Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 25 - Témoignages du 31 mai 2017
OTTAWA, le mercredi 31 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 15 heures, en séance publique et à huis clos, pour poursuivre son étude de la teneur des éléments des sections 5, 9, 11, 13, 14 et 16 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, ainsi que pour étudier une ébauche de rapport.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je suis président du comité. J'aimerais inviter mes collègues à se présenter.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, de Montréal, au Québec.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : Merci, chers collègues.
J'aimerais vous rappeler que nous poursuivons notre étude préalable du projet de loi C-44, une loi d'exécution du budget de 2017. Plus précisément, nous étudions aujourd'hui la section 13 du projet de loi budgétaire; cette section propose des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Nous commençons immédiatement en accueillant nos témoins pour cette partie de la réunion. Par vidéoconférence, nous accueillons M. Vincent Wong, directeur de clinique par intérim de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic. J'invite M. Wong à livrer son exposé.
Vincent Wong, directeur de clinique par intérim, Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic : Merci. Bonjour. La Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic est un organisme communautaire à but non lucratif qui fournit gratuitement des services juridiques aux membres des communautés chinoises, vietnamiennes, cambodgiennes et laotiennes de la région du Grand Toronto qui ont un faible revenu et qui ne parlent pas anglais.
Je suis heureux d'être ici et j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-44. D'après ce que je comprends, c'est un projet de loi très difficile à examiner, car il contient de nombreuses dispositions. Je vous remercie de vos travaux à cet égard.
Je concentrerai mes commentaires sur la section 13 de la partie 4 du projet de loi, qui propose des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. J'examinerai particulièrement les articles 304 et 305, car ils nous causent beaucoup d'inquiétude. En effet, ensemble, ces articles exemptent une série de frais d'utilisation liés aux résidents permanents des mesures de protection de la Loi sur les frais de service proposée. Cela comprend, sans s'y limiter, les frais de visa des résidents permanents, les frais liés à la catégorie du regroupement familial et au parrainage d'un membre de la famille, les frais relatifs à une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, les frais relatifs aux cartes de résidents permanents et les frais relatifs aux droits de la résidence permanente.
Nous faisons écho à de nombreuses préoccupations soulevées par Andrew Griffith il y a environ deux semaines dans un article qu'il a publié. Il est l'ancien directeur général de Citoyenneté et Multiculturalisme. Essentiellement, la section 13 maintient la tendance établie en 2013 par le gouvernement précédent en accordant des exemptions à la Loi sur les frais d'utilisation, afin que le gouvernement puisse augmenter substantiellement certains frais d'utilisation sans devoir faire face à la résistance du public.
Par exemple, en 2013, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada — ou IRCC — a obtenu des exemptions de la Loi sur les frais d'utilisation pour les frais liés à la demande de citoyenneté, ainsi que pour d'autres frais prévus dans la LIPR. Les demandes d'exemption ont fait l'objet d'un examen minimal par le comité des finances de la Chambre et celui du Sénat, et aucun des comités de la citoyenneté et de l'immigration n'a examiné cette demande. Ces exemptions ont été discrètement accordées pratiquement sans faire l'objet d'un examen. Toutefois, ces exemptions plutôt inoffensives et technocratiques ont eu des conséquences catastrophiques pour nos clients et les communautés sur le terrain.
Au cours des dernières années, par exemple, les frais de traitement de demandes de citoyenneté ont monté en flèche sans aucune justification de la part du gouvernement. Par exemple, aussi récemment qu'en février 2014, les droits exigés pour une demande de citoyenneté s'élevaient à seulement 100 $. Maintenant, au moment d'écrire ces lignes, les frais liés à la présentation d'une demande de citoyenneté ont grimpé à 530 $, une augmentation de plus de 500 p. 100 au cours des trois dernières années. Ce changement a eu d'énormes répercussions négatives sur les communautés racialisées et sur les communautés d'immigrants et a fait en sorte qu'une grande partie des immigrants ne peuvent plus se payer l'accessibilité à la citoyenneté.
Il faut préciser que le prix d'une demande de citoyenneté pour une famille de quatre personnes comprenant deux enfants est d'environ 1 600 $, et cela ne tient même pas compte des coûts supplémentaires liés aux exigences linguistiques initiales qu'on applique maintenant à de nombreux candidats dans le régime actuel. Cela peut faire grimper le prix à plus de 2 000 $.
Comme vous pouvez le comprendre, j'en suis sûr, très peu de Canadiens disposent des revenus discrétionnaires nécessaires pour assumer ses coûts, et encore moins de nouveaux immigrants qui déploient des efforts considérables pour se bâtir une nouvelle vie ici, au Canada. L'actuel barème des frais a pour effet d'exclure et, par conséquent, de défavoriser les immigrants canadiens à faible revenu et, comme les groupes marginalisés, tels que les femmes, les gens de couleur et les handicapés, sont surreprésentés parmi les Canadiens à faible revenu, ces groupes portent le fardeau de ces hausses administratives d'une façon disproportionnée.
En fait, ces augmentations massives des frais ont déjà eu un effet considérable sur le nombre de nouveaux citoyens. Depuis que le ministère a obtenu ses dispenses de l'application de la Loi sur les frais d'utilisation, le nombre de demandes de citoyenneté est passé de 198 000 en 2014 à seulement 92 000 — donc une réduction de plus de la moitié — en 2016. Étant donné que ces frais entravent la capacité des immigrants à long terme d'être naturalisés et d'obtenir la citoyenneté, cela aggrave leur marginalisation en les privant du droit de vote et en les empêchant de pouvoir se prononcer sur les politiques canadiennes.
L'exposition au projet de loi d'aujourd'hui — ce qui est proposé dans le contexte de la LIPR, en particulier en ce qui concerne les frais liés à la réunification des familles et aux demandes de résidence pour des motifs d'ordre humanitaire — nuira particulièrement aux communautés raciales à faible revenu. Par exemple, bon nombre de mes clients et des clients de notre agence sont des femmes et des enfants qui fuient la violence familiale et qui n'ont aucune source de revenus stables. Une augmentation substantielle de ces frais, sans examiner au préalable la Loi sur les frais de service, aura des effets désastreux sur ces gens vulnérables.
Nous reconnaissons que le gouvernement peut avoir certaines préoccupations légitimes d'ordre pratique qui l'obligent à accroître les frais. Toutefois, il y a de meilleures façons de dissiper ces préoccupations que d'obtenir une dispense totale. Comme nous l'avons constaté dans le cas des frais liés aux demandes de citoyenneté, une dispense pure et simple peut avoir de terribles conséquences, en particulier pour les populations les plus marginalisées qui soient.
Dans le cas présent, il convient également de souligner qu'au cours des dernières années, seuls les frais de la LIPR et de la Loi sur la citoyenneté ont été visés par des dispenses en vertu de la Loi sur les frais de service et la Loi sur les frais d'utilisation. Au cours de la prochaine heure, vous entendrez les fonctionnaires d'IRCC vous expliquer pourquoi leurs frais devraient faire l'objet de dispenses, mais je ferais valoir qu'ils rencontrent les mêmes difficultés que d'autres ministères : ils ont des objectifs à atteindre et des mandats à remplir en ce qui concerne les dispositions de la Loi sur les frais de service; ils font face à des compressions budgétaires, et ils sont forcés de trouver un équilibre entre les frais d'utilisation et l'accessibilité et l'équité des services.
Alors, pourquoi leurs frais ont-ils été choisis parmi ceux de tous les ministères et organismes gouvernementaux pour faire l'objet d'un traitement privilégié? À mon avis, c'est une question d'économie politique. C'est parce qu'ils peuvent forcer l'adoption de ces dispositions et que les résidents permanents n'ont ni le droit de vote, ni voix au chapitre. En les accablant de frais, ils peuvent obtenir les fonds dont ils ont besoin sans rencontrer le même genre de résistance qu'ils provoqueraient en augmentant les frais d'utilisation d'autres ministères.
Mais je vous le demande : ce genre de cynisme politique cadre-t-il avec les valeurs canadiennes d'équité, d'égalité ou de justice? Je soutiendrais le contraire.
Par conséquent, nous proposons au comité permanent les recommandations suivantes : premièrement, que les dispenses prescrites aux articles 304 et 305 soient supprimées; deuxièmement, que les dispenses antérieures dont des frais de service faisaient l'objet en vertu de l'article 89 de la LIPR et l'article 27.3 de la Loi sur la citoyenneté soient aussi annulées; et troisièmement, que le gouvernement réduise les frais pour le traitement des demandes de citoyenneté jusqu'à ce qu'ils retrouvent leurs niveaux d'avant 2014.
Voilà mes observations, et je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions. Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Wong.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Wong, je vous remercie de votre exposé. Vous avez formulé trois recommandations à la fin de votre déclaration. Notre comité transmettra en fin de compte vos observations au comité des finances, qui sera chargé d'étudier le projet de loi lorsqu'il sera présenté officiellement. En ce moment, nous procédons à l'étude préalable du projet de loi.
Permettez-moi de vous interroger à propos d'une autre option. J'ai lu, dans la publication Options politiques, un article rédigé par Andrew Griffith, un ancien directeur général responsable de la citoyenneté et du multiculturalisme au sein du gouvernement. Voici l'une de ses suggestions :
Exiger que toutes les hausses proposées qui sont deux fois plus élevées que l'ajustement en fonction de l'indice des prix à la consommation et qui ont une incidence directe sur le public [...] soient renvoyées à l'avance au comité parlementaire pertinent à des fins d'examen.
Cette approche donnerait-elle lieu à ce que vous considérez être une façon équitable de présenter les hausses au public à des fins de discussions, au lieu de laisser la fonction publique aller simplement de l'avant et mettre en œuvre des augmentations substantielles comme celles que vous avez mentionnées à propos des demandes de citoyenneté? Soit dit en passant, en ce qui concerne la citoyenneté, lorsque nous, les membres du comité, étions saisis du projet de loi C-6, nous avons exprimé nos préoccupations à propos de ces frais très élevés et de la façon dont ils toucheraient des personnes vulnérables et celles qui n'ont pas beaucoup de moyens.
Je vous demande ce que vous pensez de l'idée de M. Griffith, que je viens de lire dans son article de revue.
M. Wong : Je vous remercie de votre question, sénateur Eggleton.
Je connais très bien l'article d'Andrew Griffith. Il avance quelques arguments très ciblés et rationnels au sujet de ce processus.
Je dirais simplement qu'avant d'entamer une conversation à propos des détails de la Loi sur les frais de service, ce dont nous parlons et ce que j'ai soulevé aujourd'hui, ce sont les dispenses complètes de ce régime. Ce qui est proposé à la section 13, c'est que, outre les frais de la Loi sur la citoyenneté et de la LIPR qui font déjà l'objet de dispenses, tous les frais de la LIPR qui sont liés aux résidents permanents soient complètement privés des protections assurées par ces consultations, ce qui est insensé, selon nous. De plus, nous avons constaté au cours des trois dernières années que ces dispenses ont eu des effets extrêmement négatifs.
Par exemple, la préoccupation que vous avez exprimée la dernière fois à propos du barème des frais liés à la citoyenneté, laquelle était bien sûr tout à fait valide, n'a pas protégé ces frais de la Loi sur la citoyenneté de toute manière, parce qu'au final, ils étaient dispensés de l'application de la Loi sur les frais d'utilisation. En dépit des préoccupations très pertinentes que vous avez exprimées, ils ont tout simplement été en mesure de les ignorer.
En ce qui concerne la suggestion particulière de M. Griffith concernant l'utilisation du double de l'ajustement en fonction de l'indice des prix à la consommation, on peut être très créatif lorsqu'il s'agit de trouver un équilibre entre une exigence très coûteuse en vertu de la Loi sur les frais d'utilisation et une exigence plus gérable, en donnant tout de même au public, et à vous aussi, l'occasion de soulever des questions pertinentes. Je pense que deux fois l'ajustement en fonction de l'indice des prix à la consommation est une bonne solution parmi de nombreuses autres idées qui pourraient être présentées.
J'aime également l'idée qu'ils offrent au moins la possibilité d'indexer les frais en fonction de l'indice des prix à la consommation afin qu'ils tiennent compte de l'inflation et que chaque ministère ne soit pas forcé d'expliquer pourquoi il perd de l'argent et de faire valoir la nécessité de hausser les frais tous les 5 ou 10 ans.
Il y a toujours une préoccupation administrative à cet égard. Si vous reliez l'IPC à la hausse des frais d'utilisation, vous obtiendrez des chiffres compliqués comme 92,37 $, parce que l'augmentation s'élève à 2,5, ou peu importe. Ces problèmes peuvent être atténués à mesure que nous passons à un système de paiement des frais numérisé et en ligne. Je pense que ces problèmes deviendront moins préoccupants que le fait d'avoir de jolis chiffres ronds comme frais.
En général, nous tombons d'accord avec bon nombre des observations qui figurent dans l'article d'Andrew Griffith. Oui, nous pensons que si vous tentez de hausser des frais d'utilisation, l'ajustement en fonction de l'indice des prix à la consommation ou un seuil d'une sorte ou d'une autre devrait être utilisé pour déterminer quand vous devez renvoyer la question à un comité, ou il devrait y avoir une sorte de procédure qui permet au public et au comité d'exprimer des préoccupations.
Le sénateur Neufeld : Je ne sais pas si vous disposez de l'information nécessaire pour répondre à la question suivante, mais quels sont les frais imposés pour les enjeux dont vous parlez en ce moment par d'autres pays du G7 avec lesquels nous nous comparons? Est-il possible de comparer ces frais pour nous?
M. Wong : Il est certainement possible d'établir des comparaisons. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais il ne serait pas difficile de les obtenir. L'analyse que, selon moi, vous suggérez est exactement le type d'analyse que nous devrions effectuer lorsque nous cherchons à justifier en particulier d'importantes hausses des frais d'utilisation. Nous devrions regarder ce qui se passe sur le terrain et ce que d'autres pays développés d'importance font en ce qui a trait à leurs frais correspondant à ceux de notre pays, et nous devrions nous assurer que les nôtres ne sont pas complètement hors de contrôle. J'estime qu'il s'agit là d'une analyse raisonnable et importante.
Malheureusement, je n'ai pas en main les chiffres liés, par exemple, à la citoyenneté ou à la LIPR. Je suis au courant des chiffres canadiens, mais je ne connais pas par cœur ceux des États-Unis ou du Royaume-Uni.
Le sénateur Neufeld : Nous pouvons les obtenir. Pouvez-vous me dire pendant combien d'années les frais de 100 $ ont été en vigueur?
M. Wong : Je ne dispose pas du nombre d'années exact, mais ils ont été en vigueur pendant longtemps. Il faudrait que je vérifie pour vous.
Je pense qu'au moment où ont eu lieu les conversations concernant l'augmentation des frais liés à la citoyenneté, cette augmentation s'imposait. Ce qui était inattendu, c'est le fait d'avoir multiplié ces frais par plus de cinq, sans avoir essentiellement donné la chance au public d'exprimer ses préoccupations à ce sujet. C'est l'équité procédurale qui était problématique et préoccupante.
Le président : Sénateur, je pense que nous serons en mesure d'obtenir ces réponses précises auprès des représentants officiels qui témoigneront ensuite.
La sénatrice Stewart Olsen : Je me demande, monsieur, si vous pourriez me dire combien de personnes ont porté plainte auprès de vous et peut-être parlé un peu des difficultés financières que ces frais occasionnaient. De plus, qu'est- ce que votre organisation jugerait raisonnable en matière de frais d'utilisation?
M. Wong : Combien de gens se sont plaints? Personne n'a déposé de plainte, mais j'ai certainement entendu des gens en parler, dont certains de mes clients en particulier, et aussi par l'intermédiaire d'organisations partenaires. Lorsqu'un dossier nous parvient, il comporte habituellement un problème juridique.
Lorsqu'il est question de frais liés aux demandes de citoyenneté, il faut payer pour participer. Il n'y a essentiellement aucun recours juridique disponible. Les gens éprouvent un choc devant le montant à payer; ils indiquent qu'ils n'ont pas les moyens de payer cela.
Nous avons discuté avec des organisations partenaires et des organismes d'aide à l'établissement qui s'occupent du vaste ensemble de problèmes auxquels les immigrants sont confrontés, et ces organisations déclarent toutes — et cette préoccupation a été exprimée à plusieurs reprises depuis que les frais sont entrés en vigueur — : « Nous n'avons pas les fonds nécessaires pour assumer ces frais, les 2 000 $ requis pour permettre simplement à une famille de quatre personnes d'obtenir la citoyenneté », ou pour permettre même à une seule personne de le faire.
Vous ne parlez pas seulement des frais. Il y a les 530 $ requis pour le traitement de la demande de citoyenneté, puis vous devez prouver à l'avance que vous satisfaites aux exigences linguistiques. Par conséquent, vous devez passer l'examen d'IELTS ou un examen d'anglais semblable qui coûte 300 $ par essai et qui requiert des heures d'études. Même une personne doit engager des frais d'au moins 1 000 $ pour être naturalisée. Les gens se demandent pourquoi ils tentent d'obtenir la citoyenneté, alors qu'ils occupent un emploi au salaire minimum simplement pour joindre les deux bouts, pour se procurer l'argent et le temps nécessaire pour mener à bien ce processus de citoyenneté de plus en plus coûteux, dont la justification, je crois, est qu'il doit être plus robuste.
Ces gens vivent déjà ici. Ce sont des résidents permanents qui vivent au Canada depuis 20 ou 30 ans. La seule raison pour laquelle ils ne peuvent pas obtenir la citoyenneté, c'est soit parce qu'ils n'en ont pas les moyens, soit parce qu'ils occupent trois emplois différents et travaillent 60 ou 70 heures par semaine pour joindre les deux bouts. Ils n'ont pas le temps de fréquenter une école de langue seconde et de satisfaire aux exigences en matière de langue et de citoyenneté.
Pourquoi cela devient-il problématique? D'accord. En plus de ne pas pouvoir voter, ce qui est, bien entendu, un élément très important de la citoyenneté et de ne pas avoir un passeport, ce qui est plutôt pratique, je dirais que la « crimmigration » est un problème de taille. Voici ce que j'entends par là : au cours des dernières années, nous avons relié de plus en plus le droit pénal au droit de l'immigration, et nous avons déclaré essentiellement qu'il y avait divers tests ou divers types de criminalité. Si, pour diverses raisons, vous avez des démêlés avec le système de justice pénale, nous pouvons vous retirer votre statut de résident permanent et vous expulser du pays. Toutefois, nous ne pouvons pas faire ça s'il s'agit d'un citoyen.
Nous gérons une foule de causes, dont certaines franchissent en ce moment les étapes du processus judiciaire et d'autres ont été portées devant la Cour suprême. Il s'agit d'affaires mettant en cause des résidents permanents qui sont ici depuis 20 ou 30 ans et qui sont impliqués dans la criminalité à divers degrés. Dans certains cas, il peut même s'agir de deux infractions mineures, comme voler du pain à deux reprises...
Le président : Je pense que vous prenez une tangente qui nous éloigne du sujet. Vous pourriez peut-être axer votre réponse directement sur la question.
M. Wong : Bien sûr. Eh bien, la question portait sur les difficultés rencontrées, et je dois entrer dans les détails pour expliquer la raison pour laquelle la criminalité, l'immigration et l'incapacité d'obtenir la citoyenneté entraînent des vulnérabilités accrues et des risques d'expulsion pour des résidents permanents de longue date. Je suppose que cela résume entièrement la question. Nous voyons des gens être expulsés pour des raisons de la sorte. Je m'excuse de ma longue explication.
Le président : Ça va. Nous allons simplement en rester là. Madame la sénatrice, êtes-vous satisfaite?
La sénatrice Stewart Olsen : Oui.
Le président : Monsieur Wong, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous. Vous avez soulevé avec beaucoup de clarté la question qui, selon vos observations, a des répercussions sur la communauté que vous représentez. Nous vous en sommes reconnaissants, et nous donnerons suite à certains des enjeux que vous avez mentionnés afin d'obtenir les détails dont nous avons besoin auprès des représentants officiels. Merci de votre présence.
Chers collègues, je souhaite la bienvenue à nos témoins qui représentent, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Nous accueillons Matt De Vlieger, directeur général, stratégies politiques et planification; Karine Paré, directrice générale, Division de la gestion des coûts; Marie-Pier Côté, directrice adjointe, Entrée express; et Victoria Henderson, directrice par intérim, Gestion des coûts.
Nous vous souhaitons la bienvenue, et je crois comprendre que M. De Vlieger donnera son exposé en premier, et qu'il sera suivi de Mme Paré.
Matt De Vlieger, directeur général, Politiques stratégiques et planification, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je vous remercie beaucoup de votre invitation et de vos présentations. Je précise de nouveau que je m'appelle Matt De Vlieger, et que je suis directeur général, Politiques stratégiques et planification. Comme vous l'avez mentionné, je partagerai mon temps de parole avec Mme Paré. Je parlerai des parties des amendements qui sont liés au système Entrée express, et Mme Paré abordera les parties qui traitent des frais d'utilisation.
Ma collègue est ici, et elle est véritablement notre experte en matière de programmes et d'enjeux politiques liés au système Entrée express.
Les articles liés au système Entrée express qui figurent à la section 13 de la partie 4 de la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget sont numérotés de 300 à 303. Ils sont de nature très technique et, par conséquent, je mettrai le système Entrée express en contexte avant que nous entamions notre discussion et que vous posiez des questions.
Le système Entrée express a été introduit en janvier 2015 comme nouvelle façon de gérer les principaux programmes d'immigration économique du Canada. Il y a donc trois principaux programmes d'immigration économique : le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), le programme d'immigration de la catégorie de l'expérience canadienne et le Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral). Le système Entrée express est aussi le système de gestion des demandes en deux étapes pour une partie du Programme des candidats des provinces.
Notre ancien système pour gérer les demandes au titre de ces programmes était très différent. Il fonctionnait selon le principe du premier arrivé, premier sorti, ce qui a entraîné, à vrai dire, l'accumulation de délais d'attente très longs et d'importants arriérés dans le système et n'offrait aucun moyen de repérer les meilleurs candidats. Lors de son lancement, le système Entrée express était vraiment la pierre angulaire du système d'immigration fondé sur des points.
[Français]
Le nouveau système est complètement différent. Il est entièrement électronique pour l'utilisateur. Il crée un bassin de candidats qualifiés, leur accorde une note et les classe selon leurs compétences et leur expérience. Cela permet au ministère de ne sélectionner que les personnes les mieux placées pour réussir sur le plan économique au Canada en fonction des bons indicateurs de résultats des immigrants.
[Traduction]
Cette nouvelle façon de faire a permis d'offrir un traitement beaucoup plus rapide. Notre norme est de six mois ou moins dans 80 p. 100 des cas, et nous la respectons. Avec le temps, compte tenu du système de points qui en est la pierre angulaire, nous nous attendons à voir une amélioration des résultats des immigrants. Le système fonctionne bien depuis plus de deux ans et nous permet de respecter les délais de traitement et nos objectifs en vue d'attirer des immigrants qualifiés.
Très peu de modifications ont été nécessaires durant cette période. J'aimerais vous donner une idée de l'espace que ce système occupe dans notre système d'immigration global. Plus de 85 000 candidats ont été invités à présenter une demande de résidence permanente depuis le lancement du système Entrée express et plus de 54 000 ont déjà été admis au Canada depuis environ deux ans et demi.
Cependant, l'analyse des résultats et des premiers commentaires des intervenants a révélé des points nécessitant de légères améliorations. Pour y remédier, nous avons apporté des modifications aux politiques. En voici certaines.
En novembre, nous avons mis en place un nouveau système de points pour les étudiants étrangers et modifié les points accordés dans le système aux candidats qui avaient des offres d'emploi. Voilà pour les politiques.
[Français]
En plus de ces modifications aux politiques, IRCC souhaite modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin qu'elle prévoie d'autres pouvoirs et afin de veiller à ce que le système fonctionne comme prévu. Les changements sont essentiellement de nature technique et visent à améliorer le service à la clientèle, l'efficacité en matière de traitement, et les partenariats.
[Traduction]
Je vais brièvement passer en revue certains éléments ayant trait aux articles 300 à 303.
En ce qui concerne le service à la clientèle, nous cherchons à instaurer un pouvoir clair pour faire en sorte que les candidats déclinant une invitation à présenter une demande durant la période prescrite retournent dans le bassin et demeurent admissibles à de futures invitations à présenter une demande. Pour le client, c'est une mesure pour vraiment faciliter le processus et veiller à ce qu'il ait une autre occasion. C'est l'article 302.
Nous souhaitons également conférer aux agents d'immigration le pouvoir de ne pas refuser une demande même lorsque, dans certaines circonstances, des changements au classement se produisent dans l'intervalle entre l'invitation aux candidats et la présentation de leur demande de résidence permanente. Par exemple, si leur anniversaire survient entre l'invitation à présenter une demande et la présentation de leur demande de résidence permanente et que cela modifie les points accordés en fonction de l'âge, l'agent ne refuserait donc pas leur demande. Il s'agit encore une fois d'une mesure pour vraiment faciliter le processus. C'est le paragraphe 303(2).
En ce qui a trait à l'efficacité en matière de traitement, nous voulons offrir plus de souplesse pour gérer une série d'invitations pour de multiples programmes. C'est le paragraphe 301(2). Par exemple, le ministère pourrait envoyer des séries d'invitations pour deux programmes, soit le Programme fédéral des travailleurs qualifiés et le Programme fédéral des travailleurs de métiers spécialisés, qui exigeraient des pointages différents pour l'envoi d'une invitation dans chaque programme, ce qui n'est actuellement pas possible.
Toujours au sujet de l'efficacité en matière de traitement, nous souhaitons permettre d'apporter des changements aux critères du système Entrée express. Si nous modifions les critères d'admissibilité minimum pour nos programmes, nous voulons que les critères s'appliquent rétrospectivement aux candidats se trouvant déjà dans le bassin pour nous assurer qu'ils ne sont pas invités s'ils ne répondent pas aux nouveaux critères. Il arrive parfois que des candidats aient déjà présenté leur demande et payé les frais, mais nous ne sommes pas en mesure de respecter notre engagement.
Je vois que le temps file, et ma collègue aimerait traiter des frais. Je vais conclure en mentionnant que les changements proposés correspondent exactement aux priorités établies dans le budget présenté en mars. Il était question dans le budget d'attirer les meilleurs talents du monde entier dans le cadre de la Stratégie en matière de compétences mondiales. Le budget traitait également du plan des niveaux d'immigration qui détermine le nombre global de résidents permanents que nous accueillerons. L'objectif est fixé à 300 000 résidents permanents, dont environ 77 000 par l'entremise du système Entrée express. Nous voulons notamment mettre en place ces modifications pour faciliter maintenant le processus et nous aider à atteindre cet objectif.
Sur ce, je laisse la parole à ma collègue qui vous parlera des frais.
Le président : Merci beaucoup, monsieur de Vlieger. Nous souhaitons maintenant la bienvenue à Mme Paré.
Karine Paré, directrice générale, Division de la gestion des coûts, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je vous parlerai des articles 304 et 305.
Comme le gouvernement l'a annoncé dans le budget de 2017, IRCC propose de modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin de lui permettre de fixer des frais pour les demandes de résidence permanente en temps opportun. Plus précisément, la modification permettrait d'accorder des dispenses de la Loi sur les frais de service, qui était anciennement connue sous le nom de Loi sur les frais d'utilisation, pour des services relatifs au traitement des demandes de résidence permanente, des cartes de résident permanent, des titres de voyage pour résident permanent et des frais relatifs au droit de résidence permanente.
Ces modifications donneront à IRCC une plus grande souplesse dans la gestion de ses frais en tenant compte de la nature unique de sa clientèle ainsi que du continuum du traitement, qui met en cause plusieurs partenaires de l'exécution des programmes.
[Français]
Au cours des 10 dernières années, les coûts associés au traitement des demandes et à la prestation des services du programme ont augmenté, alors que les frais relatifs au droit de résidence permanente sont les mêmes depuis 2002. Cela signifie que les Canadiens subventionnent une portion importante des coûts liés au traitement de ces demandes. Le gouvernement procède à une révision complète des frais de résidence permanente et demande la souplesse dont il a besoin pour fixer les frais en temps opportun en fonction de la nature unique de sa clientèle.
Ces modifications apportées à la LIPR permettront au gouvernement du Canada de procéder à une révision complète des frais de résidence permanente et à fixer les frais en temps opportun, si nécessaire.
[Traduction]
Malgré ces modifications, IRCC respectera toujours l'esprit de la loi en consultant une partie de sa clientèle selon le processus réglementaire; en établissant des normes de service par secteur d'activité; en continuant à produire des rapports sur les normes de service par le biais du plan ministériel; en respectant le cadre législatif concernant les frais, comme les exigences de la Loi sur la gestion des finances publiques, notamment l'exigence que les frais de service ne dépassent pas le coût total de la prestation du service et en veillant à ce que nos tarifs restent compétitifs par rapport à ceux d'autres pays comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis.
Il est important de noter que, même avec la nouvelle Loi sur les frais de service qui est proposée, IRCC demanderait néanmoins une exemption au titre de cette loi, car certaines dispositions demeurent problématiques pour IRCC, notamment les normes de service et les pénalités connexes, compte tenu de la dépendance d'IRCC à des facteurs indépendants de son contrôle qui peuvent avoir un impact considérable sur les délais de traitement. En outre, la complexité des remises directes poserait des difficultés importantes à IRCC, compte tenu de la nature mondiale de sa clientèle.
[Français]
Finalement, le processus de rajustement annuel en fonction de l'inflation pourrait être problématique pour IRCC, étant donné la nature vulnérable de certains de nos clients.
Monsieur le président, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions quant aux changements proposés que mon collègue et moi venons de vous exposer.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Je laisse maintenant la parole à mes collègues. Allez-y en premier, sénateur Eggleton.
Le sénateur Eggleton : Je m'inquiète au sujet des frais et de l'effet qu'ils ont sur les personnes vulnérables, c'est-à-dire les personnes à revenu faible. Nous avons entendu un peu plus tôt les commentaires de M. Wong de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic; il nous disait avoir l'impression que c'était certainement un obstacle pour certains de ses clients. Nous comprenons que vous essayez de facturer des frais raisonnables pour les services, mais des gens à revenu faible et des personnes marginalisées n'ont pas les moyens de payer certains de ces frais.
Nous avons récemment étudié le projet de loi C-6 sur la Loi sur la citoyenneté et nous avons vu un exemple où c'était excessif; il s'agissait d'une hausse de 500 p. 100. Nous avons fait part de nos préoccupations en la matière, et le Sénat a fait de même et a demandé au gouvernement d'envisager de réduire ces frais.
Qu'est-ce qui garantit à ces personnes que vous n'augmenterez pas les frais de 500 p. 100, comme nous l'avons vu dans le cas de la Loi sur la citoyenneté?
[Français]
Mme Paré : J'aimerais réitérer le fait que les amendements proposés aujourd'hui sont liés à la résidence permanente pour les immigrants qui veulent venir au Canada. Les personnes vulnérables dans le cadre de cette population sont les réfugiés ou cette catégorie d'immigrants qui, en fait, ne paient pas de frais pour venir au Canada. Ils ne sont pas sujets aux frais d'immigration. Les changements que nous proposons aujourd'hui concernent l'immigration des résidents permanents, donc les immigrants provenant d'outre-mer dans la catégorie économique ou la catégorie de la famille. Les amendements que nous proposons aujourd'hui n'apportent pas de changements aux frais, mais une exemption en vertu de la Loi sur les frais d'utilisation ou quant aux frais de service.
En ce moment, nous ne sommes pas en train de modifier les frais, mais nous demandons plutôt de la flexibilité, justement pour pouvoir ajuster nos frais en temps opportun, mais aussi pour avoir la latitude nécessaire au niveau de la consultation. Toutefois, il y a une disposition visant à augmenter les frais automatiquement en fonction de l'inflation qui est proposée dans le budget. En ce qui a trait à cette disposition, nous ne voulons pas l'appliquer systématiquement au sein d'IRCC, parce que certains de nos clients sont plus vulnérables, et nous voulons garder cette flexibilité dans le cadre de la gestion de nos frais.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Vous le voulez, mais ce n'est pas ce que je constate, parce que vous éliminez la protection qu'ont ces personnes. Je crois que peu de gens contesteront le bien-fondé des hausses en fonction de l'inflation, mais ces personnes devraient avoir l'occasion de se faire entendre lors d'audiences si les augmentations sont plus élevées.
Vous dites qu'il n'est pas question de réfugiés ici. Vous affirmez qu'il s'agit d'immigrants dans la catégorie « économique » ou la catégorie du regroupement familial. Certains immigrants économiques auront peut-être les moyens de payer les frais que vous leur imposez, et les candidats qui profiteront du système Entrée express en auront certainement les moyens. Cependant, les personnes dans la catégorie du regroupement familial n'auront probablement pas les moyens de payer ces frais, pas plus qu'elles en ont les moyens au sujet des droits exigés pour les services de citoyenneté, comme nous l'avons constaté.
J'ai besoin de bien plus que les garanties que vous nous avez données jusqu'à maintenant concernant les droits de ces personnes d'avoir les moyens de payer les hausses que vous proposez, parce que ces services seront exemptés et que les gens perdront cette protection.
Victoria Henderson, directrice par intérim, Gestion des coûts, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : L'exemption en soi n'empêche pas notre ministre d'établir les frais. Notre ministre a actuellement le pouvoir d'établir les frais pour toutes les activités. L'exemption vise précisément à nous donner la souplesse nécessaire lorsque nous procédons à un examen complet des frais. En ce qui concerne les personnes vulnérables ou les personnes dans la catégorie du regroupement familial, l'examen des frais porterait sur de nombreux facteurs pour nous assurer que ces frais correspondent aux exigences propres à notre clientèle.
Le sénateur Eggleton : Toutefois, vous les retirez du cadre législatif et vous laissez cela à la discrétion du ministre et de son personnel.
Mme Henderson : La gestion des frais est retirée du cadre législatif. Cependant, nous sommes encore assujettis à la Loi sur la gestion des finances publiques; nous devons donc tenir compte du coût de la prestation de ces services lorsque nous établissons nos frais.
Le sénateur Eggleton : Par contre, cela ne se traduit pas par une consultation ou des audiences pour les personnes qui ont des inquiétudes au sujet de ces frais.
Mme Paré : Comme Victoria l'a mentionné, l'exemption que nous demandons vise précisément la gestion des frais et non le pouvoir d'établissement des frais. Cependant, lorsque nous devons modifier les frais, il faut respecter le processus réglementaire, et il y a une publication préalable dans le cadre de ce processus.
Le sénateur Eggleton : Dans la Gazette du Canada?
Mme Paré : Oui.
Le sénateur Eggleton : Ce n'est pas tout le monde qui lit la Gazette du Canada. Les Canadiens démunis ne lisent pas la Gazette du Canada. Je peux vous l'assurer. Est-ce le seul réconfort que vous leur donnez?
Mme Paré : Eh bien, c'est le processus en place.
Le sénateur Eggleton : D'accord. Merci.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci de votre présence au comité. J'ai deux questions, dont une en vue d'obtenir des précisions. Je ne comprends pas vraiment ce que vous entendez par « une invitation à présenter une demande ». Qu'est- ce que cela veut dire exactement? Cela signifie-t-il que ces personnes ne veulent pas devenir résidents permanents et que nous prenons l'initiative de les inviter à présenter une demande en ce sens? Effectuons-nous des recherches?
M. de Vlieger : C'est une bonne question. Cela fait partie du nouveau système que nous avons lancé avec Entrée express. Auparavant, les candidats présentaient une demande au titre de l'un de nos programmes; c'était un processus en une seule étape, et nous traitions leur demande. Un individu qui souhaite immigrer au Canada à titre d'immigrant économique doit maintenant présenter un profil, qui nous permet d'évaluer ses critères. Ensuite, après avoir évalué qu'il répond aux critères minimaux, nous l'invitons à présenter une demande s'il fait partie des meilleurs candidats du bassin de personnes qui répondent aux critères minimaux. C'est une étape en amont.
Après avoir reçu cette invitation, le candidat passe à la deuxième étape et peut présenter sa demande de résidence permanente. Nous traitons ensuite toutes les demandes reçues, comme par le passé.
La sénatrice Stewart Olsen : En ce qui a trait au système Entrée express, que faites-vous sur le plan de la sécurité durant les six mois concernant les gens que vous invitez à présenter une demande? Y a-t-il un contrôle préalable lorsque vous recevez leurs documents? Comment les Canadiens peuvent-ils avoir l'assurance que de bonnes mesures de sécurité sont en place?
M. de Vlieger : Le lancement du système Entrée express n'a aucunement modifié nos contrôles de sécurité concernant les demandes de résidence permanente. Toutes les vérifications liées à la santé, aux finances et à la sécurité réalisées par nos partenaires de sécurité comme le SCRS et la GRC se font avant l'octroi du statut de résident permanent. Il y aura peut-être des candidats interdits de territoire. Nous vérifions toujours les motifs d'interdiction de territoire. Tous ces contrôles de sécurité se font comme c'était le cas avant le système Entrée express.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vois.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question concerne la deuxième puce de la section qui a trait au service à la clientèle, dans laquelle vous proposez le changement de conférer aux agents d'immigration le pouvoir de ne pas refuser une demande. J'aimerais mieux comprendre quelle est la situation actuelle qui pourrait faire en sorte que ce changement soit requis.
Marie-Pier Côté, directrice adjointe, Entrée express, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : La situation actuelle reflète exactement ce que nous proposons. Nous avons créé une politique publique avant l'entrée en vigueur du programme Entrée express, car nous avons observé qu'en raison de la manière dont la disposition est présentement rédigée dans le cadre de la loi, le processus est très rigide et ne laisse pas de place à une certaine flexibilité pour approuver un cas lorsque survient un changement de circonstances imprévu qui désavantage le candidat.
La création de cette politique publique et son inclusion dans les guides opérationnels font en sorte que les officiers ne refusent pas d'émettre un visa lorsqu'un candidat présente un changement de circonstances, comme l'âge, par exemple, et que la personne, malgré ces changements, aurait tout de même été invitée à présenter une demande. Cette mesure existe déjà, mais nous tentons de l'inscrire officiellement dans le texte de la loi. Il s'agit d'une mesure facilitatrice; nous voudrions qu'il soit clairement indiqué dans la loi qu'il s'agit de la manière dont nous procédons en ce moment.
Le sénateur Cormier : Je suis heureux d'apprendre que cela existe déjà, parce que je m'appuie sur l'exemple très concret d'un citoyen français qui a voulu immigrer au Canada. Ce citoyen français a déposé une demande à titre d'immigrant économique, mais le délai de traitement de sa demande a fait en sorte qu'il perde un point à cause de son changement d'âge et que sa demande ne soit plus recevable, alors qu'il a investi environ 5 000 $, qu'il a une famille et qu'il est très compétent.
Je suis donc heureux de savoir que cela sera inscrit de façon officielle dans la loi, parce que je crois que cela cause des problèmes sérieux pour l'immigration, notamment pour les immigrants francophones qui sont si chers à notre région atlantique.
Mme Côté : Oui, tout à fait.
[Traduction]
Le président : J'aimerais faire un commentaire à ce sujet, parce que nos notes d'information traitent de cet aspect. D'après nos notes, si l'âge du candidat change durant le processus, vous n'en tiendrez plus compte dans le traitement de sa demande. Est-ce exact?
Mme Côté : Oui.
M. de Vlieger : C'est exact.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Neufeld : Je tiens à confirmer de nouveau que nos frais actuels restent compétitifs par rapport à ceux d'autres pays comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis. Ce qui est en place actuellement est pratiquement la même chose, n'est-ce pas? Ce n'est pas ce que nous avons déjà entendu.
Mme Henderson : Il est important de souligner que nos frais pour les résidents permanents n'ont pas augmenté depuis 2002 et qu'ils sont compétitifs par rapport à ceux d'autres pays, mais un examen des frais permettrait d'établir que c'est bien le cas dans le contexte actuel.
Le sénateur Neufeld : D'accord. Nous avons également entendu que...
Le président : Êtes-vous en train de dire que vous n'êtes pas au courant des frais qu'imposent les autres pays dans une situation similaire?
Mme Henderson : Oui. Nous sommes au courant des frais qu'imposent les autres pays.
Le président : Votre réponse a peut-être satisfait le sénateur Neufeld, mais la question visait vraiment à déterminer dans quelle mesure nos frais actuels sont comparables à ceux des autres pays. Pouvez-vous être plus précise?
Mme Henderson : Nous avons comparé nos frais à ceux qu'imposent l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume- Uni et les États-Unis, par exemple. Même si nous pouvons comparer les frais, les circonstances globales entourant ces frais peuvent varier d'un pays à l'autre. Si nous imposons des frais relatifs au droit de résidence permanente pour un demandeur principal, le Royaume-Uni peut le faire dans un autre cadre. Cela peut inclure la famille ou tenir compte d'autres contextes.
À titre de précision, aimeriez-vous avoir des comparaisons précises?
Le président : Je comprends très bien ce que vous dites, à savoir que des pays peuvent ne pas avoir la même interprétation que nous de la terminologie et que les choses peuvent être légèrement différentes. Je le comprends très bien. Pouvez-vous nous donner une idée des frais pour un individu dans une situation précise?
Mme Paré : Certainement. Lorsque nous comparons nos frais à ceux qu'imposent des pays semblables, par exemple, un demandeur principal à titre de travailleur qualifié doit actuellement débourser 550 $ pour sa demande. En Australie, cela s'élève à près de 3 500 $; au Royaume-Uni, c'est près de 1 000 $; aux États-Unis, c'est près de 2 000 $. Voilà une analyse que nous pouvons réaliser en vue de comparer nos frais.
Comme ma collègue l'a dit, il est parfois difficile de comparer des pommes avec des pommes, parce que les systèmes d'immigration varient d'un pays à l'autre. Selon les renseignements dont nous disposons, voilà la situation qui prévaut.
Le président : Selon ce que je comprends de votre réponse, l'exemple que vous nous avez donné porte sur une situation similaire, et tous les montants sont en dollars canadiens. Est-ce exact?
Mme Paré : Oui.
Le président : Si je vous ai bien compris, cela signifie que nos frais sont parmi les moins élevés, d'après les exemples que vous avez donnés, et que cela peut monter jusqu'à 3 000 $; est-ce bien le montant dans le dernier cas?
Mme Paré : Oui.
Le président : Merci. Cela m'aide beaucoup. Sénateur Neufeld, est-ce clair pour vous aussi?
Le sénateur Neufeld : Oui. Merci d'avoir demandé cette précision.
Voici mon autre question. La personne qui a témoigné avant vous a dit qu'en raison des frais de traitement, le nombre de demandes a diminué considérablement au cours des dernières années, en passant de 198 000 en 2014 à 130 000 en 2015, puis à 92 000 en 2016. Il a semblé laisser entendre que cette baisse était entièrement attribuable au coût.
Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? Premièrement, arrivez-vous à décortiquer ces chiffres?
Mme Paré : Je ne suis pas sûre des chiffres que vous avez cités et j'ignore quelle en est la source. S'agit-il du nombre réel de demandes? Il me faut davantage d'informations.
Le sénateur Neufeld : Je vais vous lire le paragraphe en question :
En fait, l'augmentation massive des frais de traitement des demandes de citoyenneté a déjà eu un effet important. Plus de trois ans après que le ministère a obtenu une exemption d'examen aux termes de la Loi sur les frais d'utilisation, le nombre de demandes de citoyenneté a chuté — de 198 000 en 2014 à 130 000 en 2015 et à 92 000 en 2016.
J'ai tendance à penser que le témoin voulait faire valoir que le coût a entraîné la réduction du nombre de personnes qui essaient d'obtenir la citoyenneté. Souscrivez-vous à ces chiffres, ou en avez-vous d'autres à nous fournir?
Mme Paré : Non.
Le sénateur Neufeld : Avez-vous des chiffres? Pouvez-vous me le dire?
Mme Paré : Je crois que ces chiffres concernent les demandes de citoyenneté. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de la dispense que nous cherchons à obtenir pour les résidents permanents. Je n'ai pas les chiffres avec moi, et je ne peux pas commenter ces chiffres précis en ce moment.
Ce que je peux dire, par contre, c'est qu'il faudrait tenir compte d'autres facteurs, mis à part les frais, au moment d'examiner le nombre de demandes, comme une modification apportée au processus de demande ou de nouvelles exigences imposées durant la période à l'étude. Je ne suis pas experte en la matière pour vous en parler aujourd'hui, mais il y aurait d'autres facteurs à prendre en considération dans une telle analyse. Je ne peux me prononcer sur ces chiffres en particulier.
Le sénateur Neufeld : Y a-t-il un autre expert à qui nous pourrions poser la question ou auprès de qui vous pourriez obtenir une réponse?
Le président : Je crois comprendre ce à quoi Mme Paré fait allusion — et c'est une question dont notre comité a également été saisi. Sous le gouvernement précédent, on a apporté une importante modification au processus de demande en raison d'un énorme arriéré. On avait prévu que, durant la première année, un très grand nombre de demandes seraient traitées et qu'il y aurait ensuite une baisse graduelle, de sorte que les gens n'aient pas à attendre aussi longtemps.
Pour faire suite aux observations de Mme Paré, je dirais que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans le cadre d'une demande, mais nous sommes ici aujourd'hui pour nous occuper uniquement de ce barème de frais précis, et non pas de toute la question du processus de demande d'immigration en général.
Le sénateur Neufeld : D'accord.
Le président : Cette observation vous paraît-elle juste?
Mme Paré : Absolument.
M. De Vlieger : Dans l'ensemble, le Canada enregistre un taux élevé de naturalisation, qui s'élève à environ 85 p. 100. Ce taux n'a pas diminué. Les résidents permanents qui sont admissibles à la citoyenneté vont donc continuer à devenir des citoyens au même rythme qu'avant. Il est vrai de dire que d'autres facteurs auraient pu contribuer à la baisse du volume de demandes dans une année donnée, mais j'ignore à quelle année le témoin précédent faisait allusion.
Le président : Je crois que nous ne devrions pas aller plus loin sur ce sujet pour les raisons que Mme Paré et moi- même avons invoquées. Nous devons revenir à la question précise dont nous sommes saisis.
Le sénateur Neufeld : Nous ne tiendrons donc pas compte de ces observations. Cela me va.
Le président : En tout cas, nous ne pourrons pas les examiner à fond.
La sénatrice Stewart Olsen : Puis-je demander une petite précision?
Le président : Oui, allez-y.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous avez dit que vous cherchez à obtenir le droit d'augmenter les frais, mais il n'y a pas eu de hausse depuis 2002; est-ce exact?
Mme Paré : Ce que nous cherchons à obtenir dans le projet de loi d'exécution du budget, c'est une dispense de la Loi sur les frais de service, qui est un cadre législatif.
La sénatrice Stewart Olsen : Non, en 2002, il y avait des frais. Sont-ils maintenant révisés à la hausse?
Mme Paré : Pour répondre à la question, non. Les frais relatifs à la résidence permanente dont nous parlons aujourd'hui et qui sont visés par les modifications n'ont pas changé depuis 2002.
La sénatrice Stewart Olsen : D'accord. Merci beaucoup.
Le président : Par souci de clarté, lorsque les frais sont passés de 100 à 500 $, c'était plus récemment que 2002. N'était-ce pas en 2014?
Mme Paré : Oui.
Le président : Mais il s'agit là d'autres frais, n'est-ce pas?
Mme Paré : Exactement. Ce sont là les frais associés aux demandes de citoyenneté.
Le président : Vous parlez précisément des frais liés aux immigrants reçus?
La sénatrice Stewart Olsen : Je parle du projet de loi dont nous sommes saisis.
Mme Paré : Oui.
Le président : Nous sommes en train d'obtenir des chiffres pour différentes catégories, et il est extrêmement important que nous sachions bien les départager avant de formuler nos recommandations.
Sénatrice Stewart Olsen, est-ce bien clair?
La sénatrice Stewart Olsen : Cela me convient.
Le président : Est-ce clair pour le reste des membres du comité?
Des voix : Oui.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur De Vlieger, j'aimerais vous interroger sur certains points que vous avez soulevés dans votre exposé. Vous nous avez dit que le nouveau système est complètement différent; il est maintenant entièrement électronique pour l'utilisateur. Ce qui me préoccupe, ce sont les renseignements personnels que l'on retrouve dans les ordinateurs et la question de savoir si ces données sont partagées. Le cas échéant, comment vous occupez-vous des questions liées à la protection de la vie privée?
M. De Vlieger : Probablement aucun de nous n'est un expert en matière de politique de protection de la vie privée, mais je vais tenter le coup.
En ce qui concerne les renseignements personnels qui nous sont fournis par les demandeurs, qu'il s'agisse de leurs diplômes d'études ou de leur âge, nous sommes assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à toutes ses restrictions relatives à l'utilisation et à la communication raisonnables, si jamais il doit y avoir un échange d'information avec nos partenaires. Par exemple, si le ministère de l'Emploi et du Développement social Canada devait effectuer une étude d'impact sur le marché du travail, le tout se ferait dans le cadre de protocoles d'entente examinés par le Commissariat à la protection de la vie privée. Dans le même ordre d'idées, j'ai mentionné qu'une partie du Programme des candidats des provinces est gérée par l'entremise du système Entrée express. Nous avons conclu des ententes d'échange de renseignements avec les provinces dans les cas où des renseignements doivent être communiqués au sujet d'un candidat qu'on envisage d'inclure dans le bassin. L'échange de renseignements se fait selon le cadre juridique de la Loi sur la protection de la vie privée, puis le processus est surveillé par le Commissariat à la protection de la vie privée.
La sénatrice Seidman : Les demandeurs savent-ils que leurs renseignements sont communiqués?
M. De Vlieger : Oui. Sur les formulaires, qui sont maintenant électroniques, on trouve tous les avertissements appropriés sur l'utilisation subséquente des renseignements.
La sénatrice Seidman : Merci. J'ignore dans quelle mesure le point suivant est lié aux questions traitées dans la section à l'étude, mais vous nous en avez parlé dans votre exposé. Il s'agit de la dispense d'étude d'impact sur le marché du travail.
Comme vous l'avez dit, cette décision a été prise en réponse aux commentaires fournis par les intervenants, et je me souviens très bien que, dans le cadre du projet de loi précédent dont notre comité était saisi et qui portait sur un sujet connexe, on a soulevé des questions sur les études du marché du travail et les effets d'une telle dispense.
Je voudrais simplement savoir si vous avez des données là-dessus ou si vous avez une idée de la façon dont une telle dispense se répercute sur certains candidats. Pouvez-vous donner un exemple pour montrer comment cela pourrait s'être traduit?
M. De Vlieger : Lorsque le système de gestion Entrée express est entré en vigueur, au cours de la première année et des poussières, certains employeurs désireux d'avoir des candidats qualifiés nous ont dit que les études d'impact sur le marché du travail étaient coûteuses. Il y a des frais qui s'y appliquent. Nous avons donc cherché des moyens d'atténuer ces préoccupations et nous avons instauré des dispenses, mais pas pour tous les candidats. Je demanderai à ma collègue de vous en dire plus parce que je crois que nous avons maintenant quelques données, depuis les modifications, sur le pourcentage de candidats qui sont assujettis à une étude d'impact sur le marché du travail par rapport à ceux qui ne le sont pas.
Mme Côté : Ce ne sont pas tous les candidats ayant une offre d'emploi qui font l'objet d'une dispense. Il s'agit uniquement des candidats qui sont entrés au Canada, munis d'un permis de travail qui était déjà dispensé de l'obligation relative à l'étude d'impact sur le marché du travail. Les autres candidats qui n'ont pas déjà un permis de travail visé par la dispense doivent se soumettre à tout le processus d'étude d'impact sur le marché du travail. La dispense ne s'applique donc qu'à ces candidats, et il s'agit de personnes appartenant à des catégories de grand intérêt pour le Canada en ce qui concerne le permis de travail de résident temporaire. Cela a donné de bons résultats dans le système Entrée express, et 10 p. 100 des candidats qui sont invités à faire une demande ont déjà une offre d'emploi. De ce chiffre, environ 60 p. 100 des candidats sont dispensés du processus d'étude d'impact sur le marché du travail.
La sénatrice Seidman : D'accord. Merci.
La sénatrice Petitclerc : Ma question fait suite un peu à celle de la sénatrice Seidman. J'aimerais en savoir un peu plus sur la façon dont fonctionne le système de pointage et de classement, ne serait-ce que parce que j'essaie de comprendre et de savoir comment cela se passe. Puisqu'il s'agit d'un système électronique, je peux comprendre l'aspect lié à l'efficacité, et je suppose que ma question est la suivante : dans quelle mesure est-ce efficace sur le plan du processus, d'une part, et sur le plan de la qualité, d'autre part. Vous en avez parlé un peu. À quel point le système est-il couronné de succès? Il y a une autre question que j'essaie de comprendre : sur quoi le système repose-t-il? Est-il axé sur le marché? Est-il axé sur la demande, et est-il équitable à certains égards? J'aimerais simplement que vous me donniez un aperçu.
M. De Vlieger : Je dirai d'entrée de jeu — et j'aurais probablement dû le préciser — que le système de gestion Entrée express et les programmes économiques dont nous parlons s'appliquent au reste du Canada. Le Québec dispose maintenant de son propre système de sélection. D'ailleurs, la province souhaite créer son propre système de type Entrée express, qu'elle s'apprête à lancer sous peu, mais en ce qui a trait à notre système, il fonctionne selon un modèle de capital humain, comme nous l'appelons. Le système de pointage repose sur des facteurs dont nous tenons compte à la lumière des nombreux travaux que nous avons menés avec Statistique Canada au fil des ans sur les résultats des immigrants qui sont les plus étroitement liés à la réussite et à la participation au marché du travail.
Il y a plus de 600 points pour les facteurs de capital humain. Ce sont des choses comme l'âge du candidat, qui est important, les diplômes d'études — ce sont là des facteurs clés —, la langue officielle, la deuxième langue officielle et ce que nous appelons la « transférabilité des compétences », qui est un moyen de mesurer si une expérience de travail acquise à l'étranger est applicable au contexte canadien. On attribue donc jusqu'à 600 points au capital humain. À cela s'ajoutent des points supplémentaires si vous avez déjà une offre d'emploi, ainsi que de nouveaux points si vous avez déjà été un étudiant international au Canada ou selon les objectifs de politique particuliers du gouvernement pour faciliter l'entrée de ces catégories de personnes. Les candidats au Programme des candidats des provinces obtiennent également ces points supplémentaires. Voilà comment les choses fonctionnent. C'est l'étape en amont.
Mme Côté : J'ajouterais que le Système de classement global ne s'applique qu'une fois que vous êtes admis dans le bassin; par conséquent, le bassin du système Entrée express est conçu uniquement pour les candidats qui répondent aux critères minimaux de l'un de nos trois programmes économiques. Donc, si vous remplissez ces exigences, vous êtes accepté dans le bassin. À partir de là, nous appliquons le Système de classement global qui prévoit un maximum de 1 200 points, et nous vous attribuons ces points en fonction des facteurs que M. De Vlieger vient de mentionner.
Grâce à ces points, nous classons les candidats les uns par rapport aux autres, et c'est ainsi que nous prenons nos décisions. Toutes les deux semaines environ, nous procédons à une « série d'invitations », c'est-à-dire que nous invitons les candidats les mieux classés. Histoire de vous donner une idée, le bassin compte actuellement près de 50 000 candidats. Donc, toutes les deux semaines, nous pourrions dire : « Nous allons inviter aujourd'hui les 300 ou les 3 000 candidats les mieux classés. » C'est ainsi que fonctionne le système. Le tout repose vraiment sur la note attribuée aux candidats, et c'est ainsi que nous invitons les gens.
Le sénateur Dean : Vous accomplissez tous une tâche difficile, qui a gagné en complexité au cours des dernières années. Je tiens donc à vous remercier de votre travail acharné.
J'ai deux brèves questions à vous poser. Il s'agit ici, du moins en partie, du recouvrement des coûts liés aux services offerts, et ce n'est pas une nouvelle tendance dans la fonction publique. Pouvez-vous d'abord m'expliquer un peu à quel point la transition vers le recouvrement des coûts est dictée, d'une part, par les organismes centraux, comme le Conseil du Trésor, et, d'autre part, par les ministères? S'agit-il d'une initiative émanant des ministères, ou est-ce plutôt une réponse à une initiative gouvernementale plus large en matière de recouvrement des coûts?
Ensuite, dans le cas des personnes aux prises avec de graves difficultés financières — et j'ai l'impression qu'il n'y en a pas beaucoup dans cette catégorie —, les agents d'immigration ont-ils la latitude de réduire ou d'annuler les frais?
Mme Paré : En ce qui concerne les facteurs déterminants — je crois que c'était la première question —, il y a certainement des politiques qui sont déjà établies par le Conseil du Trésor sur le recouvrement des coûts, et nous en tenons compte dans le cadre du service que nous offrons. Ces politiques servent donc de lignes directrices.
Dans le contexte d'IRCC plus particulièrement, nous voulons nous assurer d'avoir, par souci de bonne gestion, la possibilité d'examiner nos frais au moins tous les cinq ans ou de façon régulière pour veiller à ce que le coût réel du traitement des demandes se rapproche des frais que nous exigeons, tout en tenant compte d'autres facteurs.
Selon moi, il est important de comprendre qu'un examen des frais ne débouchera pas nécessairement à leur augmentation. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous sommes assujettis à la Loi sur la gestion des finances publiques, qui nous interdit d'exiger plus que les coûts engagés. Il est de plus en plus essentiel de nous assurer, de prime abord, que nous n'exigeons pas de frais excessifs, car cela irait à l'encontre de la loi. Il importe de comprendre nos inducteurs de coûts et d'envisager de surveiller nos frais régulièrement. Le cas échéant, c'est un des éléments que nous examinons. Nous tenons compte d'autres aspects, comme la gamme complète des frais imposés aux demandeurs. J'entends par là le nombre de frais qu'ils doivent payer lorsqu'ils arrivent au Canada — et ils doivent payer de nombreux frais dès qu'ils envisagent de venir au Canada —, afin de déterminer les avantages pour le secteur privé et pour le secteur public. Voilà autant de facteurs que nous devons examiner dans le cadre d'un examen des frais, pour ensuite évaluer la situation et décider si, oui ou non, nous voulons modifier les frais.
Dans le cas d'IRCC plus précisément, notre ministère n'est pas financé au moyen des frais; par conséquent, cet argent est versé dans le Trésor du gouvernement du Canada. Il n'y a aucun lien direct entre les frais que nous exigeons et les crédits réels ou le budget que nous recevons pour le traitement des demandes.
Le président : Y a-t-il d'autres observations?
Mme Paré : Je pourrais ajouter que, dans certains cas, nous avons la latitude d'annuler des frais selon les circonstances. C'est laissé à la discrétion du ministre d'IRCC.
La sénatrice Raine : Je vous remercie beaucoup de vraiment clarifier bon nombre des questions que j'avais en tête à ce sujet.
Madame Paré, à la fin de votre exposé, vous avez dit que « le processus de rajustement annuel en fonction de l'inflation pourrait être problématique pour IRCC ». Pourriez-vous nous en dire davantage? C'est quelque chose qui m'inquiète beaucoup. Le rajustement automatique des frais en fonction de l'inflation enlève certes toute incitation à accroître l'efficacité.
Mme Paré : Je tiens simplement à préciser que la disposition concernant le rajustement automatique en fonction de l'inflation est proposée dans le cadre de cette section, et le Conseil du Trésor propose d'apporter les modifications correspondantes à la Loi sur les frais de service.
Pour nous, comme je l'ai mentionné, il s'agit vraiment d'avoir la souplesse voulue pour examiner nos frais et prendre ensuite la décision de les augmenter ou non, en tenant compte de tous les facteurs dont je viens de parler, au lieu de recourir à une formule systématique pour augmenter les frais automatiquement. En raison du caractère unique de la clientèle d'IRCC, nous ne voulons pas forcément procéder de manière systématique; nous préférons avoir la souplesse nécessaire pour examiner le coût et tous les facteurs stratégiques voulus dans le cadre d'un examen des frais.
La sénatrice Raine : Sans oublier la compétitivité sur le marché.
Mme Paré : Oui, je n'ai pas mentionné ce point, mais vous avez tout à fait raison.
La sénatrice Raine : S'il s'agit d'une augmentation automatique, vous perdez cette souplesse.
Mme Paré : Oui. Dans le contexte d'IRCC, étant donné que notre clientèle est unique et que nous chercherons à attirer de plus en plus d'immigrants, nous voulons nous assurer d'avoir une compétitivité du point de vue des frais, aucun doute là-dessus.
Le sénateur Eggleton : Puis-je vous demander une précision, monsieur De Vlieger? Je crois vous avoir entendu dire tout à l'heure qu'un certain nombre de personnes... Et j'utilise les chiffres concernant la citoyenneté à titre d'exemple parce que nous ne sommes pas officiellement saisis d'une proposition d'augmenter les coûts; c'était prévu dans le projet de loi C-6, mais cela influence notre opinion — en tout cas, la mienne — en ce qui concerne l'incidence possible d'une telle hausse. Si je ne me trompe pas, vous avez dit que les demandes de citoyenneté parmi les résidents permanents étaient généralement les mêmes, mais d'après les chiffres dont je dispose — chiffres qui proviennent, il faut le reconnaître, d'un article rédigé par Andrew Griffith, un ancien directeur général au sein du ministère —, en 2014, lorsque les frais ont augmenté de 500 p. 100, il y avait 198 000 demandes, ce qui est la norme depuis toujours. En 2015, le nombre de demandes est passé à 130 000, puis en 2016, à 92 000. Qu'est-ce qui pourrait expliquer ces diminutions, s'il ne s'agit pas des frais?
M. De Vlieger : Nous en avons discuté un peu et nous avons expliqué que nous ne sommes pas les mieux placés, parmi les fonctionnaires du ministère, pour parler du dossier de la citoyenneté. J'ai évoqué le taux de naturalisation global. En effet, environ 85 p. 100 des résidents permanents deviennent des citoyens. Par contre, je ne pourrais pas commenter ces chiffres ni vous dire quelles circonstances et quels facteurs ont pu contribuer à leur baisse.
Le sénateur Eggleton : Merci.
[Français]
Le sénateur Cormier : J'aimerais brièvement obtenir un complément d'information concernant le changement qui permet de conférer aux agents le pouvoir de ne pas refuser une demande. Si j'ai bien compris, ce changement sera inscrit dans la loi, mais cette procédure fait déjà partie d'une politique dorénavant en application. Depuis quand est-ce le cas?
Mme Côté : Depuis le 1er janvier 2015. Je ne peux pas parler du cas spécifique que vous avez mentionné plus tôt, mais il s'agit d'une politique du ministère mise en œuvre depuis le 1er janvier 2015, donc depuis l'entrée en vigueur du programme Entrée express.
Le sénateur Cormier : Une stratégie particulière en Atlantique a-t-elle été mise en place en ce qui a trait à l'immigration? Est-ce que ceci s'applique aussi dans le cas de cette stratégie?
Mme Côté : Non, cette stratégie ne fait pas partie du programme Entrée express. Toutefois, le programme Entrée express peut très bien être utilisé par les provinces atlantiques afin de sélectionner des candidats dans le bassin qui souhaiteraient s'installer dans les provinces atlantiques.
J'ajouterai que des changements seront apportés très bientôt au système de points, entre autres pour donner plus de points aux francophones; vous avez mentionné tout à l'heure l'importance des francophones. Ces points supplémentaires seront en vigueur dès le 6 juin prochain. Ce sera une autre façon pour les provinces atlantiques de sélectionner des candidats dans le bassin Entrée express qui sont francophones ou qui désirent s'établir dans les provinces atlantiques. Le programme pour les provinces atlantiques est distinct du programme Entrée express, mais les deux peuvent très bien être utilisés pour promouvoir l'immigration dans ces provinces.
Le sénateur Cormier : Merci.
[Traduction]
Le président : À cet égard, je crois comprendre que les provinces ont leur propre catégorie d'Entrée express, et c'est d'ailleurs ce qui est indiqué dans les notes qu'on nous a remises. En effet, on peut y lire qu'il existe une distinction très nette entre les candidats identifiés dans le système Express provincial et ceux qui sont identifiés ici. Est-ce exact?
M. De Vlieger : C'est exact.
Le président : Merci. J'ai une question à vous poser. Je crois que vous y avez répondu au fil de vos interventions, mais il s'agit des modifications qui ont été apportées, d'après le résumé inclus dans nos notes. L'extrait qui m'intéresse tout particulièrement est le suivant : « Ces modifications vont [...] [p]ermettre aux agents d'immigration de ne pas rejeter une demande même lorsque, dans certaines circonstances, il existe une différence entre les renseignements inscrits dans le profil Entrée express du candidat et sa demande de résidence permanente. »
En examinant le document intégral, les seuls exemples que j'ai pu repérer étaient ceux que vous avez cités, à savoir l'anniversaire et le délai global. Est-ce bien de cela qu'il est question ici?
M. De Vlieger : L'anniversaire est un bon exemple, et c'est celui que j'ai utilisé, mais il pourrait y en avoir d'autres. Si nous changions nos critères d'admissibilité minimaux, notamment en ce qui concerne les diplômes d'études ou le niveau de langue requis — et si ces modifications devaient changer votre classement dans l'intervalle entre l'invitation à faire une demande et la présentation de la demande de résidence permanente —, alors l'agent aurait la discrétion de faciliter votre entrée malgré tout, à condition que votre nouveau classement ne vous place pas, dans ces circonstances, au-dessous de la note minimale requise pour être admis.
Le président : C'est bien ce que j'ai lu dans le document. La raison pour laquelle je soulève la question, c'est parce que le libellé employé dans nos notes n'est pas très précis, et nous savons qu'il y a eu des cas intéressants où les changements d'information dans les demandes, à différents niveaux, ont abouti à de bien curieuses conclusions, pourrait-on dire.
Je m'en tiendrai à cela. Je déduis de votre réponse que cette modification porte strictement sur les exemples que vous et moi avons utilisés pour clarifier ce libellé; est-ce bien cela?
M. De Vlieger : Oui.
Le président : Merci. Y a-t-il d'autres questions, chers collègues?
Comme il n'y en a pas, je tiens à vous remercier infiniment de vos témoignages. Nous avons abordé des questions qui dépassent largement la portée de cette section, mais j'ai laissé faire parce que j'ai jugé important que les membres du comité aient plus de renseignements sur le contexte dans lequel s'inscrit le tout.
En ce qui concerne les questions précises visées par la section, j'ai l'impression que nous avons maintenant tiré cela au clair. Vous nous avez également fourni des réponses utiles sur la dimension générale des choses. Je vous en remercie.
Chers collègues, nous allons siéger à huis clos pour donner des instructions de rédaction aux analystes. Nous demandons donc à tout le monde de quitter la salle, à l'exception de ceux qui ont le droit de rester.
(La séance se poursuit à huis clos.)