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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 9 - Témoignages du 2 juin 2016


OTTAWA, le jeudi 2 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, afin de poursuivre son étude sur la question de la démence dans notre société.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. J'invite mes collègues à se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de l'Ontario et vice-président du comité.

Le président : Nous sommes heureux d'avoir ces témoins aujourd'hui. Je vous les présenterai quand je les inviterai à présenter leur allocution.

Je rappelle à mes collègues et à l'auditoire que nous continuons notre étude sur la question de la démence dans notre société.

Nous avons deux témoins de l'étranger avec nous aujourd'hui, et nous serons très intéressés d'entendre ce qu'ils ont à nous dire. Nous nous sommes entendus pour que David Berry, agent de politique, Unité de la politique en matière de démence, Gouvernement de l'Écosse (Édinbourg), soit le premier à s'adresser à nous.

Monsieur Berry, je vous invite à nous présenter votre allocution.

David Berry, agent de politique, Unité de la politique en matière de démence, Gouvernement de l'Écosse (Édinbourg) : Merci beaucoup. Je suis désolé d'être dans une salle si obscure. J'espère que vous me voyez quand même et que vous m'entendez bien.

Le président : Nous vous voyons et vous entendons très bien. Vous avez la parole.

M. Berry : Des 5,4 millions d'habitants que compte l'Écosse, entre 86 000 et 90 000 sont atteints de démence. Ce sont les résultats des dernières estimations effectuées à ce sujet en Écosse. Au Royaume-Uni, les politiques sur les soins de santé et les services sociaux relèvent du Parlement et du gouvernement de l'Écosse. En Écosse, nous avons 14 conseils de santé et 32 administrations locales. Je vous présente ici un survol de l'administration des soins de santé et des services sociaux en Écosse.

Je vais vous donner un aperçu de l'évolution de nos politiques en matière de démence depuis 2007, lorsque l'administration actuelle est arrivée au pouvoir. Ensuite, je vous présenterai ce que nous envisageons d'accomplir au cours de ces trois prochaines années, et finalement je vous décrirai quelques autres éléments de notre politique en matière de soins de santé et de services sociaux.

Comme je le disais, le gouvernement écossais traite le problème de la démence en priorité depuis qu'il est arrivé au pouvoir en 2007, et il continuera à en faire une priorité.

Notre première stratégie nationale sur la démence a été publiée en 2010, et la deuxième en 2013. Nous envisageons de publier la troisième stratégie à l'automne prochain.

Nous avons délibérément conçu des stratégies précises et pour le court terme afin de pouvoir modifier rapidement les politiques au besoin. Au lieu de s'étendre sur 10 ans, ces stratégies ne visent que trois ans à la fois.

Nous avons fait des progrès considérables depuis 2007. Le taux d'établissement des diagnostics a augmenté de 25 p. 100 entre 2008 et 2012. Il semblerait que le cadre national d'amélioration y ait beaucoup contribué.

En ce qui concerne les taux de prévalence et de diagnostic en Écosse, nous pensons que les pourcentages dépendent du modèle utilisé; les taux peuvent indiquer que le diagnostic de 50 p. 100 des personnes atteintes de démence est enregistré, mais il peut s'élever à 65 p. 100 suivant la règle de prévalence européenne que nous appliquons aux données brutes.

En 2013, le gouvernement écossais a lancé une initiative qui est probablement la plus importante et la plus particulière dans le domaine des politiques sur la démence. Elle garantit un service post-diagnostique dans tout le pays, soutenu par des résultats attendus à l'échelle nationale. Il semblerait qu'au moment de son lancement, elle était à l'avant-garde dans le monde, et je crois que c'est encore le cas aujourd'hui.

Je pourrai vous donner plus de détails tout à l'heure si l'on me pose des questions sur cette initiative; essentiellement, elle offre à toutes les personnes nouvellement diagnostiquées un an de soutien personnalisé; ces services sont coordonnés par un travailleur de liaison spécialement désigné. Nous élaborerons cette politique au cours des trois ans à venir. Je vous donnerai plus de détails dans une minute.

En 2011, nous avons établi les premières normes de soins de la démence en Écosse; elles sont fondées sur les droits des personnes atteintes de démence. Ces normes servent non seulement aux fournisseurs de services à mesurer la qualité de leur prestation aux normes attendues, mais elles permettent aux personnes atteintes de démence et à leurs familles d'exiger que leurs fournisseurs respectent ces normes.

Ces normes sont en vigueur depuis cinq ans. Elles soutiennent un document publié à cette même époque, une stratégie nationale sur la prestation des soins de santé et des services sociaux aux personnes atteintes de démence et son plan de mise en œuvre. Nous continuons à financer ce travail dans tout le pays afin d'aider les fournisseurs locaux à offrir des services de grande qualité.

Ces trois dernières années, nous avons lancé des programmes élaborés sur mesure pour améliorer les soins hospitaliers généraux — pour les personnes qui entrent à l'hôpital pour un trouble généralement autre que la démence — ainsi qu'un programme national d'amélioration sur mesure des services de santé nationaux spécialisés en soins de la démence. Il s'agit donc de deux programmes d'amélioration distincts qui se poursuivront au cours de ces trois prochaines années.

Dans le cas de l'initiative de main-d'œuvre que j'ai mentionnée plus tôt, nous avons maintenant environ 600 champions de la démence, que nous formons en Écosse. Ces champions proviennent en grande partie du domaine des soins infirmiers de première ligne. Jusqu'à présent, la majorité de ces champions ont reçu leur formation dans le système public national de soins de santé, le NHS Scotland, en soins de santé hospitaliers généraux. Toutefois, nous envisageons d'étendre ce programme hors des hôpitaux généraux. Ces champions de la démence ont pour rôle de modifier le comportement des fournisseurs de soins de première ligne dans les services des hôpitaux.

Nous avons aussi près de 800 ambassadeurs formés en services sociaux. Leur rôle est similaire à celui des champions, mais ils donnent aussi plus de formation en soins à domicile à leur personnel.

Je vais vous décrire ce que nous envisageons de faire au cours de ces trois prochaines années; bien entendu, nous reprendrons en grande partie ce que nous avons accompli au cours des trois dernières années.

À la fin de l'année dernière, nous avons lancé des consultations nationales sur la démence dans toute l'Écosse afin de parler directement aux gens, dont les familles de personnes atteintes de démence. Nous voulions savoir ce qu'ils désiraient que nous leur offrions au cours des trois ans à venir sur le plan national. Je vais vous décrire les éléments principaux de la prochaine stratégie que le gouvernement écossais propose dans le document qu'il a publié en mars.

Nous devons poursuivre notre approche systémique des soins aux personnes atteintes de démence. Nous ne voulons surtout pas que certaines personnes subissent de la discrimination à cause de leur situation au sein du système de santé ou de l'avancement de leur démence. Il est important que toutes reçoivent la même qualité de soins, quel que soit l'avancement de leur maladie.

Nous allons prendre de nouvelles mesures sur les taux de diagnostic et sur le soutien post-diagnostique. Nous allons principalement mettre à l'essai le transfert des services post-diagnostiques aux cliniques des médecins de famille, les omnipraticiens. Il faudra pour cela placer des travailleurs de liaison spécialisés en soins de démence dans les cliniques des omnipraticiens pour que ces derniers offrent aux familles des services post-diagnostiques avec une plus grande confiance.

Cette initiative offre aussi l'avantage de permettre aux familles qui s'inquiètent du fait qu'un diagnostic de démence entache le souvenir du patient et la réputation de la famille de recevoir les services post-diagnostiques non pas dans un établissement de soins de santé mentale, mais directement de la clinique de leur omnipraticien. Nous mettrons cette initiative à l'essai au cours de ces deux prochaines années.

L'Écosse a aussi lancé une initiative importante d'intégration des soins de santé aux services sociaux. Je vous donnerai plus de détails à ce propos tout à l'heure. Pour cela, nous collaborerons de très près avec les nouvelles structures gouvernementales de soins de santé et de services sociaux établies dans les localités — nous en avons 31 —, afin de fournir de meilleurs soins à domicile aux personnes atteintes de démence.

Ces deux dernières années, nous avons mis à l'essai, dans cinq régions de l'Écosse, un nouveau modèle de soins à domicile. Nous venons d'en confier l'évaluation à un expert-conseil indépendant. Son rapport sera publié plus tard cette année.

Au cours de ces trois prochaines années, nous allons probablement nous concentrer avant tout sur les soins palliatifs et sur les soins de fin de vie aux personnes atteintes de démence. Au cours des six premières années, nous nous sommes concentrés sur la qualité de vie de ces personnes. Nous continuerons à le faire, mais nous voulons aussi axer nos initiatives sur les soins des personnes atteintes de démence qui sont en fin de vie. Nous allons pour cela mettre à l'essai différents modèles de prestation de services. Nous donnerons aussi de la formation sur la démence aux fournisseurs de soins palliatifs et de soins de fin de vie ainsi que de la formation sur les problèmes de fin de vie aux fournisseurs de soins spécialisés en démence. Il s'agit d'une approche réciproque à la formation du personnel.

Le président : Monsieur Berry, pourrais-je vous demander d'accélérer un peu votre présentation? Merci beaucoup.

M. Berry : Nous veillerons aussi à ce que la transformation à long terme du secteur des soins à domicile réponde aux besoins des personnes atteintes de démence; nous menons des initiatives à cet effet.

En résumé, l'initiative nationale sur la démence a toujours visé l'engagement aussi direct que possible avec les personnes atteintes de démence et avec leurs familles et leurs aidants naturels. Nous avons en Écosse différents groupes composés de personnes atteintes de démence et de gens qui ont soigné ou qui soignent ces personnes. Ces groupes collaborent directement avec les ministres et avec les dirigeants du gouvernement écossais. Leurs membres participent activement aux travaux des structures politiques sur la démence. Donc, nous travaillons continuellement avec des personnes atteintes de démence, ce qui constitue probablement le facteur de réussite de notre engagement envers les personnes atteintes de démence en Écosse.

Je vais vous parler rapidement de l'intégration des soins de santé et des services sociaux. Ce programme est ambitieux. Il regroupe des services qui ont toujours agi en autonomie. Nous formons maintenant des partenariats locaux qui planifient plus efficacement les services à fournir aux personnes atteintes de démence.

En février dernier, nous avons adopté une loi sur les aidants naturels qui oblige les autorités locales à fournir du soutien aux aidants naturels. Je vous donnerai plus de détails sur cette loi en réponse à vos questions.

Enfin, permettez-moi de mentionner certaines initiatives sur la démence que nous menons avec d'autres pays. Dans le cadre des travaux sur la démence découlant du sommet du G7, nous collaborons avec un organisme du nom d'International Consortium for Health Outcomes Measurement afin d'élaborer des normes mondiales sur la démence et d'établir des centres où nous mettrons ces normes à l'essai.

Je vais m'arrêter ici pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Berry.

J'ai le plaisir d'accueillir, à titre personnel, le Dr Ronald C. Petersen.

Dr Ronald C. Petersen, président, Conseil consultatif sur la recherche, les soins et les services pour le plan national des É.-U. sur la maladie d'Alzheimer, à titre personnel : Merci beaucoup. Bonjour, monsieur le président et membres distingués du comité. C'est un honneur de comparaître devant vous pour vous parler des volets principaux du plan d'action national des États-Unis pour la maladie d'Alzheimer.

Je suis président du conseil consultatif sur ce plan d'action national. Je suis professeur de neurologie et directeur du centre de recherche sur la maladie d'Alzheimer de la clinique Mayo à Rochester, au Minnesota. Je siège aussi au World Dementia Council que préside le Dr Yves Joanette des IRS du Canada. Aujourd'hui cependant, je m'adresse à vous à titre personnel et non pour représenter le conseil consultatif ou le gouvernement américain. Ils ont exigé que je souligne ce fait.

Le National Alzheimer's Project Act est une loi dont le président Obama a signé l'adoption en 2011. Elle mandate le secrétaire d'État à la santé et aux services sociaux pour s'occuper des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer aux États-Unis. Elle prévoit aussi la création d'un conseil consultatif de 26 membres — la moitié de représentants du gouvernement fédéral et l'autre moitié d'experts non gouvernementaux — qui oriente le secrétaire d'État sur ces questions. Comme on vous l'a indiqué, je préside ce conseil depuis sa création.

Le plan mentionne la maladie d'Alzheimer, mais nous y incluons également les troubles connexes, dont la démence à corps de Lewy, le déficit cognitif d'origine vasculaire et la dégénération frontotemporale.

Ce plan vise cinq objectifs. Le premier est déjà en cours; c'est l'objectif principal, qui consiste à prévenir et à traiter efficacement la maladie d'Alzheimer d'ici à 2025. Le deuxième vise à améliorer la qualité et l'efficience, le troisième à étendre les services fournis aux personnes atteintes d'Alzheimer et à leurs familles, le quatrième à sensibiliser et à engager le grand public, et le cinquième à effectuer un suivi des progrès de la mise en œuvre de ce plan.

La loi prévoit aussi une révision annuelle du plan et permet au conseil consultatif de présenter des recommandations. Cet aspect du plan est important, parce que nos recommandations ne se limitent pas à un niveau de financement et autres. Nos recommandations doivent être franches et ambitieuses pour atteindre les objectifs du plan d'ici à 2025.

Par exemple, nous avons recommandé au gouvernement fédéral d'investir chaque année 2 milliards de dollars en recherche sur la maladie d'Alzheimer. Cette somme correspond aux fonds attribués à la recherche menée aux États- Unis sur le cancer, sur les maladies cardiaques et sur le VIH-sida. Nous ne pouvons pas incorporer ce type de recommandation dans le plan lui-même, qui est limité par les exigences fiscales actuelles des États-Unis.

Il est très important d'accorder au conseil consultatif cette souplesse sur les recommandations qu'il présente.

Voilà la structure fondamentale de ce plan. S'est-il avéré efficace? Cela dépend un peu de ce que les intervenants désirent en retirer.

Dès le départ, ce plan a produit un résultat positif, celui de forcer les organismes fédéraux à dialoguer. Si mon organisme s'occupe, comme le vôtre, de la maladie d'Alzheimer, peut-être que nous sommes au courant de votre travail, et peut-être que non. Je suis convaincu que cela a contribué à améliorer l'efficacité des travaux.

Ce plan a aussi produit une réussite dans le domaine de la recherche. Il recommande que les National Institutes of Health, NIH, tiennent des sommets sur la maladie d'Alzheimer et sur les troubles connexes, sur la situation en général, sur les progrès et sur les lacunes qui restent. Nous avons tenu cinq sommets jusqu'à présent, deux sur la maladie d'Alzheimer, deux sur les troubles connexes et un sur la Trisomie 21.

Ces sommets se sont avérés très utiles; il ne s'agissait pas de simples rencontres entre chercheurs qui comparent leurs études à celles de leurs collègues. Chacun de ces sommets a généré des recommandations qui, une fois transformées en jalons, ont modifié le niveau de financement accordé à la maladie d'Alzheimer. Les NIH, examinant ces jalons, ont décidé de financer ces priorités; c'est ainsi que ces sommets ont amélioré le financement.

Quant à la recherche sur la maladie d'Alzheimer aux États-Unis, au début de la mise en œuvre du plan, les États- Unis investissaient environ 450 millions de dollars chaque année en recherche sur l'Alzheimer. Au cours des années suivantes, de 2011 jusqu'à aujourd'hui, nous avons traversé une période d'austérité et même de séquestre, et tous les budgets fédéraux ont diminué. Toutefois, le budget de recherche sur la maladie d'Alzheimer et sur les troubles connexes est demeuré relativement stable et a même un peu augmenté. Cette réussite est due au Dr. Francis Collins, directeur des National Institutes of Health et au Dr Richard Hodes, directeur du National Institute on Aging, qui se sont servis de leurs fonds discrétionnaires pour maintenir le niveau de financement de la recherche sur l'Alzheimer et même pour l'augmenter.

Cependant, tout a changé en décembre dernier lorsque le Congrès américain a alloué 350 millions de dollars de plus au budget fédéral de la recherche sur la maladie d'Alzheimer, amenant son financement à près de 991 millions de dollars par année. C'était extraordinaire. Notre budget a doublé, et nous en sommes très heureux, mais il nous manque encore les 2 milliards de dollars que le conseil consultatif déclarait nécessaires pour lutter efficacement contre cette maladie. Alors voilà où nous en sommes; nous avons encore bien du pain sur la planche.

Après le lancement du plan national, le Congrès américain a aussi adopté une loi importante en 2014, l'Alzheimer's Accountability Act. Cette loi exige que les National Institutes of Health établissent chaque année leur budget en répondant à la question suivante : que faudra-t-il à la communauté scientifique pour atteindre les objectifs du plan d'ici à 2025?

L'année dernière, le Dr Collins a présenté le premier budget de contournement, que nous appelons bypass budget, lors de la réunion que le conseil consultatif a tenue en été; il demandait une somme supplémentaire de 323 millions de dollars. Nous élaborons actuellement le budget à présenter au conseil plus tard cette année pour l'exercice de 2018. Je pense donc qu'en recherche, nous avons fait de grands progrès.

Du côté des soins et des services, nous avons présenté plusieurs recommandations; nous voulons une main-d'œuvre qualifiée qui donne des soins de grande qualité aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Nous recommandons que l'on présente des diagnostics précis le plus rapidement possible. Comme l'a dit M. Berry, il est crucial d'enregistrer le nombre de personnes qui reçoivent un diagnostic adéquat de cette maladie. Il faut fournir de l'éducation, des éclaircissements et du soutien aux personnes atteintes d'Alzheimer ou d'une démence connexe. Il faut établir des lignes directrices sur les soins dispensés aux personnes qui vivent avec cette maladie.

Nous avons essayé d'habiliter les États pour qu'ils se chargent de la prestation de ces soins et services, car ultimement ils en sont responsables, tout comme les provinces et les territoires au Canada.

Nous avons essayé d'éduquer et de sensibiliser le public et nous avons organisé des cours de formation et produit de la documentation d'appui pour divers groupes ethniques.

Nous nous concentrons sur les aidants naturels des familles pour qu'ils prennent soin de leur propre état de santé et de bien-être, puisqu'ils sont essentiels à la prestation des soins aux personnes qui ont l'Alzheimer.

Nous organisons maintenant un sommet sur la prestation des soins et des services, qui sera très similaire aux sommets de recherche et qui aura lieu en 2017.

Nous avons un autre programme aux États-Unis qui s'appelle Dementia Friendly America. Je me ferai un plaisir d'en parler en répondant à vos questions. Il a été conçu dans mon État du Minnesota. Je n'ai que très peu participé à son élaboration, alors je ne peux pas m'en féliciter. Mais ce mouvement d'Amérique respectueuse de la démence sensibilise et éduque les gens pour qu'ils respectent les fournisseurs de soins de santé, les services de police, la communauté des affaires et les congrégations religieuses et qu'ils apprennent à faire participer les personnes atteintes de l'Alzheimer à la vie de leur collectivité.

En résumé, je pense que le plan d'action national des États-Unis pour la maladie d'Alzheimer a considérablement sensibilisé les gens. Il a probablement influencé l'augmentation importante du financement accordé à la recherche.

Je crois qu'il a contribué à l'établissement de nouveaux partenariats publics-privés, ce qui est essentiel. Nous avons aussi apporté notre contribution sur la scène internationale par l'intermédiaire du World Dementia Council.

Bien que nous ne puissions pas guérir la maladie d'Alzheimer et les démences connexes, je crois que nous avons fait de grands progrès autant dans le domaine de la recherche qu'en améliorant la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes et celle de leurs aidants naturels.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à parler aux membres de votre comité aujourd'hui, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Je remercie nos deux témoins, et nous allons maintenant passer aux questions.

Chers collègues, comme nous avons un témoin par vidéoconférence, voudriez-vous indiquer à qui vos questions s'adressent principalement? Les deux témoins pourront y répondre, mais je vous prie de dire à qui vous posez la question avant tout.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup, bienvenue à tous les deux, et merci de participer à notre étude des mesures à prendre ici au Canada, surtout au niveau fédéral, pour établir une stratégie nationale sur la démence. Au cours de ces derniers mois, de nombreux témoins nous ont exhortés à le faire.

Une des questions auxquelles nous devons répondre est qui va diriger la mise en œuvre de ce plan, ou qui recommander au gouvernement pour assumer cette fonction. Nous savons que le gouvernement devra y fournir beaucoup de soutien, et qu'un grand nombre d'administrations gouvernementales y sont engagées. Docteur Petersen, vous avez parlé des IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada. Ils mènent quelques études, mais pas assez. On n'alloue pas assez de fonds à cela. Mais il faut que nous abordions d'une manière plus globale les problèmes de la démence, de l'Alzheimer, des aidants naturels et des personnes qui ont besoin de soins.

Nous essayons de déterminer le meilleur type de structure organisationnelle pour mener un programme de ce genre. Je me demande s'il vous serait possible — en fait, cette question s'adresse à vous deux, mais commençons par le Dr Peterson —, de nous décrire comment vous avez organisé la structure de mise en œuvre de ces programmes et quelle personne est la mieux placée pour les coordonner? Se situe-t-elle au sein du gouvernement, ou à l'extérieur? Docteur Peterson, je sais que vous avez votre conseil consultatif, mais qui s'occupe de la coordination quotidienne de votre stratégie nationale?

Dr Petersen : Merci, sénateur Eggleton.

C'est bien sûr une question importante et, bien entendu, la réponse dépend de l'organisation gouvernementale du pays. Aux États-Unis, le ministère de la Santé et des Services sociaux s'en occupe. C'est une organisation immense, parce que le ministère dirige aussi les National Institutes of Health et divers organismes de bienfaisance qui se préoccupent de cette situation. Donc, la première responsable est la secrétaire d'État à la santé et aux services sociaux qui, bien sûr, fait partie du Cabinet du président, donc elle reçoit beaucoup de conseils et de surveillance.

Elle délègue ensuite ces fonctions à divers organismes et agences dans son ministère. Nous traitons donc avec l'une des principales divisions du ministère pour administrer ce programme, et dans le domaine de la recherche, nous collaborons avec les National Institutes of Health, qui sont similaires à vos IRSC. Les IRSC financent aussi les programmes de recherche les plus importants pour la maladie d'Alzheimer, le CCNV, ou Consortium canadien en dégénérescence associée au vieillissement. Je suis fier de présider le comité consultatif scientifique de cette initiative.

Selon moi, vous avez là une bonne infrastructure. Je pense aussi — mais je ne m'y connais pas très bien — que la réglementation et les autorités provinciales sur les soins et les services sont probablement plus puissantes ici que celles des États et du gouvernement fédéral des États-Unis. Il faudrait organiser cela, mais à mon avis, l'homologue canadien de notre ministère serait responsable de gérer toute cette organisation.

Le président : Monsieur Berry, désirez-vous ajouter quelque chose à cela?

M. Berry : Oui, brièvement. Toutes nos structures ont été dirigées par le gouvernement de l'Écosse. Toutefois, nous les élaborons en consultant un éventail d'organismes aussi vaste que possible, dont l'organisme national de la démence, Alzheimer Scotland. L'organe directeur appuie aussi officiellement toutes les stratégies au nom des autorités locales, qui adoptent donc officiellement toutes nos initiatives sur la démence.

Dans le domaine de la santé, nous avons plus de latitude pour choisir les objectifs nationaux, mais nous devons les faire adopter par les autorités locales, obtenir leur appui officiel. C'est ainsi que nous faisons les choses.

Mais en effet, notre approche est dirigée par le gouvernement de l'Écosse en partenariat avec tous les autres organismes politiques qui y participent.

Le sénateur Eggleton : Je vais vous demander à tous les deux, en commençant par le Dr Peterson, quel rôle la Société Alzheimer joue dans chacun de vos pays? Des représentants de la Société Alzheimer du Canada sont venus nous parler, et nous avons consulté des représentants de la Société Alzheimer internationale par vidéoconférence. Quel rôle cette société joue-t-elle dans vos pays? Assume-t-elle un rôle de soutien, ou de coordination?

Le président : Docteur Petersen, vous désirez ajouter une observation à la réponse précédente?

Dr Petersen : Je peux l'intégrer à ma réponse à cette question. Merci beaucoup.

J'ai ainsi l'occasion de vous dire qu'aux États-Unis, ce plan est national, et non fédéral. Il lui faut donc établir des partenariats publics-privés. Les organismes non gouvernementaux sont absolument cruciaux. Ici, vous avez la Société Alzheimer. Je sais que Mimi Lowi-Young a comparu devant vous et qu'elle a été superbe. Je la connais bien, et je sais que la Société a beaucoup d'influence ici au Canada.

Aux États-Unis, nous avons aussi diverses ONG. L'Alzheimer's Association est bien entendu le plus important chez nous. Il est donc absolument crucial que les organismes non gouvernementaux collaborent avec le gouvernement fédéral. Un grand nombre des programmes que je vous ai décrits dans mon allocution proviennent de cette collaboration.

Je dois dire cependant que l'Alzheimer's Association aux États-Unis a repris nos recommandations non restreintes et s'est présentée au Capitole en disant : « Mesdames et Messieurs, vous avez adopté cette loi. Vous nous avez demandé d'accomplir ces choses. Nous l'avons fait. Maintenant, nous revenons devant vous avec des recommandations visant à augmenter le financement. » Je pense qu'il a été efficace d'aller au Capitole pour demander une augmentation adéquate du financement pour la maladie d'Alzheimer.

Je crois que ces organismes — et nous en avons toute une variété aux États-Unis — se sont unis pour obtenir une augmentation du financement.

M. Berry : Alzheimer Scotland est un organisme caritatif indépendant. Il a beaucoup d'influence dans le domaine des soins de la démence en Écosse. Nous avons bâti une relation solide avec cet organisme, ces dernières années. Il demeure bien sûr entièrement autonome; il dirige une section de promotion qui souligne les échecs de la prestation de soins aux personnes atteintes de démence. Mais il a aussi élaboré d'excellents modèles de prestation de services que l'on nous a demandé de mettre à l'essai en Écosse. En fait, le modèle de prestation de services post-diagnostiques que je vous ai décrit plus tôt est fondé sur un modèle que l'organisme Alzheimer Scotland avait élaboré après avoir consulté ses 7 000 membres situés partout au pays pour déterminer quels services post-diagnostiques de bonne qualité offrir à ces personnes.

Alzheimer Scotland a élaboré ce modèle, que nous avons ensuite mis à l'essai pour en déterminer les aspects économiques et la faisabilité au sein du système des soins de santé et des services sociaux.

Vous avez ici un exemple de leur habitude de s'éloigner pour élaborer une initiative en toute autonomie, puis de revenir nous voir pour nous demander si leur initiative mérite un essai. Nous l'avons fait dans ce cas, et nous avons adopté leur modèle de prestation de services. Cela illustre la collaboration que nous avons avec ces organismes qui demeurent, bien entendu, parfaitement indépendants.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai des questions à vous poser à tous les deux, et je m'adresserai d'abord à M. Berry.

Avez-vous une population vieillissante en Écosse? Je sais que certaines de nos provinces ont une vaste population vieillissante.

M. Berry : Oui. Je crois qu'il a été prouvé que l'Écosse et le reste de l'Europe font face à des difficultés similaires. Nous ne sommes pas seuls à faire face à cette difficulté et à établir des plans pour la résoudre. C'est en fait la base de l'initiative d'intégration des soins de santé et des services sociaux dont je vous ai parlé. Cette initiative repose principalement sur le fait que plus de gens vieillissent, vivent un plus grand nombre d'années avec divers troubles de santé, dont la démence dans bien des cas, mais aussi avec divers troubles physiques qui évoluent à des rythmes différents, plus il est important que nous affections autant de ressources que possible pour que ces gens puissent vieillir chez eux en toute sécurité et avec une bonne qualité de vie. Le Parlement et le gouvernement écossais se préoccupent profondément de cela depuis plusieurs années. Mais nous ne sommes pas seuls à faire face à ce défi.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Avez-vous établi une stratégie pour les régions rurales? Vous avez comme nous des régions rurales assez étendues. Avez-vous abordé ce problème en établissant des manières de diagnostiquer et de traiter ces patients? Dans nos provinces, il est difficile de fournir de bons services médicaux dans les régions rurales. Je me demandais si vous avez fait des progrès dans ce domaine.

M. Berry : En Écosse, les administrations locales établissent leurs propres stratégies. Nous n'appliquons pas de solutions universelles parce que nous reconnaissons que les conditions diffèrent dans le domaine du transport, de l'accès, et cetera. Nous fournissons et planifions beaucoup de services dans ces régions sous forme de télésoins et de télésanté. Évidemment, ces solutions ne remplacent pas les consultations personnelles, mais nous avons lancé une initiative dans plusieurs régions d'Écosse visant à innover l'accès, à résoudre l'éloignement des services et l'efficacité de la gestion de la capacité afin de résoudre ces problèmes. Toutefois, ces solutions sont conçues et appliquées par les administrations locales.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup. Avez-vous en Écosse une sorte de registre des pratiques exemplaires que les gens peuvent consulter et auxquelles ils peuvent accéder à partir de leur domicile?

M. Berry : Que voulez-vous dire, exactement?

La sénatrice Stewart Olsen : Je parle de programmes très efficaces. Au Canada, nous venons de commencer à organiser des cafés de la mémoire. Regroupez-vous en un seul endroit, comme sur un site web, toutes les stratégies qui donnent d'excellents résultats?

M. Berry : Si vous faites allusion à la gamme de ressources existantes au sein de la communauté dans son sens le plus large, Alzheimer Scotland joue certainement un rôle, parce que son site web contient la liste de tous les services communautaires que l'organisme a mis en place. Les centres de ressources pour les personnes atteintes de démence sont de plus en plus nombreux et s'ajoutent aux autres ressources offertes par Alzheimer Scotland.

Évidemment, les sites web des autorités publiques et des bureaux de santé contiennent aussi beaucoup d'information sur ces services, non seulement sur la démence comme telle, mais sur tous les autres services et toutes les autres formes de soutien.

Je dois préciser qu'en Écosse, nous avons ce qu'on appelle le soutien autodirigé des services sociaux. Ainsi, les gens ont une réelle possibilité de choisir une option selon laquelle, par exemple, ils utilisent leur propre budget de services sociaux et décident eux-mêmes de la façon de le dépenser. Il peut s'agir d'un petit voyage ou de quelques jours de vacances pour se donner un répit, ce sont des choses de ce genre. Ce n'est pas directement axé sur la démence, mais de nos jours il est beaucoup question de laisser les personnes avoir le contrôle des soins sociaux qu'ils reçoivent. Bien sûr, elles continuent d'avoir accès aux ressources partout en Écosse.

La sénatrice Stewart Olsen : Docteur Petersen, ma question est à peu près la même, j'aimerais que vous nous parliez un peu de la situation en région rurale aux États-Unis, si vous avez cette information.

Dr Petersen : Il s'agit en effet d'un problème important sur lequel nous nous penchons. Comme l'a mentionné M. Berry, nous tentons d'y faire face par la télémédecine, un moyen qui nous permet d'atteindre les populations rurales. Plusieurs programmes de recherche en ont fait leur sujet d'étude, en particulier dans le tiers nord des États-Unis, au Wisconsin et au Minnesota. Au Wisconsin, dans le cadre du programme WRAP pour la prévention de la maladie d'Alzheimer, des médecins en soins primaires sont chargés de diffuser les pratiques optimales dans les régions rurales. Le WRAP encadre également des programmes de recherche par l'entremise de l'Université du Wisconsin.

C'est un aspect de la situation. Il y a aussi les médias sociaux, car il faut essayer de tirer parti des médias sociaux pour rejoindre les populations rurales.

Ce programme dont je vous ai parlé, le « Dementia Friendly America », se veut un moyen de diffuser ces programmes dans de très petites localités. Tout le monde peut télécharger la trousse communautaire gratuite visant à aider les personnes à informer leur collectivité sur la démence et à intégrer certaines pratiques optimales pour prendre soin des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

C'est tout un défi, c'est vrai, mais malgré cela, des initiatives sont en cours.

La sénatrice Stewart Olsen : Votre réponse nous a été utile. Mon autre question est la suivante : je sais que vous avez réalisé énormément de travail de haut niveau, nous avons été informés de ces grandes réalisations. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce qui se passe sur le terrain? D'après le succès de vos campagnes de sensibilisation, constatez- vous une plus grande ouverture et une plus grande compréhension de la part du public?

Dr Petersen : Je le pense, mais les données sur l'accroissement de la conscientisation sont beaucoup moins tangibles qu'on peut l'imaginer. Les gens en parlent davantage, on reconnaît de plus en plus qu'il s'agit d'un problème courant, et si vous demandez, lors de n'importe quelle réunion : « Levez la main ceux qui connaissent quelqu'un qui... », vous découvrez qu'un grand nombre de personnes sont touchées par la maladie, que ce soit dans la famille, les amis, les voisins, et cetera. On constate donc une prise de conscience croissante.

En revanche, les États-Unis ont connu un mouvement pour l'intégration d'une évaluation de l'état de santé mentale à la visite annuelle chez le médecin de soins primaires. Aujourd'hui, pour les personnes qui dépendent des régimes publics d'assurance-maladie, soit Medicare pour les gens âgés de 65 ans et plus et Medicaid pour les gens à faible revenu, il existe ce que l'on appelle la visite annuelle pour le mieux-être, couverte par Medicare. Ces visites annuelles se font dans les centres de services Medicare et Medicaid, les CMS. Les médecins sont remboursés pour effectuer les examens prescrits — la vérification des signes vitaux et ainsi de suite.

En vertu de la loi sur la protection des malades et les soins abordables, le Patient Protection and Affordable Care Act, l'évaluation de l'état de santé comprend désormais une évaluation des fonctions cognitives. Ça, c'est la bonne nouvelle. La moins bonne, selon moi, c'est que l'adoption de cette mesure ne s'est pas faite de façon aussi ambitieuse que nous l'aurions souhaité, et c'est peut-être de notre faute. « La loi nous dicte de faire une évaluation des fonctions mentales ». D'accord. Mais comment je fais cela?

Les choses bougent à cet égard. La société américaine de gériatrie a pris l'engagement d'aider les médecins en soins primaires sur la façon de mener cette évaluation : quels outils peuvent aider à évaluer l'état de santé mentale et les fonctions cognitives? Et surtout, quelle est la prochaine étape? Qu'est-ce que je fais de la note obtenue par une personne à certains aspects de l'évaluation? C'est ce genre de travail qui reste à faire pour être en mesure d'aider ces personnes.

Mais en gros, oui, les gens sont de plus en plus sensibilisés.

La sénatrice Seidman : Merci à vous deux d'être venus aujourd'hui. Je suis subjuguée d'apprendre que vos deux pays se sont dotés depuis longtemps d'une stratégie nationale clairement définie et à laquelle est intégrée un processus d'évaluation périodique.

Une stratégie nationale est une idée phare qui peut paraître très vague. Vous avez tous deux décrit des structures. J'aimerais creuser ce sujet un peu plus, car, comme vous êtes deux à l'avoir souligné, une bonne compréhension de la responsabilisation, de la responsabilité et du mandat à accomplir est un des éléments fondamentaux d'une stratégie réussie.

Je commencerai par vous, docteur Petersen, si vous le voulez bien. Au début de votre exposé, vous vous êtes longuement attardé à décrire une structure que j'aimerais approfondir davantage, d'autant que vous dites qu'après une évaluation de l'efficacité de votre plan national, les agences fédérales ont commencé à en communiquer l'élaboration alors qu'auparavant, elles avaient toujours agi de manière relativement indépendante.

Nous avons tous entendu parler des silos et des problèmes que pose le travail en silo. Pour en revenir à votre structure, si c'est possible, j'aimerais en connaître davantage sur le Conseil consultatif. Qui en fait partie, comment est- il structuré et à qui doit-il rendre compte? Très concrètement, parlez-nous de la structure de ce conseil, s'il vous plaît.

Dr Petersen : Le Conseil consultatif est composé d'environ 26 membres dont la moitié est représentée par des fonctionnaires fédéraux et l'autre, par des représentants de divers organismes. Du côté fédéral, il comprend des représentants des agences concernées par la maladie d'Alzheimer, soit les NIH, les National Institutes of Health, l'ACL, l'American Consultants League, et le CDC, le Center for Disease Control — les agences fédérales impliquées dans la prestation de services, les soins et la recherche liés à la maladie d'Alzheimer.

Du côté des organismes non fédéraux, on compte six catégories d'intervenants, avec deux personnes dans chaque catégorie : fournisseurs de soins, soignants, agences d'État, chercheurs et organismes de santé bénévoles.

Le conseil est divisé en trois sous-comités : recherche, soins cliniques et soutien et services à long terme. Ces trois sous-comités se réunissent en personne quatre fois l'an dans le cadre de la réunion plénière du Conseil consultatif, qui se tient à Washington. Lors des réunions trimestrielles pendant lesquelles les trois comités examinent ensemble les problèmes propres à leurs domaines respectifs, ils ont constaté que les chevauchements entre les trois sous-comités étaient passablement nombreux. Nous avons donc tenté de répartir les questions et les préoccupations.

Ainsi, avant la tenue de la réunion plénière, chaque sous-comité se rencontre pour étudier les questions qui le préoccupent. En ce qui a trait, par exemple, aux recommandations dont j'ai parlé tout à l'heure, celles qui sont transmises au secrétaire du département de la Santé et des Services sociaux, le HHS des États-Unis, et au Congrès sont formulées par chaque sous-comité en fonction de ses domaines d'intérêt particuliers. Elles font l'objet de discussions à l'interne avant d'être présentées au comité consultatif complet, habituellement à la réunion d'avril. Le comité étudie les recommandations et dit : « Oui, ça va. Que diriez-vous de fignoler un peu celle-ci? Faites ceci. Faites cela. » En fin de compte, le comité convient d'une seule série de recommandations, qui est une compilation des recommandations des trois sous-comités. Nous les votons puis nous les transmettons.

Voilà donc comment fonctionne le conseil. Il est principalement responsable devant le secrétaire, puisque c'est lui — ou plutôt son personnel — qui, chaque année, élabore le plan et devant le Congrès. Comme je l'ai dit, nous transmettons les recommandations directement au Congrès qui doit les étudier, d'une façon ou d'une autre.

Nous sommes bien sûr conscients des différents publics qui utilisent ces recommandations.

La sénatrice Stewart Olsen : Et comment cela se traduit-il dans la pratique?

Dr Petersen : Les recommandations sont reçues par le secrétaire. Le secrétaire et son personnel révisent le plan annuellement en fonction des événements qui se sont déroulés sur la scène fédérale depuis l'année précédente et des éléments que le conseil recommande d'établir dans le plan, en supposant que ces éléments puissent y être intégrés. Certains des éléments dont j'ai parlé tout à l'heure ne peuvent pas faire partie du plan, parce que nous « avons besoin de 2 milliards de dollars pour la recherche ». Eh bien, le gouvernement fédéral ne peut tout simplement pas faire cela, c'est la loi. Mais nous pouvons toujours le demander.

Le personnel du bureau du secrétaire prend les recommandations qui peuvent être intégrées au plan, ainsi que les données provenant des agences fédérales, et rassemble le tout en vue d'élaborer le plan annuel. Le plan est révisé chaque année. Celui de 2016 sera déposé dans un mois environ.

Je vous ai décrit le processus selon lequel les recommandations sont intégrées au plan.

La sénatrice Seidman : On peut donc parler d'un partenariat public-privé visant à assurer l'intégration de tous ces éléments dans les régions et les communautés, c'est bien cela?

Dr Petersen : Oui. Pour le moment, le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de ses agences, fait ce qu'il peut, mais les organismes non gouvernementaux incorporent eux aussi certaines de ces recommandations dans leur prochain plan stratégique. Avec un peu de chance, ils font consensus et mettent en œuvre ces recommandations.

Je suis clinicien, mais je suis aussi chercheur. Je connais donc bien le volet recherche, c'est-à-dire les études que les organismes non gouvernementaux compilent en vue des sommets qu'ils tiennent avec le gouvernement concernant la mise en place ces recommandations.

C'est vraiment un travail d'équipe, pas seulement un plan fédéral.

La sénatrice Seidman : Au bout du compte, comment faites-vous pour évaluer si la mise en œuvre des recommandations est un succès?

Dr Petersen : C'est une bonne question. Chaque année, le bureau du secrétaire... Il faut dire que nous avons détaillé les recommandations de telle sorte qu'elles figurent en annexe au plan. Ainsi, le bureau du secrétaire dira, par exemple : « voici l'agence responsable du point 3.C.2 et voici les mesures que nous recommandons de prendre à cet égard ». L'année suivante, nous revenons à la charge et demandons « cette mesure a-t-elle été prise? » Dans le cas contraire, il importe de le savoir, puisqu'il s'agit d'une chose que nous voulons faire, mais pour laquelle nous n'avons pas le financement adéquat. Dans ce cas, c'est à nous qu'il revient d'aller voir le Congrès pour obtenir le financement en lui disant que telle agence aurait voulu mettre en place cette activité, mais qu'elle n'a pas pu le faire, faute de fonds.

Il y a aussi une carte de pointage. Encore une fois, pour le volet recherche, j'ai mentionné la tenue de sommets qui se soldent par des recommandations qui à leur tour mènent à l'établissement de jalons. Les jalons sont très clairement définis; ils nous permettent de déterminer si les étapes cibles ont été atteintes au cours de l'année écoulée.

La sénatrice Seidman : Selon vous, est-ce au gouvernement qu'il incombe, ultimement, de s'assurer que le plan a été bien intégré et adéquatement exécuté?

Dr Petersen : Je le pense. Je pense sincèrement que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer. Le gouvernement est la plus grande instance de surveillance en même temps que le bailleur de fonds d'un grand nombre de ces activités. La présence du gouvernement est vraiment nécessaire.

La sénatrice Seidman : Vous nous avez beaucoup éclairés. Je vous remercie. J'ai une question pour M. Berry. Est-ce que je peux la poser maintenant?

Le président : Allez-y, je vous inscrirai ensuite pour le deuxième tour.

La sénatrice Seidman : Monsieur Berry, j'aimerais poser une question sur la structure de gouvernance, mais j'aimerais la formuler de façon plus circonscrite. Dans votre exposé, vous avez évoqué les défis à relever. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de votre expérience, parce que vous avez une bonne longueur d'avance sur nous en matière de stratégie nationale.

Au nombre de ces défis, vous parlez de la nécessité de miser davantage sur la nouvelle infrastructure de conseils mixtes intégrés visant à soutenir la planification locale et la restructuration des services offerts aux personnes atteintes de démence. Vous abordez ensuite la question des demandes prioritaires et vous réitérez l'importance de collaborer avec les conseils mixtes intégrés au soutien de la planification locale et de la restructuration des services offerts aux personnes atteintes de démence.

J'aimerais, si possible, connaître en quoi consistent exactement ces conseils mixtes intégrés qui, d'après ce que vous dites, ont une si grande importance pour la gestion de ce programme.

M. Berry : Les conseils mixtes intégrés sont des structures reconnues par la loi et entrées en vigueur au mois d'avril. Comme je l'ai dit plus tôt, ils ont la responsabilité stratégique de regrouper les ressources en soins de santé et d'élaborer un plan local sur le traitement des personnes atteintes de démence. Il s'agit, en fait, d'une délégation, à l'échelle locale, des pouvoirs de planification des services aux personnes atteintes de démence.

Nous avons une structure de gouvernance nationale. Nous avons des éléments concrets tels les services post- diagnostiques dont j'ai parlé précédemment. Maintenant que ces nouveaux organismes constitués en vertu d'une loi sont en place, nous devons établir avec eux des relations en vue d'organiser une coopération optimale et d'établir l'équilibre entre les éléments médicaux et sociaux afférents aux soins.

Une grande partie du travail consiste à recueillir des données nationales sur la démence, à les présenter aux comités mixtes intégrés pour leur montrer les avantages à investir dans les services aux personnes atteintes de démence. C'est une façon pour nous de faire valoir, données à l'appui, que leur région peut obtenir de meilleurs résultats.

La sénatrice Seidman : Au Canada, bien sûr, une des complications vient du fait que les soins de santé sont de compétence provinciale et que chaque province établit sa propre structure de prestation des soins de santé.

Vous dites que le gouvernement national doit mettre en place des moyens de liaison avec ces infrastructures de conseils mixtes intégrés à l'échelle locale. Comment pensez-vous faire cela?

M. Berry : Sur ce point, il est probable que nous en sommes encore à l'étape de la planification, car les comités mixtes ont énormément de priorités autres que la démence à traiter. Ce que nous devons faire — et c'est ce que nous sommes en train de faire — c'est établir des relations appropriées avec tous les conseils mixtes intégrés de façon à pouvoir poursuivre ensemble notre programme sur la démence compte tenu de notre compréhension de la nature prioritaire de la question et des résultats que nous observons grâce aux données que nous recueillons à l'échelle nationale. Il s'agira ensuite de traduire tout cela en discussions et en débats avec les conseils mixtes intégrés. Mais vous avez raison, ils disposent du pouvoir local nécessaire pour planifier les services aux personnes atteintes de démence. Cette relation s'annonce très fructueuse.

La sénatrice Seidman : Très bien, merci. Je vous reposerai une question lors de la deuxième série.

La sénatrice Frum : Monsieur Berry, je vais commencer par vous. Ma collègue a fait un excellent travail pour dresser un tableau général de la situation, et je voudrais explorer davantage deux aspects du régime écossais. Tout d'abord, vous avez indiqué qu'en 2013, le gouvernement écossais avait mis en œuvre le premier service national post- diagnostique dans le monde pour les personnes récemment diagnostiquées, régime en fonction duquel les patients bénéficient d'un minimum de services personnalisés dans l'année.

Savez-vous combien coûte ce régime et quel est son prix de revient par personne, par cas?

M. Berry : Vous parlez de la planification des services?

La sénatrice Frum : Oui. Savez-vous à peu près combien il vous en coûte par cas?

M. Berry : En 2012, nous avons établi des modèles de coût dans quatre régions du pays. Nous avons donc élaboré un modèle permettant de tirer des conclusions à partir de certaines variables, comme le nombre de cas et le régime de travail du personnel. Nous n'avons pas précisé qui, parmi le personnel, devait offrir ce service. Pour cette raison, la planification et la détermination du coût de ce service varient donc d'un lieu à l'autre. Par exemple, à partir du modèle que nous avons élaboré, on peut se retrouver avec un professionnel de la santé à un certain niveau de rémunération ou avec une infirmière communautaire spécialisée en psychiatrie, également à un niveau de rémunération donné. Il suffit ensuite de faire le rapprochement avec le nombre de cas traités pour obtenir le coût global. Nous n'avons pas précisé combien il en coûterait et nous n'avons même pas de données quantifiées à l'échelon national, cependant, nous fournissons les outils permettant de faire ce genre de calcul à l'échelle locale.

La sénatrice Frum : Mais quand on parle d'un service sur toute une année, on entend forcément un certain nombre de visites hebdomadaires ou encore journalières ou mensuelles?

M. Berry : La démarche n'est pas envisagée sous l'angle du nombre de visites. Ce sont vraiment les patients et leur famille qui déterminent leurs besoins. Par exemple, tout dépend du genre de rapport qui s'instaure entre le travailleur de liaison et le patient atteint de démence ainsi que sa famille. Le décompte des douze mois commence à partir du premier véritable contact établi entre la famille et le travailleur de liaison. La famille peut ne pas vouloir participer du tout à ce stade et ne pas souhaiter collaborer avec le travailleur de liaison, auquel cas celui-ci se retire pour éventuellement reprendre contact avec les intéressés deux ou trois mois plus tard. Il s'agit en fait d'un processus holistique qui vise à instaurer une relation dans la durée afin que le travailleur de liaison puisse intervenir sur différents plans, selon la résilience de la famille, par exemple, soit sa résistance émotionnelle, son sentiment par rapport à la maladie et la quantité de renseignements qu'elle est prête à recevoir et le moment auquel elle est prête à le faire. Tout est donc question de relation à bâtir avec la famille et c'est un modèle axé sur le patient et non un modèle clinique.

La sénatrice Frum : Donc, il s'agit davantage d'un filet de sécurité dont on peut se servir à la demande, plutôt que d'un soutien véritablement interactif.

M. Berry : C'est les deux à la fois. Tout dépend de la personne et de la façon dont elle perçoit sa maladie.

Le service peut être très interactif. Les gens peuvent demander un haut degré d'intervention, s'ils veulent, par exemple, en apprendre le plus possible sur leur maladie et sur l'effet qu'elle aura sur eux ou s'ils veulent une aide à cause de la dépression ou du traumatisme pouvant suivre le diagnostic, ou encore s'ils ne peuvent faire appel à l'appui de pairs ou de la collectivité. Certains peuvent ne rien vouloir de tout cela. Il y a les gens qui disent, non, je ne suis pas prêt pour ce genre de services. Le niveau d'interactivité avec le travailleur de liaison est déterminé par la personne.

La sénatrice Frum : Il y a une chose qui nous préoccupe actuellement, au Canada, et à propos de laquelle je veux vous poser une petite question. Nous sommes en train de travailler sur une loi destinée à encadrer la fin de vie et ce que vous venez de dire a retenu mon attention parce que vous avez parlé de l'insistance placée sur les soins palliatifs offerts aux patients atteints de démence et sur les soins en fin de vie. Pouvez-vous rapidement nous expliquer en quoi cela est différent des soins en fin de vie devant être offerts à des patients qui ne souffrent pas de démence?

M. Berry : On peut dire, je suppose, qu'à un moment donné, un grand nombre de personnes arrivant en fin de vie ou se retrouvant en soins palliatifs souffrent de démence — mais on ne connaît pas la proportion qu'elles représentent, du moins je ne le sais pas — et présenteront bien souvent un problème d'Alzheimer. Cela pourra, par exemple, ressortir dans des comportements de stress et de détresse. Il est donc possible qu'une partie des travailleurs spécialisés en soins palliatifs ne possèdent actuellement pas les connaissances suffisantes pour gérer ce genre de stress et cette détresse. Par ailleurs, le personnel soignant des unités de pointe spécialisées dans le traitement de la démence n'ont peut-être pas suffisamment de connaissances dans les soins à prodiguer en fin de vie.

Tout dépend de la façon dont on s'attaque à ces deux questions pour veiller à recourir à une proportion de professionnels possédant une connaissance experte en traitement de la démence. Voilà le genre de situation dans laquelle nous nous trouvons.

La sénatrice Frum : C'est parfait, merci.

Docteur Petersen, rapidement, j'ai été interpelée par les calculs contenus dans votre exposé et emballée de voir que vous envisagez la possibilité de prévenir et de traiter l'Alzheimer d'ici 2025, à condition qu'on vous donne 2 milliards de dollars par an. Deux mille vingt-cinq, c'est dans neuf ans d'ici. Êtes-vous en train de dire qu'avec 18 milliards de dollars, nous pourrions trouver un remède? Est-ce que ça fonctionne comme ça?

Dr Petersen : En fait, sénatrice, cette question de savoir où tracer la ligne a soulevé une certaine polémique. Certains la fixaient à 2020, parce que les personnes qui sont déjà atteintes de cette maladie, qui en subissent déjà les conséquences, ne peuvent attendre jusqu'à 2025. Nous avions donc affaire à une opposition entre les perceptions et la réalité. Le milieu scientifique allait-il parvenir à réaliser de grandes avancées ou à accomplir un exploit pour changer la réalité de cette maladie dans l'avenir?

L'année 2025 a été arrêtée de façon arbitraire. D'un autre côté, nous avons estimé nécessaire de fixer un objectif pour ne pas risquer que la recherche s'éternise.

Quant aux 2 milliards de dollars, le montant s'explique également. La recherche sur le cancer fait l'objet d'un investissement annuel justifié de quelque 5 à 6 milliards de dollars. Les maladies cardiaques reçoivent 2 à 3 milliards de dollars. La recherche sur le VIH/sida est financée à hauteur de 3 milliards de dollars. Pour savoir où nous situer, nous avons rassemblé un groupe de scientifiques à qui nous avons demandé de nous dire, même si cela pouvait leur paraître difficile, combien il leur faudrait, dans leur domaine de recherche, pour parvenir à des résultats importants susceptibles d'avoir une incidence marquée sur cette maladie afin de la prévenir ou de la soigner d'ici 2025. C'est à l'occasion de cette activité que le groupe s'est entendu sur la somme approximative de 2 milliards de dollars par an.

Soit dit en passant, dans les recommandations de cette année que nous sommes en train d'adresser au secrétaire et au Congrès, nous avons modifié ce montant de 2 milliards de dollars à la suite de cet exercice dont je viens de vous parler, avec le milieu scientifique, qui remonte à 2010. Ainsi, si nous obtenons 2 milliards de dollars d'ici 2020, nous aurons suivi une recommandation vieille de 10 ans.

Désormais, nous aimerions que les montants alloués évoluent dans le temps et nous avons souhaité qu'ils représentent 1 p. 100 du budget des services de santé, ce qui est aussi arbitraire. Ce seuil permettra de déterminer les fonds qui seront annuellement alloués aux États-Unis au titre des soins des personnes atteintes de démence. Cette année, le budget total représente 230 à 240 milliards de dollars et 1 p. 100 équivaudrait donc à 2,3 ou 2,4 milliards de dollars. Le montant demeure raisonnable, outre qu'une augmentation est désormais envisageable dans le temps.

Tout cela obéit à des aspirations scientifiques et nous espérons que, moyennant un tel investissement, nous pourrons réaliser de véritables progrès pour soigner cette maladie.

La sénatrice Frum : Le Canada applique-t-il une formule semblable?

Dr Petersen : En fait, nous avons volé cette idée au premier ministre Cameron. Il avait suggéré 1 p. 100 lors du sommet du G8 qu'il présidait en 2013. Le dernier sommet qu'il a accueilli, en décembre 2013, portait sur la démence. À partir de là, certains de mes collègues du Collège universitaire de Londres et moi-même avons rédigé un article pour The Lancet afin d'indiquer qu'il serait souhaitable que les pays investissent 1 p. 100 de leur budget de la santé en recherche, précisant que cela nous semblait être un bon investissement. Et c'est vrai, parce que tôt ou tard, ça rapportera beaucoup.

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur Berry, je veux m'assurer de vous avoir bien compris. Vous avez dit que l'Écosse a adopté une loi portant sur les aidants naturels. C'est vrai?

M. Berry : C'est vrai.

La sénatrice Nancy Ruth : Pouvez-vous me dire ce qu'elle comporte, pourquoi vous l'avez adoptée et ce qu'elle a donné?

M. Berry : Bien sûr. Elle a été adoptée par le Parlement en février. Elle impose aux autorités locales la responsabilité d'apporter un appui aux aidants naturels en fonction des besoins identifiés au regard de critères locaux d'admissibilité des travailleurs sociaux.

Chaque autorité locale doit mettre sur pied son propre service d'information et de conseils à l'intention des aidants naturels visés dans cette loi. Il s'agit donc d'une exigence légale. L'autorité sanitaire doit fournir des renseignements et des conseils sur différents aspects, comme la planification des urgences et les soins futurs, les services de défense des droits à l'échelon local et, plus important encore, la façon de maximiser le revenu de l'aidant naturel et de lui faire connaître ses droits.

La maximisation des revenus est importante parce que, dans bien des cas, les gens ne savent pas exactement ce à quoi ils ont droit en matière de soutien. La loi exige notamment que chaque aidant bénéficie d'un appui financier qui soit le plus important possible en fonction de ses droits.

La sénatrice Nancy Ruth : Ce cadre s'adresse-t-il aux paliers inférieurs de gouvernement, aux districts, aux municipalités?

M. Berry : Ce n'est pas un cadre, c'est désormais une loi qui signifie beaucoup plus qu'un simple cadre. Des initiatives ont déjà été lancées. La loi habilite les organismes statutaires locaux à offrir ce genre de services.

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais que vous m'en disiez tous deux davantage au sujet du soutien offert aux aidants.

Docteur, vous avez dit que tout ce qui concerne la formation en soins et en prestation de services tient compte de la dimension culturelle. Dites-m'en davantage parce qu'il se trouve que c'est une question importante, ici au Canada, où nous avons une population très variée et où il faut veiller à ce que les aidants prennent soin d'eux-mêmes.

Dr Petersen : Merci beaucoup, sénatrice.

La diversité est un aspect important de notre stratégie globale. L'un des membres de notre conseil représente un organisme qui traite avec ce qu'on appelle l'Indian country. Un grand nombre de programmes ont été traduits pour tenir compte de la dimension culturelle du Indian country ainsi que de la population autochtone aux États-Unis. Par ailleurs, nous savons que le taux de démence dans les populations afro-américaine, hispanique et latine est supérieur, y compris pour ce qui est de l'Alzheimer. Nous avons donc veillé à ce que toute la documentation de formation à l'intention des aidants tienne compte des réalités culturelles de ces différentes populations.

M. Berry : S'agissant de ce qui est fait pour les aidants, je dois préciser que le post-diagnostic dont j'ai parlé tout à l'heure, est tout aussi bénéfique aux aidants qu'aux personnes souffrant de démence et qui vivent en compagnie d'aidants.

Avant que nous n'offrions ce service, les familles qui devaient s'occuper d'un être cher à la suite, par exemple, d'un diagnostic de démence, se retrouvaient le plus souvent sans appui particulier pendant très longtemps. Comme les critères d'admissibilité sont maintenant très stricts, sur le plan de l'aide sociale, ce n'est plus comme avant et les gens ne sont plus laissés à eux-mêmes sans accès à des services proactifs destinés à les aider à comprendre la maladie et à avoir une meilleure qualité de vie. Désormais, les particuliers et les familles peuvent s'ajuster à la maladie de l'être cher, que ce soit un conjoint ou une conjointe ou un partenaire de vie, bref, dans n'importe quelle modalité familiale.

Pour en revenir à la relation avec le travailleur de liaison, les aidants et les familles se retrouvent aussi au centre de ce dispositif. Tout le monde en bénéficie et les êtres chers peuvent être accompagnés d'une personne tout au long du cursus de soins, après la première année, et nous nous attendons d'ailleurs à ce que les aidants participent véritablement à l'élaboration du plan de soins en compagnie de leur être cher.

Là encore, on constate que le travailleur de liaison est essentiel. Tout est déclenché à partir de l'établissement d'un diagnostic de démence, tandis qu'avant, ce genre de service n'était pas offert du tout et on pouvait ne pas être aidé avant deux ou trois ans après l'établissement du diagnostic.

Dr Petersen : Je vais dire autre chose à la sénatrice Nancy Ruth au sujet de la situation des aidants dans le régime national. C'est très important, parce que, pour toute personne souffrant de démence ou d'Alzheimer, on estime qu'il y a deux ou trois aidants, si bien qu'il ne faut pas prendre à la légère ce facteur aggravant sur le plan social.

Certes, la santé et le bien-être de l'aidant naturel sont importants, puisque la personne doit elle-même prodiguer des soins à un malade. Beaucoup d'études ont mis en lumière le fait que le stress que vivent les aidants naturels peut avoir un effet néfaste sur leur propre santé. La question des soins de relève, par exemple, est très importante. Une grande partie de notre plan concerne aussi les aidants.

La sénatrice Nancy Ruth : Nous nous intéressons essentiellement aux personnes âgées atteintes de démence. Y a-t-il des différences quand les soins s'adressent à de jeunes personnes souffrant de cette maladie?

Dr Petersen : Vous avez raison, avec ce genre de maladies, le facteur risque le plus important est celui de l'âge, mais une partie importante de la population est atteinte de la maladie plus tôt dans la vie, et les incidences que cela occasionne sont beaucoup plus importantes à cause de la perte de revenu que subissent ces personnes.

Les Américains se sont dotés de lois qui concernent les patients les plus jeunes afin qu'ils puissent bénéficier de soins et d'un soutien tout de suite, plutôt que d'avoir à attendre.

Avant, il y avait une période d'attente incontournable pour être admissible aux services et au soutien offerts. Tel n'est plus le cas si les patients sont diagnostiqués plus tôt, quand ils sont encore actifs, c'est-à-dire à 50 ou 55 ans, et ils sont alors admissibles à un soutien offert par le CMS.

Nous nous intéressons beaucoup à cet aspect. D'autres formes de démence, comme la démence frontotemporale, est beaucoup plus prévalente chez les jeunes que chez les personnes âgées. Cela contribue à l'amplification du phénomène, parce que ces personnes ont encore une famille dont elles doivent s'occuper, comme des enfants en âge scolaire. Nous nous sommes donc appliqués à reconnaître cet aspect de la maladie chez les jeunes.

M. Berry : En Écosse, on recense environ 2 500 personnes de moins de 65 ans qui souffrent de démence. Peu importe son âge, une fois diagnostiqué tout Écossais a droit au même service à ce titre. Les gens bénéficient donc du service post-diagnostique axé sur le patient, service essentiellement destiné à la personne souffrant de démence. Nous tenons compte du facteur âge et de la situation de chacun, comme le fait de devoir s'occuper d'une famille, d'avoir un emploi et ainsi de suite.

Le service est en fait modulé en fonction de ce qui est jugé important pour la famille et pour la personne présentant un diagnostic précoce, encore une fois pour comprendre la maladie et pour adopter des mesures différentes ou contourner les difficultés qui empêchent le patient de demeurer au contact de ses collègues de travail, de ses amis et de sa famille. Il est question d'accompagner ces patients pour qu'ils puissent continuer de travailler moyennant des ajustements raisonnables. Ils ont accès à un soutien psychologique et à un soutien pour gérer leur anxiété, leur dépression ou leur traumatisme associé à la maladie contractée à un jeune âge, parce que celle-ci risque de les isoler et de les rendre confus.

Je le répète, l'une des principales caractéristiques du service offert en Écosse, c'est qu'il est accessible à tous, sans égard à l'âge, et qu'il peut s'adapter aux besoins de chacun.

La sénatrice Nancy Ruth : Est-ce qu'une aide financière supplémentaire est accordée aux personnes, disons, de 50 ans? Bien souvent, ces personnes sont encore sur le marché du travail, leur conjoint ou conjointe travaille également, elles n'ont peut-être pas fini de payer leur hypothèque et ainsi de suite; elles risquent donc de subir une perte de revenus et leur pension n'augmente pas. Ces personnes ont-elles accès à une aide financière?

M. Berry : En Écosse, nous offrons des services de soins infirmiers et personnels gratuits aux personnes de plus de 65 ans, ce qui ne se fait nulle part ailleurs au Royaume-Uni. Quant aux personnes de moins de 65 ans, elles auront droit à des services qui s'adressent aux personnes en âge de travailler. Ces services ne sont pas spécialement axés sur la démence, mais ils sont adaptés aux handicaps déclarés par les personnes. Oui, ces personnes reçoivent donc un soutien dans le cadre de ce programme de soins infirmiers et personnels gratuits.

Je crois savoir que ce programme peut être élargi en fonction des ressources financières des personnes plutôt que de leur maladie. En Écosse, des prestations d'invalidité seraient également versées.

Dr Petersen : C'est pareil aux États-Unis. Si une personne en âge de travailler développe une forme de démence, elle sera admissible à des programmes d'invalidité à court terme et éventuellement à long terme. Cette personne doit remplir beaucoup de documents et, oui, elle est considérée en invalidité permanente en raison de sa maladie neurologique.

Par la suite, comme je le disais, il existe des centres de services Medicare et Medicaid; le Medicare est généralement pour les personnes de 65 ans et plus, mais le Medicaid s'adresse aux personnes plus jeunes atteintes d'une invalidité. De plus, la loi a été modifiée afin que ces personnes deviennent immédiatement admissibles à ce programme.

La sénatrice Merchant : Veuillez m'excuser pour mon retard. Je préside un autre comité à l'autre bout de la Colline.

J'aimerais poser quelques questions au docteur Petersen, notamment au sujet du financement et de la manière dont vous en êtes arrivés à ce modèle de financement. Vous nous avez expliqué comment vous étiez arrivés à obtenir 2 milliards, par exemple pour le cancer.

Quand vous avez demandé 2 milliards de dollars et n'avez obtenu qu'à peine 1 milliard, avez-vous décidé, en tant que comité, à quoi servirait cet argent?

Dr Petersen : Ce n'est pas le comité qui prend ce genre de décisions. Nous nous en remettons aux Instituts nationaux de la santé. Le comité a donc recommandé la tenue de sommets. Les sommets ont ensuite déterminé où devaient aller les fonds sur le terrain, où étaient les besoins, quels progrès devaient être accomplis, quels étaient les défis à relever. Par la suite, nous demandons aux Instituts nationaux de la santé de faire une évaluation scientifique sur le terrain et de nous dire où l'argent doit aller.

Ce système s'est révélé plutôt efficace dans la mesure où il a favorisé une augmentation du financement; les Instituts nationaux de la santé avaient anticipé cet effet et ils ont annoncé que, si jamais notre financement était augmenté, certains secteurs recevraient des subventions supplémentaires. La communauté scientifique a répondu en octroyant une multitude de subventions dans ces domaines, et bingo, les fonds sont devenus disponibles. L'argent peut ensuite être utilisé judicieusement.

Le comité ne tient pas compte des nuances scientifiques. En fait, nous confions cette responsabilité aux personnes compétentes.

La sénatrice Merchant : Monsieur Berry, comment répartissez-vous vos fonds? Je sais que la population écossaise est différence, sans toutefois en connaître la composition exacte. J'aimerais savoir comment, à la grandeur de la planète, les autorités arrivent à déterminer le montant qu'elles jugent nécessaire pour faire des progrès dans le traitement de cette maladie.

M. Berry : Oui. Je n'ai pas bien compris si vous voulez que je parle du financement de la recherche ou du financement des services.

La sénatrice Merchant : De la recherche et des services. De votre budget total et de sa répartition.

M. Berry : En ce qui concerne les services, nous n'avons pas de budget dédié à la démence. Le NHS obtient un montant global. Il y a un montant global pour les services sociaux, mais il y a aussi maintenant un budget supplémentaire d'environ 250 millions par année pour les services sociaux. En Écosse, les dépenses totales engagées au titre de la démence sont évaluées à quelque 2 milliards par année. Si nous ajoutions à cela le coût des aidants familiaux non rémunérés, nous arriverions probablement à un chiffre deux fois plus élevé. Ce montant exclut probablement le coût des soins hospitaliers non prévus, par exemple, lorsqu'une personne atteinte de démence est hospitalisée à la suite d'une chute, d'une blessure ou d'une brûlure.

Les dépenses couvertes par la loi s'élèvent probablement à environ 2 milliards. Nous ne connaissons toutefois pas les montants dépensés localement pour la démence. Si une personne obtient une aide ou une mesure d'adaptation à domicile pour cause de démence, cette dépense ne sera peut-être pas inscrite dans la colonne des dépenses pour la démence. Nous ne savons pas si toutes les dépenses liées à la démence sont comptabilisées. Quoi qu'il en soit, nous ne les quantifions pas à l'échelle nationale.

En ce qui concerne la recherche, nous consacrons environ 480 000 par année pour la recherche clinique, par le biais du bureau de notre expert scientifique en chef. Ces dernières années, un nombre croissant d'établissements universitaires écossais ont manifesté leur intérêt à l'égard de la recherche clinique et sociale dans le domaine de la démence, en particulier dans des projets de recherche appliquée liés à la démence.

Nous considérons la recherche dans ce domaine comme une initiative internationale dans laquelle l'Écosse joue un rôle et nous cherchons à en optimiser les retombées dans notre pays. Dans le cadre de cette initiative, nous travaillons en collaboration avec le Royaume-Uni, les pays de l'Union européenne et du reste du monde dans le contexte de l'après-G7. Le gouvernement écossais consacre environ 486 000 par année à la recherche clinique, mais nous recevons évidemment des fonds d'autres sources, notamment de certaines régions du Royaume-Uni et d'Écosse, puisque des institutions écossaises attirent des investissements qui dépassent les fonds octroyés par le gouvernement.

La sénatrice Merchant : J'ai une autre question. Dans le cadre de notre étude, nous avons appris que cette maladie touche un grand nombre de femmes. Cela a peut-être quelque chose à voir avec leur espérance de vie, puisque cette maladie est liée à l'âge — du moins dans une large mesure — et que l'espérance de vie n'est pas la même pour les hommes que pour les femmes.

Savez-vous si des projets de recherche visent expressément à déterminer si le taux disproportionné de femmes atteintes de démence a quelque chose à voir avec leur espérance de vie plus longue?

Dr Petersen : Votre question est très pertinente et fait actuellement l'objet de nombreux travaux au sein de la communauté des chercheurs.

Comme vous le laissez entendre, sénatrice Merchant, l'âge est le principal facteur de risque pour la maladie d'Alzheimer; comme les femmes vivent plus longtemps, elles sont plus nombreuses que les hommes à en être atteintes. Mais ce n'est pas tout. On pense également qu'il y a une prédisposition biologique. Il n'est toutefois pas clair s'il s'agit d'une prédisposition hormonale ou génétique.

L'un des principaux facteurs de l'apparition tardive de la maladie d'Alzheimer est un défaut du gène appelé apolipoprotéine E. Il s'agit d'une protéine normale présente chez tous les humains et qui achemine les lipides dans le corps; elle se présente sous trois formes : E2, E3 et E4. Il se trouve que la E4 est surreprésentée dans le corps des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Elle agit différemment chez les femmes que chez les hommes. En fait, une femme peut avoir des prédispositions génétiques par rapport à certains facteurs de risque de la maladie d'Alzheimer qui sont différentes chez les hommes.

En fait, aux Instituts nationaux de la santé, lorsque nous présentons nos demandes de subvention, nous devons préciser quelles seront les incidences de notre étude sur les hommes et les femmes. À la Clinique Mayo, nous effectuons beaucoup de travaux sur les biomarqueurs, des études par imagerie qui cherchent à isoler les protéines du cerveau liées à la maladie d'Alzheimer. Ces protéines sont-elles différentes chez les hommes et chez les femmes? C'est ce que nous devons investiguer. Nous apprenons beaucoup de choses sur les différences entre les sexes et cette recherche est très importante.

Cela veut peut-être également dire que les femmes répondent au traitement différemment que les hommes, et vice versa. D'où l'importance de cette question.

La sénatrice Raine : Je vous remercie beaucoup. Il est impressionnant de voir tous les liens qui existent entre la recherche et les services de soins prodigués sur le terrain. Mon intervention portera essentiellement sur les soins. Comme je suis l'aidante naturelle de ma sœur atteinte de la maladie d'Alzheimer, j'ai une assez bonne idée de la façon dont les choses fonctionnent au Canada.

Ma première question est pour vous, monsieur Berry. Dans votre exposé, vous avez utilisé l'acronyme COSLA. Pouvez-vous me dire de quel organisme il s'agit?

M. Berry : Cela signifie Convention of Scottish Local Authorities. C'est l'organisation qui encadre toutes les autorités locales.

La sénatrice Raine : Ces autorités sont diverses, n'est-ce pas? Hôpitaux, établissements d'enseignement et ainsi de suite?

M. Berry : Non. Les autorités locales sont littéralement les 32 que j'ai déjà mentionnées et qui relèvent des conseils de santé. Nous avons 14 conseils de santé qui couvrent évidemment des secteurs plus grands et certains de ces conseils de santé ont deux autorités locales; d'autres en ont trois et certains une seule. En gros, les autorités locales sont la branche sociale des services dispensés en vertu de la loi.

La sénatrice Raine : Vous avez dit que ces autorités appliquaient un modèle de soins à domicile établi selon un horaire rigide et une liste de tâches à effectuer et que vous souhaitiez aller vers un modèle axé sur les résultats. Il s'agit là d'un gros défi, parce que vous avez déjà établi votre budget en fonction d'un modèle, et maintenant vous voulez changer.

M. Berry : Oui, c'est un gros défi. Ce n'est pas tout à fait mon domaine, mais je pense que nous en sommes aux étapes préliminaires des discussions en ce moment. Vous avez raison de dire que nous avons un système où tout est quantifiable en matière de services de soins à domicile, par exemple, des visites de 15 minutes et d'autres d'une demi- heure. Nous avons l'intention d'abandonner cette approche afin que les visites puissent être effectuées en fonction des besoins du bénéficiaire et des résultats souhaités. Je ne sais pas encore comment nous arriverons à résoudre cette équation, mais nous avons vraiment l'intention de délaisser cette structure au cours du prochain mandat du gouvernement.

La sénatrice Raine : Si l'on considère les besoins en matière de soins au Canada, nous savons tous que le plus longtemps les patients restent à la maison, mieux ils s'en tirent, même s'ils doivent parfois obtenir de l'aide supplémentaire de l'extérieur. Un soignant peut parfois venir administrer la médication, mais les patients ont également besoin d'une aide domestique. La situation devient ingérable parce que les soins requis ne se limitent pas à une seule petite composante. Le défi est de trouver quelqu'un qui peut faire des tâches multiples en quelque sorte. Vous penchez-vous sur ce problème?

M. Berry : C'est intéressant que vous disiez cela. En fait, au NHS, nous avons fait une étude de cas à cet égard. Un employé devait se rendre au domicile d'un patient pour dresser la liste de toutes les tâches à accomplir au cours d'une visite, mais une fois sur place, la situation est plus complexe. L'employé doit parfois rester plus longtemps afin de composer avec la situation réelle au lieu de s'en tenir aux tâches inscrites sur sa feuille de temps.

Nous essayons de mettre en place un système au sein duquel les travailleurs auront plus de latitude quant aux tâches qu'ils doivent accomplir au domicile du patient et qu'ils ne soient pas aussi contraints qu'ils le sont en ce moment par un horaire et une structure de tâches. Comme je l'ai dit, nous en sommes encore à l'étape initiale des discussions sur la manière d'y arriver. Je pense que nous sommes obligés de délaisser tout ce qui est quantifiable et mesurable en ce qui a trait au temps que les travailleurs passent à dispenser les services.

La sénatrice Raine : Dans notre pays, nous avons une pénurie de personnel de soins dans tous les secteurs, dans les foyers de soins infirmiers et aussi dans les services de soins à domicile. Ce problème se pose-t-il également en Écosse?

Je constate que vous envisagez de verser un salaire de subsistance. Pouvez-vous décrire l'impact des salaires versés sur la qualité du travail et la disponibilité du personnel affecté aux soins?

M. Berry : À l'instar des autres pays, l'Écosse est diversifiée, il y a des régions où les gens vivent dans l'opulence, d'autres où les habitants sont moins nantis et des régions qui offrent une diversité d'emplois et de revenus. Certaines régions du pays sont aux prises avec des problèmes et ont de la difficulté à attirer des travailleurs dans le secteur des soins parce qu'elles ne peuvent rivaliser avec d'autres régions offrant des possibilités d'emploi plus intéressantes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons établi un salaire de subsistance, pour attirer des gens dans le secteur des soins.

Ce n'est pas le seul moyen. Un autre élément est le sentiment de satisfaction et de fierté que les gens tirent de leur emploi. Et l'élément le plus ambitieux, c'est de faire en sorte que cet emploi ouvre la voie à une carrière. Ça, c'est plus difficile. Par exemple, nous essayons d'être encore plus souples dans notre manière de mélanger les préposés aux soins et le personnel infirmier afin de leur permettre à chacun d'acquérir une gamme d'expériences professionnelles.

Je pense que c'est un gros défi. L'une des mesures les plus audacieuses du gouvernement écossais est la mise en place d'un salaire de subsistance, en partie pour répondre au problème des régions qui sont incapables d'attirer un nombre suffisant de préposés dans le secteur des soins.

La sénatrice Raine : En m'occupant de ma sœur, qui réside dans un excellent foyer de soins, j'ai remarqué que les tâches sont en grande partie accomplies entre 15 et 17 heures, au moment où il faut déplacer les résidents de leur chambre à la salle à manger; c'est également l'occasion pour eux de sortir prendre un peu d'air frais et de se changer les idées.

Avez-vous des programmes engageant la participation de jeunes des écoles secondaires des alentours qui viendraient, moyennant rémunération, donner un coup de main pendant quelques heures? Par la même occasion, ils apprendraient à connaître ces personnes et se rendraient compte qu'elles peuvent être merveilleuses, ce qu'ils ignorent peut-être.

L'une des tragédies du système, c'est que ces personnes, au demeurant très intéressantes, sont confinées dans des résidences, des foyers, loin des yeux et du cœur. Existe-t-il des programmes du genre en Écosse?

M. Berry : Il se passe beaucoup de choses à la grandeur de l'Écosse pour favoriser l'instauration des collectivités accueillantes pour les personnes atteintes de démence ou pour renforcer leur capacité de s'occuper de ces personnes, notamment le travail intergénérationnel, comme vous venez de le mentionner. À titre d'exemple, dans certaines régions d'Écosse, les citoyens peuvent acquérir une formation à titre d'amis de personnes atteintes de démence et suivre des séances de formation sur la démence ou se joindre à une collectivité accueillante pour les personnes atteintes de démence. Des organismes de bienfaisance peuvent également obtenir des fonds destinés à ce genre de travail auprès des personnes atteintes de démence.

Il existe certes d'autres exemples en Écosse, et nous pourrions les répertorier, où il se fait beaucoup de travail dans le but de mieux sensibiliser la population à ces résidences de soins.

Ces solutions ne sont certes pas comparables aux soins à domicile; c'est un fragile équilibre à atteindre, mais je crois vraiment qu'il y a une foule d'initiatives en place pour innover et implanter des foyers et des résidences de soins à proximité des collectivités locales, pour les rendre visibles et pour essayer de supprimer une bonne partie des obstacles autour de la démence.

La sénatrice Raine : Est-ce qu'il existe un système doté d'un budget pour rémunérer au salaire minimum des étudiants du secondaire? La plupart des étudiants ont besoin d'argent de poche. Bon nombre d'écoles doivent obtenir des crédits d'impôt pour les volontaires. Dans plusieurs régions, le travail bénévole au sein de la collectivité fait partie des programmes scolaires. La pénurie de personnel risque de diminuer la qualité des soins.

M. Berry : Le bénévolat est une chose. Comme je l'ai mentionné, les exemples de personnes qui font du bénévolat sont nombreux.

En ce qui concerne l'aide rémunérée, je reviens encore une fois au salaire de subsistance. Beaucoup de gens auront envie de venir travailler dans les établissements de soins pour une certaine période de leur vie, mais le salaire de subsistance attirera, nous l'espérons, un plus grand nombre à envisager cette solution, ne serait-ce que pour une courte période de temps. L'une des principales mesures que nous préconiserons est la hausse du salaire du personnel des résidences de soins.

Je sais que cela ne répond pas à votre question, mais je ne pense pas qu'il existe une initiative consistant à rémunérer les étudiants du secondaire pour faire ce travail, mais il y a d'autres initiatives similaires.

La sénatrice Raine : Il faudrait probablement parler de rétribution dans ce cas. Je vous remercie beaucoup pour vos intéressants commentaires.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, je voudrais préciser deux ou trois points.

Dans cette dernière ronde de questions, tous les pays ont manifesté leur grande préoccupation au sujet de la vulnérabilité des personnes de cette catégorie. Avant d'autoriser le libre accès d'étudiants ou d'autres bénévoles à ces personnes, il faudrait réfléchir sérieusement à la manière de gérer cela et à toutes les responsabilités que cette initiative implique. Ce genre de bénévolat n'est pas aussi simple que d'autres activités plus courantes de bénévolat.

Docteur Petersen, j'aimerais m'assurer que nous vous avons bien compris lorsque vous avez parlé du budget et de l'influence que vous avez exercée sur les Instituts nationaux de la santé dans le cadre de vos plans et recommandations. Ce budget est-il consacré à la démence? Ou est-ce un montant inclus dans le budget général des dépenses en santé des INS, mais qui doit être consacré directement aux études sur la démence?

Dr Petersen : C'est exactement cela. Il provient directement du Congrès. C'est un montant qui doit être consacré à la recherche sur la maladie d'Alzheimer et d'autres démences associées.

Le président : J'ai une autre question, mais je vais attendre que mes collègues aient terminé la deuxième ronde de questions. Je vais leur demander de cibler leurs questions.

Le sénateur Eggleton : Au cours de nos audiences des derniers mois, nous avons entendu parler de divers programmes et idées de soutien social très prometteurs. Vous en avez mentionné un, docteur Petersen, celui des collectivités soucieuses des personnes atteintes de démence. L'un des programmes dont on nous a parlé est le Blue Umbrella, dans le cadre duquel des magasins installent une petite ombrelle bleue bien en évidence pour indiquer qu'il s'agit d'un endroit accueillant pour les personnes aux prises avec des problèmes liés à la démence.

Nous avons également entendu parler des cafés de la mémoire dont le but est de faciliter l'intégration et qui sont d'une grande utilité, surtout lorsqu'il y a de la musique, ainsi que de villages regroupant des personnes atteintes de démence, un concept qui vient des Pays-Bas.

Je me demande si vous avez déjà songé à ce genre d'initiatives. Pouvez-vous nous dire brièvement comment ces projets fonctionnent et si vous avez des idées à ajouter à la liste d'idées prometteuses et de programmes de soutien social que nous avons dressée.

Dr Petersen : Oui, je vous remercie, sénateur Eggleton.

En fait, j'ai visité l'un de ces villages néerlandais, en ma qualité de membre du World Dementia Council, et j'ai trouvé ce concept fort intéressant. Il semble connaître beaucoup de succès et avoir contribué à l'amélioration de la qualité de vie des résidents et des membres de leur famille qui viennent leur rendre visite.

Je ne suis pas certain que ce genre d'entreprise soit abordable à plus grande échelle, mais elle est certes efficace.

Là encore, sans vouloir insister sur le projet Dementia Friendly America, je pense qu'il favorise l'intégration des personnes touchées par cette maladie au sein des collectivités; l'initiative Blue Umbrella est donc très efficace pour les maintenir actives plus longtemps au sein de la collectivité. C'est bon pour les familles et c'est aussi bon pour l'économie.

Dans notre collectivité, nous sommes l'une des collectivités du Minnesota qui s'est attaquée à ce problème. On a donné des exemples de personnes dont la capacité cognitive ou la mémoire sont légèrement diminuées; ces personnes ne sont pas encore tout à fait inaptes, elles sortent pour se rendre à leur club de santé. Nous pensons que l'exercice est bon pour tout le monde, mais lorsque ces personnes deviennent un peu confuses sur leur appareil d'exercice, le personnel du club est là pour les accompagner : « Bonjour, comment allez-vous aujourd'hui? Ça fait plaisir de vous voir. N'oubliez pas d'appuyer sur ce bouton et de faire ceci ou cela », dans un environnement non menaçant.

Je pense que ce genre d'activités ainsi que les initiatives comme les cafés de la mémoire améliorent grandement la qualité de vie de ces personnes.

Vous avez glissé un mot sur les programmes de musicothérapie. Aux États-Unis, ces programmes sont de plus en plus populaires, surtout vers la fin de la journée, vers 16 ou 17 heures, quand les gens deviennent confus ou tombent dans un état crépusculaire, comme nous disons. Malheureusement, pour le meilleur ou pour le pire, certaines personnes sont médicamentées et deviennent parfois agitées et confuses pour diverses raisons. La musicothérapie est une technique très utile dans ces situations. Les gens écoutent leur musique préférée sur leur iPod avec des écouteurs; cette technique a un effet calmant, elle éveille leurs souvenirs et diminue le recours à la médication.

Ces stratégies peuvent et devraient être étendues et utilisées dans ce genre de situations.

M. Berry : J'aimerais dire un mot sur la musicothérapie, l'expliquer brièvement et donner quelques exemples d'une gamme d'options et services que nous pourrions mettre en place à l'avenir.

À mon avis, il y a deux choses. Certaines familles, lorsqu'elles voient planer le spectre de la démence ou dont un membre vient de recevoir un diagnostic, manquent d'information et de connaissance sur la maladie. Certaines ont manifestement des ressources et sont disposées à y consacrer beaucoup d'énergie. L'une des choses que la famille pourrait faire, par exemple, serait de remplir un iPod des morceaux de musique préférés de l'être cher.

Par ailleurs, lorsque la démence s'aggrave et que la personne devient admissible à des services de soutien social, les familles peuvent décider d'offrir à la personne touchée un service plus poussé de musicothérapie. J'utilise cet exemple précis qui deviendra probablement plus courant à l'avenir — une combinaison de mesures de soutien adaptées aux besoins particuliers des personnes atteintes de démence au sein de la collectivité, mais également des soutiens plus personnalisés et la présence de proches qui s'impliquent davantage pour alléger les symptômes de la démence chez un proche. Nous devons les aider à le faire.

La sénatrice Seidman : Ma question s'adresse à vous deux. Elle concerne trois éléments potentiels d'une stratégie nationale. Je vais vous nommer ces trois éléments et vous me direz si, à votre avis, ils présentent un avantage et comment ils pourraient être intégrés à une stratégie nationale. Le premier est un système de données, le deuxième est l'éducation et la formation et le troisième, le transfert des connaissances, le partage de pratiques exemplaires.

À vous d'abord, docteur Petersen.

Dr Petersen : Ce sont trois excellents éléments.

Absolument. Il est important d'avoir un système de données, comme l'a mentionné M. Berry, contenant une liste des diagnostics possibles et le nombre de personnes touchées par ce trouble, qui varie en fonction de la prévalence du trouble au sein de votre communauté. Les données sont absolument essentielles, non seulement pour saisir l'ampleur du problème, mais pour faire le suivi de sa progression. Si l'un de nos objectifs est de traiter un plus grand nombre de personnes ayant reçu un diagnostic, mais aussi de dépister celles qui devraient l'être mais ne le sont pas encore, vous devez avoir des chiffres et des données de base.

Je crois que le système de données, que vous l'appeliez registre ou autrement, est tout à fait essentiel.

L'éducation et la formation sont également indispensables, et M. Berry et moi-même avons insisté, dans nos pays respectifs, sur l'importance de sensibiliser les gens à cela.

Prenons l'exemple des coûts pour le système de santé. Chaque fois qu'une personne devient confuse au sujet de ceci ou de cela, faut-il l'emmener à l'urgence de l'hôpital ou est-ce que cette confusion fait simplement partie de la maladie? La personne a peut-être pris un médicament ou fait un peu de fièvre et c'est ce qui augmente son état de confusion.

Éduquer les patients et les familles afin qu'ils sachent ce qui fait partie du trouble et ce qui n'est pas important. Si un patient a une douleur à la poitrine, il devra probablement être hospitalisé parce que cette douleur n'est pas associée à la maladie d'Alzheimer en général. Le patient peut souffrir d'un autre problème. Je pense donc à toutes ces choses que les familles et les soignants devraient savoir.

Concernant le transfert des connaissances dans le cadre de notre plan national, nous avons un budget pour la recherche, non pas pour cantonner les chercheurs dans leurs tours d'ivoire, mais pour qu'ils établissent un lien entre la recherche et les professionnels de la santé sur le terrain. S'il existe un facteur de risque pour cette maladie, comment faire passer l'information aux praticiens pour les aider à réduire ce facteur de risque, parce que ces éléments contribueront à la maladie. Il est essentiel que les résultats de la recherche soient transférables.

M. Berry : Oui. Les données sont absolument essentielles dans notre approche de traitement de la démence. Nous avons des données nationales et offrons un soutien post-diagnostique. Nous avons également un cadre national de traitement de la démence. Nous avons une infrastructure qui sous-tend ce cadre ainsi que la capacité d'analyse et de collecte de données. C'est primordial.

Permettez-moi d'ajouter que les témoignages anecdotiques ont toujours un impact de nature plus émotionnelle, mais je pense que les deux éléments sont indissociables. Nous devons vraiment avoir une approche très rigoureuse en matière de données, mais aussi des preuves pour convaincre les gens, par exemple les responsables et les gestionnaires des services, d'investir dans certaines mesures relatives à la démence. Cela représente une large part de nos activités.

J'ai déjà dit que nous avions une stratégie nationale sur la main-d'œuvre et un financement national. C'est vraiment le fil conducteur de notre politique en matière de démence. Cela nous semble essentiel.

Quant au transfert des connaissances, je pense que cela touche notre travail au niveau du personnel; par exemple, nous avons créé un réseau de connaissances sur la démence. Il s'agit d'un site web protégé par un mot de passe, au moyen duquel les services et le personnel diffusent les pratiques exemplaires. Il reste encore des mesures à prendre pour le rendre encore plus accessible.

Nous serons probablement moins normatifs en ce qui concerne le partage de pratiques exemplaires étant donné que toutes les pratiques sont locales et ne s'appliquent pas nécessairement à tout le monde. Elles ne sont pas toujours transférables. Mais les deux premiers éléments sont primordiaux pour nous.

La sénatrice Raine : J'aimerais vous demander à tous les deux ce que vous utilisez comme outil de diagnostic précoce. Est-il posé par le médecin de famille au moment de l'examen annuel du patient? Au Canada, nous avons le MOCA, ou le Montreal Cognitive Assessment, mais j'aimerais savoir ce que vous utilisez comme premier outil de dépistage.

Dr Petersen : C'est une bonne question et elle est aussi très importante. Ce test de dépistage, le MOCA, est très populaire sur le terrain. C'est un excellent outil de dépistage. Il existe également des variantes d'autres tests sur le terrain. Tous ces tests doivent être validés, mais nous pouvons déjà proposer aux médecins de soins primaires certains outils pour les aider à déterminer si un patient présente une certaine incapacité cognitive.

J'ai déjà parlé de l'AGS, l'American Geriatrics Society. Cet organisme a recensé les ouvrages dans le domaine afin d'informer les médecins de soins primaires sur les outils gratuits à leur disposition, dont certains sont protégés par un droit d'auteur. Ces outils ont été utilisés gratuitement dans des études à grande échelle pour déceler si les sujets avaient un certain degré d'incapacité cognitive.

Il n'y a pas d'outils normalisés, pas de directives précises. Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je pense, par contre, que ces outils peuvent aider les médecins de soins primaires à poser un diagnostic précoce.

Le diagnostic et le dépistage précoces sont absolument nécessaires.

M. Berry : En général, nous parlons plutôt de « diagnostic opportun » plutôt que « diagnostic précoce », il y a une différence subtile entre ces deux notions; nous souhaitons que le trouble soit diagnostiqué plus tôt que tard, mais nous ne parlons pas nécessairement de « diagnostic précoce ». Nous parlons de diagnostic « opportun ».

Concernant les outils de diagnostic utilisés au Royaume-Uni et en Écosse, les cliniciens s'appuient sur des directives cliniques en place depuis déjà longtemps lorsqu'ils utilisent les outils de diagnostic. En outre, les médecins de famille dirigent des patients vers des spécialistes pour obtenir un diagnostic, surtout aux premiers stades de la maladie lorsqu'elle est plus difficile à diagnostiquer.

Comme l'a dit le docteur Petersen, il n'existe probablement pas d'outils normalisés, mais les lignes directrices cliniques indiquent quels outils utiliser dans telle ou telle situation et quelle est la possibilité de diagnostiquer la démence.

Le président : Merci.

Permettez-moi de revenir sur une question qui a été abordée sous différents angles au cours de la discussion aujourd'hui. Je veux parler des personnes du groupe des 40 à 60 ans qui sont sur le marché du travail. Nous avons entendu des témoignages de personnes de cette catégorie d'âge qui sont atteints de démence; nous les avons reçues ici et avons eu le privilège de les entendre décrire le choc qu'elles ont ressenti en apprenant leur diagnostic et ce qui se passe immédiatement après. Je vais vous en faire un résumé avant de vous poser une question précise à ce sujet.

En général, ce qui conduit au diagnostic, ce n'est pas simplement un oubli banal. Ces personnes mènent une vie active et tout à coup, elles se rendent compte qu'elles ne peuvent plus poursuivre leur carrière. Nous avons entendu les témoignages d'infirmières des services d'urgence, de gens d'affaires à la tête d'entreprises de création et de personnes travaillant dans le secteur des services et bien d'autres.

Dès l'annonce du diagnostic, leur vie change soudainement. L'une des premières choses qu'elles nous ont signalées, c'est qu'il n'y a pas de groupe de soutien. Il s'agit là d'une lacune immédiatement identifiable. Comme nous l'a fait remarquer un témoin : « Si j'avais fait un AVC, j'aurais immédiatement eu accès à un programme de soutien, mais pour la démence, il n'y en a pas. »

Deuxièmement, leur situation financière change quasi instantanément. Vous avez tous parlé d'invalidité à long terme et d'autres conséquences. Cela se produit ici au Canada, mais l'invalidité à long terme n'est pas compatible avec le mode de vie.

Je peux vous donner l'exemple d'une infirmière venue témoigner devant nous. Même si elle ne pouvait plus continuer à s'occuper des patients de la même manière qu'avant, elle se sentait néanmoins capable de continuer à effectuer de nombreuses tâches en milieu hospitalier. Cela lui aurait donné le sentiment d'être utile et l'occasion de jouer un rôle au sein de la société. Or, elle s'est heurtée à deux obstacles : l'invalidité à long terme, qui ne lui permet pas de s'engager dans aucune forme d'activité, et les règles syndicales relatives aux postes dans des domaines d'activité hautement organisés.

Ma première question est la suivante : savez-vous s'il existe des programmes novateurs quelque part dans le monde dans le cadre desquels les employeurs et les collectivités peuvent aider ces personnes à faire cette transition et à jouer un rôle dans la société afin de pouvoir suppléer au revenu d'invalidité auquel elles sont admissibles?

Dr Petersen : C'est une question très importante à laquelle je n'ai malheureusement pas de réponse magique. C'est un dilemme pour les personnes encore jeunes aux prises avec ces difficultés.

Aux États-Unis, il existe des groupes de soutien aux personnes qui en sont aux premiers stades de la maladie, par le biais de la Société Alzheimer, notamment pour les jeunes. Ces groupes ne sont pas très répandus, mais ils existent.

Un point important, ce sont les conditions de travail, l'adaptation aux handicaps des personnes. À ma connaissance, il n'existe pas de programmes officiels. La Clinique Mayo est une grosse organisation et nous essayons de nous adapter à la situation des membres de notre personnel — il peut s'agir de médecins — qui développent ces problèmes.

Il y a un autre aspect, sénateur Ogilvie — je pensais que vous alliez mentionner la question de la responsabilité. Si vous avez, au sein de votre entreprise, une personne avec une déficience cognitive qui doit prendre des décisions majeures, est-ce que votre entreprise en assume la responsabilité? La réponse est oui. Nos amis avocats ne tarderont pas à faire le pied de grue à la porte.

Je pense néanmoins qu'il est toutefois possible de faire des adaptations dans le milieu de travail. Je pense notamment à l'un de mes jeunes patients qui, après avoir développé un trouble de démence, a été affecté à des activités de recherche — loin de moi l'idée de diminuer la valeur de cette sphère d'activité. Il traite des données provenant de diverses sources au moyen de l'application propre à cet environnement de recherche; c'est une tâche adaptée à sa situation et qui lui permet de demeurer actif. Il est supervisé; il y a des gens qui vérifient son travail et il comprend cela. La véracité des données en dépend.

Il s'agit toutefois d'un cas exceptionnel et je crois qu'il n'existe pas beaucoup de programmes du genre. Je suis curieux de voir si M. Berry a des exemples en Écosse.

M. Berry : Au Royaume-Uni, nous avons l'Equality Act. Comme vous le devinez, les employeurs sont tenus de faire des ajustements raisonnables pour les personnes atteintes de démence ou de toute autre maladie mentale. Vous avez parlé, par exemple, des gens qui reçoivent un soutien et qui sont amenés à jouer un rôle différent au sein de leur organisation. Cela arrive à l'occasion, dans la mesure du possible.

En ce qui concerne l'autre point — pour revenir au soutien apporté aux personnes de moins de 65 ans —, de nombreux programmes de soutien par des pairs sont offerts par le biais de groupes nationaux de soutien aux personnes atteintes d'une forme de démence. Les jeunes préfèrent cependant rechercher un soutien auprès de personnes du même groupe d'âge qu'eux. Je pense qu'il y a moins de barrières entre les jeunes et les aînés atteints de démence. Ces personnes partagent un grand nombre de références culturelles, ce qui facilite les choses.

Vous me demandez si je connais un programme de maintien en emploi des personnes atteintes de démence. Hélas, non, je n'en connais pas. Il serait intéressant de savoir s'il en existe dans le monde, mais je ne connais aucun programme de ce genre pour les personnes atteintes de démence.

Le président : Je me demande également comment nous pouvons intégrer une personne atteinte de démence aux programmes de soutien déjà en place au sein des collectivités? Voici un exemple concret, celui d'une personne atteinte d'un début de démence qui était capable d'aller et venir au sein de sa collectivité, mais elle ne pouvait pas conduire elle- même sa voiture pour se rendre à ses activités. Cette municipalité s'était dotée d'un « handibus », un programme de transport pour personnes handicapées — nous pensons normalement à des handicaps physiques — entre leur domicile et un autre endroit de la ville.

Lorsque cette personne a voulu faire appel à ce service pour se rendre à ses rendez-vous médicaux, on lui a simplement demandé : « Quelle distance pouvez-vous parcourir à pied? Pouvez-vous marcher sur une cinquantaine de mètres? » Elle a répondu par l'affirmative et on lui a dit qu'elle n'était donc pas admissible. Autrement dit, elle n'était pas physiquement handicapée.

Savez-vous s'il existe d'autres programmes pour personnes handicapées qui reconnaissent l'admissibilité des personnes atteintes de démence? Je vais commencer par vous, docteur Petersen.

Dr Petersen : Dans une certaine mesure, oui. J'ai indiqué tout à l'heure que je remplis parfois ces formulaires d'incapacité. C'est toujours pareil : il faut indiquer si l'incapacité de la personne est de niveau 1, 2 ou 3, même pour obtenir un permis de stationnement pour personnes handicapées. C'est toujours le handicap physique qui compte. En général, à la fin de ces formulaires, du moins des plus récents, il y a une brève section sur la capacité mentale. C'est là que j'écris : « Maladie d'Alzheimer; incapable de faire ceci ou cela. Aucune amélioration possible. État permanent. »

Pour revenir à votre argument sur le transport pour personnes handicapées, je peux comprendre pourquoi ces personnes ne sont pas autorisées à utiliser ce genre de transport.

Le problème, c'est qu'il y a une différence entre le handicap physique et le handicap mental — entre être capable de monter dans l'autobus et de marcher une cinquantaine de mètres et être capable de se débrouiller une fois rendu à destination. Le handicap est tout à fait différent.

Vous avez raison de dire que tous nos services doivent réfléchir à la signification de ces deux formes de handicap et trouver des moyens de les accommoder, tout en garantissant aux personnes un environnement sécuritaire une fois rendues sur place.

Le président : Exact. Je vais revenir sur cette question.

M. Berry : Je vais faire écho aux commentaires du Dr Petersen. En théorie, selon la loi, les personnes handicapées, que ce soit physiquement ou mentalement, sont égales, mais j'imagine, comme l'illustre le cas que vous venez de décrire, que les personnes atteintes d'un trouble lié à la démence ne sont pas aussi bien comprises au sein de la société. Comme le dit le Dr Petersen, il faut évaluer quelles sont les implications découlant du transport d'une personne d'un point A au point B.

La communauté qui œuvre auprès des personnes atteintes de démence a un défi à relever, mais d'autres travailleurs de nombreux domaines doivent également acquérir une meilleure connaissance de la démence, parce que la prévalence de cette maladie ira en augmentant. Inévitablement, les gens interprètent mal leurs obligations en vertu de l'Equality Act au Royaume-Uni, mais nous espérons corriger la situation dans la mesure du possible.

Le président : Merci. Dans ce cas précis, docteur Petersen, je reconnais les responsabilités; il s'agit toutefois d'un minibus. S'il est utilisé pour transporter une personne de sa résidence à son rendez-vous et à la ramener immédiatement chez elle, il serait possible de faire certains ajustements, je suppose.

Monsieur Berry, j'aimerais vous poser une dernière question. Un récent rapport nous apprend que le gouvernement du Royaume-Uni a décidé de créer 10 nouvelles villes dans une zone particulière de son territoire. Le gouvernement a l'intention de s'inspirer d'une bonne partie des leçons que nous avons apprises au cours des 30 ou 40 dernières années concernant un certain nombre d'enjeux sociaux, notamment l'obésité, afin de réduire le milieu obésogène — cela fait partie de l'objectif —, mais également de rendre ces villes plus accueillantes pour les personnes atteintes de démence.

Est-ce que ce projet est à l'étape du débat au Royaume-Uni? On a annoncé ce projet, mais je me demande s'il y a eu des progrès.

M. Berry : En raison du transfert des soins de santé et les services sociaux, je suppose que l'Écosse lancera ses propres initiatives dans ce domaine. En fait, c'est déjà commencé. Si vous regardez ce qui se passe en Écosse, vous constaterez de nombreuses autorités locales au sein des villes se sont autodéclarées, par exemple, aptes à agir en matière de démence. Elles se sont dotées d'un plan et d'un programme à cet égard. C'est le genre de mesures que l'Écosse lancera à son propre compte.

Le président : Je vous remercie. Avant de remercier nos témoins, je voudrais rappeler aux membres du comité que jeudi prochain, nous donnerons des directives à nos analystes en vue de la rédaction du rapport. Prenez donc le temps de réfléchir afin d'être bien préparés à donner des conseils judicieux sur cet enjeu.

J'aimerais maintenant vous remercier, docteur Petersen et monsieur Berry, d'avoir bien voulu nous présenter votre point de vue aujourd'hui et répondre à nos questions. Il est très instructif et profitable de mettre en perspective certains points abordés au cours de notre étude. Je veux également remercier mes collègues pour leurs questions qui nous ont permis, comme toujours, de recueillir des renseignements qui éclaireront notre étude.

(Le comité s'ajourne.)

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