Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 8 - Témoignages du 19 mai 2016
OTTAWA, le jeudi 19 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier la teneur des éléments de la section 12 de la partie 4 du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Le président : Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je représente la Nouvelle-Écosse. Je suis président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter en commençant par ma droite.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Nancy Ruth : Sénatrice Nancy Ruth, de Toronto, en Ontario.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Bonjour, je m'appelle Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
Le président : Merci chers collègues.
La présente réunion concerne la teneur des éléments de la section 12 de la partie 4 du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Notre réunion ce matin se terminera au plus tard à 11 h 30.
Cela dit, je vais inviter nos témoins à présenter leur déclaration. Nous nous sommes entendus pour commencer par M. Mendelson.
Michael Mendelson, chercheur principal, Caledon Institute of Social Policy : Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs, de m'avoir invité ici. Je suis très heureux de pouvoir vous parler de l'assurance-emploi. Je vais m'en tenir à un seul aspect du projet de loi qui vous a été référé, soit la notion des régions de l'assurance-emploi.
Comme nous le savons tous, il y a probablement un seul élément controversé dans le récent projet de loi, et c'est la décision d'inclure 12 régions qui bénéficieront d'une prolongation des prestations, excluant par le fait même certaines des régions avoisinantes qui, à leurs yeux, étaient tout aussi admissibles aux prestations améliorées prévues dans ces dispositions ou estimaient y être raisonnablement admissibles.
Trois régions ont depuis été ajoutées, et ce, peut-être en réaction aux critiques, mais peut-être aussi en réaction à la terrible situation actuelle en Alberta.
Dès qu'on applique des règles différentes d'une région à l'autre, il faut établir des frontières. En outre, de part et d'autre de ces frontières, il y aura toujours quelqu'un qui se trouve dans une situation très similaire et peut-être identique à celle de la personne de l'autre côté, voire pire. Par conséquent, il y aura toujours une perception d'injustice et en fait une injustice tout court.
S'il y a 15 ou 12 régions, qu'en est-il des trois ou quatre régions voisines? Faut-il choisir 19 régions, 20 régions? Et pourquoi pas les 58? Vous comprendrez que, selon moi, le problème ne découle pas des changements de règles précis qui sont apportés dans le présent projet de loi d'exécution du budget, mais plutôt de l'organisation régionale du système d'assurance-emploi. Par conséquent, je veux vous parler aujourd'hui, du problème sous-jacent plutôt que de sa manifestation particulière dans le projet de loi d'exécution du budget.
Durant les années 1940 et 1950, il était peut-être logique d'avoir un système d'assurance-chômage comme on l'appelait alors. Comparativement à aujourd'hui, la majeure partie de la main-d'œuvre était peu spécialisée. Les quelques travailleurs qui étaient plus spécialisés ou qui avaient des compétences très recherchées étaient probablement beaucoup moins susceptibles de se retrouver au chômage, et ce, même s'ils se trouvaient dans une région au taux de chômage élevé.
J'imagine aussi que, durant les années 1940 et 1950, la plupart des travailleurs restaient probablement beaucoup plus près de leur travail. Ma famille a monté dans une voiture pour la première fois en 1954. Je ne sais pas à quand remonte la première expérience de la vôtre. Ça ne me rajeunit pas. La plupart des travailleurs n'avaient pas d'automobile et n'avaient pas accès non plus à un autre moyen de transport leur permettant de se rendre chaque jour à un lieu de travail situé à 60, 70 ou 80 milles de chez eux. Par conséquent, les travailleurs étaient beaucoup plus susceptibles d'être victimes du chômage dans la région où ils vivaient, et les problèmes de chômage étaient beaucoup plus susceptibles d'être confinés dans des régions précises.
De nos jours, la population active est différente. Il y a beaucoup plus de spécialisation et beaucoup plus d'emplois hautement spécialisés. Il y a beaucoup plus de navettage et sur des distances qui peuvent être assez longues; parfois, un résidant de Terre-Neuve travaille en Alberta, mais il s'agit peut-être d'un cas exceptionnel. Lorsque j'ai travaillé pour le gouvernement, il y a de ça de nombreuses années, une de mes employées qui vivait à Hamilton venait travailler chaque jour au centre-ville de Toronto dans un autobus GO. Elle vivait donc dans une région de l'assurance-emploi différente de celle où elle travaillait.
Si vous vous trouvez dans une région de l'assurance-emploi où le taux de chômage est très bas et que vous travaillez 1 500 heures et gagnez le taux maximum de rémunération assurable, vos prestations totales s'élèveront à environ 13 000 $. Si vous êtes dans une région où le taux de chômage est très élevé et que vous travaillez ces mêmes 1 500 heures, vos prestations totales s'élèveront à environ 22 000 ou 23 000 $. Il y a donc une grande différence.
Dans les années 1940, les personnes hautement qualifiées étaient peu susceptibles d'être mises à pied dès le départ. Aujourd'hui, un travailleur hautement qualifié qui vit dans une région où le taux de chômage est élevé et qui perd son emploi en trouvera probablement un autre très rapidement. Le taux de chômage général — qu'il soit de 10, 8 ou 12 ou 13 p. 100 — n'est peut-être pas important pour tel ou tel travailleur, selon ses compétences. C'est une des conséquences d'une main-d'œuvre extrêmement différenciée et extrêmement spécialisée.
La question qu'il faut se poser est la suivante : pourquoi faisons-nous une distinction en fonction du niveau de chômage dans la région où vit un travailleur pour donner droit à ce dernier à des prestations plus élevées ou encore, lui accorder des prestations moins élevées s'il habite dans une région où le taux de chômage est bas? Est-ce équitable? Est- ce que cela représente vraiment ce qui importe pour les gens, c'est-à-dire la mesure dans laquelle il sera difficile de se trouver un nouvel emploi?
Si on pouvait réaliser une analyse où la variable dépendante de l'équation serait la mesure dans laquelle il sera difficile de trouver un emploi, et qu'on procédait ainsi à une équation multifactorielle, on constaterait certes que le niveau de chômage dans la région où vit une personne est un des facteurs, mais ce serait probablement un de ceux qui ont le moins d'impact sur la difficulté à trouver un emploi.
Les facteurs susceptibles d'être plus importants seraient probablement le type de spécialité que la personne possède, son niveau de scolarité, son âge — qui est probablement l'un des facteurs les plus importants, malheureusement — et d'autres genres d'enjeux qui sont pertinents pour la personne.
On pourrait peut-être — mais ce n'est pas nécessairement souhaitable — définir un nouvel algorithme — si nous avions les données nécessaires —, qui nous permettrait de déterminer le type de prestations auxquelles une personne aurait droit en fonction de sa situation particulière et des genres de facteurs dont je viens de parler. Je ne sais pas si ce serait une bonne chose.
Je dirais plutôt que la meilleure façon de procéder serait d'arrêter complètement de définir des règles différentes d'une région à l'autre et de prévoir un seul ensemble de règles pour tout le Canada. La seule exception, d'après moi, devrait être dans les rares cas où une situation d'urgence importante se présente, ce qui peut arriver de temps en temps.
Je sais que votre temps est compté. J'allais vous parler de certaines des solutions possibles, mais je devrais peut-être m'arrêter ici.
Le président : Nous vous poserons peut-être une question à ce sujet, monsieur.
Je tiens à souligner aux membres du comité que M. Mendelson est chercheur principal du Caledon Institute of Social Policy.
Je suis maintenant très heureux de souhaiter la bienvenue à Trevor Tombe, professeur adjoint du Département d'économie de l'Université de Calgary. Il comparait à titre personnel.
Trevor Tombe, professeur adjoint, Département de l'économie, Université de Calgary, à titre personnel : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Dans ma déclaration, je vais m'intéresser à une petite portion du projet de loi, et plus particulièrement aux dispositions visant à prolonger la période de versement des prestations d'assurance-emploi dans certaines régions.
Le principe sous-jacent à la prolongation est très clair : fournir des prestations supplémentaires aux ménages ou aux travailleurs dans les régions durement touchées par la faiblesse des prix des matières premières. Cependant, la prolongation n'atteindra pas l'objectif fixé pour différentes raisons importantes, et je vais donc organiser mes commentaires en fonction d'un certain nombre de préoccupations générales puis, en conclusion, formuler deux ou trois commentaires plus précis, ciblés et pragmatiques à votre intention.
Premièrement, le fait d'associer l'admissibilité à la prolongation des prestations au taux de chômage d'une région est une approche grossière. Tous les travailleurs — même dans une région — ne sont pas tous dans la même situation. L'amélioration des débouchés dans un secteur peut cacher des déclins dans un autre, même si les travailleurs ne peuvent pas passer facilement d'un à l'autre. Edmonton est un bon exemple de cette situation, où les augmentations du nombre d'emplois dans le secteur public ont limité l'augmentation du taux de chômage dans la région. Par conséquent, le taux de chômage ne reflète pas précisément les perspectives d'emploi des travailleurs de l'industrie pétrolière mis à pied, par exemple.
Deuxièmement, le fait de traiter différemment différentes régions — comme M. Mendelson l'a mentionné — nuit à la mobilité des travailleurs. Si les gens doivent abandonner des prestations plus généreuses dans leur région d'origine lorsqu'ils déménagent dans une autre région, ils seront moins susceptibles de déménager. Les prolongations empirent un peu ce problème actuel.
Le projet de loi propose d'utiliser le lieu de résidence ordinaire d'un travailleur au moment de déterminer s'il peut demander une prolongation de ses prestations ou non. Par conséquent, de nombreux travailleurs de l'Alberta qui vivent dans une autre province pourront passer entre les mailles du filet. En gros, environ 10 p. 100 des travailleurs dans le secteur pétrolier et gazier de la province de l'Alberta et environ 10 p. 100 des travailleurs de la construction dans la province vivent à l'extérieur de l'Alberta. C'est un problème encore plus grave que de simplement faire l'aller-retour quotidien entre Hamilton et Toronto, et cela représente une très longue distance à parcourir pour certains de ces travailleurs.
Ma troisième et dernière préoccupation est de nature temporelle. Pour qu'un chômeur soit admissible, le taux de chômage d'une région doit monter d'un certain pourcentage durant une période de temps définie; il y a donc une période de latence. Les travailleurs mis à pied au début d'une récession et qui seront confrontés à un marché de travail encore moins bon seront lésés, tandis que des travailleurs mis à pied vers la fin du creux, lorsque le marché du travail s'améliore, recevront plus de prestations.
Voilà pour mes préoccupations générales. Je ne sais pas si elles pourront vous être utiles dans le cadre de vos délibérations, alors je vais vous formuler deux commentaires plus précis et plus pratiques auxquels vous pourrez peut- être réfléchir.
Premièrement, le projet de loi manque de transparence et d'objectivité en ce qui concerne la sélection des régions. Il contient une liste explicite de régions plutôt que de définir les critères précis utilisés. C'est sans surprise que cela a créé une certaine confusion quant à la façon exacte qu'a utilisée le gouvernement pour dresser la liste initiale de 12 régions. En fait, c'est seulement la semaine dernière que nous avons appris quels étaient les critères précis utilisés par le gouvernement, et c'est uniquement parce qu'un journaliste de la Presse canadienne, Jordan Press, a présenté une demande d'accès à l'information. À la lumière de son reportage et de nouvelles données, il est devenu évident que trois autres régions devaient être incluses dans la liste, et c'est ce que le gouvernement a fait vendredi dernier.
Qu'arrivera-t-il lorsque d'autres données seront publiées? Peut-être — probablement — que Thunder Bay et Yellowknife respecteront les critères du gouvernement une fois l'EPA du mois prochain publiée. Le mois suivant, ce sera peut-être le tour de Regina. C'est la tendance qu'on observe dans ces régions.
Le fait de ne pas définir des critères d'inclusion clairs est problématique, mais je ne suggérerais pas de simplement codifier les critères du gouvernement. La formule utilisée comporte une anomalie dont on parle peu, mais qui est tout à fait regrettable. Plus précisément, le gouvernement a défini son « taux de chômage de référence » comme étant le taux le plus bas de décembre 2014 à février 2015. C'est très important.
Prenons l'exemple de Thunder Bay. La région a affiché une augmentation de 2,6 points de pourcentage de son taux de chômage de mars 2015 à mars 2016, et le taux est resté deux points de pourcentage au-dessus du niveau de mars 2015 en avril et mai. Si la période de référence avait été déplacée d'un mois, la région serait admissible, mais elle ne figure pas sur la liste.
Le taux normal de chômage à Thunder Bay durant la période de référence est environ de 4,5 p. 100. Si on jette un coup d'œil avant décembre, le taux était environ de 4,5 p. 100, et après février, il était un peu au-dessus de 4,5 p. 100. Par le plus pur hasard, durant la période de référence, la région a affiché une augmentation temporaire du taux de chômage, qui est passé à environ 5,5 p. 100 pendant un mois ou deux. Cette pointe a empêché la région de figurer dans la liste.
Des anomalies passagères peuvent aussi jouer en faveur d'une région. Dans le nord de l'Ontario, le taux de chômage se situe environ à 12 à 12,5 p. 100. Actuellement, il est de 12,5 p. 100. En fait, chaque mois, depuis l'été 2014 — on peut même remonter jusqu'en janvier 2014 — le taux de chômage a fluctué dans une fourchette très étroite, entre 12 et 12,5 p. 100, sauf en décembre 2014 et en janvier 2015. Durant ces mois, la région a affiché une réduction temporaire de son taux de chômage, qui est passé à 10 p. 100. Par conséquent, le niveau de référence est bas, et les travailleurs de cette région sont admissibles à la prolongation des prestations.
Ce ne sont que deux exemples qui illustrent le fait que certaines régions où les travailleurs n'ont pas besoin de prestations supplémentaires seront admissibles, tandis que d'autres régions, où les travailleurs en ont besoin, ne le seront pas.
Je vais conclure par une brève récapitulation. Je suis tout à fait d'accord : la différenciation régionale des prestations d'assurance-emploi est loin d'être idéale, mais, si on est pour procéder ainsi, il est préférable d'avoir des critères de sélection objectifs et clairs. Laissez les données parler d'elles-mêmes et laissez les choses suivre leur cours naturel. Cependant, il faut faire attention et s'assurer que de tels critères n'excluent pas des régions, comme c'est le cas pour Thunder Bay.
Merci.
Le président : Merci à vous deux. Votre résumé était très clair.
Je vais céder la parole à mes collègues, en commençant par le sénateur Eggleton, qui sera suivi de la sénatrice Stewart Olsen et de la sénatrice Seidman.
Le sénateur Eggleton : Vous avez tous les deux mentionné les lacunes du système régional. J'aurais peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet lorsque nous parlerons des travailleurs du secteur pétrolier en Alberta. L'industrie pétrolière passe beaucoup de temps à essayer de montrer au reste du pays ses avantages et les emplois qu'elle crée dans toutes les provinces. Les représentants de cette industrie vous donneront beaucoup de statistiques à ce sujet.
Vraisemblablement, si le secteur du pétrole en Alberta est en difficulté, certains des sous-traitants et des autres secteurs souffriront aussi, et les travailleurs visés ne vivent peut-être pas dans les régions désignées. Je voulais renchérir sur les autres choses que vous avez tous les deux mentionnées.
Monsieur Mendelson, avez-vous des solutions?
M. Mendelson : Le problème, c'est que si nous voulons adopter un système homogène — un système de règles uniformisées — et, essentiellement, laisser tomber la régionalisation — du moins dans la mesure où on utilise des règles différentes —, il faudra décider s'il faut adopter les exigences d'admissibilité les plus strictes et offrir la période de prestations la plus courte — c'est-à-dire les règles qu'on applique dans les régions où le taux de chômage est inférieur à 6 p. 100 ou inférieur au niveau le plus bas — ou les exigences et les périodes de prestations les plus généreuses, comme dans les régions où le taux de chômage est de 13 p. 100 ou plus.
Si on opte pour les exigences et les périodes de prestations des régions où les taux de chômage sont les plus élevés, ce sera extrêmement dispendieux, et, selon moi, ce choix pourrait créer des effets de distorsion au sein des économies, ce que, selon moi, il faut éviter.
Si on opte plutôt pour le régime le moins généreux, de nombreuses régions du Canada auront vraiment l'impression d'avoir été « lésées », même si on pourrait ainsi dépenser moins d'argent pour administrer le programme d'assurance- emploi. Le processus de changement est très difficile, et c'est probablement quelque chose que les gouvernements tentent de faire depuis de nombreuses années.
Selon moi, il faut éliminer et réduire progressivement les règles différentielles, et il faut le faire de façon prudente, au fil du temps. Cependant, il faut en même temps apporter les améliorations nécessaires au régime. Actuellement, l'assurance-emploi assure jusqu'à 55 p. 100 des gains. Les gains assurables maximum s'élèvent à 55 p. 100 du salaire moyen, soit environ 51 000 $, si je me rappelle bien. Les prestations hebdomadaires maximales versées ne sont donc pas suffisantes.
Je soutiens qu'il faut passer à un remplacement du salaire de 75 à 80 p. 100. Il faut verser de 75 à 80 p. 100 des salaires moyens. Si nous augmentons les prestations cette façon, nous pourrions réduire du même coup certains des traitements spéciaux offerts dans les régions où le chômage est actuellement très élevé. On pourrait peut-être aussi améliorer l'admissibilité dans certaines régions où le taux de chômage est plus bas.
Cependant, en contrepartie, si l'on passe à des prestations qui représentent de 75 ou 80 p. 100 du salaire, on générera dans un premier temps beaucoup de revenus supplémentaires dans le cadre du régime d'assurance-emploi, ce qui, selon moi, compensera amplement l'augmentation des gains assurables.
Le président : M. Mendelson, je dois intervenir ici. Nous devons nous concentrer sur le projet de loi, et vous nous présentez une analyse extrêmement intéressante, mais générale du système. Vu le temps dont nous disposons, nous devons nous limiter au projet de loi qui nous a été référé en tant que tel et à la question de savoir s'il doit être adopté ou non. Avez-vous une dernière chose à dire au sénateur Eggleton sur votre analyse de la question de savoir si cette partie du projet de loi devrait être adoptée ou non?
M. Mendelson : Eh bien, la raison pour laquelle le projet de loi contient une liste précise de régions plutôt qu'une formule est justement pour éviter le genre de problèmes dont l'autre témoin a parlé. Si on inclut une formule dans le projet de loi, de nouvelles régions pourraient s'ajouter et d'autres pourraient être exclues en fonction des situations régionales ponctuelles, et le système deviendrait assez imprévisible. Par conséquent, selon moi, les règles ont été définies de façon très stricte et normative pour que l'on puisse s'assurer qu'il y avait au départ seulement ces 12 régions. J'estime que là où nous sommes rendus actuellement — depuis l'ajout de trois autres régions — est une situation acceptable et raisonnable, mais nous allons être confrontés au même genre de problèmes dans un avenir rapproché, j'en suis sûr.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Tombe, vous avez adopté une approche un peu différente. Vous avez déclaré ce qui suit : « la différenciation régionale des prestations d'assurance-emploi est loin d'être idéale, mais, si on est pour procéder ainsi, il est préférable d'avoir des critères de sélection objectifs et clairs ». Est-ce possible? Que feriez-vous pour définir des objectifs et des critères clairs?
M. Tombe : Le gouvernement a utilisé des critères clairs et objectifs lorsqu'il a dressé la liste. Il ne les a tout simplement pas rendus publics avant qu'une demande d'accès à l'information l'y contraigne. Les critères sont donc les suivants : on établit un niveau de chômage de base — le niveau le plus bas durant la période de décembre 2014 à février 2015 — puis, on détermine si, du mois de juillet au mois de mars suivant, le taux de chômage a augmenté de plus de deux points de pourcentage relativement au niveau de référence et si ce pourcentage est resté stable pendant environ trois mois sans diminuer de façon suffisante, c'est-à-dire sans s'approcher à moins de un point de pourcentage du niveau de référence. C'est parfait. Je n'ai aucun problème précis avec cette formule générale, à part la façon dont la période de référence a été établie.
Ma recommandation serait simplement d'adopter les critères du gouvernement, mais de modifier le niveau de référence afin qu'il s'agisse non plus du niveau le plus bas durant une période, mais d'une moyenne sur une période plus longue. Il pourrait s'agir de la moyenne de 2014.
Cependant, il faut dire que, historiquement, une augmentation de deux points de pourcentage du taux de chômage dans une région économique est un très gros changement, et c'est donc représentatif du genre de fluctuation du taux de chômage pouvant justifier un traitement différent.
Si on intégrait les critères dans le projet de loi, le ministre pourrait se voir déléguer le pouvoir de choisir l'ensemble des régions qui satisfont aux critères, et la liste pourrait être mise à jour régulièrement. Il y a déjà des périodes distinctes définies dans le projet de loi. L'article (2.3) proposé nous amène au 29 octobre en accordant 25 périodes de prestations supplémentaires à l'intention des travailleurs de longue date. L'article (2.5) proposé concerne la période d'octobre jusqu'à février 2017. L'article (2.7) proposé couvre la période de février à juillet 2017. Nous pourrions simplement préciser que, durant ces périodes, nous mettons à jour la liste des régions admissibles à une prolongation de la période de prestations, en fonction des dernières données fournies par Statistique Canada.
Le sénateur Eggleton : Merci.
La sénatrice Steward Olsen : Merci de vous occuper de ce dossier. L'assurance-emploi est toujours un sujet extrêmement difficile et compliqué pour moi parce que le régime est devenu une structure bureaucratique excessive qui tente de régler de menus problèmes.
J'aime bien ce que vous dites, M. Tombe, lorsque vous proposez d'appliquer cette structure à toutes les régions. Si les critères étaient intégrés dans le projet de loi, on n'aurait plus nécessairement à adopter des projets de loi précis, puisque, si quelque chose devait se produire dans trois mois, alors on pourrait gérer cette situation de façon équitable.
Pouvez-vous me dire ce que vous pensez des changements apportés au régime d'assurance-emploi pour les pêcheurs et des dispositions sur les personnes qui deviennent membre de la population active? Avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Tombe : Oui. Le fait de rendre l'assurance-emploi plus accessible aux personnes qui deviennent membres de la population active empêche une situation dans laquelle des jeunes qui ont contribué au régime et qui ont travaillé à temps partiel pendant leurs études pendant un certain nombre d'années et qui n'ont jamais accumulé suffisamment d'heures admissibles et qui sont par la suite mis à pied de leur premier emploi ne puissent pas avoir accès à l'assurance- emploi. Je crois que c'est probablement un changement très raisonnable, même si je n'ai pas une opinion tranchée d'un côté comme de l'autre.
M. Mendelson : Ce n'est pas un enjeu aussi important qu'on pourrait le croire. Je crois qu'il y aura de 55 000 à 60 000 nouveaux prestataires d'assurance-emploi chaque année si on procède ainsi, mais bon nombre d'entre eux seraient des habitants de grandes villes qui ont cotisé au régime, mais qui n'auraient pas été admissibles, malgré leur contribution. Je crois que c'est un très bon changement qui était nécessaire et qui rendra le système plus juste. En fait, cette mesure se rapproche de ce que j'ai proposé, c'est-à-dire que les règles doivent être les mêmes pour tout le monde sauf si on a vraiment une bonne raison de faire des distinctions.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à vous deux.
J'aimerais revenir à la question précise du projet de loi pour m'assurer de comprendre. Le projet de loi est fondé sur une augmentation de 2 p. 100 ou plus, c'est ce dont vous avez parlé, monsieur Tombe. Ce chiffre de 2 p. 100 utilisé pour déterminer les régions à risque, est-il fondé sur une norme quelconque? De quelle façon l'a-t-on établi?
M. Tombe : Je ne sais pas pourquoi le gouvernement a opté pour 2 p. 100. Si on regarde ce qui s'est passé dans le passé depuis 2000 et qu'on regarde combien de régions ont affiché une augmentation de deux points de pourcentage de leur taux de chômage sur une période de un an, c'est rare. Si on remonte jusqu'en 2000, dans la vaste majorité des mois, il n'y a peut-être qu'une ou deux régions qui ont affiché une telle augmentation, voire aucune. On a vu beaucoup de régions passer par là durant la crise financière, et on constate actuellement qu'un certain nombre de régions passent actuellement aussi par là.
Selon moi, c'est donc un seuil qu'on atteint seulement durant des périodes de grands stress économiques. Ce n'est pas un seuil que respecteront beaucoup de régions en temps normal, alors je crois que deux points de pourcentage constituent un très bon seuil.
La sénatrice Seidman : Le niveau est-il fondé, cependant, sur des données scientifiques ou des données probantes ou encore des normes internationales?
M. Tombe : Pas que je sache.
La sénatrice Seidman : L'autre expression utilisée est « sans montrer de signes notables de reprise ». Une formule est- elle associée à ce critère? Une équation mathématique quelconque y est-elle associée?
M. Tombe : Oui, et cette information n'a pas été communiquée publiquement avant la présentation de la demande d'accès à l'information la semaine dernière. Par conséquent, ce que le gouvernement veut dire par « signes notables de reprise », c'est que le taux de chômage n'est pas redescendu à moins de un point de pourcentage du taux de chômage de référence. C'est donc dire qu'il doit y avoir une augmentation d'au moins deux points de pourcentage par rapport au niveau de référence et que ce pourcentage doit se maintenir pendant trois mois. Il peut baisser un peu, mais il ne peut pas revenir à moins de un point de pourcentage du niveau de base.
La sénatrice Seidman : D'après ce que vous savez, cette approche est-elle fondée sur une expérience internationale? Est-ce que d'autres pays ont utilisé des approches similaires?
M. Tombe : Je crois que nous sommes le seul pays dont le régime d'assurance-emploi est fondé sur des régions.
Pour mettre en contexte votre dernier commentaire au sujet des 2 p. 100, du 1 p. 100 et de l'exclusion, il y a toujours une certaine marge d'erreur lorsqu'on calcule les taux de chômage. Les calculs sont fondés sur un ensemble de données tirées d'une enquête. Par conséquent, même au niveau provincial, la marge d'erreur du taux de chômage mensuel est habituellement de 0,2 ou 0,3 point de pourcentage. Dans les plus petites provinces, on parle d'environ un demi-point de pourcentage. Il faut éviter les situations comme ce qui s'est passé dans la région économique du sud de la Saskatchewan, où le taux a augmenté de deux points de pourcentage, puis, au cours du dernier mois... Le taux de chômage actuel est, disons, 1,9 point de pourcentage au-dessus du taux de référence. On ne voudrait pas refuser aux travailleurs de cette région des prestations prolongées pour un maigre 0,1 point de pourcentage. Il faut définir un seuil supérieur à 0,1 point de pourcentage afin d'éviter tout problème lié à la marge d'erreur.
La sénatrice Seidman : C'est bon à savoir. Les chiffres sont très petits, et on peut donc facilement faire des erreurs qui auront ensuite un impact majeur sur l'admissibilité ou l'exclusion d'une ville.
M. Tombe : C'est ce qui se passe aussi avec la période de référence, puisqu'elle est établie de façon à être égale au taux de chômage minimal observé durant la période, même si c'est peut-être une simple anomalie qui n'est pas représentative de la réalité. J'ai donné les deux exemples du nord de l'Ontario et de Thunder Bay.
M. Mendelson : Selon moi, deux points de pourcentage ne constituent pas une mesure déraisonnable s'il doit y avoir une mesure. Vous pensez que la règle a été établie, et que le gouvernement a ensuite déterminé les régions à inclure. C'est probablement le contraire qui s'est produit. Je crois savoir que vous rencontrez des représentants du ministère après nous.
Le ministère maintient un assez bon modèle d'assurance-emploi. Je soupçonne que le ministère a utilisé un processus réitératif pour déterminer quelles régions devaient bénéficier des prestations d'assurance-emploi supplémentaires et qu'il a ensuite rajusté la formule afin d'obtenir les 12 régions voulues. J'ai travaillé pour le gouvernement pendant de nombreuses années, et c'est ainsi que les choses se font. Le processus n'est pas aussi clair qu'on pourrait le croire.
La sénatrice Seidman : Je pensais bien que c'est ce que vous sous-entendiez, mais je ne voulais pas m'avancer. Par processus réitératif, vous voulez dire qu'ils ont procédé à reculons?
M. Mendelson : « Réitératif » est le terme poli.
La sénatrice Raine : Il y a une chose qui me préoccupe. Savez-vous ou avez-vous été capable de déterminer de quelle façon les responsables ont choisi la période de décembre 2014 à février 2015 comme étant la période magique pour définir le niveau de référence? Nous vivons dans un pays où beaucoup d'activités sont saisonnières. En outre, dans certaines régions du pays, les saisons ont aussi évidemment un impact sur le marché du travail. Savez-vous pourquoi ils ont choisi cette période?
M. Tombe : On utilise des taux rajustés en fonction de la saison pour établir l'admissibilité, mais je ne sais pas pourquoi ils ont choisi ces trois mois précis. Comme je l'ai souligné, ce choix de période était problématique.
La sénatrice Raine : Je crois, moi aussi, que, dès qu'on définit des régions, on crée une certaine distorsion, même si je reconnais que certaines régions au pays affichent des tendances et ont des besoins uniques en matière d'emploi et de chômage. Cependant, ces différences sont délimitées non pas nécessairement par une frontière, mais par le travail disponible, le type d'endroit et la nature de la zone, qu'elle soit industrielle, rurale ou urbaine. Par conséquent, le fait de définir des régions géographiques ne semble pas logique. De toute évidence, ces régions causent certains des problèmes que nous constatons ici.
M. Tombe : Pour atteindre l'objectif des programmes de développement propres à différentes régions ou pour composer avec des circonstances particulières, comme dans le Canada atlantique ou au sein de l'industrie de la pêche, tout particulièrement, il serait préférable d'adopter une approche directe et de mettre en place des programmes visant à atteindre ces objectifs précis plutôt que de s'appuyer sur le régime d'assurance-emploi.
Près de la moitié des fonds recueillis dans le cadre du régime d'assurance-emploi sont versés sous forme de prestations régulières de revenu. Tout le reste est versé sous forme de paiements supplémentaires visant à atteindre des objectifs plus généraux de politique sociale ou de développement régional.
M. Mendelson : Je suis d'accord. Pour revenir à la question initiale, les responsables ont choisi ces trois mois parce que cela leur a permis d'obtenir les 12 régions qu'ils avaient en tête.
La sénatrice Frum : Puisqu'on parle des choses qu'on tente de taire, voici ma question : le manque de transparence au sujet des critères du projet de loi est-il habituel? Dans l'affirmative ou dans la négative, que peut-on faire pour remédier à la situation? Évidemment, la transparence serait préférable, mais cette transparence serait ensuite une partie du remède pour corriger cette chose qu'on tente de taire, soit que le résultat était connu d'avance et qu'ils ont travaillé à reculons à partir de là.
M. Mendelson : J'ai l'air beaucoup plus critique que je le souhaite. Je tiens à répéter que le problème central découle de la nature régionale du régime d'assurance-emploi, et cela remonte à l'origine du programme. Vous n'étiez pas là au début, alors vous ne m'avez pas entendu l'affirmer.
Tant que nous aurons un système régional et des règles différentes, il y aura quelqu'un de l'autre côté de la frontière pour dire « mais qu'est-ce qui m'arrive à moi? Ma situation est pire ». Il est là le nœud du problème.
Je ne blâme pas le gouvernement d'utiliser des processus réitératifs du genre. L'autre solution serait de définir une règle et de l'intégrer dans le projet de loi plutôt que d'y intégrer une liste. Cette méthode pourrait sembler équitable, mais c'est quelque chose qu'on fait déjà trop dans le cadre du régime d'assurance-emploi selon moi. Il y a des règles spéciales, des prétendus programmes pilotes qui n'en finissent plus, des prestations spéciales par-ci et de nouvelles prestations de maternité pour les travailleurs autonomes par-là. Comme l'autre témoin l'a souligné, seulement environ la moitié des fonds versés le sont sous forme de prestations régulières.
Je ne blâme pas le gouvernement parce qu'il a utilisé une méthode réitérative, même si j'imagine que je suis un peu désabusé par tout cela. C'est la position dans laquelle on finit par se retrouver. On se retrouverait dans une situation difficile actuellement si les critères d'admissibilité devaient changer en fonction des fluctuations de 0,1 point de pourcentage du taux de chômage régional.
M. Tombe : Nous sommes pris avec une liste de régions. Si on devait adopter une formule un peu différente dans le projet de loi et privilégier une période de référence plus longue, alors la région du nord de l'Ontario ne serait pas incluse, et ce serait un gros problème. Nous sommes un peu pris au piège.
Une mesure simple serait de tout bonnement adopter les critères du gouvernement. On se retrouverait donc avec une liste de 15 régions admissibles, mais cela permettrait à d'autres régions — comme je l'ai mentionné en parlant des trois périodes subséquentes décrites dans le projet de loi — d'être incluses si elles respectent les mêmes critères. Thunder Bay ne figurait pas sur la liste initiale, mais c'était probablement une erreur. Le mois prochain, la prochaine Enquête sur la population active qui paraîtra dans deux semaines nous apprendra peut-être que la région respecte finalement les mêmes critères.
Le fait d'ajouter des régions sur la liste à la lumière de critères objectifs éliminera le fait — ou à tout le moins, la perception — que ce sont des enjeux politiques plutôt que la réalité économique qui déterminent des critères d'admissibilité à l'assurance-emploi.
La sénatrice Frum : Je comprends qu'il peut être difficile d'établir définitivement des critères qui ne sont peut-être pas adaptés ni appropriés. Pour ce qui est de la communication des critères, est-ce normal qu'on ait procédé de façon si secrète?
M. Tombe : Toutes les autres dispositions du régime d'assurance-emploi sont déterminées à partir de formules.
La sénatrice Frum : C'est public. Où cela est-il indiqué? Ce n'est pas nécessairement dans le projet de loi.
M. Tombe : Dans un projet de loi quelconque.
La sénatrice Frum : Il y a des critères quelque part dans un projet de loi quelconque.
M. Tombe : Dans les régions qui affichent de hauts taux de chômage, les prestations sont plus généreuses, et les périodes d'admissibilité, moins strictes. C'est un changement qui a été présenté pour définir les périodes de prestations en fonction non seulement des niveaux de chômage, mais aussi des fluctuations du taux de chômage — et il n'y a pas de formule dans ce cas —, mais d'autres aspects font en sorte que le traitement régional différentiel est fondé sur des formules.
La sénatrice Frum : Dans un monde idéal, le projet de loi contiendrait-il les critères utilisés?
M. Tombe : Oui.
Le sénateur Eggleton : Il est question de changements importants du taux de chômage et non simplement de niveaux de chômage élevés. Selon l'article du Globe and Mail que j'ai en main et qui date d'environ six semaines, Montréal affiche un taux de chômage plus élevé que Calgary. Je ne sais pas si c'est encore vrai aujourd'hui parce que les taux fluctuent, mais à ce moment-là — lorsque le gouvernement a choisi les 12 régions —, Montréal affichait un taux de chômage plus élevé que Calgary, mais Montréal ne figurait pas dans la liste.
Si nous devons utiliser un facteur quelconque pour justifier les différences régionales, ne serait-il pas préférable d'utiliser la situation actuelle du chômage plutôt que la modification du taux de chômage de plus de 2 p. 100 en fonction de la période de référence choisie?
M. Tombe : C'est déjà une caractéristique du régime d'assurance-emploi. Les régions qui affichent des niveaux de chômage supérieurs bénéficient de nombres d'heures d'admissibilité inférieurs et de périodes de prestation plus longues. Je crois que le traitement différentiel commence à 6 p. 100 et augmente graduellement jusqu'à environ 13 p. 100. Par conséquent, des niveaux de chômage élevés donnent déjà droit à des périodes de prestation plus longues et des périodes d'admissibilité plus généreuses.
Le sénateur Eggleton : Même si Montréal ne fait pas partie des 12 régions, elle a droit à ces prestations supplémentaires?
M. Tombe : C'est exact.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Mendelson, vous avez mentionné que, si quelqu'un accumule 1 500 heures de travail, il obtiendra environ 13 000 $ régulièrement, mais 23 000 $ s'il reste dans une des régions où le taux de chômage est élevé. C'est une différence assez grande. Le premier montant est clairement en dessous du seuil de la pauvreté, peu importe le prestataire, et l'autre l'est aussi si ce salaire doit permettre de subvenir aux besoins d'une famille comptant plus d'une personne. Mais vous avez aussi mentionné qu'une personne admissible a généralement droit à des prestations qui s'élèvent à 55 p. 100 de son salaire et vous avez suggéré qu'on devrait faire passer ce pourcentage à 75 p. 100. J'essaie de faire le lien entre les 55 p. 100 et ces montants de 13 000 $ et de 23 000 $.
M. Mendelson : Permettez-moi de vous expliquer : les 13 000 $ et les 23 000 $ sont le montant total de prestations d'assurance-emploi qu'une personne recevrait si elle a accumulé 1 500 heures dans une région où le taux de chômage est inférieur à 6 p. 100 et si elle recevait des prestations durant toute sa période d'admissibilité, soit 14 semaines. J'ai l'information ici quelque part. Pour ce qui est des 23 000 $ — ce n'est pas un montant exact —, c'est le montant total qu'une personne recevrait durant toute sa période d'admissibilité, qui est de 45 semaines dans les régions où le taux de chômage est supérieur à 13 p. 100. Je crois qu'on arrive à environ 237 $ par semaine. J'avais tous les chiffres ici, mais je n'ai pas d'accès WiFi, alors je n'arrive pas à les trouver.
Elle est là, la différence. Ce n'est pas vraiment un montant annuel, c'est en fait le montant total qu'une personne peut recevoir. Mais cela permet de comprendre que, pour un même niveau de contribution, les prestations auxquelles les travailleurs peuvent avoir accès sont très différentes. Si une infirmière est au chômage dans une région où le taux de chômage est élevé, Thunder Bay, par exemple, est-elle moins susceptible de trouver un emploi qu'une infirmière au chômage à Winnipeg? Est-ce que le niveau général de chômage a un impact sur une personne qui possède une telle spécialisation? Selon moi, la réponse est de toute évidence non. Ce qui pourrait avoir un impact, c'est si cette infirmière a 60 ans. Son âge aurait probablement un impact plus important que le niveau de chômage dans la région.
La sénatrice Raine : Je veux simplement clarifier un point — si vous me le permettez — parce que je n'ai peut-être pas compris. Si une personne habite dans les Maritimes — où le taux de chômage est élevé — et travaille dans l'Ouest et qu'elle est mise à pied, doit-elle présenter une demande d'assurance-emploi lorsqu'elle revient chez elle, dans les Maritimes?
M. Tombe : Oui.
La sénatrice Raine : Et les revenus de son emploi dans l'Ouest auront un impact sur les montants qu'elle recevra?
M. Tombe : Oui.
La sénatrice Raine : Je sais que, dans certaines régions, le coût de la vie est très élevé parce que les revenus gagnés sont élevés et que le marché résidentiel est très agressif. Nous n'avons qu'à penser aux marchés de l'habitation de Vancouver et de St. John's. Tient-on compte de cette réalité?
M. Tombe : On n'en tient pas compte, et il s'agit de l'un des problèmes inhérents à un régime d'assurance-emploi régionalisé, en général. Les prestations sont fondées sur votre lieu de résidence habituel. Le projet de loi à l'étude en rajoute en prévoyant aussi que les prestations de prolongation seront fondées sur votre lieu de résidence habituel.
La sénatrice Raine : Alors, si vous êtes un travailleur de la construction ou du secteur pétrolier et gazier dont le lieu de résidence habituel est dans les Maritimes, où le coût de la vie est bas, même si vous êtes mis à pied, vous vivez comme un roi.
La sénatrice Nancy Ruth : Deux personnes du Nouveau-Brunswick touchent des prestations d'assurance-emploi très différentes.
La sénatrice Raine : Je veux dire relativement au fait que, si le même travailleur était mis à pied, mais qu'il avait une hypothèque, et cetera... Dans l'Ouest.
Le président : Revenons-en à la réponse qui a été fournie. Je ne suis pas certain qu'il s'agissait de l'explication claire, madame la sénatrice Raine.
Revenons à la question qu'elle a posée au départ, c'est-à-dire si on est mis à pied à Fort McMurray et qu'on retourne en Nouvelle-Écosse. Sur quel endroit votre taux de prestations d'assurance-emploi est-il fondé? Fort McMurray ou la Nouvelle-Écosse?
M. Mendelson : Le lieu de résidence habituel.
M. Tombe : Oui. Il est fondé sur votre lieu de résidence habituel, lequel, dans cet exemple, serait la Nouvelle-Écosse.
Le président : D'accord. Alors, aucune richesse subite n'est générée.
M. Mendelson : Tous les travailleurs vont toucher le maximum, de toute manière, quel que soit l'endroit où ils vivent, du point de vue du taux de prestations hebdomadaires. La différence tiendrait au nombre d'heures de travail nécessaires pour devenir admissible.
Dans le cas des travailleurs du secteur pétrolier, ils vont tous être admissibles du point de vue du nombre d'heures de travail. En réalité, c'est la durée de la période de prestations qui serait différente s'ils résidaient habituellement — en ne tenant pas compte de la modification prévue dans le projet de loi — à Calgary plutôt que d'habiter habituellement à Terre-Neuve. En réalité, c'est la durée de la période de prestations qui serait différente, pas le montant par semaine.
M. Tombe : Histoire de brouiller davantage les cartes, les données utilisées pour générer les taux de chômage par région économique proviennent de l'Enquête sur la population active, qui calcule le taux de chômage en fonction du lieu de résidence, pas du lieu de travail. Ainsi, en tant que travailleur interprovincial occupant un emploi à Fort McMurray, mais vivant dans une autre province, vous ne seriez pas pris en compte dans le taux d'emploi ou de chômage de l'Alberta, de toute manière.
Le président : Soyons tout à fait clairs à ce sujet. Le travailleur qui occupait un emploi à Fort McMurray... Le lieu de résidence habituel de cette personne... En supposant qu'elle vient de la Nouvelle-Écosse et qu'elle prend l'avion entre cette province et Fort McMurray toutes les je ne sais combien de semaines... Où est le lieu de résidence normal relativement au calcul actuel?
M. Tombe : En Nouvelle-Écosse.
Le président : Alors, le fait qu'elle a été mise à pied à Fort McMurray ne change pas le nombre d'heures auxquelles elle serait normalement admissible en Nouvelle-Écosse, sauf en fonction de son relevé d'emploi normal; est-ce exact?
M. Tombe : Et de la situation économique particulière de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci.
La sénatrice Stewart Olsen : Un élément de plus à faire clarifier : dans les Maritimes ou au Nouveau-Brunswick... Je pense que M. Mendelson disait que, comme il s'agit d'une région économiquement défavorisée, le taux de chômage est plus élevé.
Essentiellement, ce qu'affirmait la sénatrice Raine est exact : ce n'est pas qu'une personne de la Nouvelle-Écosse obtiendrait un taux de chômage plus élevé qu'une personne qui aurait perdu son emploi... Disons qu'elles perdent toutes deux leur emploi à Fort McMurray. L'une est de Calgary, et l'autre, de la Nouvelle-Écosse. La personne de Calgary recevrait moins d'argent que la personne de la Nouvelle-Écosse; est-ce exact?
M. Mendelson : Elle obtiendrait moins d'argent au total si elle touchait des prestations pour toute la période de prestations, mais elle ne toucherait pas moins de prestations par semaine, en supposant que les deux avaient la même rémunération. Le montant hebdomadaire qu'elles obtiendraient de l'assurance-emploi est le même, mais la personne de Calgary pourrait le toucher pendant 14 semaines seulement — ou quel que soit le nombre —, et la personne de Terre- Neuve serait admissible à 45 semaines.
Le président : Alors, c'est cela le problème.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est le problème, oui.
Le président : Le problème tient au fait que les taux n'ont pas changé. C'est la période pendant laquelle les prestataires sont admissibles : une semaine plus tôt pour ce qui est des versements, et une certaine période offerte pour deux catégories distinctes, soit les prestataires qui sont considérés comme ayant occupé un emploi à long terme au fil du temps, et ceux qui ne font pas partie de cette catégorie. Est-ce que la situation se résume à peu près ainsi?
M. Mendelson : Oui.
M. Tombe : Oui.
Le président : Je pense qu'il importe que les sénateurs comprennent que le taux par semaine ne change pas.
La sénatrice Raine : Et c'est parce que les travailleurs touchent le taux maximal et que ce taux n'a pas changé.
M. Tombe : Oui.
La sénatrice Raine : Toutefois, le fait que les gens travaillent en Alberta, mais que, d'un point de vue statistique, ils sont considérés comme étant employés en Nouvelle-Écosse, est perturbant. Cela fausse un peu le taux de la Nouvelle- Écosse, si on pense aux effectifs disponibles. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une tout autre discussion.
Le président : Il serait bien que des choses perturbent le taux de chômage de la Nouvelle-Écosse, car elles le réduiraient. Malheureusement, les Maritimes sont une région où le taux de chômage est très élevé.
Je vais mettre fin à cette discussion, mais je voudrais m'assurer, en ce qui concerne cette section, que j'ai bien entendu certaines observations.
J'ai l'impression que, de façon générale, vous affichez une acceptation raisonnable de cette section particulière à l'intérieur du projet de loi budgétaire dans son ensemble. Je n'ai entendu aucune critique majeure de votre part sur cette section précise.
M. Mendelson : Je pense qu'elle n'est pas déraisonnable. Malheureusement, je pense qu'elle est ancrée...
Le président : Je vais en venir à ces autres éléments, mais je n'ai pas entendu de condamnation globale de la question.
Toutefois, je vous ai entendu dire que vous préféreriez que des critères clairs soient clairement énoncés au début de tout nouveau changement dans l'application du régime d'assurance-emploi; est-ce exact?
M. Mendelson : En passant, nous ne nous étions jamais rencontrés avant d'arriver ici, croyez-le ou non, et nous ne savions pas ce que l'autre allait dire. Le seul aspect sur lequel nous pourrions ne pas être d'accord, c'est sur le fait que je ne suis pas certain que je voudrais que les critères soient inclus dans le projet de loi. Je voudrais qu'ils soient rendus publics. Il y a trop de notes. Je ne suis pas certain que la bonne façon de procéder consisterait à en faire des critères prévus dans la loi.
Le président : Je prends acte de cette affirmation. Je n'ai pas dit dans le projet de loi. J'ai dit clairement établis et clairement énoncés, qu'il s'agisse d'une déclaration publique, par le droit qu'a la ministre de le faire, mais vous voudriez que ce soit du domaine public.
M. Tombe : Oui. Je voudrais qu'ils figurent dans le projet de loi.
Le président : Et vous voudriez qu'ils figurent dans le projet de loi. Merci à tous les deux pour ces précisions.
Je vous ai entendu dire — vous, en particulier, monsieur Tombe — que vous préféreriez comme point de référence un taux de chômage moyen plutôt qu'une période plus longue. Selon vous, quelle est la durée d'une période raisonnable? S'agirait-il de toute la période de référence? Dans ce cas, il s'agit d'une période d'environ deux ans.
M. Tombe : Je dirais qu'une bonne mesure serait la moyenne de l'année 2014.
Le président : D'une année.
M. Tombe : Mais, une moyenne sur une période plus longue, certainement pas un point de données unique, le minimum, dans la période de trois mois.
Le président : Monsieur Mendelson, êtes-vous d'accord avec l'idée d'une période plus longue pour un point de référence moyen?
M. Mendelson : Je pense qu'il serait juste d'avoir un point de référence moyen. Le but de l'ajout de ces dispositions particulières, c'est l'argument que M. Tombe a formulé plus tôt, dans ses commentaires, et qui est très important, selon lequel cet ajout est effectué au début d'une période où le taux de chômage augmente, quand les gens ont le plus de difficulté à obtenir un nouvel emploi. À la fin, il fera partie du régime; il sera déjà ancré dans l'économie, et les gens vont commencer à trouver de nouveaux emplois.
Pour ceux d'entre vous qui se souviennent de leur calcul infinitésimal, ce qui est pris en compte dans le taux de chômage, c'est la dérivée première; le rythme du changement est probablement aussi important que le taux de chômage. Je donne cette longue réponse pour dire que je ne suis pas entièrement certain de ce que devrait être la moyenne, mais il me semble qu'à première vue ces dispositions ne sont pas déraisonnables, et elles sont peut-être plus équitables.
Le président : Et vous appuyez tous deux l'idée d'une réduction du délai de carence, qui passerait de deux semaines à une seule.
M. Mendelson : Oui, totalement.
M. Tombe : Oui.
Le président : Je pense que nous avons tenu une très bonne discussion, de vos points de vue, lesquels nous sont très utiles. Je veux vous remercier tous les deux d'avoir comparu devant nous.
Sur ce, nous accueillons nos prochains témoins. Je vous rappelle que nous continuons de nous pencher sur le sujet des éléments contenus dans la section 12 de la partie 4 du projet de loi C-15.
Dans le cadre de la présente séance, nous accueillons les responsables afin qu'ils nous aident relativement à ce document. Il y aura deux groupes. Je vais les inviter dans l'ordre dans lequel ils figurent à l'ordre du jour. Nous accueillons Mme Annette Ryan, directrice générale, Politique de l'assurance-emploi, Direction générale des compétences et de l'emploi, d'Emploi et Développement social Canada, ainsi que sa collègue, Janique Venne, directrice, Initiatives et analyse des politiques, Direction générale des compétences et de l'emploi.
Madame Ryan, je crois savoir que vous allez présenter un exposé. Veuillez prendre la parole.
Annette Ryan, directrice générale, Politique de l'assurance-emploi, Direction générale des compétences et de l'emploi, Emploi et Développement social Canada : Merci, monsieur le sénateur. Nous sommes là pour décrire les trois mesures prévues dans le projet de loi sur la mise en œuvre du budget qui sont liées à l'assurance-emploi. J'aborderai chacune d'entre elles brièvement, tour à tour.
La première mesure que je vais décrire, ce sont les semaines de prestations supplémentaires pour les travailleurs des régions touchées par la baisse des prix des produits de base. Le programme d'assurance-emploi fournit une aide financière temporaire aux travailleurs qui ont perdu leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté pendant qu'ils cherchent un emploi et mettent leurs compétences à niveau.
Depuis la fin de 2014, la chute vertigineuse des prix des produits de base mondiaux a produit des bouleversements marqués et soutenus dans les régions axées sur les produits de base. Le budget de 2016 prévoit que les chômeurs admissibles des 12 régions les plus durement touchées par la baisse des prix des produits de base pourraient recevoir des prestations régulières de l'assurance-emploi pendant des semaines supplémentaires.
Cinq semaines supplémentaires de prestations régulières d'assurance-emploi seront offertes à tous les chômeurs admissibles des régions prévues, et ce, pour une période de prestations maximale de 50 semaines, à laquelle pourront s'ajouter 20 semaines supplémentaires dans le cas des travailleurs de longue date admissibles des régions prévues, pour une période de prestations maximale de 70 semaines.
Des prestations de prolongation seront offertes pour une période de un an à compter de juillet 2016, et la mesure s'appliquera à toutes les demandes admissibles présentées à partir du 4 janvier 2015. Voilà la première mesure.
La deuxième mesure prévue dans le projet de loi, c'est l'élimination des exigences relatives aux personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active. Le gouvernement souhaite apporter des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi et modifier le Règlement sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (Pêche) de manière à éliminer les exigences relatives aux personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active établies pour les prestataires réguliers et les pêcheurs indépendants. Les modifications élimineront les dispositions adoptées en 1978 concernant les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active et exigeront plutôt que les prestataires répondent à leurs normes variables d'admissibilité régionales, qui varient entre 420 et 700 heures, pour être admissibles aux prestations régulières de l'assurance-emploi. Les pêcheurs indépendants devront atteindre leur seuil d'admissibilité régional relatif à leur rémunération assurable, lequel varie entre 2 500 et 4 200 $, afin d'avoir droit aux prestations de pêcheur de l'assurance-emploi. Cette disposition remplace les règles actuelles selon lesquelles les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active après une absence de deux ans sont tenues de cumuler 910 heures d'emploi assurable dans l'année précédant leur demande pour être admissibles aux prestations régulières de l'assurance-emploi.
La loi contiendra également des dispositions qui empêcheront les travailleurs d'accéder à des services de soutien relatifs à des cours de formation financés par l'assurance-emploi et donnés dans le cadre d'ententes sur le développement du marché du travail conclues avec les provinces et les territoires. Ces dispositions seront retirées, car les travailleurs doivent être admissibles au titre de la partie I de la Loi sur l'assurance-emploi avant de l'être au titre de la partie II et, par conséquent, de pouvoir accéder aux programmes financés par des EDMT.
La troisième mesure qui est présentée au Parlement, c'est le renversement d'une exigence selon laquelle les prestataires doivent purger un délai de carence de deux semaines avant que les prestations puissent commencer à être versées. La disposition prévoit que cette mesure pourrait être reportée ou annulée dans des circonstances particulières.
Le délai de carence était fixé à deux semaines depuis 1971. Ces modifications de la Loi sur l'assurance-emploi réduiront le délai de carence, qui passera de deux à une semaine. Tous les prestataires dont la période de prestations commence avant l'entrée en vigueur des modifications devront purger le délai de carence actuel de deux semaines.
Voilà pour ma déclaration préliminaire, monsieur le président. Je serai heureuse de répondre à des questions.
Le président : Merci beaucoup.
Je vais maintenant me tourner vers la Commission de l'assurance-emploi du Canada. Nous accueillons Judith Andrew, commissaire (Employeurs), et Charles Côté, conseiller de la commissaire (Employeurs).
Madame Andrew, je crois savoir que vous allez présenter l'exposé. Vous avez la parole.
Judith Andrew, commissaire (Employeurs), Commission de l'assurance-emploi du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
À titre de commissaire pour les employeurs de la Commission de l'assurance-emploi du Canada — et, en fait, je ne suis pas une représentante; je suis une personne nommée sur la recommandation de groupes d'employeurs — je me réjouis de cette première possibilité de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant l'étude que vous menez actuellement sur les mesures relatives à l'assurance- emploi prévues dans le projet de loi budgétaire C-15.
La Commission de l'assurance-emploi du Canada fête sa 75e année de surveillance tripartite du régime de l'assurance-emploi. Je suis fière d'agir à titre de représentante non partisane des intérêts des employeurs à la commission, en compagnie de mes homologues représentant les travailleurs — la commissaire Mary-Lou Donnelly — et le gouvernement — Louise Levonian, présidente de la CAEC et sous-ministre d'EDSC.
Un résumé du mandat de la commission et du rôle indépendant qu'y jouent les commissaires est inclus dans la trousse d'information qui vous a été fournie. Même si le nom de la commission n'est pas connu, principalement parce que les activités liées à l'assurance-emploi ont été déléguées au ministère, elle conserve des responsabilités directes importantes, notamment la prise de règlements au titre de la Loi sur l'assurance-emploi, avec l'approbation du gouverneur en conseil. La commission continue à surveiller le régime d'assurance-emploi de plusieurs manières, y compris en préparant pour le Parlement un rapport annuel qui est appuyé par des recherches dirigées par la commission sur le fonctionnement du régime.
Aujourd'hui, je vais aborder les mesures relatives à l'assurance-emploi contenues dans le budget de 2016. Je passerai ensuite aux prétendus faibles taux d'accès à l'assurance-emploi et à leurs causes, et, enfin, je dirai un mot sur les finances relatives à l'assurance-emploi et sur la responsabilité financière du programme d'assurance-emploi en ce qui a trait aux engagements du gouvernement pris au cours de la campagne.
Pour commencer, je veux attirer votre attention sur les principes directeurs liés à l'assurance-emploi du point de vue des employeurs, lesquels figurent également dans votre trousse. Ce document a été élaboré avec des groupes d'employeurs au début de mon mandat de commissaire, et les principes qu'il énonce continuent d'orienter mon travail relativement à leur rôle.
Pour résumer, les employeurs appuient l'assurance-emploi comme un programme clé visant à protéger leurs employés contre les pleines conséquences financières de la perte de leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté. À sa base, l'assurance-emploi est un programme d'assurance qui fournit un soutien du revenu temporaire aux personnes qui perdent involontairement leur emploi.
Les employeurs considèrent que l'assurance-emploi a trois objectifs principaux : tout d'abord, elle encourage les employés à forger un grand sentiment d'attachement au travail; deuxièmement, elle assure un fonctionnement optimal du marché du travail; et, troisièmement, elle assure l'équité en matière de financement.
Passons maintenant aux mesures relatives à l'assurance-emploi figurant dans le budget de 2016; j'ai inclus deux documents dans la trousse. J'espère que vous lirez dans vos temps libres un bulletin budgétaire qui présente un survol de toutes les annonces figurant dans le budget ainsi que certains renseignements financiers, et ainsi de suite, relativement à ces annonces.
En outre, la trousse contient un document de synthèse, et je voudrais l'aborder brièvement. Il s'agit d'un tableau intitulé « Summary of Proposed 2016 Budget Measures on Employment Insurance ». J'ai un commentaire à formuler sur pratiquement toutes les mesures, mais, tout d'abord, concernant la mesure relative aux personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active, les DEREMPA, même si le coût estimatif qui s'élève à plus d'un demi-milliard de dollars est important, en fait, les employeurs n'approuvent pas l'iniquité de base dans le régime. Nous comprenons qu'au départ cette mesure a été instaurée dans le but d'aider les personnes qui devenaient ou redevenaient membres de la population à accroître leur activité sur le marché du travail, mais les recherches montrent que le statut de DEREMPA n'est pas un facteur déterminant des tendances relatives au recours à l'assurance-emploi.
Enfin, je pense qu'il est important de souligner que l'élimination de cette mesure simplifiera l'administration interne de l'assurance-emploi, changement accueilli favorablement dans ce régime complexe.
La prochaine mesure, c'est la réduction du délai de carence de l'assurance-emploi, qui passera de deux semaines à une seule. Il s'agit du changement qui m'inquiète le plus. Selon le budget, le coût de cette mesure s'élèverait à près de 950 millions de dollars. Je pense que le but était d'aider à réduire la période pendant laquelle les prestataires se retrouvent sans revenu. Toutefois, si on se penche sur la question, on se rend compte que ce changement est très compliqué et certainement coûteux, et je pense qu'il entraîne un risque de volumes de demandes plus élevés, ce qui ralentira davantage le traitement. Si une personne ne doit attendre qu'une semaine, qu'elle change d'emploi et qu'il pourrait y avoir un intervalle entre les deux emplois... Un bien plus grand nombre de gens pourraient demander des prestations, personnes qui, autrement, ne l'auraient pas fait.
Elle change également les choses en ce qui concerne les régimes de prestations complémentaires offerts par les employeurs, et c'est là que ça devient vraiment compliqué. Il existe deux ou trois types de régimes de prestations complémentaires différents, comme les prestations complémentaires de maternité et parentales, où les employeurs ajoutent au montant des prestations d'assurance-emploi. Ces régimes ne sont pas enregistrés auprès du ministère, alors nous n'en savons pas beaucoup à leur sujet. Je pense que Statistique Canada a mené une étude là-dessus. Mais, il existe aussi des régimes de prestations complémentaires qui sont enregistrés officiellement auprès du ministère, lesquels ne sont pas pris en compte aux fins de l'établissement de revenu et n'ont pas d'incidence sur les prestations des gens.
L'un des éléments clés dont me parlent les employeurs, c'est qu'ils ont besoin que le paragraphe 19(3.1) du règlement s'applique aux relevés d'emploi afin qu'ils puissent continuer à respecter leurs cycles de paie. De nombreux employeurs ont établi des cycles de paie automatisés, et, si cette disposition réglementaire disparaissait dans le cadre de la tentative visant à mettre en œuvre ce délai de carence de une semaine au lieu de deux, ce serait une catastrophe pour les employeurs.
J'en aborderai d'autres brièvement. La prolongation du projet Travail pendant une période de prestations sera intéressante. Ce genre de projet pilote a pour but d'étudier les mesures qui pourraient finir par devenir permanentes dans la loi. Je pense que nous avons un projet pilote en deux volets, maintenant. Les gens peuvent choisir la formule actuelle ou avoir recours à la formule précédente, et je pense que nous verrons se manifester les souhaits des employeurs et des employés dans le cadre de ce projet. Soit il y aura moins de gens qui trouveront plus de travail pendant leur période de prestations, soit il y aura plus de gens qui obtiendront de petites quantités de travail pendant leur période de prestations. Alors, ça sera intéressant.
Concernant la simplification des responsabilités en matière de recherche d'emploi des prestataires de l'assurance- emploi, selon moi, ces mesures ont été vraiment mal comprises et ont été très impopulaires. Leur fondement consistait à exiger des prestataires qu'ils cherchent activement un emploi et qu'ils élargissent leurs paramètres de recherche d'emploi. Ces exigences étaient fondées sur leur catégorie de prestataires... S'ils étaient des prestataires fréquents, occasionnels ou de longue date. Au fil du temps, ils devaient élargir leur recherche d'emploi.
Ils devaient également devenir plus flexibles pour ce qui est d'accepter un poste pour un salaire moins élevé. Ainsi, au début, ils pouvaient chercher un emploi dont le salaire représentait 90 p. 100 de leur salaire précédent, mais, ensuite, ce pourcentage passait à 80 puis, à 70 p. 100 de leur salaire précédent.
En outre, un temps de déplacement maximal d'une heure avait été inclus dans la définition d'un emploi convenable. Je suis de Toronto. Beaucoup de gens tueraient pour se rendre au travail en une heure, mais cette mesure était également considérée comme étant absolument épouvantable.
Compte tenu de la vive opposition manifestée à l'égard des modifications de 2012, en particulier par les gens du Québec et de l'Est et par les employés saisonniers — et parfois, par leurs employeurs —, qui comptent habituellement sur l'assurance-emploi pour compléter leur revenu entre les saisons, on s'attend à ce qu'un retour aux anciennes règles concernant le type de travail et le salaire soit bien reçu.
Toutefois, je m'inquiète de la possibilité que le fait de rendre les exigences en matière de recherche d'emploi moins précises envoie le mauvais message concernant le besoin de chercher du travail pendant que l'on touche des prestations d'assurance-emploi. Si les gens considèrent l'assurance-emploi comme un régime de complément du revenu et qu'ils pensent ne pas avoir à s'embêter à chercher du travail, cela ne serait pas de bon augure pour l'avenir.
Je n'en dirai pas beaucoup au sujet de la prolongation des prestations d'assurance-emploi dans les régions touchées. Vous pouvez voir mon commentaire, qui figure dans le tableau. Prolonger la durée des accords de travail partagé : j'ai bel et bien reçu les observations, en particulier de l'Alberta, concernant les raisons pour lesquelles il s'agirait d'une chose très importante à faire... Prolonger la durée des accords de travail partagé et permettre aux employeurs de conserver leurs travailleurs et de se rétablir efficacement des périodes difficiles.
Je vais revenir sur la simplification des responsabilités en matière de recherche d'emploi afin de mettre notre façon de faire, au Canada, dans un contexte international. J'attire votre attention sur un autre document de la trousse. Il s'agit d'un extrait d'une étude récente de l'OCDE. Je n'ai pas inclus toute l'étude dans la trousse. Il n'y a que la page titre et un graphique clé. Comme vous le verrez dans le graphique, le Canada se trouve à l'extrémité inférieure du spectre de la rigueur des responsabilités en matière de recherche d'emploi sous le régime de l'assurance-emploi. Ainsi, nous étions déjà à l'extrémité inférieure du spectre de la rigueur. Le retrait des particularités nous fait descendre encore plus bas dans ce spectre.
Habituellement, les pays qui offrent un accès facile à un régime d'assurance-emploi généreux comptent sur des mesures actives de retour au travail pour tenir les choses en équilibre. J'entends des groupes d'employeurs raconter qu'ils ont entendu certains de leurs membres dire que des employés demandent carrément d'être mis à pied. Je connais un groupe d'employeurs qui recueillent des données à ce sujet auprès de ses membres. Si l'on tient compte de cette situation, du fait que des employés demandent à leur employeur de les mettre à pied, cela donne un aspect différent à la tâche consistant à nous assurer que les prestataires d'assurance-emploi mis à pied cherchent vraiment du travail.
Un autre point que je ferais valoir, c'est que les employeurs sont perplexes quant à la raison pour laquelle il est encore facultatif pour les prestataires d'enregistrer leurs paramètres de recherche d'emploi dans le Guichet emplois. Le Guichet emplois est le service d'emploi national, payé à même la caisse de l'assurance-emploi, et sous la surveillance de la commission. Il est certain que les employeurs qui font actuellement face à des pénuries de main-d'œuvre qualifiée et à des difficultés de plus en plus importantes dues aux tendances démographiques s'expliquent très mal pourquoi le Guichet emplois financé par les cotisants à l'assurance-emploi n'est pas requis.
Le Guichet emplois a fait l'objet de merveilleuses mises à niveau. Les chercheurs d'emploi profitent de l'avantage de notifications électroniques concernant des offres d'emploi qui pourraient correspondre à leurs critères. Alors, ça n'est pas comme si c'était quelque chose de malheureux. Je crois vraiment qu'il faudrait encourager les gens et, en fait, les obliger — s'ils touchent des prestations — à s'inscrire au Guichet emplois.
Maintenant, je voudrais discuter un peu d'une chose qui n'est pas directement liée au projet de loi, mais qui a un peu fait les manchettes et dont des membres du gouvernement discutent : les prétendus faibles taux d'accès à l'assurance- emploi et leurs causes. J'aimerais porter à votre attention une analyse pertinente provenant du Rapport de contrôle et d'évaluation de l'assurance-emploi. Elle est tirée du chapitre 2, page 39, de ce rapport. Elle a environ la taille d'un bottin téléphonique... Si nous avions encore des bottins téléphoniques.
Pour 2014, la plus récente année disponible, l'Enquête sur la couverture de la population par le régime d'assurance- emploi de Statistique Canada, montre que 1,26 million de personnes étaient au chômage, dont 482 600 — ou 38 p. 100 — étaient admissibles aux prestations. Ainsi, on s'est appuyé sur ces 38 p. 100 de personnes pour condamner le régime d'assurance-emploi, mais, avant de sauter aux conclusions, nous devons nous pencher sur les raisons de ce chiffre.
La différence entre le nombre total de chômeurs et le nombre de personnes admissibles aux prestations tient, d'abord, aux gens qui n'occupent pas un emploi assurable. Ils sont environ 55 000. Ils comptent pour 4 p. 100, et il s'agit des travailleurs indépendants et des membres de familles non rémunérées.
Le président : Et quel est le lien avec la section qui nous occupe?
Mme Andrew : Il n'y a pas de lien direct. Voudriez-vous que je saute cela?
Le président : Nous devons discuter uniquement de cette section. Il ne s'agit pas ici d'une discussion générale sur le régime de l'assurance-emploi.
Mme Andrew : C'est bon.
Mon dernier point concerne les finances de l'assurance-emploi. Voudriez-vous en apprendre un peu plus à ce sujet?
Le président : Si cela nous permet directement de savoir si la section serait sensée ou non.
Mme Andrew : Eh bien, cette section pourrait entraîner des coûts de...
Le président : Jusqu'ici, vous avez parlé de 1,9 milliard de dollars.
Mme Andrew : ... Quelque 2,5 milliards de dollars.
Le président : Donc, c'est un total de 2,5 milliards de dollars?
Mme Andrew : C'est ce que dit le budget. Cela pourrait être beaucoup plus si on accorde à un plus grand nombre de régions des semaines de prestations supplémentaires.
Je crois que le mode de financement de l'assurance-emploi est important. Je sais qu'un de vos collègues, sénateur, m'a posé plus tôt une question au sujet du financement. Le système est financé entièrement par les employés et les employeurs. Le gouvernement n'y contribue pas. Les employeurs en paient sept douzièmes, et les employés, cinq douzièmes; le gouvernement ne paie rien, dans un système à trois parties. Le mode de financement est donc important, puisque l'on sait que des choses se sont déjà passées, avec cet argent. Il n'est pas séparé des recettes générales du gouvernement. Il y est mêlé, et les surplus accumulés dans le passé ont déjà été utilisés à d'autres fins, elles n'ont même pas servi au programme. C'est un aspect qui préoccupe beaucoup les employeurs, en particulier, mais également les syndicats, et, pendant les élections, le gouvernement a pris un engagement très important, disant qu'il allait dépenser l'argent de la caisse de l'assurance-emploi pour les programmes de l'assurance-emploi.
Le fardeau que représentent ces charges sociales soulève quelques problèmes, car on ne peut pas dire que ce soit léger. Si vous obligez de petites entreprises à s'occuper de lourdes charges sociales, vous ajoutez beaucoup au coût de la création d'emplois. C'est lié d'assez près à la nécessité de créer des emplois et des débouchés pour les gens sans emploi, les jeunes, tout le monde. C'est pourquoi je crois que la question des finances y est intégrée. Le document ici contient beaucoup d'informations à ce sujet, mais je répondrai avec plaisir aux questions du comité.
Le président : J'aimerais rappeler à tout le monde, et en particulier aux membres du comité, que notre séance se terminera au plus tard à 12 h 30, après quoi, le comité se réunira brièvement à huis clos pour discuter des témoignages entendus aujourd'hui. Il faudra quitter la pièce tout de suite après le coup de maillet qui marque la fin de la séance publique.
Cela dit, je vais passer aux questions de mes collègues, en commençant par le sénateur Eggleton, qui sera suivi par la sénatrice Stewart Olsen et la sénatrice Seidman.
Le sénateur Eggleton : Je tiens à préciser quelque chose. Nous avons devant nous des représentants du ministère, et nous avons aussi Mme Andrew, qui représente la Commission de l'assurance-emploi du Canada, laquelle ne fait pas partie du ministère, et représente les employeurs.
Mme Andrew : Il s'agit d'un établissement public, et j'y suis nommée à titre indépendant.
Le sénateur Eggleton : Vous représentez les employeurs; il y a sûrement quelqu'un au sein de la commission qui représente les employés, mais il n'est pas ici.
Mme Andrew : Je crois qu'elle avait reçu une invitation, mais elle organise un forum important avec ses intervenants.
Le sénateur Eggleton : Je vais alors poser ma question aux représentants du ministère. Le témoin précédent a dit que le système des régions avait bien des défauts. M. Tombe a dit qu'il fallait que les critères de sélection soient plus objectifs et plus clairs et qu'ils soient publics. M. Mendelson s'est dit d'avis que tout ce système est dépassé, en quelque sorte, puisque les compétences aujourd'hui, ne sont pas celles de l'époque à laquelle il a été créé; les travailleurs sont plus spécialisés et plus mobiles. Je crois que comme nous l'avons compris, pendant la conversation, les gens peuvent vivre dans une région qui ne fait pas partie des 12 régions désignées et avoir un emploi dans l'une de ces 12 régions, ou vice versa. Bien sûr, l'industrie, que ce soit l'industrie des produits de base ou l'industrie pétrolière, comme je l'ai souligné plus tôt, a souligné tout particulièrement tous les emplois qu'elle crée dans les différentes régions du pays, que ce soit dans une zone très affectée ou non. Il y a bien des gens qui pourraient être touchés même s'ils n'appartiennent pas aux « régions touchées ». Est-ce que cela a du bon sens, à notre époque? Ne devrions-nous pas procéder à un examen plus poussé afin de savoir s'il faut conserver ce concept des régions?
Mme Ryan : Je vais répondre dans l'ordre, en commençant par ce problème des critères qui ne sont pas transparents. Je vais citer le budget :
[...] le budget de 2016 propose d'apporter des modifications législatives visant à allonger la durée des prestations d'assurance-emploi de 5 semaines [...] pour tous les prestataires admissibles des 12 régions économiques de l'assurance-emploi qui ont connu les hausses de chômage les plus marquées.
On enchaîne sur une description des régions :
[Dans ces régions,] le taux de chômage a augmenté de 2 points de pourcentage ou plus durant une période prolongée entre mars 2015 et février 2016, comparativement à son niveau le plus bas atteint entre décembre 2014 et février 2015, sans montrer de signes notables de reprise.
Je vous dirais donc que les critères que nous avons utilisés pour sélectionner les régions figuraient dès le départ dans le budget. Nous avons répondu depuis à de nombreuses questions techniques posées par le public. La ministre, comme vous le savez, s'est également adressée au public. Cet aspect de la transparence ne laisse rien à désirer. Je suis prête à répondre à d'autres questions.
Le sénateur Eggleton : J'imagine que sa question, en ce qui concerne la clarté des critères, vise à savoir pourquoi ce serait 2 p. 100 et pourquoi ce serait cette période?
Mme Ryan : Je vais répondre avec plaisir, sénateur.
Dans le cadre du processus normal de contrôle du programme, nous avons constaté avec une certaine surprise que le prix des produits de base baissait; nous avons examiné d'encore plus près les nouvelles demandes présentées dans toutes les régions du pays. Il était clair qu'il s'agissait de signaux révélant une perturbation majeure dans certains secteurs de l'économie dépendant de l'activité des produits de base.
Nous avons surveillé de très près, comme je l'ai dit, la provenance des nouvelles demandes, et nous avons fait ce suivi tout au long de 2015. Essentiellement, nous avons constaté une augmentation très localisée du nombre de prestataires de l'assurance-emploi, qui a commencé abruptement la semaine après Noël, en 2014. Nous avons observé une augmentation marquée du volume des demandes, en particulier en Alberta et aussi, dans une moindre mesure, en Saskatchewan. Nous avons fait le suivi des demandes tout au long de la période.
Nous avons également contrôlé d'autres critères, par exemple l'épuisement des prestations. C'est très informatif, dans le contexte de l'assurance-emploi, car cela nous montre dans quelle mesure les gens retournent sur le marché du travail. En résumé, ce travail nous a permis de constater qu'il y avait une augmentation marquée de l'épuisement des prestations d'assurance-emploi dans les régions où nous avions constaté une forte augmentation du recours à notre programme à l'automne 2015. Dans le contexte de l'admissibilité aux prestations, ce phénomène nous a permis de comprendre que les gens éprouvaient d'importantes difficultés dans ces régions du pays.
Nous avons effectué une analyse supplémentaire pour savoir qui étaient ces gens exactement et ce que nous pouvions apprendre à leur sujet. La majorité de ces prestataires avaient eu droit aux taux de prestation les plus élevés; les demandes étaient plus importantes, il s'agissait de travailleurs de longue date et il était clair qu'ils avaient un emploi dans le secteur pétrolier et gazier.
Je pourrais parler de façon un peu plus générale des recherches économiques que nous avons menées pendant quelque temps sur l'évolution du marché de l'emploi et des difficultés croissantes qu'ont les travailleurs à retrouver une place au sein de la main-d'œuvre. Je serais heureuse de vous parler des différentes recherches que nous menons dans ce domaine.
Le sénateur Eggleton : Nous avons également appris que la demande d'assurance-emploi doit être présentée à l'endroit où l'on vit. Nous savons qu'un grand nombre de travailleurs du secteur pétrolier viennent du Canada atlantique. Si un prestataire retourne en Nouvelle-Écosse ou dans une autre province maritime, est-ce que cela paraît dans les statistiques des 12 régions?
Mme Ryan : C'est très caractéristique des tendances au chapitre de la participation à la vie active que nous observons. Nous avons contrôlé de près les 62 régions et nous avons observé une augmentation marquée du taux de chômage, en lien avec les demandes présentées à Terre-Neuve, à l'extérieur de St. John's, mais nous n'avons pas vu la même augmentation dans les autres régions du pays où les gens ont aussi tendance à se déplacer pour aller travailler ailleurs au pays.
Nous sommes au courant de cette préoccupation. Nous avons fait un suivi étroit. Nous n'avons pas constaté le même niveau de stress que celui qui était évident dans les régions sélectionnées.
Le sénateur Eggleton : Madame Andrew, vous avez commenté un certain nombre de choses liées à l'assurance- emploi et à certains aspects de cette section du projet de loi. Je ne me souviens pas que vous ayez dit quoi que ce soit au sujet des 12 régions et des 3 régions qui ont été ajoutées. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Mme Andrew : Oui. C'est résumé dans le bulletin.
Le sénateur Eggleton : Nous venons de le recevoir, je n'ai pas encore eu la chance d'en prendre connaissance.
Mme Andrew : Je crois que, du point de vue de l'employeur, la proposition de prolonger la période de prestations dans les régions les plus durement touchées ressemble à ce qui a été fait au cours de la dernière récession. La nouvelle sera bien reçue dans les 12 régions où ces prolongations seront autorisées, et les employeurs sont en faveur. Dans mon bureau, nous n'oublions pas que le gouvernement fait un suivi étroit de la situation pour savoir si d'autres régions répondraient aux critères.
Si nous avons besoin de quelques critères, c'est que nous ne pouvons pas verser des semaines supplémentaires de prestations à tout le monde. Le coût serait prohibitif.
Le sénateur Eggleton : À votre avis, les critères ne sont toujours pas suffisamment clairs?
Mme Andrew : Les critères sont une bonne idée. J'ai entendu les universitaires dire qu'il est important de définir des critères spécifiques qui traduisent la détérioration des conditions dans une région en particulier. Les critères ont été définis le mieux qu'il était possible de le faire dans un système comme celui-ci.
La sénatrice Stewart Olsen : Madame Ryan, j'aimerais tout simplement vous poser des questions sur la réduction de deux à une semaine de la période de carence. Dans quelle mesure consultez-vous en réalité les employeurs? Ce changement est énorme. Dans quelle mesure consultez-vous les employeurs, en réalité, avant d'apporter des changements de ce type?
Mme Ryan : Nous effectuons beaucoup de consultations, par le truchement, tout d'abord, de la commissaire Andrew, qui représente les employeurs, et connaît le programme sur le bout des doigts et est bien placée pour assurer la liaison entre un programme assez complexe et des employeurs qui peuvent avoir des exigences assez complexes concernant leurs feuilles de paie. Nous entretenons un dialogue constant qui nous aide à comprendre les répercussions du programme sur les employeurs.
En outre, nous organisons régulièrement, deux fois par année, des séances de mobilisation réunissant des intervenants et des employeurs, en particulier ceux qui connaissent bien les dossiers de la feuille de paie et des ressources humaines. C'est une table nationale. Elle se compose de toute une gamme d'employeurs et de spécialistes représentant tous les secteurs et les grandes de même que les petites entreprises. En particulier, cet automne, après les élections d'octobre, nous avons convoqué les membres de ce groupe afin d'examiner les engagements du programme du futur gouvernement et nous avons consacré beaucoup de temps à l'examen de cette période de carence d'une semaine. Cette mesure semble à première vue relativement simple, mais, étant donné que les systèmes de traitement de la paie, les RH et les conventions collectives tiennent compte de notre programme, en particulier quand il s'agit des prestations de maternité, des prestations parentales ou de la formation, cela complique beaucoup les choses pour les employeurs, et nous leur avons tendu la main.
Nous nous sommes en particulier engagés à respecter les cycles de paie établis par les employeurs, ce qui a été intégré à la disposition 19(3.1), car c'était très important pour les employeurs, et nous en avons tenu compte. Nous maintenons cet engagement et nous allons régler tous les problèmes techniques de façon à offrir la meilleure option possible.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous comprenez, n'est-ce pas, que des changements comme celui-ci se répercutent probablement davantage sur les petites entreprises. Elles n'ont pas toujours des commis affectés aux écritures. Est-ce que la mesure entrera en vigueur immédiatement, dès que le budget sera adopté?
Mme Ryan : Cette mesure, sénatrice, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017.
La sénatrice Stewart Olsen : Il leur reste donc encore un peu de temps.
Mme Ryan : Les employeurs auront du temps pour s'adapter. Nous allons essayer de mettre ce temps à profit en mobilisant du mieux que nous le pouvons les différentes collectivités, et je félicite la commissaire Andrew qui a lancé le dialogue avec les intervenants et en leur ouvrant la porte.
La sénatrice Stewart Olsen : L'autre chose qui m'intéresse, c'est la période de carence. Je sais que vous avez déjà réduit le délai de traitement des demandes, mais comment allez-vous vous en tirer avec cette période de carence, puisque les gens qui présentent une demande vont le demander? Vous allez devoir embaucher un assez important personnel pour y arriver.
Mme Ryan : Cette mesure tient beaucoup à l'automatisation du traitement des demandes. Nous avons entrepris la mise à jour de nos systèmes, de sorte que le changement se fera automatiquement; de cette façon, les répercussions pour les Canadiens et les employeurs canadiens seront moindres.
En ce qui concerne le délai de versement des prestations, c'est étroitement lié à l'intégration avec les systèmes de paie des employeurs. Nous devons pouvoir obtenir rapidement des employeurs des renseignements précis sur la paie; c'est ainsi que nous pouvons rapidement faire un premier versement. Il faut tenir compte à la fois de la capacité des employeurs de générer rapidement les renseignements qui seront enregistrés automatiquement et sans erreur au regard des demandes et du désir des prestataires d'obtenir rapidement leur premier chèque.
Nous tenons à souligner que cette mesure vise à éviter que les prestataires voient leur revenu soudainement interrompu, au début de la demande, mais si nous pouvons obtenir rapidement l'information sur la paie dont nous avons besoin, nous pourrons probablement mieux que dans le passé respecter les cycles de paie actuels.
J'aimerais noter que le gouvernement a récemment lancé un examen sur la qualité du service du programme visant spécifiquement à améliorer la rapidité des versements.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est certainement ce qui va arriver.
La sénatrice Seidman : Madame Ryan, pendant son témoignage, M. Tombe a suggéré de retenir comme point de référence la moyenne de toute l'année 2014 plutôt qu'un point de données simple, c'est-à-dire le taux de chômage le plus bas enregistré entre décembre 2014 et février 2015. Il a dit que cela pourrait se révéler arbitraire ou que cela occulterait un élément important dans le tableau. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi le plus bas niveau de cette période?
Mme Ryan : Absolument. C'est essentiellement en raison du contrôle que nous avons effectué sur le volume des demandes, en particulier la hausse subite du nombre de demandes qui a été observée à compter de décembre 2015. Dans la mesure où la baisse du prix des denrées de base s'est accélérée, pendant la première moitié de 2014, avant de se répercuter durement sur les travailleurs, en décembre, janvier et février, nous avions une raison de choisir cette période.
J'aimerais souligner qu'il s'agit explicitement d'une mesure temporaire. Elle vise à recueillir de l'information en vue des changements permanents qui seront plus tard apportés au programme, mais par définition, il ne s'agit pas d'une solution qui s'appliquera universellement dans tous les cas.
La sénatrice Seidman : Est-ce que la liste des régions doit être mise à jour et va-t-on ajouter de nouvelles régions?
Mme Ryan : Comme l'a annoncé le premier ministre vendredi, trois régions seront ajoutées à la liste. Je pourrais vous expliquer les mécanismes législatifs que nous avons en tête.
La sénatrice Seidman : Je veux dire après aujourd'hui.
Mme Ryan : Il était précisé, dans cette annonce, qu'aucune nouvelle région ne serait ajoutée à la liste.
La sénatrice Seidman : Madame Andrew, étant donné que vous avez parlé du fardeau financier pour le système, j'aimerais vous poser des questions à ce sujet. Est-ce que cette mesure pourrait avoir des conséquences ou entraîner des inégalités, dans le système, et est-ce que celles-ci pourraient avoir des répercussions à long terme? À votre avis, combien de personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active vont présenter une demande? Est-ce que cela créera un arriéré? Y aura-t-il des conséquences à long terme? Y aura-t-il des répercussions sur les prestations d'assurance-emploi, c'est-à-dire sur le montant que nous versons? Autrement dit, faudra-t-il changer le montant de la cotisation versée par les employés au système?
Mme Andrew : Merci de poser ces questions.
Le coût de toutes les mesures est indiqué dans le budget. Pour les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active, le coût est supérieur à un demi-milliard de dollars; au total, il s'agit de 2,5 milliards de dollars. Tout tient à la façon dont les taux sont établis. À l'endos de mon bulletin du budget, vous verrez un graphique repris du budget qui présente les projections du Compte des opérations de l'assurance-emploi au moment du budget de mars.
Le gouvernement a intégré des graphiques comme celui-ci dans de précédents énoncés économiques de l'automne, dans des budgets, et ainsi de suite. Le taux prévu en 2017-2018, qui est de 1,61 $, est bien plus élevé que les taux auxquels nous sommes habitués. Nous étions habitués à des taux de 1,53 $. Ce taux se rapporte aux employés. Les employeurs paient 1,4 fois ce taux, ce qui représente en effet une augmentation substantielle. Les taux étant censés diminuer bien plus que cela.
Je sais qu'il y a une controverse concernant les charges sociales; on se demande si elles ne seront pas transférées aux employés, au moyen d'une baisse de salaire, ou aux consommateurs, au moyen d'une hausse des prix. Mais il est certain que les petites entreprises — je viens de la petite entreprise — n'ont pas ce type d'emprise sur le marché, ni sur les travailleurs, ni sur les prix. Donc, le budget les heurte directement, en réduisant les ressources dont elles disposent pour embaucher des gens, les former et ainsi de suite.
La sénatrice Frum : Selon la page de résumé du budget que vous avez présenté, il semble que votre principale préoccupation a trait au changement de la période de carence, qui passe de deux semaines à une. Selon les commentaires que vous avez formulés, ce serait vraiment la mesure qui vous a le plus préoccupée.
J'ai deux questions. Vous dites ici, et vous l'avez mentionné dans vos commentaires, que cette mesure obligera les employeurs à modifier leurs programmes complémentaires. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus.
Vous avez également mentionné qu'une somme de 950 millions de dollars avait été prévue, dans le budget, en vue de cette augmentation. Cela figure également sur le graphique. Vous semblez sceptique quant aux coûts réels de cette mesure.
Pourriez-vous discuter de ces deux choses?
Mme Andrew : En ce qui concerne les changements que devront effectuer les employeurs, l'un des problèmes, c'est que les employeurs, soit par choix, soit après entente avec le syndicat, s'il y en a un, offrent parfois des paiements négociés, disons pour les deux premières semaines en question, et des paiements complémentaires ensuite. Certains le font pour les congés de maternité; en fait, notre ministère ne possède aucune information précise à ce sujet. Il faudra donc que ces arrangements soient revus, une fois les changements effectués.
Je crois que les syndicats eux-mêmes se demandent si un employeur qui a accepté de payer les deux premières semaines, correspondant à la période de carence, paiera la seconde si la période de carence ne dure qu'une semaine. Fera-t-il un versement à la fin des 52 semaines? C'est difficile à dire. Je crois que même les syndicats examinent la question.
Tout cela est d'une grande complexité, mais au bout du compte, les employeurs veulent absolument que les cycles de paie soient respectés. Les relevés d'emploi se présentent en effet de la même façon depuis longtemps. Je travaille dans le monde des affaires depuis plus de 30 ans. C'était pour les petites entreprises le problème numéro 1, toute cette paperasse. Le relevé est maintenant accessible en ligne, mais il se présente toujours de la même façon. L'employeur doit y entrer de l'information sur la paie, mais son propre système de paie ne présente pas l'information ainsi. Selon notre système, la paie doit être hebdomadaire, la semaine s'étendant du dimanche au samedi; mais personne ne paie les gens de cette façon, alors l'employeur doit en effet faire des calculs.
L'information sur la paie connaît toutes sortes de difficultés. Dans mon ministère, heureusement, on discute de la possibilité de renouveler complètement et d'améliorer le système pour en faire un système fonctionnel, mais nous n'en sommes pas encore rendus là.
Ce changement particulier est parsemé d'embûches, et je suis réellement inquiète à l'idée que l'objectif louable du gouvernement, verser plus rapidement de l'argent aux gens, ne sera peut-être pas atteint, parce que le système pourrait s'embourber.
La sénatrice Nancy Ruth : Madame Ryan, Mme Andrew a parlé des sommes supplémentaires qui étaient attendues, mais elle a également dit, à un moment donné, qu'il y aurait des fonds excédentaires, mais que les fonds de l'assurance- emploi n'étaient pas dans un fonds distinct. Elle supposait que ces fonds avaient peut-être été utilisés pour couvrir d'autres dépenses du gouvernement. Étant donné que vous touchez de nouvelles sommes, a-t-il été question de la possibilité de créer un fonds distinct? En a-t-il été question dans votre ministère?
Mme Ryan : C'est là un aspect du programme qui a toujours été problématique. La loi actuelle a été adoptée après la récession de 2009; elle a été suspendue puis, révoquée parce qu'elle supposait un fonds géré séparément qui refléterait les difficultés de la gestion du compte pendant une période de ralentissement économique, le Trésor étant chargé d'assumer ce financement à ce moment-là.
Une souplesse intrinsèque, qui nous permet d'ajouter des sommes à ce fonds, de même qu'un désir évident d'assurer l'équilibre à long terme du fonds, sans enregistrer de surplus ni de déficit, sont profondément ancrés à notre avis dans la nouvelle loi.
Il est vrai que le compte de l'assurance-emploi se résume à un mécanisme comptable. Il a pour but d'assurer la transparence de l'utilisation des cotisations, mais il ne s'agit pas d'un compte distinct. Nous avons tenté récemment de voir s'il était possible de gérer ces fonds dans un compte distinct, mais nous nous sommes tout de suite heurtés à des problèmes réels. Les chiffres dont on fait actuellement le suivi, dans le cadre du programme, et qui y ont été intégrés dans les documents du budget, révélaient que le compte visait principalement à maintenir son objectif d'équilibre.
La sénatrice Nancy Ruth : Lorsque vous avez analysé les chiffres, étant donné le ralentissement économique, n'a-t-il été possible sur une période de 20 ou 30 ans d'accumuler un surplus suffisant pour faire face aux ralentissements économiques comme celui que nous venons de vivre?
Mme Ryan : Le gouvernement précédent avait établi à ce moment-là, en 2008, un mécanisme pour le calcul des taux, qui ramenait le programme sur une nouvelle voie : l'atteinte du déficit zéro. Et en effet, l'équilibre a été ramené à zéro, après quoi il y a eu une période de surplus budgétaires, surplus qui a atteint au bout du compte 57 milliards de dollars. Pendant la récession, c'est un déficit qui s'est accumulé, et les mécanismes qui sont aujourd'hui, en place visent à ramener le programme sur la voie des surplus.
La sénatrice Nancy Ruth : Madame Andrew, que pensez-vous de tout cela?
Mme Andrew : Mon point de vue est différent. Sur une période assez longue, un surplus de 57 milliards de dollars a effectivement été enregistré, mais il s'agit d'un compte théorique, ces billets ne se trouvent évidemment pas dans la chambre forte. Cet argent a été dépensé ailleurs. Le gouvernement précédent avait décidé — tout juste avant la dernière récession, malheureusement — de créer l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada et de vider le compte. De fait, les employeurs et les employés ne reverraient jamais cet argent.
Nous sommes entrés dans la dernière récession sans avoir de réserve pour les jours difficiles puis, le compte a affiché un déficit d'environ 9 milliards de dollars. C'est ce que l'actuaire avait dit. L'actuaire avait dit qu'il fallait constituer une réserve d'environ 10 milliards de dollars pour être prêts à faire face à une éventuelle récession; il est presque tombé sur le chiffre exact.
Depuis la récession, les employeurs et les employés ont dû rembourser cette somme de 9 milliards de dollars, nous venons tout juste d'y arriver. Nous avons comblé le déficit et accumulé environ 0,5 milliard de dollars.
Mme Ryan a raison, la commission est en train de déterminer les taux et elle le fait en fonction d'une période de sept ans en visant le seuil de rentabilité. Il est clair que ce mécanisme facilitera le processus d'établissement des taux. Le gouvernement, conformément à son programme, a dit que l'argent de l'assurance-emploi ne serait consacré qu'aux programmes et prestations d'assurance-emploi, ce qui est excellent.
Je me suis intéressée à la question des surplus et des déficits, mais je m'intéresse aussi à la question des dépenses. C'est un ministère important, et il y a bien des choses qu'on juge liées à l'assurance-emploi que l'on paie en puisant à même le Compte d'assurance-emploi — cela va du Registre d'assurance sociale aux ententes sur le développement du marché du travail en passant par l'affectation de 2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires, et la liste est longue. Je pense à tout ce que l'on inscrit au regard de ce poste de dépenses.
La sénatrice Raine : Je vois que c'est un sujet très compliqué. Je le comprends, mais quand je vois que l'on décide de ramener une période de deux semaines à une semaine, c'est simple; c'est compréhensible même pour moi. Mais c'est un changement de 50 p. 100. C'est un changement énorme.
S'il s'agit d'un changement obligatoire, prévu par la loi, et qu'un prestataire ne reçoit son chèque qu'après deux semaines, voire après plus longtemps encore, aura-t-il droit à une paie d'une semaine rétroactive ou devra-t-il attendre que sa demande ait été traitée?
Mme Andrew : Oui. Je crois que cela prendra plus de deux semaines, étant donné le temps que prend le traitement de la demande. Il faut aujourd'hui, 23 jours pour obtenir l'information de l'employeur, le relevé d'emploi, et traiter la demande.
Mme Ryan : Nous n'avons pas encore pu faire mieux que 25 jours, et c'est au-delà des 14 jours prévus. Il s'agit dans le fond d'un processus de présentation de la demande. Il faut du temps pour établir la période de prestations, et il faut pour cela obtenir de l'information de l'employeur.
Si la période passe de deux à une semaine, vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice. Le prestataire recevra un chèque qui couvrira tout ce qui lui est dû à partir du moment où sa période de prestations est établie. Toutes les semaines seront comptabilisées à partir du moment où la période de prestations est établie.
La sénatrice Raine : Sauf que le prestataire n'a toujours pas reçu son chèque. Si l'objectif était de s'assurer que les travailleurs avaient plus rapidement accès à cet argent, c'est raté.
Mme Ryan : Si vous me le permettez, madame la sénatrice, l'objectif était de leur éviter une interruption du revenu. Une personne qui devient sans emploi en raison d'une mise à pied, d'une maladie ou de l'arrivée d'un nouveau bébé n'a pas à accuser une perte de revenu pendant ces deux semaines avant de recevoir de l'argent. Avec les changements que nous apportons, cette interruption ne durera plus qu'une semaine, et nous faisons tout ce qu'il nous est possible de faire pour nous assurer que les prestations seront versées le plus rapidement possible.
Le président : Madame Andrew, vous avez parlé des taux en indiquant que le taux des cotisations à l'assurance- emploi était de 1,61 $. Dans le document d'information présenté par le ministre des Finances, on lit que le budget 2016 avait prévu un taux de cotisation à l'assurance-emploi de 1,61 $ par tranche de 100 $ de revenu assurable en 2017, une diminution importante, puisque le taux actuel est de 1,88 $ par tranche de 100 $ de revenu assurable. Je vous ai peut- être mal comprise, j'avais l'impression que vous aviez dit que le taux actuel était inférieur à 1,61 $.
Mme Andrew : Je m'excuse, je ne me suis peut-être pas exprimée clairement. Le taux actuel est de 1,88 $. Une disposition législative l'a fixé à ce niveau pour trois ans. L'année prochaine, il sera de 1,61 $, un taux plus élevé que ce qui figurait dans les prévisions précédentes.
Me permettez-vous d'ajouter une petite information? Il est ici question d'un certain Crédit pour l'emploi visant les petites entreprises, qui n'est pas renouvelé, dans le budget. Sans ce crédit pour l'emploi, 90 p. 100 des entreprises du pays devront assumer une augmentation, l'année prochaine.
Le président : Puisque vous vous préoccupez de la répercussion de cette disposition particulière du budget actuel, est- ce que vous prévoyez que le taux d'assurance-emploi de 2017 sera supérieur à 1,61 $?
Mme Andrew : Nous nous apprêtons justement à travailler avec les actuaires, pendant l'été. Le taux sera annoncé à la mi-septembre. Si je me fie à ma boule de cristal, je dirais qu'il sera un peu plus élevé que 1,61 $.
Mme Ryan : Permettez-moi de souligner que les coûts estimés de toutes les mesures stratégiques ont été intégrés à ce taux de 1,61 $ qui est inscrit dans le budget. J'ajouterais également que les mesures prises dans le budget reflètent en bonne partie les engagements du programme du gouvernement, qui visait à définir des taux d'assurance-emploi adaptés à ces mesures.
Le président : Merci beaucoup. Je persiste à croire que le monde de la haute finance sait très bien comment créer un écran de fumée, mais nous allons vous croire sur parole. Merci d'avoir comparu.
(La séance se poursuit à huis clos.)