Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 11 - Témoignages du 10 avril 2017
OTTAWA, le lundi 10 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, pour poursuivre son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi; et pour étudier, à huis clos, un projet d'ordre du jour (travaux futurs).
[Traduction]
Kevin Pittman, greffier du comité : Honorables sénateurs, nous avons le quorum. En ma qualité de greffier du comité, j'ai le devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et du vice-président et qu'il est de mon devoir de présider à l'élection d'un président suppléant.
[Français]
Je suis prêt à recevoir une motion à cet effet.
La sénatrice Gagné : Je propose le sénateur McIntyre à titre de président suppléant.
[Traduction]
M. Pittman : Y a-t-il d'autres candidatures? Sinon, je déclare la motion adoptée.
[Français]
J'invite l'honorable sénateur McIntyre à prendre place au fauteuil.
Le sénateur Paul E. McIntyre (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Merci, monsieur Pittman.
Bonsoir. Je m'appelle Paul McIntyre, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick. Je suis heureux de présider la réunion de ce soir. Avant de céder la parole aux témoins, j'aimerais inviter les membres du comité à se présenter, en commençant à ma droite.
La sénatrice Bovey : Je suis Patricia Bovey, du Manitoba.
La sénatrice Gagné : Je suis Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l'Ontario.
La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
Le président suppléant : Le comité poursuit son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et directives pris en vertu de cette loi dans les institutions visées. Nous avons le plaisir d'accueillir, du Nouveau-Brunswick, le groupe Égalité Santé en Français, notamment le Dr Hubert Dupuis, président, le Dr William Laplante, trésorier, ainsi que M. Jacques Verge, secrétaire. Nous entendrons ce dernier par vidéoconférence. Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence. Vous avez une déclaration préliminaire à faire, je crois, docteur Dupuis?
Dr Hubert Dupuis, président, Égalité Santé en Français : Honorables sénatrices et sénateurs, mon nom est Hubert Dupuis, je suis le président d'Égalité Santé en Français et son principal porte-parole. Je suis accompagné, aujourd'hui, de deux membres du bureau d'Égalité Santé en Français, soit le Dr William Laplante et M. Jacques Verge, par vidéoconférence. J'aimerais, au nom d'Égalité Santé en Français, remercier l'honorable Paul McIntyre pour son aide et les démarches qu'il a faites pour nous permettre de comparaître devant votre comité.
Notre organisme, Égalité Santé en Français, est honoré de l'invitation du Comité sénatorial permanent des langues officielles à venir présenter la situation de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick en matière de santé. Nous vous présenterons brièvement la situation dans notre province et les revendications de notre organisme au niveau de la gouvernance, de la gestion, des soins cliniques et des soins non cliniques en ce qui concerne la régie Vitalité, soit la régie de santé de la communauté minoritaire francophone de la seule province officiellement bilingue au Canada.
Parlons d'abord de notre organisme, qui a été incorporé en 2008 comme un organisme à but non lucratif en vertu de nos lois provinciales. Notre mission est de nous assurer que les droits de la communauté francophone et acadienne dans le domaine de la santé soient respectés et que notre communauté puisse recevoir, au sein de notre régie de santé Vitalité, la même gamme de services de soins de santé qui est offerte par la régie anglophone, soit la régie Horizon, qui est la régie de la majorité. Il faut d'abord préciser que le patient, ou la patiente, a le choix de se faire soigner au Nouveau-Brunswick dans la langue officielle de son choix, et cela, que ce soit dans une institution de la régie Vitalité ou de la régie Horizon. Du même souffle, il faut ajouter qu'il est plus facile pour un anglophone de se faire soigner en anglais dans la régie Vitalité qu'il ne l'est pour un francophone de se faire soigner en français dans la régie Horizon.
Cela dit, notre organisme a vu le jour à la suite du projet de loi du gouvernement de créer deux régies de santé régionales en 2008, une anglaise et une bilingue. Quelle surprise puisque, auparavant, la communauté acadienne et francophone avait une régie de santé francophone. Notre organisme s'est engagé et, grâce à la générosité de la population et du financement du Programme d'appui aux droits linguistiques, nous avons entamé une poursuite contre la province afin de faire respecter les droits constitutionnels de notre communauté francophone et acadienne en matière de santé.
Le Nouveau-Brunswick est la seule province à avoir enchâssé dans la Constitution la reconnaissance de l'égalité des deux communautés linguistiques. L'enchâssement a été fait à l'article 16.1. Il nous était inconcevable de nous satisfaire d'une régie bilingue alors que notre province avait constitutionnalisé l'égalité de nos deux communautés linguistiques et de notre droit à des institutions distinctes, et qu'elle s'était donné l'obligation de protéger et de promouvoir notre statut, nos droits et nos privilèges.
Après deux ans de démarches juridiques, le gouvernement nous a invités à des négociations afin d'éviter d'aller en cour, même si nous étions prêts à plaider devant un juge. Nous sommes donc arrivés à une entente hors cour en 2010. Comme dans tout compromis, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous voulions, mais il s'agissait d'un premier pas. Le gouvernement nous a redonné une régie francophone et a promis un plan de rattrapage. Ce plan était un moyen de permettre à notre régie de se doter de services de soins de santé qu'elle n'avait pas, mais qui étaient disponibles dans l'autre régie.
Nous savions tous et toutes que ce financement supplémentaire ne nous permettrait pas d'atteindre une égalité réelle de services de soins de santé entre les deux régies. La régie anglophone est encore mieux nantie de services, souvent en double ou en triple. Or, depuis l'entente hors cour, les différents gouvernements qui se sont succédé ont, par des mesures législatives, bureaucratiques et financières diverses, fait en sorte de réduire notre régie de santé francophone à une subordination au ministère de la Santé et à la régie anglophone. Le ministre de la Santé nomme la présidence au conseil d'administration. Il nomme aussi la direction générale de la régie de santé qui est en poste. C'est au gré du ministre. Le ministre de la Santé a mis en place des comités mixtes en vertu d'ententes de responsabilité entre le ministère et les régies de santé. Récemment, il a confirmé son intention de privatiser des services hospitaliers.
Nous constatons encore une fois que nos droits comme communauté linguistique en situation minoritaire ne sont pas respectés par notre ministre de la Santé. Pourtant, notre province a enchâssé, en 1993, le droit de notre communauté à des institutions distinctes, droit qui comprend la gestion et la gouvernance, comme la Cour suprême l'a reconnu pour l'éducation.
Il est actuellement impossible pour notre communauté linguistique minoritaire de se développer et de s'épanouir en santé, puisque nous ne gérons pas et nous ne gouvernons pas nos institutions de santé. Nous sommes constamment en période de survie. Comment progresser quand nous avons de la difficulté à conserver ce que nous pensions avoir acquis? Une communauté ne peut se développer, progresser et s'épanouir si elle ne contrôle pas les leviers décisionnels. Avoir des institutions sans avoir le plein contrôle, ce n'est pas reconnaître notre droit à des institutions.
Tout récemment, la communauté francophone de l'Ontario a fêté le 20e anniversaire de sa lutte pour l'hôpital Montfort. L'une des grandes conclusions de cette lutte est que l'hôpital est une institution culturelle essentielle au développement d'une communauté en situation minoritaire. Nous sommes en parfait accord avec cette conclusion, et c'est pourquoi nous luttons, depuis 2008, pour l'autonomie et le développement de notre réseau de santé francophone.
Trop de membres de notre communauté doivent actuellement se faire soigner dans une institution de santé de l'autre communauté, parce que les services de soins de santé dont ils ou elles ont besoin ne sont pas disponibles dans la régie francophone.
Notre réseau de santé francophone est actuellement en situation critique. Lorsqu'une des institutions d'une communauté linguistique est en péril, c'est la communauté elle-même qui est en danger. La vitalité et l'épanouissement de notre communauté francophone et acadienne ont frappé un mur. Le message que le gouvernement de la province du Nouveau-Brunswick nous envoie est que le français n'est pas important et que nous devrions nous assimiler à la communauté majoritaire.
La gouvernance de nos institutions de santé nous échappe. La gestion de nos institutions de santé nous échappe et est sous le contrôle du ministre de la Santé. Le gouvernement de la province du Nouveau-Brunswick privatise nos services hospitaliers. Nous refusons d'abdiquer devant ces ingérences. Nous revendiquons nos droits constitutionnels à l'égalité réelle en matière de santé.
Le gouvernement fédéral a, selon nous, des responsabilités importantes pour protéger les droits constitutionnels des communautés linguistiques en milieu minoritaire. Il a des leviers importants qui lui permettent de faire respecter des droits linguistiques en milieu minoritaire, par le truchement d'ententes de financement en matière de santé.
Nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez offerte de vous informer et de vous sensibiliser à la situation de la communauté acadienne et francophone dans le domaine de la santé. Nous vous avons soumis un mémoire et les documents que nous avons publiés depuis 2010. Nous serons heureux de répondre à vos questions, honorables sénateurs.
La sénatrice Gagné : Merci beaucoup, docteur Dupuis, pour votre présentation. Je suis toujours très fascinée de voir comment les différentes communautés en situation minoritaire sont en mesure de se structurer pour assurer leur développement.
J'aimerais comprendre davantage l'état de la gouvernance. Selon votre mémoire, le ministre de la Santé nomme la présidence de la régie francophone et la présidence de la régie anglophone. Cependant, qui nomme les membres du conseil d'administration? Est-ce le ministre?
Dr Dupuis : Selon l'entente du 8 avril 2010, il a été entendu que, sur les 15 membres du conseil d'administration, 8 seraient élus et 7 seraient nommés par le ministre. Ainsi, à partir des 7 membres qu'il nomme, le ministre nomme également la présidence du conseil d'administration.
La sénatrice Gagné : D'accord. Au sein de votre structure, vous avez des comités mixtes. Ces comités mixtes sont-ils des comités de gouvernance? Sont-ils des comités de gestion de services?
Dr Dupuis : Ce sont des comités de gouvernance et de gestion, qui entrent dans les cadres de responsabilités des régies de santé par rapport aux soins des patients et dans le cadre d'imputabilité des régies de santé par rapport au financement et aux dépenses.
Le gouvernement a voulu faire en sorte qu'il y ait un cadre de responsabilités pour les deux régies de santé. Il a voulu faire signer le même cadre de responsabilités aux deux régies de santé. Comme la régie de santé Horizon est plus importante, plus volumineuse et anglo-dominante, elle a créé une autre structure qui s'appelle Facilicorp NB. Il y a aussi Service Nouveau-Brunswick, un organisme anglo-dominant également. Il offre des services qu'on qualifie de non cliniques, mais qui sont tout de même des services hospitaliers dont tout clinicien a besoin pour fonctionner. Service Nouveau-Brunswick est une institution sur laquelle les régies de santé n'ont pas de gouvernance, ou très peu. Il y a un membre qui représente chaque régie de santé parmi une quinzaine de membres.
Ce qui se passe, c'est qu'il y a de plus en plus de structures anglo-dominantes, et la régie de santé francophone et acadienne se retrouve dans une situation vulnérable et précaire. Ce qui arrive, c'est que le ministère de la Santé, la régie Horizon et Service Nouveau-Brunswick s'entendent pour organiser le fonctionnement de tout cela, et puis, Vitalité, qui a une voix au chapitre, doit suivre. Les autres entités gagnent à la majorité, si on veut.
La sénatrice Gagné : Vous êtes inondés.
Dr Dupuis : Sur papier, nous semblons avoir la gouvernance, mais dans le fond, nous ne l'avons pas du tout.
La sénatrice Gagné : Vous ne l'avez pas du tout. Selon vous, quelle structure de gouvernance permettrait d'assurer le développement de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick en matière de santé?
Dr Dupuis : Il faut lire notre mémoire. Tout y est expliqué. Nous suggérons qu'il y ait 15 membres élus au sein du conseil d'administration de la régie Vitalité, donc 15 membres sur 15 élus. La présidence du conseil d'administration devrait être élue à partir des membres élus du conseil d'administration, et le P.-D.G. ou la direction générale devrait être élu par le conseil d'administration. Il s'agirait d'une structure qu'on pourrait qualifier de « normale » et qui serait fonctionnelle.
Actuellement, il est évident qu'il y a un problème quant à l'élection des membres du conseil d'administration. L'élection de ces membres des deux régies de santé, Horizon et Vitalité, est faite sur une base géographique et non linguistique. À mon avis, c'est une erreur. En ce moment, il y a des francophones du Nouveau-Brunswick, de Fredericton, de Saint-Jean et de Miramichi, qui ne peuvent pas voter pour la régie de santé Vitalité, même s'ils sont francophones. Ils doivent voter pour la régie de santé Horizon, qui est anglophone. Ils n'ont pas la possibilité de choisir où voter.
Dans le domaine de l'éducation, par exemple, le Nouveau-Brunswick a deux cartes électorales, soit une carte francophone et une carte anglophone pour toute la province. Donc, un francophone peut voter en matière d'éducation en choisissant le conseiller qui le représentera au sein du conseil de district. Par contre, dans le domaine de la santé, ce système n'existe pas. Ce que nous préconisons pour l'élection des membres, ce serait qu'il y ait deux cartes électorales, une anglophone et une francophone.
Le président suppléant : Passons-nous à une deuxième ronde de questions?
La sénatrice Gagné : Oui, absolument.
Le président suppléant : Je vous inviterais à poser des questions brèves et à offrir des réponses courtes, parce que j'ai toute une liste de sénateurs qui veulent poser des questions.
Le sénateur Cormier : Merci de votre présentation. Puisque je suis du Nouveau-Brunswick, je vais en profiter pour vous remercier, docteur Dupuis, de votre engagement qui est manifeste au Nouveau-Brunswick. On vous reconnaît comme un ardent défenseur du secteur de la santé, mais également de l'Acadie dans toute sa complexité et sa diversité.
Bien que je sois du Nouveau-Brunswick, je ne maîtrise pas tout le dossier de la santé de cette province, mais j'ai lu avec beaucoup d'intérêt vos mémoires. Je saisis qu'il y a beaucoup d'enjeux à l'échelle provinciale, c'est-à-dire dans la relation que votre organisme entretient avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Votre présentation fait état de différents enjeux à ce chapitre.
J'aimerais avoir davantage d'information au sujet du fameux plan de rattrapage qui, je crois, arrive à échéance. Est- ce que ce plan de rattrapage vous a vraiment permis de créer un meilleur équilibre entre les deux communautés linguistiques afin d'obtenir les moyens et les mesures pour faire en sorte que le réseau Vitalité puisse se développer?
Dr Dupuis : La réponse courte, c'est oui, et il est certain que nous avons gagné des services, surtout dans le secteur secondaire spécialisé.
Le sénateur Cormier : Pourriez-vous m'en donner un exemple?
Dr Dupuis : Dans le domaine de la neurologie, dans le laboratoire de sommeil, il y a eu des services qui ont été ajoutés du côté francophone. Donc, cela a été bien fait. Le problème, c'est que cela demeure un plan quinquennal qui finira le 31 mars 2018, dont on entame la dernière année en ce moment. Il n'y aura pas d'égalité réelle, surtout au chapitre des services spécialisés tertiaires.
Actuellement, par exemple, en neurochirurgie, il y a deux centres au Nouveau-Brunswick du côté Horizon, mais il n'y en a pas du côté Vitalité. Cette lacune ne sera pas comblée grâce au plan de rattrapage actuel. Il y a deux centres de traumatologie tertiaires au Nouveau-Brunswick, tous les deux du côté Horizon. Il n'y en a pas du côté Vitalité, et le plan de rattrapage actuel ne permettra pas de corriger la situation. Il y a trois unités néo-natales du côté anglophone, et il n'y en a pas du côté francophone. Il y a une unité de pédopsychiatrie du côté Horizon. À l'heure actuelle, à Campbellton, on est en train de développer un centre d'excellence en pédopsychiatrie, et le plan de rattrapage a permis d'offrir des services pour nos jeunes qui souffrent de problèmes de santé mentale dans la communauté francophone. Par contre, j'ignore s'il sera terminé d'ici la fin de 2018, mais je crois qu'il y a de bonnes chances que cela se produise. Cependant, en règle générale, il n'y aura pas de rattrapage, mais du côté anglophone, ce sera possible.
Il y a eu un débat, il n'y a pas si longtemps, sur les séquençages génétiques au Nouveau-Brunswick. Nous avions un séquenceur génétique dans le centre hospitalier universitaire qui pouvait répondre probablement aux besoins de l'ensemble de la population de l'Atlantique en termes de séquençage génétique. Il n'y avait pas lieu d'en avoir un du côté Horizon, mais Horizon a tout de même demandé d'en avoir un, et le premier ministre et le ministre de la Santé lui ont accordé un séquenceur génétique sans que cela ne soit trop compliqué. Nous devons attendre habituellement de cinq ans à dix ans, et nous avons de la difficulté à avoir des équipements, des experts et de l'expertise.
Le sénateur Cormier : Diriez-vous qu'une partie du problème trouve sa source dans la division entre le milieu urbain et le milieu rural? Par exemple, est-ce qu'il y a une partie des soins tertiaires qui ne sont pas disponibles pour les francophones au Nouveau-Brunswick, en raison du fait qu'une bonne partie de l'Acadie est installée en milieu rural? Évidemment, il y a la concentration autour de Moncton. Est-ce un facteur qui fait qu'on n'accède pas aux soins dont vous parlez?
Dr Dupuis : À mon avis, non. Ce n'est pas une bonne raison, même s'il est certain que la population francophone est moins grande que la population anglophone. Avec les services tertiaires, il faut un certain volume pour pouvoir exercer son métier et pour pouvoir être efficace, efficient et ainsi de suite. Il y a suffisamment de population pour les services qu'on énumère dans notre mémoire, pour pouvoir recevoir au moins un des différents services. La probabilité, c'est que c'est le syndrome de la tour de Pise; ça penche toujours du même côté et, malheureusement, ça ne penche pas du côté francophone. C'est beaucoup plus facile dans une situation où la communauté est anglo-dominante — dans le cas du séquenceur, ça s'est fait et tout le monde était heureux —, mais, malheureusement, du côté francophone, c'est beaucoup plus lent et ardu.
Quand on parle du côté francophone, on dit que c'est une dépense, mais quand c'est du côté de la majorité, on dit que c'est un investissement. C'est souvent comme cela. Depuis 35 ans, j'entends dire qu'il n'y a pas assez d'argent pour les communautés francophones dans le milieu de la santé. C'est ce qu'on nous répète constamment. Nous gérons bien nos institutions, car nos institutions Vitalité sont en surplus et non en déficit, et donc il n'y a pas lieu de nous priver de services. Nous pourrions réinvestir dans les hôpitaux de Vitalité.
Le sénateur Cormier : Merci, docteur Dupuis. J'aurai une autre question à vous poser plus tard.
La sénatrice Fraser : Merci d'être ici. Je suis une Québécoise anglophone, et donc la situation que vous décrivez m'est 100 p. 100 familière. Vous avez toutes mes sympathies.
Quand vous parlez de la privatisation de services hospitaliers, est-ce que les plans ou les contrats de privatisation contiennent quoi que ce soit comme garantie pour le maintien des services en français?
Dr Dupuis : C'est une très bonne question. On n'a pas vu les contrats. On ne nous les a pas montrés. Il y a la langue de service qui est importante, mais il y a aussi toute l'idée des institutions homogènes linguistiques et culturelles. De plus, si on commence à sortir la gestion des services alimentaires de nos hôpitaux, si on sort la gestion de l'environnement de nos hôpitaux, c'est-à-dire l'entretien ménager, le paysagement et l'extérieur des hôpitaux, si on sort le transport des patients intra-hospitaliers de nos hôpitaux, nous sommes en train de détruire nos institutions de santé, morceau par morceau. Si vous êtes dans la situation d'une institution de santé en milieu dominant, cela ne vous dérangera pas, car cela sera transféré dans une institution anglophone, et tout ira bien et continuera de bien marcher.
La problématique, c'est qu'on est en train d'enlever à la pièce, morceau par morceau, les services de santé du côté de la régie francophone. Cela a un impact beaucoup plus important du côté francophone que du côté anglophone. D'ailleurs, la raison pour laquelle on veut privatiser, c'est qu'il y a actuellement un problème en ce qui concerne la cuisine et la cafétéria dans les institutions de santé anglophones d'Horizon, mais pas du côté de Vitalité. Vitalité fait même des profits sur le plan alimentaire. La solution imposée à Vitalité par le ministre ou le ministère vise à résoudre un problème qui concerne Horizon, mais qui n'existe pas pour Vitalité. Comprenez-vous?
La sénatrice Fraser : Très bien.
Dr Dupuis : Vitalité a démontré, chiffres à l'appui, qu'elle pouvait être plus économe, et congédier moins de personnes que la proposition de l'entité privée. Malgré tout, le ministre a décidé de privatiser quand même. C'est contre toute logique.
La sénatrice Fraser : Les deux régies ont été créées sur une base géographique?
Dr Dupuis : Oui.
La sénatrice Fraser : C'est ce qui pose problème, parce qu'il n'y a vraiment pas beaucoup de francophones du côté de Saint-Jean, et cetera.
Dr Dupuis : Je ne sais pas si 20 000 ce n'est pas beaucoup. Peut-être que c'est beaucoup. On pourrait débattre de la question. À Fredericton, il y a au moins 16 000 francophones. Quelle est la quantité? Est-ce que la Cour suprême dirait que la quantité est suffisante ou pas?
La sénatrice Fraser : Je ne dis pas que vous avez tort de vouloir changer le système. J'essaie de comprendre.
Dr Dupuis : C'est sur une base géographique, et on a voulu faire des accommodements linguistiques. Vous avez raison, un des problèmes fondamentaux est lié à la géographie et non à la langue, mais on pourrait le faire du côté linguistique et cela fonctionnerait très bien.
Le sénateur Maltais : Docteur Dupuis, pour paraphraser la métaphore de la tour de Pise, sachez que l'ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, en parlant des jugements de la Cour suprême, penchait toujours du même côté, comme la tour de Pise, c'est-à-dire jamais du côté du Québec, et il a fait du chemin avec cela.
J'ai écouté attentivement votre mémoire et les questions de mes collègues. Une chose m'intrigue. Officiellement, le Nouveau-Brunswick est une province bilingue.
Dr Dupuis : Oui.
Le sénateur Maltais : On a même amendé la Constitution pour l'indiquer.
Dr Dupuis : On l'a enchâssé.
Le sénateur Maltais : Donc, vous avez des droits. Ce qui m'intrigue le plus, c'est que vos droits n'ont jamais l'air d'être respectés. Dans le domaine scolaire, du transport scolaire, les anglophones sont dans un autobus et les francophones, dans un autre. On croirait être retourné au temps de la ségrégation américaine, ce qui est tout à fait inacceptable en 2017.
Est-ce que quelqu'un quelque part respecte vos droits au Nouveau-Brunswick?
Dr Dupuis : C'est davantage une problématique politique et bureaucratique. À la fois, les différents partis politiques ont une certaine crainte — et c'est possiblement historique — d'un ressac de l'extrémisme de la majorité s'ils donnent des droits à la minorité francophone. Je crois que cela préoccupe énormément nos politiciens, parce qu'actuellement, au Nouveau-Brunswick, on a le gouvernement le plus francophone de l'histoire en termes de ministres et de proportion de francophones. Là n'est pas le problème. Le problème est que les politiciens sont préoccupés par le ressac de la communauté anglophone. C'est ce qui explique le fait d'avoir donné rapidement un séquenceur génétique à la ville de Saint-Jean. C'est clair que c'est ce qui était en jeu. Je crois que c'est là que ça se joue.
L'autre chose, c'est que la bureaucratie ne tient aucunement compte des droits linguistiques de la minorité.
Le sénateur Maltais : C'est l'inverse en Colombie-Britannique. Les francophones ne sont pas assez nombreux dans un secteur pour influencer le vote, par exemple, pour faire élire un député, parce qu'ils sont éparpillés un peu partout et n'ont pas de force politique. C'est le contraire chez vous. Dans le nord du Nouveau-Brunswick, vous avez une force politique importante. Je ne crois pas que vous ayez voté pour des fonctionnaires. Vous avez voté pour des élus et c'est à eux de faire respecter vos droits. Si ça leur coûte leur siège, qu'il en soit ainsi. Il est inadmissible en 2017 qu'on ne vous protège pas. Vous êtes protégés par la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés, et on ne vous traite pas sur un pied d'égalité avec les anglophones. C'est inadmissible. Il faut que vous le fassiez savoir. Au niveau fédéral, dans les régions Atlantique, le Parti libéral a 30 députés sur 30; au provincial, je ne sais pas combien il y en a, mais il est majoritaire.
Dr Dupuis : Il est majoritaire.
Le sénateur Maltais : À un moment donné, il faut que cela serve à quelque chose, voter. Je ne sais pas de quelle façon vous pouvez influencer ces personnes. Se faire mettre au pied du mur ne leur ferait pas de tort.
Dr Dupuis : Vous avez raison. D'ailleurs, on pourrait vous inviter à travailler pour Égalité Santé en Français si vous voulez. Nous allons certainement les mettre au pied du mur. Nous allons monter une campagne publique médiatique et nous irons devant les tribunaux pour régler cette chose une fois pour toutes.
La dernière fois, on s'est entendu hors cour avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, le 8 avril 2010. Rétrospectivement, je crois que, tranquillement, l'entente hors cour s'est fait escamoter, et je crois que c'était une erreur d'avoir accepté cette entente, puisqu'il va falloir qu'on revienne au bâton et qu'on démontre une fois pour toutes la problématique liée à la gouvernance, à la gestion, aux services cliniques, et cetera. Ce n'est pas correct qu'un gouvernement impose sa volonté de la sorte sur une communauté. Cette façon de faire n'est pas acceptable dans le domaine de la santé.
Le sénateur Maltais : J'aime votre fermeté.
Dr Dupuis : Acceptez-vous mon offre?
Le sénateur Maltais : Oui, je l'accepte.
Le président suppléant : Avant d'inviter la sénatrice Moncion à poser ses questions, docteur Laplante, aimeriez-vous ajouter quelque chose aux réponses du Dr Dupuis?
Dr William Laplante, trésorier, Égalité Santé en Français : Lorsque le sénateur Maltais demandait les raisons de cette façon illégale de faire les choses qui est contre nos lois constitutionnelles, je répondrais que c'est parce que dans la société, si on enfreint d'autres lois, un système policier va agir. Imaginez-vous, ce n'est pas facile pour un groupe comme le nôtre de se battre pour faire appliquer la loi. Cela signifie beaucoup de travail, beaucoup de fonds, et les gens le savent. C'est pourquoi ils peuvent prolonger la situation le plus longtemps possible.
Le président suppléant : Monsieur Verge, je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes le secrétaire d'Égalité Santé en Français. Est-ce que vous auriez des commentaires à faire aussi?
Jacques Verge, secrétaire, Égalité Santé en Français : Non, ça va. Le président a résumé ce que j'avais écrit.
Le président suppléant : C'est très bien. Cependant, si vous voulez intervenir, ne vous gênez pas.
M. Verge : Pas de problème.
La sénatrice Moncion : J'ai trouvé votre exposé extrêmement intéressant. Je vous remercie d'être ici. Je reviens à la question de la gouvernance, parce qu'on sait que le gros du travail se fait par les gens qui nous représentent. Si votre direction générale n'est pas choisie par le conseil d'administration, mais que c'est quelqu'un qui est nommé pour représenter votre groupe et le ministère de la Santé, ordinairement, ce ne sont pas des gens qui vont faire du travail en votre faveur. Cela doit créer, probablement, à l'intérieur de votre conseil d'administration, un problème énorme relativement à la confiance du conseil à l'égard de sa direction générale. Est-ce que je me trompe?
Dr Dupuis : En ce moment, un nouveau mandat du conseil est en cours; il finit sa première année fin juin. L'ancien conseil avait effectivement abdiqué son rôle de chien de garde, qui vise à surveiller le directeur général, à contester ses décisions, et ainsi de suite. Je vous dirais que le conseil d'administration actuel est beaucoup plus actif et prend ses responsabilités. Je crois qu'une majorité de gens, au niveau du conseil d'administration, comprennent beaucoup mieux les enjeux pour une communauté linguistique en situation minoritaire. Ils sont prêts à agir. De fait, ils ont rejeté à l'unanimité la décision du ministre de privatiser, à trois reprises à ce jour. Ils ont rejeté l'idée de privatiser le programme de l'hôpital extra-muros, soit les services de santé à domicile, pas juste les services de ménage. Le conseil d'administration actuel est culotté, et je crois qu'il est en train de faire son travail. Je sais qu'il y a eu des discussions assez fermes avec le P.- D.G. pour qu'il comprenne qui menait la barque, et je crois que le message s'est rendu à destination.
La sénatrice Moncion : Cela amène quand même des discussions par rapport aux personnes qui sont nommées par le gouvernement. On a un peu le même système en Ontario, dans les hôpitaux. Le problème de langue existe un peu partout. Il y a des communautés francophones qui ont des hôpitaux francophones, donc le conseil d'administration est souvent plus francophone. Par contre, chez vous, il y a, je crois, sept personnes qui sont nommées, et c'est probablement, comme en Ontario, par le lieutenant-gouverneur en conseil ou quelque chose de semblable. Est-ce que ces sept personnes proviennent de recommandations que vous faites au ministère ou est-ce que ce sont des personnes qui vous sont vraiment imposées par le ministère?
Dr Dupuis : C'est le ministre qui les nomme. Il doit tenir compte de certains critères énoncés dans la loi, qui concernent des groupes d'intérêt, comme les Premières Nations. Il doit nommer un membre des Premières Nations.
La sénatrice Moncion : Mais ce sont tous des francophones.
Dr Dupuis : Oui, ce sont tous des francophones. À Vitalité, ce sont tous des francophones; à Horizon ce sont tous des anglophones. Sinon, il ne s'agit pas de recommandations du conseil d'administration de Vitalité faites au ministre qui ensuite les confirme ou les choisit sur une liste. Ce sont carrément ses choix à lui. À partir des sept personnes, il choisit la présidence du conseil d'administration.
La sénatrice Moncion : Il choisit la présidence et le directeur général.
Dr Dupuis : Oui.
La sénatrice Moncion : Donc, ça vient vous arnaquer tout de suite en partant.
Dr Dupuis : Vous comprenez.
La sénatrice Moncion : Pour avoir fait pas mal de gouvernance, oui. Ce qui m'étonne davantage, c'est que vous représentez 31,5 p. 100 de la population du Nouveau-Brunswick, alors que, par exemple, en Ontario, nous sommes un infime petit groupe. Nous sommes importants en nombre, mais comparé à une population de 13 millions, le million de francophones et de francophiles en Ontario n'est pas grand-chose en pourcentage; mais je ne veux pas minimiser.
Dr Dupuis : En termes absolus, vous êtes plus nombreux que chez nous.
La sénatrice Moncion : Effectivement, mais vous représentez quand même 31,5 p. 100 de la population, ce qui est énorme pour une population comme celle du Nouveau-Brunswick.
Le président suppléant : Monsieur Verge, est-ce que vous voulez intervenir?
M. Verge : Non, ça va, je pense que la sénatrice a très bien compris la situation du conseil d'administration.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Vous m'excuserez, mais je vais m'exprimer en anglais.
La question de gouvernance m'intéresse également. Vous dites souhaiter être traité de la même façon qu'en éducation. Comment les conseils d'administration des universités sont-ils formés et quel est le processus d'élection pour les autres conseils d'administration scolaires au Nouveau-Brunswick?
[Français]
Dr Dupuis : Je vais laisser à M. Verge le soin de répondre.
M. Verge : Au niveau scolaire, les conseillers scolaires sont élus par la population, tant dans le système francophone qu'anglophone. Il y a une représentation qui est nommée par le ministre, au niveau des élèves, sur recommandation des différents conseils scolaires, mais tous les conseillers scolaires sont élus par la population du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Et, qu'en est-il des universités?
[Français]
M. Verge : Au niveau de l'université, je pense que certains sont nommés par le ministère, mais la majorité sont des gens qui sont recrutés, qui font partie des facultés ou des fédérations d'étudiants, d'enseignants, et cetera.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Si vous me le permettez, j'aurais une dernière question brève à poser. J'aimerais vraiment savoir ce que nous pouvons faire pour aider. Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans ce dossier, étant donné que la santé est une compétence provinciale? Que pouvons-nous faire?
[Français]
Dr Dupuis : Je pense que vous pouvez faire beaucoup de choses. Je crois que le gouvernement fédéral, habituellement, s'abstient de faire la promotion des communautés en situation minoritaire, et il devrait s'engager davantage. Il pourrait arriver avec des ententes dans le domaine de la santé. Récemment, il y a eu des ententes quant au financement de la santé avec les provinces. On a voulu faire des enveloppes spéciales en faveur de la santé mentale et des soins à domicile, et c'est parfait, c'est une bonne idée. Mais on aurait pu décider également d'octroyer des enveloppes spéciales pour les communautés en situation minoritaire. Pour ma part, je pense que le Nouveau-Brunswick, malheureusement, n'a pas fait de demande en ce sens. Je ne suis pas sûr que d'autres gouvernements provinciaux l'ont fait, mais je pense qu'il serait tout à fait à propos de le faire et que le gouvernement fédéral intervienne à ce niveau. Le gouvernement fédéral pourrait, à partir d'ententes spécifiques, soit avec le Nouveau-Brunswick, soit avec l'Ontario, soit avec le Québec pour la communauté anglophone, arriver à des ententes dans lesquelles il financerait une partie des pourcentages pour arriver à l'égalité réelle des institutions de santé de nos communautés.
Je crois que le fait que vous en parliez ici, ce soir, est important. Je crois qu'on doit aussi approcher la ministre de la Santé fédérale. Je parle pour Égalité Santé en Français, je pense que nous allons sûrement essayer de la joindre, ainsi que la ministre de la Justice. Je crois qu'il y a des choses qui peuvent être examinées du point de vue des lois qui sont en vigueur actuellement. Nous soutenons que, selon la partie VII de la Loi sur les langues officielles, au niveau fédéral, on doit assurer la protection et la promotion des communautés linguistiques en situation minoritaire. Or, je crois que vous avez ici un cas type.
Le président suppléant : J'aimerais faire un commentaire avant de passer au deuxième tour de questions. Docteur Dupuis, dans le cadre de vos revendications, vous faites 29 recommandations qui touchent notamment la gouvernance, les institutions de santé au Nouveau-Brunswick, les services de santé cliniques et non cliniques, ainsi que le réseau universitaire. Cela dit, j'attire votre attention aux recommandations 24, 25 et 26. À la recommandation 24, vous invitez la province du Nouveau-Brunswick, l'Université de Moncton et le Réseau de santé Vitalité à mettre sur pied un plan de développement pour établir un véritable centre hospitalier universitaire, ainsi qu'un réseau de centres hospitaliers affiliés universitaires pour les soins cliniques, la recherche et l'enseignement des soins de santé.
Pourriez-vous préciser brièvement ces recommandations?
Dr Dupuis : À l'heure actuelle, il y a eu désignation au Nouveau-Brunswick; c'est une des choses qu'on avait gagnées au mois d'avril 2010, à savoir que le ministre de la Santé avait le droit de désigner les centres hospitaliers universitaires.
Il y a eu désignation du Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont et de centres hospitaliers affiliés universitaires à Edmundston, à Campbellton et à Bathurst, mais le problème, c'est que cette désignation n'a pas entraîné de ressources financières additionnelles et qu'il n'y a pas eu de planification ni de développement. C'est pourquoi on parle du développement d'un véritable centre hospitalier universitaire. Oui, il y a un centre hospitalier universitaire à Moncton, selon ce qui est indiqué sur l'affiche à l'entrée et sur les placards, mais c'est à peu près tout, car il n'y a pas eu de financement additionnel. Si on cherche ce que le gouvernement fédéral pourrait faire, le projet de développement d'un centre hospitalier universitaire et du réseau de centres hospitaliers affiliés universitaires en serait un qui pourrait aider énormément la communauté acadienne et francophone dans le domaine de la santé au Nouveau- Brunswick.
Le président suppléant : On mentionne que le partenariat intègre les collèges communautaires du Nouveau- Brunswick et les centres de recherche existants; c'est bien ça?
Dr Dupuis : Oui. Si on parle de la recherche, il faut intégrer l'Université de Moncton, et si on parle de l'enseignement, il faut intégrer l'Université de Moncton. Il est très difficile de penser à des centres hospitaliers universitaires sans l'affiliation universitaire à un centre hospitalier universitaire. Il faut trouver des universités qui sont de la même juridiction que l'hôpital et l'université, alors il faut presque que ce soit dans la même province.
La sénatrice Gagné : J'aimerais revenir à la question de l'organisation des services et du développement des ressources humaines; le développement des ressources humaines découle de toute l'infrastructure ayant trait à la formation. Je sais qu'il existe une entente avec le Québec dans le contexte de la formation. En fait, je pense qu'il en existe plusieurs pour la formation de différents professionnels de la santé; pour la médecine, l'Université de Sherbrooke est un partenaire important. Avez-vous toujours des plans de développement pour le Nouveau-Brunswick afin de vous approprier de la formation de la grande majorité des professionnels de la santé dont vous avez techniquement besoin pour soutenir vos organisations?
Dr Dupuis : En ce qui a trait à la médecine, une entente avec l'Université de Sherbrooke couvre la formation prédoctorale, soit les quatre années de médecine comme telles. À l'heure actuelle, il y a également une entente avec l'Université de Sherbrooke en ce qui a trait à la résidence en médecine familiale.
Par ailleurs, il n'existe pas beaucoup d'ententes formalisées en ce qui a trait au développement des autres spécialisations par l'Université de Sherbrooke ou toute autre université francophone au Nouveau-Brunswick. Par rapport au Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick où est offerte la formation prédoctorale, je crois que ce centre doit s'émanciper et devenir une faculté de médecine associée à l'Université de Moncton dans un avenir plus ou moins rapproché. On créerait ainsi un moteur pour offrir de la formation, par exemple, en pharmacie, en ergothérapie, en physiothérapie ou en inhalothérapie. De la formation pourrait être offerte pour un grand nombre de spécialisations médicales autres que la médecine. Cela favoriserait le développement de résidences en spécialité au Nouveau- Brunswick, si on avait une faculté de médecine proprement dite.
Un des problèmes du centre hospitalier universitaire, c'est justement ça; normalement, le centre hospitalier universitaire et les centres hospitaliers affiliés universitaires devraient s'associer avec la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke — et ce n'est pas parce que l'Université de Sherbrooke a de mauvaises intentions —, mais comme c'est à l'extérieur de son territoire, cela ne fait pas partie de ses préoccupations, et c'est normal. Il nous faut donc trouver une solution qui implique davantage l'Université de Moncton et qui fait en sorte qu'on puisse développer une véritable faculté de médecine. On pourrait alors répondre aux besoins en ressources humaines du domaine de la santé pour le Nouveau-Brunswick. Mais je pense qu'on peut le faire également pour toutes les provinces de l'Atlantique du côté francophone, et même du côté de l'Ontario et des provinces de l'Ouest, et ainsi de suite. Je pense qu'on pourrait devenir un champion dans ce domaine; puisque nous sommes une communauté de langue officielle en situation minoritaire, nous comprenons bien les francophones en situation minoritaire ailleurs au Canada.
Le sénateur Cormier : J'aimerais faire suite à la question de la sénatrice Bovey et vous entendre davantage en ce qui a trait à des stratégies en collaboration avec le gouvernement fédéral. Avez-vous des liens avec la Société Santé en français?
Dr Dupuis : Non, pas du tout.
Le sénateur Cormier : On a parlé tout à l'heure d'une entente en matière de santé qui a été signée le 22 décembre dernier et qui prévoit une somme de 229 millions de dollars accordée au Nouveau-Brunswick sur une période de 10 ans. Ce que j'aimerais dire est à la fois un commentaire et une question. Si les ententes fédérales-provinciales ne sont pas l'occasion de négocier une enveloppe spécifique pour la question des langues officielles et pour la reconnaissance des droits des minorités, à quelle occasion pourra-t-on le faire? Avez-vous réfléchi à des stratégies par rapport à ce type d'ententes dans votre dialogue avec la province ou avec des organismes comme la Société Santé en français qui sont actifs à l'échelon fédéral?
Il me semble qu'on travaille beaucoup dans nos provinces respectives sur la question de la santé, mais qu'on ne s'attaque pas suffisamment aux ententes fédérales-provinciales pour lesquelles une reddition de comptes doit être effectuée. Dans le cadre de l'entente fédérale-provinciale entre le Canada et le Nouveau-Brunswick, le Nouveau- Brunswick a-t-il des comptes à rendre sur la question de la Loi sur les langues officielles? Est-ce que ce sont des questions que vous vous posez?
Dr Dupuis : On pense que s'il y avait une entente spécifique dans le domaine de la santé par rapport aux droits de la communauté linguistique en situation minoritaire, le gouvernement fédéral serait effectivement bien placé pour demander une reddition de comptes. Toutefois, à ce que je sache, cet aspect n'a pas fait l'objet de discussions, ni du côté provincial ni du côté fédéral. À mon avis, le gouvernement provincial devrait en faire la demande, mais il est certain aussi que le gouvernement fédéral, s'il était à l'affût, pourrait aussi contribuer à cette discussion.
Nous avons peut-être raté une occasion, mais je ne pense pas qu'il soit trop tard pour se reprendre. Il peut toujours y avoir des dossiers spécifiques à traiter, et ce dossier en serait un pour lequel on pourrait conclure une entente. On pourrait débuter par des ententes sur un projet-pilote ou quelque chose du genre. On pourrait commencer par le faire avec une province pour voir si cela fonctionne et poursuivre ensuite le développement avec d'autres provinces. Je pense que nous devrions le faire. À ce que je sache, je n'ai jamais entendu dire que cela a été discuté, mais je n'ai peut-être pas été invité pour en discuter. Il est sûr qu'on pense que la province devrait faire cette demande. Quand on présente 29 revendications à la province et qu'elle n'est pas capable d'en retenir une — ce serait la trentième revendication —, le fossé est énorme. On n'y est pas encore.
Ce qui est désolant, c'est que, dans l'esprit du gouvernement provincial, la santé n'est pas un enjeu pour une communauté en situation minoritaire. C'est ce qu'on peut se dire actuellement. C'était un enjeu en 2010, puisque le gouvernement se trouvait dans une situation où on allait se présenter en cour. La date et le juge étaient choisis, tout allait aller de l'avant. Les représentants du gouvernement se sont assis et nous avons négocié. C'est une drôle de façon de faire, lorsqu'il faut avoir le couteau sous la gorge pour y arriver. Le gouvernement provincial a des obligations, mais il ne les respecte pas. Le coeur du problème est lié au gouvernement provincial. S'il voulait dialoguer et négocier avec nous, on pourrait arriver à des ententes.
Le président suppléant : Docteur Dupuis, je vais vous demander d'être bref, parce que d'autres sénateurs veulent encore vous poser des questions.
La sénatrice Moncion : J'aimerais que vous nous parliez un peu de la privatisation. Vous avez parlé de la privatisation des services pour l'entretien de l'hôpital, notamment. Mais il y a aussi la création de cliniques d'infirmières praticiennes qu'on retrouve ici. On commence à en voir dans les plus petites municipalités, ici en Ontario. Cela désengorge les hôpitaux. On sait qu'envoyer les gens à l'hôpital coûte extrêmement cher. Les gens commencent à aller vers les infirmières praticiennes. Il y a une autre économie qui se crée du côté du secteur de la santé.
Dans les communautés francophones, ces petits groupes sont en train de se former. On est même allé chercher une de vos élèves, une infirmière praticienne qui travaille dans le Nord de l'Ontario. Il y a plusieurs médecins et infirmières praticiennes, d'ailleurs, qui viennent de chez vous pour venir travailler en Ontario.
Dr Dupuis : Vous me dites que vous avez des infirmières praticiennes qui travaillent dans le secteur privé?
La sénatrice Moncion : Oui.
Dr Dupuis : Ce concept n'existe pas actuellement au Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas entendu parler de cela.
La sénatrice Moncion : C'est un peu comme les CLSC au Québec. En Ontario, on commence à créer des centres de santé communautaires où travaillent des infirmières praticiennes.
La sénatrice Gagné : Est-ce que c'est privé?
La sénatrice Moncion : C'est payé par le gouvernement provincial, mais il faut que la communauté soit très impliquée. Il y a tout un fonctionnement. Or, ce système fait des petits, on en voit de plus en plus dans les communautés minoritaires, qu'elles soient anglophones ou francophones. Les services sont offerts. C'est quelque chose qui fonctionne.
Plus tôt, quand vous parliez de privatisation, vous vouliez plutôt parler de la buanderie, et cetera, mais moi, je parlais des services médicaux auxiliaires.
Dr Dupuis : Je ne suis pas au courant d'une privatisation de ce genre au Nouveau-Brunswick, mais je sais qu'il y a eu des discussions sur la privatisation de la psychologie en santé mentale. Je trouve un peu extraordinaire que le Nouveau- Brunswick vienne de signer une entente qui porte sur les soins de santé mentale, et que l'une des choses que la province veut faire avec cet argent, c'est de privatiser la psychologie lorsqu'il y a un besoin de services de santé mentale. Cela me surprend un peu.
On a aussi parlé de privatiser les services de laboratoire et les soins cliniques à domicile au Nouveau-Brunswick. C'est le programme de l'hôpital extra-muros, et on a parlé de privatiser les trois services hospitaliers dont je vous ai parlé. Je crois que c'est là que...
La sénatrice Moncion : Le mot « privatisation » n'est peut-être pas le bon. Il commence à y avoir des partenariats entre le gouvernement provincial et différentes communautés, ce qui a pour effet de désengorger les hôpitaux. Ce n'est peut-être pas la privatisation comme telle. C'est pour cela que je voulais que vous me parliez un peu plus de privatisation.
Dr Dupuis : Comment les infirmières praticiennes sont-elles payées exactement?
La sénatrice Moncion : Par le gouvernement de l'Ontario.
Dr Dupuis : Comme les médecins?
La sénatrice Moncion : Les médecins, oui. Je ne suis pas certaine si les communautés y participent financièrement, mais je sais que les communautés doivent...
Dr Dupuis : Chez nous, on a des infirmières praticiennes qui travaillent dans la communauté. Elles sont salariées, mais elles ne sont pas payées sur un mode de rémunération par l'assurance-maladie de la province du Nouveau- Brunswick.
La sénatrice Moncion : Comme les médecins, c'est différent.
Dr Dupuis : Comme les médecins.
Le président suppléant : Vous vouliez intervenir, sénateur Cormier?
Le sénateur Cormier : Oui. Dans le cas des cliniques sans rendez-vous au Nouveau-Brunswick, par exemple, celle du Dr Blanchard, à Caraquet, il s'agit d'un partenariat public-privé. Bien sûr, le public paie certains services, mais la clinique comme telle est une clinique privée, non?
Dr Dupuis : Oui.
Le sénateur Cormier : C'est une clinique privée, n'est-ce pas?
Dr Dupuis : C'est la façon dont fonctionnent plusieurs médecins au Canada. Voilà l'aspect privé du système canadien. Certains médecins sont payés par le gouvernement, les hôpitaux, et ainsi de suite, mais la plupart des médecins sont des entrepreneurs privés qui sont payés lorsqu'ils transmettent leurs factures à l'assurance-maladie. Si je comprends bien, c'est un peu ce qui se passe en Ontario.
La sénatrice Moncion : Oui, et c'est la même chose dans le cas des infirmières praticiennes et des sages-femmes. Il y a de plus en plus d'hôpitaux en Ontario qui acceptent que les sages-femmes accompagnent les mères jusqu'à l'accouchement, mais d'autres le refusent.
Dr Dupuis : Cela ne fait pas encore l'unanimité en Ontario. Il y a des choses du genre qui existent, mais pas sur le modèle de la rémunération médicale. C'est plutôt sur un modèle de rémunération à salaire pour les infirmières praticiennes.
Le président suppléant : Ça va, sénatrice Moncion?
La sénatrice Moncion : Oui. J'aurai une autre question au troisième tour.
Le président suppléant : Très brièvement, s'il vous plaît, sénateur Maltais.
Le sénateur Maltais : Est-ce que vous pourriez me donner, de mémoire, le budget accordé à la santé au Nouveau- Brunswick?
Dr Dupuis : 2,6 milliards de dollars.
Le sénateur Maltais : En ce qui concerne les ententes fédérales-provinciales, je vous souhaite bonne chance. Nous avons des ententes avec le ministère du Patrimoine sur les services liés à la francophonie dans chacune des provinces. Or, on n'est pas capable de nous dire si cet argent versé aux provinces va directement à la francophonie. Le président du Conseil du Trésor, M. Brison, est venu témoigner devant nous et il m'a dit : « Je n'ai aucune façon de demander une reddition de comptes. » Il nous a dit que lorsqu'il reviendrait, il y aurait probablement un projet de loi à ce sujet. Est-ce qu'on pourrait faire la même chose dans le domaine de la santé?
Dr Dupuis : Vous demandez si le gouvernement fédéral pourrait demander une reddition de compte aux provinces dans le domaine de la santé? Tout est dans la négociation. Il y a déjà eu des ententes fédérales-provinciales en santé qui cherchaient à réduire les temps d'attente pour la radiothérapie et certaines chirurgies. Je crois que les provinces, sauf exception, faisaient une certaine reddition de comptes. Si on le demande, on l'aura. Le problème, c'est que si on ne le demande pas, il est sûr qu'on ne l'aura pas. Il faut que ce soit négocié, il faut que les deux parties à la table soient d'accord que cela se fasse.
Le sénateur Maltais : Si vous n'aviez qu'une recommandation à faire à notre comité, qu'est-ce que vous nous recommanderiez?
Dr Dupuis : Il faut absolument que le gouvernement fédéral fasse la promotion des communautés en situation minoritaire en ce qui a trait à la santé, et il doit le faire au moyen d'ententes fédérales-provinciales. Ces ententes doivent être aussi précises que possible, et l'objectif est d'arriver à ce que les communautés en situation minoritaire du côté de la santé atteignent l'égalité réelle. C'est ça, l'objectif. Il faut que quelqu'un, quelque part, compense. Les provinces sont souvent réticentes à le faire, mais si le grand frère fédéral était prêt à les accompagner et à les aider, je pense que cela pourrait se faire. Si on pouvait inscrire cette question à l'ordre du jour des discussions tenues avec les gouvernements fédéral et provincial, à mon avis, il y a des chances que cela fonctionne.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, docteur Dupuis.
La sénatrice Gagné : Ça va pour moi, mes questions ont été posées.
La sénatrice Moncion : Ma question concerne les jeunes. On se rend compte aujourd'hui que les jeunes n'ont pas les mêmes batailles que nous ou que nos parents avons connues en ce qui concerne les services en français. Je sais qu'une étude a été faite par la Fédération des caisses populaires acadiennes sur l'exode des jeunes du Nouveau-Brunswick. Savez-vous si vos jeunes se sentent concernés par cette bataille linguistique que vous menez pour conserver les services en français au Nouveau-Brunswick?
Dr Dupuis : Lors de la première ronde, la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick nous a apporté son soutien. La Fédération des étudiants et étudiantes du campus de l'Université de Moncton, la FECUM, nous a également appuyés. Nous avions l'appui de plusieurs organisations de jeunes. Ils nous ont fait sentir leur soutien. Actuellement, la FECUM nous appuie. Nous sommes en train d'aller chercher des appuis dans d'autres milieux associatifs de jeunes et nous pensons qu'ils vont nous appuyer également.
Le problème en ce qui concerne la jeunesse au Nouveau-Brunswick ne vient pas tant de l'exode que de la dénatalité au sein de notre population. Je crois que les jeunes, surtout au Nouveau-Brunswick, sont bien motivés et bien organisés. Il y a de beaux milieux associatifs, ils participent, et cela fonctionne.
La sénatrice Moncion : J'ai une petite question complémentaire. C'est peut-être un petit conseil plutôt. Votre premier ministre, Brian Gallant, est francophone, je crois.
Dr Dupuis : Oui.
La sénatrice Moncion : Je crois qu'il appuie les communautés francophones. Peut-être devriez-vous essayer de profiter de l'aide des jeunes de la FECUM pour influencer votre premier ministre, qui est jeune. Je crois qu'il n'a même pas 35 ans. Parfois, entre jeunes, la compréhension est plus aisée. Les jeunes considèrent parfois que les enjeux des plus vieux diffèrent des enjeux des jeunes.
Dr Dupuis : Madame, sauf le respect que je vous dois, le premier ministre de la province du Nouveau-Brunswick, actuellement, bafoue les droits des francophones dans le domaine de la santé, point à la ligne. C'est son gouvernement et son ministre de la Santé qui sont impliqués, donc il est au courant de tout ceci.
La sénatrice Moncion : Ah oui? Je suis triste de l'entendre.
Dr Dupuis : Le ministre de la Santé est aussi francophone.
La sénatrice Moncion : Je trouve cela très dommage.
Le président suppléant : Une brève dernière question.
La sénatrice Gagné : Docteur Dupuis, vous avez mentionné plus tôt, et également à l'émission L'Heure juste, je crois, que vous envisagez la possibilité de faire appel aux tribunaux si le gouvernement ne respecte pas ses obligations constitutionnelles en matière de langues officielles.
Dr Dupuis : C'est clair. C'est clair comme...
La sénatrice Gagné : ...de l'eau de roche...
Dr Dupuis : ... de l'eau claire. Nous ne tolérerons pas cette situation bien longtemps. J'aimerais dire que si rien ne bouge du côté du gouvernement provincial, nous ne tolérerons plus la situation. Nous l'avons endurée, mais c'est fini. Il faut que le dossier avance, et c'est un peu comme ça qu'on voit les choses.
Le président suppléant : La période des questions étant terminée, cela met donc fin à la séance. Nous remercions chaleureusement tous nos invités de ce soir. Votre présence et votre apport nous sont précieux.
(La séance se poursuit à huis clos.)