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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 12 - Témoignages du 1er mai 2017


OTTAWA, le lundi 1er mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 3, afin d'examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonsoir. Je m'appelle Claudette Tardif et je suis de l'Alberta. J'ai le plaisir de présider la réunion de ce soir. Avant de céder la parole aux témoins, j'inviterais les membres du comité à bien vouloir se présenter, en commençant à ma droite.

Le sénateur McIntyre : Bonsoir. Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Bovey : Pat Bovey, de Winnipeg, au Manitoba.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l'Ontario.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec. Bonsoir.

La présidente : Ce soir, notre comité entame une toute nouvelle étude, qui sera divisée en cinq volets et qui examinera la perspective des Canadiens et des Canadiennes sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Cette étude vise à recueillir des commentaires et des recommandations de la part de différents segments de la population canadienne, en particulier les jeunes, les acteurs qui ont vécu l'évolution de la Loi sur les langues officielles, les communautés de langue officielle en situation minoritaire, le secteur de la justice et les institutions fédérales.

Dans un premier temps, le comité sénatorial examinera la perspective des jeunes Canadiens en ce qui concerne notamment la promotion des deux langues officielles, la relation identitaire qui en découle, avec leurs langues et leurs cultures respectives, les motivations à apprendre l'autre langue officielle, les perspectives d'emploi et d'avenir pour les jeunes et leurs recommandations quant à la modernisation de la loi.

Au sein de notre premier groupe, nous avons le grand plaisir d'accueillir, de la Fédération de la jeunesse canadienne- française, M. Justin Johnson, président, et Mme Josée Vaillancourt, directrice générale. Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous êtes nos premiers témoins dans le cadre de cette étude, alors c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons. Nous vous invitons à nous faire part de vos commentaires et, par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.

Justin Johnson, président, Fédération de la jeunesse canadienne-française : Merci beaucoup. Mesdames et messieurs les membres du comité, bonsoir.

D'abord, à titre de président d'un organisme porte-parole de la jeunesse d'expression française du Canada en situation minoritaire, je vous remercie infiniment d'avoir invité la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) à se présenter devant vous ce soir pour discuter de la perspective des jeunes Canadiens sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Depuis 1974, nous soutenons le principe de l'action par et pour les jeunes. La FJCF se fait un devoir de s'assurer que des jeunes témoignent dans le cadre d'événements comme celui-ci. C'est la raison pour laquelle je suis ici. C'est aussi pourquoi nous avons mené des sondages auprès des jeunes pour obtenir leurs perspectives sur différentes questions liées à la dualité linguistique et aux langues officielles. Ce sont les opinions des jeunes d'expression française de partout au Canada qui vous seront communiquées ce soir.

Notre mandat premier est de porter les intérêts de la jeunesse canadienne d'expression française en situation minoritaire. Nous avons également le rôle de créer une variété d'initiatives pour permettre à ces jeunes de vivre des expériences enrichissantes en français, à l'échelle nationale et locale, par l'intermédiaire de nos 11 organismes jeunesse membres dans 9 provinces et 2 territoires.

À l'aube de l'étude sur la perspective des Canadiens et Canadiennes au sujet de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, la FJCF souhaite avant tout que toutes les institutions fédérales reconnaissent l'importance de la défense et de la valorisation des langues officielles, et ce, partout au pays. Les Canadiens aspirent également à ce que la Loi sur les langues officielles réponde adéquatement aux enjeux actuels qu'ont énoncés les jeunes en ce qui a trait à la vitalité des communautés minoritaires francophones, à l'employabilité, à l'éducation et à l'apprentissage de la langue seconde, à la sécurité linguistique et à la promotion de la dualité linguistique.

La jeunesse préconise une francophonie canadienne où l'affirmation identitaire passe non par l'opposition et l'exclusion, mais bien par l'ouverture et la diversité. C'est pourquoi la FJCF appuie de tout cœur les tentatives de modernisation de la Loi sur les langues officielles visant à introduire la notion de qualité égale des communications et des services offerts, à améliorer les critères servant à déterminer s'il y a une demande importante et à clarifier les dispositions en matière de consultation préalable à l'application de la partie IV de la loi. Nous croyons qu'il est de mise que le gouvernement du Canada revoie la définition d'un francophone afin d'adopter une définition plus inclusive de la francophonie, tout comme l'a fait le gouvernement de l'Ontario.

La jeunesse imagine et veut vivre dans un Canada qui respecte la diversité linguistique, qui célèbre la dualité linguistique, qui valorise nos accents francophones régionaux et qui rassemble les communautés linguistiques du pays.

Dans le cadre de l'un de nos récents sondages, tous les jeunes répondants parlaient le français et l'anglais. Pour les jeunes dont la langue maternelle est le français et qui habitent en situation minoritaire, l'apprentissage de l'anglais se fait souvent dès un très jeune âge. On dit d'ailleurs souvent chez nous que l'anglais s'« attrape ». L'apprentissage de l'anglais se fait dans un contexte social, ou encore, à l'école. Un jeune nous a récemment dit ceci : « Je vois difficilement comment on peut avoir un attachement particulier à une langue véhiculaire aussi répandue que l'anglais. On la tient pour acquise parce qu'elle est omniprésente. Un attachement envers quelque chose qui se vit difficilement, qui est complexe et qui présente peu d'occasions d'être utilisé, c'est là où l'attachement se crée, et puis c'est là où mon attachement envers le français se manifeste. »

La coexistence du français et de l'anglais fait partie de notre réalité. On ne peut pas s'en défaire. Dans une proportion de 91,3 p. 100, la quasi-totalité des jeunes d'expression française interrogés au cours de la dernière année reconnaissent le bilinguisme comme étant une composante très importante de l'identité canadienne et comme étant la fondation même de la culture canadienne. Cependant, ils signalent un manque de promotion et de valorisation du bilinguisme au Canada, et surtout, un manque de reconnaissance et de fierté de la langue et de la dualité linguistique au pays.

Le Canada est un pays bilingue. Toutefois, la valorisation de ses deux langues officielles laisse parfois à désirer. La dualité linguistique de notre pays est, d'après nous, un de ses plus grands atouts. Les jeunes croient que le gouvernement du Canada devrait faire la promotion active de cette dualité comme étant un avantage, tant culturel qu'économique. Pour sensibiliser la population canadienne à l'importance de célébrer la dualité linguistique au Canada, de valoriser les accents régionaux et de rassembler les communautés linguistiques du pays, la FJCF a recommandé, dans son mémoire dans le cadre du prochain plan d'action pour les langues officielles, que le gouvernement du Canada lance, partout au pays, une campagne de sensibilisation et de promotion des langues officielles et de la dualité linguistique au Canada. Il est important de faire connaître les différents accents francophones au Canada, de les valoriser et de bâtir des ponts entre les communautés linguistiques du pays.

Pour ces jeunes d'expression française vivant en situation minoritaire, un défi majeur est celui de trouver les occasions de vivre véritablement leur francophonie à l'extérieur de l'école. Un jeune nous a dit ce qui suit : « La plus grande occasion pour vivre en français chez moi est de participer aux événements de l'école en plus des événements offerts, tels que les Jeux de l'Acadie ou des activités du Conseil jeunesse provincial. »

Dans le contexte sociolinguistique actuel où le nombre de francophones augmente au Canada, mais dont la proportion au sein de la population canadienne diminue, nous croyons qu'il est impératif d'accorder la priorité à la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire. Nous devons permettre le renforcement des capacités des organismes qui contribuent à l'épanouissement de la jeunesse et qui facilitent l'organisation d'événements et d'initiatives qui permettent le rassemblement des jeunes d'expression française sur un même territoire et, par la même occasion, qui contribuent au dynamisme de leur communauté respective. Permettez-moi de citer un des jeunes répondants à notre plus récent sondage, qui a dit ce qui suit : « Bien que ma famille ait aidé à un certain degré à développer mon affinité envers la culture francophone, ce fut vraiment à travers des organismes jeunesse que j'ai eu des moments où j'ai pu trouver ma place. »

Alors que le visage de la francophonie se transforme au pays, la FJCF constate que de nombreux Canadiens et Canadiennes, y compris des jeunes francophones, ne se sentent pas à l'aise de s'exprimer en français pour diverses raisons. Certains croient qu'ils ne sont pas assez bons, qu'ils seront jugés ou encore que leur accent est inférieur à celui d'autres régions ou aux accents véhiculés par les médias. Ainsi, plusieurs jeunes préfèrent utiliser l'anglais, même s'ils sont en mesure de bien communiquer en français. Ce phénomène d'intimidation ou ce qu'on appelle « l'insécurité linguistique » est présent d'un bout à l'autre du pays et affecte tous les groupes d'âge. Si chaque région dispose de ses particularités linguistiques, chaque particularité peut devenir source de richesse et de fierté. Il suffit de les découvrir et de les mettre en valeur. La FJCF croit que les différences d'expression ne devraient pas être un obstacle à l'affirmation de la langue française et que la francophonie devrait être célébrée dans toutes ses formes.

Outre la promotion directe des langues officielles, un défi soulevé par les jeunes est le manque de diversité linguistique et le peu de contenu original franco-canadien dans les médias, que ce soit à la radio, à la télévision ou sur le Web. L'attachement à la culture francophone passe en premier lieu par l'accessibilité à cette culture et par la diffusion de contenu produit par et pour la francophonie canadienne, et ce, dans l'ensemble du pays. La diversité du dialecte et la multiplicité des accents des diverses régions canadiennes sont souvent absentes des médias. Le français au Canada, c'est beaucoup plus que le français parlé et entendu au Québec. Il est important que les francophones des quatre coins du pays se voient, s'entendent et s'identifient dans les médias partout au pays.

Parmi les commentaires de nos membres qui reviennent souvent au sujet des défis qui se posent dans leur collectivité lorsqu'il s'agit de vivre pleinement en français, il y a le manque d'institutions et de programmes postsecondaires diversifiés en français. En effet, lorsqu'ils sont interrogés à ce sujet, 32,5 p. 100 des jeunes Canadiens et Canadiennes d'expression française nous indiquent avoir de la difficulté à accéder à une formation postsecondaire de qualité en français dans un domaine ou dans un programme qui les intéresse. Sachant que l'éducation est un des piliers du développement de soi et qu'elle permet aux jeunes de s'approprier leur histoire et leur identité en tant que Canadiens et Canadiennes, l'école est un lieu privilégié pour permettre aux jeunes de découvrir et de mieux comprendre ce qu'est la francophonie, sa culture et son histoire.

Toutefois, la culture ne s'apprend pas. Elle doit se vivre. Il est préoccupant de savoir que près d'un jeune sur trois devra poursuivre ses études postsecondaires dans une langue qu'il n'a pas choisie en raison de l'insécurité linguistique ou du manque de disponibilité de programmes offerts en français, et qu'il devra quitter sa région pour avoir accès à un programme d'étude de son choix en langue française.

Les jeunes d'expression française du pays questionnés par la FJCF reconnaissent unanimement l'importance de la maîtrise des deux langues officielles en ce qui concerne leurs perspectives d'emploi. Cependant, ils remarquent aussi le peu d'emplois qui offrent un environnement de travail en français ou même bilingue. Les participants à notre sondage soulèvent aussi le manque de valorisation du bilinguisme ou de la dualité linguistique dans les milieux de travail, l'anglais étant souvent privilégié dans le cadre du travail à l'interne et des interactions entre employés. Les jeunes aspirent à trouver des emplois dans leur langue, dans leur domaine d'études et qui offrent des salaires compétitifs et des durées d'emploi respectables au sein de leur collectivité.

Nous croyons donc que le gouvernement du Canada devrait investir davantage dans la création d'emplois pour les jeunes francophones et, en priorité, dans le financement du programme d'emplois d'été Jeunesse Canada au travail, dans les deux langues officielles, en plus d'investir dans une offre de stages rémunérés pour étudiants, en français et de qualité, au sein des communautés francophones en situation minoritaire du pays par l'entremise du programme Jeunesse Canada au travail pour favoriser une carrière en français et en anglais.

En conclusion, nous croyons que le gouvernement fédéral doit poursuivre ses investissements en faveur des programmes d'apprentissage essentiels pour permettre aux participants de parfaire leur cheminement linguistique dans le but d'acquérir une langue seconde et d'en perfectionner l'utilisation. Le gouvernement fédéral doit également investir dans des initiatives permettant de réduire l'insécurité linguistique chez les jeunes et dans toutes les sphères de la société.

Bien que l'enseignement en salle de classe soit non négligeable, nous croyons fortement que le perfectionnement d'une langue seconde se fait au moyen d'expériences et que l'appartenance à la culture se rattache à une expérience sur le terrain. L'investissement en faveur d'événements rassembleurs, d'activités culturelles et de programmes d'emploi est donc essentiel et permet de mettre en pratique la langue qu'on apprend à l'école. L'élaboration de partenariats avec des organismes pouvant offrir ce type d'expériences est une pratique que nous favorisons à la FJCF.

De plus, nous croyons qu'il serait important pour le gouvernement fédéral de rappeler aux citoyens et aux citoyennes l'importance de la dualité linguistique, qui était la pierre angulaire de la création de notre pays, grâce à une campagne de promotion nationale pour la valorisation du bilinguisme au Canada. La dualité linguistique est après tout l'une de nos plus grandes richesses au Canada.

Nous vous invitons à consulter la trousse d'information qu'on vous a transmise pour en savoir davantage sur les commentaires et suggestions des jeunes. Il y en a beaucoup. Nous demeurons disponibles pour vous appuyer dans votre recherche et votre projet de rencontrer des jeunes francophones d'un bout à l'autre du pays afin de connaître davantage leurs besoins, les enjeux qu'ils doivent affronter, et ce qui les motive à devenir des citoyens et citoyennes engagés. Nous voulons absolument travailler avec vous; voilà pourquoi nous sommes ici ce soir. Nous vous remercions infiniment de votre invitation et de l'occasion de discuter avec vous.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Johnson, de votre excellente présentation. J'aimerais signaler la présence de deux sénateurs qui se sont joints à notre comité : la sénatrice Mégie, de la province de Québec, et le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick. Il y a des sénateurs qui aimeraient vous poser des questions.

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Johnson, de votre présentation, et bienvenue également à Mme Vaillancourt. Je note que votre fédération a été fondée il y a plus de 43 ans et qu'elle représente les intérêts des jeunes Canadiens d'expression française de 14 à 25 ans. Je note également qu'elle organise plusieurs événements d'envergure. Parmi les événements qui seront tenus prochainement à l'échelle nationale, on compte la 7e édition des Jeux de la francophonie canadienne, qui auront lieu à Moncton et à Dieppe, au Nouveau-Brunswick, ma province natale, du 11 au 15 juillet 2017. On compte également le Parlement jeunesse pancanadien, qui aura lieu à Ottawa du 10 au 14 janvier 2018, ainsi que le Forum jeunesse pancanadien, qui aura lieu à l'hiver 2019 et dont l'emplacement reste à déterminer.

En parlant du Forum jeunesse pancanadien, qui se tient aux deux ans, je remarque qu'en 2015, dans sa plateforme, la fédération avait cerné cinq grands enjeux, y compris l'avenir de la Loi sur les langues officielles. Vous en avez parlé, d'ailleurs, et je suis d'accord avec vous que la Loi sur les langues officielles ne contient pas de disposition spécifique portant sur la jeunesse. Parmi les autres enjeux, je note également l'âge du vote à 16 ans et l'éducation postsecondaire en français. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces deux enjeux?

Josée Vaillancourt, directrice générale, Fédération de la jeunesse canadienne-française : Merci beaucoup pour la question. C'est lors du Forum jeunesse pancanadien de 2015 que les jeunes ont établi les cinq priorités, y compris le vote à 16 ans et l'accès à l'éducation postsecondaire en français.

Je vais commencer avec l'éducation. Il est clair que nous sommes choyés jusqu'à un certain point : il y a quand même de belles institutions à travers le pays pour nos jeunes. Par contre, les jeunes doivent souvent voyager ailleurs pour étudier en français, surtout dans des domaines d'étude qui ne sont parfois pas offerts dans leur région. Bien que les jeunes aiment voyager, il y a des coûts rattachés aux études, et les coûts pour étudier en français sont très dispendieux, surtout lorsqu'un déplacement est nécessaire. L'accès à des institutions postsecondaires en français dans leurs communautés serait idéal, ainsi qu'une plus grande disponibilité des programmes partout à travers le pays.

Pour ce qui est du vote à 16 ans, les jeunes aujourd'hui sont engagés. Ils veulent participer à la démocratie, ils s'intéressent à l'avenir de notre pays, et ils souhaitent avoir un droit de parole dans le cadre des élections dès l'âge de 16 ans. C'est d'ailleurs un sujet qui a fait beaucoup jaser au Nouveau-Brunswick, ainsi qu'un peu partout au pays. Bien que cela ne fasse pas l'unanimité, les gens commencent à y réfléchir davantage. Il est clair que les jeunes veulent s'engager davantage et avoir l'occasion de participer pleinement à la démocratie canadienne.

Le sénateur McIntyre : Est-ce qu'il y a eu un sondage effectué parmi les jeunes au Canada sur le vote à 16 ans?

Mme Vaillancourt : Ce n'était pas un sondage très répandu. Ce sont les jeunes qui ont participé au Forum jeunesse pancanadien qui ont établi cet enjeu commt étant prioritaire. Évidemment, ils se sont fait l'écho des opinions de leurs collègues sur le terrain, et cela remonte au niveau national. Mais un sondage tel quel sur la question n'a pas été encore fait.

Le sénateur Cormier : Merci d'être présents parmi nous. Puisque je connais bien votre organisme, je me permets de vous féliciter pour le travail que vous faites depuis des années. C'est un travail conçu ardemment et intensément dans la francophonie canadienne. Vous faites un travail exceptionnel grâce à votre capacité de rassembler les jeunes autour de projets mobilisateurs et engageants. Parmi tous ces projets, vous faites aussi des projets de nature culturelle avec vos membres.

Ma question est la suivante : malgré toutes ces activités, nous pouvons avoir l'impression que les jeunes d'aujourd'hui ne s'identifient pas forcément aux langues officielles par le truchement des arts et de la culture. Vous faites beaucoup d'activités dans le secteur culturel. Quelle est votre perception par rapport à cela?

M. Johnson : Merci beaucoup pour la question. La culture est revenue souvent lors des discussions dans le cadre du dernier Forum jeunesse pancanadien tenu à Calgary il y a quelques mois. Il était question de vivre cette culture; non seulement d'en parler, mais de véritablement la vivre. C'est par l'entremise de cette culture qu'on la comprend et qu'on encourage les jeunes dans les domaines artistiques. Je connais plusieurs jeunes artistes un peu partout au pays qui s'expriment de cette façon-là. On pourrait avoir un débat sur la question de savoir si une œuvre d'art exprime la langue française. Je dirais que oui, si elle a été produite par un francophone. Les arts et la culture ont un rôle énorme à jouer dans l'épanouissement de la francophonie canadienne, et les jeunes ont un rôle à jouer dans ce domaine. La culture est une force qui va de l'avant et nous devons la garder en tête dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Mme Vaillancourt : Ce n'est pas un secret que les jeunes sont très attachés à tout ce qui est mobile : leurs téléphones intelligents, Internet, ainsi de suite. Quant à la consommation des produits culturels, ce qui est offert le plus facilement sur les réseaux sociaux ou sur Internet n'est pas nécessairement en français. C'est notre plus grand défi. Quand nous parlons dans notre allocution de créer plus de contenu par et pour la francophonie canadienne, c'est que les jeunes ont besoin de s'identifier, de se voir, et de s'entendre avec leur accent aussi. Il faut faire en sorte que les produits culturels francophones soient plus facilement et rapidement disponibles sur les réseaux sociaux. Voilà la nature même des réseaux sociaux : ils sont instantanés, immédiats. On doit s'améliorer sur ce plan afin que nos jeunes francophones aient accès à du contenu culturel en français qui les représente et les intéresse. Voilà donc un défi.

M. Johnson : Pour continuer sur ce que Mme Vaillancourt a dit, par exemple, sur Twitter, qui est une plateforme sur les réseaux sociaux, on n'a pas l'habitude de voir des conversations, des gazouillis entre francophones. Il n'y a pas de grands débats francophones sur les médias sociaux. Cependant, plusieurs de nos organismes sont présents sur les médias sociaux et y diffusent leurs communiqués de presse. Nous ne voyons pas de véritable vie en français sur ces plateformes.

On veut parler des grands enjeux de nos institutions, mais aussi parler des arts en français : êtes-vous allés voir cette pièce de théâtre? Je l'ai trouvée fantastique. Avez-vous vu ce spectacle? On veut parler de ce genre de choses et, si on réussit de plus en plus à rendre visible la présence de francophones, de jeunes francophones sur ces médias sociaux, nos collègues, nos confrères et consœurs anglophones seront en mesure de comprendre qu'on a un rôle et une place dans la francophonie canadienne. Donc, je crois fermement que les médias sociaux ont un rôle à jouer dans ce débat et dans cette discussion.

Le sénateur Cormier : Est-ce que votre organisme a participé à la consultation de la ministre Joly sur le numérique?

Mme Vaillancourt : Non, malheureusement.

La sénatrice Gagné : Je vais ajouter ma voix à celles des sénateurs McIntyre et Cormier en exprimant notre admiration pour votre travail. Vous faites de belles choses qui engagent les jeunes, et c'est la base pour la normalisation de la vie en français au Canada.

J'aimerais revenir sur la question de la valeur du bilinguisme. Dans votre exposé, monsieur Johnson, vous avez mentionné que, finalement, la grande majorité des jeunes se disent bilingues. Cette valeur est donc très importante. Je me suis demandé qu'est-ce qui fait qu'un jeune va adhérer à cette valeur du bilinguisme. Je m'intéresse à cette réponse, mais aussi à savoir pourquoi un jeune minimiserait l'importance de continuer à vivre en français.

M. Johnson : Vous posez une très bonne question, sénatrice Gagné. C'est un grand débat, une grande discussion. C'est un sujet qui est souvent discuté au Forum jeunesse pancanadien, la question de savoir si ce bilinguisme, cette dualité linguistique n'est qu'une valeur ou si c'est quelque chose d'inné. Est-ce que c'est quelque chose d'identitaire qu'on ne peut pas simplement mettre de côté et ignorer? D'après ce que je comprends et ce que j'entends, c'est souvent lié à la question de se dire bilingue et que c'est ce que je suis. C'est ce qui fait un Canadien ou une Canadienne. Je la vis tout simplement, cette dualité linguistique. C'est quelque chose d'inné, qui n'est pas à l'extérieur de soi-même. C'est très personnel et suggestif.

Il est difficile de vivre cette vie de façon pleinement bilingue en reconnaissant que la langue française vient avec un bagage historique et culturel, et avec la compréhension de tout cela, avec une fierté. C'est comprendre qu'on peut vivre et qu'on veut vivre notre vie en français, et renforcer nos communautés pour pouvoir véritablement s'épanouir en français.

Cependant, les jeunes d'expression française au Canada sont très conscients que nous devons absolument bâtir des ponts avec nos collègues anglophones partout au pays. On partage les mêmes enjeux, notamment la question d'établir l'âge du vote à 16 ans, la protection de l'environnement, les médias sociaux. Ce sont des enjeux qu'on partage avec nos confrères et consœurs anglophones, jeunes et moins jeunes. On veut pouvoir travailler avec eux tout en respectant et en célébrant ce que nous sommes en tant que francophones.

Mme Vaillancourt : J'aimerais ajouter qu'on voit dans la génération des jeunes d'aujourd'hui le résultat du travail des gens qui se sont battus sans relâche pour obtenir l'accès à l'éducation en français. Il s'agit d'une période récente dans notre histoire où les francophones ont la capacité de gérer leurs propres institutions, mais il y a eu une époque où les francophones se sont battus pour que ces droits soient reconnus et, aujourd'hui, les jeunes profitent de ces succès.Donc, si on se bat pour notre francophonie, on vit tout de même dans une société qui a des acquis jusqu'à un certain point, et cela vient avec des enjeux.

Lorsque les jeunes disent qu'ils sont bilingues, cela ne fait pas d'eux de moins bons francophones. C'est très important de le comprendre. Les jeunes sont aussi fiers de parler français, mais leur identité d'aujourd'hui est davantage bilingue. Souvent, on a peur lorsque les jeunes disent qu'ils sont bilingues, comme si notre nombre diminuerait. Non, il faut reconnaître que les bilingues anglophones et francophones sont une grande richesse pour notre pays. Je pense qu'on est rendu là avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

C'est d'autant plus important que la reconnaissance se fait des deux côtés. Oui, nous reconnaissons le fait que nous habitons dans une société qui parle principalement en anglais, mais le français est très présent. Le gouvernement doit faire davantage d'efforts pour que les anglophones comprennent l'importance, la vitalité et la richesse de cette francophonie dans tous ses accents d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Maltais : Je souhaite vous ramener un peu dans le temps, et évoquer le vers suivant de notre hymne national : « Nos foyers et nos droits ». L'hymne national nous apprend que les droits des francophones d'Amérique ont été durement gagnés.

Je vous félicite pour votre travail qui est vraiment exceptionnel, surtout que vous êtes à peu près le seul organisme qui s'occupe des jeunes.

Vous savez, il y a un vieux dicton dans la région d'où je viens, la Côte-Nord du Québec, où j'ai vécu plus longtemps avec les Amérindiens qu'avec les anglophones : « La langue s'apprend et la culture se partage. » C'est ce que j'ai bien aimé dans votre mémoire, lorsque vous dites qu'on ne doit pas se faire d'ennemis et que, bien au contraire, on doit les inclure, car être inclusif est déjà un point extraordinaire.

Quelque chose m'intrigue. Que fait Radio-Canada pour vous?

Mme Vaillancourt : Qu'est-ce qu'elle fait pour nous?

Le sénateur Maltais : J'ai entendu un soir, alors que je revenais de Chandler, à 23 h 30, une émission de Radio- Canada qui parlait de l'influence des livres d'Astérix sur les jeunes Néo-Canadiens en français. J'ai écouté cela, car je n'avais pas le choix, il n'y avait pas d'autres postes disponibles dans la vallée de la Matapédia. Après l'émission, je me suis demandé ce que cela donnait aux gens de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et- Labrador. Une émission qui passe à 23 h 30, qui écoute cela? Je me suis demandé si, de façon volontaire, Radio- Canada soutenait la culture francophone hors Québec. Soyez très à l'aise, car je me le suis fait dire en Colombie- Britannique.

Mme Vaillancourt : Les jeunes ont parlé de Radio-Canada au Forum jeunesse pancanadien, et c'est important. Par contre, le contenu des émissions de Radio-Canada n'est pas tout à fait pertinent pour nos jeunes. Cependant, ils en reconnaissent certainement la valeur et les améliorations qui devraient être faites pour permettre à notre diffuseur public de répondre aux besoins de nos jeunes.

Mais plus encore, et nous en avons fait mention plus tôt dans notre allocution, il faudrait pouvoir entendre les différents accents, au lieu de normaliser le français de sorte que la seule variété ou le seul accent français qu'on entende soit celui de Montréal. Les jeunes ne s'y reconnaissent pas. Donc, dans l'optique de se demander ce que Radio-Canada fait pour nous, il y a tout de même de beaux projets qui viennent souvent des régions et pas nécessairement de Montréal, comme le projet Jeunes reporters Acadie qui permet à des jeunes de côtoyer des mentors au sein de notre diffuseur public. Ce sont de bonnes choses. Est-ce qu'on peut en faire davantage? Bien sûr que oui. Est-ce que les jeunes pourraient être plus captivés s'il y avait du contenu qui les rejoignait davantage? C'est clair que ce serait le cas.

Le sénateur Maltais : Vous avez parfaitement raison lorsque vous dites que vous ne vous reconnaissez pas dans le langage de Radio-Canada Montréal. Le reste du Québec ne s'y reconnaît pas non plus et n'en a jamais entendu parler. Toutefois, nous aimerions vous entendre sur les ondes de Radio-Canada. Nous aimerions savoir ce que vous faites les vendredis et les samedis soirs.

Je suis allé à la fête des Acadiens il y a trois ans, et la télévision américaine était présente. Les gens de Radio-Canada sont arrivés trois jours plus tard et la fête était terminée. Ils cherchaient des gens à interroger. J'occupais de petits postes régionaux et j'avais beaucoup de plaisir. Les gens de Radio-Canada ont voulu m'interviewer et j'ai refusé, en leur disant qu'ils étaient arrivés en retard et que la fête était terminée. Il y avait toute une série de camions qui indiquaient la route à suivre, mais ils n'ont pas trouvé la bonne route et ne sont pas arrivés à Edmundston au bon moment. Je le déplore énormément, parce que vous méritez mieux.

Radio-Canada a un devoir à accomplir et elle ne le fait pas.

La présidente : Justement, sénateur Maltais, nous avons publié une étude sur Radio-Canada et ses obligations linguistiques.

Le sénateur Maltais : Mais elle ne les respecte pas.

La sénatrice Bovey : Je vais vous poser ma question en anglais s'il vous me le permettez.

[Traduction]

Je vous félicite et vous remercie de votre exposé. Ce que vous avez dit est très stimulant, et aussi très triste dans une certaine mesure. J'admire vos connaissances et votre passion. J'imagine que ma tristesse vient du fait que de nombreux anglophones au pays aimeraient bien être bilingues. Je salue le taux de bilinguisme dans la francophonie.

Ma question découle de ce que vous avez dit, soit que le bilinguisme est une richesse pour notre pays. Cela me préoccupe. Ce que vous avez dit au sujet des médias sociaux et du manque de contenu francophone m'intéresse. Je dois admettre que je ne crois pas y avoir pensé auparavant, et j'aimerais que vous fassiez d'autres observations à ce sujet.

De plus, comment le gouvernement fédéral pourrait-il aider les jeunes francophones à exprimer pleinement leur engagement à l'égard des deux langues? Égoïstement, j'aimerais voir cet engagement dans les deux sens. À mon avis, il ne s'agit pas seulement de la collectivité francophone. J'aimerais voir de jeunes anglophones bilingues également. Je crois que vous pourriez être des chefs de file. Ce que vous faites est extraordinaire. J'aimerais obtenir votre avis sur ce que peut faire le gouvernement et en savoir plus sur les médias sociaux.

Vous pouvez répondre en français. Je comprends tout ce que vous dites.

[Français]

M. Johnson : J'aimerais revenir sur le point que les jeunes d'expression française du Canada reconnaissent, de par une identité, ce bilinguisme et cette dualité linguistique. Je viens du Manitoba. Je suis Métis de la Rivière-Rouge. J'ai cette histoire qui est différente et qui exprime une certaine diversité, de même que la diversité de la francophonie canadienne. Mais de là à dire que je suis en mesure de m'exprimer de la même façon avec mes collègues ou amis anglophones, c'est difficile. Les références culturelles et les expressions sont différentes. C'est presque comme si Justin, chez mes cousins anglophones, devient une différente personne. Justin s'exprime de différentes façons. Il en est de même si j'allais visiter mon oncle ou ma grand-mère, et mes termes seront différents.

Mais en y réfléchissant, je vois tellement de richesse et d'occasions liées à ces différents Justin pour renforcer notre pays. Nous sommes en mesure d'interagir avec différentes personnes. On est en mesure de comprendre l'autre comme l'autre veut se faire comprendre, finalement, et de pouvoir dire que l'autre fait partie de notre pays. Vous êtes en mesure, de par vos capacités, de rendre ce pays meilleur, et ce, peu importe d'où vous venez, et peu importe que vous parliez anglais ou français.

J'aimerais entendre des discussions franches et honnêtes à ce sujet. J'aimerais qu'on développe cette perspective et qu'on dise : « Oui, je veux me lancer dans cette société et je veux comprendre l'autre comme l'autre veut se faire comprendre ». Si c'est par des outils comme les médias sociaux que nous sommes en mesure d'avoir ces discussions dans les deux langues, tant mieux.

C'est un peu ma vision de la chose. Ne bâtissons pas des châteaux, détruisons les murs, ouvrons nos portes et disons aux autres que la francophonie est riche. Venez la célébrer avec nous. On veut que vous la connaissiez, et que vous vous l'appropriiez comme faisant partie de votre culture, de votre identité et de votre façon de faire, tout en respectant le fait que notre histoire a une certaine richesse et a été marquée par de grands débats. Il ne faut pas oublier ces débats ni nos acquis.

Mme Vaillancourt : Nous souhaitons pour les jeunes et la francophonie que nos élus puissent reconnaître davantage les communautés francophones en situation minoritaire. Lorsqu'on parle du français, malheureusement, on fait souvent référence au Québec, parfois à l'Acadie, mais cette richesse, on doit la célébrer davantage. Souvent, les langues officielles sont perçues comme étant un gros fardeau. Ce n'est pas le cas. C'est la richesse de notre pays et il faut que nos élus puissent en être aussi fiers que nous le sommes.

En ce qui a trait aux médias sociaux, il y a une question de sécurité linguistique. La norme ou la majorité des interactions se font en anglais. Certains jeunes francophones disent ne pas oser écrire quelque chose en français sur Twitter ou Facebook, parce qu'ils ne veulent pas être critiqués sur la qualité de leur français et se faire dire qu'il n'est pas à la hauteur. C'est un problème. Les jeunes vont utiliser l'anglais, parce qu'ils ne se font pas juger, mais lorsqu'ils utilisent le français, il faut faire attention à la grammaire. C'est le cas. La francophonie a cette doctrine de perfection constante. Je ne dis pas qu'on devrait mal parler en français. On doit encourager les jeunes à se sentir plus à l'aise de parler français dans toutes les sphères.

Notre trousse contient certaines citations de jeunes et des exemples qu'ils donnent de choses à faire. Une de ces suggestions est de mettre de côté des sous pour créer du contenu numérique en français sur les réseaux sociaux. On veut permettre à des jeunes de créer du contenu virtuel et instantané sur les réseaux sociaux, pour qu'ils puissent s'entendre, se voir et se comprendre entre francophones. Or, ils n'ont ni les ressources ni le contexte pour le faire en ce moment. C'est ce qu'on doit développer davantage.

La sénatrice Bovey : La culture est très importante. C'est le cas dans toutes les régions de notre pays. Vous faites du bon travail. Je vous remercie.

La sénatrice Fraser : J'aimerais revenir à la question de Radio-Canada. Parmi les plus grands problèmes auxquels font face Radio-Canada et la CBC, il y a les coupes budgétaires depuis des années et des années. Ils ont dû couper. Ils n'avaient pas le choix. Une bonne part du contenu qu'ils ont dû couper était lié à de la programmation régionale. C'est le cas pour nous aussi. Ce n'est pas que la francophonie qui a écopé.

Je vous encourage fortement à faire un lobby en faveur d'une augmentation importante des budgets de Radio- Canada. Il est très ennuyeux de parler d'argent, mais sans argent, on ne pourra jamais faire ce qu'il faut.

Pour ce qui est de la question identitaire, c'est formidable de vous entendre; c'est comme une bouffée d'air frais. Avec tout le respect que j'ai pour mes collègues, je me rends compte que nous sommes tous d'une autre génération et, dans certains cas, on parle de deux générations. Vous nous parlez avec la mentalité d'une nouvelle génération très importante.

Monsieur Johnson, vous êtes bilingue. Cela fait partie de votre identité. Toutefois, vous êtes un francophone bilingue. Ce fait saute aux yeux. On ne va jamais vous enlever votre qualité de francophone, mais vous assumez, avec l'identité francophone, une identité bilingue, et vous n'êtes pas le seul. Nous qui avons vécu les guerres, nous avons parfois été si marqués par celles-ci que nous oublions que c'est pour créer des gens comme vous que nous avons livré ces batailles. Félicitations!

Cela ne veut pas dire que tout est parfait. Vous parlez du besoin de créer des ponts entre les différentes régions et les différentes communautés francophones à travers le pays. Je trahis mon ignorance, mais à quel point pouvez-vous vous servir des médias sociaux pour créer des réseaux plutôt que d'avoir seulement des échanges physiques face à face? Existe-t-il des programmes? L'avenir est-il prometteur pour vous?

Mme Vaillancourt : Certainement. Je vous donnerai l'exemple du Parlement jeunesse pancanadien et du Forum jeunesse pancanadien. On crée toujours un groupe de discussion sur les réseaux sociaux avec ces jeunes afin qu'ils puissent apprendre à se connaître avant, pendant et après l'événement, pour garder ce lien. Le pays est énorme. Créer des ponts entre un jeune Franco-Colombien et un jeune francophone de la Nouvelle- Écosse pose certains défis. On ne peut pas les faire se déplacer constamment, c'est impossible. Au moins, on a ce moyen pour tenter de garder le dialogue ouvert et le rapprochement actif. Ce n'est pas facile, mais on tente quand même de le faire.

La sénatrice Fraser : Il me semble que ces médias seront plus importants d'ici 5, 10, 15 ou 20 ans que les médias traditionnels.

Mme Vaillancourt : Cela ne fait aucun doute, particulièrement pour les groupes jeunesse. C'est pourquoi nous misons sur le contenu numérique en français par et pour les jeunes. Il est bien que la fédération publie un communiqué de presse ou que nos collègues de la francophonie canadienne publient quelque chose en français. Il ne s'agit pas de la petite vidéo qui va apparaître sur le fil de nouvelles Facebook et qui est un pur divertissement. Le contenu qu'on voit en français est parfois revendicateur. Le contenu purement de divertissement en français n'existe pas pour nos jeunes francophones. Le contenu en français qui existe vient souvent du Québec, et c'est tout à fait correct, mais ce n'est pas assez pour engager nos jeunes.

La sénatrice Moncion : J'aimerais parler de trois points que vous avez mentionnés. Vous avez dit que le contenu en français n'existait pas sur les médias sociaux. Vous ne connaissez peut-être pas le site de TFO? TFO déploie de grands efforts pour mettre beaucoup de contenu français, que ce soit pour les jeunes ou pour les ados. Il y a vraiment énormément de travail qui se fait de ce côté. Vous ne semblez pas le connaître plus qu'il faut?

Mme Vaillancourt : Pour nous, en Ontario, on le connaît très bien. Pour les jeunes à l'extérieur de l'Ontario, ce n'est pas toujours le cas. TFO fait des efforts pour être connue davantage dans la francophonie canadienne, mais c'est encore tout nouveau. En effet, il y a du très beau contenu. TFO, par contre, au cours des dernières années, a mis beaucoup d'énergie sur la petite enfance. On connaît moins le contenu qui a été produit pour notre groupe d'âge, mais nous connaissons cette plateforme. N'empêche qu'il y a de belles choses qui pourraient se faire ailleurs au Canada.

La sénatrice Moncion : Je siégeais au conseil d'administration de TFO, alors je peux vous parler de beaucoup de projets qu'elle a mis de l'avant justement pour créer du contenu pour les jeunes. C'était ma première petite coquille.

Vous avez parlé de la qualité de la langue en disant que, pour nous, la perfection de la langue est importante, la grammaire et la façon dont on parle. Je remarque que les gens utilisent beaucoup d'anglicismes lorsqu'ils parlent français. On utilise de plus en plus d'expressions anglophones. C'est même rendu une maladie, je crois, dans certaines provinces. Les gens ne parlent plus d'un stationnement, mais plutôt d'un parking, d'un bulldozer et de toutes sortes d'expressions.

La sénatrice Fraser : C'est également le cas en France.

La sénatrice Moncion : En effet. Ce qu'on est en train de voir, c'est un peu la contamination de la langue. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Boucar Diouf disait, il n'y a pas si longtemps, que le français, pour que ça fonctionne, il faut s'asseoir et forcer un peu. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet énoncé.

M. Johnson : C'est bien que vous souleviez ce point. Lors d'une discussion avec un Français, il n'y a pas si longtemps, je lui ai demandé s'il croyait que le fait d'employer des expressions anglaises se traduisait par une contamination ou un salissage de la langue. Il m'a répondu que non. Ce sont simplement des façons de faire.

Je ne vois donc pas cela d'un mauvais œil. Je le dis aussi en tant que jeune Métis. Je peux parler un français différent, qui a été considéré, pendant plusieurs décennies, comme un français sale, un français impropre, car il était parlé par des Métis, des gens qui partagent une culture autochtone et francophone. On parle d'un mariage entre ces deux langues. Je ne considère pas un mélange de deux langues comme moins bon ou moins pur. Je le vois plutôt comme une façon de se comprendre les uns les autres.

La langue des Métis de l'Ouest canadien, le mitchif, est très pratique pour permettre à deux personnes de se comprendre et d'arriver à travailler ensemble. Oui, il y a des mots anglais qui sont employés dans notre langue française de tous les jours. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui nuit à notre identité ou à la construction d'un pays plus uni. N'oublions pas que le Canada célèbre cette année son 150e anniversaire.

La sénatrice Moncion : J'aime bien cette nuance que vous faites. Je vous amène à penser que si vous étiez en train de parler allemand ou chinois ou espagnol, ferait-on un mélange, justement, de ces différentes langues? Mais je comprends très bien et j'apprécie la nuance que vous faites.

Ma dernière question concerne le programme Jeunesse Canada au travail. Ce programme, je le connais très bien étant donné que je siégeais au conseil d'administration du Conseil de la coopération de l'Ontario, qui parraine le projet depuis plusieurs années. Vous semblez dire qu'il n'y a pas suffisamment d'argent investi dans le programme et pas suffisamment d'emplois ou d'accès pour les jeunes. J'aimerais que vous m'expliquiez où se situent les lacunes du programme afin que l'on puisse y apporter des corrections.

Mme Vaillancourt : Je répondrai rapidement à cette question. Le Conseil de la coopération de l'Ontario gère les projets pour la province de l'Ontario. La fédération gère la dimension nationale de Jeunesse Canada au travail, et ce, depuis plus de 20 ans. Donc, nous aussi nous connaissons bien ce programme.

Le programme JCT dans les deux langues officielles permet à des jeunes de travailler dans leur deuxième langue officielle et de perfectionner cette deuxième langue pendant leur emploi d'été. Toutefois, depuis sa création, le programme a perdu la moitié du nombre total d'emplois qui avaient été créés à l'époque. Au début des années 2000, il se créait à peu près 1 400 emplois dans le volet de JCT-DLO à Patrimoine canadien. Aujourd'hui, il ne s'en crée que 700.

Sera-t-il possible de retrouver le même nombre d'emplois qu'il y avait au début des années 2000? Ce serait bien sûr l'idéal. On mentionne aussi que le programme a un volet qui s'appelle Jeunesse Canada au travail et qui vise une carrière en français et en anglais. Ce volet est différent, parce qu'il concerne des stages en milieu de travail de plus longue durée, soit de 6 à 12 mois.

Présentement, le programme Jeunesse Canada au travail a pour objectif de créer des stages au sein du Canada. Toutefois, zéro dollar a été investi à l'heure actuelle en faveur de la réalisation de cet objectif. Donc, ce serait utile si on était en mesure d'investir pour permettre à des jeunes diplômés de vivre des expériences de travail dans leur langue, dans leur programme d'études et dans leur communauté. Ce serait utile aussi pour les communautés et les commerces et entreprises de ces communautés. Voilà deux façons d'améliorer ce programme.

La présidente : Merci beaucoup, Josée. Si vous avez d'autres renseignements à ce sujet, vous pourrez toujours nous les faire parvenir par l'entremise du greffier du comité.

Mme Vaillancourt : Certainement. Il y a un peu plus de détails dans la trousse, mais je pourrai vous envoyer des renseignements complémentaires.

Le sénateur Mockler : Je tiens d'abord à vous féliciter de votre leadership et de celui dont a toujours fait preuve votre association.

Vous avez parlé de sujets qui me tiennent à cœur, notamment celui du Nouveau-Brunswick, tenant compte du fait que dans l'histoire du pays, la province canadienne qui est reconnue pour élire les premiers ministres parmi les plus jeunes au pays, c'est le Nouveau-Brunswick. Je me souviens de l'époque de M. Frank McKenna. D'ailleurs, simplement à titre d'anecdote, en 1982, lui et moi étions les deux plus jeunes députés élus à l'Assemblée législative.

Le sénateur Maltais : Je croyais que c'était en 1962.

Le sénateur Mockler : Il y a eu par la suite Bernard Lord qui a oeuvré dans le monde moderne de la démocratie canadienne.

Cela dit, en ce qui concerne le pourcentage de jeunes qui ont voté et auxquels vous avez fait allusion plus tôt, le sénateur McIntyre a mentionné le fait que l'âge du vote devrait être fixé à 16 ans plutôt qu'à 18 ans. J'aimerais avoir davantage d'information à ce sujet. Les jeunes qui ont voté à l'élection de 2011 représentent à peu près 40 p. 100. Lors de l'élection de 2015, ils ont voté dans une proportion de 60 p. 100. Les personnes de 25 à 34 ans représentaient, en 2011, environ 46 p. 100 du scrutin et, en 2015, environ 60 p. 100. Dans le cadre d'un sondage réalisé par l'Université de Montréal, la chercheuse a dit ce qui suit : « L'apparition du premier ministre actuel, M. Justin Trudeau, dans le paysage politique canadien pourrait expliquer l'intérêt accru des jeunes pour le processus électoral ». Ils sont allés un peu plus loin, et c'est la raison pour laquelle j'aimerais vous entendre à ce sujet. Ils ont cherché à savoir pourquoi. D'après ce même sondage, les jeunes estimaient qu'il était plus facile pour eux de s'identifier au premier ministre étant donné sa personnalité, qu'il est très jeune, qu'il fait de la boxe, qu'il fait des « selfies » et qu'il parle le langage des jeunes. C'est aussi pourquoi mes enfants n'ont pas voulu me dire pour qui ils allaient voter.

La présidente : Rapidement, s'il vous plaît, sénateur Mockler. Bien que votre question concerne la jeunesse, je ne suis pas certaine qu'elle corresponde au sujet de notre étude.

Le sénateur Mockler : Avez-vous cerné d'autres facteurs pouvant encourager la participation des jeunes et pouvant augmenter leur intérêt pour le processus gouvernemental?

M. Johnson : Il faut parler des enjeux qui les touchent et qui leur importent. Il faut entre autres leur parler de la protection de l'environnement et de la réconciliation avec les peuples autochtones. Ce sont des enjeux qui les intéressent, des enjeux qui ne touchent pas que les jeunes francophones.

On veut que ceux qui se présentent en politique parlent de ces enjeux et qu'ils soient ouverts à en discuter avec les jeunes. Par contre — et cela répond indirectement à votre question —, il y a ce principe de la consultation qu'il faut continuer d'appliquer. Il est important de maintenir la consultation auprès des jeunes, sur n'importe quel enjeu, n'importe quelle question, et maintenir ce rôle. Le gouvernement du Canada doit assurer une consultation spécifiquement auprès des jeunes. Ce serait très enrichissant, non seulement à court terme, mais aussi à long terme. On dit toujours que les jeunes sont l'avenir, mais ils sont aussi le présent et ils sont en mesure d'oeuvrer et de renforcer nos communautés, aujourd'hui. On a aussi cette vision de l'avenir, parce qu'on y sera dans l'avenir, et vous aussi.

La présidente : Je fais un tour rapide, car nos prochains invités attendent d'entrer dans la salle. Sénateurs McIntyre, Gagné et Cormier, s'il vous plaît, une minute chacun.

Le sénateur McIntyre : Dans ma question précédente, j'ai mentionné les événements d'envergure qu'organise votre fédération à l'échelle nationale, notamment les Jeux de la francophonie canadienne, le Parlement jeunesse pancanadien et le Forum jeunesse pancanadien. J'imagine qu'il y a beaucoup de fébrilité dans l'air dans l'attente de ces événements. Pourriez-vous brièvement nous en parler?

Mme Vaillancourt : Rapidement, notre plus gros événement a lieu aux trois ans, les Jeux de la francophonie canadienne. Cette année, ils se tiendront du 11 au 15 juillet, à Moncton et à Dieppe, deux municipalités qui collaborent pour organiser un événement majeur. C'est vraiment l'événement phare pour nos jeunes de la francophonie, car, près de 1 300 jeunes y participent, ce qui représente une augmentation de 25 p. 100 par rapport aux derniers Jeux de la francophonie canadienne.L'intérêt est palpable, l'intérêt est là, et nous sommes vraiment fiers de pouvoir organiser l'événement avec l'appui important du gouvernement du Canada.

Le Parlement jeunesse pancanadien est une simulation parlementaire qui a lieu au Sénat tous les deux ans. Une année, c'est le Parlement jeunesse pancanadien, et une autre année, c'est le Forum jeunesse pancanadien. Lors du forum, les jeunes déterminent la thématique dont ils veulent discuter. Cette année, l'événement s'est tenu à Calgary, en février, et la thématique était « Le Canada de demain imaginé par la jeunesse d'aujourd'hui ». En 2015, le thème était « Le rôle et la place des jeunes en démocratie ».

Donc, c'est toujours un sujet qui est choisi par les jeunes et dont ils veulent discuter franchement afin d'apporter des solutions. On a remarqué un effet positif à cela, et c'était la création de la plateforme Par et pour les jeunes.

La présidente : Si je comprends bien, les jeunes issus de programmes d'immersion peuvent y participer également?

Mme Vaillancourt : Certainement. C'est un facteur de développement. On disait tantôt que la culture, ça se vit, n'est-ce pas? Si on pouvait avoir des sous pour améliorer les capacités des organismes jeunesse, si on pouvait rejoindre aussi des jeunes qui apprennent le français dans un contexte d'immersion et leur permettre de vivre leur francophonie à l'extérieur de l'école, cela amplifierait leur fierté. Pour certains de ces jeunes, la francophonie ne se vit qu'en salle de classe. Il faut les faire sortir de l'école et leur permettre de faire des activités en français à l'extérieur de l'école.

La sénatrice Gagné : La Loi sur les langues officielles est-elle importante pour vous? Quel pouvoir la Loi sur les langues officielles a-t-elle pour assurer votre développement? Elle date de 48 ans, et je préférerais qu'on n'attende pas encore 50 ans pour la réviser à nouveau. De quoi avez-vous besoin dans la loi pour normaliser votre vie en français?

M. Johnson : La réponse est oui, la Loi sur les langues officielles est importante pour la FJCF et pour la jeunesse. D'ailleurs, elle a fait partie de la plateforme Par et pour les jeunes en 2015, qui avait été créée en vue de l'élection fédérale. L'un des points qu'on a soulevés dans cette plateforme, c'était de mettre en place des dispositions pour donner des dents à la loi, pour confirmer qu'il faut absolument respecter cette loi. Nous avons besoin d'une institution pour nous assurer que cette loi sera respectée. C'est clair que si on veut bâtir et développer une société bilingue, qui célèbre sa dualité linguistique et que les jeunes en fassent partie, on doit la respecter et mettre des dispositions en place pour aller de l'avant avec ce projet.

Le sénateur Cormier : De tout temps, il y a toujours eu un fossé entre les générations. Cela est encore vrai aujourd'hui quand on parle de la question des langues officielles et de la qualité de la langue. Depuis un certain nombre d'années, on entend le slogan « pour et par les jeunes », et on a souvent l'impression, quand on est d'une autre génération, qu'on n'a pas accès à cette façon nouvelle de faire et de penser.

Notre comité commence tout juste un processus de réflexion et de consultations à l'égard de la relation entre les jeunes et les langues officielles. Y a-t-il un événement particulier, un moment dans les prochains mois, un lieu qui serait propice pour nous faire rencontrer les jeunes, afin de les voir à l'œuvre et de pouvoir observer leur manière de réfléchir ensemble aux enjeux qui les concernent?

Mme Vaillancourt : C'est une excellente question. On a mentionné trois grands événements organisés par la FJCF. Nous avons 11 membres sur le terrain qui organisent une programmation vraiment incroyable. Vous avez, dans votre trousse, une liste non exhaustive d'événements, de différentes activités qui auront lieu sur le terrain dans la prochaine année. Vous pourrez aller rencontrer les jeunes sur le terrain au Manitoba ou en Alberta, ou ailleurs au Canada. C'est le message qu'on vous envoie aujourd'hui, comme fédération nationale. On peut être un partenaire pour vous, on peut vous mettre en contact avec les bonnes personnes et vous permettre de rencontrer des jeunes. Si vous cherchez la force de frappe et la force des nombres, il est clair que les Jeux de la francophonie canadienne sont notre plus gros événement, et je crois que c'est l'occasion rêvée pour avoir accès à un éventail de jeunes très diversifiés par leurs intérêts. On a des sportifs, des jeunes artistes, des jeunes leaders. C'est vraiment très représentatif d'une diaspora de la jeunesse francophone à travers le pays.

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup de votre magnifique travail.

Le sénateur Mockler : Je tiens à vous féliciter également. Je n'ai pas de question comme telle, mais j'ai envie de vous faire ce petit commentaire : cette année, c'est le 150e anniversaire du Canada, alors saisissez cette occasion pour nous faire des suggestions et nous inspirer davantage.

La présidente : Au nom de mes collègues, je tiens à vous féliciter et à vous remercier très sincèrement. Vous avez été d'excellents témoins. Vous nous avez inspirés. Notre étude part du bon pied. Je tiens également à souligner encore une fois le travail que vous faites. Les collègues l'ont déjà indiqué, mais vous jouez réellement un important rôle d'impulsion. Vous inspirez nos jeunes, vous travaillez avec eux, et nous sommes très fiers de vous. Merci beaucoup.

Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir trois représentants du Réseau de développement économique et d'employabilité, le RDEE, soit Jean-Guy Bigeau, président-directeur général, Simon Méthot, agent, Projet jeunesse, et Sébastien Benedict, gestionnaire, Relations gouvernementales et communautaires.

Au nom des membres du comité, je vous remercie d'avoir accepté d'être avec nous. Comme vous le savez, nous amorçons notre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, volet jeunesse. Nous savons que vous avez, à l'intérieur de vos axes stratégiques, un volet jeunesse. Nous avons très hâte d'entendre vos commentaires et nous donnons donc dès maintenant la parole à M. Bigeau. Par la suite, les sénateurs pourront vous poser des questions.

Jean-Guy Bigeau, président-directeur général, Réseau de développement économique et d'employabilité : Merci de votre invitation. J'ai commencé mes fonctions de président-directeur général au mois de septembre 2015. Je suis un fervent promoteur de la jeunesse canadienne et j'ai auparavant eu le plaisir, pendant 13 ans, d'être le directeur général du programme Katimavik. Le programme Katimavik est un programme national de service volontaire pour les jeunes, dédié au développement des jeunes et aussi à la promotion de la citoyenneté et de l'appartenance au pays.

Pour ceux qui nous rencontrent pour la première fois, nous sommes un réseau constitué de 13 organismes à but non lucratif, présents dans toutes les provinces et dans les territoires, à l'exception du Québec, dont le mandat est de contribuer au développement économique et à l'employabilité des communautés francophones en situation minoritaire. Le RDEE Canada assure la coordination et la représentation nationale de l'ensemble de ce réseau composé de plus de 160 employés et experts. Nous célébrons d'ailleurs cette année nos 20 ans d'existence. Nos champs d'activités sont orientés autour de cinq axes principaux, y compris le service aux entreprises, le tourisme, l'immigration, l'économie verte, ainsi que, bien sûr, la jeunesse économique.

Que faisons-nous spécifiquement pour mobiliser les jeunes francophones à déployer leur plein potentiel? D'abord, nous les accompagnons dans leur choix de carrière; nous valorisons l'identité culturelle française dans le monde des affaires; nous mettons en place une stratégie nationale jeunesse misant sur la valeur ajoutée du bilinguisme et des technologies; nous favorisons la relève entrepreneuriale et nous déployons des programmes en français spécifiquement conçus pour les jeunes travailleurs.

Au sein de notre réseau, nous disposons d'un mécanisme de groupes de travail jeunesse, qui est composé de 10 experts qui se rencontrent régulièrement afin d'établir des stratégies et des projets novateurs pour soutenir la jeunesse économique. Simon Méthot, assis à mes côtés, est notre agent du projet jeunesse et le coordonnateur de ce groupe de travail; il vous résumera, en quelques minutes, notre domaine d'expertise jeunesse. Ensuite, nous serons tout à fait disposés à répondre à vos questions.

Simon Méthot, agent, projet jeunesse, Réseau de développement économique et d'employabilité : Bonjour. Il y a moins d'un an que je suis entré en fonction et cela fait moins de deux ans que le groupe de travail jeunesse est de nouveau un enjeu prioritaire au RDEE Canada.

La première chose que nous avons effectuée a été l'inventaire de tous les projets; on compte 54 projets à travers le Canada, dans les domaines de l'employabilité et de l'entrepreneuriat pour les jeunes. Ces projets sont menés par nos membres des provinces et des territoires.

J'aimerais parler très brièvement d'un mémoire que nous avons préparé pour le nouveau Plan des langues officielles déposé en août dernier, dans le cadre des consultations du ministère du Patrimoine canadien. Nous avons mis l'accent sur trois points importants sur lesquels le groupe de travail se penche. Le premier point a trait à l'acquisition des compétences. Cela inclut les compétences linguistiques, l'expérience de travail et les aptitudes nécessaires pour la transition vers le marché du travail. Le deuxième point concerne la problématique de la migration des jeunes. Comment favoriser l'établissement durable en région? Comment combattre l'exode rural et faire vivre nos communautés qui ne sont pas nécessairement urbaines? Le troisième point est un des plus intéressants, soit celui de favoriser la relève entrepreneuriale. Cela peut être fait par le développement des capacités de nos jeunes, par le lancement d'entreprises, ainsi qu'en les encourageant à relancer des entreprises.

Nous avons fait une recommandation lors du dépôt de ce mémoire que nous avons préparé en août dernier, soit celle de développer des projets nationaux, axés sur un continuum d'appui aux jeunes, dans les trois domaines mentionnés. C'est dans cet objectif que notre groupe de travail collabore. L'inventaire des 54 projets tourne autour de ces trois points.

Je peux vous donner des exemples de projets concrets si cela vous intéresse, ainsi que des résultats et des choses que nous avons faites et où le bilinguisme occupe une place centrale. Par exemple, le programme JA Manitoba aide les jeunes dans les domaines de la préparation à l'emploi, de l'éducation financière, ainsi que sur l'entrepreneuriat et l'éveil de l'esprit entrepreneurial. On parle à des jeunes de 10 ans, qui sont en cinquième année.

Le travail du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba, notre membre au Manitoba, vise à mobiliser le monde des affaires pour que des représentants aillent parler aux jeunes. De plus en plus de jeunes sont inscrits dans des programmes francophones, soit des francophiles ou des anglophones qui apprennent très bien le français à l'école. Nous essayons d'appuyer le travail des enseignants et des écoles qui font affaire à de plus en plus de monde auprès de la communauté des affaires. C'est le rôle qu'on joue à ce chapitre. Jusqu'à maintenant, dans le cadre de la première entente, nous visons 2 000 jeunes par année au Manitoba; cela veut dire 6 000 jeunes pour trois ans, et ce projet sera renouvelé pour un deuxième mandat de trois ans. C'est un super projet.

On parle aussi de Premier choix, toujours au Manitoba. Je viens du Manitoba, alors j'ai beaucoup d'expérience avec cette province. Il s'agit d'un programme d'employabilité qui aide plus de 100 jeunes. Dans le cas de celui-ci, la situation est inversée; la majorité des clients de Premier choix sont de nouveaux arrivants, des gens qui viennent d'obtenir leur statut de résident permanent. Ils découvrent très rapidement la nécessité d'être bilingues. La majorité d'entre eux parlent français, mais ils veulent apprendre l'anglais pour être en mesure d'avoir un emploi. L'emploi devient le trait d'union, et le bilinguisme, être en mesure de s'exprimer dans les deux langues, devient la caractéristique dont les jeunes ont besoin afin d'accéder à des emplois.

Le troisième projet est la migration. On parle d'un projet appelé Place aux jeunes. Je vais simplement le résumer en une phrase. En tentant d'attirer de jeunes professionnels à s'établir dans des régions à l'extérieur de Winnipeg, on a posé la question suivante : « Est-ce que, à titre de médecin, vous aimeriez vous établir à Saint-Pierre-Jolys, un village francophone? La personne répond, en anglais : « I don't speak French ».

La question suivante était : « Est-ce que vous aimeriez que vos enfants parlent français? » Et là, la perception change; les gens répondent « oui » à cette question. Pour qu'un enfant apprenne le français, on a besoin d'une communauté, de ressources, d'écoles, de services. Il faut une place pour que le bilinguisme puisse exister. Et là, tout d'un coup, les gens s'intéressent davantage parce qu'ils pourront donner quelque chose de plus à la prochaine génération.

Il s'agit là de trois exemples parmi 54 différents exemples que je pourrais vous donner. Il s'agit de projets visant l'intégration économique des jeunes. Le groupe de travail essaie surtout de choisir les bons projets, ceux qui fonctionnent bien, de les transférer d'une province à l'autre ou d'un territoire à l'autre, afin de favoriser le développement des jeunes et de les intégrer le plus rapidement à l'économie. Si vous avez des questions à nous poser, nous sommes à votre disposition pour y répondre.

La présidente : Merci. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Cormier : Merci de votre présentation.

Nous avons reçu tout à l'heure la Fédération de la jeunesse canadienne-française qui nous a beaucoup parlé des enjeux liés aux nouveaux médias, aux médias sociaux, à l'utilisation des nouveaux médias. Nous savons que le marché du travail est en grande évolution, et que de plus en plus d'emplois se créent à partir des nouveaux médias. Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus? Est-ce que vous avez des exemples ou des stratégies par rapport à cela dans le contexte des langues officielles et dans le contexte des communautés de langue officielle? Est-ce que les jeunes s'intéressent aux métiers des nouveaux médias dans vos communautés et est-ce que vous avez un rôle à jouer dans la promotion des langues officielles dans ce contexte?

M. Méthot : Par exemple, certains jeunes ont démarré des entreprises dans le domaine des nouveaux médias. Je peux vous donner en exemple Lily Levac qui, lors du gala des prix Juno qui a eu lieu à Winnipeg, avait fait la promotion des événements qui se passaient à Winnipeg grâce à un babillard électronique sur lequel on pouvait découvrir ceux qui étaient présents au gala et à l'aide duquel les gens pouvaient effectuer une sélection.

Un deuxième exemple serait celui de Denis Devigne qui a lancé Vidday, une application qui permet de prendre un téléphone cellulaire pour souligner l'anniversaire d'une personne habitant en Allemagne afin de lui souhaiter bonne fête, et tous ses amis peuvent le faire aussi. Vidday rassemble le tout et crée une vidéo qui est affichée sur YouTube. Ensuite, le jour de l'anniversaire de la personne, la vidéo est affichée sur Facebook, et c'est assez touchant.

Le sénateur Cormier : Est-ce que ce sont des projets bilingues?

M. Méthot : Ce sont des projets multilingues.

Le sénateur Cormier : Multilingues?

M. Méthot : Oui, absolument. Dans le cas de Lily Levac, c'est plutôt en anglais et en français en raison de la région, mais dans le cas de Denis Devigne, le projet attire des clients qui ont des amis partout dans le monde, alors il reçoit beaucoup de messages qu'il ne peut pas comprendre, parce qu'il ne connaît pas ces langues. Ce qui est intéressant, c'est la portée de son projet et de voir comment il pourrait faire du marketing dans ces régions. Donc, la capacité linguistique est aussi importante pour assurer une portée globale.

Le sénateur McIntyre : Merci pour votre présentation. En vous écoutant et en lisant la documentation qui nous a été donnée, je comprends que vous avez créé un réseau de développement économique et d'employabilité.Je sais que c'est également un réseau national qui comprend des organismes dans l'ensemble des provinces et des territoires, à l'exception du Québec. Ma première question est la suivante : pourquoi le Québec est-il absent du réseau national? Est- ce à leur demande?

M. Bigeau : Il y a deux raisons pour cela. D'abord, nous sommes financés dans le cadre d'un programme des langues officielles qui s'appelle les CLOSM, les Communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les fonds qui nous financent nous précisent que nous devons travailler en français dans la mesure du possible et soutenir la francophonie canadienne à l'extérieur du Québec. C'est notre financement de base.

Il faut admettre que nous sommes en discussion constante et en partenariat avec le Québec dans une multitude de dossiers. On tisse des liens d'affaires avec la province de Québec, notamment en matière de tourisme. D'ailleurs, on peut parler d'un projet porteur qui est la mise en place d'un corridor touristique, patrimonial et pancanadien qui inclut le Québec. On a créé tout un comité de travail et on maintient des liens d'affaires avec une multitude d'intervenants en matière de tourisme au Québec afin d'insérer le Québec dans le corridor pancanadien pour le tourisme. On le fait aussi en matière d'immigration.

En outre, mes deux collègues, MMs Benedict et Méthot ont participé, à Montréal, à une rencontre jeunesse la semaine passée avec de jeunes entrepreneurs. On a des liens d'affaires avec le Québec, mais dans le cadre de notre financement de base qui provient des CLOSM, nous devons soutenir la francophonie économique canadienne à l'extérieur du Québec.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Bigeau, tel que vous l'avez mentionné, votre réseau se penche sur plusieurs enjeux, dont le tourisme et l'économie verte. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces deux enjeux?

M. Bigeau : Comme dans le cas de l'enjeu jeunesse, nous avons un groupe de travail composé d'une représentation de tous les membres pour chacun de nos enjeux. Chacun des membres provinciaux et territoriaux affecte une personne à chacun de ces enjeux. On communique régulièrement, par téléphone, par Skype ou en personne. On établit annuellement un plan d'action pour chacun de ces enjeux afin de soutenir leur essor et pour assurer la réalisation de certains projets nationaux.

Dans le dossier de l'économie verte, on a travaillé avec le Manitoba et avec les provinces de l'Ouest à mettre sur pied le programme Eco-Ouest. Là aussi, nous sommes en train de développer une série d'enjeux rattachés à l'économie verte. On a d'ailleurs commandé une étude récemment, on s'est réuni avec la table nationale des directions générales il y a deux semaines, et on était d'accord que le moment était venu d'élargir l'éventail pour l'économie verte et de se doter d'un plan plus précis afin de poser des gestes dans la prochaine année. Donc, l'économie verte est un enjeu sur lequel on mise beaucoup. Le tourisme est certainement un enjeu qui existe depuis très longtemps au sein du réseau, tout comme la question de l'immigration. L'enjeu de l'économie verte est plus récent, tout comme celui de la jeunesse.

La sénatrice Mégie : Merci de votre présentation. J'ai lu dans votre document qu'il y avait aussi la migration des jeunes des zones rurales aux zones urbaines. Comme je viens de vous l'entendre dire en ce qui concerne les médias sociaux, les jeunes se lancent dans ce genre d'entrepreneuriat, mais resteraient-ils dans leur milieu au lieu de migrer s'ils avaient la possibilité de créer leurs propres entreprises grâce aux médias sociaux dans leur milieu?

M. Méthot : En ce qui concerne la question de la migration, on a de l'expérience avec des projets comme PERCÉ, à l'Île-du-Prince-Édouard, qui est un axe d'employabilité. On vise les étudiants du niveau postsecondaire et, de là, on tente de leur faire vivre une expérience de travail durant l'été.

Autour de cela, on rattache beaucoup d'éléments, comme celui de tenir compte des besoins du conjoint ou de la conjointe de cette personne afin de déterminer quel serait leur emploi désiré. On essaie de les incorporer, de les intégrer à la vie communautaire dans le cadre de projets et de sorties. Nous offrons de l'accompagnement pour les impliquer dans la communauté afin qu'ils puissent découvrir un sentiment d'appartenance. Ce sont des stratégies développées par le projet Place aux jeunes, au Québec, qui a été exporté en 2008 au Manitoba, où il a subi des changements adaptés aux réalités du Manitoba.

C'est un peu différent dans chaque province et territoire, mais c'est souvent le cas : quand on parle de migration, on parle d'emploi. Est-ce qu'il y a un emploi ici pour moi? C'est la première question qu'un jeune va poser. Ensuite, est-ce qu'il y a une place où vivre? On parle de logement. Est-ce qu'il y a des services? On parle d'hôpitaux, d'écoles et d'une vie communautaire. On parle d'implication bénévole. C'est un aperçu de la façon dont on fait avancer les projets en matière de migration pour favoriser l'établissement durable. C'est le vrai mot, il faut que ce soit durable dans les régions.

Sébastien Benedict, gestionnaire, Relations gouvernementales et communautaires, Réseau de développement économique et d'employabilité : Pour répondre au commentaire du sénateur Cormier, il faut être conscient que les communautés que l'on aide sont des communautés en situation minoritaire, de très petites communautés francophones à travers le Canada. Souvent, avant même de parler de médias sociaux et de création d'entreprises, les services Internet n'existent pas ou sont très faibles. Avant de s'y rendre et d'en faire la promotion, il faut veiller à ce que les services Internet haute vitesse dont nous disposons ici soient disponibles dans ces régions.

C'est difficile, c'est un peu l'œuf et la poule, mais il faut garder cela en tête. On a beau développer de beaux projets et de belles solutions ici, mais si les régions ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour les accueillir, c'est inutile.

La sénatrice Gagné : Merci de votre présentation. Je connais assez bien les programmes que vous offrez. Vous avez une belle façon de rejoindre les enseignants des collèges et universités de sorte à créer des partenariats afin de faire avancer des dossiers et de permettre aux jeunes d'avoir espoir en leur avenir.

J'aimerais que vous preniez un peu de recul et que vous nous parliez de la perspective jeunesse et de leurs perspectives d'avenir. Pas de la vôtre ou de la nôtre, mais de la leur face à l'employabilité et au développement économique et à la valeur du bilinguisme dans ce contexte.

M. Bigeau : Je vais commencer et je vais céder la parole à mes collègues par la suite.

Nous avons commandé une étude en 2012-2013 auprès du Conference Board et, en partie, il y avait cette question sur la valeur ajoutée du bilinguisme. Nous nous sommes rendu compte que le bilinguisme sert de levier, autant au bénéfice du marché du travail que pour l'entrepreneuriat. Il semble que le bilinguisme serve de levier important pour soutenir le développement économique.

Les jeunes adhèrent à ce principe et, souvent, ils ne sont pas seulement bilingues, mais multilingues. Ils maîtrisent plusieurs langues. Ils sont plus mobiles, et ils ont tendance à voyager davantage. Nous voulons veiller à maintenir la vitalité de la communauté francophone dans de petites communautés. Inciter les jeunes à demeurer chez eux est un défi majeur, mais en même temps, il faut reconnaître que les jeunes sont en quête d'une expérience qui dépasse souvent la capacité de la communauté dans laquelle ils vivent.

Nous voulons les séduire et les inciter à revenir et, une des façons de le faire, c'est de les accompagner dans le démarrage de petites entreprises. Il y a beaucoup de jeunes qui ont beaucoup d'ambition à créer leur petite entreprise, et le réseau offre un accompagnement qui semble être en demande auprès des jeunes et qui les incite à revenir dans leur communauté. Nous donnons des exemples de projets qui semblent fonctionner dans ce domaine. Nous voulons également que les communautés soient desservies dans les deux langues officielles. Ce faisant, cela veut dire que les jeunes reconnaissent l'importance de vivre dans les deux langues, et la capacité de servir la clientèle dans le cadre d'un emploi dans les deux langues semble être une valeur ajoutée.

Le bilinguisme est certainement une valeur reconnue par les jeunes dans le domaine du travail et de l'entrepreneuriat.

M. Méthot : Ce qui me permettrait de vous être le plus utile, pour la perspective jeunesse, ce serait de vous mettre en contact avec ces jeunes. Nous avons des programmes qui aident des centaines de jeunes, et le réseau pourrait être à votre service de cette façon. Lorsqu'il s'agira de les recenser, ce sera en sachant que c'est sous l'axe de l'employabilité que nous avons interagi avec eux, que le bilinguisme, pour eux, est devenu la clé pour avoir un premier emploi au Canada. Ce sont des cas que nous avons vus assez souvent.

M. Benedict : Dans la plupart des communautés en situation minoritaire, un des gros problèmes, c'est qu'il n'y a pas assez de garderies francophones. Les jeunes entrent à la garderie en anglais et, lorsqu'ils en sortent, ils veulent continuer en anglais pour rester avec les jeunes avec qui ils sont allés à la garderie, au primaire et au secondaire. Donc, au-delà de la question économique, une fois qu'ils sont entrés dans une carrière à un très jeune âge, il y a une valeur liée à la vie sociale, aux gens avec qui ils évoluent. Il y a un déclin de la population francophone, parce que les parents ne peuvent pas trouver de garderies francophones. Donc, dès l'âge de cinq ans, il y a une valeur ajoutée sur le plan social. Ils ne s'en rendent pas compte, mais, indirectement, leurs parents orientent leur continuum scolaire en fonction de la langue parlée à la garderie. Donc, nous pouvons nous baser sur ces faits avant même de passer aux études secondaires, postsecondaires, et cetera.

La sénatrice Gagné : Donc, l'employabilité commence à la naissance?

M. Benedict : Voilà.

M. Bigeau : Pour continuer sur cette lancée, nous avons tissé un lien d'affaires et nous avons été interpellés par la Commission nationale des parents francophones pour les accompagner d'abord dans une étude pancanadienne pour savoir quels seraient les modèles entrepreneuriaux les plus réussis en ce qui a trait à la petite enfance. D'ailleurs, nous rencontrerons le Comité de la planification stratégique de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne afin de créer une entente tripartite pour la deuxième phase du projet, de sorte à promouvoir le besoin de mettre en place des programmes de formation en français à travers le Canada pour soutenir le dossier de la petite enfance. Nous représentons le côté entrepreneurial, c'est vrai. Cependant, il est très important pour la communauté francophone d'avoir accès à des services de qualité en français dans le domaine de la petite enfance. Le constat est déjà bien connu et nous essayons d'orienter la suite des choses. C'est vrai que le besoin commence très tôt, et les stratégies doivent être mises en place par des programmes et des services dès la petite enfance.

Le sénateur Maltais : Monsieur Bigeau, ai-je bien compris que votre service était composé de 160 personnes? Sont- elles toutes à Ottawa?

M. Bigeau : Non. Seulement 16 personnes sont au siège social à Ottawa. Chacun de nos membres a un bureau dans chacune des provinces et des territoires, et il y a une équipe pour chaque province et territoire. Le cumul de ces employés est d'environ 160 personnes.

Le sénateur Maltais : Nous entendons plusieurs regroupements, comme le vôtre, qui nous parlent tous de médias sociaux, de ceci et de cela. L'enjeu principal des petites communautés francophones est le départ des jeunes. Pourquoi les jeunes s'en vont-ils? Parce qu'il n'y a pas de travail. Nous aurions beau inventer tous les programmes de la terre, s'ils ne peuvent pas gagner leur croûte ou se mettre en ménage avec quelqu'un, ils vont partir. Ne serait-il pas mieux pour un organisme comme le vôtre, qui a une vocation socioéconomique, de mettre l'accent sur la création d'emplois dans chacun de ces petits milieux? Ce ne sont pas tous les jeunes qui font des études universitaires. Beaucoup arriveront sur le marché du travail à la fin du secondaire. Mais s'ils n'ont aucune perspective d'emploi, les parents ne les garderont pas à se bercer sur la galerie jusqu'à l'âge de 65 ans. Ils vont leur dire d'aller gagner leur vie. C'est ce que nos parents nous disaient, et c'est encore le cas aujourd'hui.

N'y aurait-il pas moyen, avec tous les services que vous offrez — et vous en avez plusieurs, vous vous occupez même des garderies —, de faire une jonction uniquement sur la création d'emplois dans les petits milieux francophones dispersés un peu partout à travers le Canada?

M. Bigeau : C'est d'ailleurs une de nos priorités. La création d'emplois se fait grâce au démarrage de petites et moyennes entreprises. C'est là que nous avons la capacité d'accompagner les jeunes, les immigrants et d'autres personnes qui souhaitent démarrer une entreprise.

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous avez des résultats? Est-ce que cela crée des entreprises quelque part qui vont employer des dizaines de personnes?

M. Bigeau : Oui, c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Maltais : Nommez-moi ces entreprises qui emploient 10 ou 15 personnes, disons à Saint-André, à l'Île- du-Prince-Édouard.

M. Méthot : Je peux donner un exemple d'une entreprise qui a commencé à Île-des-Chênes, au Manitoba, et qui s'appelle Bold Innovation Group. Ce sont quatre francophones qui ont lancé une entreprise. Ils offrent tout le soutien pour Shopify. Malheureusement, ils ont maintenant 115 employés et ils ont déménagé à Winnipeg, parce que les infrastructures au sein des communautés sont insuffisantes.

L'approche en ce qui concerne le domaine rural a plusieurs composantes, y compris des programmes de financement de la Stratégie emploi jeunesse du gouvernement fédéral. Il n'est pas nécessairement évident d'aller chercher des fonds pour assurer les déplacements et faire en sorte que l'on puisse mettre les gens dans des centres. C'est une approche qu'on a tentée par le passé et que l'on poursuit. Il n'existe pas de solution facile à ce dilemme, mais nous gardons cet aspect parmi nos cibles.

Le sénateur Maltais : Le groupe précédent nous a dit que beaucoup de jeunes avaient de la difficulté à acquérir de la formation professionnelle postsecondaire en français. Faites-vous quelque chose à ce sujet?

M. Bigeau : Comme je l'ai mentionné pour le dossier de la petite enfance, nous sommes en lien continu avec l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. On fait la promotion des programmes pour s'assurer de répondre aux besoins du marché. Comme c'est le cas dans la plupart des collèges communautaires, on tente de refléter les besoins du marché en français dans les petites et moyennes communautés à travers le Canada.

Le sénateur Mockler : Vous avez un travail colossal, surtout en régions minoritaires francophones. J'aimerais un peu plus de précisions. Je n'ai pas reçu cette année le rapport annuel du RDEE.

M. Bigeau : On est en train de le finaliser.

Le sénateur Mockler : Je regarde sur votre site web pour trouver la réponse à une question. Les témoins qui vous ont précédés nous ont dit que ce qui stimulait les jeunes, ce qui les intéressait et les faisait avancer, c'étaient les enjeux, l'environnement, la qualité de vie, la consultation sur des sujets qui les touchent.

Quel est le pourcentage des institutions financières francophones qui utilisent le RDEE à travers le pays? Pouvez-vous nous expliquer le rôle que joue le mentorat au sein de ce processus? Dans la vie, on apprend de deux façons : soit de l'expérience des autres, en faisant les choix les plus évidents, ou par sa propre expérience, ce qui nécessite temps et argent. Quel rôle le mentorat joue-t-il, surtout dans les institutions financières? Je sais que du développement s'est fait dans le Nord de l'Ontario, au Nouveau-Brunswick et, comme l'a dit M. Méthot, au Manitoba. Il y en a aussi dans les régions francophones de la Colombie-Britannique. Le mentorat est-il présent dans votre organisation? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous donner des exemples?

M. Bigeau : Oui, il est présent dans notre réseau. Chacun des membres fait du mentorat à sa façon.

Un autre lien d'affaires que nous avons avec le Québec est avec la Fondation de l'entrepreneurship et le Réseau M. Nous sommes en train d'adapter le modèle de mentorat du Réseau M au Québec dans le Canada français à l'extérieur du Québec. On a même formé un partenariat pour adapter le modèle en fonction de la masse critique, qui est souvent manquante dans certaines de nos petites communautés. Cela permet à tous nos membres de participer et de mettre en œuvre un programme de mentorat inspiré du modèle du Réseau M du Québec.

Certains de nos membres avaient déjà des programmes de mentorat. On multiplie donc les efforts pour accroître la capacité du réseau à recruter des mentors et d'attirer d'autres contributions qui font en sorte que le programme de mentorat fonctionne bien. Le mentorat est certainement une composante importante chez nous.

Vous posiez une question sur les liens d'affaires du réseau, plus particulièrement avec les institutions financières. Nous avons des ententes et des partenariats avec la plupart des caisses Desjardins et avec d'autres coopératives à travers le Canada. Il ne s'agit pas de la majorité de nos conseils d'administration dans les provinces et territoires, mais il y a toujours une représentation des caisses populaires Desjardins au sein de nos conseils d'administration.

Le sénateur Mockler : Monsieur Bigeau, si vous pouviez nous en dire davantage et nous en dire plus long, à l'aide d'exemples typiques pour chacune des régions canadiennes, je crois que ce serait important. Vous pouvez faire parvenir ces renseignements à notre greffier.

M. Bigeau : Avec plaisir.

Le sénateur Mockler : Le 150e anniversaire du Canada est une occasion de souligner le rôle qu'ont joué les francophones, les Acadiens et les Métis, entre autres, à travers le pays. Considérez-vous que les différents ordres de gouvernement vous consultent suffisamment pour vous aider?

M. Bigeau : Suffisamment est un qualificatif. Nous sommes consultés et interpellés. On nous demande de participer à des discussions comme celle-ci dans différents contextes. Cette année, il y a le renouvellement du Plan d'action pour les langues officielles. On a déposé des mémoires et rencontré plusieurs comités à travers le Canada. Les membres, dans chacune des provinces, ont participé à des rencontres semblables à celle-ci.

Nous sommes interpellés. L'accent est mis de plus en plus sur le développement économique pour responsabiliser nos communautés francophones et les inciter à prendre leur place en matière d'employabilité. On veut que les langues officielles fassent partie du développement économique et de nos priorités au même titre que les autres enjeux. Les acteurs semblent nous interpeller assez bien. On a l'impression d'être sollicités et invités à participer aux consultations des différents ordres de gouvernement.

Un exemple concret d'une réalisation et de consultations est le projet du corridor pancanadien, touristique et patrimonial, que j'ai mentionné plus tôt. Il y a une participation financière de la part du gouvernement fédéral, un budget d'envergure nationale, mais il y a aussi un soutien de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne. Les provinces et territoires membres d'un réseau de cette conférence ont participé pour appuyer la mise en œuvre d'un projet comme celui-ci. Il y a beaucoup de concertation entre les deux ordres de gouvernement, les provinces et le gouvernement fédéral, dans cette initiative.

Le sénateur Mockler : Quel rôle joue le RDEE au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie? L'OIF a également comme objectif la jeunesse.

M. Bigeau : Nous avons eu de bonnes discussions avec l'OIF. On nous a d'ailleurs demandé de construire un lien d'affaires pour les accompagner dans la mise en œuvre d'actions liées à une de leurs priorités, soit celle du développement économique et de l'employabilité dans la francophonie mondiale. Grâce à notre réseau et à notre expertise, on nous a demandé si on ne pouvait pas tisser un lien d'affaires avec eux pour les accompagner dans la mise en œuvre de certaines initiatives et aussi afin d'exporter certaines de nos expertises pour les accompagner dans la réalisation de ces projets.

La présidente : Avant de terminer, j'aimerais vous poser une dernière question.

Dans le cadre de notre étude sur les recommandations qu'on pourrait faire pour améliorer l'application de la Loi sur les langues officielles, quelle recommandation auriez-vous pour éclaircir la question à savoir comment l'application de la Loi sur les langues officielles pourrait être améliorée afin de répondre aux besoins des jeunes travailleurs, des jeunes entrepreneurs qui ont à cœur le bilinguisme?

M. Bigeau : Il faut mettre l'accent sur l'employabilité et le développement économique, de même que sur l'implication des jeunes. Je pense à la place que devraient occuper les jeunes dans le domaine de l'employabilité.Ce que je veux dire par là, c'est que le nouveau Plan sur les langues officielles devrait mettre en valeur les jeunes et la jeunesse dans une perspective économique. On doit trouver les moyens de favoriser le bilinguisme afin d'inciter les jeunes à démarrer des entreprises et de les encourager à rester, dans la mesure du possible, chez eux.

En même temps, démarrer une entreprise demande beaucoup de ressources. Il faut en avoir les moyens. Souvent, les jeunes ont de beaux projets, mais les petites communautés n'ont pas accès aux ressources nécessaires. Les jeunes sont donc interpellés à sortir de leurs communautés et à aller dans les plus grands centres afin d'avoir accès aux ressources nécessaires pour poursuivre un projet entrepreneurial.

Le Plan sur les langues officielles doit mettre l'accent sur les petites communautés et les communautés de langue officielle en situation minoritaire, car les minorités francophones se retrouvent souvent dans de petites communautés où il y a un manque de ressources. Il faut voir de quelle façon on pourrait soutenir le développement économique et l'employabilité des jeunes dans ces petites communautés.

La présidente : Merci beaucoup. Ne voyant pas d'autres questions, je vous remercie sincèrement de votre participation. Nous apprécions énormément le travail que vous faites pour stimuler l'économie, non seulement pour les plus petites collectivités, mais aussi pour la francophonie canadienne. Nous vous remercions aussi de l'intérêt que vous portez aux jeunes, car ce sont justement les jeunes que nous devons aller chercher et retenir dans nos petites collectivités. Un grand merci pour votre travail. Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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