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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 24 - Témoignages du 18 mai 2017 (avant-midi)


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, en séance publique et à huis clos, pour étudier la teneur des éléments des sections 5, 9, 11, 13, 14 et 16 de la partie 4 du projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. J'inviterais maintenant mes collègues à se présenter.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je rappelle à tous que nous amorçons aujourd'hui notre étude de certaines sections du projet de loi sur le budget. Ce matin, nos délibérations porteront plus précisément sur l'article 115 de la section 5 de la partie 4, article qui permettrait d'octroyer, à la demande du ministre de l'Industrie, un paiement de 125 millions de dollars à l'Institut canadien de recherches avancées, l'ICRA, pour établir une stratégie pancanadienne sur l'intelligence artificielle. Ces fonds proviendraient du Trésor. Je suis très heureux d'accueillir ici deux personnes qui vont nous prêter main-forte à ce sujet.

Il s'agit de M. Alan Bernstein, président et directeur général de l'Institut canadien de recherches avancées. Nous pourrons aussi compter sur l'aide de Mme Alison McDermott, qui est la directrice générale de la Direction générale de la coordination de programmes du Secteur science et innovation d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Je crois comprendre que M. Bernstein a une déclaration liminaire à notre intention. Mme McDermott pourra quant à elle répondre aux questions d'ordre technique que nous pourrions avoir en cours de route. J'invite donc M. Bernstein à nous livrer son exposé.

Alan Bernstein, président et directeur général, Institut canadien de recherches avancées (ICRA) : Je vous remercie de me recevoir, et je remercie le Sénat de l'attention qu'il porte au rôle que l'intelligence artificielle joue dans notre société et dans l'économie.

Je vais garder mes observations liminaires aussi brèves que possible afin de laisser amplement de temps pour les questions. Je vais parler de trois choses : l'histoire de l'intelligence artificielle, le rôle de l'ICRA et la raison pour laquelle, à mon sens, il est important d'investir dans l'intelligence artificielle au Canada. Au milieu des années 1970, la majorité des chercheurs ne croyaient pas qu'il était possible de configurer l'intelligence artificielle pour qu'elle soit fidèle à l'idée que nous nous faisons de la façon d'apprendre des humains.

Cependant, à l'Université de Toronto, un petit groupe de scientifiques dirigé par M. Geoff Hinton persiste à croire en la possibilité d'une intelligence artificielle fondée librement sur l'idée que nous nous faisons de la façon d'apprendre des humains. En 2004, l'ICRA crée un nouveau programme — dont il confie la direction à M. Hinton — pour soutenir ce courant de recherche. Le nom actuel de ce programme est « Learning in Machines and Brains » ou, si vous préférez, « La machine, le cerveau et l'apprentissage ». Il regroupe des informaticiens, des ingénieurs, des neuroscientifiques, des biologistes, des physiciens et des psychologues. L'accent est mis sur l'étude du plein potentiel de ce que l'on appelle désormais « l'apprentissage profond ».

À peine un peu plus d'une décennie plus tard, l'apprentissage profond, et maintenant, « l'apprentissage par renforcement » que sonde un autre chercheur de l'ICRA, M. Rich Sutton, à l'Université de l'Alberta, sont les systèmes d'intelligence artificielle qui vont tout transformer dans des domaines aussi variés que les transports et les finances, sans oublier celui de la santé, sujet de mon dernier exposé au comité, il y a quelques mois. Étant donné la renommée de chef de file dont jouit le Canada depuis des années en matière d'intelligence artificielle, certains des meilleurs chercheurs au monde dans ce domaine travaillent maintenant chez nous. Dans son budget de 2017, le gouvernement du Canada reconnaît que l'intelligence artificielle est une technologie de rupture, une technologie qui a le potentiel de transformer pratiquement tous les aspects de l'économie canadienne et de la société canadienne. C'est pour ces raisons que le gouvernement propose de miser sur l'avantage que détient le Canada en matière d'intelligence artificielle en investissant 125 millions de dollars dans une stratégie pancanadienne pour la recherche et la formation dans ce domaine.

Ce programme sera élaboré par l'ICRA en consultation avec des intervenants du milieu de la recherche et d'autres. La stratégie comportera cinq éléments. Une somme d'environ 86 millions de dollars sera réservée aux chaires de recherche qui s'adjoindront les meilleurs chercheurs du pays et qui encourageront la formation de diplômés dans le domaine de la recherche en intelligence artificielle. Un montant de 30 millions de dollars sera utilisé pour soutenir trois établissements spécialisés dans ce domaine, soit ceux de Toronto, Montréal et Edmonton. Une enveloppe de 1,5 million de dollars servira à soutenir le travail qui se fait sur l'intelligence artificielle et son incidence sur la société. Une somme de 2 millions de dollars ira à des activités nationales, telles que la formation d'étudiants de premier et deuxième cycles. Enfin, un maximum de 5 millions de dollars sur 5 ans sera accordé à l'ICRA pour lui permettre de faire fonctionner ce programme.

Beaucoup de gens m'ont demandé pourquoi le Canada investit dans la recherche et la formation en intelligence artificielle. Je crois qu'il y a deux raisons névralgiques à cela. Tout d'abord — et c'est ce qui est le plus important —, disons que l'intelligence artificielle a le potentiel de transformer et d'améliorer nos vies. Comme je l'ai expliqué lors de mon dernier passage ici, les ordinateurs instruits par une intelligence artificielle peuvent maintenant détecter un cancer de la peau avec plus de précision ou d'efficacité qu'un dermatologue de formation classique. Si nous pouvons commencer à capter ces images avec nos téléphones intelligents et les soumettre à un ordinateur instruit par une intelligence artificielle, nous allons augmenter de beaucoup nos chances de dépister les cancers tôt, plus rapidement et à moindre coût. Nous savons qu'un diagnostic précoce est la façon la plus prometteuse d'obtenir de bons résultats sur le plan de la santé, surtout lorsqu'il s'agit d'un cancer. Les avantages de l'intelligence artificielle ne se limitent pas au domaine de la santé. Nous constatons en effet l'émergence de systèmes pilotés par intelligence artificielle dans le domaine de l'agriculture, systèmes qui permettent d'encadrer et d'optimiser les activités agricoles, et de nourrir plus de gens en utilisant moins d'eau et moins de fertilisants. Un chercheur de l'ICRA se sert même de l'intelligence artificielle pour mettre au point un appareil qui pourrait aider les non-voyants à voir de nouveau.

Deuxièmement, en développant ici, au Canada, des technologies axées sur l'intelligence artificielle, nous espérons pouvoir tirer parti des avantages économiques que ces technologies créeront. Si nous sommes les premiers à mettre en marché des produits fondés sur l'intelligence artificielle, nous allons pouvoir les exporter partout dans le monde, ce qui génèrera des revenus fiscaux et de nouveaux emplois. Le fait que ces technologies seront fabriquées en sol canadien donnera aussi un coup de pouce aux entreprises et aux secteurs existants de l'économie canadienne, puisque ces intervenants seront les premiers à explorer les usages de ces technologies et à les adapter. À l'heure où le Canada accuse un retard récurrent en matière de productivité, la bonification des liens entre les entreprises canadiennes et le milieu de la recherche universitaire en intelligence artificielle devrait améliorer la productivité et stimuler la création de nouveaux emplois dans ce domaine. Pour toutes ces raisons, je suis heureux de voir que le gouvernement du Canada profite du budget de 2017 pour proposer des investissements en recherche et en formation dans le domaine de l'intelligence artificielle.

Comme c'est en général le cas des technologies de rupture, l'intelligence artificielle apportera sans aucun doute son lot de changements. En effet, dans ce monde singulièrement branché qui sera le nôtre, il sera tout simplement impossible d'ignorer l'impact qu'aura sur la société l'innovation axée sur l'intelligence artificielle, et ce, peu importe d'où ces avancées viendront. Par conséquent, il est extrêmement important de ne pas ignorer ces changements, mais, bien au contraire, d'examiner les effets possibles de l'intelligence artificielle, ainsi que la façon dont les avancées en la matière toucheront les Canadiens dans tous les domaines. En comprenant cela, nous serons en mesure d'élaborer des politiques et des programmes qui permettront à tous les Canadiens de profiter de cette technologie fabriquée au Canada. Nous nous engageons sur une voie qui, pour peu que nous nous donnions une bonne feuille de route, pourrait bel et bien transformer l'avenir du Canada pour le mieux, et ce, d'une manière que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Bernstein. Avant de passer aux questions de mes collègues, j'aimerais tirer certains aspects au clair.

L'autorisation porte sur un montant maximum de 125 millions de dollars. Ce montant proviendra-t-il du budget d'une seule année ou s'étendra-t-il sur un certain nombre d'années?

M. Bernstein : Le montant sera réparti sur un certain nombre d'années, mais je vais laisser la parole à ma collègue qui pourra me corriger si je fais erreur.

Alison McDermott, directrice générale, Secteur science et innovation, Direction générale de la coordination de programmes, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Non, vous ne vous trompez pas, mais les chiffres seront présentés différemment selon la convention comptable utilisée, ou selon qu'il s'agit de flux de trésorerie ou selon la façon dont les chiffres seront saisis dans les états financiers du gouvernement. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est des états financiers du gouvernement, étant donné que l'engagement a été pris lors de l'exercice 2016-2017, il apparaît comme une dépense pour 2016-2017, mais l'on s'attend à ce que l'argent soit réparti sur cinq ans, en fonction des besoins du programme.

Le président : Un chercheur ciblé sera financé pour une période de cinq ans à même ce fonds particulier, c'est bien cela?

Mme McDermott : Oui, c'est bien cela.

Le président : Merci beaucoup.

J'aimerais aussi avoir une précision sur l'établissement de cette stratégie pancanadienne sur l'intelligence artificielle. Vous avez donné les grandes lignes de cette stratégie, nommément le financement des chercheurs canadiens et des trois institutions. Nous savons d'expérience que l'étalement d'une affectation de cette importance à l'échelle du pays peut s'avérer problématique, et cetera. Or, il s'agit d'un domaine d'une importance névralgique pour le Canada. Notre étude a mis cela en évidence et nous savons que c'est vrai. Il est clairement dit que les fonds seront remis à trois établissements. S'attend-on à ce que le gros des chaires de recherche se retrouve dans ces trois établissements?

M. Bernstein : La réponse courte est « oui ». Nous avons mis de côté une partie de ces 86 millions de dollars pour les universités qui se diraient prêtes à pousser de façon sérieuse la recherche en apprentissage profond et qui présenteraient des candidats conformes aux normes d'excellence que nous sommes en train d'instaurer. À cet égard, je vois deux scénarios possibles. Première possibilité : nous pourrions mettre 10 de ces 86 millions de dollars de côté pour ce que je viens de dire. Deuxième possibilité : si nous constatons que la demande de la part des chaires des trois établissements ciblés n'est pas assez forte, nous allons discuter de la question avec les représentants d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada afin d'envisager la possibilité de transférer une partie de ces fonds à d'autres universités qui, dans cet intervalle de cinq ans, nous aurons fait savoir qu'elles sont prêtes à s'investir sérieusement dans ce domaine de recherche.

Le président : Merci beaucoup. Vos réponses sont des plus satisfaisantes. Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues.

Nous allons y aller à raison d'une question par tour, puis nous verrons où cela nous mène. Je crois toutefois que l'on va vous poser plusieurs questions.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vais commencer par une affirmation. Comme il s'agit d'une initiative pancanadienne, j'aurais été beaucoup plus conquise si vous m'aviez dit qu'un établissement du Canada atlantique avait été retenu.

Comme pour à peu près tout ce qui se passe au Canada, nous avons tendance à ne pas informer précisément les gens des progrès accomplis ou à leur dire où les choses en sont, des informations qui pourraient pourtant leur permettre de profiter de ces nouvelles technologies. Avez-vous pensé inclure quelque chose dans votre stratégie pour garder les Canadiens au fait de ce qui se passe dans ce domaine, peut-être sur une base annuelle?

M. Bernstein : Permettez-moi, madame la sénatrice, de répondre à la fois à votre observation et à votre question.

La question du Canada atlantique renvoie à l'observation du sénateur Ogilvie. Dans un premier temps, nous avons pris la décision de ne pas répartir à la grandeur du pays ces ressources somme toute très modestes, mais de les concentrer dans des régions qui sont déjà passablement fortes dans ce domaine, d'où le choix de ces trois villes. Nous prenons néanmoins ce que vous dites très au sérieux. L'aspect pancanadien de cette initiative — et il y a un poste budgétaire prévu pour cela — sera de développer et d'étendre ce que l'ICRA fait déjà à petite échelle, c'est-à-dire d'offrir des cours d'été et d'hiver pour les étudiants de premier et deuxième cycles de partout au pays. Grâce à ces cours d'une durée d'une semaine, les étudiants auront accès à certains des scientifiques les plus en vue au Canada et à l'étranger dans le domaine de l'apprentissage profond.

Puis, comme je l'ai dit dans ma réponse à la question du sénateur Ogilvie, si Dalhousie décide à son tour d'établir une présence forte dans le domaine de l'apprentissage profond, nous avons réservé 10 millions de dollars précisément pour cela.

Maintenant, en ce qui concerne les progrès réalisés en matière de technologie, il convient d'entrée de jeu de préciser que la science et ses applications connexes feront sans l'ombre d'un doute des progrès au cours des cinq prochaines années. Je suis d'accord avec le raisonnement qui sous-tend votre question. Là encore, nous avons prévu de l'argent pour une initiative qui s'emploiera à examiner les conséquences économiques, philosophiques et stratégiques de l'intelligence artificielle et de ses applications.

Ces enjeux ne sont pas l'apanage du Canada; ils concernent le monde entier. Nous allons publier des livres blancs à partir des discussions qu'auront les universitaires et scientifiques de partout au Canada et de l'étranger que nous avons l'intention de réunir. Le coup d'envoi de cette initiative se fera en septembre à l'occasion du colloque que nous organisons pour discuter des enjeux économiques de l'intelligence artificielle. C'est l'un des mécanismes qui seront utilisés.

Je me ferai évidemment une joie de revenir ici une fois l'an pour vous expliquer l'état d'avancement de la stratégie dans son ensemble. Soyez néanmoins assurés que nous informerons le public des différents aspects et des différentes répercussions des sciences de l'intelligence artificielle et des progrès réalisés dans ce domaine.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Bernstein, je vous remercie de votre exposé. Le gouvernement fédéral va vous accorder du financement pour vos recherches.

Le comité a étudié le rôle de la robotique, de l'intelligence artificielle et de l'impression en 3D dans le réseau de la santé. Certains témoins nous ont dit que, pour diverses raisons, le domaine de la robotique avait lui aussi besoin qu'une stratégie pancanadienne. Croyez-vous que la stratégie pancanadienne sur l'intelligence artificielle proposée englobera la robotique, étant donné que les deux technologies sont fortement intégrées? Si non, pourquoi pas?

M. Bernstein : J'imagine que vous faites référence au domaine du transport et à l'application de l'intelligence artificielle fondée sur l'apprentissage profond aux voitures intelligentes. Je me fais une idée de tout ce que vous avez dû lire au sujet des voitures intelligentes. D'une certaine façon, une voiture intelligente est un robot. C'est une machine qui fonctionne sans intervention humaine. La plupart des véhicules intelligents qui sont envisagés — y compris les véhicules intelligents comme ce camion qui a réussi il y a quelques mois à transporter une cargaison de bière d'un bout à l'autre du Colorado — sont pilotés par une technologie fondée sur l'apprentissage profond.

Il y a une contamination tout à fait naturelle entre l'intelligence artificielle axée sur l'apprentissage profond et la robotique. Je présume que la plupart des robots seront activés et pilotés grâce à l'apprentissage profond que l'on aura programmé dans leurs algorithmes. Alors, oui, il s'agit en quelque sorte des différents côtés d'une même pièce.

La sénatrice Petitclerc : Nous avons parlé abondamment de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé. Or, j'aimerais bien savoir — mais je sais qu'il est peut-être trop tôt pour le dire ou que vous n'avez pas nécessairement la réponse — comment ces 125 millions de dollars vont être répartis. Vous venez de parler des voitures; notre étude a mis l'accent sur la santé. Comme d'autres l'on fait avant vous, vous avez évoqué l'agriculture. L'argent est-il réservé à différents secteurs, ou est-ce que la façon dont l'argent sera réparti fait partie du processus?

M. Bernstein : C'est une excellente question, madame la sénatrice. Dans tout ce qu'il fait, l'ICRA essaie de se tenir loin de l'approche du haut vers le bas. Nous serons donc ouverts aux applications proposées par les joueurs des trois établissements ciblés, et ce, dans n'importe quel domaine de l'intelligence artificielle, pour peu qu'elles soient conformes aux standards d'excellence et aux normes internationales que nous adopterons.

Les applications ne sont pas limitées au domaine de la santé. Elles sont dans tous les domaines dont vous avez parlé. J'ajouterais à cela les technologies propres et d'autres domaines scientifiques. Je parlais hier avec un astrophysicien émérite d'ici concernant les applications de l'intelligence artificielle à l'observation du cosmos, et il me disait qu'il travaillait beaucoup là-dessus.

Pour l'instant, nous n'avons pas de formule précise et nous ne pensons pas en inclure une. Toutefois, nous serons en liaison continue avec les directions des trois établissements, car je veux m'assurer de la distribution équilibrée de nos investissements, tant sur le plan géographique qu'en ce qui concerne les différents domaines scientifiques et leurs applications.

Le sénateur McIntyre : Je me pose des questions sur les aspects éthiques de l'intelligence artificielle. Selon vous, quels sont les aspects éthiques dont nous devrions tenir compte quant au développement et à l'utilisation des nouvelles technologies fondées sur l'intelligence artificielle?

M. Bernstein : C'est une bonne question. C'est une question ouverte, puisque le développement de la science donnera inévitablement lieu à divers scénarios qui auront différentes répercussions sur le plan éthique, économique, et cetera.

L'une des préoccupations d'ordre éthique concerne le vaste domaine de l'interface entre les machines et les humains. Comme je devais prendre l'avion pour venir ici, je me suis levé tôt ce matin et j'ai pu écouter un entretien à la radio de CBC où il était question des robots à domicile, de ces robots qui sont pilotés par une intelligence artificielle fondée sur l'apprentissage profond. Il est difficile d'écouter les médias sans entendre parler d'intelligence artificielle.

Par exemple, on a abondamment parlé du fait que les robots devenaient de plus en plus comme les humains. Les contacts entre humains seront-ils remplacés par les interactions entre les humains et machines, ou entre humains et robots? Je ne suis pas certain qu'il s'agit d'une préoccupation d'ordre éthique, mais c'en est assurément une d'ordre social.

Une autre préoccupation d'ordre éthique concerne les perturbations qui découleront du remplacement de la main- d'œuvre humaine par des robots ou des machines douées d'une intelligence artificielle. Encore une fois, je ne suis pas convaincu qu'il s'agit d'une préoccupation strictement éthique, mais c'est assurément un enjeu social et économique.

Il y a des questions liées à la vie privée auxquelles nous faisons déjà face, avec les ordinateurs et le Web, et je pense donc que nous en sommes là maintenant, en fait.

Sénateur, ce sont là les observations que je fais pour le moment quant aux questions éthiques. Dans le Programme sur l'IA dans la société, nous regrouperons des individus, les meilleurs universitaires et chercheurs dans le monde, qui se pencheront sur chacun de ces aspects.

Le sénateur Dean : Je vais revenir sur une réponse qui a été fournie au président sur le déploiement de ressources qui, nous le supposons, seront déployées ailleurs.

Cinq ans, c'est long dans ce secteur. Les priorités et les technologies changent. Si je comprends bien, d'après la discussion qui a eu lieu plus tôt et d'après la réaction de Mme McDermott, l'utilisation de ces fonds est assez souple — je parlerais de dépassement des frontières, mais dans le cadre de l'allocation —, sous réserve de consultations et de l'approbation du ministère, pour qu'on puisse s'adapter, certes dans le cadre des principes et des objectifs. Je crois que c'est ce que nous aimerions voir. Il semble que ce type de lien et de gouvernance existent.

M. Bernstein : Sénateur, en un mot, oui. Nous avons eu de longues discussions avec le ministère. Des deux côtés, on peaufine les détails de l'entente. Nous avons constaté exactement la même chose que vous : cinq ans, c'est long. Dans un secteur scientifique qui évolue rapidement comme celui de l'intelligence artificielle, on ne sait jamais; je ne peux pas dire où en seront les piliers dans ce secteur au pays dans trois ans, disons, et personne ne peut le dire, vraiment. Nous voulions donc avoir la souplesse nécessaire pour que ce soit reflété.

C'est exactement la raison pour laquelle j'ai discuté avec des recteurs à l'extérieur des trois centres, parce qu'ils ont la même préoccupation, bien entendu, et nous en sommes conscients. Encore une fois, nous avons également ce que j'appelle un fonds de flexibilité de 10 millions de dollars à cette fin. Même si le gros des chaires de recherche se retrouve dans les trois centres, nous avons 10 millions de dollars que nous pouvons utiliser pour d'autres centres. Je pense que rien n'empêche l'ICRA de dire au gouvernement que c'est un énorme succès et de parler de ce qui se passe à l'extérieur de ces trois centres et de l'importance que cela a pour le Canada; nous devons réapprovisionner le fonds plus tôt.

[Français]

Le sénateur Cormier : Comme vous le savez, la relation que les Canadiens et les Canadiennes entretiennent avec l'intelligence artificielle varie selon leur adhésion à ce concept, selon les groupes culturels et linguistiques, et selon qu'ils se trouvent en milieu rural ou urbain. De quelle manière tenez-vous compte de ces différentes réalités dans le cadre de l'élaboration et de la mise en œuvre de votre stratégie?

Dr Bernstein : C'est une bonne question.

[Traduction]

Permettez-moi de vous donner deux exemples majeurs. Je connais deux secteurs au pays qui s'intéressent beaucoup à l'application de l'intelligence artificielle : les secteurs bancaire et agricole. On parle de deux types de zones géographiques très différents, comme vous l'avez dit, sénateur. Avec des groupes à Toronto, à Montréal et à Winnipeg nous avons discuté des applications de l'intelligence artificielle dans les secteurs agricole et bancaire. Encore une fois, ces collectivités ont des réalités très différentes. Bay Street, ce n'est pas une ferme de la Saskatchewan. Or, l'intelligence artificielle peut être présente dans les deux contextes, et nous collaborons à l'échelle locale avec les groupes qui s'y intéressent, de sorte qu'ils puissent l'appliquer en fonction de leur contexte. Ce n'est pas à nous de le faire, mais il appartient certainement aux collectivités sur le terrain de le faire de la façon appropriée.

Nous en sommes conscients et comme je l'ai dit, nous collaborons avec les collectivités. J'ai rencontré des représentants des secteurs de la machinerie agricole et de l'agriculture, de même que du secteur bancaire, pour parler de la présence de l'intelligence artificielle dans leurs secteurs.

La sénatrice Petitclerc : J'avais une autre question. Elle dépasse peut-être un peu le cadre de l'étude, mais je crois comprendre que cette partie du budget est destinée à la recherche et à la formation. Comment faites-vous la transition entre la recherche et la formation et l'application pour les Canadiens? S'agit-il du même budget, ou d'un budget différent?

M. Bernstein : C'est une excellente question. Les 125 millions de dollars, à proprement parler, sont destinés à la recherche et à la formation. Ce sont les activités de l'ICRA. C'est dans ce volet que nous réussissons bien, à mon avis, et c'est à cela que ces fonds sont destinés.

Cela dit, si nous voulions que les fonds soient versés aux instituts affiliés à des universités dont il est question dans le discours du budget, c'est entre autres pour que ces instituts soient un point de rencontre entre les chercheurs universitaires et le secteur privé. Le but de l'ICRA — et je suis certain que cela correspond au rôle du gouvernement fédéral — comporte deux volets : faire progresser les connaissances scientifiques et catalyser l'innovation. À mon avis, cet investissement contribue à l'atteinte de ces deux objectifs et je veux m'assurer que c'est le cas.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Bernstein. Comme je l'ai laissé entendre en vous posant ma première question, je pense que c'est une formidable décision de reconnaître, dans le budget, l'occasion qui se présente à nous, au Canada, dans ce secteur émergent. Je pense qu'on tient compte du fait que le Canada est un chef de file dans le domaine, et que cela repose sur des investissements solides dans des études sur le fonctionnement du cerveau qui ont été réalisés au fil du temps au Canada, ce qui a fait en sorte que la recherche scientifique au Canada a énormément contribué au développement des capacités de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage profond.

M. Bernstein : Absolument.

Le président : Nous avons terminé une étude dans ce domaine, pas plus tard qu'hier soir, comme vous le savez — vous avez témoigné devant nous dans le cadre de cette étude — et nous reconnaissons le potentiel énorme qui existe ici et les défis qui se présenteront au fur et à mesure.

La dernière question de la sénatrice Petitclerc soulève une de nos préoccupations, à savoir qu'il faut nous assurer que les entrepreneurs canadiens peuvent tirer parti de ce domaine. Nous savons que c'est déjà le cas. Il en sera question dans notre étude. Ce n'est pas un élément du projet de loi que nous sommes en train d'examiner, mais je veux vous encourager à poursuivre dans la voie que vous avez décrite. Nous savons que des secteurs importants de la société canadienne font face à des obstacles quant à l'acquisition de nouvelles technologies. En examinant le système de soins de santé, par exemple, nous avons constaté l'énorme frustration que causent les limites imposées aux différentes unités du système de soins de santé quant à l'acquisition de nouvelles technologies, et cetera.

Ce n'est pas un élément du projet de loi ou de cette étude. Je veux seulement faire cette observation pour vous encourager — compte tenu de votre réponse à la question de la sénatrice Petitclerc, et je sais, d'après d'autres expériences, que c'est ce que vous faites —, mais je vous encourage pleinement à cet égard de sorte que, dans ce cas, la société canadienne bénéficie des bienfaits sociaux et économiques découlant des connaissances que nous développons dans ce pays. Je vous remercie beaucoup d'être venus comparaître.

Je suis ravi que notre prochain groupe de fonctionnaires ait pu se joindre à nous plus tôt que prévu. Comme vous l'avez constaté dans le passé, le temps dont disposent les comités est très restreint, de sorte que nous vous remercions beaucoup de vous être présentés quelques minutes plus tôt.

Je suis heureux d'accueillir à nouveau des gens qui ont déjà comparu devant nous auparavant, et dont les témoignages, dans le cadre d'études précédentes, nous ont été extrêmement utiles.

Chers collègues, nous examinons la section 16 de la partie 4 de la Loi d'exécution du budget, qui modifie la Loi sur les aliments et drogues pour autoriser le ministre de la Santé à fixer le prix à payer, relativement à une drogue, un instrument médical, un aliment ou un cosmétique, pour la fourniture d'un service ou l'utilisation d'une installation, à l'égard de la fourniture de procédés réglementaires ou de l'attribution d'autorisations réglementaires ou à l'égard de la fourniture de produits ou de l'attribution de droits ou d'avantages.

Je crois que M. Morgan présentera un exposé, et par la suite, tous les fonctionnaires pourront répondre aux questions. Monsieur, Morgan, allez-y, s'il vous plaît.

Ed Morgan, directeur général, Direction des politiques, de la planification et des affaires internationales, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Merci. Bonjour. Je m'appelle Ed Morgan, et je suis directeur général de la Direction de la planification et des affaires internationales de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada. Je suis accompagné de M. Deryck Trehearne, directeur général de la Direction de la gestion des ressources et des opérations; de M. David Lee, conseiller exécutif au sous-ministre adjoint de la Direction générale des produits de santé et des aliments; et de Mme Naira Minto-Saaed, directrice de la Division de la planification stratégique et de la responsabilité organisationnelle de la Direction de la gestion des ressources et des opérations.

Je suis heureux d'être ici pour discuter de cette proposition très importante qui vise à créer un régime de recouvrement des coûts viable et comparable à ce qui existe à l'échelle internationale pour les médicaments et le matériel médical.

Comme vous le savez, Santé Canada assure l'innocuité, l'efficacité et la qualité des produits de santé qui sont vendus au Canada par des activités de réglementation, comme l'examen préalable et postérieur à la mise en marché des médicaments. Comme la plupart des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques, Santé Canada impose à l'industrie des frais d'utilisation depuis les années 1990 afin de recouvrer une partie des coûts liés à ces activités, afin d'assurer l'équité pour les contribuables.

Toutefois, ces frais n'ont été mis à jour qu'une seule fois en 22 ans. Il a fallu 10 ans pour revoir les frais qui sont actuellement en vigueur, et ceux-ci étaient déjà désuets lorsqu'ils ont été mis en œuvre, en 2011. Par ailleurs, Santé Canada recouvre beaucoup moins, en pourcentage, que ne le font nos principaux homologues en matière de réglementation, comme la Food and Drug Administration des États-Unis, l'Agence européenne des médicaments et la Therapeutic Goods Administration de l'Australie. Ces organismes de réglementation recouvrent habituellement jusqu'à 100 p. 100 des coûts et sont en mesure de réviser leurs frais à la façon d'une entreprise commerciale, parfois même tous les ans.

Au moyen de la section 16 de la Loi d'exécution du budget, Santé Canada cherche à obtenir la révision des pouvoirs administratifs relatifs à l'établissement des frais d'utilisation, et ce, afin d'assurer que les revenus suivent le rythme des coûts; que l'industrie, encore une fois, paie une juste part; et que l'équité est maintenue pour les contribuables.

Cette proposition fait partie d'une démarche globale d'établissement des coûts en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, qui est nécessaire pour créer le type de régime moderne de recouvrement des coûts dont nous avons besoin pour offrir des programmes de réglementation plus efficaces. Ce nouveau régime servira d'assise à la transformation à long terme du système de réglementation de Santé Canada afin qu'il puisse mieux répondre aux besoins de l'ensemble du système de soins de santé et de la population canadienne.

La section 16 propose de transférer des pouvoirs existants relevant de la Loi sur la gestion des finances publiques à la Loi sur les aliments et drogues pour autoriser la ministre à fixer les prix par arrêté ministériel. Un arrêté ministériel est un modèle réglementaire qui est assujetti aux mêmes exigences que les règlements du gouverneur en conseil, mais qui est plutôt simplifié. Les mêmes principes de bons règlements s'appliquent, notamment la Loi sur les textes réglementaires et la Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation. La proposition n'entraîne aucuns frais. Elle révise simplement nos pouvoirs pour fixer les frais de façon plus simple et plus agile, après consultation complète de tous les intervenants.

En vertu de ces nouveaux pouvoirs, toutes les mises à jour et révisions des frais continueront de respecter les mesures de transparence et d'imputabilité qui sont actuellement en place, ce qui comprend les rapports publics et au Parlement, les normes de rendement et les pénalités.

La section 16 propose également de ne pas soumettre le régime de recouvrement des coûts de Santé Canada aux exigences de la Loi sur les frais d'utilisation. Vous aurez constaté que d'autres sections de la Loi d'exécution du budget prévoient d'importantes révisions de la loi, notamment la modification de son titre pour « Loi sur les frais de service », que Santé Canada appuie pleinement. Cependant, Santé Canada nécessite tout de même une exemption de ces dispositions pour différentes raisons importantes. Tout d'abord, du fait de relever de la Loi sur les aliments et drogues, le pouvoir d'établissement des frais sera harmonisé dans les instruments de politique et les instruments juridiques, ce qui permettra d'instaurer un régime exhaustif qui respectera ou dépassera toutes les exigences de la Loi sur les frais de service dans sa version proposée.

Les frais que Santé Canada impose à l'industrie sont à la baisse par rapport au pourcentage des coûts depuis 2011; ils sont actuellement d'environ 40 p. 100. Le ministère doit réviser ses frais de toute urgence. Il faudra plus de 15 mois pour mettre en œuvre les modifications proposées à la Loi sur les aliments et drogues et le nouveau régime de recouvrement des coûts, mais la mise en œuvre de la Loi sur les frais de service et autres politiques prendra vraisemblablement beaucoup plus de temps, ce qui créera une plus grande incertitude et accroîtra la pression exercée sur les programmes des médicaments et des matériels médicaux du ministère.

En conclusion, monsieur le président, nous avons fourni à la greffière un document d'information, et je crois que tous les membres du comité devraient en obtenir une copie. Le document montre que les modifications à la Loi sur les aliments et drogues retiennent les principaux éléments redditionnels et commerciaux de la Loi sur les frais d'utilisation. Ces détails ne se trouvent pas dans la Loi d'exécution du budget, qui tient compte uniquement des modifications législatives, non pas des détails de la mise en œuvre qui seront formulés dans la réglementation.

Monsieur le président, ceci conclut ma déclaration préliminaire, et c'est avec plaisir que je répondrai aux questions.

Le président : Merci beaucoup. Je cède la parole à mes collègues.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie de votre présence. S'agit-il d'un nouveau régime pour Santé Canada ou pour les aliments et les drogues?

M. Morgan : Nous avons le pouvoir d'établir des frais d'utilisation, de sorte que nous établissons des frais d'utilisation actuellement, mais vous avez raison : l'arrêté ministériel est une nouvelle méthode réglementaire pour le faire.

La sénatrice Stewart Olsen : Oui, exactement. Voici la question que je veux vous poser en fait : combien de temps faudra-t-il à votre ministère pour mettre cela en œuvre? Prévoyez-vous des coûts supplémentaires? C'est actuellement dans un endroit précis, et transférer ce type de choses à différents endroits peut parfois entraîner des problèmes. Avez- vous des observations à faire à ce sujet?

M. Morgan : En fait, il y a un plan de mise en œuvre. Je vais céder la parole à mon collègue, M. Trehearne.

Deryck Trehearne, directeur général, Direction de la gestion des ressources et des opérations, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Vous avez tout à fait raison; c'est une très bonne question. Pour l'essentiel, nous avons des dizaines de frais qui sont établis en vertu du Règlement sur les aliments et drogues à l'heure actuelle, et nous proposons de les retirer du cadre de la Loi sur la gestion des finances publiques et de les intégrer dans le cadre de la Loi sur les aliments et drogues. Nous n'ajouterons pas d'autres frais, mais pour cette seule mesure, le processus réglementaire prendra 15 mois. Nous avons un plan de mise en œuvre complet.

Parallèlement, nous consulterons évidemment nos principaux intervenants. Nous avons déjà commencé à le faire, et je crois qu'ils comparaîtront devant votre comité après nous.

Nous avons un plan de mise en œuvre complet, mais comme l'a souligné Ed, concernant le nouveau pouvoir, plutôt que d'établir les frais selon le processus réglementaire — gouverneur en conseil, SCT, toute l'affaire — nous le ferons par arrêté ministériel, une approche légèrement simplifiée. Or, cela nécessite, comme l'indique le document, tous ces éléments principaux — impact de la réglementation, évaluations des bénéfices économiques, nécessité de tenir des consultations — qui sont énoncés dans les dispositions actuellement. Toutes les mesures de protection et de responsabilité sont maintenues, mais cela nous permettra peut-être plus tard, une fois que nous aurons apporté ce changement — nous l'espérons —, de revoir nos frais au moins tous les deux ans.

À l'heure actuelle, dans le cadre de la Loi sur les frais d'utilisation et du processus réglementaire, on parle d'au moins quatre à cinq ans. De plus, comme vous pouvez le constater avec ce qu'a dit Ed, nous avons révisé nos frais une seule fois en 22 ans et il a fallu 10 ans, car il faut qu'une volonté administrative et une volonté politique convergent pour qu'une mise à jour de ces frais soit effectuée. Nous essayons simplement de le faire davantage à la façon d'une entreprise privée.

La sénatrice Stewart Olsen : Je veux obtenir une précision. Êtes-vous en train de créer une nouvelle bureaucratie qui s'ajoutera à la bureaucratie existante?

M. Trehearne : Non, absolument pas. Nous avons les ressources maintenant.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre exposé. Je crois comprendre que les nouvelles mesures législatives toucheront les frais d'utilisation imposés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Il y a la Loi sur les frais d'utilisation et la proposition de Loi sur les frais de service, et si j'ai bien compris, on propose que la nouvelle Loi sur les frais de service remplace la Loi sur les frais d'utilisation.

M. Trehearne : C'est exact.

Le sénateur McIntyre : C'est un peu complexe, mais, à tout le moins, c'est un début.

Cela dit, ma question concerne l'examen parlementaire. J'attire votre attention à la section 16 de la partie 4, le nouvel article 30.62. Si je comprends bien la dernière ligne de cet article, la seule exigence que doit respecter la ministre avant de fixer un prix est de consulter toute personne qu'elle estime intéressée en l'occurrence. Pourquoi Santé Canada ne serait pas tenu de mener une consultation approfondie et de soumettre une proposition aux fins d'un examen parlementaire?

David Lee, conseiller exécutif au sous-ministre adjoint, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Merci pour cette question, sénateur. Il est bel et bien question de consultation dans cet article, mais je tiens à signaler que la ministre doit composer avec d'autres contraintes en matière de réglementation, car dès qu'elle prend un arrêté, celui-ci devient un règlement. On ne passe pas par le gouverneur en conseil.

Elle doit également s'assurer que lorsqu'elle fait une proposition — et je regarde le paragraphe 30.61(3) qui précède l'article dont vous parlez —, les prix sont fixés. Ce n'est pas un montant arbitraire. Elle doit analyser les coûts réels et consulter ensuite l'industrie. Il s'agit d'une contrainte très stricte et d'une bonne mesure de reddition de comptes pour la ministre.

En ce qui a trait au dépôt au Parlement, j'ai vécu le dernier cycle de modification des frais. Il nous a fallu déployer beaucoup d'efforts pour décrire au Parlement quelles étaient nos intentions. Ensuite, nous avons passé des mois à rédiger l'ébauche, pour ensuite la présenter à l'industrie et tenir d'autres discussions, mais toujours sur les mêmes sujets. Nous sommes conscients de la portée de l'exercice, soit nous assurer de ne pas fixer des prix trop élevés, mais, encore une fois, du point de vue réglementaire, le processus de consultation est très rigoureux. Nous devons être en mesure de rendre des comptes sur l'incidence sur le secteur. Il s'agit d'un travail très délicat et méthodique.

Vous faites référence à un nouveau processus. Encore une fois, nous ne retournons pas devant le Parlement, mais le processus de consultation est très rigoureux.

Le sénateur McIntyre : Vous dites vrai, car il est clair, par les frais de service proposés, que les prix ne peuvent être fixés qu'après que plusieurs exigences en matière de consultations aient été respectées.

M. Lee : C'est exact.

Le sénateur McIntyre : Merci.

M. Trehearne : J'aimerais ajouter que les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor ont modifié la Loi sur les frais de service en conséquence.

Le sénateur McIntyre : Merci.

Le président : Quelqu'un d'autre voudrait interroger les représentants du ministère?

La sénatrice Petitclerc : Si j'ai bien compris, en réalité, l'objectif est de simplifier les choses et de réduire les coûts à un certain niveau pour améliorer l'efficacité, ou pas nécessairement?

M. Trehearne : Il y a deux types de coûts. Le premier est le coût associé à l'ajustement des frais. Évidemment, celui-ci baisse, car si nous travaillons tous à cet ajustement pendant 10 ans, ce changement coûtera un certain montant, n'est-ce pas?

Puis, il y a les coûts au sein du gouvernement lui-même et les facteurs de coûts à cet égard sont beaucoup plus difficiles à expliquer. L'un des points que nous voulons souligner, c'est que, malgré le fait que le facteur d'indexation des frais ait été fixé à 2 p. 100, une nouvelle caractéristique de la Loi sur les frais de service, une exigence que tous les ministères seraient tenus de respecter, même si cette indexation est déjà incluse dans nos frais, un des éléments les plus positifs de notre système de fixation des frais, les coûts continuent de monter et les frais, en termes de pourcentage, continuent de descendre. Nous sommes à environ 40 p. 100. En 2011, nous étions à environ 50 p. 100. Habituellement, le taux de recouvrement dans les autres pays du monde varie entre 75 p. 100 et 100 p. 100.

Dans les années 1990, le Canada a choisi de fixer des frais moins élevés afin de ne pas avoir un impact négatif sur l'industrie, entre autres, car c'était quelque chose de nouveau. À l'époque, il y a eu beaucoup d'ajustements et de difficultés initiales, tant pour l'industrie que pour les bureaucrates, ce qui a mené à l'adoption de la Loi sur les frais d'utilisation. L'adoption de cette loi a refroidi les ardeurs en ce qui a trait aux frais et à la capacité de simplifier le processus.

La sénatrice Griffin : Je veux m'assurer de bien comprendre quels sont les facteurs qui influencent les prix. Est-ce l'indice des prix à la consommation, l'IPC?

Naira Minto-Saaed, directrice, Division de la planification stratégique et responsabilité organisationnelle, Direction de la gestion des ressources et des opérations, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Vous voulez parler du facteur d'indexation annuel ou de façon générale?

La sénatrice Griffin : Les deux. En fait, je vais terminer ma question.

Mme Minto-Saaed : D'accord.

La sénatrice Griffin : Allons-y.

Le facteur d'indexation annuelle s'appuie-t-il sur l'indice des prix à la consommation? C'est ma première question. Prenons les médicaments. Un processus d'approbation beaucoup plus complexe serait plus dispendieux qu'un autre, plus simple. Est-ce des choses que l'on considère comme des facteurs d'indexation des frais? Je veux m'assurer de bien comprendre.

Mme Minto-Saaed : Le ministère dispose d'un système de suivi quant à la fixation des prix. Chaque proposition fait l'objet d'un suivi pour évaluer le temps de traitement et d'examen. Lorsque nous fixons les frais annuels, nous analysons les coûts, calculons une moyenne et établissons un coût unitaire. C'est le processus que nous utilisons pour fixer les prix, et c'est un processus représentatif du coût en fonction du temps nécessaire.

Concernant l'indexation, celle-ci est actuellement fixée à 2 p. 100. C'est ce qui a été proposé. Ce taux n'est pas nécessairement lié à l'IPC. Nous examinons comment procéder dans le cadre du nouveau régime : maintenir les 2 p. 100, suivre l'IPC ou un mélange des deux? C'est ce que nous examinons.

M. Trehearne : Tous les coûts font l'objet d'un suivi pour fixer les frais. Ces données sont communiquées à l'industrie et aux intervenants concernés afin qu'ils puissent savoir clairement quels sont les coûts.

La sénatrice Griffin : À l'avance. D'accord.

M. Trehearne : Le fait d'avoir cette capacité est unique à notre direction, dans une certaine mesure, en raison de la nature de nos activités.

La sénatrice Griffin : D'accord. Merci.

Le sénateur McIntyre : Ma question concerne les rôles des intervenants. Quels sont les recours, s'il y a lieu, pour les intervenants qui souhaitent contester les frais établis dans les amendements proposés? Par exemple, pourraient-ils demander au ministère de les modifier? Si oui, est-ce que cela diffère de la politique actuelle?

La raison pour laquelle je pose la question, c'est que, selon ce que j'ai pu comprendre, selon les amendements proposés, la ministre de la Santé pourrait ajuster les frais sans présenter une proposition en ce sens ou satisfaire aux exigences en matière de consultation établies dans la nouvelle version de la loi.

M. Lee : Vous soulevez un point très important. J'aimerais simplement revenir à notre échange précédent. La loi préciserait les contraintes obligeant la ministre à mener des consultations avant de prendre un arrêté et ces consultations seraient menées, à tout le moins, auprès des intervenants directement touchés. Il s'agirait d'un exercice de bonne foi.

Encore une fois, elle est limitée en fonction des coûts. Nous prenons très au sérieux le respect des exigences relatives à la prise d'un arrêté. Nos collègues de Justice, qui nous aident dans l'élaboration de nos ébauches, s'assurent que ces arrêtés sont justifiés. C'est une chose qu'ils surveillent.

La ministre ne pourrait pas prendre un arrêté sans suivre ces étapes. C'est un processus très décisif en ce sens.

Le sénateur McIntyre : Donc, les intervenants pourraient demander des changements?

M. Lee : Oui. C'est l'une des choses sur lesquelles nous nous appuyons pour apporter des changements. Si un intervenant demande au ministère de revoir la politique, la ministre peut certainement amorcer le processus et mener des consultations.

Le sénateur McIntyre : Merci.

M. Trehearne : Notre proposition comporte plusieurs autres dispositions. Par exemple, nous nous sommes engagés également à créer un processus de résolution de différends plus large. Il y a les garanties relatives aux consultations, et la Chambre des communes et ce comité peuvent toujours nous inviter pour discuter de nos propositions. Nos intervenants viendront aussi témoigner devant vous.

De plus, nous avons adopté des politiques d'atténuation des frais pour les petits commerces et les petites et moyennes entreprises afin qu'ils ne soient pas affectés par ces frais. Si je ne m'abuse, nous réduisons nos frais de quelque 20 millions de dollars par année là où l'impact sur les petites et moyennes entreprises se ferait sentir. Il y a plusieurs mécanismes.

Le sénateur Neufeld : Avant de poser ma question, je tiens à préciser que je n'ai rien contre la simplification pour faciliter les choses.

Combien le ministère pourrait-il économiser grâce à ces changements? Vous dites qu'il a fallu travailler pendant 10 ans à ce dossier. Toutes ces ressources et tout ce papier, cela a dû être dispendieux.

M. Trehearne : Oui.

Le sénateur Neufeld : Donc, combien le ministère pourrait-il économiser? Avez-vous fait ces calculs?

M. Trehearne : En fait, il y a deux types d'économies. Je n'ai pas de chiffres avec moi. Si nous pouvons fixer les prix tous les deux ans selon un processus simplifié au lieu d'avoir à composer avec un gros dossier tous les 10 ans, cela permettrait de réduire les coûts pour les administrateurs, les services juridiques, le Secrétariat du Conseil du Trésor et d'autres, et aussi les coûts liés à l'ensemble du processus réglementaire. Il y a toute une panoplie de coûts indirects. Le gouvernement actuel a un programme très exigeant et les exigences réglementaires sont très grandes. Tout ce que nous pouvons faire pour réduire la pression est utile, mais, encore une fois, comme l'a souligné David, il s'agit ici d'un type de règlement, juste simplifié.

Puis, il y a le coût... nous estimons que nous avons un manque à gagner de 15 à 20 millions de dollars, puisque les frais ont été fixés selon les coûts de 2008. Si l'on tient compte des économies que nous pourrions réaliser en récupérant ces frais, 20 millions de dollars pourraient être réinjectés dans le système réglementaire chaque année assurant ainsi l'intégrité et la sécurité du régime. En l'absence de ces frais, nous faisons comme les bureaucrates : nous gérons le risque, réaffectons des ressources et subventionnons essentiellement les coûts.

M. Lee : En fait, sénateur, à titre de précision, il y a plusieurs années, nous devions ajouter une disposition réglementaire pour réglementer les ingrédients actifs contenus dans les produits pharmaceutiques, les matières brutes. Il s'agit d'un système très important qui nécessite des cycles d'inspection, mais après avoir ajouté cette disposition, nous n'arrivions pas à garder le rythme avec la structure de coûts. Nous ne pouvions pas recourir assez rapidement aux dispositions de la Loi sur les frais de service pour recouvrer les coûts. Il y a donc un système de surveillance très important en place en matière de sécurité, mais il n'est pas financé de façon à suivre la réglementation. À ce jour, nous n'avons toujours pas de frais dans ce secteur.

L'autre coût, pour nous, alors que nous mettons en œuvre la réglementation — remarquez, c'est une chose que nous avons gérée au sein du ministère. Nous avons mis en place des cycles d'inspection efficaces, mais comme l'a précisé Deryck, il faut réaffecter des fonds à d'autres programmes. Il serait aussi très avantageux si tout cela était harmonisé au processus d'établissement de règlement.

Le sénateur Neufeld : Je comprends ce que vous dites en ce qui a trait à harmoniser le processus, à réaliser des économies et à faire ce que vous devez faire plutôt que de simplement déplacer du papier pour augmenter les frais. Je reviens au fait que vous faites forcément des économies. Selon ce que vous dites, les gens travailleront un peu plus pour assurer une meilleure sécurité. C'est exact? C'est ce que j'entends dans vos propos.

Donc, dans une certaine mesure, vous gérez le risque, mais votre ministère disposera de plus de fonds. Donc, vous pourrez mieux gérer le risque, c'est cela, en termes simples?

M. Trehearne : On pourrait dire cela.

Mme Minto-Saaed : Oui, on pourrait dire cela.

Le sénateur Neufeld : D'accord. Passons à l'autre point. Vous dites que votre taux de recouvrement se situe actuellement à 40 p. 100, mais qu'à l'échelle mondiale, ce taux varie entre 75 et 100 p. 100. Votre objectif est-il d'atteindre 75 à 100 p. 100? J'imagine que oui. Quelle serait la période de temps visée pour atteindre cet objectif? Ensuite, ces nouveaux revenus, appelons-les comme cela, seraient-ils utilisés pour mieux gérer le risque ou y aura-t-il des économies qui pourront être refilées aux contribuables canadiens?

M. Trehearne : Vous avez tout à fait raison. Nous avons l'intention de discuter dès cet été du pourcentage et des coûts avec nos intervenants. Nous voulons discuter de la possibilité de commencer par un pourcentage plus élevé de recouvrement de coûts, plutôt que de rester à du 50-50, un compromis fait il y a 20 ans.

Nous voulons avoir ce genre de conversation. Toutefois, la suite des choses dépendra de ces conversations en fonction de ce qui est possible au sein de l'industrie et de l'impact sur les intervenants.

Le sénateur Neufeld : J'imagine que vous allez établir le plancher à 75 p. 100, dans la moyenne mondiale?

M. Trehearne : Nous n'avons pas encore fixé de cycle. Nous voulons d'abord discuter avec les intervenants et nous croyons que ces discussions en vaudront la peine.

Concernant les économies, tous nouveaux revenus, qui sont assujettis aux autorisations du Secrétariat du Conseil du Trésor sur la réaffectation des revenus au sein du ministère, seraient immédiatement réinvestis pour soutenir les coûts directement liés à la prestation des services réglementaires. Évidemment, nous pourrons assurer la durabilité de ces services et les améliorer, ce qui permettra d'accroître le rendement et, par conséquent, d'assurer de meilleurs résultats pour les Canadiens et les intervenants. Il y a des économies nettes à faire.

Ce ne sont pas tous les revenus qui peuvent être réaffectés à d'autres sections de la direction ou du ministère qui ne participent pas à la prestation de services ayant entraîné ces revenus. C'est fondamental.

Le sénateur Neufeld : Disons que vous passez d'un taux de recouvrement de 40 p. 100 à un taux de 75 p. 100. Combien cela représenterait-il en dollars? Donnez-moi un montant approximatif.

M. Trehearne : C'est une chose que nous avons analysée.

Mme Minto-Saaed : Je ne crois pas avoir ces données avec moi.

M. Trehearne : Faisons une estimation. Tout le processus réglementaire — avant, après et grâce à la vigilance — nous permet de recouvrer environ 99 millions de dollars par année. Donc, en augmentant notre taux de recouvrement de 25 p. 100, on parlerait d'environ 140 millions de dollars.

Le sénateur Neufeld : Avec un taux de recouvrement de 75 p. 100? D'accord. Merci.

Le président : Chers collègues, je pense que nous avons fait le tour de la question. J'ai lu le mémoire attentivement. Je le comprends très bien, et nous recevrons les observations des gens qui seront soumis à votre réglementation, ou qui le sont déjà, et qui devront vous payer.

M. Trehearne : Ils doivent déjà nous payer.

Le président : Nous verrons si des questions se présentent avec eux, mais pour l'instant, je n'en ai pas. Je comprends très bien. Je crois que les témoins suivants sont ici; nous allons donc passer à la prochaine partie de la séance.

Merci beaucoup de votre présence.

Nous recevons deux groupes aujourd'hui : Médicaments novateurs Canada et l'Association canadienne du médicament générique. Je crois que vous avez convenu que M. Hamill présentera son exposé en premier et qu'il sera suivi de M. Keon. C'est l'ordre dans lequel les noms figurent sur la liste, et je n'ai pas reçu d'indication contraire.

Je cède donc la parole aux représentants de Médicaments novateurs Canada : M. Declan Hamill, vice-président, Section juridique, réglementaire et politique; et M. Keith McIntosh, directeur général, Affaires réglementaires et scientifiques.

Declan Hamill, vice-président, Section juridique, réglementaire et politique, Médicaments novateurs Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, merci de nous avoir invités à prendre part à la discussion sur ce dossier très important. Je m'appelle Declan Hamill et je suis vice-président, Juridique, réglementaire et politique, chez Médicaments novateurs Canada. Je suis accompagné de M. Keith McIntosh, directeur général, Affaires réglementaires et scientifiques.

[Français]

Médicaments novateurs Canada est l'association nationale qui représente les compagnies pharmaceutiques innovatrices du Canada vouées à améliorer le bien-être des Canadiennes et des Canadiens grâce à la découverte et au développement de nouveaux médicaments et vaccins. Ensemble, nous investissons plus de 1 milliard de dollars en recherche et développement chaque année pour alimenter l'économie du savoir au Canada.

[Traduction]

La section 16 de la partie 4 du projet de loi C-44 modifie la Loi sur les aliments et drogues de façon à autoriser le ministre de la Santé à fixer le prix des services, comme l'examen réglementaire de nouveaux médicaments novateurs, une étape cruciale pour faire en sorte que la population canadienne ait accès à de nouveaux traitements.

Les modifications à la Loi sur les aliments et drogues doivent être considérées dans le contexte de l'ensemble des modifications proposées dans la partie 4 du projet de loi C-44. Par exemple, la section 21 du projet de loi abroge la Loi sur les frais d'utilisation actuelle et la remplace par une loi sur les frais de service modernisée, qui requiert la tenue de consultations à l'égard de la proposition de frais, l'établissement de normes de rendement, un rajustement annuel en fonction de l'IPC et le dépôt de rapports sur les coûts.

De son côté, Santé Canada est exempté de la nouvelle Loi sur les frais de service, et le ministre de la Santé dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire qui l'autorise à fixer par décret les prix et les règles de rajustement des prix, sans avoir à respecter les principes de transparence, de supervision et de responsabilisation applicables relativement à d'autres frais gouvernementaux.

En ce qui concerne les consultations, la loi stipule que le ministre consulte les personnes qu'il estime intéressées en l'occurrence.

En revanche, la Loi sur les frais de service exige la tenue de consultations publiques : les personnes et les parties intéressées doivent être invitées à soumettre des observations et elles doivent recevoir une réponse.

Par ailleurs, les modifications offrent peu de mesures de protection aux payeurs, comme des normes de rendement, l'accès à un processus de traitement des plaintes en cours d'examen et une surveillance assurée par les organismes centraux, notamment le Parlement.

La modification la plus importante a une incidence directe sur le Parlement. En effet, rien n'oblige explicitement Santé Canada à déposer des rapports annuels sur les montants perçus et sur les frais engagés par le Parlement, ce qui signifie que les coûts de Santé Canada échappent à une surveillance parlementaire valable.

En outre, aucune disposition ne porte sur l'examen parlementaire des frais proposés, comme celui que votre comité a mené en mai 2010 par rapport à la proposition de Santé Canada soumise au Parlement au sujet des frais d'utilisation et des normes de service concernant les médicaments pour usage humain et les matériels médicaux.

En réalité, les contribuables qui doivent payer des frais d'utilisation et s'acquitter des obligations réglementaires prévues par la Loi sur les aliments et drogues n'auront droit à aucun recours et ils n'auront accès à aucun rapport en matière de frais obligatoires.

La transparence, la supervision et la responsabilisation envers les parties intéressées caractérisent l'approche du Canada à l'égard des frais d'utilisation depuis que la Loi sur les frais d'utilisation a été adoptée en 2004, avec l'appui de tous les partis.

Médicaments novateurs Canada a contribué à l'élaboration de la première Loi sur les frais d'utilisation, à sa modification et à son application relativement aux divers frais engagés par notre industrie. Santé Canada a consulté et informé notre industrie; le ministère a collaboré et il a eu des discussions exhaustives avec elle, ce qui a permis d'évaluer rapidement de nouveaux médicaments novateurs afin de les rendre accessibles à la population canadienne.

Nous tenons à ce que le cadre législatif soutienne les principes de transparence, de supervision et de responsabilisation, afin que l'examen réglementaire de nouveaux produits de santé et médicaments novateurs se fasse rapidement.

Médicaments novateurs Canada souhaite aussi soulever une erreur de rédaction qui semble s'être glissée dans le projet de loi C-44. Nous l'avons jointe à notre mémoire.

Pour conclure, permettez-moi d'affirmer que chez Médicaments novateurs Canada, nous sommes prêts et disposés à travailler avec toutes les parties intéressées en vue d'augmenter les investissements dans l'innovation et d'améliorer l'accès aux médicaments pour la population canadienne. Nous espérons que votre comité reconnaîtra que le cadre législatif doit soutenir les principes de transparence, de supervision et de responsabilisation relativement aux frais de service afin que les parties intéressées puissent collaborer avec Santé Canada dans l'intérêt supérieur des Canadiens.

Merci.

Jim Keon, président, Association canadienne du médicament générique : Merci de nous permettre de nous adresser à vous.

Je ne ferai pas une longue introduction puisque mon collègue l'a déjà fait. L'industrie du médicament générique est le principal fabricant et exportateur de produits pharmaceutiques du Canada. En outre, elle est parmi les principales sources de recherche et développement, tous secteurs industriels confondus. Nos membres exploitent les plus importantes entreprises des sciences de la vie en Ontario et au Québec. Ils emploient directement plus de 11 000 Canadiens à des postes très qualifiés, dans les secteurs de la recherche, du développement et de la fabrication.

Nous jouons un rôle important dans le contrôle des coûts des soins de santé. Au Canada, les médicaments génériques sont utilisés pour 70 p. 100 de toutes les ordonnances médicales, mais ils ne représentent que 22 p. 100 du montant que les Canadiens dépensent tous les ans en médicaments d'ordonnance. Cinq ou six ordonnances de médicaments génériques correspondent au coût d'une seule ordonnance de médicament de marque.

Nous nous intéressons à la question du recouvrement des coûts et aux modifications à la Loi sur les frais d'utilisation parce que nous voulons que les programmes d'examen réglementaire de Santé Canada soient fournis à des prix raisonnables. Les programmes réglementaires efficaces sont très avantageux pour la société. Dans le cas de l'examen de demandes d'approbation de médicaments génériques, les médicaments doivent être approuvés rapidement afin que les payeurs, notamment les gouvernements provinciaux et fédéral, puissent réduire leurs dépenses et gérer leurs programmes de médicaments. L'approbation rapide leur permet de prendre les économies réalisées grâce aux nouveaux médicaments génériques et de les investir dans de nouveaux traitements ou programmes de soins de santé plus coûteux.

J'aimerais parler brièvement de notre expérience en matière de recouvrement des coûts. Les entreprises membres de l'ACMG ont beaucoup recours aux programmes d'examen réglementaire de la Direction générale des produits de santé et des aliments. Les grands fabricants de médicaments génériques déposent souvent plus d'une dizaine de demandes d'approbation de nouveaux médicaments génériques par année. Nombre de nos membres fabriquent plus de 300 médicaments et ils payent des frais pour les produits qui demeurent sur le marché.

Lorsque l'ACMG a témoigné devant votre comité en mai 2010 — ma collègue était là —, nous vous avons fait part de nos préoccupations importantes concernant le manque continu de ressources au sein de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada, qui examine les présentations de médicaments génériques. À l'époque, il y avait des arriérés considérables dans l'examen des demandes d'approbation de médicaments génériques depuis de nombreuses années, et la situation devenait critique.

En 2009, par exemple, 30 p. 100 des demandes d'approbation de médicaments génériques appelées PADN, ou « présentation abrégée de drogue nouvelle », avaient dépassé le délai d'examen : 45 des 151 PADN actives étaient en retard. Cela signifie que le personnel de Santé Canada chargé des examens commençait à étudier une demande d'approbation de médicament générique six mois après son dépôt. Autrement dit, il fallait attendre six mois avant le début de l'examen en raison de l'arriéré.

Dans le diagramme en barres que nous vous avons fourni — je vais seulement parler du diagramme du haut —, la partie supérieure, en rouge, à la gauche, représente l'arriéré de présentations en 2012. Soixante pour cent des présentations étaient en retard. C'est à cette époque que Santé Canada a été assujetti à la Loi sur les frais d'utilisation.

Santé Canada a été pénalisé immédiatement. Les recettes et les ressources liées aux demandes d'approbation de médicaments génériques ont diminué. Le ministère a pris des mesures d'atténuation. En deux ans, il a éliminé l'arriéré qui existait depuis de nombreuses années. Il a suffi de deux ans de pénalités infligées en vertu de la Loi sur les frais d'utilisation pour que Santé Canada élimine l'arriéré et pour qu'il trouve des façons d'examiner nos présentations en temps opportun.

Lorsque la Loi sur les frais d'utilisation est entrée en vigueur, Santé Canada a connu quelques années difficiles. Le ministère n'a pas atteint ses objectifs de rendement et il a été pénalisé. À l'époque, 60 p. 100 des présentations étaient en retard. De nombreuses demandes ont été présentées avant la mise en application de la Loi sur les frais d'utilisation.

Avec le temps, nous avons constaté que ces demandes demeuraient dans l'arriéré. On examinait les nouvelles présentations, celles auxquelles la Loi sur les frais d'utilisation était applicable. Je le répète, nous vous avons fourni le diagramme.

Nous avons plusieurs préoccupations concernant la proposition d'exempter Santé Canada de la Loi sur les frais de service. À notre avis, sans la menace de pénalités considérables en cas de non-respect des normes de rendement, l'arriéré de demandes d'approbation de médicaments génériques serait encore une réalité. L'exemption de Santé Canada de la Loi sur les frais de service comprise dans la section 21 du projet de loi C-44 nous préoccupe.

La Loi sur les frais de service comprend de nombreuses exigences qui ne se trouvent pas dans la section 16, section qui modifie la Loi sur les aliments et drogues. Par exemple, la Loi sur les frais de service établit des normes de rendement, tandis que la section 16 ne contient aucune prescription relative aux normes de rendement de Santé Canada.

Je serais ravi de parler d'autres différences entre la Loi sur les frais de service et le Règlement sur les aliments et drogues durant la période de questions.

Je vais employer la dernière minute de mon exposé pour vous présenter nos recommandations. Comment aller de l'avant? Je le répète, notre industrie est prête à payer des prix raisonnables pour les services rendus, pour autant que les principes qui suivent soient respectés. Premièrement, les prix doivent être justes et ils doivent correspondre à des normes de rendement internationales atteignables. Deuxièmement, les prix doivent être stables et prévisibles. Une période de transition raisonnable doit précéder toute modification des prix afin de permettre aux entreprises de s'adapter. Troisièmement, Santé Canada doit divulguer les coûts réels de ses programmes de réglementation.

À notre sens, la quatrième recommandation est très importante. Santé Canada doit devoir répondre de son rendement et le ministère doit être passible de pénalités considérables en cas de non-respect de ses normes de rendement. L'expérience témoigne de l'importance d'une telle disposition.

Cinquièmement, Santé Canada devrait être assujetti à la surveillance du Parlement en vertu de la Loi sur les frais de service.

Enfin, Santé Canada doit tout faire pour limiter les coûts, et le ministère devrait s'engager à adopter les pratiques exemplaires internationales et à avoir recours aux examens étrangers, si possible, afin de réduire le fardeau administratif et les temps d'attente. Merci beaucoup.

Le président : Merci aux deux groupes pour leurs exposés.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je pense que vous avez décrit la situation telle que je la perçois. L'absence de consultation que vous avez soulignée me préoccupe. C'est la deuxième fois que le gouvernement actuel retire l'obligation de tenir des consultations publiques et s'en remet directement au ministre. Je trouve ce point important.

Je n'ai pas vraiment de question à vous poser. Vos arguments étaient clairs. Nous devons être aux aguets.

Merci beaucoup.

Le sénateur McIntyre : Merci pour vos exposés. Vos propos montrent qu'il y a une diminution évidente des exigences relatives aux consultations par rapport aux frais d'utilisation qui touchent les parties intéressées.

Ma question porte sur le rajustement des prix. Je crois comprendre que la Loi sur les frais d'utilisation actuelle ne comprend pas de disposition au sujet du rajustement des prix. À votre avis, les fabricants de médicaments et de matériels médicaux seront-ils plus satisfaits ou moins satisfaits par la nouvelle réglementation en matière de rajustement des prix?

M. Keon : Actuellement, en vertu de la Loi sur les frais d'utilisation, Santé Canada augmente les prix de 2 p. 100 par année. Je ne sais pas si on appelle cela un rajustement, mais il y a une augmentation annuelle de 2 p. 100. C'est ainsi qu'on procède; les fabricants payent 2 p. 100 de plus par année. Il y a donc une augmentation.

Nous ne savons pas ce qui sera contenu dans le règlement, car nous ne l'avons pas vu. Les témoins précédents ont déclaré que toutes ces mesures seraient incluses et que la tenue de consultations serait garantie, mais nous ne l'avons pas constaté. Comme la sénatrice vient de le dire, l'examen sera manifestement moins approfondi puisqu'il ne sera pas présenté au Parlement. L'examen relèvera uniquement du ministère, ce qui nous préoccupe.

Le sénateur McIntyre : Si j'ai bien compris, les prix fixés en vertu de la LAD, la Loi sur les aliments et drogues, ne seront pas assujettis à la Loi sur les frais de service. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Hamill : Je crois que c'est exact. C'est ce que nous avons compris. Nous n'approuvons pas l'exemption des prix fixés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues du régime général applicable aux autres ministères et organismes gouvernementaux. Par principe, nous nous opposons à cette exemption, sauf votre respect.

Je répète ce que le témoin précédent a dit concernant l'élément discrétionnaire relatif aux consultations tenues par Santé Canada. La disposition stipule que :

Le ministre consulte les personnes qu'il estime intéressées en l'occurrence.

La disposition accorde au ministre un grand pouvoir discrétionnaire. Même si un cadre était établi en fonction de directives non contraignantes, ce cadre serait à la discrétion du ministère et du ministre, ce qui nous préoccupe.

J'aimerais aussi parler des pourcentages qui ont été présentés relativement aux frais d'utilisation de Santé Canada. Je tiens à souligner que pour les présentations de médicaments, en réalité, 54 p. 100 des coûts sont recouvrés. Ce pourcentage est plus élevé que le total des autres coûts récupérés par Santé Canada à l'heure actuelle. Sur le plan des présentations de médicaments, donc, nous sommes en fait à 54 p. 100. Merci.

Le président : Avez-vous d'autres questions, mesdames et messieurs? Je pense que je peux dire, au nom de mes collègues, que vos témoignages étaient extrêmement clairs et que nous avons vos résumés des enjeux en main. Je crois que le comité a compris vos préoccupations et celles des témoins précédents.

Je précise, pour mes collègues, que dès que cette partie de la séance sera terminée, nous poursuivrons brièvement à huis clos pour discuter des témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant concernant les deux sections et pour donner des instructions aux rédacteurs. Je tenais à vous en informer.

Comme je l'ai dit aux témoins précédents, j'ai lu les sections. Je les comprends parfaitement. Les préoccupations que vous avez soulevées ne m'étonnent aucunement. L'objectif global est manifestement de recouvrer les coûts raisonnables encourus pour fournir le service reçu afin d'obtenir la permission de vendre vos produits dans ces secteurs réglementés. Je trouve ce concept adéquat dans le cadre de notre régime. Les préoccupations concernent la façon dont les prix sont fixés et le processus utilisé, et vous nous avez parlé de ces enjeux. À mon avis, nous avons une bonne compréhension du dossier.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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