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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 13 - Témoignages du 5 juin 2017


OTTAWA, le lundi 5 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, en séance publique et à huis clos, pour poursuivre son examen de la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles et pour faire l'étude d'une ébauche de rapport.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonsoir, je m'appelle Claudette Tardif, et je suis présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis très heureuse de vous accueillir ici ce soir. Avant d'entendre les témoins, je demanderais aux membres du comité de bien vouloir se présenter, en commençant à ma gauche. J'en profiterai aussi pour souhaiter un bon retour au comité à notre vice-présidente, la sénatrice Rose-May Poirier.

La sénatrice Poirier : Merci, madame la présidente. Je m'appelle Rose-May Poirier, et je suis sénatrice du Nouveau- Brunswick.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, sénateur du Québec.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l'Ontario.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick.

La présidente : Le Comité sénatorial permanent des langues officielles poursuit son étude spéciale portant sur la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Dans un premier temps, le comité sénatorial examine la perspective des jeunes du Canada. Nous sommes très heureux de recevoir ce soir deux groupes de jeunes Canadiennes. De l'organisme Le français pour l'avenir, nous accueillions Julia Albert et Nicolette Belliveau, ambassadrices. Je crois que Mlle Belliveau est du Nouveau-Brunswick, et Mlle Albert, de White Rock, en Colombie-Britannique.

[Traduction]

Toujours d'Expériences Canada, nous avons sa présidente-directrice générale, Mme Deborah Morrison. Soyez la bienvenue.

[Français]

Elle est accompagnée de Courtney Peters et de Khaleela Skinner, qui sont des participantes au programme.

Madame Morrison, je crois que vous vouliez nous faire une présentation avant de donner la parole aux jeunes?

Deborah Morrison, présidente-directrice générale, Expériences Canada : Certainement. Mon rôle aujourd'hui est simplement de vous présenter nos jeunes participantes. Nous offrons deux programmes, y compris un programme d'échange. L'organisme Expériences Canada s'est impliqué dans la promotion des échanges pour explorer les deux langues officielles du Canada ainsi que la culture et la diversité. Courtney a participé à notre programme d'échange, et Khaleela a été participante à notre programme dans le cadre du 150e anniversaire. C'est un programme spécial qui vise à explorer les questions qui intéressent aujourd'hui les jeunes Canadiens.

La présidente : Nous allons commencer avec les intervenantes de l'organisme Le français pour l'avenir. Notre temps est très limité ce soir, car le Sénat siège plus tard aujourd'hui et plusieurs réunions se tiennent avant le début de la séance du Sénat. Je vous demanderai donc d'être aussi brèves que possible dans vos présentations, et je demanderais aux sénateurs de poser de courtes questions afin que nous puissions en poser un aussi grand nombre que possible. Nous commencerons avec Julia.

Julia Albert, ambassadrice 2016, Le français pour l'avenir : Bonjour, sénateurs et sénatrices.

[Traduction]

Je m'appelle Julia Albert et je suis en 11e année. Je suis dans le programme d'immersion française de White Rock, en Colombie-Britannique. Mes parents, qui ne parlent pas français, m'ont inscrite à ce programme d'immersion précoce lorsque j'étais à la maternelle. Au cours des 12 dernières années, j'ai développé un goût prononcé pour cette langue.

À l'époque, la demande pour les programmes d'immersion française était si grande que les parents devaient camper devant l'école durant la nuit pour être certains d'avoir une place pour leurs enfants. Dans ma ville, il y a deux écoles d'immersion précoce, et la liste d'attente pour les étudiants qui voudraient se joindre aux programmes de l'automne prochain compte déjà plus de 200 noms. L'attribution des places se fait désormais par tirage. À bien des égards, le fait d'avoir une place dans le programme d'immersion française, c'est comme gagner à la loterie.

[Français]

Je voulais vraiment expliquer comment plusieurs occasions se sont offertes à moi grâce à ma deuxième langue, par exemple, le concours d'art oratoire, qui m'a aidée à communiquer avec confiance. D'autre part, j'ai pu développer mes compétences en journalisme en faisant partie de l'expérience Jeun'Info de CBC/Radio-Canada. Cela m'a aidée à devenir une leader et à pouvoir exposer mes opinions dans les deux langues.

Avoir été ambassadrice pour Le français pour l'avenir a été une expérience inoubliable. J'ai passé une semaine à Toronto avec des amis de partout au Canada. Je ne savais pas que certains de mes meilleurs amis habitaient à Moncton, à London, en Ontario, et à Whitehorse.

[Traduction]

Afin de faire profiter de toutes ces incroyables possibilités aux autres étudiants de mon école, j'ai mis sur pied un club français. Ce que nous appelons le club « Francofun » est un endroit où les jeunes se réunissent afin de parler français, d'écouter de la musique en français et de manger de la nourriture « française ».

[Français]

Cela étant dit, des progrès sont encore possibles. Par exemple, je suis en 11e année et j'ai seulement un cours en français cette année. Il n'y a pas assez de cours offerts en français en 11e et 12e année. C'est un point qui peut être amélioré. De plus, en ce qui concerne l'examen DELF, qui permet d'être reconnu bilingue au niveau international, seuls 30 élèves sont sélectionnés chaque semestre pour s'y présenter. Les autres doivent payer pour pouvoir le passer. Ce type de barrières, en plus de l'indifférence qu'on rencontre en Colombie-Britannique, sont des facteurs décourageants. En somme, je peux vous assurer que, grâce à mes expériences, j'ai vraiment gagné à la loterie. Merci beaucoup.

Nicolette Belliveau, ambassadrice 2012, Le français pour l'avenir : Bonjour à vous, madame la présidente et membres du comité. Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer ici aujourd'hui sur le sujet des langues officielles. Je m'appelle Nicolette Belliveau, et je viens de Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Je suis ici aujourd'hui afin de représenter Le français pour l'avenir. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui a comme mission de promouvoir le bilinguisme officiel au Canada ainsi que les avantages de parler et de communiquer en français chez les jeunes Canadiens. J'ai eu le privilège d'être ambassadrice en 2012 pour Le français pour l'avenir. L'été dernier, j'ai été animatrice, lors de ce même forum. Cette année, j'ai l'honneur d'être la coordonnatrice du Forum national des jeunes ambassadeurs de l'organisme Le français pour l'avenir, qui aura lieu à Charlottetown au mois d'août.

[Traduction]

Je viens d'une famille exogame. J'ai un parent anglophone et un parent francophone. Ma langue maternelle est l'anglais et c'est la seule langue que j'ai eu à utiliser au cours de mon existence. Toutes mes connaissances en français, je les ai acquises à l'école, dans le programme d'immersion française précoce auquel j'ai pris part au Nouveau-Brunswick. Je suis très chanceuse d'être née dans la seule province bilingue du Canada, le Nouveau-Brunswick, et d'y avoir grandi. J'ai été exposée aux deux langues, l'anglais et le français, et aux deux cultures. J'ai aussi la chance d'être d'origine acadienne. Le fait d'être anglophone me donne en outre une chance unique de vivre et de ressentir les deux langues et les deux cultures dans ma vie de tous les jours.

[Français]

En raison de cela, je m'identifie comme étant bilingue, et non francophile ou anglophone, et je crois fortement au bilinguisme au Canada. Ce pays a été conçu de façon à préserver les deux langues fondatrices. Dans le passé, les deux langues n'ont pas toujours été respectées, mais nous avons maintenant l'occasion, dans le cadre de la Loi sur les langues officielles, d'assurer ce respect tout en protégeant et en faisant la promotion des deux langues.

[Traduction]

L'apprentissage d'une deuxième langue m'a ouvert bien des portes et m'a donné des possibilités que je n'aurais pas eues si j'avais été unilingue. L'apprentissage d'une deuxième langue fournit des avantages économiques évidents — notamment pour trouver de l'emploi —, et pas seulement dans ma province d'origine, le Nouveau-Brunswick, mais aussi dans la région de la capitale nationale. Cependant, ce sont les avantages sur le plan social et culturel qui sont attachés à ma deuxième langue qui comptent le plus pour moi. Grâce au français, j'ai eu le privilège de rencontrer des francophones et des Canadiens francophiles de tout le pays et d'établir de vrais contacts humains avec eux.

[Français]

Par contre, culturellement, l'apprentissage du français comme langue seconde a été le plus beau cadeau de ma vie. J'ai eu accès à un monde complètement nouveau d'histoire, de littérature, de musique et même de nourriture.

Dans la mosaïque du multiculturalisme canadien, apprendre les deux langues officielles représente un nouveau défi. Par contre, rien ne nous empêche d'être ouverts aux autres cultures qui sont présentes au Canada et de vivre avec nos deux langues officielles. Je pense notamment aux pays européens ou en Afrique, où les citoyens parlent deux, trois et parfois même quatre langues. Durant mon expérience, j'ai rencontré plusieurs personnes qui parlaient jusqu'à cinq langues. Je rêve qu'un jour le Canada devienne un pays où les citoyens parlent aisément deux, trois, quatre langues, partagent le bilinguisme officiel, et conservent la culture avec laquelle ils sont venus, par exemple, dans le cas des nouveaux arrivants.

La coexistence du multiculturalisme canadien et des deux langues officielles fait en sorte que le Canada est unique au monde. Ainsi, le bilinguisme devrait être aussi bien défendu que le multiculturalisme.

Je vous remercie et je répondrai à vos questions avec plaisir.

La présidente : Merci beaucoup, Nicolette. Nous allons maintenant entendre les participants d'Experiences Canada. Qui veut commencer?

[Traduction]

Courtney Peters, participante au programme, Expériences Canada : C'est un honneur pour moi d'être ici.

[Français]

Je m'appelle Courtney Peters, j'ai 16 ans et j'habite à Roblin, au Manitoba. Je suis en 11e année et je parle français depuis la 4e année. Au début 2017, j'ai participé à un échange d'Expériences Canada. Je suis allée à Sainte-Foy, au Québec, pendant une semaine, avec un groupe de mon école, et nous étions 22 personnes.

En avril, nos jumeaux sont venus au Manitoba et sont restés avec nous pendant une semaine. Quand je suis allée au Québec, j'ai été exposée à la culture du français, surtout à la langue. J'étais hébergée par une famille qui parlait uniquement le français. Cela n'a pas été facile, mais j'ai beaucoup appris de cette expérience que je recommande à toutes les personnes qui étudient le français langue seconde.

J'ai fait la connaissance de nouveaux amis que je garderai pour toujours. J'ai aussi visité une belle partie de mon pays. C'était probablement une des meilleures périodes de ma vie.

[Traduction]

S'il y a quelque chose que l'apprentissage du français m'a montré, c'est que le seul moyen d'en acquérir une meilleure maîtrise, c'est de le parler. Le fait d'avoir pu voyager dans cette partie du Canada où l'on parle français a été une aide inestimable. J'avoue bien humblement que mon voyage au Québec et l'obligation d'utiliser ce que j'avais appris jusque-là a été l'une des choses les plus difficiles que j'ai eues à faire de toute ma vie, mais c'est aussi l'une des expériences les plus enrichissantes que j'ai vécues. C'est un vrai défi que de réussir à passer une semaine en compagnie de quelqu'un avec qui vous ne pouvez parler qu'avec une langue qui n'est pas la vôtre. L'un de mes rêves est d'améliorer ma maîtrise des deux langues. En tant que Canadienne, j'aimerais être en mesure de communiquer avec un plus grand nombre de gens. De surcroît, j'aime beaucoup les possibilités d'emploi auxquelles le bilinguisme donne accès.

C'est vraiment formidable que les jeunes puissent avoir accès à ces programmes. Le gouvernement du Canada devrait ouvrir encore plus de portes et multiplier les occasions pour permettre aux jeunes et aux autres d'améliorer leur français dans un contexte pratique. Je suis très loin d'être bilingue, mais ma participation à cet échange m'a donné de l'assurance. Je suis reconnaissante d'avoir eu cette possibilité. Je sais que cette expérience a joué un rôle déterminant pour améliorer ma maîtrise du français parlé, et ça, je ne suis pas près de l'oublier. Merci.

Khaleela Skinner, participante au programme, Expériences Canada : Merci de me recevoir. J'ai commencé l'immersion française en maternelle, et c'est quelque chose qui a contribué à mon développement tout au long de mon parcours scolaire. L'un de mes objectifs les plus chers est de devenir bilingue et d'acquérir une maîtrise parfaite du français. Jusqu'ici, le français m'a permis de multiplier mes contacts dans mon milieu et à l'échelle du Canada. À l'école, je suis membre du French Immersion Leadership Club, le club de leadership en immersion française. L'objectif de ce club est de promouvoir le français et la culture française au sein de l'école. Je rêve de devenir enseignante. Dans un monde idéal, j'enseignerais le français.

L'importance des programmes de français va bien au-delà de la langue proprement dite. Pour des gens comme moi, le bilinguisme multiplie les possibilités à l'échelle du pays. L'apprentissage d'une nouvelle langue est un défi qui demande beaucoup de travail, mais pour moi, c'est l'une des meilleures choses que je puisse faire.

Il y a quelques années, je suis venue ici, à Ottawa, pour participer à un forum jeunesse qui s'appelait Rencontres du Canada. Je me suis servi de mes habiletés pour apprendre à connaître des jeunes de partout au Canada, dont certains qui ne parlaient que le français. Ce sont des amitiés que j'ai gardées, et je suis heureuse d'avoir pu aborder ces gens en leur disant « bonjour ». L'an dernier, je suis allée en France et j'ai eu beaucoup de plaisir à me familiariser avec la culture française et à converser avec les gens de la place.

Le 1er avril dernier, j'ai participé au forum régional 150&Moi d'Expériences Canada après avoir soumis ma demande de participation en français. J'ai passé l'une des meilleures semaines de ma vie; je me suis fait plein de nouveaux amis et j'ai appris à apprécier tous ces gens qui peuplent notre pays et toutes les possibilités que le Canada a à offrir.

Le bilinguisme m'aide certes à nouer des liens sur le plan individuel, mais il est aussi très utile pour établir des contacts à l'échelle mondiale.

[Français]

Le Canada existe aujourd'hui en raison du fait que nous reconnaissons la valeur de notre héritage bilingue et multiculturel. Nous cherchons aussi à développer et à renforcer les liens que nous avons avec d'autres nations. Des organismes tels que l'ONU et la Francophonie aident à créer un deuxième monde stable et sans frontière.

Notre habileté à communiquer dans les deux langues nous offre un avantage à l'échelle du monde. Non seulement nous créons une identité canadienne unique, mais nous portons cette identité ailleurs. On souligne nos valeurs canadiennes que sont la paix, la justice et l'égalité. Après tout, être Canadien, c'est être inclusif et accueillant.

[Traduction]

Les programmes qui font la promotion de l'enseignement du français sont essentiels pour la continuation du bilinguisme au Canada. Le district scolaire de Surrey, en Colombie-Britannique, auquel j'appartiens a beaucoup de difficulté à maintenir ses programmes d'immersion française. Le gouvernement pourrait apporter de l'aide et contribuer à renforcer ces programmes en augmentant le financement qu'il accorde pour leur prestation ainsi qu'en offrant des bourses d'études pour soutenir la formation d'un nombre accru d'enseignants dans ce domaine.

[Français]

Les programmes de français permettent aux jeunes Canadiens de se développer comme citoyens du monde. Il faut continuer à soutenir ces programmes pour protéger notre héritage et notre identité canadienne. Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup. Tout ce que je peux dire, c'est que cela fait chaud au cœur de vous entendre toutes. Je suis certaine que, comme nous, vos parents et vous professeurs sont très fiers de vous.

[Français]

Nous allons débuter la période des questions. Je demande aux sénateurs de se limiter à une seule question dans le cadre de la première ronde afin de permettre à tous les sénateurs de poser des questions. Nous allons commencer avec la sénatrice Poirier, suivie de la sénatrice Mégie.

[Traduction]

La sénatrice Poirier : J'avais deux questions, mais tout le monde a déjà répondu à la première que je voulais poser. Ma première question cherchait à savoir à quel point il est important pour vous et pour votre identité canadienne d'être bilingue. Je crois que chacune d'entre vous en a parlé dans ses observations liminaires.

[Français]

Ma deuxième question s'adresse à vous toutes. Est-ce qu'il faut prévoir des mesures additionnelles afin d'assurer la promotion des cultures francophone et anglophone, et ce, en tenant compte des particularités régionales?

Mme Belliveau : Ce que je vois au Nouveau-Brunswick, c'est qu'avec un tiers de francophones, il y a encore un important manque de connaissance de la minorité francophone au Nouveau-Brunswick. Que ce soit par l'intermédiaire d'un programme scolaire ou de l'éducation, un tel type de sensibilisation serait vraiment utile. Je ne sais pas comment on pourrait le faire, mais il faudrait sensibiliser davantage la population à l'existence de la minorité francophone hors Québec et de la minorité anglophone au Québec, qu'on ne doit pas oublier non plus.

Un tel type de sensibilisation serait vraiment important, parce que chaque communauté francophone minoritaire ou anglophone minoritaire est différente. Au Nouveau-Brunswick nous avons des Acadiens. Il y en a aussi en Nouvelle- Écosse, mais ils n'ont pas les mêmes traditions que les Acadiens du Nouveau-Brunswick. Pour les Québécois, les Franco-Ontariens et les anglophones du Québec, ce n'est pas tout à fait la même chose. Il ne faut pas oublier la différence et il faut sensibiliser la population à l'existence de ces communautés.

La sénatrice Poirier : Il ne faut pas non plus oublier les Brayons!

Mme Belliveau : Exactement. Il ne faut pas oublier les Brayons.

Mme Albert : En Colombie-Britannique, je trouve qu'on reconnaît moins la culture francophone. La population francophone n'est pas très connue et cette culture n'est pas enseignée autant qu'elle devrait l'être. Chez les Acadiens, je crois qu'il y a plus de reconnaissance de cette culture. Il faut l'enseigner davantage dans les écoles. Il faut mettre l'accent sur le plaisir d'apprendre cette culture plutôt que sur les matières académiques.

La sénatrice Mégie : Nous sommes heureux d'entendre les raisons qui vous ont incitées à devenir bilingues. Cependant, avec la vague de la mondialisation, tout est en anglais. Les jeunes à l'école doivent publier en anglais, la musique est en anglais. Vous dites que c'est une richesse d'être bilingue, mais si vous aviez deux exemples concrets à donner à vos collègues pour les convaincre de suivre vos traces, quels seraient-ils? Deux conseils? Il y en a peut-être plusieurs, mais deux conseils qui inciteraient un jeune de votre âge à se convertir.

[Traduction]

Mme Skinner : L'une des choses que j'adore faire, c'est de voyager. Dans cette optique, je crois que le fait de connaître une autre langue est très utile, et c'est particulièrement vrai du français puisque beaucoup de pays parlent cette langue. Du reste, le fait d'apprendre une autre langue vous facilitera les choses pour l'apprentissage des suivantes. Maintenant que je connais le français, je peux apprendre l'espagnol. Je peux apprendre l'italien. C'est quelque chose qui me sera vraiment utile puisque l'un de mes rêves est de parcourir le monde. J'aurai à communiquer avec les gens chez qui je resterai et avec les gens que je rencontrerai dans la rue. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime vraiment apprendre le français.

[Français]

La sénatrice Mégie : Quel serait le deuxième argument pour les convaincre? Je vous pose la question pour stimuler vos neurones.

Mme Albert : Il faut vraiment trouver la motivation personnelle. On ne fait pas partie d'un tel programme simplement parce que nos parents nous y ont inscrits. C'est très facile de parler en anglais dans les cours de français. Si on a la motivation... Je suis passionnée d'environnement et de justice sociale. Le fait de parler une deuxième langue me donne la chance de transmettre mon message à plus de gens. Je peux rejoindre davantage de gens. Je trouve ma motivation en établissant des contacts avec des gens partout dans le monde, et j'aime apprendre leur histoire.

Le sénateur Maltais : Quel vent de fraîcheur! J'admire votre dynamisme. En tant que Canadien, je suis très fier de votre prestation ce soir. J'ai aimé l'expression de Julia, « se connecter ». Il faut enlever le mot « intégration ». On se connecte ensemble.

J'habite dans la ville de Québec où il y a moins de 2 p. 100 d'anglophones. Ils sont encore anglophones, mais ils sont restés connectés avec les francophones. Vous avez parlé de l'avenir du Canada : être capable de se connecter avec les autres langues et les autres cultures tout en conservant les nôtres. Nous sommes conscients des problèmes de la Colombie- Britannique. Nous avons déployé beaucoup d'énergie en faveur de la francophonie cette année, et nous espérons que nos efforts porteront leurs fruits.

J'ai une question qui s'adresse aux témoins de l'Ouest canadien. Comment vous sentez-vous lorsque vous arrivez dans un milieu entièrement francophone?

Mme Skinner : C'est différent.

[Traduction]

Mme Peters : Par exemple, lorsque j'étais au Québec, dans un milieu exclusivement français, j'étais très nerveuse parce que je n'avais jamais participé à une immersion ou à quelque chose de semblable. J'allais à une école rurale et il n'y avait pas de programme d'immersion. La seule formation que j'ai eue, c'était les cours de français de base. Tout ce qu'il y avait, c'était une heure et demie ou une heure par jour que l'on devait choisir dans notre description de cours du secondaire et seulement une demi-heure — ou quelque chose du genre — au primaire. Or, quand je suis allée au Québec, j'ai été plongée dans une langue que je ne comprenais pas parce que je n'y avais jamais été exposée. La situation m'a toutefois motivée à apprendre ce que mes hôtes disaient. Je voulais le savoir.

La semaine que j'ai passée au Québec m'a assurément permis d'améliorer mon français, probablement plus que jamais auparavant, et pour cause. Que ce soit des gens avec qui vous restez, de vos partenaires ou de tous ceux avec qui vous êtes, tout ce que vous entendez, c'est du français. Oui, cette situation m'a motivée à approfondir mes connaissances et elle a stimulé ma passion. Elle a éperonné mon désir d'apprendre et de comprendre ce que les gens disaient autour de moi.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, mesdames, d'être avec nous ce soir. Votre présentation est très intéressante. Votre attachement aux deux langues officielles est une chose évidente. Cet attachement aux deux langues officielles est-il plutôt francophone, anglophone ou encore bilingue?

Mme Belliveau : Je crois que j'en ai parlé brièvement dans ma présentation. Mon attachement est bilingue, étant donné que ma langue maternelle est l'anglais et que j'ai reçu un héritage acadien. Mon père est francophone. Ma mère, quant à elle, est anglophone et ses deux parents sont francophones. J'ai d'abord appris l'anglais. Je me sens anglophone lorsque, par exemple, je veux obtenir des renseignements sur un service du gouvernement. Dans ce contexte, je vais probablement choisir le formulaire en anglais, parce que je suis plus l'aise dans cette langue. Quant à mon identité au quotidien, je ne fais pas la différence entre francophone ou anglophone. Je me considère comme étant bilingue. Je vis ma vie à 50 p. 100 en anglais et à 50 p. 100 en français.

Le sénateur McIntyre : Comment percevez-vous l'avenir des deux langues officielles par rapport aux autres langues?

Mme Albert : De la perspective de la Colombie-Britannique, le français n'est pas perçu comme la langue du travail. Il y a une grande influence asiatique et indienne au niveau des échanges économiques. Je trouve qu'il y a une mentalité selon laquelle il est peut-être plus efficace et avantageux d'apprendre ces langues. Je veux que mes enfants aient la chance de devenir bilingues. Je me sens très Canadienne lorsque je peux m'exprimer en français et en anglais. Mon rêve est de poursuivre ce changement de perspectives.

[Traduction]

La présidente : Avant de passer à la prochaine question, quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter concernant l'une des deux questions du sénateur McIntyre, à savoir comment vous vous définissez et comment vous voyez l'avenir? Courtney?

Mme Peters : Mon rêve est de devenir bilingue parce que notre pays a bel et bien deux langues officielles. Même si le français n'est pas la langue majoritaire dans la plupart des provinces, je crois que c'est quelque chose d'important, parce que ce n'est pas la langue de la majorité, mais celle d'une minorité. C'est quelque chose que nous devons respecter. Je crois que c'est une excellente idée de donner la possibilité aux jeunes de vivre cette autre langue et de ne pas l'abolir ou même de la changer. Je crois que nous devrions garder les deux langues et garder les services dans les deux langues.

[Français]

Mme Albert : Khaleela a mentionné qu'elle veut devenir professeure, et on constate sa passion. C'est vraiment avec les professeurs qu'on peut apprendre à aimer la langue. En Colombie-Britannique, à l'Université Simon Fraser, il y a un programme qui a été conçu pour former des professeurs en immersion française. Ils prévoient une année de voyages et d'échanges. C'est ce genre de programme dont nous avons besoin partout au Canada.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Merci à toutes. J'admire ce que vous avez fait, comment vous l'avez fait ainsi que l'énergie et l'âme que vous y avez mises. Je vous félicite de ne pas voir cela seulement comme s'il s'agissait d'une langue enseignée dans une salle de classe, mais bien comme une culture que vous étreignez, comme d'autres modes de vie que vous découvrez.

J'ai vécu en Colombie-Britannique pendant de nombreuses années, et je sais qu'il n'est toujours pas facile d'apprendre le français dans l'Ouest. Julia, vous avez dit que le fait d'entrer en immersion française était comme de gagner à la loterie. C'est quelque chose dont je suis très consciente.

Je veux que vous vous projetiez dans l'avenir. Vous êtes maintenant des enseignantes et vous avez des étudiants. Comment allez-vous vous assurer que ces portes donnant accès à la richesse de la culture francophone resteront ouvertes dans ces régions du pays où très peu de gens parlent français et où, comme vous l'avez dit, le français n'est pas la langue des affaires?

Mme Peters : Comme je suis allée à une école rurale dans un milieu où les Français n'étaient pas en majorité, les professeurs qui devaient nous donner le cours de français n'avaient eux-mêmes aucune notion de français. Quel avantage y a-t-il à cela? Vous allez être en mesure d'apprendre des mots de vocabulaire, c'est-à-dire les choses qui sont faciles à enseigner. Cependant, au secondaire, nous avons eu des enseignants bilingues. On nous a appris les bases de la conversation. On nous a appris à converser avec autrui et à être en mesure de nous promener dans la rue dans un milieu exclusivement français sans nous sentir complètement perdus.

Si nous voulons faire monter cette flamme, si nous voulons communiquer cette passion à la jeunesse, nous devons leur donner des possibilités qui vont dans ce sens. À mon école, le cours de français compte neuf étudiants, et ce sont des étudiants de 11e et 12e année. La raison pour laquelle il y en a si peu, c'est qu'étant enfants, nous n'avons jamais appris quoi que ce soit pour nous donner un sens d'accomplissement. Nous n'avons pas appris à converser. Vous arrivez au secondaire et vous vous dites : « Oh, je sais comment dire "table" en français, mais je ne saurais pas tenir une conversation avec quelqu'un. »

Ce serait vraiment bénéfique d'enseigner le français pratique plutôt que les petites choses qui ne sont d'aucune utilité.

Mme Skinner : Je crois que Courtney en a parlé, mais il faudrait enseigner le français pratique et permettre aux étudiants de s'imprégner davantage de la culture française en classe, car c'est dans ces contextes que ces notions peuvent être intégrées. Lorsque j'ai commencé à apprendre le français — et c'est encore le cas maintenant —, nous passions tout le cours à conjuguer des verbes. C'est quelque chose d'utile, dans une certaine mesure, mais, pour moi, la perspective de voir l'exercice se répéter tous les jours durant toute l'année n'a rien d'invitant. Je veux écouter des chansons en français et regarder des films en français. Je crois que le fait d'exposer plus d'étudiants à des choses pertinentes pourrait transformer une étincelle en flamme. Ce serait une façon de captiver un plus grand nombre de gens.

La sénatrice Bovey : Croyez-vous que ces possibilités pratiques devraient être enchâssées dans la révision de la Loi sur les langues officielles?

Mme Skinner : Ce serait formidable. Ce serait bien qu'il y ait plus de possibilités. C'est l'immersion française qui m'a amenée ici, et c'est quelque chose dont je me réjouis.

Mme Albert : Surtout en ce qui concerne l'aspect culturel. À notre école, certains jours sont prévus pour la visite de l'homme qui nous fait du sirop d'érable. Tout le monde est en liesse; c'est l'événement de l'année. Un autre jour, nous aurons la visite du camion de crêpes. Ce sont ces moments qui rendent tout le monde tellement heureux de faire partie du programme d'immersion française. De plus, en tant qu'ambassadrice de Français de l'avenir, je dois mentionner que nos forums marquent aussi des journées de grand intérêt pour les étudiants, des journées où ils sont particulièrement fiers d'être dans le programme d'immersion. Il faut multiplier ces journées qui stimulent l'enthousiasme des gens à l'égard de ce programme. Pour ce qui est d'absorber la culture, je crois que le fait de voyager n'a pas son égal, mais il est certain que c'est un aspect qui pourrait prendre une plus grande place en classe.

La présidente : Peut-être que vos professeurs sont en train d'écouter la présente séance à la télévision. Si ce n'est pas le cas, vous pourrez leur en donner la référence afin qu'ils puissent prendre connaissance de vos suggestions.

[Français]

La sénatrice Gagné : Moi aussi, je voulais vous faire part de mon admiration pour vos réalisations. J'aimerais que, lorsque vous retournerez chez vous, vous preniez le temps de remercier vos parents d'avoir choisi de vous inscrire dans une école d'immersion française. Vos parents ont pris un risque parce que, souvent, on ne sait pas nécessairement quel sera le résultat en fin de compte. Veuillez les remercier de ma part et, j'en suis certaine, de la part de mes collègues également.

J'aimerais revenir sur la question de l'utilisation des technologies et des médias sociaux pour rester connecté avec la communauté francophone du Canada, ou même dans vos régions. Les médias sociaux jouent-ils un rôle dans votre vie en ce qui a trait à l'apprentissage du français et lorsqu'il s'agit pour vous de rester connectés avec tous les amis que vous vous êtes faits au Québec, à Whitehorse ou ailleurs au Canada?

Mme Belliveau : Sans Facebook, je ne pourrais pas rester connectée avec tous mes amis. Quand je suis passée par le forum national en 2012, à ce moment-là, je ne savais pas qu'il y avait des communautés francophones à l'extérieur du Québec et du Nouveau-Brunswick, parce que je venais du Nouveau-Brunswick. Je n'en connaissais pas d'autres. C'est une fois que j'y suis allée que je me suis rendu compte qu'il y avait des francophones partout et qu'ils vivent souvent en minorité. Je croyais que nous étions minoritaires chez moi, mais d'autres communautés le sont beaucoup plus ailleurs.

Grâce à Facebook, je suis encore en contact avec eux. Parfois, quand ils passent par Moncton, on se rencontre et on discute en français. Normalement, si on communique, cela se fait en français, puisqu'ils sont francophones ou francophiles. La plus grande partie de nos échanges sont en français. Sur ma page Facebook, j'ai beaucoup de contenu en anglais, mais j'en ai beaucoup en français aussi. Donc, simplement en lisant, je suis exposée aux deux langues en même temps. Ces réseaux sont vraiment un bon outil pour garder le contact avec des francophones et des francophiles, ceux qui sont passionnés du bilinguisme partout au Canada. Nous allons toujours rester en contact avec eux afin de voir ce qui se passe dans leur communauté et ce qu'ils font, tout en essayant de faire des partenariats.

Mme Albert : Communiquer sur Facebook ou texter avec des gens de l'autre bout du Canada, c'est vraiment chouette et important. C'est quelque chose qu'on peut encourager peut-être à l'extérieur de la classe, parce qu'en classe, c'est la discussion qui est importante et le fait de parler à voix haute; on ne veut pas que la technologie empêche cela. Les vidéos sur YouTube m'aident beaucoup avec mon accent aussi.

La sénatrice Gagné : On parle de moderniser la Loi sur les langues officielles. Les institutions fédérales devraient- elles utiliser des moyens un peu plus modernes pour impliquer les jeunes et pour communiquer dans les deux langues officielles? Si oui, comment cela devrait-il se passer?

[Traduction]

Mme Skinner : Un bon exemple est Expériences Canada. L'organisme a une page Instagram et une page Twitter, et cetera. On nous tient au courant des activités qui se produisent. Le site nous permet de rester branchés. Parfois, je vais voir quelque chose sur le site et je vais en parler à mes amis. Je leur dirai : « Avez-vous vu cela? Telle chose va avoir lieu. »

Si le gouvernement commence à faire de la promotion au moyen des médias sociaux, il atteindra un plus grand nombre de jeunes. Une fois le mouvement lancé, le nombre de personnes impliquées augmentera considérablement parce que les gens en parleront à leurs amis. Ils leur diront : « As-tu entendu parler de cela? C'est génial, tu ne trouves pas? » Nous pouvons espérer que cela fera boule de neige et que cela créera un grand mouvement pour la francophonie.

Mme Albert : À mon école élémentaire, il y a toujours une année où les élèves ont des correspondants au Québec. C'était aussi une des meilleures parties de l'année. Toutefois, maintenant que la technologie est tellement présente, les élèves pourraient donner leur numéro de téléphone à des élèves du Québec, et ils pourraient communiquer par messages textes en français ou même au moyen de FaceTime puisque c'est tellement facile aujourd'hui. Les élèves pourraient donc avoir de vraies conversations avec des personnes d'un autre coin du pays. Si tout le monde avait un partenaire, je pense que ce serait un programme vraiment génial.

Mme Morrison : Nous avons eu une très bonne discussion, et elles sont trop polies pour vous en parler. Facebook et les courriels sont vieux jeu. Les jeunes ne les utilisent plus. Il faut absolument se servir des médias sociaux pour entrer en contact avec les jeunes, pour les informer et pour faire de la sensibilisation. Or, je souligne toujours que les écoles mêmes font de grands progrès dans ce domaine. Elles ont des tableaux interactifs et des moyens de télécommunication.

Pour ce qui concerne les échanges en personne, si nous ne pouvons pas permettre à tous les jeunes de voyager d'un coin à l'autre du pays, de se rencontrer et de vivre des expériences exceptionnelles, la meilleure solution de rechange est de se concentrer sur les échanges virtuels. De plus, ces échanges devront être faits beaucoup plus tôt afin qu'en vieillissant, les jeunes veuillent vivre des expériences en personne.

La sénatrice Fraser : Si ce dossier concerne l'avenir, il est en de bonnes mains. Merci à vous toutes. Vous êtes formidables. Je suis doublement impressionnée parce que vous êtes toutes des femmes. C'est fantastique.

Comme la sénatrice Gagné, je vous demande de remercier vos parents. Je sais que vous êtes déjà reconnaissantes, mais vous le serez de plus en plus. Permettez-moi de vous dire que 50 ans plus tard, je suis heureuse que mes parents unilingues anglophones aient déclaré que je devais parler les deux langues pour être Canadienne. Or, ce n'est pas facile. Quand on arrive au plus-que-parfait et au subjonctif, c'est horrible.

Pour celles d'entre vous qui sont en immersion, la plupart de vos enseignants sont-ils francophones?

Mme Albert : Oui.

Mme Belliveau : Quand je suivais le programme d'immersion, je pense que 75 à 80 p. 100 des enseignants étaient francophones. Les autres étaient bilingues, mais leur maîtrise du français était assez bonne, voire avancée ou supérieure. Ils utilisaient aisément la langue. Je n'ai jamais pensé : « Mon Dieu, cet enseignant ne sait pas parler français. »

La sénatrice Fraser : Était-ce la même chose pour vous : vos enseignants étaient-ils francophones?

Mme Skinner : La plupart de mes enseignants sont francophones, et ceux qui ne le sont pas sont parfaitement bilingues.

La sénatrice Fraser : On nous dit qu'il est parfois difficile d'attirer des enseignants francophones dans les écoles d'immersion.

Mme Peters : Je n'ai pas suivi le programme d'immersion, mais à l'école secondaire, mes trois professeurs de français étaient bilingues. Avant cela, de la 4e à la 8e année, un d'entre eux l'était. Les autres se retrouvaient simplement dans une situation où ils étaient obligés d'enseigner le français, alors ils faisaient de leur mieux.

La sénatrice Fraser : Même s'ils ne comprenaient pas la langue?

Mme Peters : Oui, ils faisaient des erreurs de traduction ou de prononciation. J'ai découvert plus tard que je prononçais certains mots incorrectement.

La sénatrice Fraser : Ce n'est pas très encourageant.

Mme Peters : Non.

Mme Albert : Je sais qu'on commence à enseigner le français aux élèves du programme de langue anglaise en 5e année, et c'est un moment qui a une grande influence sur la motivation. Dans mes cours de français, beaucoup des élèves qui maîtrisent le mieux la langue sont des élèves d'élite du programme d'immersion, et ce sont leurs excellents professeurs de 5e année qui les ont inspirés à s'engager dans le programme d'immersion tardive. Toutefois, malheureusement, des professeurs de 5e année ne connaissent pas la langue, ils ne comprennent pas la culture et certains ne donnent même pas le cours parce qu'ils ne le trouvent pas nécessaire. Dans ces cas-là, nous perdons beaucoup d'élèves qui auraient pu s'inscrire au programme d'immersion tardive.

La sénatrice Fraser : Vous avez toutes mentionné la culture, et nous savons tous que dans l'ensemble des domaines artistiques, il se passe des choses merveilleuses en français au Canada. C'est vraiment incroyable. Or, je me demande si, dans vos écoles ou dans vos collectivités, vous avez la possibilité d'assister à des pièces de théâtre ou à des spectacles de musique en français. J'aimerais vous demander votre avis sur une idée et vous pourrez préciser votre pensée. Dans le passé, le gouvernement du Canada subventionnait les artistes canadiens pour leur permettre de voyager à l'étranger; je crois qu'il a maintenant recommencé à le faire. Je ne sais pas s'il existe un programme qui aide les artistes canadiens à voyager au pays, et dans votre cas, ce serait précisément des artistes francophones. Est-ce que cela vous intéresserait?

Mme Albert : Oui. Ce serait formidable. J'adorerais cela.

La sénatrice Fraser : Pensez-vous que cela pourrait attirer certains élèves autrement indifférents?

Mme Albert : Tout à fait. En tant qu'ambassadrice de Français pour l'avenir, j'ai pu me rendre à Victoria pour donner un coup de main durant le forum local. Nous avons reçu une équipe d'improvisation qui venait d'Ottawa, je crois, et c'était hilarant. Je me suis tellement amusée. Je voulais que l'équipe vienne présenter à mon école. Je pense que du financement serait extraordinaire et très utile.

Mme Belliveau : Juste pour ajouter à cela, quand j'ai suivi le programme d'immersion, c'était plus comme aller à l'école secondaire de langue anglaise; il n'y avait donc pas beaucoup d'éducation culturelle. Je dirais même qu'il n'y en avait pas du tout. Même au Nouveau-Brunswick, tout ce qu'on nous a dit sur les Acadiens, c'est qu'ils avaient été déportés. C'est donc à l'université que j'ai appris au sujet de l'histoire et du patrimoine acadiens — mon propre patrimoine. À l'Université de Moncton, j'ai étudié dans ma langue seconde. Puisque l'université est un établissement francophone, elle donne beaucoup d'argent. De nombreux artistes francophones de la région, mais aussi d'ailleurs au Canada viennent présenter des films, de la musique, du théâtre et tout le reste. Nous avons donc accès à cela.

Quand j'ai suivi le programme de français langue seconde à l'Université de Moncton, durant mes quatre années d'études, je pouvais aller voir le coordonnateur et obtenir des billets gratuits pour tous les spectacles en français. C'est une subvention que l'université offrait. Elle donnait la possibilité aux étudiants du programme de français langue seconde de découvrir la culture. Pour ma part, une fois que j'ai commencé à découvrir la culture, je suis devenue beaucoup plus motivée à apprendre le français, car ce n'était plus juste une langue démodée que j'apprenais en classe. C'était une vraie langue utilisée à l'extérieur, dans les films, au théâtre, dans les livres. Elle est utilisée partout. J'avais un accès réel. Je pouvais la voir pour la première fois.

Bien sûr, ayant suivi le programme d'immersion, je savais que le français serait important. On nous fait les discours sur son importance pour l'emploi, sur le plan économique et tout cela, mais découvrir la culture et apprendre à son sujet ont changé ma façon de voir la langue.

Si les élèves pouvaient la découvrir à l'école primaire, à l'école intermédiaire et à l'école secondaire, il y en aurait peut- être beaucoup moins qui abandonneraient le programme d'immersion en français, ou une fois qu'ils termineraient le programme, ils continueraient peut-être à pratiquer leur français. Je viens de finir mon baccalauréat, et aujourd'hui, je dirais que trois quarts des personnes qui ont obtenu leur diplôme du programme d'immersion en même temps que moi peuvent à peine parler français. Ces personnes étaient bilingues à la fin de leurs études secondaires, mais elles n'ont pas utilisé leur français. Elles n'étaient pas attachées à la langue. Elles se sont dit : « Pourquoi est-ce que je la pratiquerais? Je parle anglais. »

Si on peut inspirer cet attachement plus tôt, il y aura peut-être plus de Canadiens bilingues demain.

Mme Skinner : J'aimerais souligner le bon travail que font tous les enseignants du programme d'immersion en français de mon école. Ils s'investissent pleinement et ils essaient toujours de nous faire vivre des expériences culturelles en français. Julia a déjà parlé du camion de crêpes qui vient deux fois par année. Si ce camion venait plus souvent, je parie qu'il y aurait beaucoup plus d'élèves dans le programme d'immersion en français.

Je suis très chanceuse de pouvoir assister à des pièces de théâtre en français à mon école. Nous avons aussi le merveilleux camion de crêpes et beaucoup d'autres activités organisées par le club de leadership en immersion française. J'aimerais qu'il en soit de même dans d'autres écoles, car je suis certaine que bien des élèves aimeraient mieux le programme d'immersion s'ils ne faisaient pas seulement conjuguer des verbes en classe. S'ils pouvaient goûter à ces crêpes, je suis convaincue qu'ils aimeraient le programme autant que moi.

Mme Albert : Il y a certainement une grande différence entre apprendre le français, la grammaire — qui est très importante —, et vivre en français; parler de l'actualité, de sujets dont on parlerait en anglais, mais de le faire en français.

Nos enseignants parlent souvent de mettre sur pied un programme coopératif en français : les élèves auraient un emploi et ils travailleraient en français. Cette expérience aurait certainement une influence.

C'est vraiment dommage que beaucoup de vos amis aient perdu leur français dès la fin de leurs études secondaires. C'est tellement commun.

Tout le monde à qui j'ai parlé veut être bilingue, et moi aussi. C'est le but. C'est tellement génial d'être bon en français et en anglais, de maîtriser les deux langues. Malheureusement, lorsqu'ils finissent l'école secondaire, les élèves ne maîtrisent pas encore parfaitement les deux langues. Ils ont donc tendance à être trop gênés pour parler en français en public parce que leur accent n'est pas parfait ou parce que leur vocabulaire n'est pas aussi riche qu'ils le souhaiteraient.

Mme Peters : À notre école, c'est complètement le contraire de ce que Khaleela a décrit. Nous n'avons absolument rien. Nous vendons des crêpes pour collecter des fonds, nous participons aux échanges d'Expériences Canada et nous allons au Festival du Voyageur à Winnipeg; c'est tout. Les moments où j'ai eu le plus accès à la culture francophone, c'est lorsque je suis allée à Québec ou au festival à Winnipeg. C'est dommage parce que j'apprends la langue, mais je ne connais rien sur les gens. Je ne sais pas ce qu'il y a derrière la langue. Je peux juste la parler un peu.

Comme je l'ai dit au sujet de l'immersion, à la fin du programme, les participants peuvent parler français, mais plus tard, ils perdent la langue. Je ne suis pas dans le programme d'immersion, mais j'ai des amis qui ont suivi des cours de vocabulaire à l'école élémentaire, et aujourd'hui, tout ce qu'ils peuvent dire, c'est « fromage ». La plupart d'entre eux sont déçus, et je me dis : « Pourquoi n'avez-vous pas continué? ». Je pense que c'est parce qu'il n'y avait pas d'activités dans la langue. Nous la parlions, mais nous ne la découvrions pas; nous ne ressentions ni la langue ni la culture. Nous ne voyions pas que ce n'est pas seulement une langue, mais aussi une culture.

La sénatrice Moncion : Une des solutions est de trouver un conjoint francophone. Vous pratiquerez alors la langue. Voici une petite anecdote. Ma belle-fille a suivi un programme d'immersion en français, et après l'école, elle n'a pas parlé la langue pendant longtemps, jusqu'à ce qu'elle rencontre mon fils. Elle est venue chez nous et elle parlait anglais durant le souper, alors je lui ai dit : « Écoute, mademoiselle, si tu veux manger ici, tu vas devoir parler français. » Aujourd'hui, ils sont mariés, elle parle français, ils ont un fils qui parlera français et elle envoie même des messages textes en français, juste pour vous donner une idée.

Vous parliez de l'histoire et du peu que vous avez appris sur l'histoire des Acadiens. C'est une des façons de détruire une culture : en ne parlant pas la langue et en ne racontant pas l'histoire. On le voit encore aujourd'hui : certaines activités organisées dans le cadre du 150e anniversaire ignorent complètement des pans de l'histoire.

[Français]

Cela dit, je vais poser ma question en français. Quelles actions de sensibilisation devrions-nous apporter dans les écoles pour intéresser vos amis à la beauté des deux langues officielles?

[Traduction]

Quelles mesures pouvons-nous prendre dans les écoles pour motiver vos amis à apprendre la langue — pas les verbes, mais bien la langue?

Mme Peters : D'après moi, il faut absolument commencer tôt; il ne faut pas attendre qu'ils aient 17 ou même 15 ans. Ils doivent commencer à l'apprendre à l'école élémentaire, qu'ils suivent le programme d'immersion ou non. Ainsi, ils pourront l'aimer avant qu'elle devienne difficile. Ils pourront aimer l'entendre ou ils pourront l'aimer sans avoir à endurer le supplice de conjuguer des verbes à l'écrit. Parfois, c'est tellement frustrant que je déteste la langue.

La sénatrice Moncion : C'était frustrant pour nous aussi, et je suis francophone.

Mme Peters : Je trouve important de sensibiliser les jeunes durant les premières années, mais il faut continuer à mesure qu'ils grandissent, et non leur dire, une fois qu'ils arrivent en 4e année : « Le français, c'est tellement génial. » Ils devraient continuer à trouver le français génial en grandissant, afin de maintenir cette passion et de ne pas la perdre lorsqu'ils sont pris dans une classe par une belle journée d'été et qu'ils n'ont pas le goût de conjuguer un verbe.

[Français]

Mme Belliveau : Je crois qu'il est important, dans les cours d'histoire, d'apprendre aux jeunes que notre pays est né de l'union des deux langues. Il n'a jamais été question que les anglophones restent entre eux. Non, ils se sont unis avec le Québec, puis avec les Acadiens, et avec le Manitoba et l'Alberta, par exemple, qui étaient des provinces majoritairement francophones à un certain moment donné, et qui, à la suite de certains événements, sont devenues majoritairement anglophones.

C'est quelque chose que j'ai appris très tard dans ma vie. On devrait apprendre aux jeunes que notre pays a été conçu et bâti sur cette question des langues. Peut-être que ce n'est qu'au Nouveau-Brunswick que certains anglophones sont fortement contre le bilinguisme, parce que cela coûte trop cher. Ils se disent que, puisque leur province est très endettée, pourquoi avoir le bilinguisme? C'est probablement parce qu'ils ne comprennent pas, ou ils n'ont peut-être jamais appris qu'à la base, le Canada n'est pas juste anglophone; même si l'anglais est la langue majoritaire, le Canada n'est pas un pays anglophone, c'est un pays bilingue.

Alors, enseigner l'histoire du pays pourrait peut-être aider à faire comprendre aux gens la raison d'être du bilinguisme, la raison pour laquelle on retrouve des francophones minoritaires — ou majoritaires — dans toutes les régions du Canada. Si on peut au moins leur faire prendre connaissance de cela, peut-être seront-ils plus ouverts à la question du bilinguisme et du fait français.

[Traduction]

Mme Albert : Je pense qu'il est très profitable d'inviter des conférenciers dans les écoles élémentaires et secondaires. Par exemple, j'ai participé à Jeun'Info avec Radio-Canada.

[Français]

Lors d'un reportage que je faisais sur la natation de compétition féminine, j'ai pu interviewer la nageuse olympique Hilary Caldwell qui m'a mentionné que le fait de parler français avait facilité sa vie en tant qu'athlète internationale.

[Traduction]

Hier, je travaillais à un projet de sciences humaines et je devais interviewer quelqu'un au sujet d'une partie de l'histoire du Canada. J'ai choisi l'amie de ma grand-mère, qui a survécu à l'Holocauste et qui a été placée dans un orphelinat en Belgique. Elle était plus à l'aise en français, et j'ai pu établir un lien beaucoup plus solide avec elle en lui parlant français. De telles expériences ouvrent les yeux aux élèves et les aident à reconnaître la valeur de l'apprentissage d'une autre langue.

La sénatrice Moncion : Un petit conseil : lorsque vous faites vos journées de crêpes, appelez-les « journées de la cuisine française »; ainsi, vous attirerez encore plus de gens.

La présidente : Nous sommes prêts à faire un deuxième tour de questions, comme certains sénateurs ont exprimé la volonté de poser une deuxième question.

Je souhaite vous demander quelque chose. Quel rôle pensez-vous que le gouvernement fédéral pourrait jouer? Vous êtes toutes très déterminées à devenir bilingues. Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer pour vous aider à le devenir?

Mme Skinner : Au cours de mon exposé, j'ai effleuré ce sujet. Tout se résume à l'argent, en particulier dans ma collectivité de White Rock et dans le reste de la ville de Surrey où nous avons besoin d'enseignants. Il y a une grande demande pour les programmes d'immersion en français, et une loterie est organisée pour y avoir accès. Bon nombre de parents et d'enfants souhaitent y participer, mais, malheureusement, c'est impossible, car nous n'avons ni les ressources nécessaires ni les professeurs requis pour nous aider. Je vous prie donc de financer les programmes d'enseignement.

Mme Belliveau : Je sais que c'est aussi un problème épineux, parce que l'éducation relève des provinces. Par conséquent, le gouvernement fédéral ne peut pas simplement intervenir et faire tout ce qu'il souhaite. C'est dommage, parce que nous pourrions obtenir des fonds et des ressources supplémentaires, ce qui serait merveilleux. Il serait même utile d'avoir accès à des programmes comme ceux que vous avez mentionnés, afin que des artistes francophones visitent différentes régions. Les écoles pourraient bénéficier de ces activités ou d'événements de ce genre.

Il faut simplement donner l'exemple. Je sais que toutes les institutions fédérales sont bilingues, mais il faut vraiment donner l'exemple et montrer qu'il est possible d'être bilingue et d'offrir des services de la même manière dans les deux langues officielles. Je sais que cela aiderait grandement.

Je sais également que le gouvernement fédéral soutient des organisations comme Expériences Canada et Le français pour l'avenir, et cela a aussi une grande incidence parce que, sans les subventions fédérales que nous recevons, nous ne serions pas en mesure d'entreprendre tous les projets que nous mettons en œuvre et qui incitent chaque année les jeunes à apprendre le français.

La présidente : Le comité des langues officielles vient de terminer un excellent rapport, je dirais, portant sur les défis liés à l'accès aux programmes d'immersion française. L'une de nos principales recommandations était l'apport d'un soutien pour le recrutement d'un plus grand nombre d'enseignants, l'accès à une formation accrue pour les enseignants, l'acquisition de compétences linguistiques et la possibilité de participer à des échanges linguistiques et culturels pour les enseignants et les étudiants.

[Français]

Je crois que cela va un peu dans le même sens que ce que vous avez souligné.

[Traduction]

Mme Albert : Puis ils offrent un plus grand nombre de cours en 11e année, car, à ce stade, le seul cours offert en français est notre cours de français. Les activités sociales, les sciences et les mathématiques ne sont plus offertes en français. Il s'ensuit que les élèves perdent leur français. Bon nombre de mes amis ont l'impression qu'ils parlaient français plus aisément et à un niveau plus élevé en 7e année que maintenant, parce qu'ils ne s'expriment plus en français aussi souvent.

En outre, nos enseignants nous répètent constamment que nous serons avantagés et que nous décrocherons des emplois plus facilement. Tout le monde est sur la même longueur d'onde, mais nous ne voyons pas à quels emplois cela nous donnera accès, sinon des postes gouvernementaux ou du travail à Air Canada ou dans des entreprises de ce genre. Je crois qu'une journée des carrières ou une activité de ce genre axée précisément sur les perspectives d'emploi en français pourrait être organisée.

[Français]

La présidente : Envisageriez-vous de continuer vos études postsecondaires en français?

Mme Albert : Oui. J'ai envie de faire cela.

Mme Belliveau : Moi, je l'ai fait.

La sénatrice Gagné : Ma question fait suite à celle posée par la sénatrice Tardif. Vous avez dit que le rôle du gouvernement est de soutenir et de valoriser le français, qu'il faudrait y consacrer plus d'argent. Croyez-vous qu'il y a, au gouvernement du Canada, une volonté de soutenir et d'aller plus loin sur le plan de l'apprentissage du français et de la valorisation des deux langues officielles?

Mme Albert : Au Canada?

La sénatrice Gagné : Au Canada.

Mme Albert : En Colombie-Britannique, je constate vraiment une indifférence envers la langue française, mais au Canada en général, je trouve que tout le monde est reconnaissant d'avoir deux langues officielles. Cependant, ce qui y confère de la valeur, c'est de s'impliquer. On ne voit pas la valeur autant qu'on pourrait.

Mme Belliveau : Pouvez-vous répéter la question?

La sénatrice Gagné : On a dit qu'on aurait besoin davantage de financement pour soutenir plus d'activités, et cetera. Croyez-vous qu'il y ait une volonté de la part du gouvernement de soutenir l'apprentissage du français et la valorisation du français et de l'anglais partout au Canada?

Mme Belliveau : Je pense que oui. De plus en plus, je le vois. Peut-être que par le passé, je ne l'ai pas autant vu ou senti, mais au cours des dernières années, de nouveaux programmes ont été dévoilés ou d'anciens programmes, comme l'aide judiciaire pour les causes en français, ont été rétablis. On commence à sentir que le gouvernement fédéral a la volonté de nous aider dans plusieurs dossiers. Il y a encore du travail à faire, par contre.

Je pense aussi que le citoyen, individuellement, est déconnecté de ce qui se passe au sein du gouvernement fédéral quant aux langues officielles. Moi, je suis au courant, parce que c'est un domaine dans lequel je travaille, mais peut-être que le citoyen ordinaire ne le sait pas. Mes parents ne sauraient pas ce qui se passe, si je ne leur disais pas, si je n'étais pas impliquée dans le domaine. Il y a un manque de connaissance aussi.

[Traduction]

Mme Peters : En ce qui concerne la notion de financement, je préciserais que, venant d'une petite école, le financement est grandement valorisé et souhaité. Nous avons participé à Expériences Canada pendant notre échange au Québec surtout en raison du financement reçu. Nous étions seulement 22, et il est impossible de recueillir autant de fonds dans une petite école parce qu'on s'adresse aux mêmes personnes. Il est impossible d'accroître le financement total uniquement en faisant cela. En octroyant des fonds et en finançant les petites écoles afin que leurs élèves puissent vivre des expériences de ce genre, on accroîtrait assurément le nombre de personnes qui apprennent le français.

La sénatrice Bovey : Je tiens à clarifier quelque chose. Julia, vous ai-je entendue correctement lorsque vous avez déclaré que seulement 30 élèves par trimestre étaient autorisés à passer gratuitement l'examen de 12e année, et que les autres élèves devaient verser des frais pour passer l'examen final?

Mme Albert : Oui. L'examen pour le DALF.

La sénatrice Bovey : C'est le diplôme international, n'est-ce pas?

Mme Albert : Oui.

La sénatrice Bovey : Lorsqu'on parle de compréhension de la culture et de perspectives d'emploi futures, il est plutôt indispensable d'avoir ce titre de compétences, n'est-ce pas?

Mme Albert : Oui.

La sénatrice Bovey : Pensez-vous qu'il serait bénéfique de trouver un moyen de permettre à tous les élèves du Canada de passer cet examen?

Mme Albert : Absolument. Sans cet examen, certains élèves ne terminent pas le programme. En Colombie- Britannique, on reçoit le « double dogwood diploma » après avoir réussi ce programme, mais cela veut dire que, si je déménageais en Ontario, je ne serais pas jugée bilingue parce que chaque province décerne son propre titre de compétences. Pour que vos compétences soient reconnues à l'échelle internationale, vous avez besoin de réussir l'examen du DALF. Nous devrions donc nous concentrer sur cet enjeu.

Mme Morrison : J'irai plus loin en affirmant que, s'il y avait une façon — qui n'aurait même pas besoin de prendre la forme d'une bourse ou d'un financement — de reconnaître le fait que les élèves ont obtenu le DALF en leur décernant un certificat d'un genre ou d'un autre, cela suffirait à inciter un grand nombre de personnes à poursuivre le programme. Ce serait un autre atout pour l'admission dans des universités et pour toutes ces demandes.

La sénatrice Bovey : Je tenais à signaler ce problème parce qu'il est important et qu'à mon avis, il est discriminatoire de ne pas offrir à tous les élèves qui sont prêts à passer cet examen la possibilité de faire.

Mme Morrison : Bon nombre d'écoles n'offrent aucunement cette possibilité parce qu'elles n'ont pas l'argent pour le faire.

Mme Belliveau : Nous ne passons pas cet examen au Nouveau-Brunswick. C'est la première fois que j'en entends parler. J'ai passé l'examen de compétences du Nouveau-Brunswick et, par conséquent, je suis titulaire d'un certificat provincial qui atteste de ma maîtrise de la langue, mais, comme Julia l'a indiqué, si je déménageais en Ontario, au Québec ou en Alberta, je serais forcée de passer un autre examen de compétences parce que le certificat dont je suis titulaire s'applique seulement à ma province.

La sénatrice Bovey : Madame la présidente, je suggérerais que, pendant notre examen de la loi, nous cherchions à déterminer comment nous pourrions égaliser les chances.

La présidente : Absolument. C'est une excellente suggestion, sénatrice Bovey. Dans le passé, un grand nombre de témoins ont fortement recommandé la création d'un cadre de référence commun pour l'apprentissage des langues et l'évaluation des compétences. Il y a donc un cadre européen commun et le désir d'adapter ce modèle en fonction des exigences du Canada. Je pense que le DALF est approprié dans ce contexte.

La sénatrice Gagné : Je crois que cela faisait partie des recommandations que nous avons formulées dans le cadre de notre dernière étude.

La présidente : Oui. La question d'équité d'accès est un enjeu très important non seulement en Colombie-Britannique, mais aussi dans de nombreuses autres provinces. Notre comité a déploré le fait qu'un grand nombre de parents n'ont pas accès à ces programmes. Les élèves sont inscrits sur de très longues listes d'attente, et il y a des systèmes de loterie. Le système scolaire n'offre pas suffisamment de places. Une demande existe, mais elle n'est pas satisfaite.

[Français]

C'est un constat que notre comité a fait lors de son étude.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je n'ai pas une question, mais plutôt une observation à formuler. J'ai été touchée par ce qu'a dit Courtney, je crois, à savoir qu'il est difficile de penser à d'autres emplois que ceux offerts par le gouvernement fédéral.

Il y a de nombreux emplois où il est bon de connaître les deux langues. C'est un incroyable atout. J'ai été journaliste, et les plus grandes chances dont j'ai bénéficié dès le début sont liées au fait que j'étais en mesure de parler les deux langues. Je n'écris pas très bien en français, mais heureusement j'étais en mesure d'écrire en anglais. J'ai participé à la radiodiffusion en français. Un univers s'ouvre à vous quand vous êtes bilingues. Si vous êtes journalistes, vous aspirez habituellement à occuper un poste de correspondant étranger ou de membre de la Tribune de la presse parlementaire. Pour l'un ou l'autre de ces postes, la connaissance des deux langues est un énorme atout.

Si vous faites carrière en droit ou si vous souhaitez devenir juge de la Cour suprême, je vous recommande de maîtriser votre langue seconde. Et cela ne s'applique pas uniquement à la Cour suprême, car la jurisprudence en français peut être formidable non seulement dans le domaine du droit civil, mais aussi dans les domaines du droit pénal et constitutionnel. Vous serez un meilleur avocat si vous êtes en mesure de lire cette jurisprudence.

Il en va de même si vous souhaitez devenir diplomates. Si vous désirez faire carrière en politique, vous devez premièrement prendre conscience du fait que votre avenir à l'échelle fédérale sera nettement limité si vous ne parlez pas les deux langues officielles. Il est beaucoup plus difficile d'apprendre la langue plus tard, lorsque les électeurs de votre circonscription et vos responsabilités vous tiennent en haleine. Faites-le maintenant, et déployez plus d'efforts.

Mme Albert : En ce qui concerne les emplois, il est même bon d'encourager les élèves de l'école primaire à parler français. Si j'avais un enfant, j'engagerais une étudiante qui parle français comme gardienne d'enfants, et je lui dirais : « Parlez à mon enfant en français ». Même les services de ce genre ou les garderies pourraient être offerts en français.

[Français]

La présidente : Notre comité vous remercie très sincèrement. Nous vous remercions d'avoir partagé vos histoires et vos expériences avec nous. Vous êtes déjà de jeunes leaders dans vos écoles et vos communautés. Vous avez raison d'être fières des succès que vous avez atteints jusqu'à présent, et nous sommes très fiers de vous. Continuez votre travail.

J'espère que vous allez continuer d'être des ambassadeurs et ambassadrices pour le bilinguisme au Canada. C'est le reflet de la dualité linguistique de notre pays et du multiculturalisme, tel que tu l'as indiqué, Nicolette, dans ta présentation. Continuez à propager ce message. Nous sommes ravis d'avoir eu la chance de vous entendre ce soir.

Merci mille fois, et merci à des organismes comme Expériences Canada et Le français pour l'avenir qui jouent un rôle primordial pour que les jeunes continuent à être motivés et engagés dans l'apprentissage de la langue et de la culture.

La sénatrice Moncion : Pour ajouter à ce que vous venez de dire, madame la présidente, nous vous invitons à venir prendre notre place un jour.

La présidente : Absolument.

Nous allons maintenant poursuivre brièvement la séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

La présidente : La sénatrice Fraser propose l'adoption du rapport qui vise la tenue d'audiences publiques et d'une mission d'étude à l'Île-du-Prince-Édouard du 22 au 24 septembre 2017.

La sénatrice Gagné : J'imagine que le budget doit être aussi annoncé. Alors, s'agit-il d'un budget de 67 400 $, sénatrice Fraser?

La sénatrice Fraser : Oui.

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté à l'unanimité.

J'aimerais vous demander si vous approuvez la comparution du président du Conseil du Trésor, M. Scott Brison, le 19 juin prochain.

La sénatrice Fraser : Oui, à supposer que le Sénat siège encore, mais s'il y avait un miracle, je ne sais pas si tout le monde voudrait revenir de l'Ouest.

La présidente : Ce sera à revoir à ce moment-là. Vous avez raison, sénatrice, mais je crois que ce serait rêver. Sur ce, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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