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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 23 - Témoignages du 11 mai 2017


OTTAWA, le jeudi 11 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour poursuivre son étude sur le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis président du comité. J'aimerais inviter mes collègues à se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur René Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis également vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues. J'aimerais vous rappeler que nous poursuivons notre étude sur le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé.

Nous sommes très heureux d'accueillir nos trois témoins d'aujourd'hui. Ils sont répartis en deux groupes. Je les présenterai à mesure que je les inviterai à livrer leur exposé. Je suivrai l'ordre de la liste, qui est acceptable, d'après ce que je comprends.

J'invite donc Dr Ivar Mendez, président de la chirurgie, Université de la Saskatchewan, qui comparaît à titre personnel. Docteur Mendez, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Veuillez livrer votre exposé.

Dr Ivar Mendez, président de la chirurgie, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Bonjour. Je remercie votre comité de me donner l'occasion de présenter nos travaux liés à l'utilisation de la technologie des robots de téléprésence dans la prestation des soins de santé. Je parlerai également de notre expérience avec l'impression 3D et la réalité virtuelle dans le cadre de la planification des interventions chirurgicales.

Nous avons axé nos travaux sur l'utilisation des technologies robotiques pour résoudre le problème fondamental de l'accès à la prestation des soins de santé au Canada. Par exemple, si vous tracez une ligne d'un bout à l'autre du pays sur une carte du Canada, vous constaterez qu'il est très difficile, pour les personnes qui vivent au nord de cette ligne, d'avoir accès à des soins de santé, non seulement à des soins de santé primaires ou à des soins d'urgence, mais également à des soins réguliers.

Si vous habitez au Nunavut ou dans le nord de la Saskatchewan et qu'un chirurgien de Saskatoon doit vous opérer au genou, il se peut que vous deviez faire un voyage de trois jours pour effectuer l'examen de suivi de votre genou. Le rendez- vous pourrait durer cinq minutes et le médecin ne fera que s'assurer que votre genou guérit bien.

Cette question de l'accès représente un problème fondamental. En effet, il y a manifestement des lacunes en ce qui concerne l'accès aux soins de santé dans ces régions éloignées, et il s'agit surtout de collectivités des Premières Nations qui ont de piètres indicateurs relatifs aux soins de santé comparativement au reste du Canada. Certains de ces indicateurs sont réellement épouvantables, par exemple les taux de tuberculose, car ils sont comparables aux taux dans les pays en développement. Nous avons utilisé la technologie de pointe des robots de téléprésence pour déterminer si elle peut servir d'outil pour améliorer l'accès des collectivités moins bien desservies, mais qui ont les plus grands besoins.

En quoi consiste cette technologie? Si vous examinez le graphique que nous avons ici, vous comprendrez l'une des raisons pour lesquelles j'ai quitté la Nouvelle-Écosse pour la Saskatchewan. En effet, la population rurale de la Saskatchewan est l'une des plus élevées en proportion de la population urbaine. On peut voir qu'environ 37 p. 100 des enfants du groupe d'âge de 0 à 4 ans en Saskatchewan vivent dans des collectivités qui ont moins de 1 000 habitants. Cela signifie qu'ils ont de la difficulté à avoir accès à des soins de santé.

Nous avons utilisé des systèmes de robotiques appelés « téléprésence ». L'appellation « téléprésence » signifie que les médecins peuvent intervenir à distance dans une région éloignée.

Par exemple, ce matin, à partir de ma chambre d'hôtel, j'ai activé l'un des robots qui se trouvent à Saskatoon et j'ai vu six patients que j'avais opérés la semaine dernière, et j'ai décidé que trois d'entre eux étaient prêts à retourner à la maison. J'ai été en mesure de parler à mon résident et au personnel infirmier pour prendre des décisions liées au traitement et au suivi de ces patients.

La particularité de cette technologie des robots de téléprésence, c'est qu'on peut y avoir accès par l'entremise d'une infrastructure de télécommunications ordinaire comme le réseau sans fil de mon hôtel. Si je reçois un appel, je peux utiliser mon iPhone et activer l'un des robots qui se trouvent à La Loche, dans le nord de la Saskatchewan.

Cette technologie présente un avantage important, c'est-à-dire qu'elle fonctionne non seulement sur l'infrastructure de télécommunications ordinaire, mais elle est également conforme aux dispositions de la HIPPA. Cela signifie que le signal qui relie mon téléphone au robot est soumis à un chiffrement complet qui assure la confidentialité, contrairement à FaceTime, par exemple. La durabilité du signal est telle, qu'on peut en fait effectuer une intervention médicale à distance.

Je vous démontre ici la capacité d'activer le robot avec un ordinateur portable ou avec un iPhone. Voici les robots qui se trouvent dans ces différents endroits. Ils sont branchés dans une prise murale et ils sont équipés de chargeurs qui leur permettent de se recharger continuellement. Sans aucune intervention humaine, je peux activer et conduire le robot où je veux l'amener, par exemple au poste de soins infirmiers et ensuite dans la chambre du patient pour voir le patient.

Je peux non seulement effectuer toutes ces tâches, mais la plupart des systèmes complexes contiennent maintenant un plan de l'hôpital. Par exemple, si l'hôpital de Stony Rapids, dans le nord de la Saskatchewan — que je n'ai jamais visité —, me demande d'effectuer une consultation, je peux communiquer le nom du patient et le numéro de sa chambre au robot. Ensuite, le robot se déplacera automatiquement et de façon autonome dans les corridors où se trouvent des gens, des instruments et de l'équipement. Il se rendra dans la chambre du patient et identifiera ce patient grâce à la technologie de reconnaissance faciale. Le robot m'appellera ensuite sur mon téléphone cellulaire pour me faire savoir que le patient est prêt pour la consultation. La technologie a suffisamment évolué pour que je puisse faire cela.

On peut effectuer des examens et utiliser l'équipement périphérique de ces robots, par exemple un otoscope, un électrocardiogramme ou une échographie. Si un patient souffre de douleurs à la poitrine, je peux non seulement écouter son cœur, mais je peux également effectuer un électrocardiogramme. Je peux également effectuer des travaux de laboratoire pour déterminer l'état du cœur. Je peux non seulement faire cela dans un hôpital, mais si une personne située à Nain, au Labrador, m'appelle parce qu'elle souffre de douleurs à la poitrine, je peux envoyer un infirmer ou une infirmière avec l'un des systèmes portatifs. Ensuite, j'appelle le médecin dans une boîte apportée au domicile pour effectuer toutes les interventions qui permettent de déterminer si la personne souffre d'un problème cardiaque et, s'il s'agit seulement d'une indigestion, pour orienter le patient.

Nous avons mis sur pied ce programme de téléprésence à l'Université de la Saskatchewan. Je suis fier de dire qu'il s'agit probablement de l'un des programmes de téléprésence les plus perfectionnés dans le monde. Il suffit d'une demi- heure de formation pour qu'un médecin soit en mesure de l'utiliser.

L'étape suivante consiste à mener des études scientifiques pour déterminer si ce système fait réellement une différence. Nous avons lancé ce projet en examinant deux des principales préoccupations de ces collectivités. Nous avons demandé à leurs habitants quelle était leur priorité. Ils ont répondu deux choses. Tout d'abord, lorsque des enfants sont gravement malades, par exemple un bébé bleu qu'on amène à l'urgence, car il souffre de détresse respiratoire. Habituellement, dans ces cas, les médecins et le personnel infirmier appellent immédiatement une équipe de transport à Saskatoon pour venir chercher ce bébé en avion. Toutefois, si les conditions météorologiques sont mauvaises ou s'il y a des retards, le bébé peut mourir ou avoir des blessures permanentes.

La deuxième priorité est liée aux soins prénataux pour les jeunes mères. J'aimerais vous montrer certains tableaux. Nous avons mené une étude dans une collectivité de 2 700 habitants appelée Pelican Narrows; elle est située à environ sept heures de Saskatoon. Nous y avons envoyé un robot et nous avons ensuite étudié une autre collectivité de la même région éloignée, mais où il n'y avait pas de robot.

J'aimerais que vous regardiez en bas de ce tableau, dans la case « Score ÉTG moyen en pédiatrie ». Il s'agit du score de la gravité de l'état du patient, c'est-à-dire dans quelle mesure ce patient est gravement malade. Au départ, l'état des patients était le même dans la collectivité de « contrôle » et dans la collectivité qui avait le robot, car nous voulions nous assurer de comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges.

Ensuite, nous examinons le taux de transport. Dans la collectivité de contrôle, c'est-à-dire celle qui n'avait pas de robot, on a dû transporter 100 p. 100 des patients, car c'est la procédure automatique. Ces patients ont été transportés à Saskatoon. Dans la collectivité avec le robot, seulement 37 p. 100 des patients ont dû être transportés. Cela signifie que 63 p. 100 des patients ont été traités avec succès dans leur propre collectivité.

Sur le plan de l'efficacité des coûts, il faut savoir que l'un de ces robots coûte environ 70 000 $US. Par contre, chaque fois que nous envoyons un avion, il faut débourser environ 10 000 $. Sur une période de 13 mois, dans cette petite collectivité, nous avons épargné 240 000 $ seulement pour les coûts liés au transport. Une personne transportée à Saskatoon ne sera pas de retour à la maison avant cinq jours, car son séjour dure environ cinq jours. Nous avons également raccourci la durée de ces séjours pour les habitants de ces collectivités. Au bout du compte, nous avons non seulement été en mesure de fournir des soins cliniques efficaces à ces patients dans leur propre collectivité, mais ces interventions étaient également efficaces sur le plan des coûts.

Je sais que je vais manquer de temps, mais je tiens à vous dire que nous avons utilisé ces systèmes pour effectuer des écographies prénatales. En effet, l'un des gros problèmes liés à la mortalité infantile et maternelle concerne les soins prénataux. Dans les collectivités du Nord, on n'a pas accès aux échographies prénatales. Nous avons testé la première échographie télérobotique dans le monde, c'est-à-dire qu'un expert en échographie situé à Saskatoon peut mener une échographie dans une collectivité située à une distance de 1 000 kilomètres.

Il n'est pas nécessaire qu'un expert soit présent dans la collectivité en question; il faut simplement qu'une personne tienne ce cadre, car c'est l'expert qui manipule la sonde échographique. Lorsque nous comparons les échographies directes aux échographies télérobotiques menées à distance, nous ne trouvons aucune différence.

J'aimerais terminer en disant que selon moi, cette technologie pourrait permettre de combler l'écart créé par les inégalités dans la prestation des soins de santé dans les collectivités mal desservies.

Le président : Nous entendrons maintenant les représentants de l'hôpital Humber River. Nous accueillons donc Barbara Collins, présidente et chef de la direction, et Peter Bak, dirigeant principal de l'information.

Vous avez la parole. D'après ce que je comprends, vous partagez un exposé.

Barbara Collins, présidente et chef de la direction, Humber River Hospital : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous avoir invités à vous parler aujourd'hui. Nous sommes très heureux que vous partagiez notre intérêt à l'égard des soins de santé numériques et des changements qu'ils peuvent apporter.

Nous avons eu le grand plaisir de construire un nouvel hôpital, c'est-à-dire l'hôpital Humber River, à Toronto. Il a ouvert ses portes en octobre 2015. On reconnaît qu'il s'agit du premier hôpital complètement numérique en Amérique du Nord. Vous pourrez voir — pas nécessairement dans la conversation que nous aurons aujourd'hui, mais grâce à la vidéo sur l'hôpital que nous vous avons laissée — ses nombreux avantages, certaines de ses technologies uniques et des renseignements sur la façon dont cela a permis de réduire nos coûts.

Nous considérons que la construction d'un nouvel hôpital représente une occasion unique. En effet, notre équipe de direction a jugé qu'il s'agissait d'une occasion d'ébranler le statu quo dans les soins de santé et d'envisager différentes façons d'offrir des soins.

Ce qui nous a réellement motivés à ébranler le milieu des soins de santé, ce sont certaines statistiques intéressantes, par exemple le fait que les dépenses publiques en matière de soins de santé au Canada s'élèvent à 149 milliards de dollars par année. Les hôpitaux représentent environ 62 milliards de dollars partout au Canada. En effet, un lit d'hôpital coûte en moyenne 7 000 $ par jour, soit de 5 000 à 11 000 $. Environ 72 p. 100 de cette somme sert à payer le personnel et les gens qui sont dans l'hôpital et qui fournissent des soins. Plus de 75 p 100 des hôpitaux sont occupés par des patients qui ont plus de 75 ans. Vous connaissez tous les statistiques qui signalent que ce nombre augmente rapidement.

Voilà donc quelques facteurs, mais un autre facteur très important pour nous tous, c'est le fait qu'un préjudice médical peut se produire dans les soins de santé tout simplement en raison de la vitesse et de l'obligation de faire certaines choses. En effet, des preuves récentes laissent croire qu'un patient hospitalisé sur 18 a vécu un certain type de préjudice pendant son séjour. C'est un nombre élevé. Selon mon expérience de fournisseuse de soins de santé depuis de nombreuses années, c'est souvent attribuable à un manque de communication. Nous voulions donc utiliser cette occasion pour tenter de changer cette situation.

Nous avons examiné la prestation des soins de santé dans un grand nombre de pays. Quelques facteurs étaient très importants pour nous. Tout d'abord, l'hôpital de l'avenir est un endroit où l'on fournit des soins actifs et des soins intensifs, mais nous devrions éviter le plus possible aux gens de devoir aller à l'hôpital. Nous devrions prendre soin des gens à la maison, dans leur collectivité et dans les établissements de soins de santé de longue durée près de chez eux. Notre objectif était de comprendre comment y arriver et de tenter de réduire les coûts liés aux soins de santé.

Nous avons examiné la situation d'autres cultures et d'autres pays où l'on mène différentes interventions, et nous avons tiré des leçons de ces façons de procéder, mais il est évident que dans la mesure du possible, les personnes âgées doivent éviter de se retrouver dans les hôpitaux. Des pays comme le Danemark et Hong Kong construisent de nouveaux hôpitaux qui contiennent moins de lits, car leur objectif est de mettre sur pied ce type de processus. C'est très important pour l'hôpital Humber.

Notre conversion au numérique a duré plusieurs années, et nous avons enfin ouvert l'hôpital. Dans le cadre de cette transformation, nous avons fourni un effort conscient pour veiller à ce que tous les renseignements soient électroniques, afin d'avoir des données exploitables. Lorsqu'un évènement était enregistré ou se produisait, nous l'observions et les données pouvaient engendrer la prise de mesures. Nous vous donnerons quelques exemples liés à la mobilité et à la connexion.

Nous tenions à ce que chaque fois qu'on avait les renseignements exacts, la bonne personne et l'heure et l'endroit exacts, tout cela soit mobile ou utilisable par le fournisseur de soins.

Il est très important d'autonomiser les patients. En effet, les patients peuvent participer à leurs soins et nous aider, mais il faut les faire participer à ces soins et leur fournir les renseignements que nous avons. Enfin, nous voulions envisager l'automatisation, car cela accroît la fiabilité, la sécurité et l'efficacité des soins de santé.

Peter Bak, dirigeant principal de l'information, Humber River Hospital : Nous avons déterminé que notre investissement dans l'infrastructure numérique d'un hôpital visait une transformation numérique globale. Nous constatons que cela se fait maintenant dans plusieurs hôpitaux de l'Ontario, ainsi que dans des hôpitaux ailleurs au pays. Nous tentons de trouver des façons d'utiliser cette technologie pour fournir des soins de santé plus sécuritaires, plus efficaces et de meilleure qualité.

Mme Collins a mentionné des éléments clés de notre stratégie, et je vais approfondir quelques-uns d'entre eux. Tout d'abord, nous jugeons qu'il est nécessaire que les renseignements soient électroniques. En effet, dans le milieu des soins de santé, les fournisseurs parlent tous de dossiers électroniques pour les patients. Nous pensons certainement que c'est avantageux, mais ce n'est pas seulement le dossier qui devrait être en format numérique; nous devrions également convertir une grande partie des renseignements liés à l'édifice.

Nous utilisons les technologies pour suivre les biens et les gens. Nous savons où se trouvent les gens et nous pouvons profiter de ces renseignements pour améliorer le déroulement du travail et l'efficacité des mesures prises. Nous assurons également le suivi de nombreux renseignements liés à l'édifice. Dans le milieu du bâtiment, on parle de la notion d'édifices intelligents. Ces choses contribuent à améliorer l'efficacité énergétique, mais elles nous permettent également d'observer ce qui se passe à l'intérieur de notre édifice, car cela a des répercussions sur la capacité de fournir des soins plus efficacement.

L'aspect mobile et connecté est primordial. Le fait d'être connecté aux bonnes données, à la bonne personne et à la bonne équipe favorise considérablement la sécurité et la qualité. Nous avons mis en œuvre toutes ces technologies dans notre installation et les avons intégrées de manière à améliorer le déroulement de certaines tâches et à automatiser l'activité des gens et des systèmes.

Voici un excellent exemple de ces démarches. Nous avons implanté un grand nombre de dispositifs robotisés, combinés à des logiciels électroniques, pour faciliter la gestion des médicaments à la pharmacie, où un système de distribution des médicaments automatisé prépare les médicaments en petits paquets, que nous appelons « doses unitaires ». Ils arborent tous un code à barres. Le médecin prescrit les médicaments par voie électronique. Ces prescriptions sont vérifiées par des pharmaciens et sont entrées directement dans la machine qui fournit les médicaments commandés et les dispose sur ce que nous appelons un anneau. Cet anneau est déposé dans un contenant qui est livré aux unités qui utilisent des robots, qui sont des véhicules guidés automatisés qui circulent de manière autonome. Ils ramassent les fournitures et les médicaments pour les amener aux étages.

Une fois que les médicaments sont rendus sur les étages, les infirmières les administreront aux patients en utilisant des techniques de vérification bien comprises pour éviter de leur donner les mauvais médicaments. C'est là un problème bien connu dans le domaine des soins de santé et une cause importante d'erreur. Nous considérons qu'il y a bien des avantages à combiner toutes des techniques.

Je demanderai à Mme Collins d'ajouter quelque chose.

Mme Collins : Quand on effectue du travail en laboratoire, on doit connaître les renseignements sur les médicaments et les patients. Il est donc utile que ces renseignements soient entrés dans le tableau, car on n'a pas à s'en occuper parce que le système fait automatiquement en sorte que les choses fonctionnent.

Au chevet des patients, les infirmières balaient l'étiquette d'identification du patient et le code à barres du médicament, et savent ainsi qu'elles administrent le bon médicament au patient. Le système le confirme automatiquement. Ce sont des démarches importantes dans le domaine des soins de santé. Nous disposons d'un grand nombre de ces systèmes dans les laboratoires en ce qui concerne le sang, la chimiothérapie et un certain nombre de choses. Ils nous permettent d'éviter des étapes, d'économiser du temps et de rendre les soins de santé plus sécuritaires.

La deuxième vidéo que nous vous avons laissée porte sur les efforts que nous déployons pour devenir un hôpital à haute fiabilité. Nous poursuivons nos initiatives de numérisation. Nous réunissons nos données et nos activités dans un centre de commandement doté d'une équipe coordonnée qui gérera ces données en temps réel sur 25 ou 30 écrans en même temps en recourant à l'analyse et à surveillance prédictives pour éviter les incidents qui ne doivent jamais survenir, accélérer la circulation des patients dans l'hôpital, comprendre quels congés ont été retardés et accélérer le processus afin d'économiser des journées. Cela permettra non seulement de prodiguer des soins de santé plus sécuritaires, mais aussi d'accroître la capacité tout en ayant besoin de moins de personnel et en imposant moins de stress aux patients.

Notre modèle de centre de commandement s'occupera non seulement de gérer les problèmes relatifs aux soins aux patients qui pourraient survenir, mais aussi des activités cliniques, des reports de soins ou de toute question pouvant se poser.

M. Bak : Ce qui est intéressant à propos de notre centre de commandement, c'est qu'il s'agit d'une suite naturelle de notre initiative de transformation numérique, laquelle a elle-même offert de nombreux avantages pour l'hôpital. Nous avons amélioré l'efficacité et la qualité, et réduit les coûts.

Grâce à elle, nous disposons de données utiles qui nous permettent de savoir ce qu'il se passe dans notre organisation. En réunissant ces données dans le centre de commandement avec toute une série de schémas opérationnels, nous aurons l'occasion de vraiment changer la donne dans notre installation.

Mme Collins : On peut voir le centre de commandement comme une sorte de centre de contrôle de la circulation. Un grand nombre d'industries utilisent de tels centres, mais pas le secteur des soins de santé. Quand des avions sillonnent le ciel, tout le monde sait ce qu'il se passe : on connaît la température qu'il fait à bord et on sait si l'appareil traverse des turbulences. Pourtant, nous n'assurons pas de pareille surveillance, alors que nous hébergeons de nombreux patients avec les problèmes dont je vous ai fait part.

Humber s'oriente dans cette direction, non seulement pour assurer la circulation et le transport harmonieux des patients dans l'hôpital et savoir ce qu'il se passe dans les services, mais particulièrement pour mettre en œuvre la deuxième phase de notre projet. Grâce à nos données, le centre de contrôle saura quand des événements qui ne devraient jamais se produire surviennent parce qu'un protocole n'a pas été respecté ou qu'un soin n'a pas été prodigué en temps opportun, et pourra intervenir et aider le personnel à agir dans les règles de l'art en indiquant où le problème de pose.

Le troisième élément de notre centre fait complément à ce dont le Dr Mendez a parlé. Bien des gens pourraient être soignés à domicile grâce à des appareils portables ou à des méthodes leur permettant d'assurer leur propre suivi, mais parfois, ils ne savent pas quoi faire. Ils ne suivent pas les instructions ou ne se rendent pas compte qu'ils se sentent moins bien. Nous pouvons surveiller ce genre de patient depuis le centre de contrôle et communiquer avec eux ou leur envoyer un préposé aux soins à domicile en cas de problème. Nous pouvons ramener les patients à l'hôpital pour une visite ponctuelle plutôt que d'attendre que leur état se détériore. Nous éviterions ainsi qu'ils se retrouvent à l'urgence, plus malade qu'ils ne l'étaient, parce que nous ignorions que leur appareil ne fonctionnait pas ou qu'ils n'y portaient pas attention.

Nous comptons ouvrir notre centre de commandement à la fin de l'année. Nous avons abattu une bonne partie du travail nécessaire, avons élaboré les systèmes qui sont en place et instaurerons le centre en trois phases.

Le président : Je vais maintenant laisser mes collègues vous poser des questions.

Le sénateur Eggleton : Merci de vos fascinants exposés. Nous sommes enchantés d'apprendre ce que le milieu hospitalier est maintenant capable d'accomplir grâce aux nouvelles technologies et aux technologies de pointe.

Je veux vous interroger au sujet de trois préoccupations qui ont été soulevées au cours de nos séances à propos des nouvelles technologies. La première concerne la perte d'emplois, car on craint que même si la robotique offre de nouvelles occasions dans le domaine de la haute technologie, des emplois à faible coefficient de technologie puissent disparaître. J'aimerais connaître votre expérience à cet égard.

Ma deuxième question porte sur le niveau d'aisance des patients, particulièrement à l'égard des robots. Un grand nombre de patients sont âgés, bien entendu.

Ma troisième question concerne les données. L'intelligence artificielle a besoin de sommes considérables de données sur les patients pour fonctionner de façon optimale. Voilà qui soulève des questions quant à l'éthique et à la protection des renseignements personnels.

Qu'auriez-vous à répondre à ces trois questions?

Dr Mendez : Ce sont des questions fort pertinentes. Il importe de vous expliquer l'expérience que nous avons connue au cours des trois dernières années dans le cadre du déploiement des robots de téléprésence en Saskatchewan. Nous utilisons 17 systèmes dans diverses communautés de la province.

Vous vouliez d'abord savoir s'il y a des pertes d'emplois et si les robots remplacent l'humain. Le robot n'est qu'un outil et ne pourrait jamais remplacer l'être humain. Il facilite toutefois le travail de l'expert, en aidant une infirmière en poste dans une communauté éloignée, par exemple.

Nous avons constaté qu'il n'y a pas de pertes d'emploi, au contraire : il est fort difficile d'attirer des infirmières ou des médecins dans les régions très éloignées parce qu'ils y sont confrontés à des problèmes difficiles qui dépassent leur formation, ce qui provoque un stress considérable dans le cadre de leur travail. Nous nous sommes aperçus que lorsque nous déployons des systèmes robotisés permettant une communication constante avec des experts, deux choses se passent. Le taux de rétention s'accroît, car les gens veulent rester parce qu'ils ont du soutien. Mais surtout, le recrutement augmente, car tout le monde veut travailler dans les centres qui utilisent des robots, parce que les gens sont en communication avec des experts et bénéficient de leur soutien dans les centres de soins tertiaires. Nous avons donc le problème inverse; c'est du moins ce que nous avons observé ces trois dernières années.

Vous avez également soulevé la question de l'interaction des patients avec un robot. Préféreraient-ils voir un médecin en chair et en os? C'est très intéressant, particulièrement au regard de l'expérience que nous avons eue avec les communautés des Premières nations. L'interaction est naturelle pour quelqu'un qui n'a jamais vu de robot et qui, pour la première fois, voit entrer dans la salle d'urgence un robot montrant le visage d'un médecin qui se trouve Saskatoon. Il ne s'agit pas d'un simple médecin : c'est en fait un neurochirurgien qui examinera un patient qui n'aurait jamais rencontré un chirurgien dans sa communauté éloignée. L'interaction est très naturelle, et le patient oublie le médium, c'est-à-dire le robot, pour agir en interaction directe avec le médecin.

Nous avons réalisé des sondages sur les habitants des régions concernées. Je veux vous raconter une anecdote importante. Quand j'étais à Halifax, nous avons déployé notre tout premier robot dans la communauté de Nain, dans le Nord du Labrador, où nous avons effectué une étude pendant un an. J'ai ensuite envoyé des techniciens en avion pour récupérer le robot. Quand ils sont entrés dans l'infirmerie, ils ont constaté qu'il n'était pas là. Les citoyens de Nain l'avaient caché dans une de leurs maisons parce qu'ils ne voulaient pas le laisser partir. Les patients âgés qui ne se seraient jamais rendus à Happy Valley-Goose Bay en avion pour passer un électrocardiogramme ou les gens qui avaient besoin de soins de santé mentale pouvaient aller à l'infirmerie pour obtenir ces services grâce au robot. C'est très intéressant.

Mme Collins a évoqué la question de l'intelligence artificielle. Nous avons besoin des renseignements pour suivre nos patients. Nos voitures sont dotées de 100 capteurs pour que nous sachions que nous approchons de quelque chose que nous risquons de heurter. Nous ne disposons pas de tels dispositifs dans le domaine des soins de santé. Or, les solutions d'intelligence artificielle pourraient nous aider à suivre en temps réel la glycémie des patients pour savoir si leur état se détériore; nous pourrions ainsi prévoir une visite à la clinique avant qu'ils ne deviennent malades.

Mme Collins : Je veux ajouter quelque chose à propos de l'acceptation de la technologie par les patients. Nous soignons des patients âgés à l'hôpital, et nous sommes toujours surpris. Ils ont besoin d'un peu d'éducation au sujet de la technologie; ils n'interagissent donc pas avec le robot, mais avec la technologie. Les données indiquent que si on leur permet de savoir ce qu'il se passe et d'avoir un certain contrôle sur leur environnement, les patients et leurs familles sont plus satisfaits et participent davantage aux soins.

Pendant l'année au cours de laquelle nous avons été ouverts, la satisfaction des patients a augmenté de près de 20 p. 100. Nous croyons vraiment qu'ils doivent pouvoir avoir accès à leurs renseignements, avoir un certain contrôle sur leur environnement et comprendre ce qu'il se passe. Le personnel que nous n'aurions peut-être pas eu besoin d'embaucher nous a permis d'affecter un plus grand nombre d'employés au chevet des patients pour communiquer avec eux et les aider dans le cadre du processus d'apprentissage. Cela a été bénéfique également.

Le sénateur Eggleton : Aucun d'entre vous n'a toutefois répondu à la question sur l'éthique et la protection des renseignements personnels. Comment gardez-vous le contrôle des données?

M. Bak : Notre hôpital étant numérique, la protection des renseignements personnels et la sécurité des données nous tiennent à cœur. Je me préoccupe de la protection des renseignements personnels dans un milieu aussi numérique, mais encore plus de la perturbation potentielle de nos systèmes en cas d'attaque. Il est absolument essentiel, mais faisable, d'instaurer de solides mesures de sécurité. Il faut toutefois aussi avoir des gens qui comprennent bien la question et qui possèdent les compétences nécessaires. Il existe de nombreuses technologies que l'on peut déployer pour se protéger des attaques et de la fuite inappropriée d'information. Cela exige beaucoup d'attention.

Mme Collins : Et beaucoup de détermination. Il importe d'être déterminé quand on met en œuvre une initiative de numérisation.

La sénatrice Seidman : Merci de vos exposés. Docteur Mendez, vous avez indiqué que les solutions de téléprésence s'adressent aux régions situées en haut de la ligne rouge sur la carte qui figure dans les documents que vous nous avez remis.

Je regarde l'ensemble de la carte et je réfléchis. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Collins quand elle indique que son concept d'hôpital concerne les soins actifs et la traumatologie. Je comprends parfaitement. Mais que fait-on du reste? Cette étude et vos exposés me convainquent de plus en plus que les soins communautaires sont promis à un avenir florissant.

Docteur Mendez, j'imagine que la technologie de téléprésence que vous utilisez exclusivement dans les régions éloignées pourrait nous aider à résoudre le problème dont on entend souvent parler ces temps-ci au sujet des répercussions du vieillissement de la population sur notre système de soins de santé et sur les soins communautaires. Malheureusement, les hôpitaux deviennent le premier et le dernier point d'entrée pour recevoir des soins ces temps-ci. Vous nous présentez une vision nouvelle et prometteuse du vieillissement, comme vous le savez certainement. Il y avait des bibliothèques ambulantes, des vendeurs de crème glacée et tout un éventail de fournisseurs de services qui sillonnaient les communautés à une époque.

Avec ce genre de technologie de téléprésence, de systèmes de diagnostic, de traitement, de triage et de suivi, pourriez- vous envisager une sorte de système mobile qui permettrait de fournir des soins aux aînés qui souhaitent demeurer aussi longtemps que possible dans leurs communautés?

Dr Mendez : J'envisage une transition entre un modèle de soins de santé centralisés et un concept de points de prestation de soins de santé. Nous accusons du retard par rapport à d'autres industries, comme celles des banques et du transport aérien. Dans le domaine des soins de santé, l'accès en temps opportun est crucial. Il faut voir le patient quand les symptômes se manifestent, pas quand il est tellement malade que bien des choses peuvent se passer.

Nous avons mis l'accent sur le service aux communautés, parce que même des choses simples sont pour ces dernières une question de vie ou de mort. C'est une priorité de notre programme. Nous avons toutefois lancé deux programmes à Saskatoon. Je suis neurochirurgien, et chaque jour, l'hôpital est plein parce que les salles d'urgence sont occupées à capacité maximale et que tous les lits sont pris. Nous devons annuler des chirurgies parce qu'il n'y a pas de lit pour mes patients après l'opération. Quand on observe les gens qui se trouvent dans les salles d'urgence, on constate qu'il s'agit en grande partie d'aînés dont le médecin de famille ne s'est pas occupé ou qui demeurent dans des installations de soins de longue durée où le premier point d'entrée est la salle d'urgence.

Nous avons donc lancé un programme appelé « personnel paramédical en communautés éloignées », dans le cadre duquel du personnel paramédical se rend dans des installations de soins de longue durée et au domicile de personnes âgées en y amenant le médecin avec eux dans une boîte afin d'effectuer l'évaluation initiale. Si un médecin doit prendre une décision au sujet du triage ou du traitement du patient, ces intervenants peuvent communiquer avec les médecins qui sont sur appel à l'hôpital. Ils peuvent ainsi examiner le patient et décider s'il peut être traité à domicile ou s'il doit de rendre à l'hôpital.

Les résultats préliminaires de cette étude montrent qu'on peut éviter 75 p. 100 des envois à la salle d'urgence. Oui, c'est une conséquence naturelle de la technologie.

M. Bak : Nous faisons pas mal le même constat. Comme Mme Collins l'a souligné dans notre exposé, notre objectif consiste entre autres à faire en sorte que les patients soient examinés ou traités avant même de venir à l'hôpital, ce dernier étant l'endroit le plus cher où se rendre.

Il y a beaucoup de technologies portables. Le robot du Dr Mendez est un exemple de technologie qui permet de faire un grand nombre de diagnostics, mais qui est à l'autre bout pour étudier les données et prendre une décision? C'est là que nous constatons que les compétences du personnel peuvent commencer à jouer un rôle crucial dans le milieu hospitalier. Pour que les données circulent et que les médecins et les infirmières puissent prendre des décisions, ils doivent être disponibles à cette fin.

C'est là où le centre de commandement intervient. Il sera doté en personnel par des employés compétents en permanence, si bien que vous serez en mesure de surveiller bien plus d'établissements que seulement votre hôpital. Vous pourrez surveiller tous les intervenants. Un élément important est que vous ne passez pas votre temps à surveiller des installations qui fonctionnent bien. Vous voulez vous pencher sur ce qui va mal. C'est là où l'automatisation, l'intelligence artificielle et l'informatique cognitive entrent en ligne de compte, car elles vous fourniront les analyses dont vous avez besoin pour dire, « Ici, portez attention à ceci; ne vous préoccupez pas de tout le reste ».

C'est ce qui se passera, d'après nous, au cours des prochaines années lorsque notre centre de commandement deviendra une plaque tournante. Ensuite, nous devrons élaborer des programmes conjointement avec nos fournisseurs communautaires pour pouvoir leur dire : « Allez voir cette personne et aidez-la. »

[Français]

La sénatrice Mégie : Je suis très heureuse de constater que toutes les institutions de santé font face à ce grave problème d'erreurs liées aux médicaments et qu'elles essaient d'y remédier par tous les moyens possibles. Je me réjouis de savoir qu'on pourra finalement y trouver une solution grâce à la robotique et aux logiciels. Cela dit, avez-vous des données comparatives sur la diminution du taux d'erreurs liées aux médicaments à l'hôpital intelligent par rapport aux autres hôpitaux dits ordinaires, pour le moment? Avez-vous constaté des erreurs liées à l'utilisation d'un robot pour l'administration des médicaments? N'y a-t-il pas eu d'autres causes d'erreur?

Avec la notion de tour de contrôle, il y a des personnes qui surveillent tout cela; y a-t-il vraiment une diminution des coûts? Parce que vous devez engager du personnel pour contrôler tout cela. Vous engagez du personnel pour effectuer cette tâche, donc y a-t-il des coûts qui y sont associés? Oui, il y en a, mais par rapport à ce qui se fait dans d'autres hôpitaux, avez-vous constaté une diminution ou une augmentation des coûts?

[Traduction]

Mme Collins : Nous examinons nos données depuis un an et avons relevé deux éléments. Premièrement, les doses de médicaments non administrées ont diminué de 50 p. 100 dans notre hôpital, ce qui signifie que les patients ont pris le médicament au bon moment. Deuxièmement, nous avons également constaté une diminution considérable des erreurs d'étiquetage d'échantillons.

Pour ce qui est du coût associé à la réaffectation du personnel, nous pouvons continuer de faire prendre de l'expansion à nos services d'urgence et d'augmenter le nombre de lits, ou nous pouvons envisager de faire appel à du personnel pour qu'il intervienne plus tôt afin d'éviter que le patient ait à se présenter à l'urgence. Nous avons assuré une surveillance au domicile des gens et avons relevé un problème. Nous pourrions envoyer le robot du Dr Mendez. Nous pourrions envoyer un membre du personnel infirmier ou un voisin pour vérifier l'état du patient, mais nous épargnerons toujours de l'argent si nous évitons que les gens doivent être admis à l'hôpital. Ce faisant, les membres de la population seront en meilleur santé, auront une meilleure maîtrise de leur environnement et pourront fort probablement rester plus longtemps chez eux.

Ce n'est pas pour tous les patients. Ce n'est pas pour tout le monde. Dans notre communauté, 80 p. 100 de nos patients âgés de plus de 80 ans vivent seuls. Qui les aide? Qui assure un suivi auprès de ces personnes? Ce ne sont pas toutes ces personnes qui ont besoin de surveillance, mais pour celles pour qui c'est le cas, cette supervision évitera des admissions à l'hôpital et des visites aux services d'urgence, ce qui nous fera économiser beaucoup d'argent.

M. Bak : La technologie joue un rôle de premier plan pour réduire le nombre d'erreurs. Je n'ai pas les statistiques sous les yeux, mais je dirais que sans la technologie, cette réduction ne serait pas possible. La deuxième partie de ma question est la suivante : Combien dépensez-vous, et ces dépenses sont-elles justifiées? La question de savoir si cela en vaut la peine est toujours une question difficile à répondre. Les dépenses sont toujours justifiées.

Le coût de la technologie, dans notre cas, est très abordable. Ce n'est pas un énoncé objectif. Les nombreux avantages que l'on en retire compensent le coût. Nous dirions que les investissements que nous avons faits dans cette technologie ont été rentabilisés car nous pouvons voir plus de patients et donner congé aux patients de façon plus sécuritaire, ce qui donne lieu à des réductions de coûts. Nous n'avons pas encore mesuré toutes ces économies, mais les données empiriques montrent que la technologie s'est payée d'elle-même.

Dr Mendez : En ce qui concerne les coûts, c'est essentiel car nous avons des données sur les coûts du transport. Je suis revenu du Manitoba hier, où j'ai donné une conférence. Le gouvernement fédéral dépense 100 millions de dollars au Manitoba pour le transport seulement et, en Saskatchewan, le gouvernement provincial dépense environ 70 millions de dollars pour le transport.

Lorsqu'on regarde les transports en ambulance, environ 70 p. 100 des personnes qui sont transportées n'auraient pas besoin de l'être si vous pouviez prendre soin d'elles dans leurs communautés. L'étude que nous avons réalisée dans la petite communauté de Pelican Narrow, qui compte 2 700 habitants, révèle qu'elle a économisé 260 000 $ en une année, ce qui est suffisant pour acheter cinq robots.

C'est le problème. Nous devons mener des études qui se penchent sur la rentabilité et investir l'argent que nous investissions dans le transport dans les vrais de soins de santé.

Le sénateur McIntyre : Merci de vos exposés et du bon travail que vous faites pour mettre en œuvre quelques-unes de ces innovations.

Dans mes lectures, j'ai relevé que l'hôpital Humber River est le premier hôpital entièrement numérique en Amérique du Nord. Comme M. Bak l'a mentionné, parmi les innovations utilisées actuellement à l'hôpital, citons notamment une pharmacie entièrement automatisée. On a même un robot qui prépare les mélanges de médicaments de chimiothérapie, ce qui est très impressionnant.

Vous êtes en quelque sorte un pionnier dans l'adoption de certaines de ces nouvelles technologies. Est-ce la raison pour laquelle vous êtes devenu un pionnier, soit en mettant en place ces nouvelles technologies?

M. Bak : C'est une question intéressante. Un grand nombre des technologies existent depuis longtemps et sont déployées dans différents hôpitaux dans le monde. Si vous prenez toutes les composantes et les examinez individuellement, elles n'ont rien de particulièrement novatrices. Nous les avons toutes intégrées en mettant l'accent sur l'organisation du travail et les résultats. C'est cette intégration qui nous démarque vraiment et qui favorise l'innovation.

Nous avons reçu des visiteurs de partout dans le monde et ils ont tous dit n'avoir jamais vu un établissement comme l'hôpital Humber. Nous pourrions même aller jusqu'à dire que nous sommes le premier hôpital numérique mondial, si vous définissez l'hôpital numérique comme nous le faisons. C'est très surprenant car nous avons vu de nombreux hôpitaux qui ont toutes les mêmes technologies, mais qui n'ont pas produit les gains d'efficience et les flux de travail que nous avons atteints. C'est ce qui nous démarque.

Le sénateur McIntyre : Y a-t-il un chevauchement entre l'intelligence artificielle et la robotique? Comment sont-elles interreliées dans ces domaines?

Dr Mendez : Je veux faire une observation sur votre première question. Il ne s'agit pas ici de technologie, car la technologie progresse et continuera de progresser. Il s'agit de la façon dont nous offrons les meilleurs soins possibles à nos patients, où qu'ils soient. C'est ce qui permettra de passer de ce modèle à des hôpitaux qui offrent des soins aux patients en utilisant cette technologie.

C'est là où l'intelligence artificielle entre en ligne de compte. Vous voulez surveiller les personnes à l'aide d'un système qui utilise des algorithmes infaillibles qui vous permettent de déterminer quand il faut intervenir. Le choix du moment d'une intervention est essentiellement une question de prévention : on prévient une complication ou une urgence. Grâce à l'intelligence artificielle dans les soins de santé, nous serons en mesure de surveiller ce que nous faisons.

À l'avenir, lorsque deux ou trois patients qui appuient sur le bouton d'urgence dans un établissement comme l'hôpital Humber River, qui a un centre de contrôle qui surveille 100 000 patients de façon automatisée, le membre du personnel infirmier ou le médecin analysera les données avant d'intervenir. Selon moi, la taille des hôpitaux diminuera car nous ferons toutes les interventions précises que les hôpitaux peuvent faire. Les patients sur place recevront le reste des soins de santé.

M. Bak : L'intelligence artificielle fait partie intégrante de ce que nous avons besoin pour offrir nos soins de façon plus sécuritaire et efficace. Tout ce que le Dr Mendez a dit est exact. J'ajouterais que nous voyons des concepts ou ce que l'on appelle des systèmes de détection précoce qui voient le jour. Ce sont des algorithmes qui utilisent toutes sortes de données et qui peuvent prévoir une situation qui est sur le point de survenir. Les problèmes cardiaques en sont un bon exemple. Nous pouvons prédire qu'une personne sera victime d'un arrêt cardiaque bien avant qu'il ne se produise.

Pour que les algorithmes et les technologies d'intelligence artificielle puissent fonctionner, vous avez besoin de données électroniques. C'est un élément essentiel, à mon avis. Nous devons faire une transition complète vers la numérisation pour que les données soient en place afin de tirer parti des technologies d'intelligence artificielle et de l'automatisation connexe.

Ces algorithmes commencent à faire leur apparition. À notre établissement, dans notre centre de commandement, nous mettons au point actuellement de nouveaux algorithmes pour nous aider à surveiller ces incidents et les patients. Nous innovons à ce chapitre. C'est possible car nous avons les données à notre disposition.

Le sénateur McIntyre : Vous avez mentionné les données. Faut-il de grandes quantités de données pour faire fonctionner les technologies d'intelligence artificielle?

M. Bak : Il ne faut pas d'importantes quantités de données dans tous les cas. L'hôpital Humber est un exemple où ce n'est pas la quantité de données qui importe, mais bien le type de données.

La sénatrice Stewart Olsen : Ma première question est probablement davantage une affirmation, mais je pense qu'il est important que cela figure au compte rendu. Je ne plaisante pas; j'étais sérieux lorsque j'ai dit que pour faire la transition vers ce nouveau et merveilleux contexte, nous devons améliorer l'accès à Internet à la grandeur du Canada. Il faudrait que le gouvernement appuie ce type d'initiative. Cela ferait économiser énormément d'argent aux provinces car elles pourraient innover dans ces domaines.

Êtes-vous d'accord?

Dr Mendez : L'une des raisons pour lesquelles j'ai déménagé en Saskatchewan pour mettre à l'essai ce système dans une province d'un million d'habitants est que la province a investi dans les technologies de télécommunications. À Pelican Narrows, il y a une tour qui fournit des données cellulaires à 2 700 personnes. Vous avez une meilleure réception cellulaire à Pelican Narrows qu'à Saskatoon.

Je me suis également rendu au Nunavut. À Iqaluit, il n'y a qu'un technologue qui fait des échographies. Lorsque j'y étais, il était en vacances. Cinq ou six échographies devaient être faites, alors les patients ont été transportés en avion pour subir une échographie. Le problème au Nunavut, c'est que le territoire a dépensé 120 millions de dollars pour le transport de 69 000 patients et qu'il ne dispose pas de l'infrastructure de télécommunications. Je crois sincèrement que l'accès à Internet ne se limite pas aux communications. Je pense que c'est un droit.

Mme Collins : J'ajouterais la disponibilité et l'accessibilité également. Lorsque vous traitez avec une population qui a des problèmes de revenu, ou une population vieillissante, le caractère abordable d'Internet joue un rôle essentiel, et il serait dommage que le service ne lui soit pas offert.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai été ravie de vous entendre dire, madame Collins, qu'avec la diminution du personnel en pharmacie, vous avez réussi à augmenter le personnel qui offre des soins directs aux patients. J'espère que c'est ce qui se passera dans tous les établissements. Je ne voudrais pas que cette technologie prenne la relève dans les hôpitaux et les centres de soins de manière à ce qu'ils puissent réduire le personnel qui dispense des soins infirmiers au chevet des patients.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Collins : Je peux vous dire quelques mots à ce sujet. Il y a deux versions à cette histoire. Le coût des soins de santé est en grande partie attribuable à la dotation en personnel. De 72 à 76 p. 100 des 69 milliards de dollars sont versés au personnel.

Je ne pense pas que nous parlons de diminuer ces coûts; nous ne voulons peut-être pas les augmenter cependant. Il y a une pénurie de professionnels de la santé et de personnes qui peuvent dispenser des soins de santé. Il faut trouver des moyens d'offrir ces soins et d'utiliser les ressources plus efficacement.

Tous les hôpitaux vous diront qu'il est important d'avoir plus de personnes pour prendre soin des patients à leur chevet, mais nous parlons également d'avoir des personnes qui peuvent aller visiter les gens à leur domicile, puisqu'on enregistre une baisse à ces niveaux de soins, ou de mettre davantage l'accent peut-être sur les soins à domicile.

Le président : Docteur Mendez, votre exemple sur l'accès à Internet haute vitesse dans la province dans laquelle vous vous êtes établi serait très différent de la situation dans les villages de la province que vous avez quittés. La sénatrice a fait valoir l'argument selon lequel c'est un mythe de croire qu'Internet, et encore moins Internet haute vitesse, est disponible aux Canadiens à l'extérieur des principales régions.

En fait, des rumeurs circulent selon lesquelles dans le sud de l'Ontario, il y a des régions près de l'une des grandes universités qui n'ont pas accès à Internet haute vitesse, mais je précise que c'est une rumeur.

[Français]

Le sénateur René Cormier : Merci beaucoup de votre présentation. Je suis très impressionné par la recherche que vous faites sur l'utilisation de la robotique dans les services médicaux. J'ai deux questions à vous poser. La première concerne les relations de travail, et l'autre, le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral.

L'arrivée de cette nouvelle technologie dans les hôpitaux entraîne sans doute une transformation de la culture du travail. À votre avis, quels sont les enjeux qui touchent les relations de travail? L'arrivée de cette robotique entraîne sûrement des changements du point de vue des descriptions de tâches et des relations entre le corps médical et les patients. Quels sont les principaux enjeux actuels quant aux relations de travail?

Ensuite, le gouvernement fédéral a récemment procédé à des transferts dans le domaine de la santé. Les priorités que le gouvernement fédéral a confiées aux provinces concernaient surtout l'amélioration des soins à domicile et des initiatives en santé mentale. Lorsqu'on songe à l'impact positif de l'arrivée de la nouvelle technologie dans le système de santé, quel rôle devrait jouer le gouvernement fédéral aujourd'hui pour favoriser l'intégration de la nouvelle technologie? Le gouvernement fédéral a-t-il établi les bonnes priorités en axant ses actions sur ces ententes de cette manière, et comment peut-on arriver à une meilleure diffusion de cette technologie à l'échelle du pays afin qu'elle soit plus équitable? Voilà deux grandes questions pour vous. Merci.

[Traduction]

Mme Collins : Je vais parler de la question des relations de travail. Il est très important que les gens consacrent beaucoup de temps à travailler avec les membres de leur personnel pour déterminer où ils ont perdu leur temps et ce qui les a frustrés. Lorsque vous concevez et mettez en œuvre une technologie qui atténuera les frustrations du médecin, du personnel ou du patient, elle sera très bien accueillie.

Nous avons visité une installation que notre personnel n'avait jamais vue auparavant, qui possède de nombreuses technologies qui sont bien mises en œuvre. Il y a un volet éducationnel, mais si vous réglez le problème d'une personne, vous lui permettez de mieux communiquer ou de maîtriser un peu mieux son environnement, si bien qu'elle sera disposée à adopter la technologie. Je pense que c'est un aspect qu'il est important de comprendre.

Nous trouvons des solutions et nous constatons que notre personnel n'a pas de mal à adopter la technologie et, si une pièce d'équipement ne fonctionne pas, nous en sommes informés très rapidement. C'est très utile pour nous.

M. Bak : Je suis heureux que vous ayez demandé ce que le gouvernement fédéral peut faire à cet égard. Il y a une foule de mesures qu'il peut prendre. Si vous le permettez, je vais parler d'Inforoute Santé du Canada et de l'initiative pancanadienne du gouvernement fédéral visant les dossiers de santé électroniques. J'ai participé activement à ces initiatives. Nous devons amener nos établissements de soins de santé à se soumettre à une transformation numérique pour toutes les raisons que nous connaissons, préconisons et mentionnons aujourd'hui.

Le problème auquel je suis confronté dans le cadre des initiatives d'Inforoute et en tant que consultant auprès de nombreux hôpitaux, c'est qu'il est très difficile pour les gens de faire un acte de foi et d'entreprendre une transformation aussi importante. Il y a des problèmes relatifs à la gestion du changement. Il y a les coûts. Il y a de nombreuses mesures qui doivent être prises. Les gens ont peur de prendre cette initiative. À l'hôpital Humber, nous l'avons fait. Nous avons franchi ce pas, et je pense que nous démontrons que c'est rentable. C'est une transformation avantageuse et incontournable pour tous les hôpitaux.

La question qui se pose est la suivante : comment les hôpitaux peuvent-ils avoir confiance qu'on leur fournira les outils et les compétences nécessaires pour qu'ils puissent entreprendre une telle transformation et le faire rapidement? Je vais revenir à ce qui s'est passé avec Inforoute Santé du Canada, où nous nous sommes heurtés au même problème : Comment pouvons-nous veiller à ce que le pays puisse mettre en place une initiative pancanadienne de dossiers de santé électroniques? Mon rôle à Inforoute consiste à diriger le programme d'IN, le programme d'imagerie numérique médicale. En 2003, nous avons examiné la situation au pays et avons relevé que 35 p. 100 des examens par imagerie étaient sans film. Autrement dit, nous procédons encore à des examens par imagerie qui utilisent des pellicules et non pas des supports électroniques.

L'initiative d'Inforoute visait à convertir le pays à l'imagerie médicale sans film, entièrement électronique et interreliée. Il a fallu neuf ans pour y parvenir. Le budget d'Inforoute s'élevait à 320 millions de dollars. Je pense que cette initiative a été un franc succès pour le pays, mais il a fallu mettre en place Inforoute pour franchir ce pas et travailler avec les provinces pour les guider dans ce processus.

Voici ce qu'il faut maintenant. Nous avons démontré à l'hôpital Humber que c'est possible, de même que dans d'autres établissements dans le monde qui ont procédé à des transformations numériques semblables. Les preuves sont là. Comment peut-on maintenant répéter l'exercice de façon rentable et rapide dans l'ensemble du pays?

Le président : Nous sommes saisis de la question des dossiers électroniques depuis un bon moment. Comme vous le savez d'après votre propre expérience, nous n'avons toujours pas un système de dossiers électroniques au pays, même si des milliards de dollars ont été dépensées dans cette initiative.

L'exemple que vous avez donné est l'un des rares exemples de réussites de coopération entre les provinces concernant les données électroniques que je connaisse. Il semble que les radiologues sont vraiment empressés de participer à cet égard.

Cela correspond-il à votre expérience? Comme le Dr Mendez, aviez-vous un groupe de gens qui étaient impatients d'avoir accès à la numérisation, d'avoir accès rapidement aux données et qui avaient des patients en région éloignée?

M. Bak : Dans le cas de la radiologie, bon nombre d'éléments réunis ont permis au programme d'imagerie diagnostique de fonctionner. Il y avait une pénurie de radiologues, de sorte que l'idée qu'on leur transmette les données plutôt que l'inverse plaisait beaucoup, et le climat était propice.

On comprenait bien les avantages de procéder ainsi. Le passage à la radiologie numérique a commencé en 1992. Il s'agissait d'un processus bien connu. Le Dr Mendez a dit que les collectivités rurales avaient besoin de l'accès. Dans notre milieu, il y avait de nombreuses analyses de rentabilisation solides sur l'idée de connecter les gens concernant les images radiologiques et leur passage des régions éloignées vers les centres, et même des centres aux radiologues. Les analyses de rentabilisation à cet égard étaient extrêmement solides.

Ce n'est pas tellement que les radiologues sont à l'origine de cela. Ce sont tous les autres éléments et le climat de l'époque qui ont fait en sorte que cela a fonctionné.

C'est un bon exemple de partage de dossiers électroniques. Bien qu'Inforoute y a consacré beaucoup d'argent et que de bons résultats ont été obtenus, comme vous le dites, on n'en est pas encore là. J'ai une opinion bien arrêtée sur les raisons pour lesquelles c'est le cas et sur les mesures à prendre, mais il manquait une chose essentielle. Les hôpitaux ne sont pas passés à l'électronique. Ils sont la source des données et on peut bien connecter tout le monde ensemble, mais il n'y a pas de données à intégrer.

Dans notre hôpital, nous avons intégré complètement l'électronique. Nous l'avons fait. Il est temps que tous les autres le fassent.

Le président : C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes si heureux de vous accueillir aujourd'hui.

Concernant ce que vous venez de dire, dans le cadre de l'une de nos études, un chirurgien de Toronto, durant son témoignage, a frappé la table du poing en disant, « honnêtement, je me fiche de ne pas pouvoir obtenir les données de Calgary; je ne peux même pas obtenir les données de mon propre hôpital ».

Nous en resterons là, mais votre exemple est excellent. J'ai l'impression que vous communiquez une partie de nos observations concernant ce qu'a soulevé le sénateur Cormier pour cette question très importante.

Le sénateur Dean : L'hôpital Humber est situé dans ma région, et je suis donc au courant en quelque sorte du travail remarquable que vous effectuez. Ce sont deux exemples de ce que nous pourrions appeler un virage localisé. Il y a les régions éloignées du Nord. Il y a les régions fortement urbanisées et diversifiées du Sud. Dans les deux cas, ce sont des exemples phares. Comme nous venons de le dire, l'un des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés, c'est de déterminer comment nous pouvons prendre ces exemples phares et les reproduire partout au pays.

J'ai remarqué qu'il y a des dénominateurs communs dignes d'éloges. Dans les deux cas, vous avez tout d'abord parlé des priorités avec les utilisateurs, à Pelican Narrows, de ce dont ont besoin les membres du personnel pour mieux faire leur travail, et de ce dont a besoin la collectivité, si je comprends bien votre projet.

Nous apprenons également, comme nous l'ont appris d'autres initiatives de virage numérique, qu'une fois qu'on a les données, on obtient des résultats auxquels on ne s'attendait peut-être pas au début du processus. Cela a été découvert dans l'application de la surveillance assistée par ordinateur. Nous l'avons constaté dans la réforme sur les temps d'attente relatifs à la santé.

Mon collègue, le sénateur Cormier, a parlé un peu du rôle du gouvernement. Premièrement, de quelle façon vos partenaires provinciaux ou territoriaux respectifs vont ont-ils aidés? Quelles sont leurs principales mesures qui vous ont été utiles dans cette démarche?

Deuxièmement, qu'auraient-ils pu faire mieux? Si vous pouviez revenir en arrière et en discuter avec eux, que demanderiez-vous si c'était à refaire?

Troisièmement, et c'est lié à cela, qu'est-ce qui a fonctionné et qu'est-ce qui n'a pas fonctionné du côté des provinces? Comment le processus d'approvisionnement s'est-il déroulé? Chacun d'entre vous a dû trouver des solutions technologiques et numériques, et dans certains cas, des solutions robotiques. Dans quelle mesure cela était-il adapté aux besoins? Dans quelle mesure avez-vous pris contact avec la collectivité? Si les membres du personnel vous ont dit qu'ils avaient une possibilité, ou un problème qu'ils essayaient de régler ou un problème dans une région éloignée, leur avez-vous demandé comment ils peuvent procéder? Dans quelle mesure ces choses étaient-elles disponibles sous la forme de robots existants facilement adaptables?

Si je pose ces questions, c'est parce que des innovateurs qui ont comparu devant notre comité nous on dit que le talent, les compétences et le savoir-faire existent, mais qu'il était difficile d'agir pour ceux qui en bénéficieraient. J'en déduis, surtout selon les témoignages d'hier, que les règles d'approvisionnement du secteur public peuvent constituer une entrave, en raison de nos préoccupations concernant les conflits d'intérêts et la vie privée, entre autres choses.

Je vous ai posé beaucoup de questions, mais je pense que vous comprenez. Pourriez-vous nous expliquer en quoi les mesures du gouvernement vous ont été utiles ou ne vous ont pas été utiles, et nous parler un peu de votre approche en matière d'approvisionnement, du fonctionnement de ce processus et des mesures qu'il faudrait prendre pour qu'il fonctionne mieux?

Le président : Nous allons parler de la situation de l'hôpital Humber River d'abord. Nous n'aurons peut-être pas le temps d'examiner tous les aspects, et j'aimerais que les témoins se concentrent sur les éléments principaux de ces questions.

Mme Collins : C'est ce que je ferai, et je demanderai à M. Bak de parler du rôle de la technologie et de la collaboration avec les partenaires.

La situation varie beaucoup en fonction des régions au Canada en ce qui a trait aux montants consacrés au numérique et à la construction d'hôpitaux. C'est l'un des obstacles, car il faut recueillir des fonds à l'échelle locale pour payer la technologie si le gouvernement ne paie pas.

Il est difficile de le faire au pays, car les gens croient que notre système de soins de santé est déjà financé. C'est l'une des choses qui retardent bon nombre d'hôpitaux à cet égard. Ce qui nous ralentit, ce sont les coûts liés à l'achat, au développement, à l'installation et à la création de la technologie.

Nous avons collaboré avec le gouvernement de notre province, qui a payé certains éléments. Il ne nous a pas barré la route pour ce qui est de la mise en place de certaines choses. Je l'en remercie. Le gouvernement aurait pu nous dire que cela le préoccupe. Il a collaboré avec nous. Ce sont les fonds qui nous feront avancer, et je comprends les problèmes que cela pose. Les dossiers électroniques et le financement des technologies nous permettront d'aller de l'avant.

Je vais demander à M. Bak de parler de la collaboration avec l'industrie, mais le processus de demande de propositions que nous avons établi, ce qui, encore une fois, était peut-être plus provincial que fédéral, coûtait extrêmement cher aux entreprises qui essayaient d'intégrer une idée sur le marché. Il existe des moyens, mais cela fait 40 ans que je suis dans le domaine et c'est plus limité qu'auparavant. On pouvait discuter avec quelqu'un et établir un partenariat pour un produit. Elles ont peur de le faire parce qu'elles ne seront peut-être pas en mesure de présenter une offre. Cela nuit et retarde une bonne partie des travaux.

Nous avons lancé des centaines de DP. En premier, on le fait pour que quelqu'un vienne discuter pour voir si l'idée est bonne. Ensuite, il faut lancer la DP pour voir qui d'autres a le produit. Cela représente des défis importants.

M. Bak : L'innovation est un élément clé du virage numérique. Bien que bon nombre de technologies éprouvées sont déjà à notre disposition, nous avons besoin de nombreuses autres technologies ainsi que d'innovations de la part de l'industrie. Des hôpitaux comme le nôtre ne peuvent pas faire le travail d'innovation eux-mêmes. Nous avons besoin de la collaboration de partenaires de l'industrie.

Nous examinons deux choses. Il y a tout d'abord la nécessité d'une culture de changement. Notre organisation, du fait de cette transformation, s'adapte mieux au changement. Soit dit en passant, c'est un autre sujet concernant la façon dont nous amenons tout le monde à le faire. Pour favoriser cette culture, il faut être capable de réagir. Concernant votre question — vous vous demandiez si nous avions consulté les gens et s'ils ont dit : « Voilà une bonne idée » —, c'est exactement de cette façon que les choses fonctionnent. C'est notre personnel de première ligne qui proposera de bonnes idées. Si nous ne pouvons pas réagir, tout le processus est paralysé.

Comment réglons-nous le problème lié à l'innovation continue? Il faut que des entreprises soumettent leurs idées et puissent développer les technologies rapidement pour répondre aux demandes qui nous sont présentées. Deux obstacles se présentent à cet égard. Qui paie et comment les petits intervenants peuvent-ils entrer dans notre organisation sans que le processus d'approvisionnement soit un obstacle?

De notre côté, nous sommes en quelque sorte réduits à chercher l'appui de grandes entreprises qui sont mieux établies et qui ont les moyens qu'il faut pour collaborer avec nous et tirer des avantages à long terme. Il y a beaucoup d'entreprises. Je dis qu'il y en a beaucoup, mais il y en a un certain nombre à Toronto que nous avons découvertes et avec lesquelles nous travaillons. Ce sont de nouvelles petites entreprises dont le personnel est très novateur. Pour qu'elles puissent collaborer avec nous, le risque auquel nous sommes confrontés est lié au fait que nous devons leur payer des sommes importantes, sinon, les choses ne se concrétisent pas, ce qui est le cas la plupart du temps.

Nous souhaitons voir comment nous pouvons favoriser cela, de sorte que ces entreprises novatrices puissent venir nous voir et profiter du fait d'être dans un hôpital sans que nous ayons à prendre tous les risques et sans qu'ils aient à le faire non plus. Nous avons peut-être une solution.

Le président : Le sénateur Dean a posé une question très importante. Je vais revenir sur ce que vous venez de dire.

Évidemment, on n'a toujours pas la solution, mais il y a des obstacles que vous avez nommés et qui vous concernent. Je me demande si pouvez continuer à y réfléchir après la réunion pour voir si vous pouvez même fournir à la greffière une liste des obstacles. Vous avez parlé de la nature du processus d'approvisionnement, de problèmes qui se posent en ce qui concerne la collaboration avec vous avant la DP et le lancement de la DP par la suite.

Pourriez-vous réfléchir à ces questions et nous revenir là-dessus? Cela a été soulevé comme étant une question très importante dans le lancement des technologies canadiennes et l'obtention d'appuis au Canada. Hier, nous avons parlé d'un exemple où des technologies sont utilisées aux Pays-Bas depuis sept ans, mais ne sont pas encore offertes dans un hôpital canadien par un processus d'approvisionnement. Nous aimerions vraiment que vous reveniez sur ce point.

Docteur Mendez, vous vouliez ajouter brièvement quelque chose.

Dr Mendez : Je voulais faire une observation importante sur ce que peuvent faire les provinces pour favoriser ce type d'innovation. En Saskatchewan, non seulement on a fourni des ressources, mais, surtout, on a éliminé les obstacles pour que ce type de technologie robotisée de téléprésence puisse être utilisé.

Quels sont les obstacles? Il y a entre autres la rémunération. La rémunération de la télémédecine diffère de celle de la médecine en personne. La province a accepté que les médecins soient rémunérés au même taux s'ils utilisent la technologie de téléprésence que s'ils rencontraient un patient en personne. Il y a également la question du territoire : est-ce qu'un médecin de Regina peut s'occuper d'un patient de Saskatoon?

Ce sont des éléments essentiels concernant la capacité d'appliquer cette technologie.

La sénatrice Unger : Ma première question s'adresse aux représentants de l'hôpital Humber River. Je me demande si vous avez reçu de l'argent du gouvernement du fédéral ou encore du gouvernement provincial. D'où provenaient les fonds qui ont mené à la création de ce nouvel hôpital numérique? Il semble que c'est une réussite, et quelles mesures doivent être prises avant que ce type d'établissement soit créé? Je vis à Edmonton, et je crois qu'il n'existe rien de semblable dans notre ville.

En ce qui concerne les véhicules automatisés, docteur Mendez, les fabricants de ce type de produit ont eu plusieurs accidents. Je connais un cas, où il y a eu un décès. Je me demande si vous avez eu une expérience semblable dans l'utilisation de la robotique; je ne parle pas ici de décès, mais j'aimerais savoir si des problèmes graves sont survenus.

Mme Collins : Je vais répondre à la question qui porte sur l'hôpital. Il s'agissait d'un projet financé différent, ou selon un modèle de PPP, comme on le dit. Il est certain que le ministère de la Santé de l'Ontario a financé en grande partie la construction de l'établissement, comme il le fait dans son processus de partage des coûts. En ce qui concerne le volet numérique du projet, une petite partie a été payée et il appartenait à l'hôpital de trouver les fonds. En fait, nous avons 250 millions de dollars en part locale à rembourser au fil du temps.

Le problème que nous posent les collectes de fonds, c'est le problème qui constitue un obstacle pour d'autres hôpitaux, c'est-à-dire qu'on éponge la dette par la collecte de fonds et peut-être par la vente au détail. Cela peut empêcher l'hôpital d'aller encore plus loin en raison des coûts. Le fait de devoir recueillir un tel montant constitue toujours un obstacle.

Il est possible de susciter l'intérêt de certaines industries, de gens qui souhaitent que le projet soit mené, qui contribueront au financement, mais cela représente beaucoup de travail et nécessite beaucoup de temps de notre part.

M. Bak : Je ferais une observation intéressante : les coûts de la technologie et la mise en œuvre de tout ce que nous avons fait ne sont pas considérables, en fait. Le mot « considérable » doit être replacé en contexte, mais lorsque nous avons entrepris de le faire, Infrastructure Ontario a examiné le projet et a dit qu'il pensait que toute cette technologie ferait augmenter les coûts de l'établissement de façon démesurée, soit de centaines de millions de dollars. Nous avons dit que ce n'était absolument pas le cas et que c'était bien en deçà de cela. En fait, le coût total de notre investissement était de 26 millions de dollars, et dans le contexte, ce n'est pas beaucoup.

C'est une chose que les gens comprennent mal. Ils pensent que c'est une proposition qui coûte très cher, alors que ce n'est vraiment pas le cas. Il faut tout de même réunir les fonds et exécuter le projet. Autre point important : une fois qu'on le fait, les coûts de fonctionnement augmentent. Dans l'ensemble, les coûts sont très raisonnables, mais nous avons besoin de la contribution des ministères.

La sénatrice Unger : Devraient-ils contribuer?

M. Bak : Ce serait très bien.

La sénatrice Unger : Ils ne l'ont donc pas fait.

M. Bak : Dans notre cas, le gouvernement fédéral n'a pas contribué. Non, absolument pas.

Le président : Nous ne pouvons pas aller là. Nous connaissons la distinction entre le rôle du gouvernement fédéral et celui des provinces, par exemple, si un projet est admissible à un programme fédéral, et cetera. Nous comprenons cet aspect. Nous ne nous y attarderons pas. Docteur Mendez, vouliez-vous intervenir?

Dr Mendez : Oui. Je veux répondre à la question qui portait sur les pannes d'équipement. C'est important, car en médecine, en particulier lors d'interventions chirurgicales, nous sommes entourés d'appareils. Quand je suis en salle d'opération, je me fie aux ordinateurs pour m'y retrouver dans un cerveau. Je me fie aux systèmes qui respirent pour le patient. Dès qu'il y a un système électronique ou mécanique, il y a un risque de défaillance.

Cependant, il y a une différence énorme entre l'équipement servant uniquement à des fins médicales et l'équipement destiné aux consommateurs. Pour pénétrer un crâne, en neurochirurgie, je peux utiliser une perceuse Black & Decker, qui fera bien l'affaire, mais ce n'est pas un outil réservé à un usage médical. Les instruments médicaux sont soumis à des règlements et des restrictions clairs qui garantissent la fiabilité du système, pour le patient.

Toutes les technologies robotiques entrent dans la catégorie des instruments médicaux de classe II, qui servent exclusivement aux soins des patients gravement malades. Par conséquent, les dispositifs de télécommunication — très différents de Skype et FaceTime — offrent une voie de communication protégée servant à traiter le patient. Même si les pannes sont possibles, je pense qu'il faudra utiliser la technologie, plus précisément la technologie robotique, à l'intérieur du cadre des instruments médicaux spécialisés et approuvés.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie infiniment de vos très intéressants exposés et de vos réponses. J'aimerais que nous parlions de données, car pour moi, il est évident que la prévention fonctionne maintenant et qu'elle peut être efficace. Je ne peux pas m'empêcher de penser que les données peuvent être très précieuses non seulement pour le particulier ou le patient qui va en profiter, mais aussi pour la recherche future.

J'ai l'impression que les données sur la santé pourraient être recueillies plus efficacement qu'en ce moment que ce soit par la robotique ou par quelque chose que vous pourriez porter. Grâce à la diffusion de données recueillies pour la recherche de portée provinciale dans un domaine médical particulier, je me demande si vous pourriez même en venir à mieux comprendre certaines conditions médicales. Je ne sais pas si ce que je dis est clair. Pour moi, ce serait utile. Nous ne voulons pas utiliser les données pour un seul patient, mais nous voulons les sauvegarder.

M. Bak : Brièvement, oui. Absolument. En fait, nous plaçons cela sous trois thèmes. Premièrement, nous produisons quotidiennement un tableau de bord opérationnel, ou une analyse, qui indique ce qui se passe. Cela se fait à l'échelon micro. Deuxièmement, nous regardons toute cette information à l'échelle de l'hôpital et optimisons nos opérations sur les plans des coûts et du rendement. Troisièmement, c'est l'échelon macro, où vous voulez vraiment examiner le résultat clinique. Si j'utilise ces procédures, est-ce que j'obtiens le résultat que je veux? Si j'utilise ces médicaments, est-ce que ça aide vraiment? Puis-je en utiliser un autre? L'industrie des soins de santé se pose des questions de ce genre tout le temps.

L'intelligence artificielle va jouer un rôle très important dans la réponse à ces questions, et ce, beaucoup plus efficacement et rapidement qu'aujourd'hui. Pour que cela se produise, nous avons besoin des données. Vous avez tout à fait raison : il faut recueillir les données, les sauvegarder et les communiquer. Il faut le faire aux échelons micro, macro, provincial et national.

Je reviens à l'Inforoute, car c'est un cas où l'on estime que les données doivent être sauvegardées de la naissance à la mort. Ce serait utile, et après la mort, on anonymiserait les données et on les conserverait pour toujours à des fins de recherche. Le problème, c'est que le coût de la conservation des données est très élevé. Nous en produisons tellement plus que, même si le coût de la conservation baisse, nous devons consommer plus d'espace.

Encore une fois, il faut miser sur les technologies cognitives pour faire un tri et ne garder que les données utiles. C'est un élément essentiel à tenir en compte, car l'histoire nous a démontré qu'il n'est pas abordable de simplement tout garder.

La sénatrice Petitclerc : Qu'en est-il de la protection des renseignements personnels?

Dr Mendez : Vous avez soulevé deux enjeux. Les données peuvent-elles être diffusées? Il est extrêmement important, surtout avec la nouvelle technologie, de pouvoir systématiquement évaluer et estimer la valeur de cette technologie, non seulement sur le plan clinique, mais aussi sur le plan de son rapport coût-efficacité. Selon notre approche, tous nos projets sont des projets de recherche qui, en fait, ne sont pas que des évaluations. Ils sont publiés et communiqués à tous à des fins d'apprentissage. C'est essentiel dans tout ce que nous faisons.

La question de la protection des renseignements personnels est très importante. Nous avons mentionné cela précédemment. Encore là, les instruments médicaux homologués et approuvés qui sont conformes aux règles en matière de protection des renseignements personnels, notamment ce qu'on qualifie d'hyper conforme, sont des instruments qui servent à la diffusion ou au chiffrement des données. C'est à la base de tout ce que nous faisons.

Le président : Sénatrice Petitclerc, avez-vous une autre question?

La sénatrice Petitclerc : Non. Je voulais seulement trouver l'équilibre concernant la valeur de la collecte de données. Il faut que la personne accepte la communication des données, je suppose.

La sénatrice Hartling : Je peux voir que vous êtes passionné par votre domaine. C'est excitant. Je me trouve très chanceuse d'être ici et de pouvoir apprendre ce que les exposés sur la robotique nous ont enseigné. Je vous remercie d'avoir mentionné l'accessibilité et la disponibilité, en particulier pour les Premières Nations. C'est un enjeu sur lequel nous nous penchons au Canada.

Vous avez mentionné l'évolution et la culture du changement. Nous sommes ici à apprendre tout cela, mais je me dis qu'au sein de la population en général, c'est probablement plus difficile. Je me demande aussi si les établissements d'enseignement se tiennent à jour. Quand une personne choisit le domaine médical ou l'apprentissage, est-ce qu'elle apprend sur l'interface entre la technologie et son domaine?

Savez-vous quelque chose à ce sujet? Est-ce que cela se produit ou pas?

Dr Mendez : Je peux commencer. Je travaille dans un établissement d'enseignement. Nous formons des étudiants en médecine et des médecins résidents. Notre responsabilité est de former les chirurgiens et les médecins de demain qui utiliseront cette technologie inévitable. Elle sera là, et tout le reste va s'adapter à elle.

Nous formons nos étudiants à la technologie et nous les encourageons à l'utiliser. La formation ne porte pas que sur l'utilisation de la technologie. En fin de compte, la technologie robotisée de téléprésence n'est pas qu'une question de robotique, mais aussi une question de relations. L'un des grands problèmes que nous rencontrons, c'est quand un médecin d'une petite collectivité veut envoyer un patient dans un grand centre, alors qu'il n'y a pas de lits libres à l'hôpital. Il faut aiguiller ce patient. Les relations sont difficiles entre les médecins des petites collectivités et les centres tertiaires. Ils se sentent abandonnés. Ils ne se sentent pas appuyés.

Nous avons des cas où la technologie de téléprésence a permis de tisser des liens. Nous sommes aussi en mesure de mieux soigner nos patients. Le patient peut plus facilement se faire soigner, sachant qu'il aura du soutien. Quand le patient doit y aller, la confiance est établie et le médecin va rapidement accepter le patient.

Mme Collins : Dans notre cas, nous sommes affiliés à l'Université de Toronto, et nous sommes le campus de Toronto pour les étudiants en médecine de l'Université Queen's. Tout le monde veut saisir l'occasion de travailler avec la nouvelle technologie. D'autres hôpitaux auront cela, mais les jeunes qui sortent des facultés de médecine ont tous grandi avec cette technologie. J'ai un appareil intéressant, et je leur dis que c'est en fait leur GameBoy. C'est l'une de nos tables servant à la chirurgie vasculaire. Ils adorent jouer avec cela. Les étudiants diplômés y sont maintenant habitués, mais il est plus difficile de trouver des occasions d'aller ailleurs travailler avec cet équipement. Au fil du temps, ils pourront constater ce changement.

M. Bak : Tout le monde a dit que la jeune génération s'attend à cela, et c'est absolument le cas. Pour ce qui est de l'éducation relative à cela, je pense qu'il faut l'améliorer. Je n'ai pas tout vu. J'ai donné le cours sur la cybersanté de l'Université McMaster — sur la technologie dans les soins de santé. Ce que je constate, c'est que ces cours ne sont pas aussi avancés que la réalité. Il faut apporter des améliorations à cela.

Le deuxième point dont vous avez parlé était la population et la façon dont elle va changer. Je pense que notre population change rapidement parce que la consommation est très axée sur le numérique. Les gens s'attendent à s'occuper de leur santé dans un cadre numérique. Nous savons que ce n'est pas tout à fait la même chose pour les aînés, mais les jeunes qui s'occupent de leurs familles de cette façon veulent absolument être en ligne, être éduqués et comprendre ce qui se passe. Il faut vraiment que nous poussions beaucoup plus loin l'aspect numérique dans nos rapports avec la communauté.

Le président : Merci beaucoup. Vous contribuez de manière extraordinaire à notre étude. J'aimerais revenir sur quelques aspects afin de les placer dans un contexte général.

Monsieur Bak, en réponse à une des questions posées au début, vous avez décrit la façon dont vous allez de l'avant concernant l'intervention par rapport à l'application. Vous avez souligné qu'il existe beaucoup de technologies nouvelles. Ce qui est véritablement nouveau, dans ce que vous faites, c'est que vous réunissez les deux dans un système d'exécution. J'aimerais revenir sur cela.

Vu de l'extérieur, le Canada n'est pas connu pour l'innovation dans la prestation des soins de santé. Nous adoptons des médicaments novateurs, utilisons de nouveaux joints pour les remplacements de hanches, et ainsi de suite, mais pour la prestation des soins comme telle, nous ne sommes pas perçus comme étant novateurs, à l'échelle internationale, sauf pour quelques exemples particuliers qui font exception.

Ce qu'il faut absolument pour passer au niveau suivant, c'est comprendre comment utiliser les possibilités d'innovation qui existent dans la prestation des services de soins de santé, et c'est ce que vous décrivez ce matin. Votre capacité de créer un nouveau centre afin de mettre cela en place vous a donné certains avantages. Vous avez l'inconvénient des coûts, que vous avez décrit et que nous comprenons très certainement. Cependant, c'est un magnifique exemple d'innovation dans la prestation des soins de santé dans un contexte où le système subit énormément de pression à cause des fortes demandes. L'hôpital, même s'il est gros, ne peut plus contenir tous ceux qui veulent y aller, et nous devons maintenant penser à de nouvelles façons novatrices de fournir des soins de santé.

L'excellent modèle que vous avez conçu représente exactement cela. Vous devez être disposé à amener le changement dans la prestation en général. Vous avez probablement déjà des exemples, mais je suppose que vous travaillez maintenant avec des gens qui n'avaient jamais envisagé de voir de nouvelles choses à ce jour. Ils vous disent probablement déjà : « Si seulement nous avions eu cela. » La réalité, comme on le sait dans toutes les activités industrielles et commerciales, c'est qu'une organisation qui n'a aucune culture d'innovation ne peut s'adapter ou adopter des concepts novateurs. Même si c'est juste à côté, ce n'est pas possible. Le système médical est l'un des systèmes qui résistent le plus aux nouveautés ou aux solutions novatrices.

Je tiens à vous dire que votre exemple d'un milieu hospitalier nous est incroyablement important, et ce, pas seulement dans votre province, mais au pays, car nous devons apprendre à faire le pas suivant.

Je suis sûr que vous avez vous-mêmes utilisé ce terme. Notre pays est connu, en matière de systèmes de soins de santé, pour ses projets pilotes. Souvent, les provinces ont de l'argent pour financer un projet pilote. Le projet pilote fonctionne, mais il amène un changement, n'est-ce pas, dans la façon dont vous donnez les soins? Comme je pense que le Dr Mendez l'a mentionné au sujet de la façon dont vous payez ces systèmes, ce changement n'est pas lié à la formule employée pour établir le financement. Les projets pilotes ont été réalisés, le rapport a été rédigé, et la preuve était claire. Vous avez diminué le nombre de personnes se rendant dans les urgences de 1 000 par jour, sur la période de trois à cinq ans de cette étude pilote, mais cela ne peut pas se poursuivre, parce qu'il n'est pas possible de payer les gens qui offrent cela en dehors du financement du projet pilote.

Il est à espérer que votre exemple — quand vous avez réussi à prendre le concept global de l'hôpital pour l'intégrer dans un nouveau système de prestation — va forcer des changements qui vont amener les provinces à reconnaître qu'elles doivent être en mesure de payer les services quand il s'agit de services novateurs qui sont inhabituels, mais qui s'accompagnent d'avantages incroyables pour le système de soins de santé.

Je voulais souligner cela. Nous avons relevé dans nos études les cas où d'excellentes idées n'ont pas été poursuivies, faute de ressources financières permettant leur maintien.

Docteur Mendez, j'aimerais vous entendre sur quelque chose qui se situe un peu en dehors de ce qui pourrait se produire avec le type de processus que vous avez décrit aujourd'hui et qui veut que vous travailliez à partir d'un lieu central et vous occupiez des collectivités éloignées.

Je veux parler du modèle que vous avez mentionné pour les échographies. Il y a trois ans environ, j'ai assisté à un exposé, ici à Ottawa, présenté par un éminent médecin qui a réalisé sur la scène une échographie. Il possédait une quantité remarquable de données électroniques. Il nous a montré, sur la scène, comment l'appareil fonctionnait. C'était en fait son téléphone cellulaire qui avait été adapté de manière à accomplir certaines choses, dont des échographies. Nous avons vu un exemple de cela qui a été largement diffusé, il y a une semaine environ. Un médecin a pu réaliser une échographie avec son téléphone cellulaire et repérer une pierre au rein, puis transmettre l'information.

Docteur Mendez, j'aimerais que vous preniez l'exemple que vous avez utilisé : la collectivité dans laquelle la personne chargée de faire les échographies était absente, alors qu'à peu près cinq personnes devaient subir des échographies. Dans quelle mesure sommes-nous sur le point de mettre votre modèle en place et d'avoir une personne qui ne serait pas un expert de la technologie des échographies, peut-être une infirmière praticienne, mais qui pourrait utiliser un dispositif électronique de cette nature, dans un centre?

Dans ce cas, il n'est pas nécessaire que ce soit à 1 000 kilomètres de distance; c'est un problème qui pourrait être important dans une ville, et cela pourrait éviter à une personne de se rendre à l'hôpital ou de se rendre au bon endroit dans l'hôpital.

Dr Mendez : Notre approche relative à la question des échographies visait premièrement à valider le système. Le système est-il aussi précis que la méthode directe habituelle? Nous avons démontré que oui.

C'est aussi juste qu'avec la méthode habituelle, et nous avons en plus sondé les trois types de participants au projet. Le premier était le patient. Nous avons posé la question suivante au patient : « Si vous étiez dans une collectivité éloignée et que vous aviez besoin d'une échographie, est-ce que cela vous dérangerait que le technologue en échographie ne soit pas sur place avec vous? » Pour 90 p. 100 des répondants, ce n'était pas un problème, du moment qu'ils avaient leur échographie.

Nous avons ensuite sondé le technologue en échographie qui manipule la sonde et lui avons demandé : « Dans quelle mesure est-il facile de réaliser une échographie à distance? Pour 80 p. 100 d'entre eux, c'était aussi bon que de le faire directement.

Le troisième type de participant était les radiologistes qui interprétaient les échographies et qui évaluaient la qualité. Les radiologistes peuvent être n'importe où, car ils regardent les images. Ils estimaient que les résultats étaient suffisamment justes.

À la suite de cela, nous avons deux systèmes qui seront mis en œuvre d'ici deux mois dans deux collectivités différentes du Nord de la Saskatchewan. Au cours des quelques mois à venir, nous pourrons comprendre la question de la logistique. Qui commande des échographies dans la collectivité éloignée? Une fois que l'échographie a été faite, comment en fait-on rapport? Quelle est l'étape suivante si le patient doit être soumis à un triage? Je pense que ce sont des aspects cruciaux.

La technologie va continuer d'évoluer, et nous aurons des systèmes encore meilleurs à l'avenir. Cependant, ce qui empêche un projet pilote fructueux d'être mis en œuvre, c'est la façon dont vous mettez la procédure en place à grande échelle pour en faire une procédure courante employée au quotidien. C'est l'étape suivante. J'espère que d'ici six mois environ, nous aurons une réponse hâtive à notre question.

Le président : Après votre départ, parce que vous êtes tous les deux remarquablement innovateurs pour notre système et pour la prestation, n'hésitez pas à nous transmettre, par l'intermédiaire de notre greffière, les idées qui vous viennent à l'esprit et les exemples que nous devrions connaître, d'après vous.

Madame Collins et monsieur Bak, je reviens à la question de l'innovation spontanée qui se produit à votre hôpital. Si vous pensez à d'autres exemples que ceux que vous nous avez donnés aujourd'hui, pourriez-vous nous les transmettre? C'est une chose — avec tout le respect que je vous dois, sénateur Dean, que la bureaucratie ne comprend pas toujours. Le développement de ce genre de choses mène souvent à des innovations qui sont spontanées, mais qui émergent parce que l'environnement comporte une culture propice à l'innovation. Si vous pensez à des exemples en particulier, veuillez nous les transmettre par l'intermédiaire de notre greffière.

Mme Collins : Certainement.

Le président : Je vous remercie d'être venus aujourd'hui, et je suis particulièrement ravi d'avoir revu le Dr Mendez. Je ne suis pas content qu'il ait quitté la Nouvelle-Écosse, mais la société canadienne va continuer de tirer profit de son travail.

Encore une fois, merci, madame Collins et monsieur Bak de l'exemple remarquable que vous avez là.

(La séance est levée.)

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