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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 19 - Témoignages du 30 mars 2017


OTTAWA, le jeudi 30 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour étudier le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

Le président : Chers collègues, nous avons le quorum, et je déclare la séance ouverte.

[Français]

Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie de la Nouvelle-Écosse, président du comité. J'invite mes collègues à se présenter, en commençant avec la sénatrice à ma droite.

[Français]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : Merci, chers collègues. Avant de céder la parole à nos distingués témoins d'aujourd'hui, je veux obtenir votre consentement pour que nous terminions la séance 10 ou 15 minutes plus tôt. Nous avons un crédit budgétaire pour lequel nous avons besoin de l'approbation du comité.

Êtes-vous d'accord, chers collègues?

Des voix : D'accord.

Le président : Je tiens à vous rappeler que nous poursuivons notre étude sur le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé. Je vais présenter nos deux témoins qui sont avec nous par vidéoconférence, puis je vais inviter l'un d'eux à faire sa déclaration liminaire en premier.

Nous recevons, par vidéoconférence, de la Belgique, M. Reinhard Lafrenz, secrétaire général, euRobotics, chez SPARC, Partnership for Robotics in Europe.

Par vidéoconférence, nous recevons, de l'Arizona — et nous lui sommes reconnaissants d'avoir déployé des efforts pour se rendre à un endroit où nous pouvions communiquer avec lui aujourd'hui —, de l'Association for the Advancement of Artificial Intelligence, M. Subbarao Kambhampati, professeur à l'Arizona State University.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux à notre réunion. J'invite M. Lafrenz à faire son exposé en premier.

Reinhard Lafrenz, secrétaire général, euRobotics, SPARC, Partnership for Robotics in Europe : Merci beaucoup de l'invitation. C'est un honneur pour moi de témoigner devant le comité aujourd'hui.

Permettez-moi brièvement de vous décrire notre structure. Nous sommes euRobotics, une association, et nous avons un partenariat public-privé du nom de SPARC. Notre association fait partie de ce partenariat, où je suis le secrétaire général et le dirigeant de KUKA, l'un des grands fabricants de technologies robotiques. L'autre partie au partenariat public-privé est l'Union européenne représentée par la Commission européenne.

Dans le cadre de ce partenariat, nous voulons favoriser des changements en matière d'innovation dans les recherches fondamentales à très faible NMT. Je ne sais pas si vous connaissez le concept du niveau de maturité technologique, ou NMT. Le tout commence essentiellement par des idées mises sur une feuille de papier et se termine par la commercialisation de produits pour atteindre la mission ou l'objectif de cette chaîne de valeur. Nous essayons de regrouper tous les intervenants dans une seule grande communauté.

L'idée est de créer des groupes thématiques qui sont menés par notre association. Ils se penchent sur diverses dimensions. Les dimensions peuvent être techniques telles que la perception, la manipulation de la vision en 3D et l'application qui mettent l'accent sur les soins de santé et la réadaptation.

Ces groupes thématiques nous donnent leur avis. Nous sollicitons normalement leurs points de vue dans le cadre d'un processus de discussion dirigée. Nous fournissons nos recommandations pour le programme de travail et le processus de financement pour la Commission européenne, qui décide de la répartition du financement en tenant grandement compte de notre opinion. C'est la structure de base.

Pour la chaîne de valeur, nous essayons d'intégrer les entreprises en démarrage et les entreprises dérivées des universités comme étant une source précieuse de produits futurs qui pourraient être sur le marché d'ici 5 à 15 ans, selon la complexité des nouveaux systèmes et la quantité de matériel utilisé. S'il s'agit d'un logiciel, c'est beaucoup plus rapide que lorsqu'il s'agit de technologie mécatronique ou même du matériel. Nous avons un délai de 5, 10 ou 15 ans avant de commercialiser la première idée sur le marché. Ce transfert de technologies peut être effectué à divers niveaux.

L'Union européenne par l'entremise de la Commission européenne lance des appels. Certains portent sur des recherches fondamentales de niveaux de préparation inférieurs, sur le plan technologique, et d'autres se rapprochent davantage des prototypes applicables dans le scénario pertinent. Dans l'environnement pertinent de l'utilisateur final, les prototypes peuvent être appliqués et mis à l'essai conjointement avec l'utilisateur final éventuel de la technologie.

En ce qui concerne les soins de santé, il pourrait y avoir des systèmes de robotique logistique pour le transport qui sont déjà sur le marché, mais il y a encore place à l'amélioration. Il peut y avoir également des appareils de réadaptation, qui sont établis dans une institution où les gens se rendent ou qui sont empruntés par l'entremise d'une assurance ou en privé par des clients chez eux qui font usage de la technologie utilisée par des chirurgiens, ce qui est un marché très ciblé et étroit, mais très important.

En ce qui concerne les statistiques, je ne fournirais pas un trop grand nombre de données statistiques, car les données de base sont disponibles par l'entremise de l'International Federation of Robotics. L'International Federation of Robotics rend public un bulletin annuel sur les statistiques en robotique. Il y a maintenant deux volumes, l'un pour les robots industriels et l'autre pour les soi-disant robots de service, ce qui est plus important dans ce contexte-ci. On peut distinguer les robots de service des robots personnels et domestiques et des robots de service professionnels. La majorité des technologies robotiques liées aux soins de santé font partie de la catégorie des robots de service professionnels.

Nous avons des groupes thématiques précis qui se penchent sur les aspects sociaux, économiques ou juridiques. Comme vous le savez sans doute, il y a des initiatives à l'heure actuelle pour réglementer le secteur de la robotique en général, qui sont menées par le Parlement européen. Nous participons à la discussion. Nous entretenons des liens étroits avec plusieurs parlementaires. Nous les invitons à des réunions précises et essayons de fournir des opinions. Ce n'est toutefois pas facile parce que nos intervenants, allant des acteurs dans les recherches fondamentales aux grandes industries, ont un vaste éventail d'opinions.

La relation à l'intelligence artificielle et à d'autres technologies plus axées sur les données sera de plus en plus importante dans un avenir rapproché. Les liens étroits que nous avons pour appliquer l'intelligence artificielle aux systèmes physiques façonneront notre avenir pour les 5 à 20 prochaines années. Je ne peux pas vous fournir plus de précisions, car personne ne sait à quelle vitesse ces technologies seront mises au point.

En ce qui concerne la stratégie de notre côté de l'association, nous voulons mettre sur pied des services de courtage qui offriront enfin des leviers. Normalement, notre partenariat public-privé prévoit obtenir du financement de la Commission européenne. Selon les mécanismes de financement, c'est soit 100 p. 100 ou 70 p. 100. C'est 70 p. 100 lorsque le prototype est plus mature et plus prêt à être commercialisé, et c'est 100 p. 100 lorsque le prototype fait encore l'objet de recherches fondamentales.

Toutefois, l'industrie et le secteur privé veulent également tripler ce montant de 700 millions de dollars provenant de l'Union européenne pour que nous obtenions 2,1 milliards de dollars d'euros au final. Cette somme n'est pas directement liée à des projets individuels accordés par la Commission européenne. Ces fonds visent notamment à financer nos activités, y compris des recherches en laboratoire auxquelles le public n'a pas accès.

Cela contribuera à la croissance et au développement du marché et, nous l'espérons, créera des emplois ou changera les profils d'emploi. L'une de nos préoccupations est qu'une automatisation plus poussée devra créer des emplois ou changera peut-être les profils d'emploi. Quoi qu'il en soit, notre secteur doit être viable pour la situation économique globale en Europe.

Voilà qui met fin à mes remarques liminaires. Merci.

Le président : Merci, monsieur Lafrenz. Je vais maintenant céder la parole à M. Subbarao Kambhampati et l'inviter à faire son exposé.

Je vais ensuite permettre à mes collègues de poser des questions. Ils vous diront à qui ils adressent leurs questions en premier avant de les poser. Puis l'autre témoin aura l'occasion d'y répondre également.

Monsieur Kambhampati, on vous écoute.

Subbarao Kambhampati, professeur, Arizona State University, Association for the Advancement of Artificial Intelligence (AAAI) : Merci à tous de l'invitation. C'est tout un honneur d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

Je suis un professeur de sciences politiques à l'Arizona State University. Je suis également le président actuel de l'Association for the Advancement of Artificial Intelligence, ou l'AAAI, la première organisation scientifique dévouée à l'étude de l'intelligence artificielle. L'AAAI compte de nombreux membres du Canada et a un excellent partenariat avec le Canada. Le professeur Alan Mackworth de l'Université de la Colombie-Britannique a déjà été le président de notre organisation. Nous sommes venus au Canada à plusieurs reprises pour nos conférences annuelles.

J'aimerais également mentionner que je suis un fondateur du Partnership on Artificial Intelligence, un consortium qui a été formé l'an dernier pour se concentrer sur la conception responsable de technologies d'intelligence artificielle. Le partenariat comprend divers intervenants, dont principalement Google, Apple, Amazon, IBM, Facebook et Microsoft, de même que divers organismes à but non lucratif, dont l'AAAI et l'American Civil Liberties Union. Le partenariat prend de l'expansion.

J'ai pensé que cela pourrait vous intéresser, si vous avez des questions sur les initiatives menées aux États-Unis et dans le monde concernant les répercussions sociales de l'intelligence artificielle.

Je participe à des activités de recherche sur l'intelligence artificielle depuis maintenant plus de 30 ans. Je m'intéresse actuellement à la planification et à la prise de décisions relativement aux systèmes d'intelligence artificielle avec intervention humaine. Je vais vous en dire un peu plus à ce sujet plus tard.

Même si je comprends bien la situation actuelle de l'intelligence artificielle et de ses applications, comme je l'ai mentionné à votre personnel, je ne suis pas un expert des applications en matière d'intelligence artificielle sur les soins de santé plus précisément. J'ai pris le temps de lire les délibérations des réunions de votre comité depuis février, et je suis donc au courant de ce dont vous avez déjà discuté.

Comme on vous l'a déjà dit, l'intelligence artificielle en tant que discipline vise à ce que les ordinateurs aient des comportements intelligents. L'intelligence comporte de multiples facettes. Dans le cadre de mes discussions sur les progrès et sur l'incidence de l'intelligence artificielle avec des intervenants qui oeuvrent en dehors de notre domaine, je trouve souvent utile de comparer les progrès dans les technologies d'intelligence artificielle à la façon dont les bébés acquièrent leur intelligence.

Les bébés commencent d'abord à montrer des signes d'intelligence perceptuelle : comment voir, entendre et toucher le monde les entourant. Ils acquièrent ensuite une intelligence physique et de manipulation : comment marcher, se rouler sur le côté, manipuler des objets, et cetera. Ils acquièrent ensuite une certaine forme d'intelligence affective et sociale : comment copier d'autres agents et montrer leur état mental. C'est seulement à ce moment-là qu'ils peuvent développer leur intelligence cognitive : obtenir de bons résultats à des tests standardisés, jouer aux échecs, et cetera.

Il est intéressant de noter que les progrès en matière d'intelligence artificielle vont presque en sens inverse. Nous avions des systèmes qui affichaient des niveaux élevés d'intelligence cognitive très tôt. Il y a eu l'expansion des systèmes médicaux spécialisés au début des années 1980. Dans les années 1990, Deep Blue l'a emporté sur Kasparov. Cependant, ce n'est que récemment que les systèmes d'intelligence artificielle ont atteint des niveaux appropriés, voire impressionnants, d'intelligence perceptuelle : comment voir et entendre le monde les entourant.

De prime abord, il peut sembler étonnant que cette progression en sens inverse soit tout à fait compréhensible. Au début, les chercheurs en intelligence artificielle commencent à enseigner aux ordinateurs des choses qu'ils ne savent pas faire consciemment. La perception et la manipulation sont des choses que nous faisons inconsciemment, alors la seule façon d'enseigner aux ordinateurs de les faire était de leur apprendre. Nous avons dû attendre que des données à grande échelle soient disponibles. Les soi-disant systèmes d'apprentissage en profondeur dont vous avez entendu parler existaient depuis les années 1980, mais ils n'ont pris de l'expansion qu'après l'accès facile aux données sur Internet, que ce soit des images, des signaux sonores ou des messages.

Cette perspective nous aide également à mettre en contexte le vif intérêt que l'on porte récemment à ces technologies et aux applications commerciales de l'intelligence artificielle. Les avancées dans le domaine de l'intelligence perceptuelle ont permis à l'intelligence artificielle d'atteindre un auditoire plus vaste. Il devient beaucoup plus facile de tirer parti des avantages qu'offrent les technologies d'intelligence artificielle lorsque votre téléphone cellulaire reconnaît votre voix et les images autour de vous.

On prévoit que la prochaine vague de développements en matière d'intelligence artificielle s'inspirera des percées qui ont déjà été faites dans le domaine de l'intelligence cognitive pour les lier à la perception, au raisonnement, à la planification et à l'action.

En ce qui concerne les applications en matière de soins de santé de l'intelligence artificielle, avant la fin des années 1980, les systèmes d'intelligence artificielle étaient déjà utilisés pour offrir une assistance clinique. Ils ont grandement contribué à l'expansion des systèmes spécialisés. Cependant, ils devaient être assistés par l'humain. Tout comme Deep Blue, le système de jeu d'échecs, qui ne pouvait pas reconnaître un pion mais pouvait battre Kasparov, les systèmes médicaux spécialisés ne pouvaient pas voir le patient qu'ils diagnostiquaient.

Il y a une anecdote amusante à propos de Mycin, le premier système spécialisé, qui pouvait diagnostiquer les systèmes d'un moteur défectueux pour détecter des problèmes médicaux internes.

La nouvelle vague d'applications d'intelligence artificielle a pu combiner la perception avec le raisonnement et le diagnostic, par exemple, la lecture de radiographies, d'échocardiogrammes et de photographies. Ces nouvelles technologies peuvent nous aider à régler quelques-uns des problèmes les plus insolubles en matière de soins de santé, y compris les erreurs humaines commises dans les hôpitaux qui, d'après certaines études, sont la troisième principale cause de décès aux États-Unis, où je vis.

Il existe une tension depuis longtemps dans notre domaine entre l'intelligence artificielle et l'amélioration de l'intelligence, soit l'IA par rapport à l'AI. La majorité des recherches en matière d'intelligence artificielle en dehors des applications de soins de santé visaient surtout à rendre les systèmes autonomes, sans qu'une intervention humaine soit nécessaire. Lorsque les humains interviennent, comme ce serait le cas surtout avec des applications en soins de santé, les systèmes d'intelligence artificielle doivent être assortis d'aspects liés à l'intelligence affective et sociale. Plus particulièrement, ils doivent pouvoir reproduire les états mentaux et les intentions de leurs coéquipiers humains, présenter des comportements explicables, avoir des réponses affectives appropriées et fournir des explications adéquates de leurs recommandations. C'est la seule façon qu'ils peuvent gagner la confiance des humains.

Les systèmes d'intelligence artificielle qui sont conscients de la présence humaine sont essentiels pour les applications d'intelligence artificielle dans les soins de santé, surtout lorsqu'on commence à examiner les systèmes qui interagissent directement avec les patients, que ce soit pour encourager des comportements sains ou pour offrir des services à domicile à des personnes âgées ou blessées.

Les avancées dans la recherche sur l'intelligence artificielle et l'utilisation accrue des technologies d'intelligence artificielle ont également fait ressortir des préoccupations sur l'utilisation responsable et éthique de ces technologies. Même si d'importantes quantités de données liées à la santé sont de plus en plus disponibles et peuvent être utilisées pour fournir de meilleurs soins de santé, il est essentiel de mettre en place des pratiques exemplaires qui préservent la vie privée et la confidentialité des patients. Il faut à la fois des développements techniques, notamment l'utilisation de technologies de chaîne de blocs, et des décisions stratégiques.

Il y a aussi l'altération des données. Dans une démocratie multiraciale et multiculturelle inclusive comme la vôtre, il est essentiel que les modèles de prévision qui orientent la prise de décisions en matière de soins de santé s'appuient sur des données qui sont vraiment représentatives de la population entière.

Des initiatives et des organismes, dont mon organisation, AAAI, et Partnership on Artificial Intelligence, que j'ai mentionné plus tôt, se penchent sur certains de ces défis, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

Je veux terminer mes remarques, si vous le permettez, en faisant une recommandation personnelle au comité. La soi- disant révolution de l'apprentissage en profondeur doit énormément à la vision des organismes de financement canadiens qui ont continué d'appuyer des recherches dans des réseaux artificiels alors que le reste du monde avait passé à autre chose. Le Canada mérite amplement de profiter des avantages de ses investissements dans la recherche fondamentale. Je me réjouis de voir l'incroyable activité entrepreneuriale dans les corridors de Montréal et de Toronto.

Aussi impressionnants que ses récents succès soient-ils, l'apprentissage en profondeur n'est qu'un élément des activités globales en matière d'intelligence artificielle. La bonne nouvelle est que le milieu canadien de la recherche en matière d'intelligence artificielle est beaucoup plus vaste et comporte plusieurs facettes. J'espère que votre gouvernement continuera d'appuyer la recherche fondamentale dans l'ensemble des projets liés à l'intelligence artificielle.

Pour paraphraser un énoncé célèbre du Canada, un soutien généralisé à la recherche fondamentale est la seule façon de prévoir la trajectoire de la rondelle plutôt que d'aller là où elle se trouvait.

Je vous remercie de votre attention, et je serai ravi de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie tous les deux infiniment. Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues.

Je tiens à vous rappeler de préciser à qui s'adresse votre question, la première fois que vous interpellez un témoin.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie de vos exposés et du temps que vous nous accordez.

Monsieur Kambhampati, vous faites valoir un point intéressant. J'ai d'ailleurs essayé hier d'aborder la question avec notre témoin, qui n'a pas expliqué aussi bien que vous le fait que les modèles prédictifs sont tirés de données véritablement représentatives de la population.

Ce qui me préoccupe, c'est la provenance des données. Comment allons-nous nous assurer que nos données sont fiables? Il était question de Google hier, mais tout le monde sait qu'on ne peut pas toujours se fier à ce qu'on trouve sur le Web. Comment envisagez-vous de vous assurer que les données sont exactes et représentatives?

M. Kambhampati : Il y a deux enjeux différents ici. Les systèmes d'apprentissage généraux, y compris les systèmes de reconnaissance d'images, ont essentiellement pu apprendre à partir des données accessibles au public. La plupart des systèmes d'imagerie médicale fondés sur l'apprentissage en profondeur ont commencé avec un ensemble particulier de données de référence du nom d'ImageNet, qui n'étaient toutefois pas représentatives de notre région du monde. Les données étaient quelque peu différentes en raison d'une fixation plutôt malsaine sur les chiens. Parmi les 1 000 catégories qui se retrouvent dans ImageNet, 200 sont des images de chiens. Tout comme nous rêvons de visages humains, les systèmes actuels d'apprentissage en profondeur ont tendance à rêver de faces de chiens. Je soulève ce point simplement parce que le fait que des données soient accessibles ne signifie pas nécessairement qu'elles sont particulièrement représentatives du monde dans lequel nous vivons.

Heureusement, les données en matière de santé ne se trouvent pas directement sur le Web. L'accès à ces données devrait être soigneusement contrôlé. Ce que je veux dire, c'est qu'il est très important que les organismes gouvernementaux s'assurent que les données recueillies proviennent de populations représentatives.

Même si je travaille avec l'intelligence artificielle depuis longtemps, Alexa a toujours du mal à reconnaître ma voix étant donné que la plupart des systèmes de reconnaissance vocale ne sont apparemment pas habitués à mon type de voix. Ce n'est pas un problème dans le cas d'un système de reconnaissance vocale, mais ce serait très grave si j'étais terrassé par une crise cardiaque, puis que je me rendais à un hôpital où mon sort serait décidé à partir de données qui ne sont pas représentatives de mon physique.

Nous recommandons plutôt aux gouvernements et aux organismes publics de veiller à ce que les données qu'ils recueillent soient vraiment représentatives de l'ensemble de la population.

La sénatrice Stewart Olsen : Monsieur Lafrenz, pourriez-vous parler de votre monde passionnant à notre public? En Europe, quelle est selon vous la nouveauté la plus excitante pour la médecine, la chose que vous trouvez tout simplement géniale?

M. Lafrenz : Si nous parlons à des chirurgiens, par exemple, nous constatons que plusieurs choses sont intéressantes, y compris la robotique chirurgicale. Les chirurgiens disent bénéficier d'une technologie de simulation avancée et de nombreuses technologies de mesure analytique, mais que la chirurgie elle-même est encore plutôt traditionnelle et n'a rien de moderne, surtout dans le cas des os ou du retrait de certains organes. Il serait tout à fait possible d'améliorer les choses en permettant aux chirurgiens d'obtenir l'aide de la robotique pendant leurs interventions.

Un deuxième grand volet des soins de santé qui pourrait être amélioré est la réadaptation, où un patient reçoit normalement un traitement par semaine. S'il pouvait louer un appareil à la maison, le patient pourrait faire ses exercices jusqu'à deux ou trois fois par jour, ce qui représenterait une amélioration de taille.

Je parle de technologies comme les exosquelettes et d'autres technologies précises. Il y en avait dans mon projet précédent, à l'époque où j'étais chercheur à l'Université technique de Munich, en Allemagne. Nous avions des projets sur la réadaptation des bras et des mains. En outre, une technologie d'intelligence artificielle était employée dans une certaine mesure pour améliorer le mouvement; elle permettait d'apprendre des capacités du patient et de s'adapter à ses besoins en matière de mouvements. Dans le milieu des soins de santé, nous pensons surtout à la logistique et à l'automatisation de certaines unités de service des hôpitaux. Ce n'est pas ciblé; il s'agit plutôt d'un vaste domaine.

La sénatrice Seidman : Je vais peut-être commencer par vous, monsieur Lafrenz.

Au tout début de votre exposé, vous avez décrit une structure permettant d'intégrer les nombreux aspects du développement et les différents intervenants. Vous avez commencé en parlant de la maturité technologique, puis avez abordé l'intégration des intervenants et des groupes thématiques. Je voulais vous rappeler par quoi vous avez commencé, et ce sur quoi j'aimerais vous poser une question. Vos commentaires sont ensuite soumis à un organisme de financement, qui se prononce vraisemblablement en fonction de votre opinion et d'autres critères.

J'essaie de comprendre le lien entre euRobotics et SPARC. Comment toute cette initiative arrive-t-elle à maximiser l'établissement des priorités?

M. Lafrenz : Tout d'abord, euRobotics est une association privée. Nous avons quelque 270 membres, qui oscillent entre les petits laboratoires de recherche et les grandes entreprises, y compris ABB, des consommateurs comme Proctor & Gamble et d'autres qui définissent les besoins de leurs secteurs respectifs. Nous sommes donc en mesure de recueillir systématiquement des renseignements auprès des consommateurs, des chercheurs et des joueurs de l'industrie qui créent des composantes, des produits ou des logiciels, pour les intégrer à la technologie qui finira sur le marché. Toutes ces informations sont recueillies au moyen d'ateliers structurés. SPARC représente donc en quelque sorte le contrat entre la Commission européenne et nous, l'association qui représente une bonne partie du milieu en Europe.

Nous soumettons des commentaires, et la CE nous demande en quelque sorte des suggestions pour le prochain programme de travail. La décision définitive incombe à la CE, mais ses responsables écoutent attentivement ce que nous retirons des ateliers que nous organisons à divers échelons, au sein des différents groupes thématiques sur la santé. Les priorités sont ensuite établies en collaboration avec tous les dirigeants des groupes thématiques. La proposition est soumise au conseil d'administration de notre association, qui émet alors une proposition finale visant à déterminer les domaines prioritaires ou ce qui les intéresse dans le contexte en question. La CE définit ensuite les budgets relatifs aux différents mécanismes de financement et thèmes.

La sénatrice Seidman : La raison pour laquelle je pose la question, c'est que notre étude vise manifestement à déterminer la voie à suivre pour le Canada. J'aimerais connaître la meilleure façon de structurer tout type de système intégré qui permettrait le développement de l'intelligence artificielle et de la robotique au pays, de façon à établir les priorités et à élaborer efficacement un plan réalisable qui nous permettrait d'aller de l'avant dans ce domaine.

Avez-vous des recommandations sur le type d'organisme ou de structure qui nous permettrait le mieux de faire un bond dans ce secteur?

M. Lafrenz : D'après notre expérience, il faut beaucoup de temps avant de convaincre tous les intervenants et d'être en mesure de communiquer. Même les mots et les phrases d'une industrie importante doivent être compris tant par les techniciens de recherche que par les gestionnaires.

Nous avons commencé à bâtir la communauté il y a une dizaine d'années, et nous avons désormais de grandes tribunes où les gens se rencontrent. Au début, les activités étaient plutôt séparées; une journée était réservée à l'industrie, une autre au milieu universitaire, puis il y avait une journée mixte. La semaine dernière, les choses se sont passées différemment à Édimbourg. Nous avons réuni plus de 800 spécialistes de la robotique en Europe qui représentaient les différentes sphères des groupes thématiques.

Pour ce qui est de la façon de passer à l'action, je vous proposerais d'engager un dialogue structuré entre tous les intervenants afin de déterminer les besoins des utilisateurs et de voir si les trouvailles éventuellement précieuses qui émanent des recherches peuvent être intégrées aux activités. Il faut ensuite vérifier s'il y a déjà du financement, ou si aucun financement n'est nécessaire étant donné que l'industrie est prête à aller de l'avant. Il faut enfin relever les lacunes.

Les soins de santé sont un exemple typique de secteur où le financement public est nécessaire, étant donné qu'il touche chaque citoyen et que chacun doit en bénéficier, comme dans le cas des transports. C'est généralement une obligation, et les deniers publics sont bien dépensés.

En revanche, il faut établir des normes communes pour aller de l'avant non seulement au pays, mais aussi à l'échelle internationale. Nous devons définir des normes internationales pour créer un écosystème dans lequel tout produit ou toute composante fabriqués au Canada puissent facilement être employés avec les systèmes ou les composantes d'ailleurs.

L'uniformisation des pratiques ne se limite pas au plan technique. Il faut également harmoniser la réglementation et les lois. Dans le cas plus particulier de l'Europe, mais aussi de plusieurs provinces canadiennes, chaque instance a ses propres règles relatives à la circulation. Voilà qui pourrait poser problème. Il faut fournir différents logiciels, qui doivent être changés à la frontière, ce qui peut être frustrant. Une telle uniformisation faciliterait donc le commerce international et le développement. Il en va de même pour les soins de santé, les règles en matière de protection des données et le reste.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur Lafrenz. Je vous suis reconnaissante de votre réponse.

Monsieur Kambhampati, j'aimerais vous poser une question semblable qui s'inspire des points que vous avez fait valoir à la fin de votre exposé. En effet, vous dites que le Canada mérite largement de récolter les fruits de ses investissements en recherche fondamentale, et que bien des travaux préparatoires ont été réalisés pour mener au développement de la réflexion en profondeur.

On dit que le Canada n'a pas très bien réussi à commercialiser les fruits de la recherche fondamentale. Nous réalisons beaucoup de recherches fondamentales, mais pour une raison quelconque, nous ne semblons pas atteindre les étapes finales. Quelle en est la raison, selon vous, et quelles seraient vos recommandations à ce chapitre? Plus précisément, que recommanderiez-vous au gouvernement pour améliorer ce volet?

M. Kambhampati : Tout d'abord, puisque je viens du milieu universitaire, je ne suis probablement pas le mieux placé pour émettre des recommandations sur la façon de faire naître une industrie. Je tiens toutefois à apporter une petite précision. J'ai parlé des investissements du Canada dans l'apprentissage en profondeur, et non pas dans la réflexion en profondeur. En fait, l'apprentissage en profondeur est un syntagme technique précis qui caractérise un type d'apprentissage basé sur le réseau neuronal.

Il est intéressant de noter que la recherche est finalement une activité humaine. Il arrive que les chercheurs trouvent certaines choses fascinantes et aient l'habitude de travailler dans un secteur donné. Je pense dans une certaine mesure que les organismes de financement devraient adopter une attitude globale et s'assurer de soutenir plusieurs domaines importants. Au début des années 2000, je me souviens que les recherches sur le réseau neuronal étaient plus ou moins au point mort à peu près partout ailleurs.

À ces différents endroits, les gens élaboraient des stratégies sur le domaine exact dans lequel la technologie serait employée, mais ils étaient vraisemblablement dans l'erreur puisqu'ils n'avaient aucun moyen de prédire exactement quel genre de recherches allait donner des fruits. Sinon, ce ne serait pas de la recherche.

Je trouve formidable que les organismes de financement canadiens continuent de soutenir les recherches sur le réseau neuronal, qui est désormais l'une des technologies les plus impressionnantes ayant permis de généraliser l'utilisation de l'intelligence artificielle.

Ce que je voulais dire, c'est qu'au même titre que nous ne savions pas exactement quelle voie suivre dans les années 2000, nous ne savons toujours pas quelle technologie nous mènera à l'étape suivante. Sur le plan de la recherche, il est très important de vous assurer d'avoir un portefeuille large. Il va sans dire qu'il faut absolument tirer parti de la recherche, non pas dans un sens négatif, mais plutôt dans le sens de mettre en marché les recherches réalisées. Je constate manifestement qu'un grand nombre d'industries, comme Google et Facebook, commencent à avoir des laboratoires au Canada. J'entends parler chaque jour d'investissements et d'entreprises en démarrage dans le corridor de Montréal, et depuis peu à Toronto aussi.

Je n'ai pas de conseils précis à vous donner sur la façon de mettre en marché les produits de la recherche, mais en tant que chercheur et représentant du milieu de l'intelligence artificielle, je suis reconnaissant que vos organismes de financement aient eu la sagesse de ne pas se limiter à tout ce qui fonctionnait en 2006. Ils ne savent pas plus aujourd'hui qu'à ce moment ce qui fonctionnera. Il est très important de ne pas présumer que ce qui fonctionne actuellement est la seule chose dont nous avons besoin.

Sur le plan technique, l'apprentissage en profondeur fondé sur le réseau neuronal est une solution propre à l'apprentissage perceptif. Il s'agit d'un volet restreint de l'intelligence artificielle. Mais le secteur comporte beaucoup d'autres aspects. Pour ce qui est des applications en santé, comme je l'ai souligné, des choses comme la capacité à modéliser des personnes, des esprits et des états mentaux finissent par être extrêmement importantes.

Pendant longtemps, les volets relatifs au facteur humain ont été comme le Rodney Dangerfield de la recherche sur l'intelligence artificielle. Ils n'ont pas reçu suffisamment d'attention, mais je pense qu'ils devront être beaucoup plus respectés à l'avenir, car tout système extrêmement utile ne sert à rien si personne ne veut l'employer. Les gens choisiront de l'utiliser ou non en fonction de leur aise à l'égard de la technologie.

Il est aussi intéressant de noter que tandis que la technologie médicale et les systèmes de soutien se perfectionnent, les médecins visés devront suivre le rythme de cette évolution. Il faudra donc essentiellement que les technologies puissent s'expliquer, fournir des clarifications et adopter des comportements explicables. Je suis d'avis que ces éléments seront aussi importants que l'utilisation judicieuse de l'intelligence artificielle dans le système de santé.

M. Lafrenz : Je suis tout à fait d'accord. Permettez-moi de préciser que j'ai fait ma thèse sur les réseaux neuronaux il y a longtemps, ce qui explique pourquoi je peux me prononcer sur la question. L'un des grands enjeux ici se rapporte aux justifications. Les réseaux neuronaux et les autres technologies d'intelligence artificielle doivent pouvoir dire clairement pourquoi et comment la décision a été prise. C'est tout à fait essentiel. L'acceptation fait encore défaut, surtout lorsque le système en question doit obtenir une certification dans un domaine relatif à la sécurité, qu'il vise à gérer une centrale nucléaire ou un environnement médical, ou à diriger un avion.

Sans une telle capacité d'explication, il est difficile d'obtenir la certification requise pour le système. Nous devons donc faire en sorte que l'intelligence artificielle puisse obtenir ce genre de certifications.

La sénatrice Raine : Je vous remercie infiniment tous les deux. C'est fort intéressant.

Ma question s'adresse à M. Kambhampati. Vos activités se rapportent à l'intelligence artificielle et vous tentez de recueillir des informations d'une population aussi vaste que possible. Pourtant, les humains sont tous un peu différents, en réalité. Par exemple, votre voix est différente de la mienne.

Lorsque vous recueillez l'ensemble des renseignements, ne serait-il pas logique de filtrer les données de façon à représenter plus précisément la personne pour qui l'intelligence artificielle est employée?

M. Kambhampati : Vous parlez de la personnalisation, qui comporte deux volets. Un des problèmes de la technologie actuelle, en particulier de la technologie d'apprentissage, c'est qu'elle nécessite énormément de données. Or, les humains ont tendance à apprendre à partir de très peu d'exemples, du moins sur le plan cognitif.

En revanche, la plupart des technologies actuellement employées nécessitent un grand nombre d'exemples. Cet aspect est très important si vous souhaitez personnaliser un système pour une seule personne. Par exemple, un système de reconnaissance vocale devrait bien entendu s'habituer à ma voix, mais il lui faut du temps pour obtenir suffisamment d'échantillons pour être formé. Dans le même ordre d'idées, c'est encore plus vrai dans le cas du système de santé. À moins que je ne tombe malade assez souvent, le système ne pourra pas apprendre exactement le genre de choses qui vont m'arriver.

Il faudrait au bout du compte me placer dans une catégorie d'immigrants asiatiques américains, peut-être, puis s'assurer qu'il y ait suffisamment de données sur ce sous-groupe en particulier.

Une fois le système mis en place, si j'ai un assistant personnalisé exclusivement pour mes besoins en matière de santé, il finira par apprendre surtout des données sur ma propre santé. Je suppose que c'est ce qui arrivera une fois le système bien établi. En fait, avant qu'il ne soit déployé, il faudra lui enseigner les données représentatives du groupe auquel j'appartiens.

Le plus grand enjeu, c'est de ne pas prendre 10 000 dossiers médicaux personnels au hasard. Il faut que les dossiers utilisés dans la formation soient liés adéquatement aux groupes visés, au segment de la population visé.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

La sénatrice Raine : Oui et non, parce qu'il y a un risque évident que la collecte de données favorise un profilage racial. Je ne suis pas certaine que ce serait utile. De même, on pourrait faire une analyse génétique pour déterminer comment les données s'appliquent selon le profil génétique. Je suppose que nous sommes encore en période d'apprentissage.

M. Kambhampati : Comme je l'ai mentionné vers la fin de mon exposé, il y a beaucoup de questions stratégiques importantes auxquelles il faut réfléchir attentivement en ce qui concerne la collecte de données. Clairement, la perspective d'un profilage racial, par exemple, n'est probablement pas trop inquiétante dans le domaine de la santé, parce que d'une certaine façon, ma santé dépend de ma race d'origine. Mais il n'y a pas que la science.

Il y a aussi certains types de renseignements du dossier de santé, particulièrement les renseignements sur l'état de santé de la personne, qui doivent faire l'objet de protections très fortes pour assurer la confidentialité. On observe sociologiquement que les gens ne divulgueront pas leurs données s'ils ne sont pas certains qu'elles ne seront pas utilisées contre eux. Cela peut mener à un malheureux cercle vicieux, puisque le fait de ne pas divulguer certaines données peut nuire aux soins de santé que la personne recevra plus tard.

Il importe que les gens sachent dès le départ que leur confidentialité sera protégée. Comme je l'ai dit, non seulement faut-il le faire, mais il faut que les gens perçoivent que nous le faisons. Non seulement devons-nous assurer la confidentialité et la protection de la vie privée, mais les gens doivent le voir.

Il y a des activités qui commencent à se mettre en branle. Je pense, par exemple, au projet DeepMind de Google, qui vise à déterminer s'il y a un danger que la technologie de la chaîne de blocs puisse être utilisée à mauvais escient et à réfléchir aux protections qu'on peut mettre en place pour éviter que les données des patients soient utilisées à mauvais escient.

Remarquez que la technologie de la chaîne de blocs est née du Bitcoin et de la monnaie électronique, mais elle est actuellement utilisée pour assurer la transparence et la protection de la vie privée dans la gestion des données sur la santé. Au fur et à mesure que la technologie évoluera, les enjeux fondamentaux que vous soulevez ressortiront : comment pouvons-nous nous assurer à la fois que les gens divulguent les données nécessaires, que ces données ne seront pas utilisées à mauvais escient et que les gens savent qu'elles ne seront pas utilisées à mauvais escient?

La sénatrice Frum : Ma question porte exactement sur le sujet que vous venez d'aborder, monsieur. Permettez-moi de la poser à nos deux témoins et de la mettre un peu plus en contexte.

Les études semblent faire état d'une certaine résistance chez les professionnels de la santé comme chez les patients, si je ne me trompe pas. Petite anecdote : mon médecin m'a demandé récemment si j'acceptais qu'il enregistre toute l'information me concernant. C'est peut-être une question de génération, les jeunes seraient peut-être plus réceptifs à ce genre de demande que les gens de ma génération.

Nous sommes conscients des problèmes de vie privée et de confidentialité. Y a-t-il d'autres obstacles à l'adoption du dossier électronique dans le domaine de la santé? À part les questions de vie privée et de confidentialité, y a-t-il d'autres obstacles qui vous viennent à l'esprit, qui nuisent à l'adoption à grande échelle de ces technologies?

M. Kambhampati : Premièrement, vous avez souligné que les gens peuvent être réticents à échanger de l'information grâce à cette technologie avancée. Il y a également des recherches qui montrent que certaines personnes et certains groupes démographiques préfèrent nettement parler à des ordinateurs qu'à des personnes.

Des études publiées montrent que dans le cas de troubles psychiatriques, par exemple, les gens sont beaucoup plus enclins à déclarer leurs maux s'ils croient parler à un assistant médical automatisé plutôt qu'à un humain. Je pense que nous sommes conditionnés à nous inquiéter du jugement des autres, alors que nous croyons toujours que les ordinateurs ne nous jugent pas.

Dans le cas de cette technologie, il y avait des gens de l'autre côté de l'ordinateur pour nous assurer qu'un processus adéquat était suivi. Elle servait simplement à faire en sorte que les gens s'ouvrent plus. C'est un peu compliqué que cela. Certaines personnes sont contrariées d'utiliser la technologie, alors que d'autres préfèrent utiliser la technologie.

Pour revenir à ce que j'ai déjà dit sur les obstacles en cause, particulièrement lorsque les systèmes interagissent avec les humains, il est essentiel que les gens aient l'impression que les systèmes ont des compétences interpersonnelles. Au risque de me répéter, l'idée de concevoir des interfaces que les gens se sentiront à l'aise d'utiliser a posé problème dans le passé dans le domaine des sciences informatiques en général et de l'intelligence artificielle en particulier.

Certains d'entre vous se rappellent sans doute le trombone de Microsoft Office qui était censé aider les gens. Or, tout le monde le désactivait parce qu'il était vraiment énervant. Il ne pouvait pas reconnaître votre état émotif. Comme un chercheur l'a souligné, il apparaissait quand la personne était frustrée. Or, il arborait tout de même cette espèce de sourire ridicule détestable pour réagir au problème de la personne. Vous voulez clairement que ces outils d'aide fassent preuve d'intelligence émotionnelle et sociale. C'est une chose que nous tenions pour acquise.

En IA, en général, ce genre de problèmes n'était pas aussi important avant, parce que les chercheurs se disaient que si c'est facile pour nous, ce ne devrait pas être si difficile pour un ordinateur.

En réalité, les interactions avec les humains sont infiniment plus complexes que de jouer aux échecs. C'est la nouvelle orientation que prennent les recherches sur l'IA, et ce sera extrêmement important, mais ce sera un grand obstacle pour ceux et celles qui aiment utiliser la technologie. Imaginez qu'un assistant informatique intelligent pose la même question à répétition, sans comprendre l'état mental de la personne. Vous le désactiverez.

Le président : Monsieur Lafrenz, souhaitez-vous dire quelque chose à ce sujet?

M. Lafrenz : Je n'ai qu'une courte observation à faire. Dans bien des cas, l'enjeu n'est pas la protection de la vie privée, mais l'acceptation sociale, surtout dans le domaine de la santé.

Plusieurs études ont montré que les gens étaient plus à l'aise d'appeler une machine pendant la nuit plutôt que de réveiller un être humain, surtout pour des choses plus intimes comme d'aller à la toilette. Il est alors beaucoup plus simple de faire appel à une machine, et cela peut notamment prévenir les infections. Ce genre de choses est très bien accepté. Cependant, pour d'autres, il y a surtout un problème de communication publique; il faut essayer de sensibiliser la population en général aux avantages de ces technologies.

Le président : Monsieur Kambhampati, je vois que vous voulez ajouter quelque chose.

M. Kambhampati : Il y a une autre chose dont j'ai essayé de parler un peu plus tôt et qui est en lien avec cette question. Pour que les gens puissent bien utiliser un système, le système doit s'expliquer lui-même. Nous en avons déjà parlé.

Bien souvent, l'explication en intelligence artificielle ressemblera à celle d'une personne qui se parle à elle-même : « J'ai fait ceci parce que je voulais le faire de telle façon. » Nous savons pourtant que les explications dépendent beaucoup de l'état d'esprit de l'autre personne. Par exemple, le médecin qui explique un diagnostic à un autre médecin lui donnera une explication très différente de celle qu'il donnera au patient qu'il est en train de soigner, parce que les explications dépendent du modèle propre à la personne à qui on les donne.

C'est un autre exemple de contexte dans lequel les systèmes doivent apprendre à comprendre l'état mental des humains avec qui ils interagissent, pour ne pas simplement se parler à eux-mêmes et dire : « J'ai fait ceci parce que c'est ce que dicte mon modèle. » Le modèle peut être plus ou moins profond que la réponse que donne le système.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie, messieurs, de ces excellentes présentations. Nous avons déjà eu l'occasion de parler de la formation. Je me demande quels seraient les principaux défis liés à la formation, d'après vous, pour les utilisateurs de technologies. Sentez-vous libres, tous les deux, de répondre à cette question.

M. Lafrenz : C'est une question très embêtante, principalement pour des raisons scientifiques de base. Il serait peut- être préférable que le professeur Kambhampati vous réponde le premier, après quoi je pourrai peut-être ajouter quelque chose.

M. Kambhampati : Je présume, pour être certain d'avoir bien compris votre question, que vous nous demandez quelle formation les personnes qui utilisent ces technologies devraient recevoir pour être en mesure de les utiliser immédiatement. Est-ce que j'interprète bien votre question?

Le sénateur Cormier : Oui, mais je pense à l'utilisateur médical, aux médecins, ainsi qu'aux patients, bien sûr.

M. Kambhampati : D'accord. Je pense que c'est une bonne question. Je n'ai pas de réponse complète à vous offrir, mais il faut veiller à ce que les médecins, en particulier, comprennent bien les limites des technologies qu'ils utilisent. Ce n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire.

Par exemple, nous avons actuellement des systèmes d'apprentissage assez impressionnants pour permettre la reconnaissance d'un objet parmi des milliers de catégories, par exemple. Ainsi, si on lui montre un autobus scolaire, le système vous dira qu'il s'agit d'un autobus scolaire. Si on lui montre un temple du Sud de l'Inde, il vous dira qu'il s'agit d'un temple du Sud de l'Inde. C'est très impressionnant.

Le problème, c'est que quand un humain effectue ce genre de tâche, on voit inconsciemment les limites de ces compétences, on dit : « Si vous pouvez voir cet autobus scolaire, mais que je vous montre un autobus scolaire d'une couleur légèrement différente, vous direz toujours qu'il s'agit d'un autobus scolaire. Si je vous montre un temple légèrement différent, vous direz toujours qu'il s'agit d'un temple. »

Nos systèmes visuels comportent leurs faiblesses, c'est vrai, mais nous en sommes conscients. Ces technologies automatisées sont souvent assez différentes de ce à quoi nous sommes habitués. Pour reprendre l'exemple de l'autobus scolaire, il a été démontré que les réseaux neuronaux ultramodernes permettant de reconnaître ce genre de choses ne sont parfois pas assez robustes et que parfois, si un petit bruit imperceptible vient brouiller le message, l'autobus scolaire peut soudainement devenir une autruche pour le système, qui en sera sûr à 99 p. 100. Vous et moi verrons sans contredit un autobus scolaire, mais le système dira qu'il s'agit d'une autruche.

Parfois, il prendra des décisions fondées sur des explications assez bêtes. Par exemple, le système pourrait être en mesure de déterminer avec un très haut degré de confiance qu'un objet X est un husky sibérien. C'est très impressionnant, mais on se rendra compte ensuite que c'est la glace dans l'image qui le porte à conclure qu'il doit s'agir d'un husky sibérien. Ce n'est pas ainsi que nous reconnaissons les huskies sibériens.

Il importe que les médecins sachent quand le système a raison et qu'ils aient une bonne idée de ses failles. Sur le plan technologique, les chercheurs en intelligence artificielle font de leur mieux pour créer des systèmes qui inspirent vraiment confiance. Mais il faut aussi que les utilisateurs aient l'impression qu'ils ne se feront pas leurrer par la magie de la technologie.

Dans l'exemple de l'autobus scolaire perçu comme une autruche, il s'avère que tout peut avoir l'air d'une autruche si l'on y ajoute du bruit imperceptible arbitraire. Il est important de former les médecins, pour ainsi dire, afin de les préparer à ces failles très surprenantes, afin qu'ils sachent qu'ils doivent prendre les décisions recommandées par le système avec un grain de sel.

M. Lafrenz : La façon exacte de former les gens dépend du groupe d'utilisateurs dont ils font partie. Un médecin est tenu de suivre une formation et d'apprendre directement à utiliser la technologie, ainsi qu'à connaître ses limites. C'est une tout autre histoire pour la formation du patient qui utilisera un appareil technique, même s'il est atteint de démence.

Il est vraiment impossible de vous donner une réponse claire. Tout dépend de l'âge de la personne, ainsi que de son degré d'aisance avec les technologies modernes. Il faudrait essentiellement adopter des lignes directrices générales pour que l'utilisation de la technologie moderne soit enseignée dès l'école et même le préscolaire, comme mesure sociale pour l'avenir.

Le sénateur Cormier : Monsieur Lafrenz, estimez-vous qu'il y a des obstacles culturels à la formation? Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Je suis curieux.

M. Lafrenz : Au sujet des différences culturelles, on peut prendre l'exemple du Japon, qui est beaucoup plus rapide que d'autres à adopter toutes sortes de technologies robotiques. Les Japonais apprécient les chiens robotisés ou les autres animaux de compagnie. À l'inverse, dans certaines communautés européennes, on se demande s'il est éthique de tricher et de donner à une personne atteinte de démence un chien robotisé qui ne peut que tomber à plat si sa pile meurt, alors qu'un véritable animal mourrait de faim.

Il y a des différences réelles à prendre en considération. Il n'est pas facile de répondre à cette question.

M. Kambhampati : Je sais que le centre de recherches scientifiques de la force aérienne mène des travaux sur le degré de confiance envers la technologie dans les différentes cultures. Il en ressort que certaines cultures acceptent effectivement beaucoup mieux la technologie que d'autres. C'est un fait très intéressant à ne pas oublier. On ne peut pas changer la culture, mais il est probablement plus facile dans certaines cultures d'envisager les soins robotisés que dans d'autres cultures. Personnellement, je ne suis pas trop sûr d'avoir très envie de recevoir des soins d'un robot quand je serai vieux.

Il y a aussi un autre élément. Il y a déjà un écart générationnel dans l'acceptation de la technologie. Je suis sûr que nous savons tous très bien que nos enfants et nos petits-enfants acceptent beaucoup mieux la technologie que nous et qu'ils sont probablement bien plus enclins à l'utiliser que certains d'entre nous, à tout le moins de mon point de vue. Il faut tenir compte de cet aspect important.

M. Lafrenz : Je dirai en aparté que nous connaissons tous la génération née à l'ère du numérique, mais on entend déjà parler de la génération née à l'ère de la robotique, c'est-à-dire la prochaine génération, qui est bien sûr celle de l'intelligence artificielle.

Le président : Monsieur Lafrenz, j'aimerais vous poser quelques questions avant de m'adresser à M. Kambhampati.

L'une des questions que je me pose concerne l'apprentissage en profondeur. Dans vos discussions, votre organisation met beaucoup l'accent sur la robotique. La recherche sur l'apprentissage profond et ses applications constituent une science en soi, mais est-elle organisée de la même façon dans l'UE pour ce qui est de l'établissement des priorités, des mécanismes de soutien financier et de la recherche d'applications potentielles?

M. Lafrenz : Nous n'avons pas de partenariat public-privé concernant l'apprentissage en profondeur pour l'instant. Nous envisageons toutefois d'inclure l'apprentissage en profondeur dans l'intelligence artificielle et les autres technologies d'IA. Au final, toutes les technologies qui se retrouvent dans le monde réel pour effectuer des choses dans le monde physique sont autant de contributions précieuses à la robotique.

Je vais vous en donner un exemple très simple. La semaine dernière, à Édimbourg, a eu lieu notre forum européen de la robotique, qui a rassemblé un grand nombre de participants. Il y a eu une présentation spéciale sur l'IA et la robotique. Parmi les principaux conférenciers figuraient des gens de Google DeepMind. Nous leur avons demandé de nous montrer où ils en étaient.

Les technologies d'IA appliquées à la robotique en sont actuellement davantage au stade de la recherche qu'à celui des applications concrètes. Il n'y a encore que très peu d'applications concrètes, mais tout le monde, dans le milieu, voit que la technologie de l'IA est un domaine qui contribue non seulement à la robotique, mais qui changera nettement nos vies dans aussi peu que cinq ans.

Le président : J'aimerais poser une question complémentaire. Vous avez mentionné en passant, pendant votre exposé ou en réponse à une question, l'idée de l'assistance robotique à domicile. J'aimerais mettre ma question en contexte.

Nous venons de terminer une étude sur la démence. Nous avons examiné la situation en Europe, et il est très clair que certaines parties de l'Union européenne sont très avancées par rapport à d'autres pays, pour reconnaître comment aider les personnes ayant un diagnostic de démence à continuer de fonctionner dans la société le plus longtemps possible et leur offrir des outils. Les Pays-Bas sont particulièrement avancés à cet égard.

On peut donc s'interroger sur l'utilisation de la robotique comme aide à domicile ou même dans ce qu'on appelle les résidences pour les personnes atteintes de démence. Les robots sont formés dans une certaine mesure pour reconnaître les gestes de la personne, faire un suivi des médicaments et d'autres choses du genre.

Je présume que c'est parce que la volonté d'aider les personnes atteintes de démence est beaucoup plus développée dans l'UE que dans bien des pays. Les Européens souhaitent particulièrement exploiter davantage la robotique dans les soins à domicile, particulièrement pour les patients atteints de démence.

Pouvez-vous nous donner une idée des avancées dans ce domaine, à votre connaissance?

M. Lafrenz : Je sais qu'il y a plusieurs projets qui visent cette clientèle, mais je n'en connais pas les détails techniques. Je pourrais peut-être poser la question à nos partenaires qui travaillent sur le terrain, dans ce domaine.

Cependant, il faut faire une distinction entre deux choses. Il y a d'abord les outils purement liés aux technologies de l'information, qui fournissent de l'information et des services, mais aucune aide physique. Il y a ensuite tous les appareils d'aide physique concrets pour les patients, comme des distributeurs de médicaments et d'autres outils qui sous-entendent une interaction directe.

Ces deux volets sont abordés dans divers projets. Vous avez nommé les Pays-Bas. Ils sont aussi avancés dans le domaine des maisons intelligentes et de l'aide à la vie. Ce genre de projet implique une interaction directe avec des citoyens réels, des patients réels.

Je ne peux pas vous parler des derniers progrès de ce type de technologie depuis un an, environ.

Le président : Je vais me tourner vers vous, monsieur Kambhampati, pour vérifier si vous avez quelque chose à ajouter sur cette question.

M. Kambhampati : En fait, il est question d'assistance robotique pour aider les personnes souffrant de handicaps cognitifs comme la démence depuis quelque temps déjà dans la littérature sur l'IA.

Il est très important de comprendre qu'il y a un grand volet cognitif là-dedans. Il ne suffit pas d'aider le patient, il faut aussi comprendre quelles sont ses intentions et quel est le meilleur moment pour lui offrir de l'aide ou lui faire un rappel. C'est extrêmement important, et cela sous-entend que ces outils doivent élaborer un modèle mental du patient.

Des travaux réalisés il y a déjà une dizaine d'années témoignent de l'importance de faire des rappels aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer, qui s'insèrent dans la routine qu'ils suivent déjà. Par exemple, si la personne se trouve déjà dans la cuisine, ce serait un bon moment pour lui rappeler de prendre ses médicaments. En gros, il faut veiller à ce que les rappels et l'aide surviennent au bon moment plutôt que de les offrir n'importe quand. Cela devient un aspect important.

Comme je l'ai dit, ultimement, les robots doivent pouvoir se déplacer et aider physiquement la personne au besoin, mais il est très important qu'ils sachent déterminer quand le faire, de sorte qu'ils doivent établir le modèle du patient, puis faire un suivi de ses intentions et comprendre ce qu'il essaie de faire. C'est très important.

De même, il importe que même les robots très près des humains prévoient leurs intentions.

Le président : Oui, je comprends cela. Nous savons que des robots sont formés pour faire un suivi en ce qui concerne les médicaments, le temps qui s'écoule entre les prises de médicament et la position de la personne dans la pièce — si elle tombe, par exemple. Je voulais savoir s'il y a d'autres véritables percées. Je crois que nous nous arrêterons ici sur le sujet.

Monsieur Kambhampati, j'aimerais revenir sur la question du suivi des erreurs dans le système de santé dont vous avez parlé en répondant aux questions. Nous savons, comme vous l'avez dit, que ce que l'on rapporte en général, c'est que les erreurs commises dans le système constituent la troisième cause de décès en importance dans un certain nombre de pays. Nous parlons d'erreurs humaines en général, qu'il s'agisse d'une erreur de médicaments ou d'autres accidents.

Je voulais revenir sur le sujet. Êtes-vous au courant des études qui essaient de suivre les erreurs commises dans des situations où l'aide robotique est utilisée en médecine, surtout dans des chirurgies, par exemple? Connaissez-vous des études dans lesquelles on fait une comparaison entre les erreurs causées par les applications robotiques et celles causées par les chirurgiens?

M. Kambhampati : Évidemment, l'aide robotisée est utilisée dans des domaines pointus. Des observations empiriques semblent indiquer qu'elle est en grande partie très performante dans ces domaines pointus.

Dans une certaine mesure, la comparaison peut être injuste. Pour les erreurs humaines, on est moins indulgent envers le médecin lorsqu'il dit : « Nous nous sommes assurés de traiter de la bonne façon les symptômes que je suis censé traiter », si le patient est mort en raison d'autres complications causées par le traitement. Or, on a tendance à être indulgent en quelque sorte aves les aides robotisées parce qu'on sait dès le départ que leur portée est très étroite.

Les seules études empiriques dont j'ai entendu parler n'étaient pas des études universitaires particulièrement bien étoffées, ce qui inclut un article paru dans le New Yorker sur la mesure dans laquelle les systèmes de diagnostic sont devenus beaucoup plus fiables que les cardiologues, en fait.

Le président : Hier, des témoins ont parlé des diagnostics. Je crois que vous avez bien répondu à la question.

Monsieur Lafrenz, vous avez peut-être quelque chose à ajouter au sujet de la robotique.

M. Lafrenz : L'un des systèmes robotisés les plus utilisés, c'est le système da Vinci. Cependant, il est commandé manuellement et n'est pas automatisé.

Je ne connais pas de très bonnes études qui illustrent la différence. Plus on inclut de l'équipement technique en chirurgie, plus on essaie de rendre une chirurgie possible. Par conséquent, c'est très difficile à déterminer.

Je ne connais pas de bonnes études récentes qui fournissent une base statistique claire.

Le président : C'est ce que je voulais savoir. Je voulais simplement poser la question pour obtenir l'information la plus récente à cet égard.

La sénatrice Raine : Je me suis toujours intéressée à la transition qui s'opère chez les enfants avec l'arrivée de toute cette technologie et aux répercussions qu'elle a sur leur vie. Les enfants ne jouent plus à des jeux non structurés à l'extérieur. Ils utilisent des appareils pour jouer. Je crois qu'il y a des répercussions sur leur condition physique et leur santé.

Concernant la réadaptation et l'utilisation d'appareils pour faciliter la réadaptation, se passe-t-il quelque chose dans le monde de la robotique pour ce qui est de l'utilisation d'appareils électroniques qui serait attrayante pour les enfants? Je pense à l'idée de faire passer les exercices de la Wii à l'étape suivante, qui permettrait aux enfants d'interagir avec l'appareil et de devenir peut-être plus actifs d'une façon qui est surveillée et contrôlée, de sorte que les enfants qui souffrent d'obésité puissent graduellement retrouver la santé physique.

Savez-vous s'il se passe quelque chose à cet égard dans le domaine?

M. Kambhampati : J'imagine que vous connaissez le jeu Pokémon Go, auquel on joue avec son cellulaire et qui, en fait, a eu des répercussions assez importantes sur la mobilité des gens.

Il s'agit essentiellement ici de réalité amplifiée. On donnait aux adultes et aux enfants des indices sur les endroits où ils pouvaient trouver différents types de pokémons dans le monde réel. Il y en avait, par exemple, dans Central Park à New York, où tous les gens se retrouvaient.

Le président : Monsieur, nous allons devoir laisser cet exemple précis de côté et essayer de revenir à la question.

La sénatrice veut apporter une précision.

La sénatrice Raine : Je connais le jeu Pokémon Go. J'ai des petits-enfants et je pouvais voir ce que cela faisait. Très rapidement, un nombre incroyable de pokémons étaient cachés près du restaurant McDonald. C'est une arme à double tranchant, mais ce qui m'intéresse davantage, c'est quelque chose qui serait prescrit par un médecin et qui serait utilisé à des fins thérapeutiques.

M. Lafrenz : Je ne connais pas de vraie thérapie ou d'outils utilisés à grande échelle. Toutefois, il y a de nombreuses activités individuelles en Europe. Par exemple, un grand nombre de petites entreprises essaient d'offrir aux enfants des jouets qui comportent une interaction physique. En général, lorsqu'un robot est utilisé en réadaptation, il semble que cela soit attrayant pour les patients. Parfois, cela permet de mobiliser les gens. Les gens sont davantage prêts à faire les exercices lorsqu'ils ont un entraîneur robotisé en quelque sorte.

Ce sont des exemples, mais je ne sais pas s'il existe un système qui est destiné uniquement aux enfants.

La sénatrice Raine : Je ne ferai qu'une observation. Lorsque vous réunissez des intervenants pour parler des priorités en matière de recherche, vous devriez essayer d'intégrer la question de la hausse du taux d'obésité, qui constitue un problème partout dans le monde maintenant. Il serait bon d'y porter attention.

Le président : C'est la suggestion qu'on vous fait.

Nous allons nous arrêter ici. Je cède la parole au sénateur Dean.

Le sénateur Dean : Ma collègue, la sénatrice Frum, a parlé des questions liées à la vie privée, et le secrétaire général, M. Lafrenz, a très brièvement parlé des questions liées à l'éthique. Je me demande si l'on discute des questions éthiques qui sont liées à cela. Je suis sûr que le Parlement européen le fait.

Pourriez-vous parler brièvement des deux, trois ou quatre grandes questions éthiques qui ont surgi par rapport à ces questions? Votre collègue voudrait peut-être ajouter quelque chose également.

M. Lafrenz : Il faudrait que je lise les dernières discussions, soit celles que nous avons eues à ce sujet au Forum européen de robotique qui s'est tenu la semaine dernière. Un grand nombre d'ateliers portaient sur l'éthique, mais la protection de la vie privée et des données fait assurément partie de ces questions. De plus, des questions liées aux situations où des systèmes robotisés devraient pouvoir interagir physiquement avec une personne et à tous les cas d'interaction entre un humain et la robotique ont soulevé des questions éthiques.

Un troisième point important qui a été soulevé concerne les décisions qui doivent être prises, par exemple, si un système autonome, comme un véhicule autonome, ne peut s'arrêter et qu'il doit décider s'il frappe la grand-mère ou l'enfant. Ce type d'aspects réglementaires a une influence sur la prise de décisions.

Ce sont les trois points que je veux soulever en ce qui a trait à l'éthique.

Le président : Concernant le dernier point, dans notre rapport, nous ferons une recommandation sur le choix que devrait faire le véhicule autonome. Votre dernier exemple est manifestement un exemple frappant des problèmes qui se posent dans cette situation.

Au nom du comité, je vous remercie d'avoir pris le temps aujourd'hui de vous rendre dans une salle de vidéoconférence pour nous rencontrer dans une diffusion en direct. Vous avez fourni des réponses très approfondies et des renseignements supplémentaires qui nous seront utiles dans la préparation du rapport.

J'aimerais accepter votre offre, monsieur Lafrenz, et j'espère que vous envisagez cette possibilité aussi, monsieur Kambhampati. Si, au cours des semaines à venir, quelque chose vous vient à l'esprit et que c'est lié à nos discussions et à nos activités, particulièrement si vous voyez des choses progresser qui présentent un intérêt pour nous, veuillez nous le communiquer par l'intermédiaire de notre greffière. Nous vous serions vraiment reconnaissants si vous nous communiquiez d'autres observations.

Nous passons maintenant à un autre sujet. Je vais vous présenter une ébauche de budget pour notre comité, honorables sénateurs.

Ceux d'entre vous qui sont au Sénat depuis un certain temps sauront que notre comité est le plus économe depuis quelque temps. En fait, le budget dont vous êtes saisis correspond à la somme totale pour une période de 12 mois. La part la plus importante est liée à la préparation d'un rapport. Le type de rapports que nous publions ressemble généralement à celui-ci. En ce sens, c'est un budget modeste, mais la plus grande partie porte sur cela.

Nous allons nous déplacer. Ce n'est que la deuxième fois que nous nous déplaçons depuis que je préside le comité ou que je suis membre du comité de direction. Vous serez désolés d'apprendre qu'il s'agit de déplacements dans la magnifique ville d'Ottawa. Celui-ci est un déplacement dans la magnifique ville d'Ottawa. Nous devons examiner les coûts que le comité de direction a approuvés. L'Université d'Ottawa et l'hôpital nous ont vraiment très bien aidés. Ils établissent ce qui, je l'espère, sera une situation pratique. Tout comme pour l'impression 3D dont nous avons parlé ici, cela aidera le comité à savoir où ce type de recherche est effectué, ce qui est fait, dans quel milieu, et cetera.

Chers collègues, je vous soumets ce budget. S'il n'y a pas de questions, je vais vous poser ma question.

Puisqu'il n'y a pas d'interventions, permettez-moi de poser la question, de sorte que nous suivions officiellement le Règlement du Sénat.

Est-il convenu que dans le cadre de l'étude du comité sur le rôle de la robotique, de l'intelligence artificielle et de l'impression 3D dans le système de santé, un budget de 8 300 $ pour l'exercice se terminant le 31 mars 2018 soit approuvé et présenté au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, après l'examen final réalisé par l'administration du Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci, chers collègues. Il est nécessaire de le faire avant que je passe à l'autre étape. Je vous remercie. Je ne crois pas qu'il y ait d'autres travaux à l'ordre du jour.

Je vais simplement vous expliquer ce qui se passera, grosso modo. La semaine prochaine, nous commencerons une étude de deux semaines du projet de loi S-5. Normalement, nous donnons au parrain et au porte-parole du projet de loi les premières questions pour chaque tour. Nous nous limiterons à une question par personne pour chaque tour. Nous croyons avoir une liste de témoins très équilibrée. Vous recevez tous un nombre considérable de choses, mais je crois que la plupart d'entre vous, même si vous n'êtes pas au Sénat depuis longtemps, sont capables de savoir lorsqu'une approche rationnelle est adoptée.

Nous croyons que les questions sont couvertes par la liste des témoins. Nous croyons que la liste est très bonne.

Comme vous le savez, dans ces questions, il y a des gens qui peuvent retirer un avantage personnel de leur comparution à la télévision devant un comité sénatorial. Je sais que vous connaissez la nature humaine à cet égard; donc, veuillez tenir compte de tous ces facteurs.

Nous avons donc un comité de direction qui représente les quatre groupes au Sénat maintenant, ce qui inclut le parrain du projet de loi dans ce cas. Nous croyons que nous avons bien représenté les questions qui ont été signalées et il vous appartiendra d'interpréter les témoignages que nous entendrons.

C'est ce qui nous occupera au cours des deux prochaines semaines. Par la suite, nous reviendrons à notre étude pendant deux semaines et nous aurons peut-être le temps de la terminer. Nous serons ensuite saisis d'une série de projets de loi d'initiative parlementaire qui, pour la plupart, ne nous prendront pas plus qu'une journée, et même la moitié d'une réunion dans certains cas. Nous essayerons de procéder le plus rapidement possible.

Le hic, c'est qu'on ignore quelles parties de la Loi d'exécution du budget nous seront soumises. Habituellement, notre comité en reçoit deux ou trois. Si c'est le cas cette fois-ci, selon leur longueur, nous devrons peut-être même prévoir des réunions supplémentaires. Nous essayons d'éviter cela dans la mesure du possible, mais cela peut arriver.

J'aurais dû vous dire — je vous remercie, Shaila — que la visite que vous venez d'approuver est prévue le lundi 15 mai, en après-midi, de sorte que cela ne nuira pas aux travaux du Sénat.

Je vous le dis à l'avance. La greffière vous enverra un préavis normal, mais cela vous donnera plus de temps.

Le sénateur Cormier : Nous aurons le temps de préparer nos bagages. Puisque c'est mon premier déplacement, je serai ravi de me préparer.

Le président : À titre de sénateur, vous avez droit à un aide de camp et à d'autres types de soutien logistique. Les mesures de sécurité ont déjà été prises.

Avez-vous d'autres questions?

La sénatrice Hartling : Ai-je bien vu quelque part que nous nous rencontrerons le 10 avril?

Le président : Oui, une réunion de trois heures est prévue le 10 avril, en après-midi. Nous commencerons nos travaux à 13 h 30. À titre informatif, un représentant du système de santé du Royaume-Uni comparaîtra au cours de la première heure. Des mesures dont nous discutons ont été mises en œuvre là-bas. Cette personne sera en mesure de nous parler de leur expérience. Je crois que cela vous sera extrêmement utile. En fait, en plus d'entendre les autres témoins habituels, nous entendrons parler de l'expérience du Royaume-Uni sur le plan législatif concernant certaines des questions qui font l'objet de fortes pressions actuellement.

Nous sommes très heureux d'avoir pu prévoir cette réunion pour vous.

La sénatrice Raine : D'après mon examen du projet de loi jusqu'à maintenant, il semble qu'il compte deux parties. Est-il possible de scinder le projet de loi?

Le président : Non, sénatrice Raine, seulement si l'on présente une motion au cours d'une réunion du comité pour le recommander et qu'il y a un appui sans réserve à cet égard.

La sénatrice Raine : Suis-je la seule ici qui sois d'avis que ce sont deux sujets distincts?

Le président : Il serait malvenu que nous en discutions à ce moment-ci. Nous siégeons à huis clos, et ce n'est pas à l'ordre du jour de la réunion. Je vous ai expliqué les mécanismes à suivre aux termes du Règlement du Sénat à cet égard. Il en sera question pendant l'étude du projet de loi.

D'autres questions?

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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