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Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 38 - Témoignages du 18 mars 2019


OTTAWA, le lundi 18 mars 2019

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 16 heures, pour examiner, afin d’en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles, et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, le Comité sénatorial permanent des langues officielles poursuit son étude sur la perspective des Canadiennes et des Canadiens sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Aujourd’hui, nous poursuivons le cinquième volet de cette étude qui porte sur les institutions fédérales.

Nous avons le plaisir d’accueillir, du Commissariat aux langues officielles, M. Pierre Leduc, commissaire adjoint à la Direction générale des politiques et des communications, Mme Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe à la Direction générale de l’assurance de la conformité, ainsi que Mme Pascale Giguère, avocate générale à la Direction générale des affaires juridiques.

Nous avons également le plaisir d’accueillir, du Commissariat à la protection de la vie privée, M. Brent Homan, sous-commissaire, Secteur de la conformité, et M. Regan Morris, conseiller juridique, Direction des services juridiques.

Avant de passer la parole à nos témoins, j’invite les membres du comité à bien vouloir se présenter, en commençant par la vice-présidente.

La sénatrice Poirier : Bonsoir et bienvenue. Je suis Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

Le président : Bienvenue à notre comité. Madame Giguère, la parole est à vous.

Pascale Giguère, avocate générale, Direction générale des affaires juridiques, Commissariat aux langues officielles : Merci beaucoup. Mesdames et messieurs, monsieur le président, bonjour.

À la suite de la comparution devant votre comité de Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles, le 10 décembre dernier, nous sommes heureux d’être invités aujourd’hui à titre de représentants du Commissariat aux langues officielles afin de vous offrir des renseignements techniques sur certains mécanismes d’exécution qui ont été mentionnés par le commissaire ainsi que par d’autres témoins.

Je suis accompagnée de Mme Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe à la Direction générale de l’assurance de la conformité, et de M. Pierre Leduc, commissaire adjoint à la Direction générale des politiques et des communications. Ensemble, nous tenterons de répondre à vos questions sur la mise en œuvre de certaines des propositions énoncées par le commissaire.

Je note que nous sommes également en excellente compagnie avec nos collègues du Commissariat à la protection de la vie privée.

[Traduction]

Afin de nous aider dans cet exercice, nous avons pensé qu’il serait utile de vous fournir une série de documents soulignant les divers éléments techniques à considérer pour chacune des propositions. Je vous invite à ouvrir le document que vous avez sous les yeux. Comme vous le verrez dans la table des matières de notre recueil, la section 1 contient plusieurs documents qui traitent des sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, comme nous les appelons en français, et AMP en anglais. Nous avons également inclus de l’information sur les accords de conformité et quelques exemples pratiques dans la section 2.

[Français]

Finalement, nous avons inclus certains renseignements sur la procédure de recours à la Cour fédérale qui existe actuellement dans la Loi sur les langues officielles, que vous trouverez à la section 3, ainsi qu’une illustration de la place qu’occupent les tribunaux administratifs au sein du système judiciaire canadien.

En décembre dernier, le commissaire vous a présenté sa vision de la modernisation de la loi. Au mois de mai, il étayera sa position à ce sujet.

[Traduction]

Entretemps, notre objectif est de vous aider et de répondre à vos questions sur la mise en œuvre de certains des mécanismes mentionnés par le commissaire. C’est donc avec plaisir que je répondrai à vos questions, en me référant aux documents que vous avez sous les yeux. Merci.

[Français]

Le président : Merci, madame Giguère.

Monsieur Homan, vous avez la parole.

Brent Homan, sous-commissaire, Secteur de la conformité, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, bon après-midi. Je suis accompagné, aujourd’hui, de M. Regan Morris, conseiller juridique. J’aimerais remercier le comité de me donner l’occasion de parler des accords de conformité dans le cadre de son étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Le Commissariat à la protection de la vie privée a pour mandat de mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les plaintes concernant la gestion de renseignements personnels dans des entreprises assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, ainsi que des organismes gouvernementaux assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le Commissariat à la protection de la vie privée n’a aucun pouvoir direct d’application de la loi. Il peut chercher à régler une plainte au moyen de la négociation, de la persuasion et de la médiation, et il peut formuler des recommandations pour éviter que les problèmes ne se reproduisent. Le commissaire n’a pas le pouvoir de rendre des ordonnances ni d’imposer des amendes.

[Traduction]

Si un organisme du secteur privé ne se conforme pas à nos recommandations en vertu de la LPRPDE, le commissariat peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance enjoignant au répondant de prendre des mesures pour corriger ses pratiques. La cour peut également accorder des dommages-intérêts à un plaignant. Le commissariat peut également conclure un accord de conformité volontaire avec une organisation du secteur privé afin de s’assurer que celle-ci respecte les engagements qu’elle a pris auprès du commissariat pour corriger ses pratiques.

La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public ne prévoit actuellement aucun mécanisme équivalent. Le commissariat est habilité à conclure des accords de conformité avec des organisations du secteur privé depuis 2015, année de la modification de la LPRPDE aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques.

À ce jour, nous avons conclu quatre accords de conformité. Notre expérience à l’égard des accords de conformité a généralement été positive, mais il est clair que leur efficacité peut encore être améliorée.

D’une part, ils nous permettent d’être flexibles. Nous pouvons inclure dans l’accord de conformité toutes les conditions que nous jugeons nécessaires pour garantir la conformité. Nous pouvons utiliser un accord de conformité pour mettre en évidence des problèmes de grande ampleur ou très préoccupants pour le commissariat ou la population canadienne. À ce jour, les accords de conformité ont eu des effets positifs sur la protection de la vie privée. Par exemple, notre suivi de l’accord de conformité dans le dossier Ashley Madison nous a permis d’assurer la mise en œuvre complète de diverses mesures correctives, notamment la mise en place d’un cadre exhaustif de protection de la vie privée et de sécurité.

D’autre part, les engagements, les conditions et les délais figurant dans un accord de conformité doivent être négociés avec l’organisation. Nous n’avons pas le pouvoir d’imposer des conditions particulières à une organisation.

Comme dans le cas de nos enquêtes et de nos vérifications, en l’absence d’une coopération suffisante, nous devons déposer une demande auprès de la Cour fédérale afin de faire respecter les conditions d’un accord de conformité. Cependant, les accords de conformité ont l’avantage d’être exécutoires devant les tribunaux sur la base de leurs conditions, alors qu’en l’absence d’accord de conformité, une demande d’enquête auprès de la Cour fédérale constituerait une procédure de novo .

Les accords de conformité ajoutent une corde à son arc pour soutenir le rôle du commissariat en matière de réglementation, mais ils ne remplacent pas les pouvoirs d’application de la loi et la possibilité d’imposer des amendes.

Cette législation fondée sur des principes est très permissive et accorde aux entreprises une grande latitude en ce qui concerne l’utilisation des renseignements personnels pour leur propre intérêt. En vertu de la LPRPDE, les organisations ont l’obligation juridique de faire preuve de transparence et de respecter le principe de responsabilité, mais les Canadiens ne peuvent se fier exclusivement aux entreprises pour gérer leurs renseignements de façon responsable.

[Français]

Le commissaire Therrien a appelé à une réforme législative pour donner aux Canadiens une meilleure protection de la vie privée grâce à une législation moderne, fondée sur les droits et pouvant être appliquée efficacement. En particulier, il a demandé le pouvoir de rendre des ordonnances, d’imposer des amendes et de mener des inspections pour promouvoir la conformité. Ces pouvoirs permettraient au commissariat de combler un écart face à plusieurs de ses homologues internationaux de la réglementation dans le monde de la protection de la vie privée.

Il ne suffit pas de demander aux organisations qu’elles assument leurs responsabilités ou de négocier avec elles pour qu’elles le fassent. Les Canadiens ont besoin de lois qui les protégeront lorsque les organisations négligent de le faire. Le respect de ces lois doit être assuré par un organisme de réglementation indépendant de l’industrie et du gouvernement, et investi de pouvoirs suffisants pour assurer la conformité.

Je vous remercie. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci, monsieur Homan.

[Français]

Nous allons commencer notre période de questions avec la vice-présidente, la sénatrice Poirier.

La sénatrice Poirier : Merci de vos présentations. J’ai quelques questions à vous poser. Selon vous, est-ce qu’un tribunal administratif serait la solution permettant d’éviter que les Canadiens ou les différents organismes se retrouvent souvent en cour, ce qui demande du temps et de l’argent? J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

Mme Giguère : Pour répondre à votre question, tout dépend de la façon dont le tribunal administratif serait constitué, c’est-à-dire que les tribunaux administratifs sont la « créature » d’une loi. Dépendamment des dispositions de la loi, cela pourrait apporter certains avantages, mais aussi des inconvénients.

Chaque tribunal administratif à l’échelon fédéral applique des règles différentes selon le mandat qui lui est confié, qu’il s’agisse du fonctionnement du tribunal, de la procédure devant le tribunal ou des délais pour rendre les décisions. Dans l’abstrait, sans savoir quel modèle serait utilisé, il est difficile de dire s’il s’agit de la solution parfaite.

Par contre, je crois que, selon la structure législative, comparaître devant un tribunal administratif pourrait être avantageux par rapport à une cour de justice.

J’ai inclus dans la section 3, à l’onglet 10 du recueil, un extrait de la Loi sur les langues officielles. Il s’agit de l’article 80 de la loi, qui est un peu méconnu, mais qui précise que le législateur a voulu que les recours en vertu de la Loi sur les langues officielles soient entendus conformément à une procédure sommaire, simplifiée et différente de la procédure habituelle qui s’applique aux autres affaires qui sont devant la Cour fédérale.

Il est possible qu’un tribunal administratif comporte des avantages, mais la présente Loi sur les langues officielles prévoit déjà un mécanisme qui ouvre la porte à une procédure qui pourrait être simplifiée et accélérée pour faciliter la démarche des plaignants devant la Cour fédérale.

La sénatrice Poirier : D’après vous, les pouvoirs du commissaire aux langues officielles devraient-ils être révisés ou renforcés? Le cas échéant, de quelle manière?

Mme Giguère : Merci de votre question. Tant le commissaire Fraser, avant son départ, que le commissaire Théberge, quand il a comparu devant vous en décembre dernier, ont dit que la façon dont les différents commissaires ont fait les choses n’a pas nécessairement donné lieu à des changements de comportements durables au sein des institutions fédérales. Il faudrait peut-être ajouter des outils à la boîte à outils du commissaire.

Le 10 décembre dernier, le commissaire Théberge vous a présenté les sanctions administratives pécuniaires et les ententes exécutoires comme étant deux mécanismes qui pourraient être avantageux. Ce sont des outils qui seraient utilisés selon les besoins. Donc, ce ne sont pas nécessairement des outils qui seraient utilisés tout le temps avec toutes les institutions fédérales. Selon les situations, il y a parfois des récidivistes, et les outils traditionnels peuvent moins bien fonctionner dans certains cas. Donc, le fait d’ajouter des outils aiderait peut-être le commissaire à mieux remplir son mandat.

M. Homan : J’aimerais ajouter un commentaire. En 2013, le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a recommandé plusieurs modifications à la LPRPDE. Selon nous, il est très important de disposer de plusieurs outils en conformité avec la protection de la vie privée. On a demandé d’avoir la possibilité de rendre des ordonnances et d’imposer des amendes. On souhaite avoir un système obligatoire pour aviser le CPVP et les Canadiens touchés par les atteintes et pour prévoir les accords de conformité.

On connaît les enjeux en ce qui concerne les atteintes et les accords de conformité. Cependant, comme je l’ai dit, il est important d’avoir plusieurs outils pour assurer la conformité à la Loi sur la protection de la vie privée.

Le président : J’ai une question complémentaire à la première question posée par la sénatrice Poirier en ce qui concerne l’article 80. Lorsque vous parlez de la procédure sommaire, le texte dit ceci : « le recours est entendu et jugé en procédure sommaire ». Pardonnez mon ignorance, mais est-ce clair en termes de temps et de type de procédure?

Mme Giguère : En fait, c’est une excellente question. Le législateur a prévu cette option, mais pour le moment, le Comité des règles de la Cour fédérale n’a pas établi de procédure sommaire spécifique au recours en vertu de la Loi sur les langues officielles. Le législateur a ouvert une porte, mais encore faut-il que le Comité des règles de la Cour fédérale établisse une procédure sommaire.

Pour le moment, les recours en vertu de la partie X de la Loi sur les langues officielles sont introduits et sont gérés comme des contrôles judiciaires. Ce ne sont pas des contrôles judiciaires, mais ils suivent la même procédure devant la Cour fédérale que les contrôles judiciaires. Ils pourraient suivre une autre procédure si la Cour fédérale allait de l’avant avec cette disposition.

Le président : Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie beaucoup de vos exposés.

Plus tôt ce mois-ci, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, ou FCFA, a lancé une proposition pour le nouveau libellé de la Loi sur les langues officielles. Elle réclame la création d’un tribunal des langues officielles depuis 1988, et je sais que vous êtes au courant de cela. La FCFA propose que la version modernisée de la Loi sur les langues officielles crée un tribunal des langues officielles qui serait habilité à instruire les cas présumés de violation des droits linguistiques et à rendre des ordonnances exécutoires. Je crois comprendre qu’aucun autre organisme ne s’occupe exclusivement des droits linguistiques, et c’est pourquoi la FCFA en fait la proposition.

Deuxièmement, la FCFA voudrait que le commissaire aux langues officielles puisse, à l’issue d’une enquête sur une plainte, prendre l’initiative d’enquêter sur un problème systémique.

Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des suggestions faites par la FCFA? De plus, quels mécanismes ou outils avez-vous déjà en place pour appuyer ces efforts?

Mme Giguère : Merci beaucoup.

Le législateur prévoit, depuis 1988, un système où les plaintes sont examinées par le commissariat, et le commissaire publie un rapport dans lequel il détermine si une plainte est fondée ou non. C’est ce qui met fin au processus d’enquête proprement dit. Nous faisons également un suivi des mesures prises en réponse aux recommandations; par conséquent, le processus ne s’arrête pas là. Toutefois, après la publication du rapport final, les plaignants peuvent s’adresser à la Cour fédérale pour obtenir réparation, qu’il s’agisse de l’octroi de dommages-intérêts pour violation de leurs droits linguistiques ou d’une ordonnance déclaratoire — peu importe la réparation que le plaignant estime justifiée. Il peut aussi s’agir d’une lettre d’excuse de la part de l’institution fédérale. Ces recours peuvent être exercés devant la Cour fédérale comme deuxième étape du processus.

La FCFA, comme vous l’avez mentionné, a proposé un projet de loi modifiant la Loi sur les langues officielles, dans le cadre duquel le nouveau rôle du commissaire consisterait à enquêter sur les plaintes, sans toutefois formuler des recommandations, et à renvoyer l’affaire à un tribunal administratif, plutôt qu’à la Cour fédérale.

Je vais laisser au commissaire le soin de vous faire part de son opinion et de ses observations sur le projet de loi lors de sa comparution devant vous, mais d’un point de vue juridique, je peux offrir quelques pistes de réflexion sur ce qui est proposé.

Il y a des points intéressants dans la proposition de la FCFA. Certains éléments contribueraient probablement à l’efficacité accrue du mécanisme. La FCFA propose également des modifications considérables au rôle du commissaire et à la manière dont les enquêtes seraient effectuées, ce qui mérite sans doute qu’on s’y attarde un peu plus.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, la FCFA a proposé, par exemple, que le tribunal impose des SAP, des sanctions administratives pécuniaires, alors que le commissaire a recommandé que ces sanctions soient plutôt infligées par son bureau.

Dans les documents que nous vous avons remis, vous constaterez entre autres que cet outil se veut habituellement une mesure plus proactive. Son objectif est d’encourager la conformité à la loi. Ce n’est pas un outil pour punir une institution qui n’a pas respecté ses obligations.

En ce sens, cet outil peut s’avérer très efficace s’il est utilisé par l’organisme qui assure la conformité à la loi, au lieu d’être mis de côté pour plus tard lorsqu’une violation est constatée et que nous avons besoin d’un recours, l’intention étant alors de punir l’institution fédérale.

Par conséquent, d’un point de vue juridique, même si les deux options sont légalement possibles, il serait certainement avantageux d’envisager cette option plus tôt dans le processus.

Bon nombre des options législatives que nous avons présentées permettent l’imposition d’une SAP. La sanction peut être infligée par les employés des institutions fédérales ayant pour mandat de surveiller la conformité à la loi. Elle n’est donc pas imposée par un tribunal ou une cour. Il y a d’autres outils qu’un tribunal peut utiliser, notamment des pénalités. Toutefois, en général, dans bien des cas, il s’agit d’un mécanisme proactif pour assurer la conformité.

La sénatrice Jaffer : Vous arrive-t-il souvent d’examiner des problèmes systémiques?

Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe, Direction générale de l’assurance de la conformité, Commissariat aux langues officielles : Oui, en effet. D’habitude, lorsque nous recevons un certain nombre de plaintes au sujet d’un problème, nous adoptons une approche différente. Nous regroupons les cas et essayons de collaborer avec l’institution fédérale pour l’encourager à régler le problème, en lui montrant, comme preuve, le nombre de plaintes que nous avons reçues. Oui, nous essayons de nous en occuper différemment, au lieu de les régler séparément.

Lorsque nous recueillons des renseignements sur les plaintes, c’est à ce moment-là que nous pouvons décider, par exemple, de vérifier un cas. Ainsi, plutôt que de mener des enquêtes distinctes, nous déciderons d’effectuer une vérification de l’institution fédérale parce que nous concluons qu’il s’agit d’un problème systémique.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Bienvenue à nos représentants des deux commissariats fédéraux. Malheureusement, les représentants du Commissariat à l’information du Canada ne sont pas ici aujourd’hui, mais ils nous ont fourni un mémoire écrit.

Comme vous le savez, le but de notre rencontre est de renforcer les mécanismes associés à la conformité et à surveillance dans le cadre de la Loi sur les langues officielles. Selon les témoignages, deux options se présentent à nous pour renforcer ces mécanismes. Tout d’abord, certains suggèrent la création d’un tribunal administratif — vous avez répondu à cette question posée par la sénatrice Poirier —, et d’autres demandent de donner au commissaire aux langues officielles des pouvoirs de sanction.

Cela dit, le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, a été déposé à la Chambre des communes en juin dernier et fait l’objet d’une étude au sein d’un comité sénatorial en ce moment. Le projet de loi a pour but de moderniser la Loi sur l’accès à l’information et de donner plus de pouvoirs au commissaire, comme celui de rendre des ordonnances.

La commissaire à l’information, Mme Caroline Maynard, soutient encore à ce jour que le pouvoir d’ordonnance énoncé dans le projet de loi n’est pas suffisamment contraignant. Elle souhaiterait que les ordonnances qu’elle rend soient certifiées par la Cour fédérale, ce qui obligerait l’institution fautive à s’y conformer. D’un autre côté, le commissaire à la protection de la vie privée, M. Daniel Therrien, exige depuis longtemps plus de pouvoirs pour appliquer la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Quels sont les avantages ou les désavantages liés à l’inclusion de ces mécanismes dans la Loi sur les langues officielles?

Mme Giguère : C’est une grande question à laquelle je vais tenter de répondre le plus brièvement possible.

Dans les documents que nous vous avons soumis, vous trouverez un document d’information que nous avons rédigé. À l’onglet 1, dans la section surlignée au haut de la page 4, vous trouverez une description d’un régime de sanctions administratives pécuniaires. On le qualifie de régime transparent, prévisible, détaillé, uniforme, équitable et impartial.

Sous la rubrique « Objet » de la page 3 du même document, vous trouverez aussi une description du régime où il est indiqué qu’il vise principalement à favoriser la conformité par des mesures incitatives. Donc, l’avantage du régime de sanctions administratives pécuniaires est de pouvoir amener des institutions qui ne se sont pas conformées à leurs obligations, pour toutes sortes de raison, à s’orienter dans la direction que la loi leur indique en ce qui a trait à leurs obligations.

Votre question portait aussi sur le Commissariat à l’information et sur la suffisance du pouvoir d’ordonnance. Chacun des outils est amélioré et devient complémentaire par le fait qu’il y a plus d’un outil à la disposition du commissaire, ce qui aide à assurer la conformité à la loi. Par exemple, les ententes exécutoires sont un outil intéressant. Donc, il s’agirait de disposer d’une variété d’outils pour remédier à la situation d’une institution qui ne se conformerait pas aux engagements pris dans le cadre d’une entente exécutoire, comme les sanctions administratives.

Le pouvoir d’ordonner est un pouvoir très intéressant que d’autres commissaires ont déjà. Je pense, notamment, au commissaire à l’équité salariale. Il s’agit d’un tout nouveau poste de commissaire qui est à pourvoir. Sa loi habilitante est très récente, car elle a reçu la sanction royale en décembre 2018. Toutefois, si, en fin de compte, il n’y a pas de mécanisme lié au pouvoir d’ordonnance, qui permettrait d’assurer que la personne qui ne se conforme pas à l’ordonnance fasse l’objet de sanctions additionnelles, ce n’est pas vraiment un pouvoir efficace.

Effectivement, le fait de pouvoir enregistrer une ordonnance auprès de la Cour fédérale au cas où l’institution n’y donnerait pas suite permettrait de mieux veiller à ce que les engagements ou les ordonnances soient respectés.

Le sénateur McIntyre : On entend souvent dire que la Loi sur les langues officielles n’a pas de mordant, d’où l’idée de renforcer les mécanismes liés à la conformité et à la surveillance de la loi. Merci, madame Giguère.

La sénatrice Moncion : Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires concernant le taux de succès de ces mesures? C’est bien beau et bien fin, mais il me semble que ça ne va pas plus loin. Y a-t-il une façon de faire pour que ça fonctionne? Si les gens demandent qu’un tribunal soit mis en place, c’est qu’il doit y avoir des lacunes quelque part. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?

Mme Giguère : Le taux de succès dépend beaucoup de ce qui se trouve dans la boîte à outils. Pour que le système soit efficace, il nous faut plusieurs outils. Quand on a une entente exécutoire et qu’elle n’est pas respectée, il est bon d’avoir des sanctions administratives pour donner suite à la non-conformité aux engagements. Le taux de succès des sanctions administratives, je crois, a été largement démontré. C’est un outil qui est amplement utilisé dans la législation fédérale. En faisant une petite recherche, j’ai pu constater qu’il y a plus de 50 lois qui permettent l’administration de sanctions administratives pécuniaires, y compris plusieurs dans les nouvelles lois qui ont été élaborées plus récemment.

L’efficacité de ce mécanisme dépend bien évidemment du montant de la sanction administrative pécuniaire et de la proportionnalité avec la situation qu’on essaie de corriger. À titre d’exemple, si la somme est trop basse, le fait d’avoir à payer des sanctions administratives peut faire partie des coûts d’exploitation. Si la somme est trop haute, on n’atteint pas non plus l’objectif. Vous allez le voir dans les documents que nous vous avons remis. Nous avons surligné en jaune certains passages où il est indiqué que l’efficacité de ce mécanisme dépend d’une évaluation adéquate du montant approprié pour atteindre les objectifs d’un système transparent, prévisible, détaillé et équitable. Il faut avoir bien déterminé la somme de la sanction administrative pécuniaire.

Tout récemment, au mois de mars 2019, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié un communiqué de presse dans lequel il indiquait que les sanctions administratives pécuniaires de l’Agence des services frontaliers, qui a le pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires dans le cadre de la conformité à sa loi, étaient trop basses. Donc, le vérificateur général du Canada a recommandé de rehausser les sanctions administratives pécuniaires. Il s’agit d’avoir les bons outils et, aussi, de s’assurer que ces outils sont bien adaptés à la situation visée dans chaque cas.

La sénatrice Gagné : Merci de vos présentations. J’aimerais revenir à la question des sanctions administratives pécuniaires pour les deux commissariats. Vous avez mentionné un exemple où cela fonctionnait moins bien, mais j’aimerais avoir des exemples concrets, de la part des deux commissariats, de cas où cette mesure fonctionne et où on a pu constater qu’elle a eu un effet sur un organisme fédéral.

M. Homan : En ce qui concerne les avantages et les désavantages des accords de conformité, je peux commenter l’enjeu des pénalités. Les accords de conformité permettent aux organisations de démontrer volontairement leur engagement à collaborer avec notre commissariat. Cependant, en fin de compte, les accords de conformité sont volontaires. Cela peut poser un problème, parce qu’avec un mécanisme volontaire, on doit négocier une résolution. Qu’est-ce qui se passe si l’organisme décide de ne pas respecter la résolution? On ne peut imposer d’amendes. Je crois que c’est le grand avantage d’avoir un système où il y a plusieurs outils; pas seulement les accords de conformité, mais les accords de conformité soutenus par la capacité de rendre des ordonnances et d’imposer des amendes.

Je crois qu’une autre organisation, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, a la capacité d’imposer des sanctions administratives pécuniaires. Cela fonctionne pour cette institution.

La sénatrice Gagné : Dans le projet de loi C-58, on ne vous a pas accordé le pouvoir de sanctions administratives pécuniaires; ai-je bien compris?

Regan Morris, conseiller juridique, Direction des services juridiques, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Oui, c’est vrai, il n’y a pas de régime de sanctions pécuniaires.

La sénatrice Gagné : Pourquoi est-ce qu’on hésite? Pourquoi est-ce qu’il y a une réticence si, dans le rapport de l’ancienne commissaire, on le demandait? Y a-t-il une explication pour cela? J’essaie de comprendre.

M. Homan : En 2013, on a soumis plusieurs recommandations, y compris celles qui visent les ordonnances, les pénalités, les amendes et les accords. Jusqu’à maintenant, on a seulement réussi à mettre en œuvre les accords. Je ne sais pas pourquoi il a été décidé de ne pas accorder les autres pouvoirs. Cependant, nous en conservons l’espoir pour l’avenir.

La sénatrice Gagné : Alors, vous avez espoir que le Sénat le proposera, c’est ça?

Mme Giguère : Est-ce que je peux ajouter un complément de réponse au sujet de votre question sur l’efficacité de cet outil? À l’onglet 3, on vous a fourni un exemple où cela a bien fonctionné. C’est dans le cadre des changements climatiques avec Environnement Canada, où on a un système de sanctions administratives pécuniaires. C’est un système très intéressant. Si vous allez à la dernière page de ce document, à la page 17, on parle du fait que les sanctions administratives pécuniaires qui sont récoltées sont versées dans un fonds consacré à la protection de l’environnement. Donc, c’est un système pollueur-payeur où on assure la conformité en imposant des sanctions administratives pécuniaires. Elles sont versées dans un fonds et, ensuite, on finance des projets en faveur de l’environnement. Une évaluation récente démontre que, depuis le moment où le fonds a été mis en place, on a récolté 4,8 millions de dollars et on a financé 201 projets à l’échelle du Canada. Donc, il y a tout de même un profit qui a été obtenu par le truchement de ces sanctions. Ce sont des sanctions maximales de 25 000 $. Je pense que cette mesure a effectivement entraîné un effet.

La sénatrice Gagné : Finalement, la sanction a été imposée à l’endroit d’un organisme fédéral ou d’une entreprise privée.

Mme Giguère : Les deux. En vertu de ce régime particulier, vous trouverez la référence à la page 11 indiquant que cela peut être édicté à l’égard des institutions du gouvernement fédéral et des entreprises privées, municipales ou provinciales. Donc, tout le monde peut y être assujetti.

La sénatrice Gagné : J’ai une autre petite question. Êtes-vous en mesure de comparer l’impact réel lorsque la sanction est imposée à un organisme fédéral par rapport à une entité privée? Y a-t-il une différence?

Mme Giguère : Il est difficile pour nous de répondre à cette question, parce que nous ne sommes pas gestionnaires de ce fonds ni l’entité responsable de l’application de la loi. Par contre, on peut voir que ce fonds a été largement utilisé, et qu’il n’existe pas simplement pour les apparences. Ce mécanisme a des retombées positives sur l’environnement.

On peut présumer que la même mesure pourrait être élaborée pour les langues officielles. Le 10 décembre dernier, le commissaire parlait d’un fonds pour la dualité linguistique. Si on avait un tel mécanisme de sanctions administratives pécuniaires, on pourrait s’en servir pour promouvoir la conformité à la loi auprès des institutions fédérales. Dans les cas où des organisations ne se conformeraient pas à la loi, on pourrait recueillir des fonds afin de financer des projets pour favoriser le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. On peut imaginer que ce mécanisme pourrait être appliqué aisément dans le contexte des langues officielles.

Le sénateur Maltais : Combien le commissaire aux langues officielles a-t-il récolté? Vous avez parlé de 2 millions de dollars d’amendes?

Mme Giguère : Ce n’était pas le commissaire aux langues officielles, mais le ministère de l’Environnement. Pour le fonds lié à la protection de l’environnement, le ministère a recueilli 4,8 millions de dollars.

Le sénateur Maltais : C’est une bonne collecte?

Mme Giguère : Le montant me semble intéressant.

Le sénateur Maltais : Parcourez alors le Canada au plus vite!

J’aimerais revenir à la page 4. Lorsque vous comparez le CANAFE à la Loi sur les langues officielles, les sanctions administratives ne se comparent pas. Le CANAFE découle d’une loi liée au Code criminel qui s’applique à la GRC, au ministère du Revenu et au ministère de la Justice. Vous qui êtes avocate savez qu’on ne traite pas des sanctions administratives au même tribunal; l’un va à la Cour des petites créances et l’autre à la Cour suprême. On ne peut donc pas faire une telle comparaison.

Mme Giguère : Vous avez raison. Ce qu’on a présenté avec le CANAFE est un régime à l’échelle de l’organisme. Ici, les sanctions administratives pécuniaires sont imposées par les employés de l’organisme. Selon la gravité des violations, il est même possible de recourir à des poursuites pénales.

Le sénateur Maltais : Tous les commissaires aux langues officielles ont envoyé des avis de conformité à Air Canada pour au moins forcer les employés de cette entreprise à dire bonjour et au revoir dans une des deux langues officielles. Or, j’ai voyagé sur les ailes d’Air Canada il y a une semaine et les choses n’ont pas changé. Les commissaires aux langues officielles rouspètent depuis 30 ans, ils viennent nous voir ici, en Chambre, et un peu partout. Vous n’avez aucun pouvoir. Tant que le commissaire aux langues officielles n’aura pas de pouvoirs punitifs judiciaires, la situation demeurera telle quelle.

Votre commissariat n’a pas le pouvoir de faire appliquer la loi. Comment voulez-vous que les gens prennent les choses au sérieux? Ce que vous nous dites est bien beau, on peut lire tout le document, on en aura pour une semaine. Toutefois, quel en sera le résultat si, à la dernière page, vous nous dites que vous n’avez pas le pouvoir d’appliquer la loi? La situation est la même dans le contexte des langues officielles. Le commissaire est venu nous dire qu’il a besoin de pouvoirs punitifs. Je veux bien, mais le gouvernement ne veut pas lui en donner et vous n’en avez pas non plus.

On a beau concevoir toutes les théories qu’on voudra. Sans ce pouvoir légal, inscrit dans la loi, le reste est de la foutaise. Ce sont des échanges épistolaires entre deux évêques qui ne se comprennent pas. C’est tout ce que j’avais à dire.

Mme Giguère : Vous avez tout à fait raison. Il nous manque des pouvoirs dans la loi. Le rapport spécial déposé au Parlement par le commissaire Fraser, avant qu’il termine son mandat, concernait Air Canada. Il réclamait justement plus de pouvoir, comme des sanctions administratives pécuniaires. Les pouvoirs dont il était question ne concernaient pas uniquement son bureau, afin de conférer plus de mordant à la loi, mais il y avait aussi des pouvoirs d’autres genres, par exemple, des amendes qui pourraient être imposées par la cour. Il s’agissait donc de combiner les mécanismes administratifs et judiciaires afin d’avoir une assez bonne variété de moyens pour que, en fin de compte, ces institutions atteignent la conformité.

Vous avez nommé Air Canada, mais il y a d’autres entreprises qui se retrouvent dans notre « top cinq », année après année. Ce n’est certainement pas la seule institution avec laquelle le commissaire pourrait utiliser de nouveaux outils pour assurer la conformité. Les commissaires ont indiqué que nous en sommes à un stade où le simple fait de mener des enquêtes et de faire des recommandations fonctionne bien dans certains cas, mais pas dans tous les cas. De nouveaux outils nous aideraient à atteindre une meilleure conformité.

Le sénateur Maltais : Si j’ai nommé Air Canada, c’est parce que tous les commissaires aux langues officielles s’en sont plaints de façon journalière. Tous les lundis, ils retrouvent une pile de plaintes sur leurs bureaux. C’est parce que cette société est réellement délinquante. Il y en a d’autres que je ne nommerai pas et que je n’ai pas en mémoire, mais cette société est la plus visée, parce qu’elle transporte des passagers et que les gens sont en mesure de constater le non-respect de la Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Moncion : Ma question va dans le même sens que le commentaire du sénateur Maltais. Lorsqu’on parle des langues officielles, il semble y avoir deux poids, deux mesures. D’une part, on n’impose pas de sanctions pécuniaires, on fait de la persuasion morale et les choses ne vont pas plus loin parce qu’on parle des langues. Je trouvais un peu drôle tout à l’heure qu’on parle de sanctions pécuniaires dans le cas des pollueurs-payeurs. Comme le sénateur Maltais, je me disais alors qu’il suffirait de parcourir le Canada et d’aller chercher des fonds pour avoir la possibilité de lancer des projets.

On a toujours entendu les commissaires aux langues officielles nous dire qu’ils avaient de la difficulté à se trouver dans la position de juge et partie. J’aimerais vous entendre sur ces différents commentaires.

Mme Giguère : Je ne pense pas que le mécanisme de sanctions administratives pécuniaires placerait le commissaire dans une situation délicate. Cette mesure est utilisée par plusieurs autres ministères. Les employés imposent des sanctions administratives pécuniaires et les mécanismes sont en place pour que le régime soit équitable et transparent envers les organisations visées. Je crois que le modèle a fait ses preuves. Il faudrait mettre en œuvre les bons mécanismes au sein de l’organisation. La plupart des régimes que vous allez examiner prévoient une étape où la sanction administrative peut être révisée, puis une autre étape où on peut faire appel si l’organisation qui reçoit la sanction administrative est d’avis que le montant est injustifié ou qu’elle ne la méritait pas. Il faut donc prévoir les bons mécanismes pour s’assurer que le régime sera bien établi.

La sénatrice Moncion : Vous parlez d’un autre régime, n’est-ce pas? Parlez-vous d’une autre loi que la Loi sur les langues officielles ou me dites-vous que ce mécanisme existe à l’intérieur de cette loi?

Mme Giguère : Je vous parle des autres régimes où il y a des sanctions administratives pécuniaires. Nous n’avons pas ce régime dans le cadre de la loi. Nous croyons que cet outil serait utile, en se basant sur l’observation d’autres régimes existants.

Il y a deux nouveaux postes de commissaire. J’ai mentionné plus tôt le commissaire à l’équité salariale. Il y a aussi le commissaire à l’accessibilité. Je crois que le projet de loi C-81 est à l’étape de la deuxième lecture au Sénat. C’est un poste qui pourrait bientôt voir le jour. Si le projet de loi est adopté tel quel, il prévoirait aussi un pouvoir de sanctions administratives pécuniaires. Ce serait le même genre de régime que l’on retrouve ailleurs, avec un mécanisme pour assurer son efficacité et sa conformité. Cela pourrait être un mécanisme très intéressant qui nous mènerait vers une meilleure conformité.

Dans les documents, vous verrez qu’on mentionne le fait qu’il y a des lois qui sont fondamentales et qui établissent des objectifs très importants dont on doit assurer la conformité. Vous retrouverez cela à l’onglet 4, à la page 2. On parle d’objectifs très importants où l’on doit veiller à la conformité aux lois. Je ferais un parallèle entre ce qui est dit ici et la Loi sur les langues officielles où, effectivement, il s’agit de droits fondamentaux. Il est extrêmement important que les bons outils soient mis en œuvre afin d’atteindre une conformité maximale.

La sénatrice Gagné : Ma question s’adresse à M. Homan. Dans votre présentation, vous avez fait référence aux accords de conformité que peut conclure le commissaire à la vie privée avec des organismes qui ne respectent pas la loi. Si je me souviens bien, vous avez dit qu’il y en avait eu cinq. A-t-il déjà été nécessaire d’obtenir une ordonnance de la Cour fédérale pour faire respecter les ordonnances?

M. Homan : Non. Jusqu’à maintenant, pour les cinq accords de conformité, il n’était pas nécessaire de mener les dossiers en cour pour une contravention des accords.

La sénatrice Gagné : D’accord. Croyez-vous que les accords peuvent permettre des redressements des lacunes systémiques au sein de l’appareil gouvernemental des ordonnances?

M. Homan : D’après moi, les problèmes systémiques sont une bonne cible pour les accords de conformité. Il est nécessaire de suivre toutes les conditions d’un accord de conformité et, typiquement, plus le problème est complexe, plus il est difficile de le suivre et de veiller à ce que les conditions soient respectées. Donc, les accords de conformité sont efficaces de cette façon.

Le président : J’ai une question à vous poser avant de clore la séance. En quoi l’ajout d’un processus de médiation serait-il utile pour ces deux lois, c’est-à-dire la loi constituante qui concerne le Commissariat à la protection de la vie privée et la Loi sur les langues officielles? Dans ma propre perception, puisqu’on cherche à donner du mordant à la loi, le processus de médiation me semble faible. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que des témoins nous ont suggéré la mise en œuvre d’un processus de médiation.

Mme Giguère : Effectivement, ce n’est pas un des outils que nous avons jugé bon de mettre de l’avant. Par contre — et Mme Saikaley pourrait vous en parler davantage —, dans le cadre des enquêtes que nous menons, nous avons un processus de résolution facilité. C’est un processus où, de façon plus informelle, on essaie de régler la situation qui a donné lieu à la plainte d’une manière que le commissaire trouve satisfaisante. C’est très différent d’une médiation qui est gérée par les deux parties en instance et où chacun peut trouver une solution avec laquelle il peut vivre.

Dans le monde des droits fondamentaux, il est très difficile d’accepter moins que ce qui est exigé par la loi. Voilà pourquoi il serait difficile de faire de la médiation dans le domaine des langues officielles. J’ai déjà pratiqué en droit familial où l’on parle de la garde des enfants. Il est possible d’arriver à un compromis dans une telle situation, parce qu’il n’y a pas de situation parfaite, mais ici, dans le domaine des droits fondamentaux, c’est très difficile d’arriver à un compromis moindre que ce que la loi donne comme droit quasi constitutionnel ou constitutionnel aux Canadiens et Canadiennes.

M. Homan : Dans notre loi et notre commissariat, les méthodes de médiation existent à l’heure actuelle. Il est nécessaire d’avoir un continuum d’outils. Il est parfois nécessaire d’enquêter de façon plus complexe et formelle dans le cas des grandes organisations, mais, souvent, il y a une occasion de résoudre un enjeu qui est moins complexe, moins systémique. Il y a une occasion pour les deux parties de résoudre un problème en dehors d’un système plus complexe.

C’est très utile, parce que 60 p. 100 de nos plaintes sont rapidement résolues par un système de médiation ou de résolution. Il est nécessaire d’avoir des outils informels afin d’avoir la capacité de se doter d’outils plus formels qui exigent plus de ressources.

Mme Saikaley : Au Commissariat aux langues officielles, 30 p. 100 de nos plaintes sont réglées au moyen d’un processus de résolution facilité. Il s’agit surtout de situations de droits individuels ou de cas assez simples. Par exemple, une pancarte n’était pas dans les deux langues officielles et l’institution a accepté de la changer. Cependant, c’est rarement efficace pour traiter des problèmes systémiques ou des plaintes récurrentes, par exemple, dans le cas des services offerts au public. On utilise le processus à ces fins, mais il y a tout de même des limites.

Le président : Merci beaucoup. Sans vouloir résumer vos propos, le mot qui est revenu le plus fréquemment est le mot « outil ». Vos commissariats ont besoin d’outils plus solides qui vous permettraient d’effectuer votre travail et, conséquemment, de donner plus de mordant à la Loi sur les langues officielles. Nous prenons note de vos commentaires et recommandations. Merci d’avoir répondu à nos questions.

Nous poursuivons maintenant notre examen du cinquième volet de notre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, qui porte sur les institutions fédérales.

Nous avons le plaisir d’accueillir, de la Commission de la fonction publique du Canada, M. Patrick Borbey, président; du Conseil du Trésor du Canada, Mme Nancy Chahwan, dirigeante principale des ressources humaines; d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Mme Guylaine Roy, sous-ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie. Enfin, nous avons le plaisir d’accueillir, du Bureau du Conseil privé, Mme Janine Sherman, sous-secrétaire du Cabinet, Personnel supérieur et Renouvellement de la fonction publique.

Monsieur Borbey, vous avez la parole.

[Traduction]

Patrick Borbey, président, Commission de la fonction publique du Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui dans le cadre de l’étude effectuée par vos membres sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. On me dit que vous en êtes à la cinquième partie de votre étude, qui comprend les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales.

Comme vous le savez peut-être, je suis le coauteur du rapport Le prochain niveau avec mon collègue Matthew Mendelsohn, sous-secrétaire du Cabinet, Résultats et livraison, au Bureau du Conseil privé du Canada. Je vais vous parler de notre rapport, en abordant brièvement les recommandations que nous avons formulées, et je serai heureux de répondre ensuite à vos questions.

Permettez-moi d’abord de dire que ce sujet me tient beaucoup à cœur, et ce, depuis toujours.

[Français]

En tant que Franco-Ontarien du Nord de l’Ontario, j’ai rapidement compris l’importance du bilinguisme et j’en ai fait une valeur incontournable tout au long de mes études, de ma carrière et de ma vie personnelle.

[Traduction]

C’est pourquoi j’étais très content que le greffier du Conseil privé me demande d’entreprendre un examen des langues officielles dans le contexte de la fonction publique fédérale. C’était par ailleurs un plaisir de travailler avec M. Mendelsohn à la préparation de notre rapport, intitulé Le prochain niveau : Enraciner une culture de dualité linguistique inclusive en milieu de travail au sein de la fonction publique fédérale, qui a été publié en septembre 2017. Le rapport repose sur la consultation de centaines de fonctionnaires qui ont généreusement partagé leurs idées, pratiques exemplaires, espoirs et préoccupations avec nous.

[Français]

Les recommandations de notre rapport sont axées sur cinq thèmes : le leadership, la politique, la culture, la formation et les outils. Le Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles dirige maintenant l’effort collectif d’examiner les recommandations et d’y donner suite.

Je souhaite attirer votre attention sur le message des coprésidents qui se trouve dans le rapport, et je cite :

Si les recommandations formulées sont mises en œuvre de façon intégrale, nous pensons que celles-ci donneront lieu à d’importants changements dans notre approche à l’égard des langues officielles au sein de notre fonction publique de calibre international. Certaines pratiques actuelles doivent être remises en question, car elles ne répondent plus aux besoins d’une fonction publique moderne et dynamique. Nous savons aussi que mettre en œuvre les recommandations ne sera pas facile, et que celles-ci ne représentent pas des changements qui peuvent se faire du jour au lendemain.

[Traduction]

Je pourrais continuer à parler de l’importance des langues officielles et du bilinguisme, mais je vais plutôt terminer en remerciant le comité de mener cette importante étude et de nourrir ce dialogue essentiel.

[Français]

Une chose que j’ai apprise durant ma carrière est qu’il existe peu de sujets qui amènent les gens à discuter comme celui des langues officielles. En fait, il s’agit d’un sujet que les gens hésitent même parfois à aborder publiquement, parce que les enjeux peuvent être un peu conflictuels.

Cependant, je pense qu’en parlant ouvertement des enjeux, nous pouvons nous assurer que le bilinguisme et la dualité linguistique vont demeurer des valeurs fondamentales pour la fonction publique d’aujourd’hui et de demain.

[Traduction]

En ce qui concerne la divulgation complète, je vous rappelle que je n’étais pas encore président de la Commission de la fonction publique lorsque ce rapport a été rédigé. Toutefois, je peux certainement vous fournir de plus amples renseignements sur le rôle de la Commission de la fonction publique en matière de langues officielles, si cela vous semble utile aujourd’hui ou à une prochaine réunion. En conclusion, je tiens aussi à vous assurer que la Commission de la fonction publique appuie avec enthousiasme le bilinguisme et la dualité linguistique dans l’ensemble de la fonction publique.

[Français]

Alors que nous célébrons avec fierté le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, nous envisageons avec optimisme la modernisation de cette loi, pierre angulaire de la diversité et de l’inclusion au Canada. Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci, meegwetch.

Guylaine F. Roy, sous-ministre, Tourisme, Langues officielles et Francophonie, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Bonjour, membres du comité, chers collègues. À titre de sous-ministre responsable des Langues officielles, je suis responsable du Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles, que nous appelons plus communément le CSMALO. Ce comité exerce un leadership de premier plan en matière de langues officielles et contribue à promouvoir une action gouvernementale concertée.

[Traduction]

Au cours de l’automne 2017, le greffier du Conseil privé a confié à ce comité le suivi de la mise en œuvre des recommandations du rapport de mon collègue, Patrick Borbey, et de Matthew Mendelsohn sur l’usage des langues officielles au sein de la fonction publique fédérale.

Le mandat du comité a été élargi de manière à traiter d’enjeux en matière de langues officielles qui dépassent la mise en œuvre d’initiatives horizontales. Le mandat s’articule maintenant autour de trois priorités. La première concerne la langue de travail au sein de la fonction publique fédérale et, bien entendu, le suivi aux recommandations du rapport de Patrick, Le prochain niveau, portant sur la langue de travail au sein de la fonction publique fédérale. La deuxième priorité est la mise en œuvre des stratégies fédérales horizontales en matière de langues officielles, c’est-à-dire le plan d’action de 2018-2023. Enfin, il y a la gestion d’autres enjeux d’intérêt liés à la Loi sur les langues officielles. La modernisation de la loi en est un exemple, bien évidemment.

La liste des institutions membres a aussi été révisée. Le comité est passé de 17 à 23 membres officiels, dont les grands employeurs au sein du gouvernement du Canada, comme le ministère de la Défense nationale, le Service correctionnel du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada.

[Français]

Parmi les membres, on retrouve également le Conseil du Réseau des champions des langues officielles, qui permet de rejoindre l’ensemble des institutions fédérales.

La coprésidence a également été renforcée. En plus de Patrimoine canadien et du Secrétariat du Conseil du Trésor, Justice Canada et le Bureau du Conseil privé assurent la coprésidence de ce comité et des rencontres qu’ils tiennent de façon alternative. Le comité doit désormais faire rapport deux fois par année au greffier du Conseil privé sur la mise en œuvre des recommandations du rapport intitulé Le prochain niveau.

Le comité se réunit environ cinq fois par année, incluant une rencontre que je préside, pour discuter des grands dossiers et des enjeux en matière de langues officielles, y compris la question de la langue de travail. De plus, le comité consulte annuellement les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il est aussi appelé à faire une présentation annuelle au Comité consultatif sur la gestion de la fonction publique, qui est composé de sous-ministres et de sous-ministres délégués et présidé par le secrétaire du Conseil du Trésor.

Je peux vous assurer que mes fonctionnaires et moi sommes pleinement engagés à mener à bien le grand dossier des langues officielles et à faire le suivi du rapport de M. Borbey et de M. Mendelsohn.

[Traduction]

Je vais faire vite. Je ne saurais passer sous silence la modernisation de la loi et son 50e anniversaire. Vous savez que le premier ministre a donné pour mandat à la ministre Joly d’entreprendre un examen de la loi. Le 11 mars dernier, la ministre a annoncé le lancement de l’examen et elle tient présentement des forums et des tables rondes partout au pays. L’objectif est de discuter des grands enjeux et de déterminer comment nous pouvons assurer la pérennité des communautés. Le processus d’examen se conclura par la tenue d’un grand symposium à la fin mai, qui regroupera des experts, des membres des communautés, des représentants des institutions fédérales, et cetera.

[Français]

Les démarches entreprises par la ministre sont complémentaires aux exercices déjà en cours, à savoir le travail du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, votre propre travail — et je dois dire que je lis tous vos rapports dès leur diffusion —, le travail du commissaire aux langues officielles et le travail d’organismes de partout au pays. Vous avez dû lire aussi la proposition de la FCFA, que nous allons prendre en considération. En outre, le travail qui est fait partout, y compris le travail axé sur la langue de travail, est pertinent dans le contexte du processus dans lequel nous sommes engagés pour favoriser la modernisation de la loi à l’occasion de son 50e anniversaire.

Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.

Nancy Chahwan, dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Bon après-midi, sénatrices et sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

[Traduction]

En tant que dirigeante principale des ressources humaines, mon rôle est de veiller à ce que la fonction publique soit agile, inclusive, outillée et bilingue. Le Canada est déjà doté de l’une des meilleures fonctions publiques du monde, mais il y a toujours lieu de faire mieux. Notre vision est d’avoir un effectif digne de confiance qui offre les meilleurs services possible aux Canadiens dans la langue de leur choix, qu’ils soient francophones ou anglophones.

Voilà pourquoi je suis fière du travail que nous avons accompli dans le cadre de l’examen du Règlement sur les langues officielles en ce qui concerne la partie IV de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Le règlement proposé reconnaît la diversité croissante de nos communautés minoritaires et met de l’avant une méthode de calcul plus inclusive pour estimer la demande de services dans la langue officielle de la minorité. Pour la première fois, le règlement fait état de la vitalité des communautés et propose que la présence d’une école de la minorité linguistique devienne un critère pour déterminer si un bureau fédéral doit offrir des services bilingues. Cette approche plus inclusive est celle que nous appliquons aussi dans d’autres domaines, ce qui m’amène à parler de la langue de travail.

La fonction publique d’aujourd’hui est beaucoup plus bilingue qu’elle ne l’était il y a 50 ans. En 1978, seulement 69,7 p. 100 des employés occupant des postes bilingues satisfaisaient aux exigences linguistiques de leur poste. En 2017, ce pourcentage était de 96 p. 100 environ. À l’image même du Canada, la fonction publique est aussi devenue une organisation beaucoup plus diversifiée.

Le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles est pourtant un moment charnière à plusieurs égards.

[Traduction]

Nous sommes déterminés à créer un milieu de travail à la fonction publique qui est accueillant pour tous, et à adopter une approche inclusive qui favorise notre dualité linguistique. En fait, la diversité, l’inclusion et la dualité linguistique sont des valeurs complémentaires, comme il est souligné dans le rapport Unis dans la diversité, du Groupe de travail conjoint sur la diversité et l’inclusion, et dans d’autres documents.

[Français]

Nous avons donc l’occasion de repenser plusieurs des assises de notre fonction publique bilingue. Permettez-moi de m’attarder sur l’apprentissage des langues.

Depuis mon entrée en poste, il m’apparaît clair que nous avons besoin d’adopter une approche plus globale et devons considérer l’acquisition des langues comme un continuum qui inclut le recrutement, la formation, l’évaluation, la pratique et l’amélioration continue de la deuxième langue officielle.

Pour en arriver là, il nous faut du renouveau. Le rapport sur la langue de travail, dont mon collègue, Patrick Borbey, vous a parlé plus tôt et qu’il a rédigé conjointement avec Matthew Mendelsohn, contient bon nombre d’éléments importants. Parmi ceux-ci, on trouve les niveaux de compétence linguistique. Nos normes datent de plus de 35 ans. Il faut les examiner à fond, et nous allons donc lancer un projet pilote cette année.

À mon avis, nous devrions viser un modèle plus universel, mais aussi plus ouvert; un modèle permettant, par exemple, de reconnaître les compétences linguistiques des jeunes Canadiens et Canadiennes de partout au pays, et pourquoi pas? Ce serait à la fois un incitatif important pour les jeunes et un atout pour le recrutement.

[Traduction]

Mais tout le monde au Canada n’a pas les mêmes occasions de devenir bilingue. C’est pourquoi nous devons améliorer la qualité et l’accessibilité de la formation linguistique, tout en l’adaptant aux besoins particuliers des apprenants. En tant que dirigeante principale des ressources humaines, je sais qu’il n’est jamais simple d’opérer un changement dans une organisation de la taille de la fonction publique, mais comme je l’ai déjà mentionné, notre fonction publique est l’une des meilleures au monde.

Mon bureau, en partenariat avec mes collègues ici présents, a entrepris de relever les défis complexes qui ont été soulevés dans le rapport sur la langue de travail. J’ai hâte de prendre connaissance du travail inspirant de votre comité et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions aujourd’hui.

Le président : Merci beaucoup, madame Chahwan.

[Français]

Madame Sherman, la parole est à vous.

Janine Sherman, sous-secrétaire du Cabinet, Personnel supérieur et Renouvellement de la fonction publique, Bureau du Conseil privé : Merci et bon après-midi, honorables membres du comité. Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui dans le cadre de votre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

J’aimerais commencer en vous présentant un aperçu du processus de nomination par le gouverneur en conseil. En février 2016, le premier ministre a annoncé une nouvelle approche en ce qui a trait aux nominations par le gouverneur en conseil, laquelle nécessite l’application d’un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite pour renforcer la confiance à l’égard de la démocratie au Canada et garantir l’intégrité de ses institutions publiques.

[Traduction]

Cette approche s’applique à plus de 1 400 nominations, ce qui comprend les postes dans les missions fédérales, les conseils, les sociétés d’État, les organismes et les tribunaux partout au pays, y compris les postes à temps partiel. Le Secrétariat du personnel supérieur au Bureau du Conseil privé offre soutien et conseils au premier ministre et au greffier du Conseil privé au sujet de ces nominations. Le gouvernement reconnaît l’importance d’un effectif bilingue nommé par le gouverneur en conseil et tient compte des compétences en matière de bilinguisme dans le cadre de son évaluation des candidats pour déterminer leur capacité de remplir leurs fonctions, que ce soit dans le contexte local, régional ou national. Ainsi, lorsque les candidats présentent une demande en ligne, ils sont appelés à fournir de l’information sur leurs aptitudes en langue seconde.

[Français]

Certains postes, comme ceux des agents du Parlement, sont visés par la Loi sur les compétences linguistiques, qui exige que les personnes nommées soient manifestement capables de parler et de comprendre les deux langues officielles au moment de leur nomination. Dans ce cas, les compétences linguistiques sont évaluées dans le cadre d’examens officiels sur les aptitudes d’expression orale et écrite.

Dans le cas où le bilinguisme n’est pas exigé par la loi pour les nominations, les avis de possibilité de nomination publiés en ligne indiquent que la maîtrise des deux langues officielles est un atout, et la compétence dans la deuxième langue sera évaluée au cours d’un processus d’entrevue.

Les compétences linguistiques font partie des facteurs dont tient compte un comité de sélection au moment de soumettre sa liste de candidats qualifiés à l’examen du ministre responsable.

Depuis la mise en œuvre de la nouvelle approche en 2016, plus de 1 030 nominations ont été effectuées dans le cadre d’un processus ouvert, transparent et fondé sur le mérite.

[Traduction]

Plus de 53 p. 100 de ces postes sont occupés par des femmes, 13 p. 100 par des personnes s’identifiant comme membres d’une minorité visible et plus de 9 p. 100 par des personnes s’identifiant comme Autochtones. Un peu plus de 50 p. 100 de ces personnes nommées ont indiqué être bilingues. Ces résultats reposent sur l’auto-identification.

[Français]

J’aimerais aussi prendre quelques minutes pour parler de l’importance du bilinguisme au sein de la communauté des sous-ministres de la fonction publique fédérale. Comme vous le savez peut-être, les sous-ministres sont nommés à la discrétion du gouverneur en conseil et ne sont pas assujettis à la même évaluation de langue seconde que les fonctionnaires fédéraux. Ils ont toutefois l’obligation d’appuyer et de promouvoir les objectifs de la Loi sur les langues officielles en favorisant l’utilisation des deux langues officielles au sein de leurs institutions. En effet, cela fait partie de leurs conditions d’emploi.

[Traduction]

La plupart des sous-ministres se sont soumis à une évaluation de langue seconde, même si cela n’était pas une exigence, et une formation en langue seconde est offerte aux sous-ministres qui en ont besoin.

Le Bureau du Conseil privé s’assure, au moyen du programme annuel de gestion du rendement, que les sous-ministres respectent leur obligation d’appuyer la Loi sur les langues officielles. Pour cela, il tient compte des commentaires du commissaire aux langues officielles, de même que des renseignements sur la conformité à la politique sur les langues officielles évaluée dans le cadre de responsabilisation de gestion.

[Français]

Enfin, je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant votre comité aujourd’hui, et je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup pour vos présentations.

Nous allons commencer la période des questions. Je rappelle à mes collègues et aux témoins que nous avons convenu de cinq minutes par question et réponse. Je vous prie donc d’être succincts, et je vous remercie.

La sénatrice Poirier : Merci de votre présence parmi nous et de vos présentations.

Ma première question s’adresse à quiconque veut y répondre. Avez-vous eu la chance d’amorcer une réflexion sur la création d’un tribunal administratif? Si oui, qu’en pensez-vous?

Mme Roy : J’ai lu plusieurs rapports et j’ai pris connaissance des témoignages de différentes parties. La ministre Joly mène actuellement des consultations. Je sais que votre comité a entendu des témoignages sur cette question. Essentiellement, la ministre attend vos conclusions sur cette question.

Mes collègues et moi avons chacun nos responsabilités dans le cadre de la loi. La ministre Joly a ses responsabilités en ce qui a trait à la partie VII. On attend donc vos recommandations et vos points de vue sur cette question.

La sénatrice Poirier : Quelqu’un d’autre veut-il répondre?

Ma deuxième question porte sur les recommandations. Comme vous le savez sans doute, notre comité mène une étude sur la modernisation de la loi depuis deux ans. Notre étude tire bientôt à sa fin. Nous avons consulté de nombreuses personnes de divers secteurs, d’un océan à l’autre du pays, y compris des jeunes et des moins jeunes. À ce sujet, auriez-vous d’autres recommandations à nous faire que celles qui ont été proposées par les témoins que nous avons déjà entendus?

Mme Roy : Je vais commencer à vous répondre, et mes collègues pourront s’exprimer par la suite.

Je tiens d’abord à souligner l’excellent travail que fait le comité. J’ai lu chacun de vos rapports périodiques. Vous avez couvert plusieurs aspects. Vous avez mené des consultations auprès des jeunes, vous avez discuté de la perspective des gens, de l’évolution de la Loi sur les langues officielles, des communautés de langue officielle en situation minoritaire et des institutions, et vous vous êtes également déplacés.

À titre de sous-ministre, je peux vous affirmer que la ministre Joly attend votre rapport avec impatience en juin. Le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a également l’intention de participer à cette étude. On veut tenir compte de tous ces éléments dans le cadre de la modernisation de la loi.

Vous faites un travail énorme. Vous avez réparti vos travaux en cinq rapports périodiques. Tout comme la ministre Joly, j’ai hâte de prendre connaissance de votre rapport en juin.

Mme Chahwan : J’aimerais joindre ma voix à celle de ma collègue pour vous remercier de votre travail, que nous suivons tous attentivement et qui permettra d’informer le travail sur la modernisation de la loi.

J’aimerais attirer votre attention sur les règlements qui font actuellement l’objet de consultations en ce qui concerne la partie IV, notamment la définition du critère de la vitalité des communautés et la façon plus inclusive de calculer le seuil de considération du bilinguisme en ce qui a trait aux services offerts à la population.

M. Borbey : Nous sommes ouverts à toutes vos suggestions sur la façon d’améliorer le recrutement de candidats bilingues qui respectent les normes en matière de bilinguisme, y compris toute la question de la façon dont on pourrait moderniser la norme de qualification, qui est une norme qui date de plusieurs décennies et qui n’est pas facile à harmoniser avec les normes internationales. Je crois que cela apporte certains défis, particulièrement pour les jeunes diplômés du programme d’immersion en langue française avec le DELF ou d’autres normes internationales. Il faut établir des comparaisons par rapport aux normes fédérales. Il faut s’assurer que les jeunes qui ont atteint un niveau de bilinguisme intéressant grâce à leurs études secondaires pourront maintenir cette compétence durant leurs études universitaires et sur le marché du travail.

La sénatrice Poirier : Ma dernière question s’adresse à Mme Sherman. Vous avez mentionné dans votre présentation qu’il n’y a pas de critère qui exige que les sous-ministres soient bilingues. On leur demande plutôt de faire un effort. D’après vous, est-ce que les sous-ministres devraient tous être bilingues?

Mme Sherman : Oui. En fait, la plupart des sous-ministres sont bilingues. La majorité d’entre eux proviennent de la fonction publique. À titre de cadres de la fonction publique, ils ont une compétence linguistique. Ce n’est pas toujours un niveau de perfectionnement, mais ils ont une compétence linguistique. Quant aux gens qui proviennent de l’extérieur de la fonction publique, ils ne sont pas toujours bilingues, mais ils ont l’habitude d’utiliser leur deuxième langue officielle au niveau de leurs compétences, et l’utilisation des deux langues officielles est encouragée par leur institution.

Le sénateur McIntyre : Merci de vos présentations. Les témoignages que nous avons entendus à ce jour sont quasi unanimes sur la nécessité de confier la responsabilité de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles à une agence centrale. Autrement dit, il faudrait désigner une institution responsable dotée de pouvoirs de surveillance et de mécanismes de conformité adéquats. Cependant, il n’y a pas de consensus à savoir qui du Bureau du Conseil privé, du Conseil du Trésor, de Patrimoine canadien ou d’un ou d’une ministre des Langues officielles devrait assumer cette tâche. Au Nouveau-Brunswick, la responsabilité de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles est confiée au premier ministre. Ce serait donc un modèle à suivre.

Ma question est la suivante : laquelle de ces institutions devrait assumer cette responsabilité?

Mme Chahwan : Merci de cette question. Je ne peux pas y répondre directement, parce qu’il s’agit de responsabilités liées à la partie VIII de la loi, qui n’est pas de mon ressort. Nous allons lire attentivement votre rapport, mais nous allons aussi écouter les voix qui s’élèvent au cours des consultations.

La raison pour laquelle j’aimerais offrir de l’information est celle-ci : en ce moment, le Conseil du Trésor est le responsable de la politique en matière de langues officielles. À l’intérieur de cette politique, nous exerçons, au secrétariat, un certain pouvoir de surveillance et un certain pouvoir de vérification. Ce dernier est mentionné au sein même de la loi. Donc, même en l’absence d’une autorité unique, il y a des dispositions en ce moment soit sur la loi, soit sur les politiques en matière de langues officielles qui nous permettent d’effectuer cette surveillance et de demander aux administrateurs généraux, qui sont responsables de la conformité à l’intérieur de leurs ministères et agences, d’agir en ce sens.

Le sénateur McIntyre : Ce qui est important, c’est la coordination des langues officielles. Madame Sherman, certains proposent que cette responsabilité revienne au Bureau du Conseil privé. Ces témoins s’appuient sur l’expérience passée alors qu’un ministre responsable des Langues officielles exerçait cette fonction de coordination de la loi avec l’appui du Bureau du Conseil privé et d’un comité de sous-ministres responsables des langues officielles.

Lorsqu’un ministre responsable des Langues officielles relevait directement du Bureau du Conseil privé, cela a-t-il entraîné des effets positifs sur l’avancement du dossier des langues officielles? J’aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Sherman : Merci de la question. Je pense qu’il est important de la considérer dans le contexte de notre système de gouvernance. Les sous-ministres se voient déléguer tous les pouvoirs d’administration du ministère. Dans ce contexte, il est important pour eux d’exercer un leadership quant aux langues officielles.

Au niveau de la coordination, je pense que, maintenant, c’est le rôle du greffier, à titre de chef de la fonction publique, d’exercer un leadership à l’égard de ces priorités gouvernementales. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une façon de réviser cette fonction de chef de la fonction publique qui serait différente. En tant qu’agence centrale, nous utilisons les pouvoirs de persuasion morale et de coordination avec tous les sous-ministres. Comme je l’ai mentionné, le programme de rendement des sous-ministres est une façon de vérifier la coordination et de renforcer l’importance des langues officielles partout au sein du gouvernement.

Le sénateur McIntyre : Je comprends, madame, mais les témoignages que nous avons entendus nous disent que la Loi sur les langues officielles n’a pas de piquant ou de mordant. Avons-nous besoin d’une agence centrale pour unifier tout cela, c’est-à-dire pour coordonner les efforts en matière de langues officielles et pour tout mettre cela ensemble, oui ou non?

Mme Sherman : Ce n’est pas à moi de dire oui ou non. Le travail de ce comité sera très important pour clarifier les pour et les contre de cette proposition. Pour moi, en tant que sous-ministre, je suis à l’aise avec la responsabilité de chaque ministère et sous-ministre de cette façon.

[Traduction]

Je crois que nous avons déjà un rôle d’organisme central. Je conviens que cette responsabilité n’est pas établie comme dans l’exemple du Nouveau-Brunswick, mais je pense qu’il y a déjà une coordination entre les divers éléments de notre structure de gouvernance. J’estime donc que les travaux et les propositions que vous portez à notre attention, à l’attention du gouvernement, aideront à remédier à la situation.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci de vos présentations et de votre présence ici ce soir. Ma question s’adresse à Mme Chahwan. Je veux simplement vérifier qu’il est toujours prévu que le règlement de la partie IV sera adopté d’ici juin.

Mme Chahwan : Nous l’espérons sincèrement. Les consultations sont en cours et nous nous attendons à déposer le règlement final au mois de juin pour qu’il soit examiné et adopté.

La sénatrice Gagné : J’ai une question de suivi. Lorsque le règlement sera adopté — je vais prendre une approche positive — et que le gouvernement ira de l’avant avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles, comment s’assurer de ne pas perdre les acquis de ce nouveau règlement dans le cadre de la modernisation de la loi?

Mme Chahwan : Nous travaillons étroitement avec nos collègues. Les ministres collaborent aussi aux consultations sur l’ensemble de la loi elle-même. Nous sommes très attentifs aux consultations sur l’ensemble de la loi de façon à pouvoir informer notre travail, pas seulement sur la partie IV, mais sur toutes les parties qui concernent le Secrétariat du Conseil du Trésor. Il y a déjà eu des consultations importantes, autant à l’interne qu’auprès du public. On ne s’attend pas à ce qu’il y ait de surprises quant aux commentaires que nous entendrons au sein de la consultation globale en ce qui concerne spécifiquement la partie IV.

La sénatrice Gagné : Si je comprends bien, compte tenu des changements proposés dans les règlements, il faudra peut-être apporter des ajustements à la Loi sur les langues officielles. Pourrait-il y avoir une démarche d’entreprise afin de s’assurer de ne pas perdre ces acquis?

Mme Roy : Pour ce qui est des règlements, ils sont pris en vertu de la loi actuelle. Alors, le cadre légal du règlement sur lequel travaille ma collègue est déjà prévu par la loi. En termes de rédaction de règlement, il faut toujours que notre règlement soit conforme au cadre légal prévu dans la loi. Donc, le règlement est conforme au cadre réglementaire de la loi actuelle.

Votre question vise à savoir ce qui se passe avec la réglementation s’il y a modification de la loi. Il faudra voir à ce moment-là, car je ne peux pas spéculer quant à savoir comment la loi va changer. En revanche, je fais écho aux propos de Mme Chahwan, soit qu’il y a eu beaucoup de consultations sur ce règlement. Nos collègues du Conseil du Trésor en sont bien au fait, y compris mes collègues de Patrimoine canadien et la ministre Joly. Beaucoup de consultations sont faites à l’intérieur et à l’extérieur.

Ce que je peux dire, c’est que la loi actuelle permet la prise du règlement qui ira de l’avant, et on verra ce qui va se passer avec la modernisation de la loi.

La sénatrice Gagné : J’ai en tête la question de tenir compte de la vitalité institutionnelle et ce genre de choses, qui pourraient peut-être avoir un effet sur la loi éventuelle.

J’avais une autre question à poser à Mme Chahwan, si vous me le permettez, concernant la directive sur la vente et le transfert des terrains fédéraux excédentaires, prise en vertu de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux. Certaines personnes, moi y compris, pourraient dire que la directive ne va pas assez loin pour assurer la consultation avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire lorsqu’un terrain d’intérêt pour celles-ci est mis en vente. Le Conseil du Trésor renforcerait-il cette directive si elle était prise aussi en vertu de la Loi sur les langues officielles et d’une partie VII bonifiée?

Mme Chahwan : Je sais que cet enjeu a été soulevé aussi auprès de mes collègues du ministère des Services publics et de l’Approvisionnement. D’ailleurs, cette question relève de leurs responsabilités. La partie VII ne relève pas du Secrétariat du Conseil du Trésor.

En revanche, ce que je peux vous dire, c’est que mes collègues du Bureau du contrôleur général se penchent sur les politiques et directives en matière de transferts de biens immobiliers et qu’ils ont pris note de ces préoccupations et de la proposition, du moins, de renforcer les mécanismes. En ce moment, nous savons que toute disposition d’actifs immobiliers qui est routinière, donc non considérée stratégique aux fins de la politique et de la directive, fait l’objet d’une circulation prioritaire auprès des ordres de gouvernement. Donc, même en l’absence de la nouvelle version de la politique sur laquelle mes collègues travaillent, il y a déjà des mécanismes qui s’adressent aux groupes qui représentent les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour collaborer avec les gouvernements locaux.

La sénatrice Gagné : Oui et non. Merci.

La sénatrice Moncion : En quoi consiste le décret d’exemption, et qu’est-ce qu’on fait lorsque deux ans se sont écoulés et que les personnes ne se conforment pas?

M. Borbey : Nous avons des décrets qui peuvent s’appliquer à des questions médicales ou dans le cas où la personne compte prendre sa retraite dans une période allant jusqu’à deux ans. Il y a ensuite les cas où une dotation se fait de façon non impérative. La dotation non impérative est très limitée et, comme vous le dites, il y a normalement une période de deux ans pour atteindre le niveau de langue exigé pour le poste. Si le niveau de compétences n’est pas atteint, on doit nous aviser, à la Commission de la fonction publique et, normalement, l’administrateur en chef a l’autorité d’accorder une prolongation jusqu’à quatre ans, en nous en avisant.

Nous surveillons tout de même de très près les cas qui dépassent les deux ans et, lorsque nous arrivons près de la période de quatre ans, à ce moment-là, j’interviens auprès de l’administrateur général pour m’assurer que le plan qui a été mis en place permettra d’atteindre les résultats voulus. C’est exceptionnel, il y a très peu de cas, mais c’est une souplesse que prévoit la loi et qui peut permettre de doter certains postes avec des candidats qui apportent certaines expertises ou certains profils, mais qui n’ont pas le profil linguistique requis pour le poste.

La sénatrice Mégie : Ma question sera courte également et s’adresse à Mme Roy. Vous avez dit que le mandat du CSMALO a été élargi, et l’un des enjeux était le Plan d’action pour les langues officielles de 2018-2023. Lors de la rencontre avec les témoins précédents, il a été question de savoir — et on n’attendra pas jusqu’à 50 ans — quel délai on pourrait fixer pour prévoir la prochaine révision : trois ans, cinq ans ou dix ans. J’ai vu ici que vous avez indiqué 2018-2023, comme si vous décidiez tacitement qu’une période de cinq ans serait convenable. Est-ce le cas?

Mme Roy : La période de 2018-2023 que j’ai mentionnée concerne le Plan d’action pour les langues officielles qui a été annoncé dans le budget de 2018 avec plusieurs initiatives pour différents ministères. Cette période-là était plutôt liée au plan d’action et au financement qui a été accordé en faveur des langues officielles.

En ce qui a trait au temps qu’on devrait prendre avant de réviser une loi, je pense qu’il reviendra au comité de recommander ce qu’il trouve pertinent. Si vous regardez, il y a des échéanciers différents pour différentes lois. Certaines lois prévoient cinq ans, d’autres, dix ans; c’est à vous de décider ce que vous voulez recommander dans votre rapport final.

La sénatrice Mégie : Avez-vous une suggestion à faire, de votre côté, comme l’ont fait les autres témoins?

Mme Roy : Je vais attendre vos recommandations, mais je souligne que la Loi sur les langues officielles existe depuis 50 ans. En 1988, lorsqu’il y a eu une révision de la loi, c’était mon premier emploi au sein de la fonction publique et j’ai travaillé sur la révision de la loi; cela ne me rajeunit pas.

Le sénateur Maltais : J’ai deux petites questions. Tous les gens que nous avons rencontrés, qui sont venus témoigner et que nous avons rencontrés lors de nos visites, de l’Île-du-Prince-Édouard à Victoria, nous ont toujours dit que, concernant l’application de la Loi sur les langues officielles, si le commissaire n’a pas de pouvoir punitif, ce n’est pas applicable. On cite souvent l’exemple d’Air Canada, cela fait 50 ans que les commissaires s’en plaignent et il n’y a aucun changement. Est-ce que vous croyez que le gouvernement peut donner ce pouvoir punitif, sachant fort bien — et c’est l’autre partie de ma question — que les plus grands manquements aux règles du bilinguisme proviennent du gouvernement? Soyons clairs, est-ce que c’est utopique de penser que le gouvernement va donner des pouvoirs au commissaire aux langues officielles? Soyez bien à l’aise pour répondre.

Mme Roy : Je vais redire ce que j’ai dit plus tôt : comme sous-ministres, nous appuyons le gouvernement. Ce que nous regarderons, c’est le rapport que vous allez produire. Quant à la question de savoir si la loi peut être modifiée, nous verrons comment se déroulera la modernisation; mais, encore une fois, j’en reviendrais au fait que vous avez entendu beaucoup de gens qui ont exprimé des points de vue convergents et divergents...

Le sénateur Maltais : Tous étaient convergents là-dessus.

Mme Roy : Alors, il vous revient de déterminer comment vous ferez rapport au gouvernement à ce sujet.

Le sénateur Maltais : J’ai un dernier point. Madame Sherman, vous avez dit que, depuis 2016, il n’y avait plus de nominations partisanes et que ce sont des nominations transparentes — je crois que ce sont vos mots. Est-ce que les nominations qui étaient faites auparavant n’étaient pas transparentes?

Mme Sherman : Je vous remercie de la question. Les nominations avant 2016 étaient soumises à un processus assez similaire dans un contexte d’ouverture et de transparence, mais à un autre niveau. Maintenant, grâce au site web, les candidats peuvent postuler en ligne. Ce qui est différent, c’est l’inclusion des postes à temps partiel. La grande différence, c’est le nombre.

Le sénateur Maltais : Si je comprends bien, lorsque le gouvernement cherchait des candidats, il mettait des affiches dans différents édifices gouvernementaux et les gens posaient leur candidature. Aujourd’hui, cela se fait par l’intermédiaire d’un site web, si je comprends bien.

Mme Sherman : Oui et non. L’utilisation du site web favorise l’accès, bien sûr. Auparavant, les affiches pour les postes étaient diffusées dans les médias, les journaux, et cetera.

Le sénateur Maltais : Donc, cela donne une plus grande visibilité. Le gouvernement annonce qu’il y a un poste d’agent correctionnel, par exemple, et cela se répand a mari usque ad mare grâce au site web du gouvernement. C’est ça?

Mme Sherman : Oui.

Le sénateur Maltais : Merci.

Le sénateur Smith : Ma question s’adresse à M. Borbey. Dans votre rapport, vous avez mentionné que certaines pratiques actuelles doivent être remises en question lorsqu’elles ne répondent plus aux besoins d’une fonction publique moderne et dynamique. Pourriez-vous donner des exemples des plus grands irritants que vous voulez améliorer ou changer?

M. Borbey : L’accès à la formation linguistique revient constamment, et il est aussi question de la qualité de la formation. Chaque ministère détermine qui peut y avoir accès. Il y a des gens qui suivent constamment des formations, mais qui ne maîtrisent pas la langue, et ces coûts se répercutent sur les contribuables. D’autres personnes n’ont pas accès à la formation linguistique. Une des solutions recommandées, qui suscite la controverse, serait de remettre en question la prime de bilinguisme qui existe depuis une quarantaine d’années. J’essaie de me souvenir du moment où cela a été mis en place. C’était prévu comme une mesure temporaire pour recruter davantage de gens bilingues dans la fonction publique et ça existe encore aujourd’hui. Une prime de 800 $ par année est versée à tous les fonctionnaires qui occupent des postes bilingues et qui répondent aux exigences de leur poste. Selon les commentaires qui ont été exprimés, nous croyons que cet argent pourrait être mieux utilisé. Ces primes se montent à 60 ou 70 millions de dollars par année, mais elles ne répondent pas à un besoin. Pourtant, les besoins sont criants en matière de formation linguistique. C’est pour cette raison qu’on a recommandé qu’une discussion soit entamée avec les syndicats pour examiner la possibilité, de façon conjointe, de réacheminer cet argent afin de combler les écarts en matière de formation linguistique.

C’est un bel exemple de mesures qui ont été mises en place de façon temporaire, mais qui existent encore aujourd’hui et qui ne répondent plus au besoin original.

Le président : J’aimerais vous poser une question très vaste. J’espère que vous pourrez nous apporter des précisions. La question de l’agence centrale est une préoccupation qu’ont soulevée tous les témoins que nous avons rencontrés depuis le début de cette étude. Tous les témoins sont d’avis qu’un renforcement ou une modernisation de la Loi sur les langues officielles passera par une volonté politique d’abord. Ensuite, elle doit pouvoir se mettre en œuvre au sein de l’appareil gouvernemental dont vous faites partie. En ce qui concerne l’agence centrale, on envisage le Conseil privé, le Conseil du Trésor ou Patrimoine canadien, comme l’a dit mon collègue, le sénateur McIntyre, ou encore le portefeuille d’un ministre.

Alors, il faut réfléchir à cette vision de mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles. Il y a cette vision de départ, sa mise en œuvre, puis sa coordination. Vous nous renvoyez beaucoup au comité depuis le début. Vous avez des postes très importants au sein de la fonction publique et vous avez une connaissance de la fonction publique qui est importante. Si vous aviez à nous donner trois éléments de réflexion qui nous permettraient de déterminer le meilleur espace, le meilleur endroit possible où loger la Loi sur les langues officielles, quels seraient-ils? Vous avez certainement, dans le cadre de vos compétences, la capacité de nous amener à réfléchir davantage et à aller un peu plus loin dans notre réflexion, parce que si vous n’êtes pas en mesure de le faire, qui pourra le faire?

Vous avez suffisamment de connaissances de cet appareil. Je laisse la question ouverte et je vous invite, l’un ou l’autre, à y répondre. Sur quoi devrions-nous nous concentrer pour déterminer quel devrait être le lieu d’accueil de la mise en œuvre de cette loi?

Mme Chahwan : Monsieur le président, je pense que vous avez bien saisi l’endroit où vous pourriez nous entendre un peu plus là-dessus. Il s’agit de partager des critères de réflexion, si j’ai bien compris votre question.

Le président : Oui.

Mme Chahwan : J’aimerais mentionner que la loi actuelle confère déjà au Conseil du Trésor et au Secrétariat du Conseil du Trésor l’autorité de donner l’orientation générale liée à la coordination de politiques et de programmes en matière de langues officielles. Pour répondre à la question que vous avez posée un peu plus tôt, sénateur, la loi le prévoit déjà. Ce que vous entendez de la part de témoins, ce sont des commentaires qui indiquent que ça ne semble pas être suffisant. L’une des pistes de réflexion, ce serait de cerner les lacunes dans l’optique des intervenants que vous entendez alors que vous articulez vos recommandations.

De mon côté, en tant que dirigeante principale des ressources humaines, à l’intérieur des politiques approuvées par le Conseil du Trésor, qui est un comité du Cabinet, j’ai l’autorité d’exercer une surveillance et de faire des audits de performance. Je dispose de mécanismes pour faire état de mes observations. On publie annuellement des rapports à ce sujet. Le président dépose son rapport au Parlement chaque année. Il y a déjà des recours pour faire état de ce qu’on constate. J’ai aussi l’autorité, selon nos politiques, d’approcher un de mes collègues sous-ministres pour lui faire part des éléments de non-conformité récurrents au sein de son organisation et de lui demander de prendre des mesures à ce chapitre. Il y a tout de même des pouvoirs qui existent, et je vous invite à essayer de cerner, avec respect, bien sûr, les manquements et les mesures correctives qui, selon vous et les intervenants, nous permettraient d’aller encore plus loin.

Le pouvoir de coercition ne fonctionnera pas toujours. Des décisions doivent être prises, y compris dans la mise en œuvre des recommandations du rapport Borbey-Mendelsohn, pour concilier une approche fondée sur les valeurs avec une approche plus coercitive. Il faut tenir compte des besoins opérationnels, de la planification de la main-d’œuvre à long terme et des outils que l’on rend disponibles. Nous travaillons en ce moment sur la mise à jour des normes de qualification dont M. Borbey a parlé un peu plus tôt. Il faut que ce soit un continuum, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire. Si nous allons de l’avant avec la recommandation qu’il faut prévoir plus de pouvoirs, la question que je poserais est celle-ci : pour accomplir quoi et remplir quel écart observé aujourd’hui? À ce moment-là, peut-être que la réponse se dessinera d’elle-même.

Le président : Je propose une piste de réflexion. Il y a le Comité des sous-ministres adjoints. Selon les témoins qu’on a entendus, les sous-ministres adjoints font un excellent travail, ce n’est pas là le problème, mais leur poste n’est pas suffisamment haut placé au sein de l’appareil. Est-ce que les sous-ministres ont un comité qui leur permet de se rencontrer pour discuter des enjeux qui touchent la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles? Ce que vous me décrivez, c’est que vous consultez vos collègues sous-ministres et que vous avez le pouvoir de les solliciter. Toutefois, est-ce qu’il existe un comité de sous-ministres qui travaille sur cette question?

Mme Chahwan : Merci de la précision. J’ai le pouvoir d’aller plus loin que celui de consulter. J’ai le pouvoir de leur dire que leur organisation n’est pas conforme à la loi en ce moment et de leur demander de prendre des mesures. Si les sous-ministres ne prennent pas de mesures, j’ai le pouvoir d’appliquer le cadre de mesures correctives du Conseil du Trésor, lesquelles, d’ailleurs, peuvent aller assez loin.

Mme Sherman a mentionné plus tôt le rôle du greffier. Encore une fois, le leadership est exercé de très haut. Le CSMALO se rapporte à Mme Roy, qui est sous-ministre et qui fait en sorte que cette information soit partagée avec le Comité consultatif des sous-ministres de la fonction publique. Ce comité est coprésidé par le secrétaire du Conseil du Trésor et par moi. L’information est certainement transmise à ce comité consultatif chaque fois qu’un enjeu doit être examiné. Donc, oui, nous avons une gouvernance au niveau des sous-ministres.

La sénatrice Poirier : Les gens nous parlent souvent du fait qu’il devrait exister une agence centrale. Si je comprends bien, vous dites que vous avez déjà ce pouvoir et qu’il s’agirait de combler les lacunes. Pouvez-vous nous dire quelles lacunes il faudrait combler pour répondre aux préoccupations de ceux qui croient qu’il n’existe pas d’agence centrale?

Mme Chahwan : Je comprends entièrement votre question. Malheureusement, je ne peux pas vous fournir cette information, parce que je ne saisis pas ce que les intervenants souhaitent combler comme manquements.

Ce que j’ai entendu de la part de certains intervenants, au cours des consultations, c’est que la loi, aujourd’hui, donne un pouvoir discrétionnaire au Secrétariat du Conseil du Trésor pour mener des audits. J’ai entendu dire que certains intervenants, au lieu d’utiliser le terme « peut faire un audit », préféreraient l’expression « doit faire un audit ».

Je ne sais pas si cela résout un problème. Ce serait à vous d’en faire état.

Le président : Est-ce qu’un autre témoin voudrait répondre à cette grande question sur les éléments que nous devrions considérer?

M. Borbey : Je vous rappelle que nous avons choisi, il y a plusieurs décennies, un modèle délégué de gestion dans la fonction publique fédérale. Il faudrait s’assurer que ce modèle sera conforme à vos recommandations. Autrement dit, qu’il s’agisse de l’administration financière, de ressources humaines ou de la dotation, nous déléguons aux administrateurs en chef des mesures de responsabilisation pour nous assurer qu’ils respectent les normes établies. Il s’agit d’un modèle délégué, donc il faudrait que ce soit reflété dans les facteurs que vous allez examiner.

Mme Roy : Le Secrétariat du Conseil du Trésor a certaines responsabilités, et la ministre Joly a des responsabilités quant à la partie VII. On rappelle souvent aux gens que chaque institution fédérale a ses responsabilités en matière de langues officielles. On veut s’assurer que la responsabilisation des institutions fédérales demeure dans les institutions fédérales.

Chaque ministre, chaque institution est responsable de respecter la loi pour les services offerts au public, la langue de travail et les différentes composantes de la loi. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et la ministre ont des responsabilités spécifiques, mais il ne faut pas oublier que la loi impose des obligations à toutes les institutions fédérales. Il est important que les institutions fédérales soient responsables en vertu de la loi.

Le président : Sur ce, je vous remercie de vos témoignages et présentations. Ils nous seront certainement utiles.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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