Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 36 - Témoignages du 18 février 2019
OTTAWA, le lundi 18 février 2019
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 16 heures, afin d’examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles, et à huis clos, afin d’étudier une ébauche de rapport.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, c’est avec émotion que j’ouvre cette première séance dans ce nouveau lieu qui est l’édifice du Sénat du Canada. Je vous souhaite tous la bienvenue dans ce nouveau lieu. Mon nom est René Cormier et j’ai le privilège de présider la réunion d’aujourd’hui.
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles poursuit son étude sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Nous poursuivons aujourd’hui le cinquième volet de cette étude qui porte sur les institutions fédérales.
De la Commission de la capitale nationale, nous avons le plaisir d’accueillir Céline Larabie, directrice générale des Ressources humaines, et Anne Ménard, directrice générale par intérim de la Direction de l’intendance de la capitale. Nous recevons également Stéphan Déry, président-directeur général du Bureau de la traduction.
Avant de passer la parole à nos témoins, j’invite les membres du comité à se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci. Mesdames Larabie et Ménard, la parole est à vous.
Céline Larabie, directrice générale, Ressources humaines, Commission de la capitale nationale : Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité aujourd’hui.
Nous sommes heureux d’avoir la possibilité de traiter de l’engagement de la Commission de la capitale nationale à l’égard de la Loi sur les langues officielles et du bilinguisme dans la région de la capitale du Canada.
Je m’appelle Céline Larabie et je suis la directrice générale des Ressources humaines de la Commission de la capitale nationale. Je suis accompagnée d’Anne Ménard, directrice générale par intérim de la Direction de l’intendance de la Commission de la capitale nationale. Avec votre permission, nous répondrons toutes les deux à vos questions aujourd’hui. Suivant l’esprit du bilinguisme canadien, je prononcerai la première partie de mes observations préliminaires en français et, la seconde, en anglais.
La CCN est l’héritière d’une tradition d’aménagement et d’intendance plus que centenaire dans la capitale du Canada. Nous suivons les traces de la Commission d’embellissement d’Ottawa, créée en 1899 sur l’ordre de sir Wilfrid Laurier, deuxième premier ministre du Canada, et de la Commission du district fédéral, créée en 1927.
La région de la capitale est vaste. Elle s’étend des deux côtés de la rivière des Outaouais et comprend les villes d’Ottawa et de Gatineau, de même que, en partie ou en totalité, 11 autres municipalités plus petites. Sa population dépasse 1 million de personnes à qui nous sommes fiers d’offrir des services dans la langue officielle de leur choix. La CCN est responsable de plus de 500 kilomètres carrés de ce territoire, ce qui représente 11 p. 100 de la superficie totale de la région et qui en fait la plus importante propriétaire foncière de la région.
Le mandat de la CCN est énoncé clairement dans la Loi sur la capitale nationale de 1959, le document fondateur de la société d’État, dont je vous cite l’extrait suivant :
[...] établir des plans d’aménagement, de conservation et d’embellissement de la région de la capitale nationale et [...] concourir à la réalisation de ces trois buts, afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale.
Notre mission est de bâtir une région de la capitale nationale inspirante qui soit source de fierté pour l’ensemble des Canadiens et dans laquelle ceux-ci peuvent tous se reconnaître. C’est là le caractère et l’identité uniques de la région.
Le nouveau Plan de la capitale du Canada, publié en 2017, est une vision de la capitale des 50 prochaines années qui a été élaborée par des Canadiens de partout au pays. C’est une vision qui rend honneur au bilinguisme de la région de la capitale et de ses résidents.
La CCN est déterminée à servir les Canadiens dans les deux langues officielles. Celles-ci sont profondément intégrées dans nos activités quotidiennes et dans notre ADN organisationnel. Nous nous considérons comme une société d’État exemplaire à cet égard.
[Traduction]
La CCN compte plus de 400 employés et environ 115 bénévoles. Toute personne dont les tâches impliquent de communiquer avec des membres du public doit pouvoir s’exprimer en français et en anglais.
Lors du processus d’embauche, chaque poste est assujetti à un examen du profil linguistique afin de déterminer le niveau de compétences linguistiques nécessaire. Les candidats retenus doivent subir un examen de langue seconde pour vérifier qu’ils satisfont au profil linguistique du poste avant qu’on leur remette une lettre d’offre.
Dans les faits, 81 p. 100 de nos postes sont des postes bilingues. J’aimerais souligner que le pourcentage de postes bilingues au sein de la fonction publique dans la région de la capitale nationale avoisine les 68 p. 100.
La CCN remet chaque année des prix à des employés qui s’emploient véritablement à promouvoir le bilinguisme. Cette année, il y a eu 39 lauréats.
La CCN a son propre service de traduction pour s’assurer que les Canadiens ont accès à des documents de grande qualité dans la langue de leur choix. Cet engagement à l’égard des langues officielles témoigne clairement de son engagement envers le service à la clientèle.
Le parc de la Gatineau accueille chaque année 2,7 millions de visiteurs, ce qui le place au second rang au Canada après Banff. La Ceinture de verdure reçoit plus de 5,7 millions de visiteurs par année, et plus de 1 million de personnes viennent patiner sur la patinoire du canal Rideau chaque hiver. Tous les visiteurs sont accueillis et servis dans la langue officielle de leur choix, et tous les panneaux et les renseignements destinés aux visiteurs sont également bilingues.
En outre, nos programmes — par exemple, nos programmes éducatifs pour étudiants ou nos programmes d’été au lac Philippe — sont tous offerts dans les deux langues officielles.
Nos nombreuses consultations publiques se déroulent dans les deux langues. Lorsque le plan pour la capitale du Canada a été mis en œuvre à l’échelle du pays, les événements ont été annoncés dans les médias francophones et anglophones. Nous avons aussi pour politique de joindre les collectivités minoritaires de langue officielle par l’entremise des médias locaux lorsque cela est pertinent et possible. La CCN utilise activement les médias sociaux dans les deux langues et elle a connu du succès avec l’emploi d’un outil d’intelligence artificielle pour offrir de l’information aux visiteurs au sujet de la patinoire dans les deux langues par l’intermédiaire de Facebook.
Nos rencontres avec la délégation des chefs qui représentent les communautés algonquines de la région se déroulent dans les deux langues officielles. Des services d’interprétation simultanée sont fournis durant toutes les réunions publiques du conseil d’administration de la CCN, son assemblée publique annuelle et lors de toutes les séances du Labo d’urbanisme, qui réunissent des membres du public et des experts tous les mois pour des discussions sur des enjeux relatifs à la construction dans la capitale.
L’engagement de la CCN envers les langues officielles ne se limite pas à ses propres activités. La CCN figure parmi les plus importants propriétaires de la région et elle veille à ce que les locataires commerciaux, comme les restaurateurs et les organisateurs d’événements qui utilisent les terrains et les biens de la CCN, comme le Festival canadien des tulipes et la Course de l’Armée du Canada, soient au courant de leurs obligations relativement aux services dans les deux langues officielles. Nous avons près de 60 locataires commerciaux dont le bail comporte une clause sur le bilinguisme, et nous vérifions régulièrement que cette clause est respectée.
En ce qui concerne la modernisation de la Loi sur les langues officielles, comme je l’ai mentionné plus tôt, la CCN s’est engagée à fournir des services dans les deux langues officielles et à faire la promotion de l’anglais et du français dans la région de la capitale nationale. Il est certain qu’elle maintiendra cet engagement dans le cadre d’une loi modernisée.
Nous croyons que la CCN a de bonnes raisons de présenter son bilan en matière de langues officielles avec une certaine satisfaction et elle sera ravie d’en discuter. Nous vous remercions encore une fois de nous avoir invitées à comparaître devant le comité aujourd’hui.
[Français]
Le président : Merci, madame Larabie. Monsieur Déry, la parole est à vous.
Stéphan Déry, président-directeur général, Bureau de la traduction : Monsieur le président et membres du comité, bonjour. Je tiens à vous remercier de m’avoir invité à comparaître devant vous dans le cadre de votre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Je m’appelle Stéphan Déry et je suis président-directeur général du Bureau de la traduction et le vice-président du Conseil du Réseau des champions des langues officielles du gouvernement du Canada.
Avant de vous décrire plus en détail le Bureau de la traduction, permettez-moi de vous présenter le rôle que l’organisation joue en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Le Bureau de la traduction joue un rôle essentiel dans l’application de la Loi sur les langues officielles. Sa mission, en vertu de sa loi habilitante, est de fournir aux ministères et aux organismes et aux deux Chambres du Parlement des services de traduction et de révision, d’interprétation, d’interprétation gestuelle et de terminologie. Ce mandat fait du bureau un acteur clé en ce qui a trait à la communication avec le public, à la langue de travail dans la fonction publique et à la promotion du français et de l’anglais dans la société canadienne. Cependant, il est important de noter que le bureau est considéré comme un organisme opérationnel de prestations de services. Le bureau n’a donc pas d’autorité ni de politiques concernant les langues officielles et son rôle n’est pas codifié dans la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
J’aimerais maintenant faire une rétrospective du Bureau de la traduction. Le Bureau de la traduction a été fondé en 1934 afin de normaliser la traduction au gouvernement fédéral. Il fournit au Parlement, aux ministères et aux organismes fédéraux une vaste gamme de services linguistiques dans les deux langues officielles, dans les langues autochtones du Canada et dans plus de 100 langues étrangères.
Les services du Bureau de la traduction ont été obligatoires pendant une soixantaine d’années. Pour une certaine période, le bureau faisait partie du Secrétariat d’État, actuellement Patrimoine canadien, dans le secteur de la Traduction et des Langues officielles. En 1995, le Bureau de la traduction est devenu un organisme de service spécial. Depuis, les services du bureau sont facultatifs pour les ministères, et ils sont fournis à recouvrement des coûts. À l’heure actuelle, l’organisation gère près de 70 p. 100 du volume d’affaires du gouvernement fédéral.
Le bureau, qui traduit plus de 350 millions de mots par année et fournit près de 7 000 jours d’interprétation, est aussi l’autorité gouvernementale en matière de terminologie. Il tient à jour un outil de recherche terminologique de plus de 1,4 million de fiches qui est consulté 100 000 fois par jour dans plus de 220 pays. On peut vraiment dire que le bureau contribue à faire rayonner les deux langues officielles du Canada à travers le monde.
[Français]
En octobre 2017, le premier ministre a demandé ceci à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement :
Poursuivre la mise en œuvre des réformes qui amélioreront la qualité et la capacité des services offerts par le Bureau de la traduction et mettront en valeur la vitalité économique de la collectivité canadienne de traduction et d’interprétation alors que le gouvernement et l’industrie s’adaptent à la transformation numérique rapide.
De plus, le Plan d’action pour les langues officielles indique ce qui suit :
Nous reconnaissons l’importance des services fournis par le Bureau de la traduction. Ce dernier encourage la dualité linguistique en protégeant la qualité de la langue dans la fonction publique. C’est pourquoi nous sommes en discussion dans le but de solidifier son mandat.
Je tiens maintenant à vous présenter la façon dont le bureau modernise ses opérations. Depuis août 2017, l’organisation met en œuvre une vision modernisée. Cette vision repose sur la Loi sur les langues officielles et la Loi sur le Bureau de la traduction et compte quatre volets. L’objectif de cette vision est de faire du bureau un centre d’excellence en services linguistiques. Déjà, les résultats sont positifs. Dans le cadre du premier volet, « Les liens renforcés », le Bureau de la traduction a récemment lancé deux plans d’action : l’un pour renforcer la qualité des services linguistiques à l’interne, et l’autre pour évaluer le rendement des fournisseurs de services de traduction de façon équitable et transparente.
[Traduction]
Dans le cadre du deuxième volet, « Modèle d’affaires révisé », le Bureau de la traduction a conclu cinq ententes dans la dernière année : trois avec des universités canadiennes et deux avec des associations professionnelles. Le bureau travaille également avec le groupe Horizons de politiques Canada et un comité consultatif afin de se projeter 15 ans dans l’avenir et de concevoir le modèle d’affaires du Bureau de la traduction du futur.
En ce qui concerne le troisième volet, « Technologie au service des langagiers », le bureau est en train d’acquérir un nouveau système pour gérer les demandes des services linguistiques, qui modernisera entre autres la façon dont les demandes de traduction et d’interprétation sont traitées et facilitera l’intégration de composantes issues de l’intelligence artificielle dans son flux de travail.
Enfin, dans le cadre du volet « Main-d’œuvre renouvelée », le bureau contribue activement à former la relève. Depuis deux ans, l’organisation a accueilli plus de 300 étudiants dans le cadre des divers programmes fédéraux d’expérience de travail étudiant. De plus, le bureau travaille avec plusieurs universités et associations professionnelles afin de mieux cerner les répercussions de l’intelligence artificielle sur la profession de traducteur et de préparer les futurs traducteurs au marché du travail.
[Français]
J’aimerais maintenant vous parler des priorités du Bureau de la traduction. Le Bureau de la traduction est aussi responsable du Portail linguistique du Canada. Ce site web offre aux Canadiens et aux Canadiennes de tous âges des ressources linguistiques gratuites pour les aider à étudier, à travailler et à communiquer plus efficacement en anglais et en français. Cette année, le Bureau de la traduction travaille avec plusieurs intervenants afin de positionner le portail comme un guichet unique qui fera valoir, auprès des fonctionnaires fédéraux, les outils disponibles en matière de langues officielles. Ce projet s’inscrit dans un objectif commun, celui de façonner une fonction publique qui inclut vraiment le français et l’anglais et où les fonctionnaires sentent qu’ils peuvent utiliser la langue officielle de leur choix.
[Traduction]
Dans un autre ordre d’idées, le Bureau de la traduction offre des services d’interprétation simultanée en langues autochtones à la Chambre des communes depuis janvier 2019. Afin d’accroître sa capacité à répondre aux besoins dans certaines langues et certains dialectes, le bureau est en discussion avec des intervenants des communautés autochtones de l’ensemble du Canada, y compris des établissements d’enseignement postsecondaire.
Les progrès récents de l’intelligence artificielle, y compris dans le domaine de la traduction automatique neuronale, créent une refonte majeure du secteur de la traduction au Canada et dans le monde. Le bureau collabore donc étroitement avec des firmes de recherche spécialisées en services linguistiques afin d’intégrer l’intelligence artificielle parmi ses outils d’aide à la traduction pour continuer d’offrir des services de qualité à bas prix qui répondent aux attentes des clients.
[Français]
Bref, les services du Bureau de la traduction contribuent à assurer le respect de la Loi sur les langues officielles, qu’il s’agisse de la promotion de l’anglais et du français, de la langue de travail dans la fonction publique ou de la façon dont le gouvernement communique avec la population canadienne. L’organisation continuera de se moderniser afin d’offrir des services de qualité qui répondent aux attentes des clients.
[Traduction]
Pour terminer, j’aimerais souligner le travail de nos interprètes, qui occupent les cabines d’interprétation à l’arrière de la salle, grâce à qui la rencontre d’aujourd’hui se déroule dans les deux langues officielles.
Merci de votre temps.
[Français]
Je serai très heureux de répondre à vos questions. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Déry. Nous allons maintenant passer à la période d’échanges avec les sénateurs et les sénatrices.
La sénatrice Poirier : Merci à vous tous d’être ici. Ma question s’adresse au représentant du Bureau de la traduction, M. Déry.
Il y a deux ans, le comité a accueilli la ministre Judy Foote. Elle a partagé son intention de redonner ses lettres de noblesse au Bureau de la traduction en rendant ses services obligatoires. Vous nous avez un peu parlé de la directive que vous aviez reçue, mais, selon ce que nous entendons, depuis ce temps les choses ont à peine bougé. Malheureusement, certains nous disent que la traduction de certains sites web fédéraux n’est pas aussi bonne qu’ils le désireraient. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les choses ne bougent pas davantage? D’après vous, quelle serait la solution? Faudrait-il prévoir une modification à la loi? Si oui, quelles seraient vos recommandations?
M. Déry : Merci beaucoup, sénatrice Poirier. Ce sont de très bonnes questions. Pour revenir à la comparution de la ministre Foote devant ce comité, depuis mon arrivée au bureau le mois de mai dernier, et depuis sa comparution, en fait, nous avons mis en œuvre plusieurs des engagements qu’elle a pris, et les choses au bureau ont beaucoup avancé. Malgré tout, nous sommes un organisme de services optionnels. Donc, nous ne pouvons pas forcer les ministères à faire appel à nos services, mais nous sommes là pour les aider. Nous sommes définitivement à leur service.
Nous avons introduit des dispositions dans nos contrats de traduction qui ne visent pas à offrir le prix le plus bas, mais des normes de qualité. Ce matin, nous avons publié une offre à commande en partenariat avec l’industrie de l’interprétation au Canada pour remettre les pendules à l’heure et nous assurer d’obtenir des services de qualité. Nous ne nivelons pas vers le bas; nous nous assurons que les services fournis sont de qualité. Donc, l’offre à commande qui vient d’être lancée, qui est une demande de propositions, nous permettra d’offrir de bons services.
Le Bureau de la traduction joue déjà un rôle très important dans le cadre de la Loi sur les langues officielles et de ses parties IV, V et VII. Cependant, comme je le disais, le bureau est une offre de services optionnels qui n’est pas codifiée dans la Loi sur les langues officielles. Si le gouvernement décide de la codifier dans la loi, ce sera sa décision.
Le comité consultatif que nous avons mis en place se compose d’universitaires et de sous-ministres. Les universitaires, les sous-ministres et les représentants des communautés en situation minoritaire s’entendent pour dire que le Bureau de la traduction devrait jouer un rôle plus important, et que ce rôle devrait être renforcé dans la Loi sur les langues officielles afin d’assurer la qualité des communications du gouvernement dans les deux langues officielles.
Aujourd’hui, il est facile de traduire des textes à l’aide d’outils neuronaux. Toutefois, qui les vérifie après coup? Vous parliez de sites Internet. Qui vérifie la traduction faite par une machine pour s’assurer que la qualité respecte les normes de la Loi sur les langues officielles? Si le gouvernement le désire, le Bureau de la traduction pourrait offrir ce service. Le Bureau de la traduction a été un service obligatoire pendant près de 60 ans. Il fêtera en 2019 ses 85 ans d’existence. Il a donc une vaste expérience. Cet organisme est là pour servir le gouvernement.
Si le gouvernement le désire, en enchâssant le Bureau de la traduction dans la Loi sur les langues officielles, il peut lui donner un mandat clair comme centre d’expertise en qualité linguistique et comme outil de traduction. Nous serions prêts à fournir tous les outils de traduction à l’ensemble du gouvernement.
La sénatrice Poirier : Pouvez-vous nous donner le détail du financement que vous avez reçu dans le cadre du dernier Plan d’action pour les langues officielles? À quelles fins les enveloppes seront-elles utilisées?
M. Déry : Merci de votre question. Nous avons reçu du financement pour le Portail linguistique du Canada. Le Portail linguistique a été financé en 2009. C’était, à l’époque, dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles. Le financement a été reconduit dans le cadre de chacun des plans d’action pour les langues officielles depuis ce temps. Le financement qu’on a reçu s’inscrit donc dans la continuité du Portail linguistique du Canada sur lequel nous travaillons. Il n’y a pas d’autre financement que pour le Portail linguistique.
La sénatrice Moncion : Ma première question s’adresse aux représentants de la Commission de la capitale nationale. Quelle est la langue de travail au sein de votre organisme?
Mme Larabie : Nos langues de travail sont le français et l’anglais à la CCN. Comme je le disais, 80 p. 100 des employés occupent des postes désignés bilingues. Nous respectons les deux langues officielles de façon équitable au sein de l’organisation.
La sénatrice Moncion : C’est une bonne réponse. Nous constatons que beaucoup d’employés sont bilingues et doivent parler l’anglais parce que certains de leurs collègues ne parlent pas le français. Bien souvent, la langue de travail devient l’anglais, parce que les anglophones ne parlent pas le français. C’est dans ce contexte que je posais ma question.
Au sein du gouvernement fédéral, un problème se pose, justement parce que les francophones sont souvent bilingues et que la langue de travail devient l’anglais. À quel point est-ce un problème chez vous, ou en est-ce un?
Anne Ménard, directrice générale par intérim, Intendance de la capitale, Commission de la capitale nationale : Ce n’est pas mon expérience. Céline n’est avec nous que depuis six mois. Je suis à la CCN depuis neuf ans. Auparavant, je travaillais à la Ville d’Ottawa. À mon arrivée à la CCN, j’ai été étonnée de voir que la majorité des réunions se déroulaient en français, et c’est encore le cas. Les gens communiquent en anglais comme en français. La majorité, même si elle ne s’affiche pas comme faisant partie du 81 p. 100 du point de vue linguistique, n’a vraiment pas le choix. Les gens comprennent les deux langues. On se parle en français comme en anglais.
La sénatrice Moncion : Quelles modifications pourrait-on apporter à la Loi sur les langues officielles pour aider la Commission de la capitale nationale?
Mme Larabie : Comme je le disais dans ma présentation, le bilinguisme est pour nous un réflexe. Il fait partie de l’ADN de l’organisation. Nous allons laisser aux parlementaires et aux législateurs le soin de déterminer quelles pourraient être ces modifications. Nous pouvons vous assurer que nous pourrons nous adapter à n’importe quelle modification à la Loi sur les langues officielles, car nous avons déjà une excellente feuille de route en matière de bilinguisme.
La sénatrice Moncion : Vous n’avez pas d’améliorations à proposer qui pourraient être apportées à certains éléments de la loi? Vous allez suivre la loi, mais vous n’avez pas de modifications à suggérer pour rendre votre travail plus facile.
Mme Larabie : Nous sommes engagés envers le bilinguisme. Dans le Plan de la capitale du Canada de 2017 à 2067, nous nous engageons à respecter et à faire la promotion d’une capitale bilingue. Tout ce qui peut renforcer cet objectif nous permettra de livrer des services bilingues aux visiteurs et aux gens de la région.
La sénatrice Moncion : Quelle influence pourriez-vous avoir sur le bilinguisme dans les restaurants, par exemple, de la région de la capitale nationale?
Mme Ménard : Nous détenons 300 baux. De ce nombre, 60 sont commerciaux et 25 sont situés dans le secteur du marché By. Un fournisseur externe gère tous nos bâtiments et travaille avec les locataires. Ce fournisseur est assujetti à la Loi sur les langues officielles, mais les locataires ne le sont pas.
Nous avons travaillé avec le commissaire aux langues officielles, en 2011, lorsqu’il nous a fait des recommandations, et nous nous sommes engagés à promouvoir l’utilisation des deux langues. Nous avons inséré une disposition dans nos baux avec les commerçants-locataires afin que le service, l’affichage et les publications soient en anglais et en français. Cette disposition s’applique à tous les commerçants qui travaillent avec les membres du public, et non seulement aux restaurants.
Nous avons plus de 200 contrats par année pour des permis d’activités sur nos terrains et qui visent l’utilisation de nos biens. Ces contrats contiennent la même disposition qui indique très clairement que les affiches et la signalisation doivent être dans les deux langues officielles.
Le président : Je rappelle à nos collègues et aux témoins que nous limitons les questions et réponses à cinq minutes pour commencer. On aura certainement l’occasion, madame la sénatrice, de revenir à vous au deuxième tour.
La sénatrice Mégie : Ma question est appropriée, car elle fait suite à celles de la sénatrice Moncion. J’ai bien entendu tous les efforts que vous faites pour promouvoir le bilinguisme. À mon arrivée au Sénat, j’ai été invitée à une activité à laquelle participait un groupe qui faisait la promotion d’une ville d’Ottawa bilingue. J’ai été surprise, parce que je croyais qu’Ottawa était bilingue. Or, j’ai appris que ce n’était pas le cas.
Avez-vous un rôle à jouer dans cet enjeu? On nous a dit que le maire s’y opposait. Avez-vous un quelconque pouvoir dans cette question? Est-ce que la Loi sur les langues officielles pourrait vous donner un tel pouvoir si on y insérait une disposition visant à accroître votre champ d’action?
Mme Larabie : Le mandat de la CCN inclut la région de la capitale nationale, dont font partie Ottawa, Gatineau et 11 autres municipalités. Nous considérons la région comme une région bilingue. Encore une fois, si des changements sont apportés à la législation, nous serons bien placés pour nous y adapter et pour emboîter le pas en ce sens. Toutefois, pour l’instant, nous allons laisser aux législateurs le soin de décider.
La sénatrice Mégie : Ma prochaine question s’adresse à M. Déry. Votre organisme est responsable du Portail linguistique. Vous dites que, avec le système neuronal, il est difficile de savoir s’il y a une erreur, parce que c’est la machine qui fait le travail. Ai-je bien compris?
M. Déry : Ce que je voulais dire, c’est que, avec la traduction neuronale, il est beaucoup plus facile de produire des textes dans une autre langue très rapidement. Or, c’est là que le rôle du traducteur professionnel est encore plus important, puisqu’il peut faire la révision de ces textes et s’assurer qu’ils respectent les normes de la Loi sur les langues officielles afin d’obtenir une qualité égale dans les deux langues officielles.
La sénatrice Mégie : Je comprends, mais avez-vous du personnel pour faire cette révision?
M. Déry : Absolument. On a du personnel pour revoir les traductions qui sont faites au bureau. Nous sommes un service optionnel, donc nous travaillons avec les ministères qui veulent bien travailler avec nous et qui nous demandent de leur fournir un service.
La sénatrice Mégie : Si quelqu’un regarde le portail et découvre une erreur, quel est le processus pour s’adresser à votre organisme?
M. Déry : Oui, nous avons des coordonnées. On peut nous écrire un courriel, nous contacter par téléphone ou même par message texte. On peut nous contacter, certainement.
La sénatrice Mégie : Merci.
M. Déry : Merci.
La sénatrice Gagné : Bienvenue, et merci d’être ici avec nous aujourd’hui.
Je vais commencer avec nos témoins de la Commission de la capitale nationale. Depuis 1994, la CCN est considérée par le gouvernement comme un joueur clé dans la mise en œuvre de la partie VII de la Loi. Le commissaire Théberge, lors de son témoignage au mois de décembre, avait proposé qu’une loi modernisée définisse des institutions clés et un mandat spécifique dans la mise en œuvre de la partie VII. Alors, si le législateur décidait justement d’inclure dans la loi les institutions qui peuvent contribuer au développement et à l’épanouissement des communautés, comment cela changerait-il votre mandat? Quel effet cela aurait-il sur les services que vous offrez?
Mme Larabie : On a déjà à cœur la participation des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je peux vous donner un exemple avec le développement du plan directeur du parc de la Gatineau où, dans le cadre des consultations, nous avons fait appel aux médias de langues minoritaires, par exemple, le Low Down, du côté de Wakefield, le West Quebec Post et Le Droit, pour rejoindre justement les communautés en situation minoritaire. On a aussi une liste d’organisations et d’associations communautaires en situation linguistique minoritaire et on les consulte aussi par courriel en les invitant à nos consultations publiques. On le fait déjà.
Je vous ai parlé plus tôt du Plan de la capitale du Canada de 2017-2067. Il y a eu tout d’abord des consultations nationales à ce sujet et, lorsque le plan a été mis en œuvre, nous sommes allés à Vancouver, à Québec, à Toronto et à Charlottetown. Nous avons fait tous les efforts nécessaires pour avertir les gens de notre visite en utilisant les médias de la langue majoritaire, mais aussi ceux des minorités linguistiques.
On fait rapport chaque année à Patrimoine canadien, en vertu de la partie VII de la loi. Patrimoine canadien, lors de notre dernier rapport, nous a donné des commentaires très positifs quant au travail que nous faisons pour inclure les communautés en situation minoritaire.
La sénatrice Gagné : J’aimerais poser une question à M. Déry. Quelles seraient les conséquences d’une codification du Bureau de la traduction dans la Loi sur les langues officielles?
M. Déry : Encore là, il revient au législateur de décider, naturellement, s’il souhaite renforcer le mandat du Bureau de la traduction pour qu’il assure la qualité des communications gouvernementales dans les deux langues officielles.
Par exemple, pour revenir à la question de la sénatrice Poirier, nous avons inséré dans nos contrats des dispositions sur la qualité pour nous assurer que les compagnies avec lesquelles nous transigeons respectent la qualité de la langue. Aujourd’hui, ce n’est pas basé sur le prix. Ces dispositions figurent aux contrats du Bureau de la traduction, mais on n’a pas autorité sur l’ensemble des contrats de traduction qui se donnent au sein du gouvernement du Canada. Donc, c’est un travail qu’on pourrait faire.
Le Canada représente 10 p. 100 du budget mondial de traduction. Il se fait beaucoup de traduction au Canada. On pourrait s’assurer que tous les contrats fédéraux auront les mêmes dispositions, que les gens qui traduisent pour le gouvernement fédéral auront des diplômes en traduction ou seront reconnus par une association professionnelle de traduction et que les compagnies suivent les normes canadiennes de traduction, et qu’elles respectent ces normes, tout cela pour assurer une traduction de qualité.
On pourrait aussi soutenir plus directement les communautés linguistiques en situation minoritaire. On le fait déjà, on travaille déjà avec la FCFA et d’autres organismes, mais à titre d’organisation à recouvrement de coûts, si le Bureau de la traduction était codifié dans la loi, on pourrait travailler avec eux de plus près et leur offrir une enveloppe de mots traduits annuellement. Cela a été soulevé dans nos consultations avec le comité consultatif et par des recteurs. Ce sont des rôles que le Bureau de la traduction pourrait jouer avec son équipe. Il y a tout de même 1 200 employés au Bureau de la traduction, soit 800 traducteurs professionnels, donc on a une force de frappe qui pourrait aider et soutenir les communautés.
Le sénateur Smith : Monsieur Déry, comment jugez-vous la livraison et la qualité de livraison? De plus, s’il y avait une chose que le gouvernement fédéral pourrait faire dans la modernisation de la loi sur les langues officielles, quel serait votre plus grand besoin? Ne parlons pas d’argent, mais de vos besoins.
M. Déry : Pour moi, si le législateur le décide, ce qui serait le mieux pour le gouvernement du Canada et pour le Bureau de la traduction, ce serait vraiment de renforcer le mandat de celui-ci. Comme je l’ai mentionné, je l’ai entendu de la part de plusieurs des participants du comité consultatif, auquel siègent des sous-ministres et des recteurs, comme le recteur de l’Université de l’Ontario français ainsi que Mme Linda Cardinal. Pour eux, il s’agirait de renforcer le Bureau de la traduction et de reconnaître que le bureau est plus qu’un service de traduction et qu’il est un joueur clé dans la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles.
Ensuite, j’aimerais aussi que le Bureau de la traduction puisse partager ses outils technologiques. On va investir, au cours des deux prochaines années, dans des outils technologiques qui amélioreront la qualité et la rapidité des services de traduction. J’aimerais que ces outils soient partagés avec tous les ministères et, en outre, avec les universités du Canada qui en ont grandement besoin, toujours dans le but d’aider les communautés en situation minoritaire. Les universités font également partie de mon comité consultatif et elles n’ont pas les moyens de s’acheter — surtout les écoles de traduction — des logiciels de traduction pour former leurs étudiants. Donc, cela pourrait être une autre contribution. La communauté de la traduction et de l’interprétation collaborerait pour relever le défi.
Le Canada a été un pilier et un précurseur dans le monde de la traduction. En 1934, lorsque le Bureau de la traduction a été créé, il n’y avait pas de baccalauréat en traduction au Canada. Il a été créé à la suite de la création du Bureau de la traduction, qui est donc un pilier de l’industrie de la traduction au Canada. Or, nous sommes reconnus, non seulement le bureau, mais le Canada en général, pour la qualité de nos traductions.
Bref, les outils neuronaux et l’intelligence artificielle sont souvent utilisés pour la diffusion du hansard du Sénat et de la Chambre des communes, parce que cela permet de produire des textes de qualité. Il importe d’être à l’avant-garde, de faire valoir le rôle du Canada et de continuer de jouer un rôle de pionnier. Merci beaucoup.
La sénatrice Moncion : Vous avez mentionné la traduction gestuelle en français et en anglais. Vous avez parlé aussi des langues autochtones pour lesquelles vous avez commencé à offrir ce service depuis janvier 2019. L’offrez-vous à grande échelle?
M. Déry : Pour ce qui est du langage des signes, l’ASL ou le LSQ, le bureau a le mandat d’offrir ces services à tout le gouvernement fédéral pour la communication avec ses employés ou lorsque le bureau du premier ministre en fait la demande lors d’événements. Donc, on accomplit environ 4 500 heures d’interprétation gestuelle par année au Bureau de la traduction. On fournit ces services aux ministères qui le demandent et aux parlementaires lors d’événements spéciaux. On a aussi un programme d’accréditation pour la gestuelle du gouvernement du Canada. Ainsi, le Bureau de la traduction gère un programme d’accréditation en langage des signes. Nous sommes encore des précurseurs à ce chapitre. On travaille beaucoup avec les collèges et les universités, parce que c’est un domaine où il y a une pénurie d’interprètes. On commence à faire la promotion de cette profession auprès des collèges et des universités.
Quant aux langues autochtones, à la suite de la décision du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, depuis le 29 janvier 2019, je crois, les députés ont le droit de s’exprimer en langues autochtones au Parlement. Auparavant, cela se faisait lors des réunions de comités où il y avait des témoins qui parlaient en langues autochtones, mais on ne le faisait pas pour la Chambre. Tous les députés qui s’exprimaient en langues autochtones devaient traduire le même discours en anglais ou en français, selon leur préférence. Depuis janvier, on offre maintenant ce service. Jusqu’à présent, on a offert ce service à plus de six députés. Nous avons une liste d’environ 100 interprètes qui interprètent et traduisent plus de 20 langues autochtones, et nous travaillons avec les communautés pour accroître le nombre d’interprètes et faire la promotion de ce service.
Plus tôt, je disais que le Bureau de la traduction a été un précurseur dans le domaine de la traduction et de l’interprétation. Encore aujourd’hui, on enseigne l’interprétation à l’Université d’Ottawa. C’est le Bureau de la traduction qui donne les cours de maîtrise en interprétation. Seules deux universités enseignent l’interprétation : le Collège universitaire Glendon et l’Université d’Ottawa. Il s’agit encore d’une autre profession où il y a une pénurie de main-d’œuvre. En interprétation des langues autochtones, le Bureau de la traduction pourrait jouer un peu le même rôle qu’en 1934 au chapitre des langues officielles et faire la promotion de la profession d’interprète et de traducteur pour ces langues.
La sénatrice Moncion : Êtes-vous au courant du projet de loi C-81, qui vient d’être adopté à l’étape de la troisième lecture et qui a été transmis au Sénat? Probablement pas.
M. Déry : Oui.
La sénatrice Moncion : Y a-t-il des mesures dans ce projet de loi qui vous concerneront?
M. Déry : Dans le projet de loi comme tel, il n’y a pas de mesures en ce qui concerne le langage des signes, à ma connaissance. Toutefois, le Bureau de la traduction travaille avec les autorités gouvernementales pour accroître sa capacité et celle de l’industrie afin d’être en mesure d’offrir ces services-là.
La sénatrice Moncion : Je vais expliquer la raison pour laquelle je pose cette question. J’étais chef d’entreprise en Ontario, et l’entreprise était régie par les lois de l’Ontario, depuis 2005. Étant donné qu’il s’agissait d’une entreprise de services, on devait fournir et payer un service d’interprétation à toute personne qui en faisait la demande pour qu’elle soit en mesure de signer un document en toute connaissance de cause. Je suis en train de faire vérifier par mon personnel jusqu’à quel point cela se retrouvera dans le projet de loi C-81 et pourrait vous concerner à l’échelle ministérielle.
M. Déry : On se prépare à une augmentation de la demande en matière d’interprétation gestuelle depuis que le projet de loi C-81 a été approuvé. Compte tenu du fait que nous sommes un organisme à recouvrement de coûts, notre participation n’a pas été inscrite dans la loi afin que nous puissions recevoir une enveloppe, mais nous nous préparons à offrir ce service.
La sénatrice Moncion : Alors, ce sera un service facturable.
M. Déry : À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas, mais s’il est offert à grande échelle, il faudrait qu’il le soit parce qu’on n’a pas le financement pour l’ensemble du gouvernement.
La sénatrice Moncion : Merci.
La sénatrice Gagné : L’examen interne visant à faire du Bureau de la traduction un service obligatoire pour les différents ministères fédéraux a-t-il eu lieu?
M. Déry : On a commencé le travail. Plus tôt, j’ai parlé du travail qu’on a fait avec Horizons de politiques Canada. Il s’agit d’un organisme fédéral qui jette un regard sur les 15 prochaines années pour donner des conseils et des avis à ceux qui élaborent des politiques. C’est l’exercice qu’on a réalisé cette année pendant près de trois à quatre mois pour avoir une perspective de l’industrie de la traduction d’ici 15 ans. On a commencé à bâtir un modèle d’affaires. Ensuite, on a invité plusieurs universités qui offrent le programme de traduction pour leur exposer notre vision et savoir ce qu’elles pensent de l’avenir de ce domaine. Par la suite, on a créé un comité consultatif de concert avec des politicologues, comme Mme Linda Cardinal, et des doyens de l’Université de Montréal et de l’Université de Toronto pour leur demander quel devrait être le rôle du Bureau de la traduction dans un proche avenir. Ils sont d’avis que le Bureau de la traduction devrait jouer un rôle accru, surtout en raison de l’intelligence artificielle, pour assurer le respect de la Loi sur les langues officielles.
J’ai mené des consultations auprès d’organismes fédéraux ou nationaux qui représentent les communautés linguistiques en situation minoritaire pour savoir ce qu’ils pensaient, de sorte qu’il ne s’agisse pas d’une proposition du président-directeur général du Bureau de la traduction, mais que ce soit représentatif des communautés et des intérêts gouvernementaux. En avril, nous allons faire une présentation à l’Association canadienne des écoles de traduction pour déterminer quel devrait être le rôle à venir du Bureau de la traduction. Selon un organisme international pour la traduction, l’intelligence artificielle ou la traduction neuronale n’est pas une tempête, mais un tsunami. Il faut donc être en mesure de répondre à ce tsunami et s’assurer que nos gouvernements continuent de respecter la Loi sur les langues officielles.
La sénatrice Gagné : Gardez-vous toujours en tête le fait que les ministères peuvent choisir leur fournisseur de services de la traduction?
M. Déry : Selon moi, il faut écouter ces gens pour savoir quel est le meilleur modèle à mettre en place. Est-ce que ce serait un modèle où le Bureau de la traduction devient obligatoire ou un modèle où les traducteurs sont postés dans les ministères et deviennent des conseillers linguistiques qui travaillent avec les différents ministères pour veiller à la qualité des deux langues officielles et des documents qu’ils produisent? C’est dans cette optique.
Le président : J’ai une question complémentaire. J’essaie de comprendre pourquoi les services du Bureau de la traduction sont passés d’obligatoires à facultatifs. Quelle a été la démarche qui les a rendus facultatifs?
M. Déry : Merci pour votre question. C’est historique. En 1995, dans le processus du Comité d’examen des dépenses, le gouvernement voulait responsabiliser les ministères face à la traduction. En 1967, lors de la mise en place de la Loi sur les langues officielles, il y a eu une explosion de demandes de traduction. Donc, pour réduire la demande ou responsabiliser les ministères, le gouvernement a confié la responsabilité de cette dépense aux ministères et en a fait un service commun. Grosso modo, c’est ce que j’en comprends.
Le président : D’accord, merci.
La sénatrice Poirier : Vous parlez de renforcer votre mandat. Avez-vous transmis le message à la ministre de la possibilité de renforcer votre mandat et, si oui, quelle a été sa réaction?
M. Déry : Je n’en ai pas eu l’occasion. Lorsque je parle de renforcer le mandat, c’est dans les consultations tenues avec le comité consultatif et les universités, où les participants ont suggéré que le mandat du Bureau de la traduction soit renforcé. La sous-ministre de Mme Joly, Mme Roy, fait aussi partie de ce comité et elle a donc entendu les commentaires de tous les participants, des universitaires et des communautés en situation minoritaire.
La sénatrice Poirier : Vous n’avez constaté aucune réaction de cette suggestion de la part du gouvernement ou de la ministre.
M. Déry : Nous n’en sommes pas à cette étape. La première rencontre du comité consultatif a eu lieu le 24 janvier.
Le président : J’ai une question pour la Commission de la capitale nationale. Utilisez-vous le guide de Patrimoine canadien destiné aux institutions fédérales, qui a été produit en 2007? Est-ce que ce guide est utile dans votre travail comme organisme?
Mme Larabie : Je ne peux pas vous dire qu’on utilise le guide de façon régulière. Je suis à la CCN depuis seulement six mois et je n’ai pas personnellement consulté le guide, mais je vais m’informer auprès de notre équipe et vous revenir à ce sujet afin de déterminer si le guide a été utilisé, par exemple, lorsque nous avons fait notre politique interne et dans le cadre des consultations publiques.
Le président : Oui, parce qu’une des questions complémentaires est de savoir si les principes de ce guide pourraient être intégrés dans un nouveau règlement pour encadrer la mise en œuvre de la partie VII. De nombreux témoins nous ont dit que, notamment dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles, il devrait y avoir un règlement et que le guide pourrait peut-être y être intégré. Qu’en pensez-vous?
Mme Larabie : Je ne suis pas au courant de tout ce qu’il y a dans le guide, alors j’aimerais vous revenir plus tard à ce sujet une fois que j’aurai exploré davantage la question avec l’équipe. En ce qui a trait à la partie VII, on fait rapport à Patrimoine canadien chaque année, et il a salué plusieurs de nos initiatives. Je pense que l’esprit de la partie VII est respecté par la CCN, mais je devrai voir le guide plus en détail.
Le président : J’ai une question pour les deux organismes sur la question des ressources humaines. Parmi les grands défis de notre pays, il y a souvent les ressources humaines, la capacité de pourvoir des postes et de recruter des gens en mesure de remplir les mandats associés à ces postes, et la capacité d’évaluer le personnel quant au travail qui est fait.
Vous avez mentionné que 81 p. 100 de votre personnel est bilingue. Avez-vous des défis de recrutement du personnel? Avez-vous des défis de maintien du personnel? Avez-vous aussi des défis d’évaluation et de perfectionnement professionnel de votre personnel?
Mme Larabie : La CCN est vraiment un milieu de travail de choix. On n’a pas de difficulté à recruter du personnel. Les efforts en ce sens vont très bien. Il y a certains postes qui sont un peu plus difficiles à combler, et on parle surtout de postes liés aux services généraux ou de postes très spécialisés. On fait affaire avec une école de langue pour nos évaluations linguistiques, qui sont faites selon les règles de l’art. Là non plus, on n’a pas de difficulté avec la qualité de nos tests linguistiques. La CCN a décidé d’investir en faveur de la formation linguistique. On offre de la formation linguistique de groupe et individuelle, et on ne limite pas la formation linguistique de groupe aux gens qui ont des postes désignés bilingues; on l’offre à tous, francophones et anglophones. On fait tous les efforts nécessaires et on investit en faveur de la formation du personnel.
M. Déry : Au Bureau de la traduction, je vous dirais que, au cours des deux dernières années, on a travaillé avec les universités en traduction, et il y a 11 écoles de traduction au Canada. On a engagé plus de 300 étudiants afin de les former, mais aussi pour offrir des stages en milieu de travail. On a lancé dans la dernière année des partenariats avec l’Université de Montréal et l’Université de Saint-Boniface, et on s’apprête à signer une entente de partenariat avec l’ensemble des universités et écoles de traduction pour faire une formation collaborative où les étudiants dans les universités de traduction seront affiliés à des traducteurs du Bureau de la traduction afin qu’ils puissent apprendre pendant un semestre et comprendre ce qu’on recherche chez un traducteur. Nous pourrons ensuite les aider à se trouver un emploi, soit dans le secteur privé ou au Bureau de la traduction. Au cours des six derniers mois, nous avons été en mesure d’engager plus de 50 traducteurs. Les inscriptions dans les universités ne sont pas à la hausse, mais plutôt à la baisse. Cependant, on travaille très fort pour que les jeunes, avec les universités canadiennes, puissent voir un avenir en traduction et voient l’importance de la profession de traducteur, et ce, même dans un environnement informatique et avec l’arrivée de l’intelligence artificielle.
Le président : Je vous remercie, madame Ménard, madame Larabie et monsieur Déry, d’être venus nous rencontrer aujourd’hui. Vos commentaires, vos réflexions et vos informations nous seront fort utiles.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous poursuivons notre séance. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles poursuit le cinquième volet de son étude qui porte sur les institutions fédérales ayant un lien avec la Loi sur les langues officielles.
D’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, nous avons le plaisir d’accueillir David Manicom, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques de l’établissement et de l’intégration, et Corinne Prince, directrice générale, Direction générale des politiques de l’établissement et de l’intégration. Nous recevons également Jane Badets, statisticienne en chef adjointe du Secteur de la statistique sociale, de la santé et du travail, de même que Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint et spécialiste en chef du programme de la statistique linguistique, Division de la statistique sociale et autochtone, de Statistique Canada. Vous avez de bien longs titres, messieurs et mesdames. Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Monsieur Manicom, la parole est à vous.
David Manicom, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques de l’établissement et de l’intégration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Je m’appelle David Manicom et je suis sous-ministre adjoint de l’établissement et de l’intégration à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Je suis également responsable de l’immigration francophone pour l’ensemble du ministère. Corinne Prince, directrice générale des politiques de l’établissement et de l’intégration, m’accompagne aujourd’hui. Nous sommes heureux de comparaître devant le comité et espérons que nos témoignages vous seront utiles dans le cadre de votre étude sur l’opinion des Canadiens concernant la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
J’aimerais vous donner un aperçu des moyens par lesquels Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada contribue à faire progresser notre engagement collectif envers la dualité linguistique, à renforcer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire et à soutenir leur développement.
[Traduction]
Notre système d’immigration bien géré comporte de nombreux avantages. Le gouvernement augmente de façon constante les niveaux d’immigration, et notre ministère joue un rôle dans le maintien des communautés francophones à l’extérieur du Québec. Ainsi, IRCC travaille avec divers partenaires et intervenants à l’atteinte de la cible qu’il s’est fixée, à savoir l’établissement à l’extérieur du Québec de 4,4 p. 100 des immigrants francophones d’ici 2023.
Le français est une langue en pleine croissance et vibrante à l’échelle mondiale. Selon l’Organisation internationale de la Francophonie, il y avait quelque 300 millions de francophones dans le monde en 2018, et d’ici 2050, ce chiffre devrait plus que doubler. Nos langues officielles contribuent à la diversité et à l’inclusion et constituent un avantage concurrentiel lorsqu’il s’agit d’attirer et de garder des personnes talentueuses francophones et bilingues.
[Français]
Nous avons plusieurs choses à vous signaler depuis notre dernière comparution devant le comité au sujet de l’immigration francophone. Par exemple, en juin dernier, le ministère a annoncé la création d’un centre de politique en immigration francophone afin d’assurer une approche centralisée et de servir de point de convergence pour le travail du ministère sur l’immigration francophone. Entre autres choses, l’équipe finalise en ce moment une stratégie en immigration francophone qui sera publiée au cours du présent exercice financier. Cette stratégie aura pour but de guider le ministère dans ses efforts qui visent à mieux appuyer la réalisation de nos objectifs.
[Traduction]
En 2017, le ministère a décidé d’accorder des points supplémentaires pour les compétences en français dans le système Entrée express. Il s’agissait là d’un important changement de politique au sein du ministère. Nous observons depuis des tendances très positives. À la fin de 2018, 4,5 p. 100 des invitations à présenter une demande ont été envoyées à des candidats francophones dans le système Entrée express, comparativement à 2,9 p. 100 lors de chacune des deux années précédentes. Dans les programmes des travailleurs étrangers temporaires, un nouveau volet du programme de mobilité internationale appelé « Mobilité francophone », fait en sorte que les employeurs qui embauchent des travailleurs francophones pour occuper des postes à l’extérieur du Québec n’ont pas à se soumettre à l’étude d’impact sur le marché du travail.
Monsieur le président, nous avons récemment amélioré l’accessibilité aux tests de connaissance du français au Canada en permettant à un second organisme, le Centre international d’études pédagogiques, d’administrer les tests de connaissance du français. Nous avons également rendu ces tests plus abordables.
[Français]
Nous ciblons et étendons également nos efforts de promotion de l’immigration francophone au pays et à l’étranger. Des événements comme Destination Canada, le forum sur la mobilité qui a lieu chaque année en novembre, à Paris et à Bruxelles, visent à mettre en contact des candidats d’expression française avec des employeurs canadiens qui cherchent à recruter des travailleurs qualifiés. L’an dernier, cet événement a attiré près de 3 000 individus qui souhaitaient s’établir au Canada. Un plan d’action fédéral-provincial-territorial visant à accroître l’immigration francophone à l’extérieur du Québec a été approuvé par le ministre en 2018, un plan d’action qui a été le fruit d’une collaboration avec les collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de l’immigration et de la francophonie canadienne. La mise en œuvre de ce plan d’action commun est déjà en cours.
[Traduction]
Monsieur le président, l’un des engagements qui figurent dans la lettre de mandat du ministre Hussen est d’améliorer la prestation de services d’établissement de qualité, et c’est donc l’une de nos priorités. Il s’agit notamment de services d’établissement destinés aux francophones. Actuellement, nous finançons plus de 50 organismes francophones pour qu’ils adaptent leurs services aux immigrants francophones et nous continuons d’améliorer la qualité et la gamme des services. Plus tôt aujourd’hui, notre ministère a lancé l’Appel national de propositions 2019, afin d’obtenir des propositions de projets destinés à aider les nouveaux arrivants au Canada.
Les investissements effectués en 2018 par le gouvernement du Canada dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 visent aussi à soutenir l’immigration francophone. Un investissement de plus de 40 millions de dollars en nouveaux fonds sur cinq ans permettra d’améliorer la collaboration et la reddition de comptes en ce qui a trait à l’immigration francophone et d’appuyer le développement du Parcours d’intégration francophone, qui englobe plusieurs initiatives visant à créer des liens durables entre les nouveaux arrivants francophones et les communautés francophones en situation minoritaire. Par exemple, le ministère investit 11 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer les services avant l’arrivée destinés précisément aux nouveaux arrivants francophones.
[Français]
Nous avons également lancé un processus de déclaration d’intérêt qui vise à améliorer les services de formation linguistique adaptée afin que de nouveaux arrivants d’expression française puissent accéder à une formation en anglais et améliorer leurs compétences en français pour obtenir un emploi ou un permis leur permettant d’exercer leur profession.
À compter d’avril 2019, les nouveaux arrivants d’expression française qui arriveront au Canada à l’aéroport international Pearson de Toronto recevront des services d’établissement d’un organisme francophone qui leur offrira des précisions et des renseignements essentiels sur l’établissement au sein des communautés francophones à Toronto et ailleurs au pays.
Nous travaillons également avec nos partenaires communautaires pour mettre à l’essai une initiative de développement des communautés francophones accueillantes. Cela représente une occasion de renforcer les capacités à l’échelle locale afin d’intégrer et de retenir les nouveaux arrivants d’expression française. Les actions et résultats de ces communautés accueillantes pourraient contribuer à attirer davantage de nouveaux arrivants. Un total de 14 communautés seront désignées par les communautés elles-mêmes avec le leadership des Réseaux en immigration francophone.
[Traduction]
Enfin, l’application de la Loi sur les langues officielles exige une approche concertée. C’est dans cet esprit que notre ministère continue d’accroître le nombre d’activités de coordination interministérielle, ici à Ottawa et dans des régions ailleurs au pays. En 2019, nous allons célébrer le 50e anniversaire de la loi en tenant diverses activités en collaboration avec des partenaires du gouvernement fédéral, dont Patrimoine canadien.
[Français]
Monsieur le président, c’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions. Merci.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Manicom.
[Français]
Jane Badets, statisticienne en chef adjointe, Secteur de la statistique sociale, de la santé et du travail, Statistique Canada : Tout d’abord, je vous remercie d’avoir invité Statistique Canada à comparaître aujourd’hui afin de vous faire part du travail effectué dans le cadre de la modernisation de la partie IV de la Loi sur les langues officielles et du dénombrement des enfants d’ayants droit.
Permettez-moi de vous parler d’abord du dossier de la modernisation de la loi. Tout comme ce fut le cas lors des travaux menant à l’adoption, en 1991, de la première mouture du Règlement sur les langues officielles, au cours de la dernière année, Statistique Canada a mis son expertise à profit en collaborant étroitement avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
L’objectif était d’examiner diverses options permettant de tirer parti des nouvelles questions sur la langue qui ont été posées dans le recensement canadien depuis 2001. Plusieurs options ont été présentées au Secrétariat du Conseil du Trésor, et chacune d’entre elles comprenait une justification, des avis et des précisions conceptuelles accompagnées de données. Une présentation objective des forces et des faiblesses des différentes options a également été fournie au Secrétariat du Conseil du Trésor. Il est cependant important de mentionner que Statistique Canada n’a pas pris part à la décision du choix de l’option privilégié par le Secrétariat du Conseil du Trésor.
[Traduction]
En ce qui concerne le dénombrement des enfants d’ayants droit au Canada, Statistique Canada est tout à fait résolu à mettre en œuvre toutes ses connaissances scientifiques et son expertise pour trouver des façons de recueillir des données de qualité sur le nombre d’enfants d’ayants droit dans nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. C’est pour cette raison que Statistique Canada a pris très au sérieux les nombreuses demandes qu’il a reçues concernant ces données nécessaires et qu’il a entrepris, jusqu’à maintenant, un grand nombre d’activités que j’aimerais vous décrire.
En janvier 2018, Statistique Canada a mis sur pied un nouveau comité consultatif sur les statistiques linguistiques, composé d’experts de la langue. Le rôle de ce comité d’experts est de conseiller Statistique Canada en ce qui a trait à des concepts, à des méthodologies et à des questions liés aux statistiques linguistiques. Les 14 experts membres du comité se sont réunis en 2018. Le dénombrement des enfants d’ayants droit a fait l’objet d’amples discussions durant ces rencontres, et les conseils du comité d’experts ont servi à orienter l’élaboration et la formulation de questions potentielles qui seront testées en prévision du recensement de 2021. Une quatrième réunion du comité consultatif devrait avoir lieu à l’été 2019.
Au printemps et à l’été 2018, Statistique Canada a procédé à des tests qualitatifs pour différentes versions du questionnaire du recensement de 2021, qui comprend de nouvelles questions pour le dénombrement des enfants d’ayants droit. Les résultats de ces tests ont fait l’objet de nombreuses discussions avec les membres du comité consultatif tout comme des questions modifiées, qui feront partie du test quantitatif qui sera effectué au printemps 2019 auprès d’un échantillon d’environ 135 000 ménages au Canada. Ce test servira à évaluer la qualité des données, et plus particulièrement la compréhension des questions, le fardeau imposé aux répondants, les filtres, l’incidence sur le taux de réponse à d’autres questions ainsi que les répercussions sur les activités. Ces éléments et les risques devront être évalués tout comme les résultats du test de 2019 avant de présenter des recommandations sur le contenu du recensement de 2021.
[Français]
J’aimerais également mentionner que des spécialistes de la méthodologie de Statistique Canada ont été consultés à de nombreuses reprises concernant le dénombrement des enfants d’ayants droit dans le cadre des activités du recensement de 2021. Un groupe de travail composé d’analystes et de spécialistes expérimentés a ainsi été mis sur pied de sorte que les meilleures méthodes statistiques soient utilisées pour dénombrer la population des ayants droit.
Comme vous pouvez le constater, Statistique Canada a travaillé en amont à l’égard de cette thématique importante et a investi une quantité considérable d’efforts et de ressources en collaboration avec plusieurs des meilleurs experts dans le domaine au pays. L’agence fédérale continuera à prendre son rôle et ses responsabilités très sérieusement à cet égard de sorte que l’examen des résultats et les décisions qui en émaneront puissent reposer sur des considérations scientifiques et objectives. Comme vous le savez, bien que Statistique Canada ait autorité sur la façon de produire des données de grande qualité, le gouvernement conserve son autorité lorsqu’il s’agit de déterminer quelles statistiques sont nécessaires.
Je vous remercie, et c’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie de votre exposé.
[Français]
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Je vous rappelle que chaque sénateur n’a que cinq minutes pour poser ses questions et recevoir les réponses des témoins. Nous ferons un deuxième tour de table si nous en avons le temps.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie de votre présence, de vos présentations et de vos réponses. L’une des critiques de la nouvelle version du règlement proposée par le gouvernement libéral était la complexité du calcul mathématique. Cette critique a été formulée notamment par le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge. Avez-vous été consulté sur le choix de cette méthode de calcul?
Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint et spécialiste en chef du programme de la statistique linguistique, Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : J’imagine que la question s’adresse aux représentants de Statistique Canada.
On a travaillé en étroite collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor qui, justement, tenait à obtenir une explication et des méthodes plus simples à comprendre. C’est ce que nous lui avons proposé.
La sénatrice Poirier : Quels seraient les impacts concrets avec cette nouvelle méthode?
M. Corbeil : La méthode qui a été adoptée par le Secrétariat du Conseil du Trésor, plutôt que de reposer sur un algorithme complexe qui était celui de la première langue officielle parlée, repose sur la population qui aurait la langue maternelle minoritaire comme seule réponse ou comme réponse multiple. À cela, on ajoute toute population qui déclare parler la langue minoritaire le plus souvent, ou de façon régulière, comme langue seconde à la maison. Cette approche est plus simple, mais elle se traduit par un effectif plus important de la population. La logique utilisée par le Conseil du Trésor était celle selon laquelle les personnes qui utilisent une langue sont plus susceptibles de demander des services dans cette langue. C’est un peu l’argument qui a été développé.
La sénatrice Poirier : Avez-vous eu un rôle à jouer dans l’application du critère de la vitalité institutionnelle? Dans l’affirmative, la définition actuelle qui se limite aux écoles est-elle un désavantage?
M. Corbeil : Nous avons tenu des discussions étroites avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et Patrimoine canadien. Pour ce qui est du volet de la vitalité, même si Statistique Canada a mené une enquête sur le sujet en 2006, c’est principalement Patrimoine canadien qui a joué un rôle d’impulsion en ce qui a trait à la mesure utilisée à cet égard. Donc, Statistique Canada ne peut pas se prononcer sur ce choix.
La sénatrice Poirier : Des changements prévus doivent entrer en vigueur en 2023. À votre avis, est-il possible que ces changements au règlement puissent être appliqués plus tôt?
M. Corbeil : La loi mentionne que les données sont celles des recensements décennaux. Le dernier recensement était celui de 2011, le suivant sera celui de 2021. Bien sûr, les données récentes sont disponibles.
Nous avons travaillé avec le Secrétariat du Conseil du Trésor pour obtenir des estimations fondées sur le recensement de 2016, de même que des estimations provenant des programmes sur la projection de la population de la part de Statistique Canada. Il reviendra au Conseil du Trésor de prendre des décisions à cet égard.
La sénatrice Poirier : Dans le Plan d’action pour les langues officielles, un financement de 3 millions de dollars sur cinq ans vous a été accordé pour appuyer la recherche et l’analyse de données. À quoi servira ce financement? Suffira-t-il pour vous permettre d’atteindre vos objectifs?
M. Corbeil : Par le passé, Statistique Canada a développé de nombreux partenariats avec différents ministères, y compris Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Patrimoine canadien, Emploi et Développement social Canada, Justice Canada et Santé Canada. Ce financement permettait à Statistique Canada de mener des activités de recherche et de diffusion de données. Toutefois, l’approche adoptée ne permettait pas de maintenir en place l’expertise, parce qu’il y avait une certaine incertitude associée au financement.
Afin de pallier ce risque, un financement a été octroyé dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles. L’objectif était, entre autres, de faire en sorte que Statistique Canada puisse disposer de fonds pour mener des activités de recherche et de développement, c’est-à-dire de s’adapter aux enjeux émergents et aux nouveaux besoins en information, et de pouvoir diffuser de l’information au profit de l’ensemble des Canadiens et des minorités de langue officielle. Il est clair qu’un financement de 3 millions de dollars sur une période de cinq ans permet une certaine stabilité. Il permet également au programme de la statistique linguistique de mener des projets à recouvrement de coûts avec d’autres ministères et agences pour répondre à leurs besoins. Cette annonce a été très positive pour Statistique Canada.
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse aux représentants d’Immigration Canada. Sur quoi est basé le choix de 4,4 ou de 4,5 p. 100 pour attirer les immigrants d’expression française à l’extérieur du Québec?
M. Manicom : Cette cible a été établie il y a longtemps, soit en 2003. À l’époque, ce pourcentage représentait la proportion des francophones hors Québec. On voulait que l’immigration maintienne la proportion de la population d’expression française hors Québec.
La sénatrice Mégie : J’ai vu que, pour l’atteindre, vous participez à Destination Canada et vous envoyez des lettres ou des invitations. D’une part, avez-vous pu évaluer la réponse? D’autre part, avez-vous pu évaluer la rétention de ces immigrants après une certaine période? Sinon, y a-t-il possibilité de le faire?
M. Manicom : La rétention des immigrants d’expression française en règle générale et la rétention au Canada? Oui.
La sénatrice Mégie : En dehors du Québec.
M. Manicom : Que voulez-vous dire par « rétention »?
La sénatrice Mégie : Je parle de ceux qui restent dans la province où ils se sont installés au départ.
M. Manicom : On a ces chiffres, mais je ne les ai pas avec moi. En règle générale, le pourcentage de gens qui déménagent entre les autres provinces et le Québec est plus ou moins semblable. On peut certainement fournir ces données précises au comité.
La sénatrice Mégie : D’accord, merci.
La sénatrice Gagné : Bienvenue, et merci d’être ici ce soir. Je vais commencer avec M. Manicom et Mme Prince. Je tiens à vous dire, d’abord, que j’ai apprécié votre témoignage. Il y a du mouvement au sein du ministère, et je tiens à vous en féliciter.
Dans son témoignage du mois de décembre, le commissaire Théberge a proposé qu’une loi modernisée désigne des institutions clés ayant un mandat spécifique dans la mise en œuvre de la partie VII. Plusieurs autres témoins ont mentionné que des institutions clés, telles qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et Statistique Canada, pourraient être désignées spécifiquement dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Croyez-vous qu’une définition plus claire de la partie VII vous aiderait dans l’application de ces principes en tant que ministère?
M. Manicom : Certainement, en règle générale. Nous menons des discussions avec le bureau du commissaire aux langues officielles. Même si la position finale du ministère n’est pas formulée, nous sommes convaincus que le fait d’apporter plus de précision à la terminologie et aux rôles et responsabilités serait avantageux. Pour le moment, je ne peux être plus spécifique, mais c’est notre approche.
La sénatrice Gagné : J’aimerais poursuivre avec la cible de 4,4 p. 100 d’immigrants d’expression française à l’extérieur du Québec. Comment fait-on pour arrimer les besoins des provinces dans le contexte du recrutement des immigrants, sachant que cette cible de 4,4 p. 100 vise l’ensemble du Canada? On sait qu’au moins le tiers de la population du Nouveau-Brunswick est francophone. Comment fait-on pour arrimer les besoins exprimés par les provinces avec la politique générale d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada?
M. Manicom : Je vais demander à Mme Prince de compléter ma réponse, mais le ministère travaille de près avec les provinces et les territoires. Cinq gouvernements provinciaux ont des cibles spécifiques en matière d’immigration francophone. Alors, pour le gouvernement fédéral, c’est 4,4 p. 100, et l’Ontario a une cible de 5 p. 100 dans le cadre de son programme des candidats des provinces. Le Nouveau-Brunswick a une cible de 33 p. 100 d’ici 2020, et le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest ont leurs propres cibles également.
Nous avons des accords de coopération avec les provinces. Elles sont invitées à nos grandes foires à Paris et à Bruxelles, et nous faisons aussi du travail dans le Nord et l’Ouest de l’Afrique. Nous intégrons leurs objectifs dans nos propres programmes de candidats des provinces. À l’avenir, il est fort probable que nous travaillions de plus en plus étroitement avec les provinces dans le cadre des programmes d’intégration pour retenir les francophones au sein des communautés. Tous les ans, je discute avec chaque sous-ministre provincial au sujet de nos programmes communs afin d’éviter les chevauchements et de combler les écarts. Maintenant, nous établissons ces réseaux de communautés d’accueil et nous élaborons ces programmes en proche communication avec les provinces et les territoires. C’est vraiment une approche collective. Nous sommes de plus en plus convaincus que l’immigration sera une réussite pour les immigrants d’expression française grâce à l’approche communautaire. Il faut être en communication étroite avec le secteur des employeurs, le secteur des soins de santé et le secteur de l’éducation dans les communautés, ce qui implique naturellement les provinces.
La sénatrice Gagné : Merci.
Corinne Prince, directrice générale, Direction générale des politiques de l’établissement et de l’intégration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Il est évident que, en travaillant avec nos collègues provinciaux et fédéraux, une étroite collaboration était nécessaire. C’est pour cette raison que tous les ministres responsables de la Francophonie, fédéraux, provinciaux et territoriaux, ainsi que tous les ministres responsables de l’Immigration, se sont réunis pour la deuxième fois, à Toronto, le 2 mars 2018. C’est à cette occasion qu’ils ont annoncé un plan d’action fédéral, provincial et territorial visant à accroître l’immigration francophone à l’extérieur du Québec. Nous avons mis en place ce plan d’action qui contient des éléments visant à renforcer les efforts de promotion, à accroître la mobilisation de l’employeur, à améliorer l’accès aux services publics et d’établissement en français ainsi qu’à favoriser la rétention des immigrants d’expression française. De plus, le ministère est en train de signer des ententes d’établissement et d’intégration avec les provinces et les territoires, et nous avons aussi créé deux annexes aux ententes d’immigration fédérales-provinciales-territoriales en ce qui a trait à l’immigration francophone, soit une avec le Nouveau-Brunswick et l’autre, avec l’Ontario.
La sénatrice Gagné : Il n’y en a pas pour d’autres provinces, comme le Manitoba?
Mme Prince : Nous avons une entente d’établissement et d’intégration avec le Manitoba, mais en vertu des ententes d’immigration fédérales-provinciales-territoriales, nous avons des annexes francophones. Jusqu’à présent, avec le Manitoba, il n’y a pas d’annexe francophone. La première a été signée avec le Nouveau-Brunswick, et la deuxième, l’année dernière, avec l’Ontario.
La sénatrice Moncion : Dans le cadre des commentaires que vous venez de faire, est-ce que vous faites de l’immigration ciblée? Vous allez me dire oui, quand vous allez, par exemple, à Paris, à Bruxelles et en Afrique du Nord, où vous ciblez des francophones. Cependant, fixez-vous des cibles encore plus précises quand vous vous rendez dans ces endroits? Ou bien cherchez-vous seulement des immigrants francophones sans vérifier s’ils ont des compétences académiques dans tel ou tel secteur, ou des expertises?
M. Manicom : Aux grandes foires internationales qui ont lieu depuis longtemps à Paris et à Bruxelles, il y a beaucoup plus de gens qui voudraient participer, mais qui ne peuvent pas être accueillis. On fait un tri des expressions d’intérêt pour sélectionner 3 000 ou 4 000 personnes qui ont des compétences professionnelles et une expérience recherchées par les groupes des provinces et les employeurs qui visitent les foires. Oui, c’est assez ouvert, mais pour permettre une vraie conversation entre les employeurs et les provinces et les territoires qui sont présents, il y a certaines limites physiques qu’impose la salle, et on invite à peu près un tiers des gens qui expriment un intérêt chaque année, en fonction du capital humain.
La sénatrice Moncion : Pour moi, c’est nouveau, je ne savais pas que le gouvernement fédéral avait des programmes ciblés. Je trouve cela intéressant, parce que vous avez parlé des ententes avec certains employeurs. J’imagine que ces employeurs déterminent un besoin et que vous travaillez avec eux pour aller chercher ces gens et les ramener ici afin de les intégrer dans le cadre des cibles d’immigration francophone.
M. Manicom : Oui. Par exemple, l’année dernière, il y avait 7 provinces et territoires, et 128 employeurs qui ont affiché des offres d’emploi dans le cadre de l’événement tenu à Paris et à Bruxelles. Le bureau à Paris a organisé 35 conférences web pour répondre plus largement à cette conversation et présenter aux candidats potentiels de l’information sur divers sujets, comme les programmes des immigrants temporaires et permanents, le marché du travail canadien, l’éducation, la collectivité francophone et les services aux nouveaux arrivants. C’est une combinaison des réseaux d’information et du jumelage spécifique des employeurs et des personnes présentes physiquement à l’événement.
La sénatrice Moncion : Maintenant, ces personnes peuvent devenir des immigrants permanents. En ce qui concerne la reconnaissance des acquis, comment cela fonctionne-t-il avec ces gens qui proviennent de ces pays? Comment faites-vous cet arrimage?
M. Manicom : La reconnaissance des diplômes professionnels et des compétences professionnelles, comme vous le savez, est un sujet extrêmement compliqué au sein de la fédération canadienne. C’est une compétence provinciale, et le dossier est pris en charge à l’échelle fédérale par le ministère de l’Emploi et du Développement social. Mme Prince est depuis longtemps experte du domaine et aurait certaines choses à ajouter.
Mme Prince : C’est une excellente question. Il y a quelques années, au ministère, nous avons mis en place un élément pour la reconnaissance des titres acquis à l’extérieur du Canada. Maintenant, nous avons deux professions ainsi que neuf organismes génériques qui font la reconnaissance des titres dans le cadre de la demande de l’immigrant. Qu’est-ce que cela veut dire pour nous et pour le candidat? Cela nous donne une équivalence dans le contexte canadien pour l’immigration et aussi pour la reconnaissance des titres visant l’obtention d’une licence. Deuxièmement, cela nous permet de vérifier si le document est légitime ou non. Auparavant, nos agents situés partout dans le monde avaient le mandat de prendre une décision sur toutes ces questions en cinq minutes, et c’était très difficile pour eux. Maintenant, nous avons des ententes avec des organismes experts qui font le travail pour nous, et le candidat inclut dans le formulaire de demande une description faite par une agence d’experts. Cela aide beaucoup, mais comme M. Manicom l’a dit, il faut travailler étroitement, même aujourd’hui, avec les organismes de réglementation et nos collègues d’EDSC.
La sénatrice Moncion : Lorsque ces gens arrivent ici, comment les intégrez-vous afin de les compter dans vos statistiques?
M. Corbeil : Bien entendu, il y a différents outils statistiques qui existent à Statistique Canada. Le recensement en est un et nous permet d’obtenir, tous les cinq ans, de l’information sur les immigrants qui sont présents au pays, car on sait qu’il y a beaucoup de mobilité. Il y a aussi la base de données sur les immigrants au Canada qui est extrêmement utile, parce qu’elle permet d’avoir des informations sur tous les immigrants qui sont arrivés au Canada depuis 1980. Ce sont les fichiers des résidents permanents que Statistique Canada obtient d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et auxquels sont jumelées les déclarations de revenus. Cela nous permet de suivre annuellement tous les immigrants qui font une déclaration de revenus au gouvernement fédéral, de savoir où ils habitent et où ils travaillent, quel est leur revenu et quelle est la mobilité entre les provinces. C’est une source d’information extrêmement riche pour suivre ces immigrants.
La sénatrice Moncion : Vous l’avez sur une base annuelle. S’ils sont encore là au bout de cinq ans, on en tient compte dans le recensement général.
M. Corbeil : Oui, mais il y a aussi des couplages de fichiers qui sont effectués entre le recensement et la base de données sur les immigrants. Ainsi, on peut voir les caractéristiques des immigrants au moment de leur arrivée et 5 ans plus tard, et s’ils sont encore dans le recensement 10 ou 15 ans après leur arrivée. Cela nous permet d’avoir une approche plus longitudinale sur leur intégration et leur insertion au marché du travail.
Le président : J’ai quelques questions à poser à M. Manicom et à Mme Prince. Vous avez parlé d’une stratégie en matière d’immigration francophone. Est-ce que le ministère compte aussi aider les communautés d’expression anglaise au Québec en termes de stratégie d’immigration? Est-ce une considération pour le ministère ou non?
M. Manicom : Le ministère a des contacts avec les communautés minoritaires anglophones au Québec à des fins de recherche et d’analyse de leur situation. Les outils du gouvernement fédéral sur l’immigration au Québec sont relativement limités, dans un certain sens. Les programmes d’intégration et d’établissement sont fournis par le gouvernement du Québec à l’aide d’une subvention de la part du gouvernement fédéral. Le service d’intégration n’est pas la responsabilité du gouvernement fédéral. La sélection des immigrants économiques relève de la province de Québec. Le gouvernement fédéral joue un rôle plus direct avec la classe des familles et des réfugiés, mais dans ces cas, les gens sont sélectionnés par leurs garants, leur conjoint ou leurs enfants. Il n’y a pas d’élément de notre stratégie d’immigration fédérale qui soit directement liée aux communautés minoritaires anglophones au Québec, sauf pour ce qui est de l’échange d’information, des meilleures pratiques, des recherches, et cetera.
Le président : Merci de cette précision. Je vais poser une question plus large. L’immigration est un enjeu qui revient constamment quand on parle des communautés en situation minoritaire et quand on parle généralement au Canada du déclin démographique et des enjeux économiques et sociaux, et cetera. Plusieurs témoins nous ont dit que les références à l’immigration et au rôle qu’elle joue, par exemple, pour favoriser le développement spécifique des milieux linguistiques, devraient être incluses dans la loi. Vous n’êtes pas législateur, mais croyez-vous que cela ferait une différence si la question de l’immigration était intégrée dans la Loi sur les langues officielles de façon très claire, comme un élément fondamental pour soutenir le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire?
M. Manicom : Vous pouvez peut-être présumer que, en fonction de mon expérience et ma carrière, je serais complètement en faveur de tous les outils qui peuvent aider le renforcement du fait linguistique pour le Québec. On a travaillé pendant 20 ans sans obtenir énormément de succès pour atteindre nos cibles visant à maintenir ou à augmenter la proportion de la population d’expression française hors Québec avec l’outil de l’immigration.
Évidemment, il y a beaucoup d’autres outils. On est optimiste pour la première fois depuis longtemps. Les chiffres commencent à bouger avec la combinaison des stratégies fédérales, surtout le changement du système de pointage dans le système d’Entrée express, qui commence vraiment à faire une différence du point de vue des statistiques. Si on peut jumeler cela avec des programmes d’intégration et de rétention plus efficaces et avec des partenariats provinciaux, on peut vraiment avoir l’espoir d’atteindre ces cibles.
Comme je l’ai mentionné au début, on est très chanceux au Canada. Certains pensent que le français sera l’une des langues parmi les plus importantes à l’échelle mondiale d’ici 50 ans. Il y a 20 ans, on pensait que ce serait l’espagnol ou le chinois. Les données démographiques changent très rapidement, et il est possible que l’anglais et le français soient les deux langues reconnues mondialement. On est très optimiste. On a un bon élan, mais cette initiative fonctionnera seulement à titre de projet intégré à l’échelle nationale. Le gouvernement fédéral ne dispose pas de tous les outils nécessaires au sein du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. À mon avis, établir les rôles, les responsabilités et des définitions plus claires serait avantageux pour tout le monde. Je ne sais pas si j’ai bien répondu à votre question.
Le président : Oui, cela répond à ma question. La réussite de la question de l’immigration au Canada ne dépend pas strictement du ministère de l’Immigration. On a l’impression que tout le monde travaille en faveur de l’immigration et que les résultats sont difficiles à obtenir. De façon succincte ou sommaire, comment travaillez-vous avec les autres ministères, le cas échéant? Comment se fait ce travail? Vous avez parlé de la table des ministres de la Francophonie, mais si vous aviez une baguette magique pour faciliter le taux de succès de l’immigration, à la lumière de vos connaissances et des compétences à l’intérieur de l’appareil gouvernemental, quelles seraient les trois actions prioritaires?
M. Manicom : C’est une très grande question. Je demanderai à Mme Prince d’ajouter des commentaires. Un partenariat entre tous les secteurs de la société doit absolument inclure un réseau complet et spécifique avec quelques douzaines de communautés, le secteur employeur et le soutien de leur gouvernement provincial. Avec une baguette magique, j’ajouterais un programme consacré à nos objectifs dans toutes les provinces et dans beaucoup de grandes villes à travers le pays et dans de nombreux secteurs d’employeurs. L’intégration de ces facteurs est extrêmement importante. Dans le monde moderne, l’outil de rétention n’est pas 160 hectares de terrain. C’est un emploi, une communauté accueillante où toute la famille veut rester. Au moment où une offre d’emploi arrive de Toronto, le nouvel arrivant se dit qu’il se sent chez lui, qu’il est heureux à l’école et dans sa communauté. Les programmes visant à créer des communautés accueillantes, à mon avis, à l’aide d’un programme de promotion et de recrutement agressif, de concert avec l’intégration des efforts déployés dans les villes avec les employeurs et les provinces doivent aller de pair. Ça, c’est le grand rêve. On constate que des progrès se réalisent. Peut-être que la tendance historique verra un changement de la diminution du pourcentage des Canadiens d’expression française hors Québec.
Le président : Merci de cette réponse.
Mme Prince : Je voudrais simplement ajouter que, si j’avais une baguette magique, les trois choses prioritaires seraient les suivantes : la première, on l’a peut-être déjà accomplie grâce au plan d’action fédéral-provincial-territorial avec le ministère de la Francophonie et le ministère de l’Immigration. C’est très important. C’est historique pour le Canada. Nous avons beaucoup d’espoir quant aux réussites à cet égard.
Deuxièmement, je crois que les définitions ne sont pas assez solides et, dans certains cas, elles n’existent pas dans la loi actuelle, surtout en ce qui concerne la partie VII, à savoir ce qu’on veut dire par l’« épanouissement des minorités francophones et anglophones » et par « appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine connaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne ». Cet aspect est très important.
Le troisième élément est le modèle que le Portugal a mis en place. Le Portugal a un ministre de l’Immigration auquel tous les autres ministères qui s’occupent des autres enjeux au pays se rapportent directement s’ils sont saisis d’une question qui touche l’immigration. La baguette magique pour le ministre de l’Immigration du Canada se traduit peut-être par un tel modèle.
Le président : Merci pour ces suggestions et ces précisions qui permettent de mieux comprendre les enjeux et la façon dont l’immigration peut s’inscrire directement dans une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il s’agit d’une idée qu’on a entendue fréquemment de la part des témoins.
La sénatrice Gagné : La même question pourrait être posée aux représentants de Statistique Canada, à savoir si, dans le cadre de la Loi sur les langues officielles, on devrait inscrire le rôle important que Statistique Canada joue dans le soutien apporté aux communautés linguistiques en situation minoritaire.
M. Corbeil : C’est un excellent point. Bien sûr, le rôle de Statistique Canada est d’éclairer le débat public sur ces réalités. Nous avons démontré à de multiples reprises que l’immigration était le principal moteur de croissance de la population et, au moment où on se parle, c’est encore le principal moteur qui fait en sorte qu’un déséquilibre démolinguistique se crée au Canada, justement en raison de la forte tendance des immigrants à adopter l’anglais à l’extérieur du Québec.
Cependant, je dirais que Statistique Canada joue ou peut jouer un rôle clé dans la mesure où il y a des choses que la loi peut faire, mais il y a beaucoup de choses que la loi ou qu’une loi ne peut pas faire. Il y a des réalités sociologiques, politiques, sociopsychologiques qui sont absolument fondamentales et qui peuvent favoriser l’intégration des immigrants. Par exemple, au Québec, les immigrants de langue anglaise représentent en fait le tiers de la population de langue anglaise. Or, ces immigrants font face à de multiples défis en termes d’intégration au marché du travail, en fonction de la discrimination possible qu’ils vivent, comme l’ensemble des immigrants d’ailleurs. Bien entendu, les données et les statistiques dont on dispose permettent d’éclairer et de mieux comprendre les forces qui agissent ou qui nuisent à leur intégration. Je crois que, effectivement, Statistique Canada a des outils qui permettent d’appuyer le développement de programmes et de politiques pour ses partenaires fédéraux et provinciaux afin qu’ils arrivent à mieux comprendre les enjeux.
Je vous donne un autre exemple, celui du Nouveau-Brunswick. Nous savons que les francophones du Nouveau-Brunswick représentent le tiers de la population de la province. Or, lors du dernier recensement de 2016, seulement 12 p. 100 des immigrants ont le français comme première langue officielle. C’est un défi important. Il n’y a pas de baguette magique qui permettrait de régler ces enjeux. Nous savons, par exemple, que le Nord du Nouveau-Brunswick vit aussi un exode vers les régions plus dynamique socioéconomiquement parlant, soit vers le sud, et les immigrants n’ont pas tendance à aller s’établir dans le nord où l’économie est moins dynamique. Il y a un vieillissement de ces populations, et il faut mieux comprendre les phénomènes qui peuvent entraver ou encourager le développement des communautés. Bien entendu, Statistique Canada est, au premier chef, une agence qui peut éclairer le débat public à cet égard.
La sénatrice Gagné : Merci.
Le président : Ma question s’adresse au représentant de Statistique Canada. Peut-être y avez-vous déjà répondu. Prévoyez-vous ajouter une question dans le recensement de 2021 permettant d’identifier les ayants droit? Est-ce que vous prévoyez ajouter une question au formulaire long ou au formulaire court?
M. Corbeil : C’est une longue discussion. En fait, Mme Badets a mentionné que Statistique Canada s’est engagé à prendre cette demande au sérieux, mais comme vous le savez, la détermination du contenu du recensement est quelque chose qui est extrêmement complexe. Statistique Canada a reçu environ 3 000 demandes différentes visant à ajouter des questions au recensement, qu’il s’agisse des peuples autochtones, des personnes transgenres, de mesurer les ayants droit, et ainsi de suite. Ce que l’on sait du contenu en ce moment, c’est que parmi ces questions, il y aura deux questions au Québec et trois questions à l’extérieur du Québec qui feront maintenant partie du test du recensement qui sera mené au mois de mai. Évidemment, toute l’analyse doit être faite pour évaluer si les résultats sont probants, si les données sont de qualité, si les taux de réponse sont satisfaisants, s’il n’y a pas de conséquences négatives sur les autres questions ou les autres modules. Donc, avant de prendre des décisions ou de faire quelque recommandation que ce soit au Cabinet, Statistique Canada doit faire toutes ces analyses.
Il est trop tôt en ce moment pour se prononcer quant à savoir s’il y aura ou non une question, qu’il s’agisse du questionnaire détaillé ou du questionnaire abrégé. En ce moment, dans le test du recensement, les questions sur les ayants droit représentent, en plus des questions de langue actuelles, près de 60 p. 100 des questions posées dans le questionnaire abrégé. Il faut donc évaluer les répercussions possibles d’une telle situation sur l’ensemble des répondants à travers le pays.
Le président : Est-ce qu’il serait réaliste d’exiger que ce soit inscrit dans la loi? Des témoins l’ont suggéré.
M. Corbeil : Vous parlez de la Loi sur les langues officielles?
Le président : Oui.
La sénatrice Gagné : Sur le dénombrement.
Le président : Sur le dénombrement, oui.
M. Corbeil : Il faut tenir compte aussi des dispositions de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Constitution, bien qu’elles ne fassent pas partie de la Loi sur les langues officielles. Cependant, vu d’un autre côté, le dénombrement des ayants droit peut certainement favoriser, en ayant une information plus actuelle, le développement et l’épanouissement des communautés. Cela reste à voir, parce que la question est toujours de savoir si c’est le recensement qui est le meilleur outil, par exemple. On sait que Statistique Canada recueille chaque année des données au moyen des fichiers administratifs des provinces et des territoires sur les inscriptions actuelles dans les écoles de la minorité. N’y a-t-il pas d’autres solutions qui permettraient de travailler avec les provinces de sorte que, dans une vision à long terme, il serait possible de recueillir de l’information sur le sujet? De là à dire qu’un élément de la loi précise que la question doit être dans le recensement, c’est une chose, mais dans une loi, nous pourrions indiquer qu’il y a un besoin de dénombrer cette population de façon régulière, et la façon d’atteindre cet objectif peut varier selon les besoins et selon les agences et les institutions qui participent à ce travail.
Le président : Sur ce, messieurs, mesdames, merci beaucoup de vos présentations et de ces échanges fort instructifs.
Dans le cadre du cinquième volet de notre étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles qui porte sur les institutions fédérales, nous avons le plaisir d’accueillir deux représentants de la Banque de l’infrastructure du Canada : Pierre Lavallée, président-directeur général, et Frédéric Duguay, avocat général et secrétaire de la Société.
Pierre Lavallée, président-directeur général, Banque de l’infrastructure du Canada : Bonsoir. Je suis heureux d’être parmi vous ce soir à Ottawa, une ville que je connais bien pour y avoir grandi, poursuivi mes études postsecondaires aux premier et deuxième cycles, et amorcé ma carrière, premièrement comme stagiaire parlementaire et ensuite comme délégué commercial à ce qui était, à l’époque, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Je souhaite commencer par souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire non cédé des Algonquins. Je vous présente mon collègue, Frédéric Duguay, qui, en plus de ses fonctions d’avocat général et de secrétaire de la Société, assume le rôle de champion des langues officielles au sein de la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC).
Nous tenons à vous remercier de l’occasion qui nous est offerte aujourd’hui de présenter la façon dont la Banque de l’infrastructure du Canada s’acquitte de son mandat et de vous faire part des mesures prises pour renforcer nos capacités afin de garantir la promotion et le respect des langues officielles au sein des activités de la banque.
Je tiens à vous mentionner qu’il est primordial de m’assurer que la promotion et le respect des deux langues officielles sont de grandes priorités et font partie intégrante des activités et de la culture organisationnelle de la BIC.
Je sais pertinemment bien que la dualité linguistique est pour le Canada un atout inestimable et que nous ne devons pas la tenir pour acquise. On s’en rend compte lorsqu’on vit, comme certains d’entre vous que je viens de rencontrer, en milieu minoritaire, comme je l’ai fait pendant deux ans en Colombie-Britannique et comme je le fais depuis plus de 25 ans à Toronto. C’est d’ailleurs cette expérience en Colombie-Britannique qui m’a incité à poursuivre mes études universitaires en français à l’Université d’Ottawa.
À titre de président-directeur général, ce sont plus de 30 ans d’expérience au sein du gouvernement fédéral et dans le monde des affaires et des investissements que j’amène avec moi à la banque. La BIC a pour mandat d’investir 35 milliards de dollars, au cours de la prochaine décennie, dans de nouveaux projets d’infrastructure qui génèrent des revenus, qui attirent des capitaux privés et qui sont dans l’intérêt public. Notre mandat est à la fois ambitieux et réalisable. C’est avec le plus grand soin que nous réunissons une équipe expérimentée de professionnels de l’investissement et des infrastructures de façon à nous assurer d’atteindre nos objectifs.
Notre engagement à l’égard des deux langues officielles se reflète, entre autres, dans nos nominations au sein de l’équipe de direction. Parmi nos six employés qui ont le plus d’ancienneté à la banque, nous comptons trois francophones, y compris notre chef de l’élaboration de projets, notre avocat général et moi.
Je dois reconnaître que, au cours des premiers mois de la courte existence de la banque, nous avons fait face à certains défis pour respecter toutes nos obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Nous avons mis en place un plan d’action clair, incluant la nomination de notre avocat général comme champion des langues officielles. Mon engagement personnel est clair et sérieux. Je l’ai d’ailleurs communiqué sans équivoque à notre ministre responsable, l’honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, ainsi qu’à notre conseil d’administration.
Les mesures prises par la BIC comprennent le renforcement de nos capacités à communiquer et à offrir nos services aux membres du public dans la langue officielle de leur choix. Notre champion des langues officielles élabore présentement un plan d’action et une politique sur les langues officielles, qui vise à énoncer et à communiquer les valeurs, les rôles administratifs et les processus liés aux langues officielles au sein de la BIC. Notre chef des affaires publiques et des communications met sur pied son équipe en ce moment, et le bilinguisme sera de rigueur pour les postes de communications et de relations externes.
Tout en déployant les efforts nécessaires à l’atteinte de nos objectifs, nous bâtissons notre équipe et la BIC continue de recruter une main-d’œuvre diversifiée et bilingue. En tant que nouvelle société d’État qui se structure et se met en place, nous prenons très au sérieux notre obligation d’exercer nos activités et de communiquer dans les deux langues officielles. Les mesures prises à cet égard comprennent notamment la mise en place de services bilingues, en personne ou par téléphone, et la tenue, en novembre dernier, d’une assemblée publique en français et en anglais.
La BIC offre un site web bilingue. Elle gère ses activités sur les médias sociaux dans les deux langues officielles et continue de renforcer ses capacités en matière d’interaction avec la clientèle de façon à offrir la prestation de ses services en français et en anglais.
La BIC collabore avec ses partenaires gouvernementaux à tous les niveaux et avec les investisseurs privés et institutionnels. Nous travaillons avec le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires, les municipalités et les communautés autochtones pour appuyer la planification de leurs priorités en matière de projets d’infrastructure et pour bien comprendre leurs plans à court et à plus long terme.
Notre mandat consiste également à codifier et à assurer la diffusion des meilleures pratiques mondiales, à créer un inventaire des projets d’infrastructure canadiens et à faire la synthèse d’informations soutenant la prise de meilleures décisions fondées sur des données probantes. Ce que nous voulons, c’est combler le vide qui puisse empêcher un projet de voir le jour ou de se structurer le mieux possible de façon à attirer des capitaux privés pour construire plus d’infrastructures à travers le pays.
Notre équipe est engagée à l’heure actuelle dans une dizaine de projets. Le leadership de notre chef des investissements par intérim, M. Bruno Guilmette, nous a permis de conclure une première transaction, soit un investissement de 1,28 milliard de dollars dans le Réseau express métropolitain (REM). Le REM va permettre d’améliorer substantiellement les services de transport urbain à Montréal. C’est un bon exemple de l’apport important de capitaux privés dans un projet transformateur. C’est aussi une illustration éloquente de ce que la banque cherche à offrir, c’est-à-dire des solutions sur mesure pour chacun des projets qui correspond à son mandat. C’est ainsi que nous soutiendrons les premiers pas du REM. Toutefois, nous prévoyons que, d’ici 15 ans, celui-ci sera refinancé sur les marchés privés et remboursera notre prêt.
Ensemble, nous voulons créer plus d’infrastructures pour les Canadiennes et les Canadiens, tout en créant le meilleur marché d’infrastructures au monde. Nous croyons pouvoir faire de la BIC un exemple d’innovation que d’autres pays chercheront à imiter. Nous comptons atteindre ces objectifs en respectant notre engagement de servir les Canadiennes et les Canadiens dans la langue de leur choix, avec une organisation dirigée en grande partie par des dirigeants chevronnés qui possèdent des compétences dans les deux langues officielles.
Je vous remercie de nous avoir invités ce soir. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Lavallée. Nous allons commencer notre période d’échanges avec les sénateurs et sénatrices.
La sénatrice Poirier : Bonsoir, et merci d’être avec nous. Depuis que le gouvernement a mis sur pied la Banque de l’infrastructure du Canada, vous avez beaucoup de difficulté à respecter vos obligations en matière de langues officielles. Une des lacunes que nous avons constatées, dans le cadre de cette étude, c’est un manque de leadership. La ministre Joly vous a-t-elle rencontrés afin de vous guider et de vous épauler lorsqu’il est question de vos obligations en matière de langues officielles? Dans l’affirmative, à combien de reprises vous a-t-elle rencontrés?
M. Lavallée : Nous n’avons pas rencontré la ministre Joly à ce sujet. Nous avons, par contre, échangé avec Commissariat aux langues officielles et les gens avec qui nous travaillons au ministère de l’Infrastructure et des Collectivités pour mettre en place les actions nécessaires dans le but de remplir nos obligations.
La sénatrice Poirier : Quel genre d’encadrement, s’il y a lieu, le gouvernement vous a-t-il donné afin de vous aider à respecter vos obligations en matière de langues officielles?
M. Lavallée : Pourriez-vous répéter la question?
La sénatrice Poirier : Quel genre d’encadrement, s’il y a lieu, le gouvernement vous a-t-il donné afin de vous aider à respecter vos obligations en matière de langues officielles?
M. Lavallée : Nous avons, en collaboration avec les fonctionnaires du ministère de l’Infrastructure et des Collectivités, bénéficié de conseils sur les différents aspects des obligations qui incombent à chaque société d’État, y compris la Banque de l’infrastructure du Canada. C’est avec ces conseils qu’on a mis en place les procédures et les règles qui existent aujourd’hui à la banque.
Il faut se rappeler que la banque est toute nouvelle. Certaines des difficultés que nous avons eues à respecter nos obligations, que nous ne nions pas, ont eu lieu à l’époque où il n’y avait que quelques employés à la banque, et même avant mon arrivée. C’est depuis mon arrivée et celle de notre avocat général qu’on a pu mettre en place des politiques et des processus plus spécifiques et complets. Ces mesures ont été mises en place au cours des quelques derniers mois.
La sénatrice Poirier : Si vous n’avez pas rencontré la ministre Joly, ce n’est donc pas d’elle que vous avez appris vos obligations en matière de langues officielles.
M. Lavallée : Effectivement, puisque nous n’avons pas rencontré la ministre Joly.
La sénatrice Moncion : Quelle est la langue de travail au sein de votre organisme à l’heure actuelle, qui est située en plein cœur de Toronto?
M. Lavallée : Je puis vous dire que la langue courante de travail dans l’industrie des investissements, à Toronto, pour avoir passé quelques années au sein de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada avant de me joindre à la Banque de l’infrastructure du Canada, c’est l’anglais, bien sûr. Quand on a l’occasion de travailler avec des collègues francophones, on peut travailler en français, ce qui ne nous empêche pas, à l’interne, de travailler dans les deux langues officielles — ce que nous faisons très couramment. Il serait un peu étrange pour Frédéric et moi de communiquer entre nous en anglais, ou avec Bruno Guilmette, avec qui j’ai collaboré pendant plusieurs mois alors qu’il était notre chef intérimaire des investissements.
Il est aussi important de se rappeler que la banque, c’est la Banque de l’infrastructure du Canada, et non celle de Toronto. Nous avons des partenaires provinciaux qui préfèrent travailler en français plutôt qu’en anglais, et il nous incombe, à la BIC, d’être capables de travailler avec eux dans la langue de leur choix, ce qu’on a pu faire dans le dossier du REM avec Bruno Guilmette à la tête de l’effort et, bien sûr, de l’autre côté, avec la Caisse de dépôt et placement du Québec. Vous pouvez comprendre que la langue de travail était le français, en prédominance, mais pas uniquement.
Dans notre domaine, même si tous les participants sont francophones autour de la table, une bonne partie de leur expérience d’investissement s’est déroulée en anglais et donc, parfois, les gens tombent dans l’anglais. Ce n’est pas nécessairement notre choix. D’autres fois, il y a des conseillers spécialisés qui sont amenés au dossier par l’une ou l’autre des parties qui, elles, travaillent en anglais, donc il faut s’ajuster. L’important, c’est de pouvoir offrir les deux choix, afin que notre contrepartie puisse choisir la langue de son choix.
Le président : Madame la sénatrice a bien dit que votre organisation est située à Toronto, et la Banque de l’infrastructure du Canada n’a pas d’obligation à respecter à l’égard de la partie V de la loi afin de créer un milieu de travail propice à l’utilisation des deux langues officielles. Alors, il y a plusieurs témoins qui demandent d’élargir la liste des régions désignées aux fins de la langue de travail dans la loi pour accroître ou renforcer la partie V de la loi.
Est-ce que vous verriez un tel changement comme l’occasion de favoriser un milieu de travail où les deux langues officielles ont d’égales capacités de s’épanouir au sein de votre organisme ou bien le voyez-vous comme un défi? Dans la partie V de la loi, il y avait cette question d’élargissement des régions bilingues.
M. Lavallée : Nous le faisons aujourd’hui, pas parce qu’on nous oblige à le faire de par la loi, mais parce que cela fait partie des mœurs. De la même façon, quand on se rencontre comme on l’a fait la semaine dernière avec un collègue anglophone, mais bilingue, les deux tiers du temps, on fonctionne en français. Donc, on le fait parce que cela fonctionne bien plutôt que par obligation.
L’élargissement de la liste permettrait de mieux comprendre ce que cela implique en termes de bassin de population cible pour nous comme employeur. Ce n’est pas toujours facile de recruter des francophones à Toronto, pour l’avoir fait maintenant depuis 27 ans, car avant l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, j’ai été conseiller en stratégie avec un bureau pancanadien, mais avec un besoin de travailler partout au pays. Donc, j’ai fait le recrutement là aussi, mais ce n’est pas facile. Il faut se rendre compte que ce n’est pas facile de recruter 40, voire 50 p. 100 des effectifs qui seraient francophones ou bilingues. Ce n’est pas juste une question d’être bilingue, mais il faut être assez bilingue pour travailler dans la langue, ce qui représente un autre niveau. J’avoue que cela pourrait nous présenter un défi. Peut-être que je devrais vous poser la question : dans l’obligation qui nous serait imposée, si Toronto faisait partie de la liste des régions de la partie V, s’agirait-il de déterminer la proportion de nos employés par rapport à la proportion de nos activités?
La sénatrice Gagné : Ce que je comprends, c’est que l’employé a le droit de travailler dans la langue de son choix. C’est ce qui est indiqué dans la partie V de la Loi sur les langues officielles.
M. Lavallée : Si ce n’est pas une question de prévoir qu’une partie de nos effectifs soit bilingue, c’est une question liée à l’employé, comme on le fait aujourd’hui. À l’heure actuelle, si quelqu’un veut travailler en français, il le peut. Donc, à cet égard, je ne vois pas comment cela nous imposerait un fardeau plus sévère que celui de notre pratique courante aujourd’hui.
Frédéric Duguay, avocat général et secrétaire de la Société, Banque de l’infrastructure du Canada : Puisque la BIC est nouvelle, c’est une occasion pour nous aussi, car on est en mode de croissance et on embauche de nouveaux employés. Comme M. Lavallée l’a dit, quand on cherche à pourvoir des postes où on a besoin de quelqu’un qui peut offrir les services dans la langue de choix du public, que ce soit dans le domaine des communications ou à la réception de notre bureau, ce sont des postes où on recrute dans les deux langues. Je dirais que, comme nous sommes encore au début de notre histoire, à la BIC, on peut l’envisager comme une occasion. Par contre, si nous étions une organisation plus mature avec un personnel d’une centaine d’employés, et si les exigences de la partie V nous étaient imposées, la situation serait différente pour nous.
Le président : Je comprends que c’est plus facile à réaliser pour vous, puisque vous êtes en développement, ou est-ce que c’est moins faisable?
M. Duguay : On peut l’envisager comme une occasion.
La sénatrice Poirier : Pouvez-vous me dire quel pourcentage de votre personnel est bilingue?
M. Duguay : Depuis que je suis entré en fonction au mois de novembre, notre personnel a doublé. Je n’ai pas les statistiques sur notre personnel, car nous avons lancé des offres d’emploi et un nouveau personnel se joindra à nous. Il faudrait que je vous revienne là-dessus.
La sénatrice Poirier : Merci de transmettre cette information à notre greffier.
M. Lavallée : Ça change chaque semaine. Sur les six cadres supérieurs, il y a trois francophones, une personne qui est bilingue, et les deux autres comprennent le français, mais ne peuvent travailler en français. Aujourd’hui, c’est quatre personnes sur six de l’équipe de direction qui peuvent travailler en français. Ce n’est pas la norme, je ne veux pas l’établir comme étant la règle pour l’ensemble des effectifs de la banque à l’avenir. Pour l’instant, c’est le tempo qu’on se donne et ce n’est pas par hasard qu’on y est arrivé.
La sénatrice Moncion : Dans votre plan d’action et vos politiques sur le bilinguisme, en fonction du travail qui se fait à la banque, vous avez également mentionné le service aux Canadiens et Canadiennes, donc au grand public. Cependant, vous n’êtes pas un service grand public auquel les gens font appel pour faire des dépôts et des retraits; vous travaillez vraiment avec une clientèle très spécifique. Ainsi, vous êtes au début de la formulation de cette fameuse politique, et il faut qu’elle soit fonctionnelle pour vous. J’aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Duguay : La politique sur les langues officielles, c’est une politique qui régit la structure de gouvernance à l’intérieur de la banque quant à l’usage des langues officielles. La politique qu’on va mettre en place démontre la structure par rapport à l’équipe de direction et au leadership en matière de langues officielles, et les responsabilités du champion des langues officielles au sein de la banque. La BIC tient compte des langues officielles dans l’élaboration de ses plans stratégiques et d’entreprise chez ses employés. Cet aspect est pris en considération dans les postes clés à l’intérieur de la banque. Comme vous le dites, on fait affaire dans un domaine qui est très spécialisé, mais rien ne nous empêche de nous fixer des objectifs en matière de langues officielles. Donc, on a des obligations en vertu des services qu’on offre.
Dans le cadre de ces postes clés, nous déterminons ceux qui nécessitent un niveau de bilinguisme. Nous allons encourager nos employés à perfectionner leur langue seconde. Nous allons lancer une demande de propositions très bientôt pour nous doter d’un service de perfectionnement de langue seconde au sein de la banque. Il y a du travail qui a été fait dans nos processus internes quant à la traduction et à la révision des textes avant leur publication en ligne. Cela établit notre système de gouvernance et les processus pour lesquels nous allons mettre en œuvre notre politique en matière de langues officielles.
La sénatrice Moncion : Votre conseil d’administration fonctionne-t-il en français ou en anglais?
M. Lavallée : Notre conseil d’administration fonctionne surtout en anglais.
La sénatrice Moncion : Avez-vous envisagé la possibilité d’adopter une politique de traduction simultanée?
M. Lavallée : Pas encore. Ce serait une décision prise par le conseil d’administration lui-même. La direction peut toujours lui suggérer quelque chose, mais la décision lui revient. Il faut respecter son droit de gouvernance.
La sénatrice Moncion : Quand on est francophone et qu’on doit continuellement s’exprimer en anglais, pour moi, qui n’ai tout de même pas de difficulté à m’exprimer dans les deux langues, je préfère m’exprimer en français, parce que mon vocabulaire est beaucoup plus large et que je trouve cela plus facile. Il est toujours plus facile pour les francophones de langue première, même pour ceux qui sont très bilingues, de s’exprimer dans leur langue première.
Vous avez probablement la possibilité de le faire et de l’insérer à vos politiques de façon à permettre à tout le monde de s’exprimer aisément dans sa langue.
M. Lavallée : Je l’ai pris en note, et j’en parlerai au président du conseil.
La sénatrice Mégie : Toutes mes questions ont été posées par la sénatrice Moncion, sauf une. Ce n’est pas une question piège. Je salue votre promotion du bilinguisme au sein de votre travail et de votre personnel, mais risqueriez-vous de perdre des investissements? Le monde dans lequel vous nagez, celui des affaires, est anglophone. Risqueriez-vous de perdre de grands investisseurs francophones s’il manquait de personnel pour échanger avec eux en français?
M. Lavallée : Si nous n’avons pas la capacité de travailler avec eux dans la langue de leur choix, il est possible qu’ils choisissent de travailler avec d’autres ou de se concentrer ailleurs. Comme je l’ai dit dans mes commentaires au début, le fait que le Canada soit un pays doté de deux langues officielles est un atout. Le fait de pouvoir travailler en français avec des investisseurs canadiens qui préfèrent travailler en français est clairement un atout, non seulement parce qu’ils reconnaissent que nous pouvons ensuite faire le travail ensemble dans la langue de leur choix, mais parce que, en début de parcours, il est plus facile de tisser des liens dans la langue dans laquelle on est à l’aise plutôt que dans une langue seconde.
À l’international, il y a évidemment des investisseurs francophones, et ce, de façon institutionnelle, par exemple, les grandes compagnies d’assurances françaises, belges et suisses. De plus, au niveau personnel, de par mon expérience, il y a des Canadiens français et des francophiles qui se retrouvent dans différentes institutions un peu partout à travers le monde et avec qui nous avons l’occasion de faire affaire. Le fait de pouvoir leur parler en français nous aide. C’est un atout qui nous permet d’ajouter à tout le reste de notre proposition d’investissement pour nos investisseurs.
La sénatrice Mégie : N’y a-t-il pas un risque qu’un investisseur fasse volte-face et décide d’aller voir ailleurs?
M. Lavallée : De par mon expérience personnelle — pas nécessairement au sein de la Banque de l’infrastructure du Canada, mais auparavant, avec mes clients chez Bain & Co. qui étaient aussi des investisseurs —, il est évident qu’il y a un lien lorsqu’un francophone envisage un investissement au Québec ou chez une compagnie qui travaille en français, mais est-ce que ce même investisseur, lorsqu’il envisage une compagnie en Ontario ou ailleurs au pays qui fonctionne en anglais, se dit ceci : « Ils fonctionnent en anglais, alors je ne m’y arrête pas. » Pas vraiment. À notre niveau, les gens fonctionnent dans les deux langues ou, dans le cas de certains investisseurs étrangers, plus de deux langues. Je ne pense pas qu’on les perdrait. Il s’agit plutôt d’un atout.
La sénatrice Mégie : Merci.
Le président : J’ai une question qui s’inscrit dans la même veine. En tant qu’institution fédérale, vous devez respecter la Loi sur les langues officielles au même titre que les autres grandes institutions. Vous nous avez beaucoup parlé du personnel et des considérations linguistiques afin de respecter la loi à l’intérieur de l’appareil de votre institution, mais j’aimerais mieux comprendre comment la lorgnette des langues officielles est mise sur vos ententes et vos investisseurs.
Vous disiez plus tôt que vous travaillez avec les provinces et que vous investissez de façon prioritaire dans le transport en commun, le commerce et le transport et les infrastructures vertes. Adoptez-vous, dans votre spectre de critères, la lorgnette des langues officielles quand vous recherchez des partenariats d’investissement? Tenez-vous compte aussi de la réalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire? Est-ce que cela s’applique aussi à ces communautés ou pas?
M. Lavallée : Dans nos activités d’investissement, on ne cherche pas à bâtir un portefeuille avec une distribution spécifique, qu’elle soit géographique, par secteur, par sous-secteur ou autre. Il s’agit de bien comprendre où est l’intérêt public, c’est-à-dire les priorités des différents ordres de gouvernement, pour ensuite cerner les projets qui, sans notre apport, resteraient sur les tablettes. Nous n’avons pas de rôle ou de plan d’action spécifique qui définit les régions géographiques et comment on s’y attaque. On cherche à bâtir une équipe capable de travailler partout au pays dans la langue de choix des intervenants.
Le chef de l’élaboration des projets, qui est notre tête de proue pour les discussions sur les projets en amont, est François Lecavalier. Il a grandi à Saint-Jean-sur-Richelieu et peut faire affaire dans les deux langues officielles. Si, au Nouveau-Brunswick, les gens préfèrent travailler en français, pour nous, ce n’est pas un problème. Si, à Montréal, les gens veulent qu’on fasse affaire en anglais, ce n’est pas un problème non plus. On compose avec les attentes de nos partenaires plutôt que de procéder de façon systématique et plus ciblée.
Le président : Je veux m’assurer d’avoir bien compris. Vous n’avez pas de mesures actives. Si ça convient, ça s’applique, mais comme institution fédérale, vous n’avez pas de mesures actives pour traiter la question de la Loi sur les langues officielles, car les préoccupations des investisseurs et des investissements sont économiques. Je me demandais si vous aviez une approche en amont dans les stratégies d’investissement. Peut-être que je comprends mal comment vous fonctionnez, puisque vous êtes une nouvelle institution. Dans le contexte de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, comme institution fédérale, c’est une question qu’on peut se poser.
M. Lavallée : Ce n’est pas un facteur limitatif ou un facteur qui définit nos activités. Nous n’avons pas encore été contraints dans nos activités par les questions qui touchent les langues officielles. Aujourd’hui, on a seulement un bureau. Ce n’est pas comme si on avait 23 bureaux à travers le pays où il faut s’assurer que chacun des bureaux soit représentatif de la région ou de la sous-région. On n’a pas cette définition de nos activités.
Le président : Merci beaucoup de votre réponse.
La sénatrice Gagné : Vous êtes en train d’élaborer votre plan de développement des ressources humaines. C’est ce que je comprends. Combien de postes sont désignés bilingues et combien y a-t-il de postes pour lesquels le bilinguisme est un atout? Avez-vous commencé à réfléchir à cela?
M. Duguay : On n’a pas nécessairement défini chaque poste pour déterminer si le bilinguisme serait obligatoire ou seulement un atout. Au siège social à Toronto, les postes clés comme celui de réceptionniste sont bilingues. Notre chef des communications et des affaires publiques, qui vient d’entrer en poste, est en train de bâtir son équipe. Il a désigné au moins deux postes où le candidat doit être bilingue.
Je suis en train de bâtir mon équipe juridique. Le premier poste que j’ai pourvu est bilingue. L’employée travaille dans les deux langues. Puisque notre travail demande beaucoup de précision, le poste doit être bilingue. Je vais laisser M. Lavallée parler des autres groupes, mais voilà où on en est rendu.
La sénatrice Gagné : Avez-vous déterminé le nombre de postes dont vous aurez besoin au cours des cinq prochaines années et, parmi ceux-ci, quelle sera la proportion de postes bilingues? L’idéal serait que les postes soient tous bilingues, non?
M. Lavallée : C’est l’idéal, mais en réalité, on ne pourra pas pourvoir tous les postes avec du personnel bilingue dans notre domaine.
La sénatrice Gagné : La réalité, d’après ce que je comprends, c’est d’établir une proportion d’employés bilingues dans des postes clés.
M. Lavallée : Les postes varient selon les équipes et les interactions avec l’externe et l’interne. Dans tous les cas, le bilinguisme est un atout, donc...
La sénatrice Gagné : Il n’y a pas de poste où on exige le bilinguisme.
M. Lavallée : Non. C’est certainement un atout dans tous les postes. Toutefois, dans certains postes, le bilinguisme est exigé. Il faudrait revenir avec la détermination spécifique dans l’ensemble avec l’évolution. Il y a six mois, nous étions 5 et aujourd’hui, nous sommes 20. De nouveaux membres viennent s’ajouter aux différentes équipes à divers rythmes, et ça change littéralement chaque semaine. On est en train d’élaborer le plan d’entreprise pour l’an prochain. On pourrait vous dire ce qu’on anticipe comme effectifs maintenant et sur une plus longue période. On a pris l’engagement de travailler dans les deux langues officielles et d’avoir suffisamment de personnel en place pour être en mesure de livrer la marchandise dans toutes les équipes, comme on a besoin de le faire avec les intervenants partout au pays.
La sénatrice Moncion : J’aimerais ajouter un petit commentaire. Il est important de comprendre les exigences de la Loi sur les langues officielles en ce moment, pendant que vous êtes en train de mettre en place cette structure, pour qu’elle soit là pour toujours ou pour longtemps.
Le président : S’il n’y a pas d’autres questions, monsieur Lavallée, monsieur Duguay, je vous remercie de votre témoignage et d’avoir échangé avec nous. Nous vous remercions.
(La séance se poursuit à huis clos.)