Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 17 - Témoignages du 8 novembre 2017
OTTAWA, le mercredi 8 novembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 15 h 32, afin de poursuivre son étude sur l’application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
[Français]
La sénatrice Tardif : Je m’appelle Claudette Tardif, de l’Alberta, et je suis heureuse d’être ici ce soir avec mes collègues du Sénat. Comme le Sénat siège en ce moment, d’autres sénateurs viendront se joindre à nous plus tard. Avant de donner la parole aux témoins, j’invite les membres du comité à se présenter, en commençant à ma droite.
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.
[Français]
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Tardif : Nous recevons aujourd’hui l’honorable Scott Brison, président du Conseil du Trésor, ainsi que Carl Trottier, sous-ministre adjoint, Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. La réunion d’aujourd’hui porte sur l’étude du rapport annuel sur les langues officielles de 2015-2016 du Secrétariat du Conseil du Trésor. Monsieur le ministre, au nom des membres du comité, je vous remercie de votre participation à la réunion de ce soir.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’avoir pris le temps d’être parmi nous ce soir.
[Français]
Afin d’accorder plus de temps aux délibérations, je demande à tous les membres et aux témoins ici ce soir d’être aussi brefs que possible dans leurs questions et leurs réponses. Monsieur le ministre, la parole est à vous.
[Traduction]
L’honorable Scott Brison, C.P., député, président du Conseil du Trésor : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis heureux de témoigner devant le comité pour faire le point sur la situation des langues officielles au sein du gouvernement du Canada dans le contexte du Rapport annuel sur les langues officielles de 2015-2016.
[Français]
Je suis accompagné de Carl Trottier, sous-ministre adjoint, Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques au sein du Bureau du dirigeant principal des ressources humaines. Je ferai un bref discours d’ouverture, et ensuite nous serons heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci de m’avoir invité de nouveau à comparaître devant le comité. Comme je l’ai dit auparavant devant votre comité, j’ai un lien très personnel avec ce dossier : je suis un anglophone marié à un francophone et père de deux filles, Claire et Rose, qui grandissent bien trop vite et avec qui nous parlons en français et en anglais.
[Français]
On parle avec elles en français et en anglais. L’une de mes filles me dit de temps en temps...
[Traduction]
Papa, ne parle pas français. Papa parle français; toi, parle anglais.
[Français]
Je lui ai répondu : « Non, non, Rose. Je vais continuer de parler en français et, à partir de maintenant, je parlerai exclusivement en français avec toi. »
[Traduction]
Après quoi, Rose me dira :« Scott, écoute-moi. Toi, parle anglais. Papa parle français. » Il s’agit d’un combat perpétuel, mais en même temps, c’est un cadeau magnifique à donner à vos enfants.
Je crois que, en tant que parlementaires, nous devons travailler fort pour offrir ce cadeau — c’est-à-dire l’occasion de devenir bilingues — à tous les Canadiens, partout au pays, chaque fois que nous le pouvons. Et l’importance des politiques sur l’usage des langues officielles au Parlement et au sein de la fonction publique, où le Conseil du Trésor assume une grande responsabilité, est une question que je prends très au sérieux, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan personnel.
Valoriser et protéger les langues officielles du Canada au sein de la fonction publique grâce aux services que nous offrons aux Canadiens... Voilà un aspect important du travail que nous accomplissons au Conseil du Trésor. Bien entendu, il incombe au gouvernement de fournir des conseils et des directives sur des politiques qui aident les institutions fédérales à remplir leurs obligations en matière de langues officielles. Plus précisément, cela concerne la communication avec le public et la prestation des services, la langue de travail et la participation des Canadiens d’expression française et d’expression anglaise dans les institutions fédérales, comme vous le savez — les parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles.
Les langues officielles sont l’une des principales priorités énoncées dans ma lettre de mandat. J’ai reçu le mandat de veiller à ce que tous les services fédéraux soient offerts en parfaite conformité avec la Loi sur les langues officielles, en collaboration avec la ministre du Patrimoine canadien.
Le 12 avril, j’ai déposé le rapport annuel de 2015-2016.
[Français]
Le rapport décrit les efforts déployés par le gouvernement pour s’assurer que le français et l’anglais continuent de faire partie intégrante de nos activités quotidiennes. Voici quelques éléments principaux du rapport. Au 31 mars 2016, les institutions fédérales avaient plus de 11 000 bureaux, dont 35 p. 100 étaient obligés d’offrir des services au public dans les deux langues officielles. Cette tendance est restée stable. Par ailleurs, parmi ces institutions fédérales obligées de communiquer avec le public et d’assurer la prestation des services dans les deux langues officielles, la grande majorité a réussi à le faire.
[Traduction]
Par ailleurs, le rapport fait état des taux de participation des francophones et anglophones dans les institutions fédérales. Le taux de participation des anglophones se situait à 73,5 p. 100 et celui des francophones, à 26,5 p. 100. Ces chiffres sont demeurés relativement stables au cours des dernières années et ils sont représentatifs de la population canadienne.
Permettez-moi d’ajouter que, au sein de l’administration publique centrale, nos employés ont appris à maîtriser les deux langues officielles, à tel point qu’il y a maintenant plus d’employés bilingues que de postes bilingues, même si le nombre de postes bilingues n’a jamais été aussi élevé.
[Français]
Cela dit, on sait qu’il y a plus de travail à faire pour promouvoir l’utilisation des deux langues dans la fonction publique pour que francophones et anglophones se sentent à l’aise de s’exprimer dans la langue officielle de leur choix.
[Traduction]
À cet égard, j’accueille favorablement le récent rapport sur la langue de travail au sein du gouvernement fédéral, soit le rapport Borbey-Mendelsohn. Nous sommes en train d’en étudier les recommandations et nous comptons mener de vastes consultations sur toute modification proposée. Nous collaborerons avec les ministères pour veiller à ce que la vision de la Loi sur les langues officielles soit mise en œuvre dans les milieux de travail fédéraux.
Le rapport présente également les résultats de l’examen, entrepris en 2012, des obligations fédérales en matière de langues officielles. Bien que cet examen tire à sa fin, le règlement proprement dit n’a pas été revu en profondeur depuis son adoption en 1991. Les minorités francophones et anglophones de partout au pays ont demandé que le règlement soit modernisé afin de mieux témoigner de la réalité et des attentes d’aujourd’hui. À vrai dire, nous devons tenir compte des changements démographiques et des nouvelles technologies. Ce que nous avons appris au cours des 25 dernières années, c’est que la modernisation de ces règles s’impose si nous voulons mieux servir les Canadiens francophones et anglophones dans la langue de leur choix dans les années à venir. Voilà pourquoi nous avons annoncé, le 17 novembre 2016, notre intention de procéder à la révision du règlement.
[Français]
Il y a maintenant plus de 25 ans que ces règles ont été examinées à fond. Beaucoup de choses ont changé au fil du temps, y compris notre population, la technologie et les modèles de prestation de services. Il est temps de trouver de meilleurs moyens de déterminer ou d’offrir des services bilingues à l’échelle du pays. Nous aurons un règlement plus robuste et plus sensible aux réalités des communautés, qui tient compte par exemple du fait de l’immigration et qui reconnaît les différentes façons dont les Canadiennes et les Canadiens peuvent vivre en anglais ou en français. Nous voulons aussi savoir comment nous pouvons nous appuyer sur les nouvelles technologies pour dépasser nos obligations en vertu de la loi.
[Traduction]
Nous savons que les communautés de langue officielle du Canada font face à des défis. Les Canadiens d’expression française qui vivent à l’extérieur du Québec essaient de conserver leur langue et leur culture dans un monde où l’anglais est souvent la langue de travail et d’enseignement. Les Canadiens d’expression anglophone au Québec doivent, quant à eux, relever des défis différents, mais non moins réels, pour assurer la survie de leurs communautés et en favoriser la vitalité partout au Québec. Ils nous ont fait connaître leur point de vue. Nous sommes à l’écoute. Nous avons entendu beaucoup de personnes d’un bout à l’autre du pays. Leurs efforts font partie de la révision.
Cet exercice a lieu en trois temps d’abord, la tenue de discussions avec les intervenants et le processus d’élaboration des politiques, ce qui a débuté l’hiver dernier; ensuite, le processus parlementaire et les consultations publiques à compter de l’automne 2018; enfin, l’adoption du nouveau règlement au printemps 2019.
Comme je l’ai mentionné, certains bureaux gouvernementaux offrant des services bilingues étaient censés devenir unilingues en vertu du règlement actuel. Des préoccupations légitimes ont été exprimées au sujet de la perte de services bilingues.
[Français]
Nous avons donc pris des mesures pour veiller à ce que ces bureaux soient sujets à un moratoire et qu’ils continuent d’offrir des services en français et en anglais, au moins jusqu’à ce qu’il y ait un règlement plus robuste. Cela touche environ 250 bureaux fédéraux.
[Traduction]
Il s’agit d’un examen ouvert et complexe, qui s’applique à des communautés distinctes ayant une composition différente à l’échelle du pays. Cela prendra un certain temps, mais nous serons en mesure d’instaurer un nouveau règlement au cours du mandat actuel.
Madame la présidente, le bilinguisme officiel est au cœur des priorités du gouvernement, sachant que nous sommes élus pour défendre la richesse historique et culturelle au nom des Canadiens. Le bilinguisme renforce la résilience de notre fédération grâce à la prestation de services dans les deux langues officielles. Le gouvernement prend des mesures afin que le Canada continue de profiter de cet élément important de son tissu national. Votre comité, à l’instar de bien d’autres comités sénatoriaux, tient toujours de très bonnes discussions et met de l’avant des idées fort intéressantes. Je suis prêt à répondre à vos questions et je me réjouis à la perspective d’entamer nos discussions d’aujourd’hui.
La sénatrice Tardif : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
[Français]
Avant de passer à la période des questions, j’aimerais inviter les sénateurs qui se sont joints à nous à se présenter.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre, de votre présentation. M. Matthew Mendelsohn, du Bureau du Conseil privé, a recommandé dans son rapport intitulé Le prochain niveau que le Secrétariat du Conseil du Trésor entame des discussions avec le Conseil national mixte pour réexaminer la prime au bilinguisme. On peut lire entre les lignes que cela signifiera l’abolition pure et simple de la prime au bilinguisme pour les employés fédéraux. Pensez-vous que c’est le bon moment d’enlever la prime au bilinguisme de 800 $ aux employés fédéraux, alors que plusieurs d’entre eux éprouvent d’énormes problèmes de paie avec le système Phénix? Ne devons-nous pas résoudre ce problème avant de risquer d’en créer un autre?
M. Brison : Tout d’abord, nous appuyons le rapport Borbey-Mendelsohn. Nous sommes en train d’examiner les recommandations présentées dans le rapport, mais nous n’avons pas pris de décision jusqu’à présent. Auparavant, nous devons discuter des changements potentiels avec le Parlement et avec les experts. Cependant, c’est clair, nous devons en faire davantage au chapitre de la formation dans la fonction publique afin d’appuyer les fonctionnaires qui travaillent pour améliorer leurs connaissances de la langue française ou anglaise de sorte qu’ils soient capables de progresser dans leur carrière. Nous devons aussi investir dans la technologie pour améliorer leurs capacités à travailler dans la langue de leur choix. Nous n’avons pas encore pris de décision, mais nous appuyons les recommandations.
En ce qui a trait au système de paie Phénix, c’est une question très sérieuse. La situation est complètement inacceptable, et nous travaillons très fort comme gouvernement pour régler ce problème. Ma collègue, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, travaille très fort dans ce dossier. C’est une priorité pour nous et, encore une fois, la situation actuelle est complètement inacceptable.
La sénatrice Poirier : Je vais vous poser ma deuxième question en anglais.
[Traduction]
Le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a publié son rapport sur Air Canada, qui continue d’éprouver des difficultés à remplir ses exigences linguistiques. Tout le monde est au courant du problème, et nous savons tous combien Air Canada a du mal à respecter les exigences linguistiques.
La deuxième recommandation du rapport veut que tous les ministères concernés, y compris le Conseil du Trésor, examinent les bilans annuels sur les langues officielles transmis par Air Canada pour s’assurer que cette dernière respecte ses engagements en matière de langues officielles.
Votre ministère serait-il disposé à faire cela pour aider Air Canada à s’acquitter de ses obligations linguistiques?
M. Brison : Nous avons travaillé avec Transports Canada à ce dossier. Vous avez bien raison de dire que le Conseil du Trésor, Transports Canada et Patrimoine Canada sont tous concernés. Nous voulons encourager et aider Air Canada à offrir les meilleurs services possible dans les deux langues officielles. Le gouvernement tient déjà de telles discussions. Les trois ministres concernés dans ce dossier sont ceux chargés des Transports, du Patrimoine et du Conseil du Trésor.
C’est un problème qui persiste depuis longtemps. Nous avons certainement hâte de travailler avec Air Canada pour lui permettre de continuer à offrir des services de haute qualité dans les deux langues officielles.
[Français]
La sénatrice Gagné : Bienvenue, monsieur le ministre. Votre présence parmi nous est très appréciée. Comme vous le savez, je m’intéresse particulièrement aux règles de mise en œuvre de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, qui détermine les communications avec le public et la prestation des services dans les deux langues officielles. Comme une révision de ce règlement a été annoncée, et puisque vous m’avez nommée depuis comme membre d’un groupe consultatif d’experts chargés de vous conseiller dans cet exercice de révision, je ne vais pas vous poser de questions à ce sujet aujourd’hui.
J’aimerais plutôt attirer votre attention sur la partie V de la loi, qui vise la langue de travail. J’ai lu la recommandation de M. Borbey de remplacer la prime au bilinguisme par de la formation linguistique. J’essaie de comprendre comment la formation linguistique pourrait renforcer le droit des fonctionnaires de travailler dans leur langue officielle.
Selon votre rapport, la plupart des postes désignés bilingues sont occupés par des personnes qui ont de bonnes compétences linguistiques. Le problème actuel, c’est qu’on ne se sert pas de la deuxième langue officielle — et je vais me faire corriger par mon collègue, le sénateur Maltais —, soit l’autre langue officielle, habituellement le français. Nous avons tous pu constater qu’à partir du moment où il n’y a qu’un seul anglophone dans la salle, la langue utilisée est l’anglais, même si toutes les autres personnes sont francophones. À mon avis, la formation linguistique pourrait répondre à cette problématique seulement si tous les fonctionnaires sont bilingues. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un objectif réaliste. Cette proposition n’apporte pas nécessairement de solution à ce problème.
J’aimerais vous entendre sur les solutions réalistes que vous envisagez à court terme. Ne pourrions-nous pas envisager des incitatifs ou des sanctions pour les cadres supérieurs? Il est reconnu que le droit d’un fonctionnaire de travailler dans sa langue est souvent tributaire de l’environnement et des occasions que lui fournit son superviseur. Nous pourrions peut-être envisager un règlement de mise en œuvre de la partie V ou une charte des droits linguistiques des employés fédéraux qui serait adoptée en vertu de la partie V? Encore là, la procédure de grief suffirait-elle dans les cas où la loi ne serait pas respectée?
M. Brison : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Nous avons effectivement reçu le rapport et nous avons pris note des recommandations au sujet de la prime. Nous n’en sommes pas encore là. Il est très important de reconnaître que la prime est le résultat de négociations avec les syndicats. Ce n’est pas le rôle du gouvernement de faire des changements de manière unilatérale lorsque des ententes sont négociées avec les syndicats. Cependant, nous examinons toujours les approches pour renforcer la capacité des fonctionnaires de parler dans les deux langues officielles.
Nous faisons des investissements dans la formation, mais également dans les technologies afin de pallier certains problèmes. Je vous donne l’exemple de la traduction numérique, qui donne la possibilité à un fonctionnaire d’écrire dans sa langue et d’obtenir une traduction dans l’autre langue.
[Traduction]
Je voulais dire que c’est une possibilité pour le destinataire du message.
[Français]
Il est très important pour nos gestionnaires de pouvoir parler et comprendre les deux langues officielles, et le rapport Borbey-Mendelsohn nous indique qu’il faut améliorer ce cadre.
Nous n’avons pas pris de décision jusqu’à maintenant, mais nous considérons sérieusement ces changements. Nous attendons les conclusions de la révision du règlement. Je préfère éviter de préjuger de la révision ou du rapport, compte tenu du fait que nous devons discuter avec les autres ministres avec qui nous partageons cette responsabilité.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Bienvenue. Il est toujours agréable d’entendre un Néo-Écossais parler en français.
M. Brison : Je me fais parfois critiquer. Une fois, un journaliste avait écrit que je parle français avec un accent de la vallée de l'Annapolis. J’ai répondu : « Eh bien, figurez-vous que j’ai le même accent quand je parle anglais. »
La sénatrice Fraser : Vous avez dit que, dans le cadre de vos consultations, vous avez pris connaissance, une fois de plus, des différences entre les problèmes auxquels font face les communautés anglophones au Québec, ou certains groupes au Québec, et les francophones dans le reste du pays. Je me demande si vous pouviez nous en dire un peu plus à ce sujet. Dites-nous ce que vous avez relevé — du moins, jusqu’ici — comme problèmes propres au Québec, par rapport aux difficultés qui se présentent ailleurs.
M. Brison : Quand je pense à la pression exercée sur les communautés francophones dans ma province, c’est-à-dire les communautés acadiennes, qui représentent de très fortes communautés, il y a des similitudes, mais l’omniprésence de l’anglais demeure une grande menace pour les communautés francophones à l’extérieur du Québec. Au Québec, ce sont les communautés linguistiques minoritaires qui courent un risque, par rapport aux communautés francophones. Je crois qu’il y a, là aussi, des risques importants, mais les pressions sont différentes.
Ce qui me frappe, c’est que le gouvernement reconnaît l’importance de l’immigration pour le Canada. Je vis dans une région du pays qui a besoin de plus d’immigrants. Or, la vieille règle des 5 p. 100 pose problème, car elle a pour effet pervers de dissuader, en quelque sorte, les collectivités d’accueillir de nouveaux Canadiens. Ce serait une situation fort déplorable, parce que nous voulons faire en sorte que toutes les collectivités canadiennes soient accueillantes envers les néo-Canadiens, mais l’effet pervers serait que, du jour au lendemain, une communauté francophone dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse ou dans une ville de la Nouvelle-Écosse affiche des résultats inférieurs au seuil de 5 p. 100.
Le fait est que l’utilisation de chiffres ou de pourcentages arbitraires pourrait créer un problème qui dissuade les collectivités d’accueillir de nouveaux Canadiens. Ce serait là une terrible conséquence imprévue et perverse.
Je suis donc ouvert à l’idée, par exemple, d’examiner des chiffres plutôt que simplement des pourcentages, tout en tenant compte d’autres facteurs qualificatifs comme la vitalité et la façon dont on peut mesurer cet aspect parmi tant d’autres. Il y a beaucoup de facteurs qualitatifs qui sont vraiment importants, notamment la vitalité et la façon dont on la définit.
Toutefois, nous devons nous rappeler qu’à mesure que notre pays prend de l’expansion, le bilinguisme et le biculturalisme représentent des cadeaux formidables qui nous démarquent nettement en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde.
Une des leçons que nous avons tirées dans le cadre de ce processus — et d’après ce que les gens me disent —, c’est que la souplesse est vraiment importante. Je le répète, un des exemples les plus frappants d’un effet pervers ou d’une conséquence imprévue serait la perte éventuelle de services bilingues dans une ville qui accueille de nouveaux Canadiens. Voilà qui serait néfaste pour la ville et les nouveaux Canadiens, pour qui l’apprentissage des deux langues peut être un véritable atout.
La sénatrice Fraser : Je passe à un autre sujet. Le commissaire aux langues officielles et, je crois, Borbey et Mendelsohn ont dit que, dans les districts bilingues, les postes de supervision devraient non seulement être désignés bilingues, mais aussi exiger un degré de compétence supérieur dans l’autre langue par rapport aux postes de niveau inférieur. C’est logique. On ne parle pas à son patron dans une langue dans laquelle il ne semble pas se sentir à l’aise.
Avez-vous eu l’occasion d’examiner cette recommandation, et êtes-vous en faveur de celle-ci?
M. Brison : Comme je l’ai dit à la sénatrice Gagné, nous avons reçu les recommandations. Elles font actuellement l’objet de discussions au sein du gouvernement. Nous n’avons pas encore pris de décisions. Nous examinons la meilleure façon d’aller de l’avant. Au niveau de la supervision et à tous les échelons de la fonction publique, nous voulons nous assurer de donner à nos employés toutes les occasions de renforcer leurs capacités linguistiques dans les deux langues.
Nous devons accroître les investissements. Il y a eu des compressions à plusieurs reprises, ce qui n’a pas facilité la situation.
Nous devons également recourir à la technologie. En matière d’apprentissage, nous pouvons en faire plus aujourd’hui qu’il y a 10 ans pour aider les gens à améliorer leurs capacités linguistiques. Il faut investir dans la formation et l’éducation. En tout cas, c’est le nœud du problème.
Je suis d’accord. Quand j’essaie de parler français avec les gens, y compris les employés, ils me répondent toujours en anglais. Ils agissent un peu comme mes filles à cet égard. Je comprends cela totalement.
[Français]
Il est très important de s’assurer que les fonctionnaires soient à l’aise de parler dans leur langue maternelle au travail. C’est important, nous allons y arriver, mais nous avons beaucoup de travail à faire.
Le sénateur Maltais : Bonjour, monsieur le ministre. Je sais que vous travaillez beaucoup, en ce moment, sur le dossier de l’accès à l’information, qui est l’une des priorités de votre ministère. D’ailleurs, lors de votre dernière comparution ici, nous avions beaucoup discuté de la reddition de comptes dans le cadre des sommes versées aux provinces pour l’éducation et l’enseignement de la langue française — et de la langue anglaise, dans certains cas —, et du fait que les organismes et les conseils scolaires ne pouvaient pas savoir quels montants avaient été versés, parce qu’ils proviennent d’une enveloppe globale destinée à la péréquation qui est versée aux provinces. La ministre du Patrimoine canadien ne sait pas non plus exactement si les provinces font bon usage des sommes accordées pour l’éducation ou les soins de santé en langue française. Où en êtes-vous avec ce dossier?
M. Brison : Merci de votre question. C’est une priorité, pour moi, tant comme politicien que comme parent, d’offrir aux étudiants du Canada la chance de devenir bilingues. Cependant, nous devons aussi respecter les compétences provinciales. Les provinces sont responsables de l’éducation et de la formation. En même temps, je crois que le gouvernement fédéral et le ministère du Patrimoine canadien ont l’occasion, aujourd’hui, de produire plus d’émissions bilingues pour les enfants. CBC/Radio-Canada a maintenant la possibilité d’en produire davantage. Nous pouvons produire du matériel éducatif pour les enfants.
[Traduction]
Aujourd’hui, je vois mes enfants utiliser des iPad. On peut télécharger une application. Bien des fois, le contenu français que nous leur donnons est accessible sur leur iPad grâce à des applications d’apprentissage pour enfants.
[Français]
Je vais éviter les discussions sur l’éducation, qui relève de compétence provinciale. Je crois que le gouvernement fédéral a beaucoup d’occasions de produire du matériel pour les enfants, pour tous les Canadiens, pour les aider à améliorer leur français.
Le sénateur Maltais : Je sais tout cela, monsieur le ministre. Pour avoir voyagé au Canada, nous savons tous ce que les gouvernements font. La seule chose qu’ils ne font pas, c’est de dire aux communautés de langue officielle, particulièrement celles qui sont en situation minoritaire, le montant que le gouvernement fédéral accorde aux provinces pour leurs écoles, leurs enseignants, et c’est ce qui nous pose problème tous les jours depuis trois ans.
Ce n’est pas une critique que je vous adresse, loin de là, mais y a-t-il une façon, dans l’appareil gouvernemental, de savoir combien d’argent le gouvernement fédéral a octroyé à l’école Évangéline, à l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple? Pouvons-nous trouver ce renseignement quelque part? Parce que ce sont les parents et les enseignants, qu’ils soient au niveau primaire, secondaire ou collégial, qui nous demandent toujours ce que fait le gouvernement fédéral. De la même façon que vous nous avez répondu, nous leur disons qu’il fait beaucoup de belles choses, mais que nous ne pouvons pas leur dire lesquelles, puisque nous ne le savons pas. Y aurait-il une façon pour le gouvernement de nous dire, par exemple, qu’il a versé 33 millions de dollars à Terre-Neuve-et-Labrador ou à Vancouver? Nous serions alors mieux en mesure de répondre aux gens.
Maintenant, si les sommes que vous avez transférées à la province n’ont pas été versées à l’éducation, nous dirons aux parents d’aller voir le gouvernement, puisque c’est lui, le responsable. Si la somme a été versée plutôt à la construction d’une route, c’est lui qui en portera l’odieux.
M. Brison : Nous sommes encore en négociation avec les provinces au sujet des transferts en matière de santé.
Les gouvernements provinciaux font leurs choix. Ils sont aussi responsables face aux électeurs, et nous partageons les priorités pour offrir aux enfants de meilleures possibilités d’obtenir une éducation dans les deux langues officielles. Toutefois, je n’ai pas de réponse spécifique pour cette école.
Le sénateur Maltais : Non, mais c’était un exemple.
M. Brison : Toutefois, je suis ouvert à poursuivre notre discussion. Mon instinct me dit qu’il s’agit là d’une question juridique, d’une certaine façon. Nous avons une Constitution et des compétences provinciales qui donnent aux gouvernements provinciaux le pouvoir de déterminer leurs priorités. Encore une fois, c’est une priorité pour nous, comme gouvernement, de nous assurer d’en faire davantage pour promouvoir les deux langues officielles et de les protéger partout au Canada et, là où c’est possible, de donner aux enfants la possibilité d’obtenir une éducation dans les deux langues officielles. Toutefois, en même temps, nous respectons les compétences provinciales. Néanmoins, je suis ouvert à d’autres approches plus novatrices.
[Traduction]
Nous avons aujourd’hui une occasion à saisir. Je vois comment mes enfants apprennent au moyen de leur iPad. Il n’y a aucun problème sur le plan du partage des compétences lorsque le gouvernement fédéral et Patrimoine Canada produisent des documents formidables dans les deux langues pour aider les enfants à apprendre le français et l’anglais n’importe où au pays. À mon avis, il n’y a aucune question de compétence qui empêche Patrimoine Canada de faire cela. Mais, là encore, nous respectons les compétences des provinces en ce qui concerne le fonctionnement de leur système d’éducation, mais cela n’empêche pas l’intervention du gouvernement fédéral dans le domaine culturel afin de produire plus de documents qui pourraient aider les gens à apprendre non seulement deux langues, mais aussi deux cultures.
[Français]
La sénatrice Tardif : Nous avons fait des recommandations dans plusieurs de nos rapports qui demandent au gouvernement de suivre de plus près les sommes octroyées aux provinces, parce qu’une fois que le transfert est fait, on perd la transparence, ce qui a pour résultat qu’on ne sait pas exactement si les sommes octroyées sont utilisées pour créer de nouveaux programmes, dans des programmes d’immersion française par exemple, et non pas pour rénover des bibliothèques. C’est en ce sens que les témoins qui ont comparu devant notre comité exigent une meilleure reddition de comptes, une meilleure transparence permettant de suivre la trace des sommes octroyées. Je crois que l’intervention du sénateur Maltais s’inscrivait dans cet ordre d’idées.
M. Brison : C’est la première fois que j’entends parler de ce problème spécifiquement. J’aimerais en apprendre davantage.
La sénatrice Tardif : Nous vous enverrons nos rapports, encore une fois, monsieur le ministre.
La sénatrice Moncion : Ma question est liée à la diminution des postes désignés bilingues au cours des dernières années. On parle d’une diminution de 15 000 postes au sein du gouvernement fédéral et on dit que, de ces postes, 5 000 étaient désignés bilingues. Il s’agit d’une diminution de 33 p. 100, ce qui est tout de même beaucoup. Sur l’ensemble des 198 000 postes, on en est maintenant à 183 000, mais des 15 000 postes disparus, un tiers ou 33 p. 100 des postes étaient désignés bilingues. De plus, le nombre d’employés qui offrent des services au public dans les deux langues officielles a diminué au cours des cinq dernières années, mais le pourcentage de titulaires qui satisfont aux exigences linguistiques de leur poste est demeuré à peu près stable. Il y a tout de même eu une diminution des services au public.
Tous les services offerts au public devraient être bilingues. Quand il y a des diminutions de postes bilingues et qu’on doit répondre aux demandes de services publics, il y a un problème. Ainsi, le nombre de plaintes liées aux services offerts au public a augmenté à 565. J’aimerais connaître votre opinion sur cette situation.
M. Brison : C’est la première fois que j’entends dire qu’il y a moins d’emplois bilingues dans la fonction publique.
[Traduction]
On m’a informé que le nombre de postes bilingues dans la fonction publique fédérale est plus élevé que jamais. Je vais mettre Carl sur la sellette, parce que c’est tout ce que j’ai comme information.
Carl Trottier, sous-ministre adjoint, Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : C’est exact. Les postes bilingues sont à la hausse.
M. Brison : Cela m’intéresse, car il se peut qu’il y ait des disparités dans nos façons d’interpréter cette information. Du reste, j’aimerais bien comprendre de quoi il retourne strictement sur le plan des chiffres.
[Français]
M. Trottier : Si je comprends bien, c’est le pourcentage des postes qui sont désignés. Donc, le nombre absolu augmente en termes de postes, mais, en réalité, c’est le pourcentage. Votre question est la suivante : pourquoi est-ce que le pourcentage ne suit pas?
La sénatrice Moncion : Il semble y avoir une grande diminution de postes. On dit qu’il y a eu une diminution de 15 000 postes au cours des cinq dernières années, dont 5 000 seulement étaient désignés bilingues. Je vais vous lire la phrase :
Alors que le nombre total de postes au sein de l’administration publique centrale a fléchi d’environ 15 000 postes au cours des cinq dernières années, le nombre de postes désignés bilingues n’a été réduit que de 5 000 [...]
On parle donc du tiers des 15 000 postes.
M. Trottier : Si c’est bien cela, on parle d’un tiers. On aime souvent faire référence aux données des augmentations qui ont eu lieu depuis le début, depuis le premier rapport qui date déjà de 1978, où 24 p. 100 des postes étaient désignés bilingues. On en est maintenant à 43,2 p. 100. Vous faites référence à la baisse qui s’est produite de 2011-2012 à aujourd’hui.
M. Brison : Nous allons vous transmettre plus de renseignements.
La sénatrice Moncion : Le point que je veux soulever, c’est qu’à un autre endroit, on dit que le nombre d’employés qui offrent des services au public a diminué au cours des cinq dernières années. C’est le lien à faire avec la diminution du nombre de postes. Ensuite, on dit qu’il y a moins de personnes bilingues qui répondent au public, et qu’il y a une croissance des plaintes à 565.
M. Brison : Tout d’abord, on a mis en place un moratoire pour protéger 250 bureaux à travers le Canada pour continuer d’offrir des services pendant la révision. Nous cherchons les occasions d’augmenter nos services dans les deux langues officielles. Il est clair que, sans le moratoire, il y avait un risque de perdre 250 bureaux. Donc, nous avons mis en place le moratoire. C’est le signe de notre ouverture à protéger les services dans les deux langues officielles pendant la révision et à chercher d’autres approches pour augmenter notre capacité à servir le public dans les deux langues officielles.
Le sénateur McIntyre : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles, monsieur le ministre.
J’ai deux questions à vous poser. Ma première question sera en français, et la deuxième, en anglais.
Il semble y avoir un écart entre les résultats présentés dans votre rapport annuel et le contenu du rapport annuel du Commissariat aux langues officielles. Cela dit, je comprends que les plaintes que reçoit le Commissariat aux langues officielles au sujet de la langue des services, de la langue de travail et des exigences linguistiques, comme le mentionnait la sénatrice Moncion, sont en hausse. Pourtant, le rapport annuel du Secrétariat du Conseil du Trésor n’énonce pas de défis majeurs à relever. Quelle relation entretenez-vous avec le Commissariat aux langues officielles?
M. Brison : Nous appuyons le rapport du commissariat et nous prenons ses recommandations très au sérieux. En tant que gouvernement, nous prenons nos responsabilités très au sérieux. Nous avons mis en place un moratoire pour protéger 250 bureaux partout au Canada, et nous avons renforcé leur capacité d’offrir des services dans les deux langues officielles. Pour la première fois depuis 25 ans, le gouvernement examine les règles afin de renforcer l’offre de services dans les deux langues officielles, de protéger et d’appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada. Donc, nous prenons très au sérieux les recommandations du commissaire et de son personnel. Nous menons également des actions afin de monter la barre. Dans le cadre de cet examen, nous adopterons de nouvelles approches pour améliorer les services.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Ma question concerne les services entourant la production de rapports. Monsieur le ministre, comme vous le savez, les institutions fédérales sont tenues de soumettre tous les trois ans un examen des éléments associés à la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles.
Ces examens sont importants, car votre ministère en a besoin pour préparer un rapport annuel. Des copies de ces examens doivent d’ailleurs être envoyées au commissaire aux langues officielles ainsi qu’aux greffiers des deux comités parlementaires — celui du Sénat et celui de la Chambre des communes — qui s’intéressent aux langues officielles.
Cela dit, il semble que les greffiers de ces deux comités ne reçoivent pas toujours les copies de ces examens. Certaines institutions fédérales manquent de constance en matière de transparence. Autrement dit, certaines d’entre elles font parvenir des copies de leurs examens aux personnes concernées, mais d’autres ne l’ont jamais fait.
Je vais vous donner un exemple. La plupart des administrations aéroportuaires qui auraient dû produire un examen en 2015 et en 2016 n’en ont pas fait parvenir de copies au greffier du comité du Sénat ou au greffier du comité de la Chambre des communes, et je trouve cela très inquiétant. Qu’en pensez-vous?
M. Brison : J’ai un grand respect pour les institutions du Parlement. J’ai été parlementaire plus longtemps que je n’ai été ministre. Je vais essayer de voir ce qui se passe à cet égard.
Pour ma part, je peux vous assurer que nos rapports sont dûment acheminés aux personnes concernées, tant au Sénat qu’à la Chambre des communes. Je ne savais pas que ce n’est pas toujours le cas. Je vous remercie de me l’avoir signalé.
Au sujet des postes bilingues dont nous discutions plus tôt, j’apprends qu’en 2000, il y avait 50 000 postes, et qu’en 2016, il y en avait 78 000. Il y a aussi la recherche de la Bibliothèque du Parlement. Je vais examiner cela et vous revenir là-dessus.
Nous formons le gouvernement depuis deux ans et nous faisons beaucoup pour mettre notre fonction publique en valeur. Je vais vous revenir sur les détails de la question des postes bilingues dans la fonction publique.
Le sénateur McIntyre : Je suis content de votre réponse. Merci beaucoup.
M. Brison : Merci.
[Français]
La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre, si vous pouviez envoyer les réponses à notre greffier, nous vous en serions reconnaissants.
Avant de passer à la deuxième ronde de questions, j’aimerais vous poser une question, monsieur le ministre. L’an dernier, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a entendu plusieurs témoins qui ont exprimé leurs préoccupations en ce qui concerne le processus d’approvisionnement des services d’interprétation parlementaire et des services de conférence que Services publics et Approvisionnement Canada comptait établir. Notre comité a écrit à l’honorable Judy Foote, qui était alors ministre, afin de lui exprimer ses inquiétudes. Par la suite, elle s’est engagée à ce que le Bureau de la traduction puisse compter sur des services de grande qualité qui répondent à ses normes de qualité. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que Mme Foote vous avait demandé d’appuyer l’examen de l’adoption d’un modèle de prestation de services obligatoire pour le Bureau de la traduction. Monsieur le ministre, où en êtes-vous dans l’examen de cette question?
M. Brison : Merci pour la question. Le Bureau de la traduction est très important pour notre gouvernement. Nous avons embauché un nouveau président-directeur général en mai 2017. Nous avons lancé un processus d’embauche pour le poste de dirigeant principal de la qualité. Nous avons embauché des étudiants et nous avons maintenu la présence du Bureau de la traduction dans les régions. Il est clair qu’il fallait augmenter les ressources du bureau. Le rôle du Bureau de la traduction est très important pour notre gouvernement et nous encourageons tous les ministères et les agences de notre gouvernement à utiliser ses services. Nous savons que d’autres services de traduction sont utilisés à l’occasion, mais nous encourageons les ministères et les agences du gouvernement du Canada à utiliser les services du Bureau de la traduction. Les ministères et les agences ont la souplesse voulue pour utiliser les autres services de temps en temps. En augmentant les ressources du Bureau de la traduction et en embauchant plus de professionnels, cela permettra de réduire la pression sur les autres ministères qui doivent faire appel à d’autres services. Nous projetons de faire les investissements nécessaires et d’augmenter les ressources attribuées au Bureau de la traduction.
La sénatrice Tardif : Nous ne voulons pas réduire les services de traduction dans le but de réduire les coûts, car il est important d’assurer un niveau élevé de qualité, et c’est ce que peut offrir le Bureau de la traduction. Un sous-comité du Comité de la régie interne du Sénat examine la question des services d’interprétation, parce que des plaintes ont été déposées quant à la qualité de l’interprétation qui nous est offerte. Souvent, c’est parce qu’elle est effectuée par des sous-traitants à l’extérieur du Bureau de la traduction.
M. Brison : C’est pourquoi nous avons entamé un processus d’embauche pour doter le poste de dirigeant principal de la qualité.
[Traduction]
La sénatrice Poirier : Dans le rapport annuel, les administrations aéroportuaires ne font pas partie des petites institutions, alors que c’était le cas dans les rapports antérieurs, comme dans celui de 2014-2015. En lieu et place, elles sont évaluées séparément. Pour quelle raison avez-vous décidé de les soumettre cette année à une norme différente de celle des petites institutions? Pourquoi une partie de la loi a-t-elle été évaluée pour les administrations aéroportuaires alors qu’une autre n’a pas été considérée comme devant l’être? Par exemple, à la page 26, on demande aux administrations aéroportuaires de mesurer la disponibilité et la qualité des services — donc, la partie IV de la loi —, mais à la page 27, on ne leur demande pas de rendre compte des activités qu’elles déploient pour mesurer l’utilisation des langues officielles au travail, soit la partie V de la loi. Pourquoi les exempte-t-on de mesurer l’application de la partie V de la loi?
M. Brison : J’aimerais vous revenir là-dessus. Je pense que lorsqu’il s’agit de questions au sujet des aéroports, il est particulièrement important de ne pas improviser. Je connais ce que je connais et, parfois, je sais ce que je ne connais pas. J’aimerais par conséquent faire le nécessaire pour être en mesure de vous donner l’heure juste.
La sénatrice Poirier : Si vous allez nous faire parvenir des informations additionnelles, pouvez-vous y inclure une copie des questions qui ont été posées aux différentes institutions?
M. Brison : J’ai une réponse partielle à cela. Je vais vous revenir avec la réponse complète. Les administrations aéroportuaires sont sur un cycle de trois ans. C’est ce qui explique pourquoi elles ne produisent pas de rapport chaque année. On m’apprend que ce rapport-là obéit à un cycle triennal, et que cette année n’était pas une année où un rapport devait être soumis.
La sénatrice Poirier : Pour notre bien à tous, pouvez-vous faire parvenir à notre greffier une copie des questions de l’enquête que vous avez menée auprès des différents groupes d’institutions représentés à la page 26 — les petites institutions, les grandes institutions et les administrations aéroportuaires — pour mesurer la disponibilité? Pourriez-vous faire cela?
M. Brison : Bien sûr. Nous allons aussi parler au greffier. Je veux m’assurer que nous avons tout ce que vous demandez. Je respecte énormément le travail des comités parlementaires du Sénat, et je veux m’assurer que nous allons répondre de façon complète à vos questions.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’aimerais revenir à la question de la langue de travail. Je me suis posé la question à savoir s’il existe, au Canada, au sein de l’appareil gouvernemental, des environnements de travail organisés de façon à rendre propice l’utilisation des deux langues officielles. Si oui, pouvez-vous nous donner des exemples de tels modèles et des raisons pour lesquelles ces environnements ont du succès?
M. Brison : Nous devons en faire plus et aller au-delà de la démonstration d’exemples d’ouverture. Par exemple, lorsque je reçois des notes d’information, j’aimerais parler plus franchement en français, mais je pense que j’ai le même problème que les autres fonctionnaires. Je suis politicien, mais j’ai peut-être le même problème qu’un fonctionnaire qui n’a pas la même confiance dans son utilisation de l’autre langue que dans l’utilisation de sa langue maternelle. Pour moi, parler en français est difficile, et c’est aussi difficile parfois de trouver un mot ou un autre, mais nous devons créer des environnements dans la fonction publique au sein desquels les fonctionnaires seront à l’aise de parler dans leur langue maternelle.
L’apprentissage du français ne m’était pas facile et, à l’autre endroit, ainsi qu’au Cabinet, comme je n’utilise pas l’interprétation, cela m’oblige à une discipline et à un entraînement de mes oreilles. De temps en temps, une subtilité ou une nuance en français m’échappe, alors je partage, d’une certaine façon, la même insécurité de parler dans l’autre langue que celle d’autres fonctionnaires.
Nous devrions aussi en faire davantage afin de promouvoir l’importance pour tous de créer des environnements au sein desquels un anglophone comme moi serait tout à fait à l’aise de parler en français.
[Traduction]
Dans une large mesure, la langue de travail continue d’être l’anglais. J’espère ne pas briser de règle de confidentialité du Cabinet, mais dans notre cabinet, les ministres parlent en français et en anglais lors des réunions. C’est une chose courante. Pour ceux d’entre nous qui cherchent toujours à améliorer leur français, s’il n’y a pas de traduction, l’apprentissage est constant. Nous sommes des étudiants en permanence.
Nous devons aussi faire en sorte que les gens se sentent à l’aise de parler leur langue maternelle. Il est difficile pour moi de me mettre dans la peau d’un fonctionnaire francophone qui se retrouverait dans une pièce, entouré d’anglophones. Je veux qu’ils se sentent à l’aise de parler leur langue. Nous devons travailler ensemble. Nous devons créer un environnement dans lequel les fonctionnaires se sentiront tout à fait à l’aise de parler leur langue maternelle, et où quelqu’un comme moi se sentira à l’aise de parler français. Alors il y a beaucoup de travail à faire à cet égard.
C’est un peu une question de confiance. Je crois que nous devons donner l’exemple et faire de notre mieux en fonction de cela. Vous avez posé une très bonne question. J’aime penser à cela dans l’optique de certains des projets pilotes qui sont en cours. Également, j’aimerais bénéficier de ce que le comité aura à dire sur les choses que nous pourrions faire pour améliorer l’environnement à la fois pour les francophones et les anglophones.
[Français]
La sénatrice Gagné : Certains exemples sont probants. Vous avez mis le doigt sur un élément qui représente un facteur important : le leadership, qui permet de créer un environnement où on se sent à l’aise de parler dans sa langue.
Le sénateur Maltais : Monsieur le ministre, vous êtes un anglophone qui parlez un bon français, mais je vous suggère de venir prendre un bain de foule à Québec pour l’améliorer. Je suis certain que vous ne pourriez parler en anglais avec personne à Québec, puisqu’il n’y a presque plus d’anglophones, soit moins de 1 p. 100. Si vous entendez parler en anglais, il s’agira de votre propre écho. Soyez bien à l’aise de venir à Québec; nous serons heureux de vous y accueillir.
M. Brison : Nous pourrons partager une Blanche de Chambly. J’aime beaucoup les moules-frites de chez Môss, à Québec et, également, la viande fumée de chez Brynd.
Le sénateur Maltais : Vous êtes le bienvenu, mais je vous propose de revenir à la Loi sur les langues officielles que nous étudions et que la Chambre des communes examine également.
L’un des principaux reproches qui nous sont rapportés, c’est que le commissaire aux langues officielles n’a que des pouvoirs de recommandation. Un journaliste a porté cette question à l’attention du président du Comité des langues officielles de la Chambre des communes, Denis Paradis, qui a répondu qu’il serait d’accord pour que la nouvelle loi inclue des pouvoirs punitifs envers les délinquants. Je vous donne l’exemple d’Air Canada, qui reçoit des plaintes à n’en plus finir depuis des années, et qui n’arrive à rien. Je ne veux pas en faire un cas type, mais il faudrait vraiment que la loi ait plus de mordant afin que l’on puisse sévir. M. Paradis disait qu’il serait d’accord pour y inclure un système d’amendes. Qu’en pensez-vous?
M. Brison : Je vous remercie de cette question. Je crois que nous avons démontré à quel point les langues officielles sont importantes pour notre gouvernement, premièrement avec le moratoire, mais également avec la mise en place d’une révision des règles qui est une première en 25 ans. Qui sait, dans l’avenir peut-être?
Je crois que la révision des règles est une étape très importante. Cela va nous donner beaucoup de possibilités pour améliorer les services bilingues partout au Canada. La prestation des services, les fonctionnaires ainsi que la langue de travail font partie de mes responsabilités comme président du Conseil du Trésor. Nous travaillons très fort sur cette révision, et c’est notre intention d’améliorer les règles pendant notre mandat. Nous sommes ouverts à toutes les idées. Nous voulons protéger et promouvoir les langues officielles partout au Canada.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Monsieur le ministre, dans votre déclaration liminaire, vous avez abordé la question du règlement, et j’aimerais revenir là-dessus très rapidement.
Comme vous l’avez indiqué, au printemps 2019, on adoptera le règlement révisé, et cetera. Dans son plus récent rapport, le commissaire aux langues officielles dégage les principes qui devraient orienter cette révision.
Au moment de rédiger la version définitive de votre rapport, allez-vous tenir compte de tous ces principes?
M. Brison : Nous allons tenir compte de toutes les recommandations, c’est certain. Vous n’entreprenez pas une révision si vous n’êtes pas sincèrement ouvert au changement. J’ai dit qu’on se servait de pourcentages pour définir les collectivités en ce qui a trait à la prestation de services bilingues.
[Français]
Je crois que, dans certains cas, les chiffres sont plus appropriés. Les autres mesures ou facteurs qualitatifs sont également importants, comme la vitalité, par exemple.
[Traduction]
Je suis ouvert à ce que le Commissariat aux langues officielles a à dire à ce sujet, mais je tiendrai aussi compte de ce que vous me direz. Le Sénat possède tout un savoir-faire à ce sujet, et nous allons en tirer profit. J’ai hâte d’entendre votre point de vue concerté sur la question.
[Français]
On veut monter la barre en ce qui a trait à la prestation des services bilingues, comme gouvernement.
[Traduction]
Nous allons continuer dans cette voie. Je suis content d’avoir eu la chance de vous parler.
La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre, je sais que Jean-Luc est sur le point de vous mettre le manteau sur le dos. Au nom du comité, je veux vous remercier d’être passé nous voir aujourd’hui.
[Français]
Nous reconnaissons votre engagement personnel envers le bilinguisme et le respect des langues officielles, et nous comptons sur vous pour assurer le plein respect de la Loi sur les langues officielles, monsieur le ministre. Merci.
M. Brison : Merci encore. Vous êtes plus patients avec la qualité de mon français que Rose et Claire Brison-St. Pierre.
La sénatrice Tardif : Chers collègues, encore une fois, un grand merci. Je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)