez parlé du Mali, un pays dont je connais très bien la situation pour avoir moi-même passé beaucoup de temps là-bas.
Nous avons reçu ce matin ce document du Conseil scolaire francophone. Je ne saurais personnellement espérer mieux, car c'est un reflet on ne peut plus fidèle de la situation en Colombie-Britannique. C'est exactement ce qu'il convient de faire. Si je suis capable de m'y retrouver ou d'y retrouver mon petit-fils, je peux développer un sentiment d'appartenance. C'est ainsi que nous devons nous y prendre pour que les gens comprennent bien qu'ils appartiennent à cette communauté.
[Français]
La présidente : Au nom du comité sénatorial permanent des langues officielles, nous tenons à vous remercier très sincèrement pour vos excellentes présentations. Vous nous avez fait de belles suggestions, de bonnes recommandations, et vous avez de bonnes idées, de bonnes initiatives et de beaux projets. Merci beaucoup.
Pour notre deuxième groupe, cet après-midi, dans le cadre de notre étude sur les défis associés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française en Colombie-Britannique, nous avons le plaisir de recevoir une équipe de l'Université de la Colombie-Britannique.
[Traduction]
Nous accueillons Francis R. Andrew, directeur émérite, Centre français, Éducation permanente; Monique Bournot-Trites, professeure associée; Wendy Carr, doyenne associée, Formation des enseignants, Faculté d'éducation; Meike Wernicke, coordonnatrice des programmes de français, Faculté d'éducation, Enseignement des langues et de la littératie; et Kenneth Reeder, professeur émérite, Faculté d'éducation, Enseignement des langues et de la littératie. Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
[Français]
Vous êtes nombreux à faire des présentations. Je vous demanderais s'il vous plaît d'être aussi brefs que possible, et de vous limiter à cinq minutes, pour pouvoir donner le temps aux sénateurs de poser leurs questions et d'assurer un dialogue.
On me dit qu'on va commencer avec M. Andrew.
Francis R. Andrew, directeur émérite, Centre français, Éducation permanente, Université de la Colombie-Britannique : Bonjour. La première chose que je voudrais dire, c'est que, si vous suivez mon texte, le texte que je vais lire est beaucoup plus court, parce que j'ai calculé le temps, et six minutes n'auraient jamais suffi. C'est la première chose que je voulais dire.
La deuxième chose, c'est que je parle au nom de mon département, au nom d'André Lamontagne, et au nom des enseignants du département d'études françaises, hispaniques et italiennes. Mais je ne parle pas au nom de UBC, et je pense que personne d'entre nous ne parle au nom de UBC, parce que l'université n'a pas de politique en ce qui concerne le français. Lorsque nous nous sommes consultés pour déterminer si nous allions écrire quelque chose pour UBC, je crois que Wendy, très sagement, a dit que nous ferions mieux de faire chacun notre présentation. Je pense donc que ce que nous allons vous dire n'engage que nos départements.
Par contre, on a tout à fait l'appui de nos collègues et, dans le cas d'André Lamontagne, ils ont tous signé pour avoir un département autonome de français, ce que nous attendons encore après de nombreuses années.
Je vais commencer par la présentation d'André Lamontagne, parce qu'elle est plus spécifique. La présentation que je compte faire ressemble beaucoup à celle de mes collègues, donc si jamais je devais couper un peu court, je leur laisserai la parole.
Je voudrais tout d'abord remercier le Comité sénatorial permanent des langues officielles de me donner l'occasion de m'exprimer au sujet de l'immersion. Pour moi, l'immersion ne doit pas être limitée à l'école; elle doit se continuer au moins partiellement à l'université. Je pense qu'on a entendu cela de Simon Fraser précédemment.
La formation des enseignants de l'immersion, en particulier, est aussi quelque chose de très important pour la qualité de ses programmes. Et je soutiens tout à fait ce qu'a dit Claire Trépanier pour SFU.
L'Université de la Colombie-Britannique est fière de ses accomplissements et de ses anciens étudiants. Je pense que vous en connaissez au moins un à Ottawa. Et je pense qu'on est fier, mais, dans le cas du français, il y a définitivement une faiblesse puisqu'on n'a pas le statut, je dirais, privilégié parmi les langues qu'on attend d'une institution canadienne. L'idée serait d'offrir un programme de langues, de cultures, d'études de la francophonie, qui nous permettrait aussi d'obtenir des ressources supplémentaires qu'on n'aurait pas à partager avec nos collègues hispanisants ou Italiens.
Voici ce que dit M. André Lamontagne, qui était directeur du département de français pendant 10 ans, soit pendant deux mandats, et qui a été remplacé, après cela, par la directrice du département d'allemand, pour vous montrer qui défend la cause du français à UBC, et qui est maintenant retourné à son rôle de professeur.
UBC connaît une situation exceptionnelle, que je trouve regrettable en tant que francophone. On pourrait parler de discrimination systémique. Il n'y a pas de département de français autonome. Le département d'études françaises, hispaniques et italiennes, en combinant les trois langues et en obligeant son directeur qui ne parle pas nécessairement français à répartir ses ressources équitablement entre les trois langues, ne peut pas donner au français la place qui lui revient dans notre pays bilingue.
Le programme de français à UBC existe depuis sa fondation, donc il y a plus de 100 ans, en 1915, avec 3 000 étudiants. Dans le cas de UBC, les chiffres sont toujours énormes. Il y a 3 000 étudiants dans les cours de premier cycle, 25 en maîtrise et en doctorat, 13 professeurs permanents, 5 chargés d'enseignement, 6 chargés de cours et 15 assistants d'enseignement. C'est le programme de français le plus important à l'ouest de Toronto. C'est quand même un très gros programme. Je pense qu'il est seulement le second par rapport au programme d'anglais à UBC, mais ce n'est pas une entité autonome. Les 3 000 étudiants, ce sont ceux du programme de français. Cela ne compte pas les étudiants d'italien, d'espagnol et d'autres langues romanes.
Malgré son succès indéniable, tant sur le plan de l'enseignement que sur celui de la recherche, malgré le rôle primordial qu'il joue dans la formation des futurs enseignants de l'immersion et du français de base, et ceci avant qu'ils s'inscrivent à la faculté d'éducation, le programme de français ne reçoit pas toujours l'appui institutionnel attendu.
En 1998, le département de français a fusionné de façon unilatérale avec le département d'études hispaniques et italiennes. C'est le début du déclin du français à UBC. L'administration songe maintenant à une fusion prochaine avec les autres langues européennes. Certains parlent même d'une fusion avec les langues asiatiques, ce qui deviendrait une gigantesque école de langues autres que l'anglais. Donc, ce serait un immense département de langues, avec probablement plus de 10 000 étudiants, mais le français serait réduit à la portion congrue. C'est pour cela que l'on compte beaucoup sur vous pour un appui, non pas financier, car ce n'est pas un problème d'argent, c'est un problème d'image, d'idéologie. On attend donc un soutien politique et moral.
De telles fusions ont pour conséquences d'affaiblir la position du français à UBC, qui n'est alors qu'une langue parmi d'autres, sans égard pour son statut de langue officielle au Canada. De plus, ces réarrangements administratifs ont souvent pour but de réduire les ressources et de priver les programmes de leur autonomie. Alors que les grandes universités nord-américaines, canadiennes et britanno-colombiennes possèdent un département de français autonome, UBC persiste à ne pas reconnaître au français la place qui lui revient. Il n'y a pas de politique sur le français à UBC qui nous permettrait de joindre les rangs de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne.
Il y a quelques années, certains professeurs de l'éducation permanente du département de didactique des langues et de littératie de la faculté d'éducation, dont Mme Monique Bournot-Trites, et du département d'études françaises, hispaniques et italiennes, de la faculté des arts, ont senti le besoin de prendre l'initiative et ont créé le Centre de la francophonie d'UBC. Donc, vous voyez que, les francophones, même s'ils ne sont pas reconnus, essaient de s'organiser.
Le mandat du centre est de promouvoir la langue française sur le campus et dans la communauté, de célébrer la francophonie d'ici et d'ailleurs, et de favoriser le dialogue entre les cultures du Canada. Parmi ses objectifs, à moyen terme, le centre aimerait offrir ou promouvoir les cours en français, en complément des cours de français déjà au programme, c'est-à-dire des cours enseignant le français dans des disciplines autres que la langue, la littérature et la culture francophone, telles que l'histoire, les sciences politiques et les études canadiennes. Ce qui est intéressant, c'est que nous avons, dans ces départements, des francophones qui enseignent en anglais. Ils seraient tout à fait prêts à enseigner leurs cours en français, et je pense que ce que nous avions proposé, c'était de créer des sections supplémentaires qui seraient enseignées en français. C'est le même contenu, le professeur étant déjà francophone, il n'a qu'à s'exprimer en français, et le seul problème pour l'université, c'est qu'on ne peut pas avoir 45 étudiants dans une section d'histoire qui sont francophones ou francophiles. Il faudrait faire de petits ajustements financiers pour combler le manque d'étudiants. Le projet existe. Il a été soumis à plusieurs reprises, et très récemment, en 2014. Si on pouvait obtenir votre appui, on l'apprécierait beaucoup.
Je vais présenter la suite rapidement, je ne sais pas combien de minutes il me reste, mais j'avais un point à souligner. Il se passe de bonnes choses, en Colombie-Britannique, et une très bonne chose, c'est que le ministère de l'Éducation a changé sa formule pour donner des bourses aux enseignants qui veulent améliorer leur français. Ces bourses s'offrent maintenant non seulement à ceux qui enseignent, mais également à ceux qui ont déjà un certificat d'enseignement et qui cherchent du travail.
On a entendu tout à l'heure qu'il y a un manque d'enseignants du français dans la province. Ce nouveau système de bourses permet ou permettrait à des écoles de recruter davantage parmi ceux qui sont à la recherche de travail.
Monique Bournot-Trites, professeure associée, Université de la Colombie-Britannique : Dans mon témoignage, je vais premièrement démontrer que nous avons un manque d'enseignants qualifiés dans les programmes de français langue seconde, c'est-à-dire immersion et français de base, puis montrer que cela a des conséquences néfastes pour les enseignants ainsi que pour les élèves, et suggérer quelques recommandations pour pallier ce problème.
L'excellence de nos programmes de français langue seconde dans les écoles requiert des enseignants confiants qui sont compétents en langue et en culture francophones. Cependant, le contexte de l'enseignement du français langue seconde en Colombie-Britannique, et au Canada en général, présente des défis en ce qui concerne le manque d'enseignants qualifiés, surtout pour ce qui est de la compétence langagière, de la connaissance et de l'expérience de la culture francophone, comme l'ont montré de nombreuses recherches depuis l'étude de Day et Shapson, en 1996. Dans leur étude, Day et Shapson avaient envoyé un questionnaire à 2 000 enseignants d'immersion et avaient trouvé qu'approximativement deux tiers d'entre eux indiquaient qu'ils avaient un grand besoin ou un certain besoin dans le domaine de la langue et de la culture française. D'autres études ont ensuite démontré que la situation ne s'était pas améliorée.
En fait, en 2007, le bulletin de Canadien Parents for French de la Colombie-Britannique et du Yukon contenait un article qui s'intitulait audacieusement : « Does your Child's French Teacher Speak French? » Le professeur de français de votre enfant parle-t-il français? Cet article faisait part aux parents du manque de compétence en français de certains enseignants dans les programmes d'immersion. Ce problème s'aggrave de nos jours avec le nombre croissant d'élèves dans les programmes d'immersion en Colombie-Britannique, et les commissions scolaires ont de la difficulté à remplir les postes vacants et à maintenir des listes adéquates de remplaçants. Une étude que j'ai publiée avec Ingrid Veilleux, en 2005, a trouvé que les commissions scolaires en Colombie-Britannique doivent souvent faire des compromis sur le niveau de français requis des professeurs d'immersion, surtout dans les milieux ruraux, en dehors de Vancouver.
Par conséquent, il est urgent de donner un meilleur accès aux enseignants de français langue seconde à des programmes pour améliorer leurs compétences langagières et culturelles en français. À ceci vient s'ajouter la question de la légitimité et de la confiance en soi des enseignants, qui a pris de l'importance dans les recherches depuis les 10 dernières années. En effet, contrairement au passé, les enseignants dans les programmes de français langue seconde enseignent souvent une langue qui est leur deuxième, voire même leur troisième langue, et même si leur compétence est élevée, ils se sentent souvent illégitimes et marginalisés par rapport aux professeurs qui sont natifs. Ils ne sentent pas qu'ils font partie de cette communauté.
Bernat, dans son étude de 2008, a parlé du syndrome de l'imposteur. Ce manque de confiance en soi est pire pour ceux qui n'ont pas le niveau de compétence suffisant et qui ont été embauchés malgré tout à cause du manque d'enseignants qualifiés. Donc, ces enseignants en particulier ont besoin de séjours professionnels dans des contextes francophones pour améliorer leurs compétences et leur confiance en eux.
De toute évidence, le manque de compétence chez certains enseignants de français langue seconde a plusieurs conséquences néfastes pour les enseignants et pour les élèves. En effet, l'approche communicative ou « actionnelle » présuppose que les enseignants parlent couramment, mais aussi qu'ils connaissent suffisamment les règles de notre grammaire pour donner de la rétroaction à leurs élèves. Les sciences et les sciences humaines présentent des difficultés pour les enseignants qui ont un vocabulaire limité ou des difficultés à s'exprimer en français. Une telle situation réduit sans doute leur niveau de confiance pour enseigner et leur habilité à gérer la classe de façon efficace.
Les conséquences pour les élèves sont tout aussi graves, sinon plus. En immersion, l'enseignant est presque le seul modèle pour les élèves. Quand les enseignants n'ont pas une compétence langagière suffisante, le niveau de compétence des élèves s'amoindrit. En conséquence, ils ont du mal à comprendre les manuels en français et ont encore plus de mal à écrire dans les matières académiques. Et, à un certain point, le niveau de compétence des élèves peut les empêcher d'apprendre le contenu du curriculum, ce qui peut leur porter préjudice au niveau postsecondaire. De plus, les élèves ayant des difficultés en immersion quittent l'immersion pour les programmes anglophones. Cette attrition pourrait être limitée si beaucoup plus d'enseignants étaient plus compétents.
Dans les programmes de français de base, un enseignant qui a du mal à s'exprimer couramment ne peut pas rendre les classes intéressantes, et cela a des conséquences sur la motivation des élèves. Le résultat est que beaucoup d'élèves qui sortent du programme de français de base indiquent qu'ils n'aiment pas le français, qu'ils ne sont pas bons en langues et qu'ils ne sont pas capables de communiquer en français. Non seulement ils n'ont pas appris ce qu'ils devaient apprendre dans les cours de français, mais ils ne sont pas motivés à continuer à s'améliorer plus tard.
Je recommande donc d'intéresser plus de jeunes à devenir enseignants en faisant du recrutement grâce à de la publicité ciblée et en offrant plus de soutien financier. Et pour les enseignants en place, des bourses pourraient être utilisées, premièrement, pour favoriser les séjours ou les échanges professionnels de longue durée au Québec ou à l'étranger, de sorte à améliorer la compétence langagière et le sens de légitimité des enseignants qui en ont besoin, comme nous l'avons trouvé dans une étude récente.
Deuxièmement, il s'agirait de donner l'accès gratuit à des cours de français et de pédagogie du français, spécialement formulés pour les enseignants, comme le cours Gramligne, de UBC, qui est offert en ligne, et le cours oral offert par SFU.
La présidente : Merci, madame Bournot-Trites.
Madame Carr?
[Traduction]
Wendy Carr, doyenne associée, Formation des enseignants, Faculté d'éducation, Université de la Colombie-Britannique : Je vais vous présenter cet exposé de concert avec Mme Wernicke. Nous allons traiter principalement de la formation des enseignants dans le contexte des pénuries dont mes collègues ont parlé et des difficultés que doivent surmonter 90 p. 100 des enfants canadiens qui suivent seulement des cours de base en français, ce qui ne leur permet pas de devenir pleinement bilingues.
Nous avons tous comme objectif d'augmenter le nombre de Canadiens bilingues. Je vais vous parler aujourd'hui de quelques pratiques et programmes prometteurs de l'Université de la Colombie-Britannique qui pourraient être adoptés dans d'autres programmes de formation des enseignants. Ma collègue, Mme Wernicke, vous présentera ensuite quelques-unes de nos recommandations.
Précisons d'abord que nous offrons depuis longtemps un programme spécialisé de formation des enseignants pour chacune des années d'éducation au primaire et au secondaire. Alors que certains programmes de formation combinent toutes ces années, nous avons décidé de les garder séparées, car chacune a son contexte bien particulier.
De plus, nous offrons un diplôme de deuxième cycle, à savoir une maîtrise en éducation. Nous utilisons un modèle de cohorte pour la formation des enseignants en français, et nous en sommes à la cinquième cohorte. Ce programme est une initiative de mes collègues, Mmes Bournot-Trites et Wernicke. Pour chaque cohorte, quelque 25 enseignants terminent leur maîtrise en éducation à tous les deux ans.
D'autre part, nous augmentons le nombre de programmes ouvrant droit à des doubles diplômes de telle sorte que les étudiants au premier cycle de toute notre faculté d'éducation puissent envisager l'enseignement du français plus tôt dans leurs études. Nous devons en effet faire du recrutement à tous les niveaux. Nous devons permettre l'accès à un baccalauréat en éducation.
Par ailleurs, l'Université de la Colombie-Britannique est le seul établissement de formation des enseignants de la province à exiger de tous ses candidats au brevet d'enseignement de la première à la neuvième année un cours de méthode d'enseignement du français. Nous estimons que cette mesure est essentielle pour faire évoluer les choses sur le terrain. Nous constatons en effet que les cours de base pour les élèves de la cinquième à la huitième année sont donnés par des enseignants qui, comme l'indiquait ma collègue, n'ont pas la confiance et la préparation méthodologique ou linguistique nécessaires pour dispenser l'enseignement de qualité susceptible d'inciter les enfants à parfaire leur apprentissage du français au-delà des cours de base obligatoires de la huitième année.
Chaque année, nous décernons un diplôme à quelque 300 enseignants, du primaire jusqu'à la neuvième année, qui ont suivi le cours de méthode d'enseignement du français de base. Nous espérons que cela puisse faire une différence dans les écoles de la Colombie-Britannique et d'ailleurs au pays.
Nous pouvons enfin compter sur l'institut d'été pour les professeurs de français langue seconde. C'est M. Andrew qui a lancé ce programme il y a bien des années déjà grâce à une bourse fédérale.
[Français]
Mme Wernicke est maintenant la directrice de l'Institut d'été à Québec. Elle a réussi à former de nombreux enseignants qui enseignent le français et qui veulent améliorer leur niveau de compétence en matière de langues et de méthodologie.
Je passe la parole maintenant à ma collègue.
[Traduction]
Meike Wernicke, coordonnatrice des programmes de français, Faculté d'éducation, Enseignement des langues et de la littératie, Université de la Colombie-Britannique : Madame la présidente, j'aimerais maintenant vous soumettre quelques-unes des recommandations de la Faculté d'éducation de l'Université de la Colombie-Britannique.
Il est extrêmement important d'offrir le soutien financier et les programmes d'échange nécessaires au perfectionnement linguistique continu de nos futurs enseignants. Nous parvenons à le faire en collaboration avec d'autres instances de notre campus et en intégrant le tout aux programmes que nous offrons.
Les bourses sont également importantes pour le soutien financier de tous nos candidats au brevet d'enseignement, y compris ceux qui suivent une formation pour pouvoir enseigner le français. Comme nos collègues de l'Université Simon-Fraser l'ont déjà souligné, il y a eu des coupures à ce chapitre cette année. C'est ainsi que nous n'avons pu appuyer financièrement que 60 p. 100 de nos candidats cette année. Je dois vous avouer que ce fut un véritable choc pour nous.
Il est primordial d'offrir ce soutien financier à tous nos candidats des programmes de formation des professeurs de français au secondaire et au primaire. Ce n'est pas vraiment une bourse très substantielle. C'est un montant de 1 600 $ par année pour chaque candidat. C'est autant pour les étudiants francophones que pour ceux dont le français est la langue seconde.
Pour ce qui est des professeurs de français langue seconde et langue maternelle, nous recommandons notamment que l'on soutienne des programmes de mentorat permettant de mettre en contact ces enseignants d'expérience avec les futurs enseignants dans ces matières, tout en tablant sur les pratiques novatrices. C'est d'autant plus crucial dans le contexte du tout nouveau programme d'éducation actuellement mis en œuvre dans la province.
Nous voudrions également que des bourses soient accessibles pour tous les enseignants souhaitant se perfectionner. Je pense tout particulièrement au programme de maîtrise en éducation mis sur pied par Monique Bournot-Trites dont j'assure actuellement la coordination. Nous aimerions que tous les enseignants qui participent à ce programme obtiennent un soutien financier tout au long des deux années de perfectionnement, ce qui n'est pas actuellement le cas.
Nous préconisons un perfectionnement professionnel continu assorti d'un apprentissage linguistique et interculturel mettant l'accent sur la pédagogie et la méthodologie dans le cadre de programmes bien établis comme l'Institut de français à Québec qui était jusqu'à maintenant dirigé par M. Andrew dont je vais prendre la relève. Il s'agit d'un programme formidable, mais nous sommes bien conscients du fait que la concurrence est plus vive que jamais. Nous ne devons jamais perdre de vue que les coûts des programmes semblables ne cessent de grimper.
Il convient enfin d'offrir un soutien suffisant aux fins des programmes d'apprentissage et d'enseignement par la recherche comme ceux offerts par notre université pour l'enseignement du français langue seconde et langue maternelle. Nous constatons que les enseignants formés suivant ces méthodes fondées sur l'investigation continuent d'en tirer parti au bénéfice de leur perfectionnement professionnel. Ils prennent même l'initiative d'en faire de même avec leurs collègues au sein de leurs groupes d'apprentissage.
Une piste de solution ou de cheminement possible à l'égard des préoccupations que vous soulevez dans votre rapport de 2015 concernant un cadre commun de référence pour les langues au Canada est bien sûr le Cadre européen commun de référence pour les langues, lequel a été jugé adéquat pour l'enseignement du français langue seconde dans le contexte canadien par le CMEC en 2010 et par M. Vandergrift dans son rapport de 2006.
Ce cadre commun de référence n'est pas intégré aux nouveaux programmes d'enseignement du français de la maternelle à la 12e année actuellement mis en œuvre en Colombie-Britannique, même si l'on trouve dans les deux cas le même genre de flexibilité. Ce cadre convient bien à une approche fondée sur la recherche, une composante clé du programme revu et corrigé pour la Colombie-Britannique, parallèlement à un accent accru sur l'acquisition des compétences de base, l'interdisciplinarité et l'apprentissage au moyen de projets pragmatiques.
C'est à ce niveau qu'il semble particulièrement important de financer la recherche afin d'évaluer l'utilité possible des concepts associés au cadre de référence commun, comme le plurilinguisme, dont vous avez amplement discuté avec nos collègues de l'Université Simon-Fraser. La recherche peut également nous aider à nous faire une meilleure idée de la manière dont tout cela peut se concrétiser, non seulement dans nos classes à l'initiative de certains enseignants, mais à l'échelle de nos établissements et de nos instances gouvernementales.
Kenneth Reeder, professeur émérite, Faculté d'éducation, Enseignement des langues et de la littératie, Université de la Colombie-Britannique : Madame la présidente, honorables sénateurs et estimés collègues, je remercie sincèrement le Comité sénatorial permanent des langues officielles de me permettre de témoigner devant lui aujourd'hui pour traiter de l'importante question de l'accès aux écoles de langue française et aux programmes d'immersion française en Colombie-Britannique.
Si j'ai bien compris, vous vous intéressez tout particulièrement à l'enseignement dans les écoles françaises et les programmes d'immersion en Colombie-Britannique et aux recherches menées à ce sujet. Je vais donc vous présenter un résumé d'une étude que j'ai effectuée en collaboration avec ma collègue Monique Bournot-Trites à la fin des années 1990, ce qui trahit notre âge, sur un programme d'immersion française offert en Colombie-Britannique.
Je terminerai avec quelques conclusions tirées de cette recherche qui, j'ose l'espérer, pourront aider les décideurs politiques et les planificateurs des programmes d'enseignement à s'attaquer au problème de l'accès complet aux programmes d'immersion française en leur permettant de mieux connaître les avantages bien documentés de ces programmes pour les élèves.
L'histoire commence à une réunion de parents de l'école primaire de quartier où étudient mes deux enfants à Vancouver. Toute l'école s'emploie à offrir un bon programme d'immersion précoce en français, de la maternelle à la 7e année. Comme pour tous les programmes d'immersion précoce offerts par le Conseil scolaire de Vancouver, le programme commence par de l'enseignement uniquement en français pendant les premières années. Les cours de langue anglaise débutent en 3e année et, dès la 4e année, plusieurs autres cours se donnent en anglais, notamment les mathématiques, l'informatique et, souvent, l'éducation physique, ce qui fait que seulement environ la moitié des cours de la 4e à la 7e année se donnent en français.
La direction a proposé aux parents d'augmenter la proportion de cours dispensés en français en donnant le cours de mathématiques dans cette langue étant donné que les manuels actuellement utilisés en anglais avaient atteint la fin de leur vie utile et devraient être remplacés de toute manière.
Nous avons été très surpris d'apprendre que nos enfants recevaient ce qu'on pourrait généreusement appeler une formation bilingue en anglais et en français, à des lieues d'un programme d'immersion à proprement parler. Aucun d'entre nous n'avait fait d'analyse de l'enseignement de la langue pour ces années intermédiaires, bien que nous ayons été nombreux à choisir ce quartier en raison de l'accès à ce programme d'immersion précoce.
L'initiative a reçu l'appui quasi unanime des parents et du personnel de l'école. Elle a été progressivement mise en œuvre en quatrième année à compter de 1995, puis élargie chaque année aux classes successives de quatrième année jusqu'à ce que tous les niveaux intermédiaires profitent de ce qui s'approchait d'un programme offert à 75 p. 100 en français et à 25 p. 100 en anglais.
Nous avons calculé que les élèves du nouveau programme intensifié d'immersion précoce auraient près de 1 000 heures supplémentaires de formation en français pendant la durée du programme, par rapport aux anciens élèves des niveaux intermédiaires qui avaient suivi le programme offert à 50 p. 100 en français et 50 p. 100 en anglais.
Le personnel de l'école avait fixé des objectifs bien précis pour le programme intensifié d'immersion française. Premièrement, ce programme devait permettre d'améliorer la maîtrise de la langue française. Deuxièmement, ce résultat ne devait pas être obtenu au détriment du niveau de maîtrise de la langue anglaise. Le personnel et les parents ont adhéré à ces objectifs.
Nous allons faire maintenant un saut dans le temps pour nous retrouver une année après la mise en œuvre du programme alors que les parents ont proposé un troisième objectif intéressant que l'école a aussitôt adopté. Suivant ce troisième objectif, l'enseignement des mathématiques en français ne devait pas se faire aux dépens du rendement et ne devait pas désavantager les élèves dans l'éventualité où ils devraient passer à l'enseignement en anglais dans leurs années scolaires ultérieures.
La proposition que la direction a faite aux groupes de parents m'a rapidement mené à discuter avec le directeur de la manière dont l'école comptait s'y prendre pour évaluer si le programme intensifié d'immersion française atteignait ces objectifs. Nous avons vite convenu que je chercherais des moyens de mettre sur pied une étude discrète, mais rigoureuse, menée conjointement par l'université et le Conseil scolaire de Vancouver, pour évaluer le rendement des élèves en langues, en littératie et, comme cela s'est avéré plus tard, en mathématiques au cours des années de mise en application du programme.
En collaboration avec ma collègue, Mme Bournot-Trites, et avec l'aide d'une équipe d'étudiants de deuxième cycle talentueux qui ont gentiment accepté de travailler presque gratuitement, nous avons pu étudier le nouveau programme, depuis sa mise en œuvre dans une première classe de quatrième année comptant 36 élèves jusqu'à ce que ces élèves terminent le programme en septième année. De plus, avec la collaboration du personnel de l'école, nous avons pu évaluer non seulement les compétences en français et en anglais des élèves du nouveau programme pour chaque année, mais aussi les compétences des élèves des classes des années antérieures, 30 en tout, qui faisaient toujours partie du programme moitié-moitié jusqu'à la fin de leur septième année, ce qui nous a permis d'avoir des données de comparaison d'une année à l'autre de la quatrième à la septième année. Quant au rendement en mathématiques, nous avons pu évaluer celui des 36 élèves du nouveau programme intensifié de la sixième et de la septième année, et le comparer à celui de 30 élèves du programme précédent aux mêmes niveaux.
Qu'est-ce que nous avons appris à la fin de ces cinq années de comparaison, niveau par niveau, des groupes des deux programmes? En ce qui concerne le premier objectif du programme intensifié d'immersion précoce à 75 p. 100, soit une meilleure maîtrise du français, nous avons constaté que les élèves du programme intensifié avaient de meilleurs résultats que ceux du programme d'immersion à 50 p. 100 en français. C'était particulièrement le cas pour les évaluations de l'expression écrite et descriptive menées par les enseignants pour tous les niveaux.
En ce qui concerne le deuxième objectif du programme intensifié, à savoir ne pas nuire aux compétences en anglais, nous n'avons découvert aucune différence de rendement entre les élèves du programme à 50 p. 100 en français et ceux du programme à 75 p. 100 en français, sauf pour ce qui est des compétences en lecture en anglais. À ce chapitre, les élèves dont l'enseignement était donné à 50 p. 100 en anglais, y compris pour les mathématiques, avaient des résultats légèrement meilleurs que ceux dont l'enseignement se faisait à 25 p. 100 en anglais.
Il faut toutefois noter que, malgré cette différence, les deux groupes se classaient parmi les meilleurs de la province suivant les tests de connaissance provinciaux administrés en septième année.
La présidente : Monsieur Reeder, puis-je vous demander de conclure brièvement?
M. Reeder : Je vais seulement vous parler du troisième objectif après quoi je pourrai conclure.
Quant au troisième objectif, soit un rendement équivalent en mathématiques, le groupe du programme intensifié qui a continué à apprendre les mathématiques en français a obtenu de bien meilleurs résultats que le groupe qui a appris les mathématiques en anglais, soit en langue maternelle, au test de rendement en mathématiques de Stanford passé en anglais.
L'avantage était évident pour chacune des facettes du test. Par conséquent, à la fin de l'expérience de quatre ans et d'un millier d'heures d'enseignement supplémentaire en langue seconde, non seulement l'objectif de ne pas nuire a-t-il été atteint, mais il semblerait qu'il s'agisse d'un avantage considérable, même lors d'une évaluation faite au moyen d'un test en anglais.
En guise de conclusion, je vous dirais que l'on ne peut pas se contenter de demi-mesures si l'on souhaite obtenir tous les avantages clairement établis d'un programme d'immersion en français. Un certain niveau d'intensité semble vouloir s'imposer pour pouvoir profiter pleinement de tous les avantages associés au bilinguisme véritable de nos élèves.
Merci beaucoup. Je suis désolé d'avoir pris trop de temps.
La sénatrice Gagné : Merci beaucoup pour vos excellents exposés.
[Français]
J'ai été rectrice d'une université. J'ai un peu sursauté, monsieur Andrew, quand vous avez mentionné que vous espériez qu'on puisse quand même transmettre le message qu'il serait important que UBC puisse établir une politique. En tant qu'ancienne rectrice, on aimait moins que le gouvernement canadien ou d'autres personnes nous disent quoi faire.
Il reste que tout le concept d'avoir des infrastructures, ou une organisation ou un environnement francophone au sein d'une université est extrêmement important. Cela permettrait aux étudiants de suivre d'autres cours que le français, d'autres matières enseignées en français, et de leur offrir un environnement qui leur permet de converser et de socialiser, et d'avoir une vie étudiante favorisant leur développement en français, une langue additionnelle.
Dans les recommandations que le comité aura à faire au gouvernement canadien, comment aimeriez-vous que l'on formule votre recommandation, à part de dire à UBC qu'elle devrait offrir cet environnement? Quel message serait-on en mesure de leur transmettre, d'une façon qui serait peut-être plus alléchante pour eux?
M. Andrew : Je pense qu'une solution indirecte, mais qui pourrait être très profitable, serait d'inviter UBC à faire partie de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Pourquoi n'en faites-vous pas partie? Et UBC devrait pouvoir répondre à cette question. Cela pourrait être le début d'une conversation.
Ensuite, je dois dire qu'on a un nombre assez élevé de francophones, sur le campus, qui étudient en anglais. On a beaucoup d'étudiants qui sont parfaitement bilingues sur le campus, entre autres, des Québécois et des Français, qui viennent surtout au niveau des études supérieures. Ce n'est pas qu'on a un manque de francophones, c'est juste qu'on a un manque de structure.
Donc, poser la question serait le point de départ. Et puis on a fait ces propositions, qu'est-ce qui empêche l'université de dire oui? J'étais avec M. Lamontagne lorsqu'on a rencontré le recteur à une réception. André lui a demandé pourquoi il n'a pas répondu à sa demande qui remontait à deux ans. Il a répondu qu'il étudiait la question. Pour cette personne, ce n'était définitivement pas une priorité. Il est évident qu'UBC a un campus où environ 55 p. 100 des étudiants sont d'origine asiatique, ce qui est énorme. On ne peut pas vraiment parler de bilinguisme, parce que tout le monde à la cafétéria parle une autre langue que l'anglais.
Le problème du bilinguisme n'a pas la même sensibilité à UBC qu'ailleurs. Par contre, il faudrait vraiment faire comprendre qu'il y a une réalité francophone au Canada et qu'il y a même une réalité canadienne à UBC. À plusieurs reprises, j'ai reproché au président Toope de ne jamais utiliser le mot « canadien » dans ses discours. Il ne parlait que de globalisation. On veut se comparer aux grandes universités américaines, on parle quelquefois de Toronto ou de McGill, mais jamais des établissements francophones au Québec.
Donc, poser ces questions serait sans doute le point de départ. La recommandation, vous l'avez dans vos dossiers, donc vous savez exactement de quoi on parle. On cherche un appui moral et non un appui financier.
Mme Wernicke : Je suis arrivée dans ce poste tout récemment, et je gère plusieurs programmes français à la faculté d'éducation. Je suis aussi en contact avec les gens à la faculté des arts. Il me semble que quand j'ai écouté la présentation du BAFF, il y avait une collaboration dans les programmes de SFU. D'ailleurs, c'est quelque chose qui nous manque à UBC, c'est-à-dire d'avoir un centre qui s'occupe de la promotion de tous les programmes. Il manque aussi un soutien financier, peut-être pas une volonté, mais je crois que les gens seraient prêts à travailler ensemble. Mais c'est vraiment ce qui nous manque, ce type de collaboration au niveau institutionnel pour mieux gérer les programmes et faire la promotion. Je trouve que les gens communiquent avec nous pour nous dire : « OK, le BAFF nous a présenté quelque chose. Pouvez-vous venir? » Et là, je cours dans tous les coins de la province pour faire la même chose. Mais on n'a vraiment pas les mêmes ressources à UBC.
La présidente : Madame Carr, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Carr : Je pense que mes collègues ont bien répondu. J'ai d'autres perspectives par rapport à la formation, mais du point de vue institutionnel, je pense qu'ils ont bien expliqué ce dont on a besoin.
La sénatrice Gagné : À toutes fins utiles, vous avez quand même besoin d'une volonté de la part de l'université de vous donner cet espace pour pouvoir collaborer. C'est ce que je comprends?
M. Andrew : Absolument.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : J'ai deux questions, une en anglais et l'autre en français.
Monsieur Reeder, vous avez parlé dans votre exposé de la recherche et j'aimerais avoir une précision à ce sujet. Que nous indiquent les recherches menées récemment au sujet de l'apprentissage du français langue seconde? À votre avis, est-ce que les élèves présentant des difficultés d'apprentissage devraient être encouragés à s'inscrire à des programmes de langue seconde comme l'immersion et pour quelles raisons? Même question pour les jeunes immigrants.
M. Reeder : Je vais essayer de vous répondre brièvement, mais c'est sans doute ma collègue, Mme Bournot-Trites, qui est la mieux placée pour vous renseigner à ce sujet.
À partir du moment où les programmes d'immersion en français ont été offerts au Canada, la question des élèves ayant des besoins spéciaux n'a pas tardé à se poser. Des études approfondies ont d'ailleurs été menées à ce sujet dans le contexte canadien. Il en est ressorti très clairement qu'il ne servait tout simplement à rien pour un élève d'être inscrit à un programme unilingue pour obtenir les mêmes avantages.
Quant à savoir si des élèves maîtrisant d'autres langues que nos deux langues officielles devraient s'inscrire à des programmes comme l'immersion française, les résultats de ces programmes nous permettent de répondre très facilement à cette question.
Lorsque Mme Bournot-Trites et moi-même avons mené cette étude au milieu des années 1990, il n'y avait peut-être que 4 p. 100 d'élèves participant au programme d'immersion en français qui parlaient une langue autre que l'anglais ou le français. Cette proportion se rapproche sans doute maintenant des 30 à 40 p. 100, et ces élèves réussissent très bien. Mme Bournot-Trites pourrait certainement nous en dire plus long du point de vue scientifique.
Mme Bournot-Trites : Le bilinguisme peut constituer un avantage important pour les élèves aux prises avec des difficultés d'apprentissage. J'en ai eu moi-même la preuve à l'époque où j'enseignais dans une école d'immersion française. Une des élèves était aux prises avec d'importantes déficiences. Elle voulait demeurer dans le programme d'immersion française. Ses parents souhaitaient la même chose, mais il y avait 18 spécialistes autour de la table qui disaient aux parents qu'elle ne devrait pas demeurer dans ce programme, que sa place était dans les programmes en anglais.
Les parents se sont opposés à cette décision. Ils ont dit : « Il est possible que notre fille ne puisse jamais travailler, mais elle connaîtra le français et sera fière de pouvoir le parler. Elle pourra peut-être rencontrer des gens âgés et discuter avec eux en français, ce qui lui donnera un but dans la vie. » À mon sens, vous ne pouvez pas avoir de meilleur exemple des avantages du bilinguisme pour une personne ayant des difficultés d'apprentissage.
Pour ce qui est des immigrants, c'est un sujet qui m'intéresse depuis quelques années déjà. Nous avons pu constater que l'on conseille aux immigrants de ne pas se diriger d'abord vers l'immersion française, mais de se concentrer plutôt sur l'apprentissage de l'anglais, en leur faisant valoir qu'ils pourront toujours revenir à l'immersion française par la suite. Les immigrants se sentent rejetés, car ils veulent apprendre le français. Ils sont venus s'installer ici en se disant que le Canada est un pays bilingue et qu'ils pourront apprendre le français s'ils le désirent, mais les dirigeants et le personnel des écoles leur disent d'apprendre d'abord l'anglais.
Pour eux également, cela constituerait un avantage et ils seraient fiers de pouvoir parler français. Ce n'est pas en apprenant d'abord l'anglais qu'ils seront mieux à même d'apprendre ensuite le français.
Mme Carr : Vous parliez de recherche. J'ai moi aussi effectué des recherches dans les écoles de la Colombie-Britannique auprès d'enfants immigrants apprenant le français langue seconde. Les travaux de Callie Mady de l'Université de Nipissing à ce sujet sont d'ailleurs très concluants. Pour poursuivre dans le sens de ce que disait Monique concernant les différentes politiques en matière d'éducation dans les provinces canadiennes, il faut considérer les mythes qui sont véhiculés dans les écoles quant à la capacité des enfants immigrants d'apprendre une langue qui devient leur deuxième et même davantage dans la plupart des cas. Ils se retrouvent sur le même pied que les autres enfants qui doivent apprendre une langue seconde et bénéficient même de ressources additionnelles du fait qu'ils ont déjà dû apprendre l'anglais comme langue seconde.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie pour vos propos. Ma deuxième question concerne la clientèle francophone dans votre université.
À quoi ressemble cette clientèle? Est-elle principalement issue des écoles francophones, des écoles d'immersion ou d'autres programmes de français de langue seconde? Et quel est le taux de rétention des étudiants dans vos programmes offerts en français? Où se placent les étudiants après leurs études? Restent-ils dans la province? Travaillent-ils en français? Et quel est leur taux de placement sur le marché du travail?
Mme Bournot-Trites : Vous parlez de l'université?
Le sénateur McIntyre : Oui.
[Traduction]
Mme Bournot-Trites : Nous n'avons pas beaucoup de francophones à l'université. Ils ne constituent pas la majorité de nos étudiants, tant au baccalauréat qu'à la maîtrise.
Mme Wernicke : Ils comptent pour 25 p. 100 de la cohorte actuelle.
Mme Carr : Nous avons des francophones inscrits au programme de formation des enseignants. C'est un programme de deuxième cycle. Ils trouvent de l'emploi très facilement, comme tous les diplômés du programme d'enseignement du français.
Pour ce qui est de l'ensemble du campus de l'Université de la Colombie-Britannique, je ne sais pas quelle proportion des 60 000 étudiants sont francophones. Comme le disait Francis, bon nombre d'entre eux sont incognito en ce sens qu'ils suivent leurs cours en anglais.
Le sénateur McIntyre : Oui, nous parlons du profil de vos étudiants.
Mme Carr : Tout à fait.
Mme Wernicke : Dans la cohorte de cette année, 25 p. 100 des étudiants sont francophones et les trois quarts sont des candidats au brevet d'enseignement du français langue seconde.
Mme Carr : Le contingent complet est de 60. Nous offrons l'enseignement primaire et secondaire.
Mme Wernicke : Oui. J'ajouterais que notre programme de deux ans de maîtrise en éducation est offert en ligne et fonctionne très bien. Il comprend deux cours d'été à suivre sur place à Montréal. C'est un programme pancanadien assorti de séances web. Les communications en temps réel ont lieu les samedis. Nous avons des étudiants de différentes régions du Canada. Je dirais que la proportion est variable d'une cohorte à l'autre; nous avions sans doute un tiers de francophones dans la quatrième cohorte, par exemple.
Mme Bournot-Trites : Oui, mais ils sont francophones lorsqu'ils s'adressent à vous, mais leur préférence passe soudain à l'anglais lorsqu'ils doivent rédiger leurs travaux. Je ne sais pas quelle est votre définition exacte de francophone, mais ils sont en quelque sorte perdus entre les deux langues. Il est très difficile de vraiment pouvoir dire qui est francophone et qui ne l'est pas. C'est pourquoi je ne sais pas trop comment répondre à cette question.
[Français]
La présidente : Est-ce que le cours est offert en français?
Mme Bournot-Trites : Les cours sont offerts en français, mais on n'oblige pas les étudiants à écrire leur dissertation en français. Ils peuvent écrire dans la langue de leur choix.
La présidente : Est-ce que c'est une politique de l'université?
Mme Bournot-Trites : C'est une politique qu'on a décidé de mettre en œuvre pour nos programmes. Ce n'est pas une politique de l'université, mais c'est pour donner le choix. On est un pays bilingue et tant que les instructeurs comprennent le français et l'anglais, on veut que les étudiants écrivent dans leur meilleure langue pour pouvoir montrer leurs connaissances, ce qu'ils ont appris. S'ils écrivent dans leur langue la plus faible, peut-être qu'on mesurera leurs compétences plutôt que leurs connaissances du contenu.
Mme Wernicke : Je crois que c'est la même pratique à SFU, en fait, dans le programme.
Une autre chose qui rend les études un peu plus compliquées, c'est que la recherche est souvent publiée en anglais, parce qu'on parle du contexte nord-américain. Donc, plusieurs des recherches qu'on regarde sont publiées seulement en anglais. Donc, on fait toujours une sorte de traduction entre le français et l'anglais dans ces programmes.
La présidente : L'université offre-t-elle des cours de méthodologie en langue française?
Mme Carr : On a plusieurs cours de méthodologie. Pour la cohorte française, le cours est offert en français. Donc, il y a deux exemples de cela. Pour la plupart de nos étudiants, c'est offert en anglais et en français. Donc, la partie pour démontrer comment enseigner est offerte et montrée en français. Pour expliquer la pédagogie, cette partie est souvent faite en anglais. Cela s'applique aux 300 élèves qui suivent les cours réguliers en anglais.
Le sénateur McIntyre : Pour terminer la deuxième partie de ma question, en ce qui concerne la clientèle francophone de votre université, savez-vous si elle demeure dans la province? Est-ce que les diplômés travaillent en français?
Mme Carr : Du point de vue du programme de formation, oui. La plupart sont instantanément engagés par le Conseil scolaire francophone dans les écoles d'immersion, et la plupart restent ici dans la province.
Une des questions universelles à propos de l'immersion, un des atouts du programme c'est que cela offre beaucoup de choix aux diplômés. Ils comprennent qu'on peut travailler n'importe où. Bon nombre de nos diplômés du programme du baccalauréat en éducation enseignent ailleurs dans le monde.
Donc, pour les francophones qui font partie de ce groupe, je peux affirmer qu'il y a beaucoup de demandes pour ces professeurs. Ils sont embauchés rapidement.
M. Andrew : Pour répondre à votre question plus globalement à l'extérieur des cours de la faculté d'éducation, il y a quand même pas mal, peut-être 200, 300 francophones invisibles sur le campus qui sont dans d'autres programmes et, globalement, quand vous pensez à ceux-là, bon nombre d'entre eux viennent de la francophonie extérieure du Canada. Il y a des Français, des Belges, des Mauriciens, des Africains. Et en plus de ces étudiants qui sont Canadiens ou nouveaux immigrants, on accueille chaque année des étudiants internationaux qui viennent faire un semestre à UBC. Et là encore, en ce moment, il y a beaucoup d'Européens et de Français. Ces derniers ont envie de quitter leur pays, parce que cela ne va pas si bien chez eux.
Dans le cadre de notre programme qui s'appelle Explore, j'engage des moniteurs, ce qui me donne l'occasion de rencontrer de nombreux francophones sur le campus. Ils sont très à l'aise en anglais. À moins de leur demander s'ils parlent français, vous ne les reconnaîtriez pas sur le campus. C'est donc une richesse qu'on a. Ces gens sont venus pour étudier en anglais. Ils ne cherchent pas à se retrouver nécessairement en tant que francophones, mais c'est une ressource que nous utilisons dans notre programme Explore.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Merci à tous pour vos exposés. Vous nous avez certes donné amplement matière à réflexion.
Il y a une expression que j'entends depuis quelques jours et que M. Reeder pourrait peut-être m'expliquer. Il y a des gens qui nous disent qu'ils souhaitent voir les élèves acquérir une connaissance fonctionnelle du français, ce qui fait grimper ma tension artérielle. À quoi bon consacrer 10 ou 12 ans à ces programmes si c'est pour en arriver à une connaissance fonctionnelle? C'est peut-être parce que je ne sais pas ce qu'on veut dire en parlant d'une connaissance fonctionnelle du français. Il est possible que ce soit mon problème. Peut-être pourriez-vous nous expliquer ce qu'on entend par là.
M. Reeder : J'ai bien peur de devoir me tourner vers un ou une de mes collègues. C'est ce qui arrive lorsque vous avez le titre de professeur émérite. J'ai toujours une année de recul dans mon analyse des choses.
La sénatrice Jaffer : Vous avez vous-même utilisé cette expression.
M. Reeder : Je suis vraiment désolé, sénatrice Jaffer, pour vos problèmes de tension artérielle. Je ressens un peu les mêmes symptômes, mais c'est davantage en raison du manque d'ambition de plusieurs programmes d'immersion française qui perpétuent certains des mythes que mes collègues ont portés à votre attention aujourd'hui. J'ai l'impression que nous devrions être beaucoup plus ambitieux pour ce qui est de l'accès aux programmes en français.
Je suis tout à fait favorable aux recommandations du rapport quant à l'intensification des programmes d'immersion en français de manière à ce que ceux-ci aillent bien au-delà d'un objectif qui manquerait d'ambition, ce qui me semble être le cas lorsque les gens parlent d'une connaissance fonctionnelle.
Tout cela pour vous dire que je n'ai aucune définition scientifique ou de la sorte à vous donner pour ce concept de connaissance fonctionnelle. D'un point de vue stratégique, je crois tout de même que nous pourrions faire mieux. Il nous faut viser plus haut de manière à favoriser l'accès aux avantages bien établis qu'offre le bilinguisme. Soit dit en passant, il s'agit de recherches menées au Canada. Les travaux les plus importants en matière de multilinguisme et de bilinguisme ont été effectués ici même au pays. Je ne sais pas s'il existe une définition scientifique de cette connaissance fonctionnelle dont nous parlons.
Mme Wernicke : Cela nous amène pour ainsi dire à repenser complètement notre perception actuelle des connaissances linguistiques. Il ne s'agit pas tant de savoir à quel point notre connaissance d'une langue est poussée, mais de plutôt voir dans quelle mesure nous sommes capables de l'utiliser. Avoir une connaissance fonctionnelle d'une langue, c'est en fait être capable de l'utiliser au quotidien.
Le Cadre européen commun de référence pour les langues comporte des indicateurs répartis sur six niveaux distincts. Je ne peux pas vous donner une réponse précise, car le tout varie d'une langue à l'autre, mais peut-être pourrions-nous situer cette capacité fonctionnelle quelque part entre les niveaux A et B.
C'est une question très importante. Cela montre bien qu'il est nécessaire pour nous d'envisager la possibilité d'établir un cadre semblable pour le Canada et de réfléchir à la façon dont un pays aussi grand que le nôtre avec ses deux langues officielles pourrait utiliser un tel cadre. Nous devons discuter de la manière dont nous nous servons de nos langues officielles et de l'importance que ces questions peuvent revêtir dans les différentes régions du Canada.
La sénatrice Jaffer : Monsieur Andrew, vous avez parlé de l'Université de la Colombie-Britannique et de la faculté distincte. Vous avez maintenant un nouveau président. Ce sera un sujet de discussion pour les députés et les sénateurs lorsqu'il viendra nous rencontrer. Je vais certes soulever la question avec lui. Nous recevons le président de temps à autre.
J'aimerais ajouter quelque chose concernant cette notion de connaissance fonctionnelle. J'ai presque confronté mon fils en lui disant que nous ne devrions pas garder mon petit-fils dans le programme d'immersion s'il ne peut pas en tirer plus qu'une connaissance fonctionnelle de la langue. C'est une situation qui me préoccupe beaucoup. Je ne veux pas que l'on se contente de cela, et je vais faire le nécessaire à cette fin. Par ailleurs, je voudrais que nous fassions montre de prudence en utilisant le terme immigrant compte tenu des différentes perceptions qui y sont associées.
Vancouver est en train de changer. J'essaie sans cesse de faire comprendre aux gens qu'une personne ayant le teint un peu plus foncé n'est pas nécessairement toujours un immigrant. Cette façon de catégoriser les gens m'inquiète. Je ne dis pas que c'est votre cas. C'est tout à fait le contraire, mais je m'inquiète vraiment de ce qui peut arriver lorsque nous déterminons ainsi qui est un immigrant et qui ne l'est pas. Je vais vous donner un exemple.
À sa première journée d'école, mon fils a été classé parmi les immigrants. Je vous fais grâce de la réaction qu'il a eue à ce moment-là. Ce n'était pas très agréable, car il n'était pas immigrant. Il est né au Canada. Il parlait l'anglais, mais on l'avait dirigé vers un cours d'anglais langue seconde, ce que je n'ai appris que plusieurs mois plus tard.
Je dis simplement qu'il faut faire bien attention avant de conclure que quelqu'un est immigrant. Je m'emploie surtout dans ma province à faire comprendre aux gens qu'ils ne doivent pas conclure que quelqu'un qui a le teint un peu plus foncé parle nécessairement une autre langue et ne veut pas apprendre le français. Ce n'est pas la réalité.
Nous devons définir ce que nous entendons par immigrant. Ce ne sont pas tous les enfants au teint basané qui se présentent à l'école qui sont des immigrants. Nous devons tous conjuguer nos efforts, car nous voulons que le Canada demeure un pays bilingue. C'est ce que je crois au plus profond de moi-même. Il faut déterminer qui est Canadien et comment nous pouvons faire progresser nos deux langues. Je fais appel à votre perspicacité quant aux mesures à prendre à cette fin.
Mme Carr : Je crois que Monique en a traité en parlant des constats qu'elle a pu faire au sujet des élèves dont la langue maternelle n'était ni l'anglais ni le français. Leurs familles souhaitent que ces enfants acquièrent une maîtrise de nos deux langues officielles supérieure à celles des enfants qui ne sont pas nés au Canada. C'est l'un des éléments à considérer.
Nous sommes tous des spécialistes de la formation linguistique et nous n'utilisons pas cette expression. Je crois que nous l'avons reprise parce qu'elle était formulée dans la question. Ils apprennent l'anglais ou le français pour ajouter une langue à leur répertoire. Le statut officiel dont jouissent l'anglais et le français a une grande valeur à leurs yeux. Peu importe si une personne ou sa famille est née au Canada ou non, c'est l'un des éléments importants qui fait en sorte que l'on est Canadien.
Nous n'utilisons généralement pas cette expression. Nous nous en tenons à leur cheminement dans l'apprentissage d'une langue.
La sénatrice Jaffer : Cette semaine, certains de mes collègues et moi-même avons trouvé très évocateur le cas de ce garçon chinois qui parle chinois à la maison, étudie en immersion française et parle anglais avec ses amis. Il est Canadien et veut apprendre le français.
Vous devez agir comme chefs de file au sein du milieu de l'éducation pour que les gens cessent de penser que le simple fait qu'une personne est différente signifie qu'elle ne veut pas apprendre la langue ou qu'elle ne veut pas être bilingue. J'ai besoin de votre aide. Nous devons travailler ensemble.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bienvenue, mesdames, messieurs. Je suis toujours impressionné de voir d'éminents professeurs d'une si grande université, reconnue à l'échelle pancanadienne. Vous avez un problème avec votre président qui ne sait pas s'il est Canadien, mais demandez-lui donc ce qui est inscrit sur son passeport. Cela pourrait le rappeler à l'ordre.
J'ai fait avancer la petite pancarte. Regardez ce qui y est écrit, en français et en anglais. Comme vous le voyez, le mot « langues » est au pluriel, « officielles » est au pluriel également. Mon pays, le Canada, a été fondé par mes ancêtres, et bien sûr par les Britanniques, après la Conquête. Le gouvernement canadien a reconnu qu'il y avait deux langues officielles. Il n'y a pas de langue seconde dans mon pays. Il n'y a que de tierces langues. S'il vous plaît, enlevez de votre vocabulaire les mots « langue seconde » lorsque vous parlez du français. C'est choquant pour les francophones.
Si je vous disais, moi, qu'au Québec, l'anglais est une langue seconde, je me ferais scalper sur la place publique. Nous disons aux Anglais qu'ils parlent l'autre langue officielle. Donc ici, le français est une langue officielle; il n'est pas sur le même pied que l'italien, l'espagnol, le mandarin, l'hébreu ou n'importe quelle autre langue. Il est une langue officielle de notre pays. Tant et aussi longtemps que ce sera le cas, ce sera une langue officielle.
M. Andrew : Venez le dire à notre président.
Le sénateur Maltais : Si j'en avais l'occasion, je le lui dirais instantanément, et dans les deux langues officielles.
M. Andrew : Et en japonais pour qu'il comprenne.
Le sénateur Maltais : Non. Pas le japonais. Il doit utiliser les deux langues officielles. Le japonais, pour moi, est une tierce langue.
Ma question concerne les échanges. Votre université a-t-elle, dans la section francophone, des échanges avec les universités francophones canadiennes?
M. Andrew : Absolument, de ce côté, au niveau des échanges internationaux, UBC est vraiment exceptionnel. Bon nombre de nos étudiants vont, par exemple, suivre des cours en science politique à Paris. Dans le cadre du programme qui s'appelle Go Global, tous les étudiants du baccalauréat sont fortement encouragés à passer au moins un semestre à l'extérieur.
Le sénateur Maltais : Excusez-moi, monsieur Andrew. J'ai dit « des échanges pancanadiens ». L'Europe, on y reviendra.
M. Andrew : OK. Donc là, effectivement...
Le sénateur Maltais : Nous sommes au Canada, n'oubliez pas.
M. Andrew : C'est un problème qui a été reconnu par UBC qu'il n'y a pas suffisamment d'échanges entre l'Est et l'Ouest, et particulièrement entre le Québec et la Colombie-Britannique. Nos étudiants vont choisir l'Europe avant le Québec quand il s'agit d'aller poursuivre des études en français.
Le seul programme qui se porte très bien est le programme Explore où les étudiants passent cinq semaines au Québec durant l'été. Cela n'est pas un problème. On ne manque pas d'étudiants de la Colombie-Britannique qui veulent aller au Québec. Tous les ans, nous avons de 200 à 300 étudiants. Mais une année complète au Québec, à Laval ou ailleurs... Les programmes ne se comparent pas exactement. Ce n'est donc pas très fréquent.
Le sénateur Maltais : Je parle aussi des universités de Toronto, de Moncton, de l'Université Queen's, de Calgary.
M. Andrew : C'est un peu le même problème. Cela existe, mais je pense que l'intérêt est beaucoup plus international.
Mme Bournot-Trites : Dans le cadre de notre maîtrise en français, on s'organise pour envoyer les étudiants durant deux étés. Ils sont à l'Université du Québec à Montréal. Et l'idée est de développer leurs compétences interculturelles. Il s'agit d'apprendre plus, d'amasser des ressources en français, de vivre en français. Ce n'est pas juste de suivre des cours. Ils participent aux festivals et tout cela. Et c'est très important, parce que quand ils reviennent, ils ont acquis une expérience culturelle francophone. Et c'est ce qui importe le plus. On ne peut pas tout connaître de la culture. D'ailleurs, qu'est-ce que la culture? C'est ce qu'on a appris à connaître, c'est l'expérience qu'on a acquise. Donc à leur retour, ils sont sûrs qu'ils ont vécu une expérience culturelle francophone et ils la partagent avec leurs élèves. Ils sont plus authentiques. Ils sont plus passionnés. Et cela se voit par la suite dans leur classe.
Le sénateur Maltais : L'an prochain, on fêtera le 150e anniversaire de notre pays. Profitez-en donc pour demander à Patrimoine canadien des fonds supplémentaires pour faire connaître la langue française à l'intérieur du Canada, dans des échanges plus que normaux. Si vous envoyez 100 étudiants par été, peut-être que lors du 150e, vous pourriez en envoyer 300.
Vous avez les provinces de l'Atlantique qui sont en mesure d'accueillir bien des jeunes, le Québec, l'Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Alberta. Et non seulement ils vont découvrir qu'il y a un autre monde dans notre pays, mais qu'il y a une autre langue officielle, et qu'elle est présente dans toutes ces provinces. C'est non seulement la langue, mais c'est également la culture et la façon de vivre.
La présidente : Je voudrais savoir si vous avez des programmes de formation continue pour les enseignants.
Mme Wernicke : On a la maîtrise en éducation en français pour les enseignants qui travaillent. C'est un programme partiel qui est offert en ligne. Donc, tous les enseignants dans ce programme travaillent en même temps et on insiste sur un lien entre la pratique et le contenu de nos cours.
Mme Bournot-Trites : Nous avons aussi mis en place un cours qui s'appelle Gramligne. On avait remarqué que les enseignants parlaient couramment, mais qu'ils avaient des problèmes avec l'enseignement de la grammaire. Ils constataient les erreurs de grammaire, mais ils ne savaient pas les corriger ou les expliquer.
On a mis en place un cours qui s'appelle Gramligne, qui est offert en ligne pendant l'été. Peu d'enseignants viennent suivre ce cours et je pense que c'est parce que, d'abord, il faut qu'ils paient. Ils se demandent pourquoi ils devraient payer alors que leur commission scolaire ne leur dit rien. C'est leur commission scolaire qui les embauche. Donc, ils doivent être assez bien qualifiés pour enseigner. Ils ne ressentent pas le besoin de s'améliorer davantage.
Mais les outils sont là. Quand on a travaillé avec SFU, on a opté pour que les cours offerts à UBC soient plus orientés vers la grammaire, mais ce n'est pas un cours de grammaire. C'est vraiment un cours qui met l'accent sur la rédaction de différents types de textes, de différents discours. Si on fait une description des outils dont on a besoin... Il était entendu que SFU offrirait le cours oralement. Ainsi, nos étudiants pouvaient se déplacer d'une place à l'autre et on travaillait ensemble.
C'est l'un des cours qui ont été offerts. Et durant l'été, on offre souvent des cours aux enseignants qui sont déjà sur place, soit ceux qui font le B.Ed., qui suivent des cours optionnels. Aussi, les enseignants qui sont sur place viennent se joindre à nos étudiants aussi.
La présidente : Avez-vous fait des demandes auprès du gouvernement fédéral pour financer certains programmes à UBC?
M. Andrew : On a des bourses pour les programmes d'été et avec la nouvelle politique du ministère de l'Éducation, cela s'appliquera probablement aussi aux cours qui sont offerts pendant le reste de l'année. Par contre, à l'éducation permanente, c'est un peu différent de ce que fait la faculté d'éducation. On a des cours qui sont purement des cours de langues et on a des enseignants dans ces programmes qui viennent étudier ou améliorer leur français.
À une certaine époque, le gouvernement fédéral était beaucoup plus généreux, c'est-à-dire avec l'ancien gouvernement Trudeau. On enseignait sur place le français aux enseignants dans les commissions scolaires. Donc, dans une école centrale, à Surrey, ou à Langley ou ailleurs, les enseignants qui le voulaient se réunissaient à 17 heures où ils rencontraient un professeur qui les aidait à améliorer leurs compétences linguistiques. Je crois que certaines commissions scolaires le font encore, mais UBC ne le fait plus.
La présidente : Comme il n'y a pas d'autres questions de la part des sénateurs, je tiens à vous remercier très sincèrement pour vos excellents exposés. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous présenter vos recherches et vos projets et, bien sûr, de nous avoir fait part de vos préoccupations. Nous espérons que votre voix sera entendue à l'intérieur de votre université. Et bien sûr, dès que nous le pourrons, nous nous pencherons sur les préoccupations que vous avez émises aujourd'hui.
M. Andrew : Nous vous remercions infiniment de nous avoir écoutés.
La présidente : Nous reprenons avec notre troisième groupe de l'après-midi. Avons-nous gardé le dessert pour la fin?
Nous recevons le Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique. Bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir ici cet après-midi. Nous recevons donc la présidente, Mme Sophie Brassard, le directeur général, M. Rémi Marien, ainsi que M. Noah Rondeau, représentant des 19 à 25 ans au conseil d'administration.
Nous avons bien hâte de vous entendre. Madame Brassard, vous allez commencer? Les sénateurs vous poseront des questions à la suite de votre présentation.
Sophie Brassard, présidente, Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique : Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, dans les prochaines minutes, je vais vous parler de mon expérience en tant que francophone née en Colombie-Britannique et des circonstances qui font que je suis capable de m'exprimer devant vous en français aujourd'hui.
Je suis née à New Westminster et j'ai toujours vécu dans les banlieues près de Vancouver avec mes deux frères, ma sœur et mes parents. Mes parents sont originaires de la région du Saguenay, au Québec, et j'ai grandi dans une maison où la seule langue parlée était le français.
Mes parents ont fait un choix conscient que la radio de Radio-Canada soit toujours en train de jouer chez nous à l'heure du déjeuner, et que le soir, le son des nouvelles en français soit toujours en arrière-plan. Malgré cet effort constant de nous exposer au français à la maison, nous avons très vite appris l'anglais, à la garderie et dans notre voisinage. Mes frères, mes sœurs et moi sommes tous allés à l'école des Pionniers-de-Maillardville, une école francophone qui fait partie du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique. Nous sommes chanceux d'avoir reçu une éducation en français, parce que ce n'est pas tout le monde dans notre province qui vit dans une région où ceci est accessible.
J'ai deux cousins qui ont grandi à Oliver, une petite ville dans la vallée de l'Okanagan, et qui avaient deux parents québécois, comme les miens, mais qui n'ont pas pu aller à l'école en français, parce qu'il n'y en avait pas dans leur ville, ou même dans les environs. Ils sont maintenant dans la trentaine, ils ne parlent pratiquement jamais le français, même avec leurs parents. Ceci démontre que l'isolement des francophones en région peut mener à la perte d'une langue maternelle et qu'il est crucial d'offrir des services pour les francophones ne vivant pas en région métropolitaine.
J'ai apprécié mon éducation en français à l'école des Pionniers, mais je suis une des rares personnes qui soient restées jusqu'à la collation des grades, en 12e année. Chaque année, certaines de mes amies partaient pour aller dans des écoles secondaires plus grandes. Les raisons pour ce décrochage étaient variées, mais c'était souvent par rapport au manque de choix de cours, au manque de programmes sportifs ou artistiques.
C'est un cercle vicieux, parce que lorsque certaines personnes quittaient notre école, de plus en plus de jeunes les suivaient, parce qu'il y avait de moins en moins d'élèves et l'aspect social devenait moins intéressant. Voilà l'importance d'avoir une qualité d'éducation égale aux autres écoles des alentours. Nous avions parfois l'impression que notre culture n'était pas vraiment valorisée. Plusieurs de nos professeurs n'envoyaient même pas leurs enfants à notre école.
Quand j'ai atteint la 9e année, j'ai commencé à m'impliquer dans les activités du Conseil jeunesse francophone, comme le Parlement jeunesse francophone et les Jeux francophones de la Colombie-Britannique. J'ai adoré ces événements immédiatement. Et ils m'ont vraiment rapprochée de ma culture, de ma langue et de pleins d'autres francophones et francophiles de mon âge, à travers la province.
Le support des professeurs par rapport au Conseil jeunesse était souvent mixte. La plupart encourageaient notre participation à ces événements, mais plusieurs ne savaient pas ce que c'était ou n'aimaient pas le fait qu'il fallait parfois manquer une journée d'école pour participer aux événements.
Je trouve qu'il est important qu'il y ait des liens forts entre les écoles et la communauté francophone pour que l'apprentissage du français se fasse aussi à l'extérieur de la classe. J'aimerais voir une plus grande solidarité entre les francophones pour sentir une fierté collective de notre langue, et pour agrandir le sens d'appartenance des jeunes à leur communauté.
Un autre élément qui contribuait au découragement des jeunes à continuer au secondaire en français était le manque d'opportunités dans cette langue par après. Il y a si peu de choix de programmes en français, ici, en Colombie-Britannique, que presque personne n'envisage de pouvoir étudier ce qui les intéresse en français. Et s'ils veulent étudier en français quand même, ils peuvent déménager à Ottawa, à Moncton et à Montréal, mais seulement s'ils ont la capacité financière de le faire. Je sais que dans ma famille, ce n'était pas une possibilité.
Donc, que faire si tu n'as pas les moyens de faire tes études en français? Travailler en français. Cela n'était pas dans mon champ de vision quand j'étais au secondaire. Je n'étais pas au courant des métiers possibles dans ma langue. Avoir des amis qui parlaient français ou une vie amoureuse en français, pour moi, mes frères et sœur, la seule façon d'avoir ces choses était de déménager à Montréal, chose que nous avons tous les quatre voulu faire. Nous n'étions pas capables d'envisager une vie en français ici.
Une des grandes raisons pour laquelle je parle encore français et que c'est une partie de ma vie aujourd'hui, c'est parce que j'ai choisi de m'impliquer dans la communauté francophone à travers le conseil d'administration du Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique. C'est grâce à cet organisme que je peux vivre une grande partie de ma vie dans ma langue maternelle depuis les dernières années. Car, comme la majorité des autres francophones ici, j'ai fait mon baccalauréat en anglais et mon métier se passe en anglais.
Plusieurs de mes amis ont découvert une fierté linguistique et une identité franco-colombienne à travers le Conseil jeunesse. Si tous les jeunes francophones et francophiles du CSF et des écoles d'immersion pouvaient avoir accès aux services du Conseil jeunesse, je crois que nous aurions une communauté incroyablement forte, fière et vivante. L'éducation en français serait facilitée parce que l'amour du français serait vivant chez tellement plus de jeunes.
Je m'estime très chanceuse d'avoir les occasions que j'ai eues ici, en Colombie-Britannique, et j'aimerais tellement que tous les autres jeunes aient accès aux mêmes choses.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui, et d'avoir pris le temps de m'écouter.
La présidente : Je vous remercie, Sophie.
Monsieur Marien?
Rémi Marien, directeur général, Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique : Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le visage de la francophonie en Colombie-Britannique est unique. Bien sûr, elle reflète une diversité culturelle apportée par une immigration qui est indispensable à son développement et à sa richesse. Mais sa vitalité repose également sur sa jeunesse. Des jeunes francophones nés à Victoria, Nelson, Vancouver ou Prince George, qui parlent français depuis le berceau, mais aussi des jeunes anglophones qui apprennent une langue, une culture et une histoire. Ces jeunes avancent avec des rêves et des promesses, que ce soit de vivre épanouis dans leur langue, d'être armés pour saisir les opportunités ou encore d'incarner une identité canadienne, celle d'être bilingue.
Si les institutions d'enseignement jouent un rôle fondamental dans l'éducation linguistique de nos jeunes, tout ne s'apprend pas sur les bancs de l'école. La construction identitaire passe par une adhésion à une communauté, un cercle social sécuritaire. L'apprentissage de compétences transversales se fait par la communication, le travail d'équipe ou l'engagement.
C'est pour cela qu'il y a 25 ans, les jeunes d'expression française en Colombie-Britannique se sont dotés d'un organisme à la gouvernance « par et pour les jeunes », le Conseil jeunesse, pour représenter leurs intérêts et créer cet espace communautaire et éducatif, si indispensable à leur développement.
C'est à travers des Parlements jeunesse, des forums, des Jeux francophones que les jeunes développent leur potentiel, se rencontrent, créent, réfléchissent ensemble, et ultimement, font et sont la communauté.
Devant cette volonté, ce besoin, se dressent beaucoup de défis. Le parcours d'un jeune d'expression française, de la naissance à l'âge adulte, n'est pas facile. Il faut savoir qu'en Colombie-Britannique, le découragement linguistique est très présent. Que ce soit le manque de valorisation de sa contribution à la société britanno-colombienne, de référents culturels auxquels il peut s'identifier, de programmes postsecondaires dont il a besoin pour travailler en français, d'infrastructures dans lesquels il peut se rassembler, voici des exemples de découragement linguistique.
C'est dans ce contexte qu'il est primordial de considérer l'espace communautaire comme lieu d'apprentissage, de construction, mais également comme zone de sécurité linguistique. Si nous voulons relever les défis de la rétention de nos jeunes au secondaire, il faut leur donner un environnement linguistique au sein duquel ils puissent s'épanouir en tant qu'adolescents, des activités parascolaires, des opportunités de rencontrer des amis, rire, ou encore tomber amoureux en français. C'est un tel environnement qui encourage les jeunes dans l'appropriation de leur langue, de leur accent et de leur identité. Il leur donne la perspective concrète de vivre en français.
Cependant, pour accomplir la mission du Conseil jeunesse, les jeunes manquent de moyens, humains et financiers. Notre mandat est provincial. Le territoire de la Colombie-Britannique est vaste, peuplé de beaucoup de communautés et nous n'avons qu'un bureau à Vancouver alors que des antennes seraient nécessaires à Victoria ou à Kelowna, par exemple. Particulièrement dans les régions éloignées, les jeunes souffrent d'un isolement linguistique et l'accès à des activités sociales est un besoin vital.
Nous desservons chaque année quelques centaines de membres alors que les jeunes ayant besoin de nos services se comptent par milliers. La Colombie-Britannique compte un des taux d'inscription dans les programmes d'immersion les plus importants au Canada. À la sortie du secondaire, ces dizaines de milliers de jeunes auront besoin d'espace et d'opportunités sociales afin de garder le français vivant dans leur vie. Ceci est indispensable pour que leur démarche vers l'apprentissage de l'autre langue officielle ait un sens.
Les jeunes ont la capacité d'innover, de créer des projets pour répondre à leurs besoins. La programmation du Conseil jeunesse en compte une vingtaine d'envergure provinciale. Cependant, ils ont besoin de fonds pour maintenir une capacité organisationnelle et inscrire leurs axes sur le long terme. Ce sont ces fonds structurants qui nous manquent aujourd'hui.
Pour finir, je souhaiterais vous remercier sincèrement de nous donner l'opportunité de nous exprimer aujourd'hui; les occasions sont rares pour les jeunes de faire entendre leur voix et votre invitation aux deux jeunes présents aujourd'hui témoigne de la considération que vous portez à leurs besoins et à leur éducation. Le Conseil jeunesse vous en remercie.
La présidente : Je vous remercie, monsieur Marien.
Noah, la parole est à vous.
Noah Rondeau, administrateur — 19-25, Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique : Bonjour. Je m'appelle Noah Rondeau et je suis l'administrateur 19-25 au sein du conseil d'administration du Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique.
De plus, je suis Franco-Colombien. Pour ceux qui ne le savent pas, il s'agit d'un francophone qui a grandi en Colombie-Britannique et qui est enraciné dans la communauté francophone de cette province. Mais je fais partie d'une génération d'enfants d'immigrants francophones, immigrés du Québec, de la France, des autres provinces, de la francophonie internationale, peu importe. C'est une génération qui perd sa culture et qui s'assimile en grand nombre dans le milieu où elle vit.
Si je vous adresse la parole aujourd'hui, c'est que je fais partie de la minorité des rescapés de ce processus. J'avais toutes les chances de me perdre dans cette assimilation, dans ce grand découragement du fait francophone perpétué par les institutions publiques de cette province. J'ai grandi à Victoria, fils d'un père francophone et d'une mère ontarienne anglophone. J'ai appris le français dans la petite enfance. Mais étant donné le milieu anglophone dans lequel j'ai grandi, il n'est pas surprenant que l'anglais soit rapidement devenu la langue de communication à la maison.
Quand je suis entré à l'école élémentaire, c'était en immersion française, pas dans un programme d'ayants droit. Mes parents n'étaient tout simplement pas au courant de l'existence d'écoles francophones. C'est d'ailleurs mon enseignante de première année, qui était québécoise, qui avait renseigné mes parents à ce sujet. Et pourtant, lors d'une réunion avec des représentants de l'école Victor-Brodeur, qui est l'école du Conseil scolaire francophone à Victoria, on nous a conseillé de rester en immersion à tel point que les ressources allouées par la province étaient supérieures dans ce domaine.
Je suis donc resté en immersion. J'ai appris la grammaire et l'orthographe. Mais ma langue est restée un exercice académique, sans lien culturel ou communautaire. En vérité, c'était ma participation hebdomadaire dans le programme des scouts francophones de la Colombie-Britannique qui m'a donné vraiment le minimum de contexte francophone dans ma vie.
Ce n'est qu'en 6e année que j'ai finalement intégré l'école Victor-Brodeur, après que la nouvelle école moderne ait été construite, et une fois que les ressources ont été débloquées. La population de l'école Victor-Brodeur a explosé après la construction de cette nouvelle école. Il y a une énorme demande chez les parents et chez les jeunes pour l'éducation en français. Et pourtant, au fil des années, presque la moitié de mes pairs ont été mutés à des établissements secondaires du système public. Les raisons pour ce départ sont souvent très simples. Pour certains, c'était la distance. J'ai des amis qui devaient se lever à 5 h du matin et faire deux heures de route rien que pour obtenir une éducation dans leur langue maternelle. Ce n'est pas surprenant qu'ils aient abandonné.
Je sais que si la province avait accordé des fonds nécessaires à un système de transport adéquat et à la construction d'écoles dans les communautés éloignées de la ville, un grand nombre de ces amis auraient pu continuer dans le système francophone. Et pourtant, ce n'est que la semaine dernière, après une poursuite judiciaire de six ans, que la Cour suprême a finalement jugé que le ministère de l'Éducation a bel et bien manqué à son devoir de fournir des ressources adéquates pour ces services.
Pour d'autres étudiants, l'école francophone ne pouvait tout simplement pas leur permettre une vie scolaire complète. Nous n'avions pas d'équipes de sport, nous n'avions pas vraiment de clubs parascolaires, nous n'avions pas vraiment de programmes d'enrichissement. L'école n'avait tout simplement pas les moyens. Par conséquent, nous n'avions pas une véritable vie sociale en français liée à l'école.
Certains ne voyaient tout simplement pas l'intérêt du français dans leur vie. Ils n'y voyaient que des barrières dressées et plusieurs quittaient l'école française, car ils avaient peur que, une fois rendus aux études postsecondaires anglophones — car bien sûr, il n'y a qu'un programme universitaire en français en Colombie-Britannique —, ils soient désavantagés. Ils se demandaient à quoi leur servait cet effort s'ils ne pouvaient pas vivre en français après.
Selon moi, il manquait de repères identitaires. Le français demeurait un concept académique, sans référent culturel. Le curriculum d'histoire, par exemple, ne parlait que de l'histoire du Québec et de la France. C'est très intéressant, oui, sur le plan académique, mais c'est quand même éloigné de ma réalité. Et pourtant, il y avait une époque durant laquelle 40 p. 100 de la population de cette province était francophone. Mais cela, on ne l'enseigne pas à l'école. Et je ne l'ai appris que l'an dernier.
Ce n'est que quand j'ai découvert les activités du Conseil jeunesse que j'ai véritablement senti le déclic, que j'ai réalisé la richesse de mon héritage et de ma communauté. Ces activités, les Parlements jeunesse, les Jeux francophones, les ateliers de leadership, ont su former mon identité comme francophone et comme citoyen. C'est à ce moment-là de ma vie que j'ai commencé à parler non pas du français, mais de ma francophonie. Et, pourtant, nos organismes communautaires sont eux aussi coincés par un manque de fonds. Les scouts francophones, auxquels je me rattachais dans ma jeunesse, subissent un revers. Au Conseil jeunesse, nous voudrions atteindre tous les jeunes francophones et francophiles pour qu'ils puissent trouver leur sentiment d'appartenance à la francophonie et à leur communauté. Mais, actuellement, nous sommes souvent forcés de refuser des inscriptions de jeunes par manque de ressources.
En pensant à mon vécu, je me questionne : comment ai-je réussi, moi, à garder vivante ma francophonie quand tant d'amis se sont découragés? En vérité, j'étais le candidat parfait. Je vivais en ville, il y avait un service de transport scolaire, et les infrastructures étaient neuves; j'ai plutôt une nature académique que sportive, j'ai été atteint par un organisme qui faisait la promotion d'activités en français, j'avais une vie sociale et une vie communautaire en français. Mais mes amis n'ont pas tous eu cette chance. Selon moi, personne ne devrait avoir à satisfaire une liste de critères afin de pouvoir vivre dans la langue officielle de son choix.
La province ne prend tout simplement pas au sérieux le fait francophone. Elle y apporte un soutien de façade, mais pour elle, notre réalité n'est vraiment qu'un inconvénient. Pour qu'un véritable projet ait lieu, pour que ma génération de francophones cesse de perdre son héritage et sa francophonie, il nous faut les ressources pour pouvoir offrir des infrastructures modernes, du transport, une scolarité accessible, riche, diversifiée et culturelle et un appui aux organismes communautaires et parascolaires francophones. Mais ceci ne se réalisera pas tant que les institutions qui sont censées être les garants de nos droits cessent de nous opposer et qu'un véritable partenariat, riche et fructueux, puisse voir le jour.
Je vous remercie.
La présidente : Je tiens tous à vous remercier pour vos présentations. Ce sont des présentations très puissantes et je dois avouer qu'elles m'ont émue.
Je vais passer la parole au sénateur McIntyre.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, mes amis, pour vos présentations. Je suis très impressionné. Rémi, dans ta présentation, tu as mentionné que la programmation du Conseil jeunesse compte une vingtaine de projets d'envergure provinciale. Pourrais-tu nous parler un peu de ces activités qui sont offertes en français aux jeunes en Colombie-Britannique?
M. Marien : Absolument. Au Conseil jeunesse, souvent, on nous présente comme une organisation ayant deux mandats : un qui est communautaire et un qui est plus près des écoles pour des raisons différentes. Évidemment, les jeunes souhaitent créer des espaces en dehors du milieu scolaire et appuyer les écoles dans tous les manquements qu'ils ont dans la vie, dans les activités parascolaires au sein de l'école.
Il y a tout un aspect de notre programmation qui comporte des événements d'envergure provinciale. On a un Parlement jeunesse francophone de la Colombie-Britannique auquel participe 20 joueurs et qui comporte les volets députés, médias et action citoyenne. On se rencontre pendant trois jours, la fin de semaine, dans la législature de Victoria. Et ce sont les jeunes qui organisent cet événement en collaboration avec les membres du Conseil jeunesse. Les jeunes choisissent leur projet, des thématiques qu'ils ont à cœur et qu'ils débattent par la suite en Chambre, selon le processus parlementaire de la province. Cet événement existe depuis 20 ans en Colombie-Britannique.
On a aussi les Jeux francophones de la Colombie-Britannique qui ont eu lieu au mois de mai pendant quatre jours, qui offraient des formations et des ateliers divers portant sur le leadership, les sports, les arts visuels et les arts de la scène. Il y a environ sept formations qui sont offertes. C'est notre plus grand événement. On arrive à réunir 150 jeunes pendant quatre jours. Ces jeunes viennent de toute la province, comme pour le Parlement jeunesse. Cet événement existe depuis 25 ans en Colombie-Britannique.
Autant pour le Parlement que pour les Jeux, je crois que ce sont les plus vieux événements dans les organismes jeunesse, au Canada. Ces deux événements représentent vraiment notre identité. Et ce sont des événements fondateurs, je dirais, du Conseil jeunesse. Ce sont des événements récurrents aussi. On a réussi à convaincre des bailleurs de fonds de continuer à financer ces événements.
Chaque année, nous organisons différents événements ponctuels grâce à la confiance de nos partenaires. On a une ligne d'improvisation franco-britanno-colombienne. Cela fait partie de nos partenariats avec les écoles. On a sept équipes réparties dans la province. On forme les jeunes en les faisant pratiquer pendant plusieurs mois avec des entraîneurs. Ensuite, on organise un tournoi provincial dans le cadre du Festival du Bois, qui est un des plus grands festivals francophones de la province. On tient cet événement depuis six ans.
On a un projet également de radio jeunesse où on offre des ateliers dans les écoles. C'est une radio mobile qu'on a créée en partenariat avec le Centre de la francophonie des Amériques, qui est un organisme établi au Québec. Et c'est le même concept, c'est une radio qui se déplace. On a constaté que cela pouvait pallier l'isolement linguistique des jeunes. Une radio qui se déplace dans les communautés et les salles de classe, où les jeunes sont plus isolés et moins exposés à la francophonie pour leur permettre de parler et de s'exprimer en français.
On a également la SAGA, l'un des derniers événements mis en place il y a deux ans, qu'on a créé pour organiser notre assemblée générale annuelle. Vous avez certainement beaucoup entendu parler de l'initiative Parler pour les jeunes. Notre philosophie, c'est de travailler, c'est ce qui nous représente. Juste pour vous mettre en contexte, avant notre assemblée générale annuelle, dans le cadre de nos Jeux francophones, on s'est vite rendu compte qu'il fallait une AGA dans un organisme à but non lucratif, où les jeunes sont des membres individuels et où on les amène à voter sur un budget annuel, sur une programmation, et à prendre des décisions stratégiques pour l'organisme jeunesse, par exemple en ce qui concerne le budget. On profite d'un événement qui existe déjà dans notre programmation pour leur donner la voix. Mais il y a des jeunes qui ne souhaitent pas avoir une AGA, ce qui est tout à fait compréhensible.
Du coup, on a créé cette SAGA, qui est un événement de trois jours centré sur la participation citoyenne, l'implication communautaire, où l'on établit des liens avec les organismes communautaires, où on offre des ateliers sur la gouvernance et sur l'engagement au sein de la communauté. On ouvre des perspectives aux jeunes. On travaille avec un bassin plus petit, soit une trentaine ou une quarantaine de jeunes qui veulent faire une différence dans leur communauté. Et depuis qu'on a lancé cette initiative, on constate déjà des résultats positifs. Il y a une dizaine de candidatures par poste au sein du conseil d'administration. Cela démontre l'intérêt des jeunes à vouloir faire une différence en participant au conseil d'administration. Cela fait déjà deux ans que cette initiative a vu le jour.
Inutile de vous dire que pour tous ces programmes, on a des défis financiers évidents. On est obligé de réinventer la roue chaque année. On ne sait jamais quel financement on obtiendra. C'est très difficile de conserver ces programmes.
En plus de tous ces événements, qui sont bénéfiques pour notre communauté, on a mis sur pied des programmes en lien avec les écoles. Le tout nouveau projet Empreintes mis en œuvre cette année a pour but de sensibiliser les jeunes à la violence et à l'intimidation en milieu scolaire. On fera une tournée dans toute la province pour sensibiliser les jeunes sur les préjugés et la violence, en lien ou non avec le fait francophone. Ensuite, on a créé des comités en faveur des jeunes dans les écoles afin de les inciter à mener des actions pour mieux répondre aux enjeux de leur milieu scolaire.
On est en voie de lancer un concours provincial sur les arts de la scène parce qu'on est d'avis que cet intérêt n'est pas assez développé chez les jeunes dans la communauté. Un tel concours existe déjà pour les adultes, mais les jeunes n'ont pas accès à des espaces qui encouragent l'expression artistique. Donc on veut vraiment montrer qu'au sein de la francophonie, il y a de jeunes talents qui rayonnent, qui sommeillent en chacun. Et ceux-ci ont besoin d'accompagnement, de formation et d'une scène pour s'exprimer. On compte organiser un concours provincial en partenariat avec les écoles ainsi qu'un autre concours qui aura lieu en mars dans le Grand Vancouver. Ce concours sera ouvert à la communauté pour voir ces jeunes devant la scène.
On se charge aussi de coordonner le Conseil étudiant provincial en partenariat avec le Conseil scolaire francophone avec la participation de 13 jeunes qui représentent chacun leur école, c'est-à-dire les jeunes de leur école, donc par déclinaison, tous les jeunes scolarisés au CSF. On organise quatre rencontres physiques par année. On tient aussi des rencontres virtuelles et on met beaucoup d'effort pour que les jeunes francophones puissent faire entendre leur voix au CSF. On joue un rôle de mentor et d'accompagnement, et on fait participer ces jeunes aux instances de décision. On a créé des rapprochements très intéressants avec le conseil d'administration du CSF, qui a accepté d'accueillir des représentants jeunesse au sein de son conseil d'administration. Après six ans de travail acharné, nos efforts ont enfin porté leurs fruits.
On organise des stages de leadership pour tous les élèves de 8e année du CSF. Pendant deux mois, des animateurs sont dans des camps pour offrir des ateliers d'une durée de trois jours afin de conscientiser les jeunes à l'importance de la francophonie. Ce stage a pour but d'éviter le décrochage chez les jeunes en les encourageant à poursuivre leurs études secondaires. Il faut provoquer chez les jeunes un déclic, comme l'a mentionné tantôt Noah et leur donner un sentiment d'appartenance à la francophonie. Ce projet cible les élèves de 8e année.
Voici un éventail de tous nos projets. J'en oublie sûrement. Il y a aussi tous les projets qui s'adressent aux jeunes de 19 à 25 ans pour lesquels on n'obtient aucun financement. Ce sont les jeunes eux-mêmes qui organisent les activités sociales en organisant des 6 à 8. Sophie Brassard organise une fois par mois un 6 à 8 où tous les jeunes sont invités à prendre un verre et à socialiser en français. De 30 à 40 jeunes, qui ne se connaissent pas forcément, attendent avec impatience de se rencontrer à Vancouver pour pouvoir parler français. Pour la plupart d'entre eux, c'est parfois le seul moment dans le mois où ils peuvent s'entretenir en français pendant une soirée.
La présidente : Je vais devoir vous demander de conclure pour donner la chance aux autres sénateurs de poser des questions.
M. Marien : Parfait, excusez-moi. Donc, je m'arrête ici. Je vous remercie.
Le sénateur McIntyre : Merci, Rémi, pour ta réponse. Pourrais-tu également nous parler de l'importance que les jeunes accordent à certains outils, comme les sites web, le cinéma et la lecture dans le but de favoriser l'apprentissage du français en Colombie-Britannique?
M. Marien : Comme on l'a dit dans la présentation, les outils, les référents culturels sont très importants, surtout pour montrer aux jeunes qu'il se passe des choses intéressantes en français. C'est un défi pour les jeunes de notre génération. C'est très bien de montrer aux élèves des exemples de référents culturels d'une autre époque et des événements qui ont fait évoluer la francophonie canadienne et partout dans le monde. Mais je pense que ce dont ont besoin les jeunes, c'est d'une francophonie accessible.
De nos jours, ce n'est pas évident d'amener des jeunes à un concert en français donné par un artiste qui leur plaît. On n'en connaît pas énormément. Il est important de rapprocher les jeunes avec ce qui leur plaît.
Comme le disait Noah, tantôt, c'est aussi leur montrer que la francophonie ne se limite pas seulement au Québec, à la France ou à d'autres référents culturels, et que cette francophonie leur appartient. En montrant qu'il y a des référents culturels locaux, que des jeunes réussissent à chanter en français ici, les jeunes peuvent s'approprier, s'identifier. Je pense que c'est ce dont les jeunes ont besoin. Et plus que cela, les jeunes doivent avoir accès à des ressources, comme les bibliothèques scolaires et municipales. On doit leur montrer que les médias sociaux ont une présence et un affichage en français provenant d'institutions, de groupes. Et là, quand je pense à l'emploi, où parfois on voit des offres d'emploi affichées en anglais seulement et qu'on demande de maîtriser le français. Pourquoi cette offre n'est-elle pas diffusée en français? Il faut stimuler le contact visuel, la présence du français, que ce soit sur Internet ou dans la vie quotidienne.
La sénatrice Gagné : Je vous remercie de partager avec nous votre parcours. Et merci également de ce que je vois et de ce que j'entends. Vous vivez vraiment votre mission et votre philosophie pour et par les jeunes. Juste par la description de toutes les activités que vous venez de faire et aussi de par vos témoignages, il est évident que vous le vivez.
Le premier ministre a pris un engagement face à la jeunesse. Il est le ministre responsable de la Jeunesse. Est-ce que vous l'avez appelé pour prendre rendez-vous avec lui pour lui faire part de votre vision de la jeunesse francophone?
M. Rondeau : À la surface, non.
La sénatrice Gagné : Pas encore? Demain?
M. Rondeau : Peut-être un jour dans un proche avenir. Par contre, j'ai eu la chance de participer à une table ronde avec la ministre du Patrimoine canadien récemment à Victoria.
Et à ce sujet, j'aimerais dire que j'ai trouvé intéressant que cette table ronde aborde le contexte de la communauté francophone ainsi que sa relève, surtout hors Québec. Ce qui m'a vraiment surpris, et cela touche aux sujets dont on vient de discuter, c'est que, parmi les 15, 16 ou 17 interlocuteurs, j'étais le seul jeune à la table, alors qu'on parlait de la relève de la communauté francophone.
En fait, j'ai remarqué qu'on a toujours cette notion un peu archaïque du francophone combattant qui revendique ses droits, soit au Québec, au Manitoba ou peu importe, le francophone qui se bat pour contrer l'assimilation. Mais quelque chose a changé. C'est difficile de mettre le doigt sur le problème, mais ce n'est plus simplement une bataille pour les droits et les services. On a besoin de soutenir et d'enrichir notre identité locale ici. Et malheureusement, en ce moment, si on ramène cela à l'éducation, il n'y a pas vraiment de volonté de consulter les jeunes et de leur demander leur point de vue sur la relève. Parce qu'on s'entend, la relève passe nécessairement par les jeunes. Pourtant, on continue de consulter uniquement des organismes qui existent depuis longtemps, comme la Société francophone de Victoria, de Vancouver, des organismes qui sont surtout dirigés par des gens de plus de 40 ans. Ce n'est pas que c'est mauvais, mais ce n'est pas nécessairement des organismes qui répondent aux besoins des jeunes en matière de relève pour assurer une continuité de l'identité. Ils assurent la relève des services dont on bénéficie en ce moment, mais on aura des besoins ultérieurs. Et cela, on n'en tient pas compte. C'est vraiment cet aspect qu'on aimerait aborder. Malheureusement, on ne consulte pas les jeunes à ce sujet.
La sénatrice Gagné : Si vous aviez un message à transmettre au premier ministre Trudeau, quel serait-il, face à l'avenir de la jeunesse francophone en Colombie-Britannique?
Mme Brassard : Un message?
La sénatrice Gagné : Je sais qu'il y en a plusieurs, mais je sais que d'autres sénateurs veulent poser des questions.
Mme Brassard : Je me sens un peu sous pression.
La sénatrice Gagné : Tu peux y penser et revenir. Rémi, toi, en tant que directeur général...
M. Marien : Je préfère que ce soit les jeunes qui y répondent.
Le sénateur Maltais : Sophie, Rémi, Noah, chapeau! Votre courte présentation est digne d'un scénario de film dans chacun de vos cas. Je pourrais vous qualifier d'irréductibles Franco-Canado-Britanno-Colombiens. Vous êtes la démonstration même de ceux qui n'ont pas baissé la tête, qui ont foncé, et vous avez réussi.
Tout à l'heure, Noah, tu parlais de l'histoire. J'ai posé la question à un groupe de professeurs, ici, et personne ne m'a répondu. N'allez pas chercher l'histoire au Québec, en France ou ailleurs. Vous avez votre propre histoire. Et elle est importante. C'est le sang qui coule dans vos veines et c'est cette chaleur que vous devez avoir. Ne cherchez pas une culture ailleurs, car vous avez la vôtre. Développez-la. Et pour la développer, cela prend des fonds.
Mais je vous dis une chose, d'un francophone du Québec : on n'a rien sans travail. Ça nous a pris 300 ans pour avoir une loi linguistique au Québec. On sait patienter. Et on l'a. Ça va prendre beaucoup de temps, mais ce sont des jeunes comme vous... Tu as raison, ce n'est plus la génération des 40-50 qui vont porter cette culture, ce développement francophone. C'est vous. Des jeunes comme vous. Ce sont les milliers de jeunes répartis sur tout le territoire de la Colombie-Britannique.
Je vous demande de continuer, pas de vous battre. C'est le fun de faire ce que vous faites. Vous aimez ça. Vous vivez, vous vous rencontrez. Sophie a même dit qu'elle pouvait tomber en amour en faisant son travail. C'est ce qui est très bien, aussi. Vous avez du plaisir à le faire, mais vous le faites pour les générations qui vont vous suivre, sans le savoir. Parce qu'à votre âge, vous ne pensez pas aux générations qui vont suivre. Vous pensez à vous autres, et c'est normal.
J'aurais peut-être une question sur le financement. Je viens du monde de la finance, l'argent m'intéresse toujours. Si je peux vous en soutirer, tant mieux. Mais si je peux regarder avec vous comment vous pouvez en avoir plus, je vais le faire avec vous à 100 milles à l'heure.
Comment est financé votre conseil, Rémi?
M. Marien : On a un financement de base de Patrimoine canadien.
Le sénateur Maltais : Récurrent?
M. Marien : Oui, récurrent. Il faut quand même faire une demande de financement chaque année. Même si, depuis la dernière année, on a eu la chance d'obtenir un financement pluriannuel. Donc, on a un financement de base, qui est de 85 000 $ pour un organisme provincial.
On a ensuite du financement de projets de Patrimoine canadien, pour les Jeux francophones et le Parlement, qui n'est pas récurrent. On doit faire une demande chaque année et on doit montrer les résultats de nos activités chaque année, avec des rapports, sachant que ces événements se passent depuis respectivement 20 et 25 ans.
On reçoit l'appui du ministère de l'Éducation, depuis qu'on a notre SAGA, dont je vous parlais tout à l'heure — avant, nous n'avions pas d'appui du ministère de l'Éducation provincial —, à hauteur de 10 000 $.
Les deux financements de projets de Patrimoine canadien, Jeux et Parlement, c'est 40 000 $ en tout, pour ces deux événements provinciaux. Donc, cela représente environ 150 000 $.
Pour l'année 2016-2017, on dispose d'un budget de 650 000 $. Tout le reste vient de la vente de services qu'on offre aux écoles. On montre ainsi qu'on a une expertise dont ils ont besoin. Cette enveloppe est négociée chaque année et dépend de nos bonnes relations avec les partenaires, parce que personnellement, nous avons...
Le sénateur Maltais : Je dois t'arrêter, parce que j'ai d'autres questions.
Obtenez-vous du financement des mécènes, des commanditaires?
M. Marien : Non.
Le sénateur Maltais : Je peux peut-être vous donner un truc.
M. Marien : On a un organisme de bienfaisance enregistré par l'Agence du revenu du Canada.
Le sénateur Maltais : Si vous recevez des dons, vous pouvez remettre un reçu.
M. Marien : Oui.
Le sénateur Maltais : Pourquoi ne pas aller frapper aux portes des institutions financières? Je vois très bien Noah et Sophie arriver à la Banque Royale et dire : « Voici notre projet, combien voulez-vous y contribuer? » Et ils seront très embêtés de dire non. Parce qu'en disant non, c'est comme dire non aux francophones de la Colombie-Britannique. C'est la même chose pour la Banque de Montréal et la Banque TD.
Essayez d'aller du côté des mécènes. Je sais que ce n'est pas facile, mais c'est faisable. Cela se fait dans d'autres domaines, dans d'autres coins du pays. Et ces gens ont tout intérêt à vous aider.
Vous savez, l'argent n'a pas de couleur, n'a pas de langue. Si les institutions financières contribuent, elles vont en faire une publicité. Elles diront : « Nous aidons. » Tim Hortons a sa société, McDonald's la même chose. Alors, pourquoi ne pas aider les francophones de la Colombie-Britannique? C'est faisable. Ce n'est pas facile, mais c'est faisable.
M. Marien : On a déjà essayé de le faire, et je peux vous garantir que le seul argument qu'on peut donner, c'est qu'on est un organisme jeunesse. Le fait qu'on soit francophone n'est absolument pas un argument. Ce n'est absolument pas entendu, ce n'est absolument pas compris. Pour eux, on est des étrangers ou on n'a pas du tout la légitimité de demander. Ils ne savent pas qu'il y a des francophones en Colombie-Britannique.
Le sénateur Maltais : Apportez donc la pancarte avec vous. Allez les solliciter avec la pancarte. Il y a deux langues officielles dans notre pays. Il y a deux langues officielles; il n'y a pas de langue seconde. N'acceptez jamais d'entendre « le français est une langue seconde ». Ce n'est pas vrai. C'est une langue officielle. Les autres langues, l'italien, le japonais ou tout ce que tu voudras, ce sont des langues secondes, mais le français est une langue officielle. Et n'acceptez pas d'être des gens de seconde classe.
Quand je suis au Québec et que je parle à des anglophones, je dis qu'ils parlent l'autre langue officielle. Ce n'est pas la langue seconde.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie pour votre présentation. En tant que Britanno-Colombienne, je suis vraiment fière de votre présentation. Mais je suis aussi vraiment fière de ce que vous avez dit. Vous avez dit que la communauté francophone est large, qu'elle a augmenté. Pour moi, c'est comme de la musique, parce que c'est la raison pour laquelle je me bats autant. J'aimerais que mes collègues comprennent que la communauté francophone, ici en Colombie-Britannique, augmente. Parce qu'il y a de nombreuses autres personnes qui arrivent.
Mais j'ai une question pour vous. Oui, la communauté francophone augmente. C'est fantastique. Mais pour le bilinguisme dans notre province, c'est vraiment important d'inclure d'autres communautés et de parler de notre bilinguisme. Oui, il y a d'autres langues, mais c'est vraiment important de dire que nous sommes bilingues.
Comment communiquez-vous avec les autres personnes? Je suis désolée, je suis étudiante en français.
[Traduction]
Comment vous y prendriez-vous pour convaincre vos amis, les gens qui vous entourent? Je le dis très respectueusement. Ne le prenez pas mal. Je m'inquiète de nous voir parler entre nous, plutôt que d'élargir le cercle.
Comment pouvons-nous nous assurer que de plus en plus de gens comprennent que nous vivons dans un pays bilingue et qu'ils en viennent à vouloir apprendre le français, non seulement en raison du bilinguisme, mais aussi parce qu'ils aiment parler cette langue?
[Français]
Mme Brassard : Pour des personnes qui ne parlent qu'une langue, c'est souvent difficile de comprendre la richesse de parler plus d'une langue. Et c'est difficile de l'expliquer à mes amis. Par exemple, au travail, parfois, c'est tellement plus que de faire une simple traduction en français par rapport à ce que tu dis en anglais. C'est une façon complètement différente de s'exprimer. Et cela vient aussi avec un sens de l'humour différent. Il y a diverses façons de dire des choses en français et en anglais. Et cela te fait penser de manière différente. Tu réfléchis différemment, puis c'est tellement bénéfique. Et je pense que ce n'est pas juste avec le français, mais c'est pareil avec n'importe quelle langue. Je suis jalouse des personnes qui parlent trois langues ou plus. J'aimerais en connaître plus.
Quand je parle de l'importance du français, cela vient avec ton identité. Cela vient avec tellement plus de choses que juste une autre façon de s'exprimer. C'est de cette manière que je l'explique aux gens.
M. Marien : Je vais prendre l'angle des jeunes. Comment arrive-t-on à convaincre aussi des jeunes qui sont dans les programmes d'immersion, qui n'ont pas forcément le même bagage de langue française que des jeunes francophones qui ont grandi uniquement en français dans la famille? Et avec les jeunes, on se pose souvent beaucoup de questions à ce sujet. Comment fait-on pour être inclusif? Comment fait-on pour que ces jeunes se rendent compte qu'on est une seule et même famille et qu'on parle la langue française?
Je pense qu'on en vient souvent à ce concept de sécurité linguistique. Et c'est pour cette raison qu'on dit souvent qu'on essaie de bannir les mots « francophone » et « francophile ». On parle des jeunes d'expression française, des jeunes qui parlent français. N'importe quel jeune a accès aux services du Conseil jeunesse, aux activités sociales en français, peu importe son niveau, du moment qu'il a envie de vivre cette expérience. Quant aux jeunes qui ont des réalités francophones et qui se retrouvent parfois à Quesnel, dans des villes très isolées, où ils n'ont aucune chance d'utiliser le français en dehors de leurs cours, il faut leur dire que ces événements sont faits pour eux, même si, lors d'événements, on peut passer de l'anglais au français. On n'est pas là pour être contre l'anglais. On permet la valorisation de leur identité. Ils ont une identité bilingue.
C'est pour cette raison qu'au Conseil jeunesse, contrairement à certaines écoles qui frappent sur les doigts quand on parle anglais, on n'est absolument pas dans cet état d'esprit. On reconnaît l'identité bilingue. On veut juste qu'ils profitent de cette occasion, qui est tellement rare, de parler le français pour qu'ils apprennent à bien le maîtriser. Mais on veut qu'ils se sentent en sécurité sur le plan linguistique, c'est-à-dire que s'ils n'arrivent pas forcément à exprimer ce qu'ils veulent dire, par exemple, à dire à une fille qu'il a des sentiments pour elle, qu'il préfère s'exprimer en anglais, il va le dire en anglais. Peut-être que la fille lui répondra en français. C'est comme cela qu'on perçoit le bilinguisme. C'est respecter la double identité.
M. Rondeau : J'appuie ce qu'ont dit Sophie et Rémi. Mais de surcroît, je pense plus en général à la francophonie qu'au français. Parce que, dans le fond, on apprend souvent un français très académique, un français standard qui ne reflète pas nécessairement les diversités, les dialectes. Il n'y a personne qui a la meilleure façon de parler le français. Et c'est souvent ce qu'on oublie de dire aux jeunes en immersion où à ceux qui fréquentent les écoles francophones, par exemple, du Conseil scolaire francophone. En renforçant cette vue étroite de ce qu'est la francophonie, de dire essentiellement qu'une identité se résume à une langue, non seulement à une langue, mais à une langue qui tient à des conventions étroites, on est en train d'amputer toute une perspective et une vue plus large et une richesse culturelle qui existent et qui sont nécessaires pour pouvoir intégrer des perspectives différentes. Et je pense que ces perspectives différentes sont incroyablement importantes en ce qui concerne la citoyenneté, tout comme il est important de penser aux perspectives d'immigrants qui arrivent d'autres pays, d'immigrants hispaniques, asiatiques.
On ne peut pas les comprendre sans avoir un certain bagage et un certain aperçu de ce qu'il y a derrière cette langue. Malheureusement, en ce moment, on oublie cet aspect, surtout dans les écoles d'immersion où les étudiants n'ont pas toujours accès à des programmes tels que ceux que le Conseil jeunesse aimerait pouvoir offrir, mais pour lesquels il n'a pas les fonds nécessaires pour atteindre tous les étudiants en immersion.
De plus, les étudiants du Conseil scolaire francophone manquent parfois ce contexte aussi. Et c'est ce qui explique leur décrochage et leur déplacement dans une autre école. Je voulais apporter cette perspective.
La sénatrice Gagné : Je ne sais pas si vous avez eu le temps de réfléchir à ma question, à savoir quel message vous voudriez transmettre au premier ministre? Et je ne parle pas de la ministre Joly, mais bien du premier ministre du Canada.
Mme Brassard : Vraiment une reconnaissance, une valorisation du français en Colombie-Britannique, du français qu'on parle ici, des francophones d'ici, et des personnes qui arrivent ici. De trouver une façon aussi d'intégrer, comme toute la communauté francophone, les écoles d'immersion, le Conseil scolaire francophone, de trouver un moyen d'avoir une communauté encore plus forte ici. Et une chose qui me tient vraiment à cœur, c'est d'aider avec la transition du secondaire au monde adulte. Je pense que c'est là où on perd énormément de francophones. C'est quelque chose qui me touche vraiment. J'ai trois frères et sœur, et on se demande toujours comment on va pouvoir garder le français dans notre vie. Comment je vais pouvoir faire une chose en français, ce mois-ci. Ça me brise le cœur quand je ne suis pas capable de trouver mes mots, quand je ne suis plus capable de m'exprimer correctement, comme ma mère et mon père. Alors, vraiment, recevoir du soutien après le secondaire aussi serait important, et ne pas juste arrêter le financement parce que quelqu'un a 19 ans.
M. Rondeau : Je n'y avais pas pensé, mais si vous voulez lui transmettre mon numéro de téléphone...
La sénatrice Gagné : En passant, j'ai... Non, ce n'est pas vrai. Je lui ai parlé une fois, mais c'était au sujet de ma nomination. Mais je n'ai pas de ligne directe avec lui.
Mais je vais faire un commentaire. Et je pense que je l'ai mentionné à M. Marien hier, parce que j'ai eu le plaisir de souper avec Rémi, hier. Noah, je vais vous repasser la parole ensuite, mais je voulais juste vous mentionner que vous sous-estimez le pouvoir que vous avez, le pouvoir de la parole, et l'influence que vous avez en tant que jeunes francophones au Canada. Utilisez, osez, et vous allez faire du chemin.
M. Rondeau : S'il y a un message que j'aimerais transmettre, si on veut assurer la continuité de la communauté francophone, surtout hors Québec, c'est à quel point le soutien identitaire qui vient autour de la vie scolaire est important. Parce qu'on l'a bien vu, n'avoir qu'un académisme comme expérience de la francophonie, n'avoir qu'un étroit aperçu de la grammaire et de l'orthographe, ce n'est pas assez pour retenir des jeunes et pour assurer la continuité de l'héritage de notre culture.
Mon message serait vraiment de considérer et de prêter attention à la façon dont on peut élargir cette expérience pour nos jeunes, et de penser à la façon dont on peut mettre en place des systèmes pour soutenir les organismes qui assurent cette identité et ce contexte.
La sénatrice Gagné : Je vous remercie infiniment. J'apprécie beaucoup.
Le sénateur Maltais : Le comité sénatorial permanent des langues officielles est venu rendre visite aux francophones de la Colombie-Britannique. Pour moi, cela a été une découverte.
J'aimerais, madame la présidente, en votre nom, inviter ces trois jeunes à venir témoigner à Ottawa, lorsque la feuille de route de la ministre sera déposée. Et bien sûr, si on vous invite, on vous invite aux frais de vos impôts, c'est-à-dire que vous n'aurez pas à payer. C'est le comité qui paiera, pour témoigner de votre vécu. Parce que votre vécu, pour le reste des francophones, au-delà des Montagnes Rocheuses, est exceptionnel. Il faut que le reste des francophones canadiens connaissent votre vécu.
On a vécu une expérience un peu semblable, souvenez-vous, madame la présidente, avec un jeune du Nouveau-Brunswick, l'an passé. Cela m'a marqué. Et le témoignage de ces jeunes me marque aujourd'hui. Pourquoi ne pas les inviter dans la capitale afin qu'ils puissent témoigner, tout simplement comme ils l'ont fait aujourd'hui, pour que les jeunes francophones du reste du Canada puissent connaître leur vécu? Ce serait plus qu'enrichissant.
La présidente : Nous aurons sûrement l'occasion d'en discuter avec l'ensemble du comité.
Je dois dire que si j'ai été émue lors de vos présentations, c'est parce que je suis très fière de vous. Je pensais aussi à tous les jeunes francophones qui ont été perdus. Et quand je dis « perdus », je veux dire qu'ils ont perdu la possibilité de garder leur langue et leur culture pour toutes les raisons que vous avez mentionnées.
J'ai donc été émue par le fait qu'on a perdu cette possibilité d'offrir cette identité bilingue à tellement de jeunes. Ils vont peut-être la retrouver dans d'autres circonstances, dans d'autres occasions, plus tard dans leur vie, mais pour le moment, c'est réellement une assimilation qui continue de se faire. On sait que la jeunesse est la relève, et nous avons besoin de conseils jeunesse comme le vôtre. On voit la valeur des activités que vous faites pour essayer de créer cette atmosphère qui dépasse la connaissance académique d'une langue et d'une culture. Et cela, vous en avez témoigné avec puissance et avec une voix qui nous a tous émus et touchés.
Sénateurs, je suis d'accord que ce serait une excellente idée. Il faut voir si c'est possible. On verra, mais c'est une excellente suggestion.
Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Cela conclut nos audiences publiques pour aujourd'hui, qui se sont terminées avec une excellente présentation de la part des jeunes.
Merci à vous.
(La séance est levée).