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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 30 - Témoignages du 18 octobre 2017


OTTAWA, le mercredi 18 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada, se réunit aujourd’hui, à 16 h 16, afin d'étudier le projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis président du comité. Je vais inviter mes collègues à se présenter.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

La sénatrice Omidvar : Je m’appelle Ratna Omidvar, de l’Ontario.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Sénatrice Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, de la région de Montréal.

[Traduction]

Le président : Merci, chers collègues. Je tiens à tous nous rappeler que nous sommes ici aujourd’hui pour étudier le projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada.

Le projet de loi a été présenté le 30 mai 2016 par Marilyn Gladu, députée de la Chambre des communes. Il a été adopté par la Chambre des communes et a été référé au Sénat le 30 mai 2017.

Le 26 septembre 2017, le projet de loi a été référé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie aux fins d’étude. Nous tenons aujourd’hui notre première réunion sur ce projet de loi, et je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Marilyn Gladu, députée de Sarnia–Lambton et marraine du projet de loi, qui comparaît devant le comité.

[Français]

Marilyn Gladu, députée, Sarnia—Lambton, marraine du projet de loi : Merci beaucoup. Je suis heureuse de comparaître devant votre comité aujourd’hui.

[Traduction]

Je suis très heureuse, sénateurs, de pouvoir vous parler du projet de loi, qui, selon moi, arrive à point nommé. Je vais vous expliquer rapidement de quelle façon le projet de loi a vu le jour, je vous décrirai ce qu’il contient, puis je serai prête à répondre à vos questions.

C’est à l’époque où le projet de loi sur l’aide médicale à mourir était soumis au Parlement; le comité spécial qui étudiait ce projet de loi avait formulé des recommandations et dit que, sans des soins palliatifs de bonne qualité, il n’était pas possible de vraiment faire un choix. À ce moment-là, je me suis tournée vers la personne assise à côté de moi, Mark Warawa, de Langley, en Colombie-Britannique, et je lui ai dit : « Eh bien, une chance que nous offrons de bons soins palliatifs au Canada. » Il a dit : « Que veux-tu dire? », et j’ai répondu : « Eh bien, dans ma circonscription de Sarnia–Lambton, nous avons 5 ou 6 spécialistes des soins palliatifs, nous avons 20 lits pour soins palliatifs et un système totalement intégré de soins à domicile », ce à quoi il a répondu : « Soixante-dix pour cent des Canadiens n’ont aucun accès à des soins palliatifs. » J’étais consternée. J’ai dit : « Eh bien, cet enjeu n’a jamais été soulevé devant le Parlement? », et il a répondu : « Un comité parlementaire multipartite a présenté un rapport en 2011 et formulé des recommandations qui ont fait l’objet d’une motion, mais qui n’ont abouti à rien de concret. » C’est donc la raison pour laquelle j’ai présenté le projet de loi, mon objectif étant d’offrir un accès uniforme aux soins palliatifs à tous les Canadiens.

Et là, le projet de loi lui-même reconnaît qu’il y a des compétences qui relèvent du gouvernement fédéral et d’autres, des provinces. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leadership en établissant des normes, en fournissant du financement et en aidant à tirer parti des pratiques exemplaires et des innovations qui verront le jour.

La première partie du projet de loi vise à définir en quoi consistent les soins palliatifs. Les soins palliatifs réunissent énormément de types différents de services, et la maîtrise de la douleur n’est qu’un d’eux. Cela inclut aussi l’intervention en cas de crise et le counseling spirituel et émotionnel dont les gens ont besoin lorsqu’ils passent par là en plus de tous les niveaux de soins requis. La détermination de ce qui sera couvert sera essentielle et, à partir de là, il faudra tenir compte des besoins en matière de formation et d’éducation sur les soins palliatifs de toutes les personnes qui offrent de tels soins.

Actuellement, au Canada, nous comptons environ 200 spécialistes des soins palliatifs, et, apparemment, il en faudrait environ 600. Notre population est vieillissante, comme vous le savez, et un Canadien sur six actuellement est un aîné. En outre, le ratio passera à un sur quatre dans quelques années seulement. Il faut former plus de personnes, mais pas seulement les spécialistes. Dans certains cas, les omnipraticiens ne bénéficient même pas de deux mois de formation sur les soins palliatifs, et les infirmières obtiennent leur diplôme sans jamais avoir suivi de formation sur les soins palliatifs. Parfois, les employés des foyers pour aînés n’ont même pas reçu le niveau de formation dont ils ont besoin, et, très souvent, dans les collectivités rurales et éloignées, ce sont les membres de la famille qui fournissent les soins palliatifs. Il y a là une occasion de fournir la formation nécessaire et d’établir certaines normes dans le domaine.

La troisième partie cerne les mesures pour soutenir les fournisseurs de soins palliatifs. Lorsqu’une personne est en fin de vie, c’est une expérience extrêmement dure sur le plan émotionnel pour tous ceux qui sont touchés — la famille, la personne en fin de vie et les soignants eux-mêmes —, alors il faut veiller au maintien de leur santé mentale et physique.

Puis, il faut définir certains points de référence liés aux soins palliatifs. Actuellement, nous ne savons même pas vraiment exactement combien de Canadiens ont besoin de soins palliatifs. Nous ne savons pas quels sont les coûts réels, en moyenne, et nous n’avons pas fait beaucoup de comparaisons des différentes technologies pour voir lesquelles sont plus bénéfiques ou économiques. Il y a là une occasion d’effectuer des recherches et de recueillir des données afin que nous puissions mesurer l’amélioration à l’avenir.

La partie E cerne les mesures permettant de faciliter l’accès uniforme aux soins palliatifs partout au Canada. Selon moi, c’est probablement la partie la plus importante du projet de loi, parce que c’est ici qu’on déterminera de quelle façon on offrira des soins palliatifs à tous les Canadiens. Ici, le plan devra contenir un certain nombre de mesures.

Il faudra tenir compte des déficits en ressources dont on a parlé lorsqu’on a mentionné les spécialistes des soins palliatifs, mais il faudra aussi dissiper certaines des préoccupations liées aux infrastructures. Aujourd’hui, il y a moins de 90 maisons de soins palliatifs au Canada comparativement à 1 300 aux États-Unis, on a donc l’occasion d’en construire. L’avantage dans ce cas-là est lié aux coûts. Si nous offrons les soins palliatifs dans les hôpitaux, un lit de soins actif coûte habituellement 1 200 $ par jour. Pensez-y! On sait que les soins en maison de soins palliatifs coûtent environ 300 $ par jour, et les soins à domicile, 200 $ par jour. En outre, dans certains des modèles novateurs utilisés actuellement en Nouvelle-Écosse, ce sont les ambulanciers paramédicaux qui assurent en partie la maîtrise de la douleur pour environ 90 $ par jour. Il y a une occasion majeure d’accroître l’efficience des soins de santé, et ce sera tout particulièrement important vu le vieillissement de la population.

Puis, afin de tirer parti de certaines des innovations qui existent actuellement, il faut savoir que, dans certains endroits, il y a des centres de soins palliatifs en activité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 où plusieurs spécialistes des soins palliatifs, et des responsables en lieux éloignés peuvent appeler pour obtenir les directives dont ils ont besoin pour réaliser leurs interventions de soins palliatifs. Afin qu’un tel accès soit possible, il faut s’assurer d’offrir un accès haute vitesse à Internet dans ces zones rurales et éloignées, et c’est là un autre aspect de l’infrastructure sur lequel le gouvernement travaille déjà.

La partie suivante précise que nous devrions tenir compte des cadres de soins palliatifs actuels. Il y a plusieurs années, le gouvernement fédéral a financé une coalition pour des soins de qualité afin qu’elle élabore un cadre sur les soins palliatifs. Le résultat de cette initiative est un point de départ afin que le gouvernement n’ait pas à tout recommencer à zéro. Il peut partir de là et faire des ajouts ou retirer certaines choses, au besoin, pour commencer à mettre rapidement le plan en place.

Enfin, il est demandé d’évaluer s’il serait approprié de rétablir le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie de Santé Canada. L’idée, ici, c’était d’avoir un point de convergence pouvant être le moteur du plan. Nous sommes déjà à la traîne, et il faut mettre le plan en place. Si on pouvait trouver une personne, surtout un expert dans le domaine des soins palliatifs, ce serait bien qu’il puisse faire avancer ce programme afin qu’on puisse offrir un accès uniforme à tous les Canadiens.

J’étais heureuse lorsque j’ai appris que le projet de loi était référé à un comité et j’ai aussi été heureuse lorsqu’il est revenu devant la Chambre des communes et qu’il a reçu là un soutien unanime. Aujourd’hui, ce que j’espère, c’est que vous constaterez que l’heure est venue d’aller de l’avant, sachant que, lorsqu’on leur offre des soins palliatifs de bonne qualité, 95 p. 100 des gens choisissent de vivre le plus longtemps qu’ils peuvent, et c’est ce que je souhaite à tous les Canadiens.

Voilà qui termine ma déclaration. Je suis prête à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Chers collègues, le projet de loi suscite beaucoup d’intérêt auprès de vous tous, alors nous allons nous limiter à une question par série en espérant que tout le monde aura l’occasion de poser au moins une question. Nous allons commencer par les critiques, et, dans la situation, il y en a toute une armada. Toutes les autres expressions ont déjà été utilisées pour parler de divers collectifs.

La sénatrice Eaton : Je vous félicite pour le projet de loi. C’est très excitant. Une des choses sur lesquelles j’aimerais vous entendre, c’est que, lorsque votre projet de loi initial était à l’étude devant la Chambre, il était question de « mettre en œuvre » un cadre de soins palliatifs. La Chambre a modifié ce passage et a plutôt parlé de « favoriser l’amélioration » d’un cadre de soins palliatifs. Quelles répercussions à long terme croyez-vous que cette modification aura? Croyez-vous que le changement affaiblit beaucoup l’impulsion que donnera le projet de loi pour qu’on fasse le travail?

Mme Gladu : Je ne crois pas que la modification l’affaiblit, parce que c’est en fait les provinces qui ont la compétence de le mettre en œuvre, alors le rôle du gouvernement fédéral, dans ce cas-là, est un rôle de soutien. Le gouvernement soutient le processus en fournissant des fonds, en définissant des normes, en tirant parti de diverses choses un peu partout dans les provinces et en réunissant les provinces afin qu’elles discutent et qu’elles partagent, et la modification visait donc à clarifier le champ de compétence.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, madame Gladu, du travail que vous avez fait sur les soins palliatifs, parce que vous avez tout à fait raison : 70 p. 100 des Canadiens n’y ont pas accès, particulièrement dans les petites collectivités, les collectivités isolées du Nord et les collectivités autochtones. Je vous remercie donc beaucoup encore une fois d’avoir soulevé cet enjeu. C’est extrêmement important.

Je tiens aussi à remercier la sénatrice Eaton, qui a parlé de nombreuses fois dans la salle du Sénat, des soins palliatifs.

Le projet de loi exige la tenue d’un processus de consultation pour évaluer l’opportunité de rétablir, au sein du ministère de la Santé, le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie. En juin 2001, le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie a été créé au sein de Santé Canada et doté d’un budget annuel de quelque 1 à 1,5 million de dollars. En outre, l’ancienne sénatrice Carstairs était en fait la ministre responsable des soins palliatifs. Comme on avait créé un secrétariat et nommé une ministre responsable, les choses ont beaucoup avancé et, en fait, c’est durant cette période que les écoles de métier ont commencé à dispenser aux médecins de la formation sur les soins palliatifs. Malheureusement, malgré les grands pas en avant, ces stratégies, le secrétariat et le poste de ministre ont été éliminés en 2007 par le gouvernement précédent. S’il n’y a pas de secrétariat, quel mécanisme pourrait-on mettre en place pour s’assurer que les efforts sont coordonnés?

Le comité conjoint spécial dont vous avez parlé tantôt sur l’aide médicale à mourir recommandait à Santé Canada de rétablir le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie. Pourquoi dites-vous qu’il faudrait évaluer l’opportunité de le rétablir et pourquoi ne pas tout simplement dire que nous avons besoin d’un secrétariat?

Mme Gladu : Eh bien, c’est un amendement qui a été proposé par le NPD, et le gouvernement actuel ne voulait pas tout simplement inclure cette disposition dans le projet de loi, parce qu’il y a des coûts associés à la création d’un secrétariat et qu’il faut donc obtenir la sanction royale. L’idée, c’était d’en évaluer le caractère opportun, et il ne coûte rien d’y penser. Si on décide qu’on le veut, je crois qu’on acceptera d’aller rapidement de l’avant. Sinon, le ministre de la Santé, en conjonction avec Santé Canada, pourrait s’en charger et, en raison de la crise des opioïdes, de la crise des suicides et du projet de loi sur la marijuana ainsi que toutes les autres choses qui se passent, je crois que les soins palliatifs se perdraient en cours de route, et ce serait malheureux.

La sénatrice Cordy : Lorsque je l’ai lu, je me demandais si ce n’était pas une question financière. Je préférerais qu’on l’établisse rapidement.

Mme Gladu : La volonté du comité, c’était qu’il y ait un point de convergence, et il y a eu certaines discussions par la suite sur qui pourrait jouer ce rôle, parce qu’il y a beaucoup de personnes talentueuses au Canada qui pourraient très bien assumer ce rôle.

La sénatrice Petitclerc : Merci de l’important travail que vous avez fait et que vous continuez à faire relativement au projet de loi.

J’aimerais que vous me rassuriez et que vous me disiez que ce projet de loi couvrira quelque chose que je n’ai pas vu précisément dans le projet de loi et qui est selon moi très important, et je parle des soins palliatifs pédiatriques. D’après ce que j’ai lu, il y a différents ensembles de besoins et de recherche et, peut-être, de soutien pour les familles lorsqu’il est question de pédiatrie et de soins palliatifs, et c’est souvent quelque chose qui n’est pas pris en considération comme il le faudrait. J’aimerais que vous me disiez de quelle façon vous pensez que cette question sera abordée et la mesure dans laquelle vous êtes convaincue qu’elle le sera.

Mme Gladu : La discussion que nous avons eue relativement au projet de loi consistait à s’assurer d’offrir un accès uniforme à tous les Canadiens. Et dans « tous les Canadiens », il faut inclure, bien sûr, les Autochtones, les gens des provinces et des territoires de tout âge. Si on regarde les maisons de soins palliatifs un peu partout au Canada, on verra qu’il y a de plus en plus d’enfants qui obtiennent des soins palliatifs par l’intermédiaire de ce mécanisme. L’objectif, c’est que les enfants soient inclus, et je crois que, si nous mettons en place l’infrastructure dont nous parlons en ce qui a trait aux maisons de soins palliatifs — vous pouvez voir que la portée énoncée dans la première partie du projet de loi mentionne tout, des hôpitaux aux soins à domicile en passant par les soins de longue durée et les maisons de soins palliatifs —, eh bien, ils seront inclus dans cet ensemble de choses.

Le sénateur Eggleton : Merci et félicitations. C’est du très bon travail.

L’un des premiers points que vous soulignez, c’est le besoin de définir en quoi consistent les soins palliatifs. N’y a-t-il pas déjà un consensus à ce sujet?

Mme Gladu : Dans le domaine des soins palliatifs, les médecins des provinces se sont entendus sur ce qui devrait être couvert. Le problème, c’est que le gouvernement n’a pas accepté de couvrir ces choses. Dans certaines provinces, 43 p. 100 des soins palliatifs en maison de soins palliatifs sont couverts, et dans d’autres provinces, ils ne le sont pas du tout. Dans les hôpitaux, les soins palliatifs sont couverts, mais sont très dispendieux, puis l’accès aux soins à domicile est variable un peu partout au pays. Beaucoup d’organisations de soins à domicile, comme les Infirmières de l’Ordre de Victoria, qui offre des soins palliatifs, s’appuient sur des campagnes de financement. La question consiste à définir quels sont les soins palliatifs que le gouvernement paiera et relativement auxquels il mettra de l’argent sur la table.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, madame Gladu, de comparaître devant le comité. Je tiens à vous remercier sincèrement de votre travail acharné dans ce dossier et je vous félicite pour l’important soutien que vous avez obtenu de tous les partis.

J’ai eu le privilège de participer aux travaux du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir en compagnie d’autres sénateurs et collègues de l’autre endroit. En effet, tous les témoins ont abordé cet enjeu et ont reconnu que le Canada pourrait et devrait en faire plus pour améliorer l’accès aux soins palliatifs. Je sais que nous comprenons tous l’importance que ces soins revêtent.

J’aimerais poser une question très précise. Vous avez prévu dans le projet de loi des consultations et la présentation d’un rapport au Parlement dans un délai de six mois à un an. Qu’espérez-vous réaliser en présentant une telle demande?

Mme Gladu : La raison d’être du projet de loi, c’était de pousser le gouvernement à agir. Initialement, dans le budget de 2016, le gouvernement a annoncé 3 milliards de dollars pour les soins à domicile et les soins palliatifs, mais cela ne s’est pas traduit par des affectations budgétaires. En 2017, je suis heureuse de dire que, grâce au travail en collaboration avec la ministre Philpott, à l’époque, 11 milliards de dollars ont été prévus dans le budget pour les soins à domicile, les soins palliatifs et les soins de santé mentale. Par conséquent, même avant le projet de loi, des mesures sont prises.

Cependant, je voulais m’assurer que le processus n’allait pas s’étirer et donc, en six mois, il faut mener des consultations avec les provinces pour déterminer les services qui seront couverts, et, à l’intérieur d’un an, créer un cadre. Il n’est pas nécessaire de prendre un an, parce que la Coalition pour les soins de fin de vie de qualité, bien sûr, grâce à du financement fédéral, a déjà produit un document qui est bien soutenu par les médecins en soins palliatifs du Canada, Pallium Canada, et un certain nombre d’intervenants du dossier.

Ce que j’avance, c’est que le gouvernement, si la volonté était là, pourrait très rapidement mettre en place un cadre à l’échelle du pays. Les responsables du gouvernement ont des réunions avec les provinces. Ils ont tendance à travailler en collaboration de cette façon. Je crois que la prochaine réunion n’a pas à avoir lieu dans six mois.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour votre travail. Je suis du Nouveau-Brunswick, une province où le vieillissement de la population est, en ce moment, plus important qu’ailleurs.

Vous nous avez parlé un peu de l’éventuel secrétariat. J’aimerais vous entendre davantage à ce sujet. Ce qui me préoccupe, c’est la relation éventuelle entre ce secrétariat et les provinces. Comment s’établit cette relation afin d’assurer, dans toutes les régions, des soins qui reflètent les réalités culturelles et spirituelles de ces régions?

[Traduction]

Mme Gladu : Essentiellement, le secrétariat relèverait du ministre fédéral de la Santé. Ce secrétariat rencontrerait ensuite les provinces pour s’entendre sur la façon de tirer parti des pratiques exemplaires et pour déterminer s’il faut normaliser les modalités ou tenir d’autres discussions du genre. L’objectif, c’est vraiment de nommer une personne à temps plein qui se consacre exclusivement au dossier. L’objectif n’est pas de remplacer l’autorité provinciale déjà en place.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Normalement, je ne siège pas à ce comité, mais j’ai quand même une question pour vous. Vous allez peut-être la trouver un peu de nature politique. À une époque où le gouvernement s’apprête à légaliser la marijuana, pourquoi le Comité permanent de la santé a-t-il retiré la mention très claire et juste de votre projet disant qu’il faudrait rendre tous les Canadiens admissibles aux soins palliatifs? Cela a été remplacé par « favoriser l’amélioration de l’accès ». C’est un peu moins engagé. Que s’est-il passé pour qu’on retire cette mention de votre projet?

[Traduction]

Mme Gladu : Les gens auront accès aux soins palliatifs. Vous allez définir les choses qui seront couvertes. Plus précisément, pour ce qui est de la marijuana, je peux vous dire que les médecins responsables des soins palliatifs utilisent actuellement la marijuana thérapeutique pour maîtriser la douleur chez certains patients, alors cela ferait probablement partie de la discussion du gouvernement sur les choses qu’il faut couvrir.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci pour les efforts que vous faites pour faire adopter ce projet de loi.

J’ai écouté mon collègue qui disait que le terme « favoriser l’accès aux soins palliatifs » est un peu plus léger que ce qui était écrit avant. Je trouve cela dommage.

Mon deuxième commentaire est en lien avec ce que la sénatrice Petitclerc vous a dit plus tôt concernant les soins palliatifs pédiatriques. Souvent, quand on parle de soins palliatifs, tout le monde s’empresse à voir « soins palliatifs adultes », et il est clair que toutes les maisons de soins palliatifs mises sur pied par des organismes sans but lucratif s’adressent aux personnes âgées de 18 ans et plus. Les maisons dédiées aux enfants sont strictement dédiées aux enfants. La raison est claire : c’est parce qu’ils ont des besoins spécifiques. Ils ne sont pas juste palliatifs; ces enfants ont l’air bien aujourd’hui et demain, ils sont déjà à la veille de mourir. C’est donc un peu différent des adultes.

Ma suggestion serait de spécifier le mot « pédiatrique » pour que les régions qui en ont les moyens — ou la façon dont le gouvernement s’organisera pour les financer — sachent qu’on financera des maisons pour adultes et des maisons pour enfants. Ainsi, ce sera plus clair, car quand on parle de soins palliatifs généraux, tout le monde pense aux adultes.

[Traduction]

Mme Gladu : Je crois qu’on peut examiner certains des meilleurs modèles. J’ai visité plusieurs maisons de soins palliatifs un peu partout au pays pour voir ce que les gens font, et il y a deux ou trois très bons modèles. À Montréal, il y en a un, et il y en a aussi un dans ma circonscription, où la maison est intégrée à un point tel avec l’hôpital qu’il n’y a pas de distinction entre les soins palliatifs pédiatriques et les soins palliatifs, mais les pédiatres viennent cependant, et il y a une équipe qui y est affectée. Je dois dire que j’espère qu’on optera pour un tel genre de service intégré, parce que je crois qu’on offre un meilleur service de cette façon comparativement à une approche cloisonnée.

Pour ce qui est d’offrir l’accès, c’est une autre discussion. Le gouvernement était très préoccupé à l’idée de s’assurer que, du point de vue des compétences, il n’empiétait pas sur ce qui est considéré comme une responsabilité provinciale, et les provinces ont une opinion bien arrêtée à ce sujet, comme vous le savez. Fournir l’accès sous-entend qu’elles font ce que le gouvernement fédéral fait, ce qui signifie payer, afin que toutes les personnes puissent en profiter. La difficulté, si nous modifions le projet de loi à cette étape-ci, c’est qu’il faudra retourner à nouveau devant la Chambre des communes. Il est à espérer que le projet de loi obtiendra à nouveau un soutien unanime, mais la politique étant ce qu’elle est, nous ne pouvons jamais être sûrs. Nous savons aussi que l’échéancier, ici, entraînera un retard, et je crois que c’est un besoin urgent. L’objectif est là, et il y a assez de marge de manœuvre pour réaliser ce que vous voulez faire, ce qui est une bonne chose.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d’être là. Dans ma province du Nouveau-Brunswick, il est très difficile d’avoir accès aux soins palliatifs. Nous avons très peu de centres, la plupart se trouvent dans des petits hôpitaux. Les hôpitaux aménagent des unités de soins palliatifs. Il y a une maison de soins palliatifs à Fredericton, puis il y a les soins à domicile. Ma préoccupation, c’est que ces trois choses fonctionnent, comme vous l’avez dit, de façon cloisonnée, et qu’il n’y a pas une structure générale fournissant l’orientation dont les trois auraient besoin. Je me demande comment, selon vous, on pourrait aborder ce problème et, peut-être, aider les provinces à trouver une solution.

Mme Gladu : Je crois que c’est une excellente question. Lorsqu’il est question des discussions qui auront lieu avec les provinces afin de mettre sur pied le plan et assurer un accès uniforme, c’est à ce moment-là qu’il devra y avoir une analyse de ce qui est en place dans les provinces actuellement. Que faites-vous en ce qui a trait aux maisons de soins palliatifs et aux soins à domicile? De quelle façon ces services fonctionnent-ils? Il faudra ensuite s’entendre sur le modèle le plus efficient. Le modèle intégré est celui que je préfère, mais je m’en remets à la ministre de la Santé. C’est elle qui choisira ce qui fonctionne pour le gouvernement. Puis, il faut combler les lacunes.

Il s’agira d’un plan pluriannuel, en raison de la quantité d’argent nécessaire pour mettre sur pied l’infrastructure et répondre aux besoins de toutes les personnes au Canada qui sont actuellement mal desservies, et c’est quelque chose qu’il faudra faire progressivement.

La sénatrice Omidvar : Merci du travail que vous faites dans ce dossier. C’est très apprécié. Nous avons beaucoup parlé des soins palliatifs lorsque nous débattions de l’aide médicale à mourir, alors je suis heureuse d’aborder la question par l’intermédiaire du projet de loi.

Je voulais savoir si les recherches que vous avez réalisées visaient les pratiques exemplaires dans d’autres administrations où la responsabilité est partagée entre administrations. Une bonne partie du projet de loi est un cadre législatif. Le vrai travail, ce sont les provinces qui le font. Je me demande si vos recherches vous ont menée vers ce cadre législatif ou s’il y a autre chose qui existe qu’on devrait aspirer à reproduire?

Mme Gladu : Lorsque des intervenants ont commencé à se rallier au projet de loi, la Société canadienne des médecins de soins palliatifs est l’un des groupes qui se sont joints à moi. L’organisation a fourni des renseignements sur ce qui se produit dans le monde, ce que fait l’Organisation mondiale de la Santé, son approche en matière de soins palliatifs et certaines des pratiques exemplaires en place, comme ce centre de soins palliatifs virtuel qui a été repris, au Canada. C’est une excellente façon de bénéficier des leçons retenues par ceux qui sont déjà passés par là et de choisir les choses qui sont bonnes et qui pourront être intégrées dans notre cadre.

La sénatrice Eaton : Je me sens gâtée. J’ai droit à une deuxième question. Vous avez mentionné tantôt que la ministre a affecté 11 milliards de dollars aux soins à domicile, aux soins palliatifs et aux soins palliatifs dans le dernier budget. De quelle façon saurez-vous comment les fonds sont répartis et quels fonds seront consacrés aux soins palliatifs? La Dre Philpott avait commencé à consulter les provinces, mais elle n’est plus ministre de la Santé. Il y a une nouvelle ministre, et j’imagine que les consultations vont recommencer au tout début. Avez-vous une idée de la façon dont elle négociera avec les diverses provinces, et avez-vous une idée du montant qui sera affecté sur les 11 milliards de dollars?

Mme Gladu : La division initiale était 3 milliards de dollars pour les soins à domicile, 3 milliards de dollars pour les soins palliatifs et 5 milliards de dollars pour les soins de santé mentale, mais c’était le seul niveau de détail qui ait été donné. À part cela, je n’ai pas vu de plan concret. J’espérais présenter le projet de loi et avoir l’occasion d’utiliser les 3 milliards de dollars consacrés aux soins palliatifs immédiatement afin de commencer le processus.

Le président : C’est de la bonne planification.

La sénatrice Cordy : Je crois que c’est de l’excellente planification.

J’ai bien aimé voir vos chiffres, 1 200 $ par jour à l’hôpital pour les soins palliatifs et, pour les soins à domicile, 290 $ par jour en Nouvelle-Écosse. Je viens de Nouvelle-Écosse et j’ai établi une commission des soins palliatifs qui mise sur des personnes très compétentes, alors c’est probablement une indication de ce à quoi on peut s’attendre. Cependant, beaucoup de personnes ne comprennent pas que, si c’est une résidence, ils paient pour cette maison, sauf s’ils bénéficient de soins de santé privés, comparativement à ce qui se produit lorsque les gens sont à l’hôpital. Je crois que c’est le genre de dynamique qui doit changer, mais ce n’est pas la question que je veux poser.

Dans le projet de loi, il est question de formation et d’éducation des professionnels de la santé et des soignants, mais il n’est pas question de l’éducation du grand public. Les gens du public ne comprennent pas toujours les options qui s’offrent à eux quant aux arrangements personnels à long terme et à leurs souhaits, surtout s’ils ont une maladie. Lorsque vous avez préparé le projet de loi, avez-vous réfléchi au fait de sensibiliser le grand public quant à la nature des soins palliatifs, ce que ces soins permettent d’offrir aux gens et concernant le fait que les soins peuvent être donnés à l’hôpital ou à la maison ou encore dans une maison de soins palliatifs, si ces options sont accessibles?

Mme Gladu : Il y a eu des discussions. C’est une progression logique, mais afin d’expliquer aux gens en quoi consistent les soins palliatifs, le gouvernement fédéral doit déterminer ce qu’il dira à ce sujet. C’est difficile d’informer les gens sur ce dont il s’agit lorsque le service ne leur est pas accessible, et, par conséquent, l’idée, c’était de commencer par mettre ces services en place, puis, selon moi, l’éducation serait la prochaine étape naturelle.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Vous avez abordé brièvement cette question, mais je suis curieuse de connaître vos réflexions et de savoir si vous avez eu des discussions en ce qui concerne la mise en oeuvre de cette stratégie avec les provinces. Est-ce qu’on privilégie un modèle pour chacune des provinces ou, au contraire, est-ce qu’on l’adaptera à ce que les provinces font déjà, ou est-ce un mélange de tout cela? Cette initiative semble assez complexe et j’aimerais savoir comment vous l’envisagez.

[Traduction]

Mme Gladu : La raison pour laquelle nous tombons à point, c’est que les provinces commencent déjà à aller de l’avant et à mettre en œuvre certains plans; le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique sont trois provinces qui avancent rapidement dans ce dossier, et il y a certains exemples d’excellence en Nouvelle-Écosse.

Le Dr David Henderson, de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs a mis au point un modèle en collaboration avec toutes les provinces. Le modèle permet de réunir toutes les données sur ce que les intervenants connaissent — c’est un processus fragmentaire — pour essayer de déterminer quel niveau de soins palliatifs est nécessaire au Canada et de quel genre de ressources nous avons besoin dans chaque domaine pour les offrir.

C’est le genre d’initiative dont nous aurons besoin. Si le gouvernement fédéral attend trop longtemps, les provinces auront toutes mis en place des mesures différentes assorties de normes différentes; il devient alors difficile d’en tirer parti, et le système devient moins efficient.

Le sénateur Eggleton : Vous avez raison de dire que les ministres fédéral et provinciaux et les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent tenir des consultations sur ces dispositions. Certaines parties de la population relèvent directement du gouvernement fédéral. Comment envisagez-vous que cela s’appliquerait à ces personnes, en particulier les Autochtones et les anciens combattants, et en quoi cela serait-il différent de la situation actuelle? Je ne suis pas certain du niveau de service dont ils bénéficient actuellement, alors vous pouvez peut-être indiquer le niveau de soutien qu’ils reçoivent déjà.

Mme Gladu : Je dirais que les choses sont encore plus lamentables dans les collectivités autochtones du Canada parce que beaucoup d’entre elles sont éloignées, leurs résidents veulent rester à la maison, mais ils n’ont pas accès au financement pour obtenir des soins à domicile. Je pense que c’est un problème grave. C’est définitivement inclus.

Les discussions que nous avons tenues avec la ministre de la Santé ont eu lieu avant la séparation des ministères. Je ne suis pas certaine que cela aura une incidence sur le projet de loi — ce projet de loi est holistique —, mais cela pourrait signifier que ce sera sous la houlette de la ministre Philpott, qui est maintenant responsable de la santé des Autochtones. Si on crée un secrétariat des soins palliatifs, qui dirige tout le processus, j’imagine qu’il travaillera avec elle et avec la ministre de la Santé pour s’assurer qu’il y a des progrès des deux côtés.

Le sénateur Omidvar : Madame Gladu, vous avez mentionné les différentes vitesses et les différents niveaux d’efforts à l’échelon provincial. D’un côté, je pense que les différences entre les provinces mènent à l’innovation provinciale; il y a une prise de risque et une saine concurrence en quelque sorte. D’un autre côté, on court le risque que l’accès aux soins palliatifs soit déterminé uniquement en fonction de l’endroit où on vit, et les gens pourraient décider de magasiner. Quelqu’un pourrait se dire : « D’accord, je veux terminer ma vie en Colombie-Britannique après trois mois, et des choses du genre. J’y vais parce que l’accès y est meilleur. » Votre législation-cadre tiendra-t-elle compte de certaines de ces variations dans la prestation des services et l’accès?

Mme Gladu : Oui. Le projet de loi définira certainement la norme minimale des services qui seront disponibles partout. Dans ce cadre, il y aura probablement encore de la place pour l’innovation. Je regarde certains de ces exemples… J’ai mentionné le fait que les ambulanciers paramédicaux offrent des services de maîtrise de la douleur pendant leur temps libre en Nouvelle-Écosse, et ce, de façon rentable. D’autres équipes effectuent des vols d’urgence dans des endroits éloignés. Quand on regarde ces choses, ce sont de si bonnes pratiques que nous devrions les faire connaître dans toutes les provinces. Les provinces devraient en tirer parti parce que c’est un avantage pour elles au chapitre de l’efficience de leurs dépenses en santé.

Le président : Nous avons eu une excellente discussion. Je tiens à me joindre à mes collègues pour vous féliciter d’avoir présenté le projet de loi.

Nous avons étudié un certain nombre d’enjeux qui soulevaient la question des soins palliatifs. C’est assurément le cas, comme on l’a déjà mentionné, de l’aide médicale à mourir. Il est évident qu’un des problèmes que nous avons, au Canada est lié à la communication des pratiques exemplaires d’une administration à l’autre, et sans une sorte d’organisation pour permettre la collaboration dans le domaine, ça n’arrive tout simplement pas. Même le Service de la santé publique du Canada n’a pas de portail consacré aux pratiques exemplaires liées aux enjeux qui existent partout au pays. Je crois que votre projet de loi est extrêmement important dans la mesure où il permettra un dialogue entre les diverses administrations afin qu’on puisse composer avec les nombreux enjeux soulevés, ici. Si l’ensemble des Canadiens doivent profiter de l’excellence qui existe dans un endroit, nous devons en être conscients dans toutes les administrations. En effet, en faisant travailler en collaboration les provinces, le gouvernement fédéral et les diverses collectivités importantes mentionnées, on peut espérer que le dialogue mènera à la détermination des principaux obstacles à la prestation et à l’accessibilité des soins dans le domaine et, ce qui est tout aussi important, à la détermination des pratiques exemplaires en tant que telles à appliquer dans les différentes situations, et vous en avez énuméré un certain nombre pour nous aujourd’hui.

Au nom du comité, merci beaucoup.

Mme Gladu : Merci, sénateurs.

Madame Baxter, je vais vous parler de deux ou trois choses. La façon dont nous allons procéder, c’est que je vais vous inviter à présenter votre déclaration en premier. Je demande toujours aux personnes qui comparaissent par vidéoconférence de présenter leur déclaration en premier, au cas où les merveilles de la technologie moderne ne tiendraient pas le coup. Je vais ensuite inviter les témoins présents dans la salle à présenter leur déclaration, puis nous passerons à la période des questions.

Maintenant, chers collègues, nous accueillons quelqu’un par vidéoconférence, alors je vais vous demander, lorsque nous en serons aux questions, de dire à qui vous posez votre question; ne vous contentez pas de la poser sans plus de précision. Précisez qui doit répondre en premier. Puis, je vais toujours donner aux autres témoins l’occasion de répondre aussi.

Sur ce, madame Baxter, si vous n’avez pas de question avant de commencer, je vous invite à lancer le bal et à nous présenter votre déclaration. Mme Baxter est directrice générale de l’Association canadienne des soins palliatifs.

Sharon Baxter, directrice générale, Association canadienne des soins palliatifs : Bonjour à tous, et merci de m’accueillir par vidéoconférence. Je ne pouvais malheureusement pas être à Ottawa aujourd’hui. Je participe à des réunions nationales sur les soins palliatifs pour les personnes atteintes du cancer à St. John’s, Terre-Neuve, alors je vous appelle de l’extérieur.

Évidemment, nous soutenons le projet de loi C-277. L’Association canadienne des soins palliatifs, en tant qu’association nationale qui assure un leadership en matière de soins palliatifs, tient à vous remercier d’étudier le projet de loi C-277 et d’organiser ces réunions. Nous sommes vraiment ravis et estimons qu’il s’agit d’une question importante pour tous les Canadiens. Nous sommes véritablement encouragés par l’attention portée au cours de la dernière année à la question urgente des soins palliatifs, et ce, dans les chambres haute et basse du Parlement. Nous sommes heureux qu’il y ait un désir d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie — nous parlons d’une stratégie, pas d’un cadre, parce qu’il y a un certain nombre d’autres cadres actuellement appliqués dans le domaine des soins palliatifs actuellement, et donc, simplement pour faciliter la discussion, nous parlons d’une stratégie, mais vous lui donnerez le nom qui figure dans le projet de loi — qui garantira à tous les Canadiens l’accès à des soins palliatifs de haute qualité.

La prestation de soins palliatifs spécialisés et de soins actifs dans les hôpitaux et les maisons de soins palliatifs et l’approche en matière de soins palliatifs fournis dans la collectivité sont des enjeux importants pour les Canadiens et ils doivent recevoir l’attention, le financement et le soutien nécessaires pour qu’on puisse composer avec le vieillissement de la population canadienne.

Maintenant, permettez-moi de souligner certaines des informations et ressources actuelles qui aideront à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de soins palliatifs, dont certaines sont mentionnées dans la version actuelle du projet de loi, ainsi que quelques suggestions de rajustements mineurs.

En tant que secrétariat de la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité, qui compte 39 membres, l’ACSP facilite régulièrement des échanges au sujet des soins palliatifs. La CSFVQ, comme on l’appelle souvent, a produit un document directeur intitulé « Plan d’action ». Je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont vu le plan d’action. Il vise la période de 2010 à 2020. Dans le document, nous cernons quatre domaines d’action, et je crois que le projet de loi en décrit certains assez bien. La première recommandation consistait à assurer un accès, y compris un accès à des soins palliatifs de haute qualité et à une approche palliative dans le cadre des soins. La recommandation 2 consistait à offrir un certain soutien aux aidants naturels, y compris un soutien en cas de deuil. La recommandation 3 concernait le financement de la recherche, de la formation et de l’éducation, et la recommandation 4 consistait à encourager les Canadiens à discuter de leurs volontés, ce qu’on appelle souvent la planification préalable des soins. Ces quatre éléments sont pris en considération dans une certaine mesure dans le projet de loi. En grande partie, on pourra arranger les choses une fois le projet de loi en place, si c’est ce qui se produit.

De 2012 à 2015, le gouvernement du Canada a fourni du financement à l’ACSP, mon association, pour qu’elle puisse réaliser une initiative triennale intitulée Aller de l’avant. L’initiative concernait une approche intégrée en matière de soins palliatifs. Elle a mené à l’élaboration d’un cadre national et à la communication d’outils et de ressources pratiques pour aider les gouvernements, les décideurs, les planificateurs régionaux, les organisations de services de santé et les professionnels de la santé à adopter une approche palliative dans le cadre de la prestation des soins. Cependant, le processus a pris fin il y a deux ans, et il ne s’est pas passé beaucoup de choses depuis, c’est donc bon de voir qu’il y a certaines avancées, maintenant.

Ce cadre est particulièrement important pour favoriser la prestation de soins palliatifs dans les régions rurales et éloignées et au sein des communautés culturelles, y compris les communautés autochtones ainsi que des populations marginalisées et à risque. Nous ne faisons pas du très bon travail auprès de certaines de ces populations. Nous devons faire beaucoup mieux.

L’initiative Aller de l’avant devait agir comme catalyseur d’action en augmentant la sensibilisation et la compréhension relativement à cette approche palliative en matière de prestation de soins. C’est un peu comme une nouvelle façon de penser pour nous. Même si environ 35 p. 100 des Canadiens ont besoin d’une approche spécialisée en matière de soins palliatifs — ce sont souvent ceux qui ont le cancer et ceux qui sont à l’article de la mort —, la grande majorité des Canadiens, 65 p. 100, n’ont pas besoin de ce niveau de soins, et c’est la raison pour laquelle nous avons commencé ce projet.

L’initiative Aller de l’avant a aussi défini les termes « soins palliatifs », « approche palliative en matière de soins » et « planification préalable des soins », et ces définitions sont incluses à la fin du mémoire que je vous ai présenté. Tandis que vous poursuivez votre étude du projet de loi C-277, gardez s’il vous plaît à l’esprit que nous avons déjà de bonnes définitions qui tiennent compte des différents contextes de prestation des soins palliatifs. Ces définitions n’ont pas nécessairement à être intégrées dans le projet de loi.

Plus récemment, l’ACSP a réalisé une analyse de l’environnement en sondant toutes les provinces et tous les territoires et les membres de la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité, afin de déterminer où ils en étaient dans le cadre de l’adoption d’une approche palliative en matière de soins. Je sais que le Dr Pereira vous parlera plus en détail de l’approche palliative en matière de soins après moi, alors je ne vais pas trop en dire à ce sujet. Puisque la santé est une responsabilité provinciale et territoriale, il était selon nous vraiment très important de prendre le pouls afin de savoir où en étaient les provinces et les territoires. Ils ont formulé un certain nombre de recommandations. L’une d’elles, c’est que, même si la sensibilisation du public est un facteur d’adoption d’une approche en matière de soins palliatifs, nous pouvons en faire plus pour améliorer la compréhension de l’approche palliative en matière de soins et promouvoir la planification préalable des soins auprès du grand public et des professionnels de la santé.

Il est important d’avoir un programme d’éducation national et du perfectionnement professionnel continu se traduisant par le renforcement des compétences et la formation. Il faut discuter davantage de l’approche palliative dans le cadre des soins médicaux courants afin que l’on puisse sensibiliser un plus large éventail de fournisseurs de soins de santé, outre ceux qui fournissent les soins palliatifs.

Des efforts continus de défense des intérêts pour l’adoption d’une approche palliative en matière de soins doivent se poursuivre, particulièrement à la lumière de la législation sur l’aide médicale à mourir. Nous devons définir clairement ce que sont les soins palliatifs et en assurer la prestation. Je crois que l’expérience de fin de vie est quelque chose de bien obscur pour beaucoup de Canadiens.

Les plans d’intervention actuels doivent comprendre une approche palliative, et des outils et du matériel doivent être élaborés en collaboration avec les associations professionnelles et intégrés aux programmes des établissements d’enseignement.

Enfin, nous devons veiller à ce que des ressources soient affectées exclusivement aux soins palliatifs et que celles-ci soient assez souples pour répondre aux besoins diversifiés des Canadiens en matière de santé. Nous devons tenir compte des Canadiens qui sont actuellement négligés par notre système de santé, soit les peuples autochtones, les groupes culturels et les personnes vulnérables. Le projet de loi C-277 est un pas vers l’avant. Je tiens à souligner que les associations et les organismes de soins de santé sont tous unis à cet égard.

L’ACSP et les associations provinciales de soins palliatifs tiennent fermement à ce que le libellé de la dernière version du projet de loi C-277 inclue le rôle essentiel de la collectivité dans l’élaboration et la mise en œuvre réussies d’une stratégie de soins palliatifs. Le financement des établissements de soins palliatifs, qui ne sont qu’un exemple d’établissements où ces soins sont donnés, provient surtout de la collectivité dans laquelle ils sont situés, laquelle doit trouver des sources de financement. Le modèle est bon, mais il exige beaucoup de travail, et il faut que ces collectivités approuvent ces programmes pour qu’ils soient financés. Selon nous, la collectivité doit être vue comme un partenaire égal et précieux dans le cadre de la stratégie en cours d’élaboration, stratégie que nous appelons souvent une FPTC ou une intervention fédérale-provinciale-territoriale et communautaire.

Même les entreprises canadiennes ont un rôle à jouer. Le Conseil des champions de l’ACSP, qui est composé de chefs de file de l’industrie, a lancé en novembre 2016 le programme d’octroi du titre « Entreprise canadienne compatissante », et nous avons reconnu cinq entreprises nationales qui déploient des efforts exceptionnels pour soutenir les fournisseurs de soins de leur effectif. Je crois que nous avons tous un rôle à jouer dans la réalisation de cette nouvelle vision.

En résumé, des études ont été menées, des rapports ont été rédigés, et les données nous montrent clairement la voie à suivre : nous devons appuyer et financer les priorités convenues afin que tous les Canadiens aient accès aux soins palliatifs. Nous devons voir le projet de loi C-277 comme un premier pas dans la bonne direction. L’élaboration d’une stratégie nationale pour les soins palliatifs fondée sur des données probantes, pragmatiques et simples d’un point de vue administratif nous permettra de réaliser de grandes avancées. Nous avons fait des progrès au cours des 10 dernières années et nous avons actuellement une occasion inestimable de nous améliorer encore davantage.

L’ACSP et ses partenaires accueillent avec enthousiasme le projet de loi C-277 et félicitent tous les membres du Parlement qui l’appuient. Enfin, je tiens à remercier le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie de son excellent examen du projet de loi.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre deux invités, le Dr Jose Pereira, agent scientifique, et Gerald Savoie, président du conseil d’administration, de Pallium Canada. Je crois que c’est vous qui commencez, docteur Pereira.

Dr Jose Pereira, agent scientifique, Pallium Canada : Bon après-midi, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous permettre aujourd’hui de vous présenter nos idées, nos expériences et notre position.

Nous tenons d’abord à féliciter Mme Gladu d’avoir mis de l’avant le projet de loi C-277 ainsi que tous les députés et les honorables sénateurs d’avoir reconnu l’importance de donner à tous les Canadiens accès aux soins palliatifs et contribué à l’élaboration du projet de loi.

M. Savoie et moi avons eu le privilège d’exercer diverses fonctions au sein du système de santé canadien. J’ai fondé Pallium Canada en 2000, et sa création découle d’une expérience avec un des patients que je suivais en tant que médecin de famille dans une petite collectivité rurale du Manitoba, il y a de nombreuses années. J’ai appris que, avec de la formation, nous, les fournisseurs de soins de santé, nous pouvons faire une grande différence.

Au fil des ans, j’ai travaillé en tant que spécialiste des soins palliatifs dans des hôpitaux et des établissements communautaires. J’ai été au chevet de patients chez eux, à l’hôpital et dans des unités de soins palliatifs. J’ai mis sur pied des unités de soins palliatifs et j’ai contribué à la création de tels établissements de soins de santé dans diverses régions de l’Alberta et de l’Ontario. J’ai participé à l’élaboration de services de soins palliatifs locaux, régionaux et provinciaux et à des recherches, et j’ai également enseigné dans plusieurs universités canadiennes. J’étais membre du Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie de 2002 à 2005, et, à titre de coprésident du groupe de travail sur l’enseignement, j’ai été aux premières loges de ses premiers succès.

Gerald Savoie, président du conseil d’administration, Pallium Canada : Merci, sénateurs. Je m’appelle Gerald Savoie et je dirige et gère des services de soins de santé depuis 40 ans. J’ai géré certains des établissements qui coûtent le plus cher au système de santé — c’est-à-dire les hôpitaux — et j’ai été à la tête de petits hôpitaux communautaires ainsi que de grands hôpitaux universitaires.

Notre système de soins de santé est à la croisée des chemins, et ce cadre législatif est fort nécessaire. Les idées que nous vous présentons aujourd’hui découlent de nos expériences communes.

Dr Pereira : Nous allons d’abord souligner ce que nous considérons comme les principaux points forts du projet de loi et nous suggérerons ensuite certaines modifications qui, selon nous, les renforceront encore davantage.

Tout d’abord, au paragraphe 2(1), le projet de loi souligne à juste titre l’importance de rendre les soins palliatifs accessibles dans un large éventail de lieux, que ce soit dans la collectivité ou dans les hôpitaux. Les patients et les familles éprouvent des besoins différents tout au long de la maladie et ont souvent besoin de soins palliatifs dans des lieux et à des moments différents, que ce soit des soins dans la collectivité, à domicile ou en milieu hospitalier, particulièrement dans les cas complexes.

Deuxièmement, l’alinéa 2(1)b) souligne l’importance de la formation et de l’éducation, et nous appuyons chaleureusement cette disposition. Le cadre de l’Organisation mondiale de la Santé et de nombreux cadres nationaux semblables insistent sur l’importance de disposer d’un effectif compétent et prêt à prodiguer rapidement des soins palliatifs et tout au long de la maladie. Il faut également mettre en œuvre des initiatives de sensibilisation du public et des fournisseurs de soins de santé afin que les soins palliatifs et l’approche palliative ne soient plus associés uniquement à la fin de vie et à la mort.

L’alinéa 2(1)d) souligne l’importance de la recherche et de la collecte de données sur les soins palliatifs. En tant que chercheur, j’ai souvent eu de la difficulté à obtenir des fonds pour la recherche, mais j’ai également bénéficié de tels fonds à l’occasion. En plus d’en faire la promotion, le cadre législatif devrait imposer un mécanisme qui assure un financement adéquat de la recherche. Le Canada a besoin d’infrastructures qui favorisent la collecte de telles données. Il y en a déjà à certains endroits. Les provinces comptent de remarquables institutions, mais leurs installations doivent être mises à jour afin que nous puissions commencer à collecter des données sur ce service.

Il existe, par exemple, le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires, le RCSSSP, qui est un organisme pancanadien situé à l’Université Queen’s. Ce réseau recueille des données sur huit groupes de maladies auprès de plus de 1 500 cabinets de médecine familiale de partout au pays. Si nous pouvions le modifier, nous pourrions commencer à recueillir d’excellentes données sur les soins de première ligne.

Je vais maintenant passer aux amendements qui pourraient renforcer le projet de loi.

Pour ce qui est de l’alinéa 2(1)a), l’Association canadienne de soins palliatifs, en collaboration avec des experts et des intervenants de partout au pays, a établi une excellente définition des soins palliatifs et de ce en quoi ils consistent, qui est reconnue à l’échelle nationale et internationale. Nous devons utiliser cette définition plutôt que de la redéfinir.

Passons maintenant à l’alinéa 2(1)e). Nous croyons que le cadre devrait établir des normes nationales pour plusieurs aspects, dont l’éducation et l’accès aux soins palliatifs. De telles normes existent ou sont en cours d’élaboration dans d’autres pays, notamment en Europe. Il manque grandement d’uniformité au Canada, car chacun a ses façons de faire au sein des provinces et d’une province à l’autre.

À titre d’exemple, les soins palliatifs sont bien représentés dans les programmes de premier cycle et d’études supérieures de certaines écoles de médecine et de soins infirmiers, tandis qu’ils sont absents ailleurs. Cette absence est encore plus marquée dans d’autres programmes d’études en santé, dont la pharmacie et le travail social. Malgré ces besoins criants, les spécialistes en soins palliatifs ont peu d’occasions de formation et de travail, qu’ils soient médecins, infirmiers ou autres professionnels. Ces lacunes s’aggraveront si nous ne faisons rien pour les combler. Les associations professionnelles provinciales dont les membres prodiguent des soins aux patients atteints de maladies pouvant entraîner la mort devraient promouvoir et appuyer la sensibilisation aux soins palliatifs.

Certaines collectivités et certains hôpitaux au Canada bénéficient d’excellents services en matière de soins palliatifs fournis par des équipes de spécialistes ayant les ressources nécessaires pour le faire, tandis que ces soins sont inadéquats, voire absents de nombreux autres hôpitaux et collectivités. Le nombre de places en unité et en établissement de soins palliatifs est adéquat dans certaines régions et provinces et tout à fait insuffisant dans d’autres. Il faut établir des normes d’agrément pour les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée et les résidences pour personnes âgées afin que leurs effectifs puissent fournir des services adéquats. Il faut voir les pratiques de chaque région du Canada comme les morceaux d’un casse-tête; il faut les rassembler et les positionner correctement pour bien voir l’image dans son ensemble.

Abordons maintenant l’alinéa 2(1)g). Je crois que l’établissement du Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie ou d’un organisme semblable devrait constituer un élément fondamental de la loi proposée. Selon mon expérience au sein du secrétariat et d’organismes semblables dans d’autres pays, une telle entité fournit une orientation et accroît la visibilité, ce qui est absolument essentiel. Il constitue une importante plateforme permanente qui rassemble les grands esprits et les diverses perspectives des quatre coins du pays dans le but de favoriser un changement collectif. C’est un organisme qui permet de rendre des comptes au gouvernement fédéral et de fournir une orientation aux provinces.

Enfin, pour ce qui est du paragraphe 2(1) et de l’alinéa 2(1)f), nous croyons qu’il n’est pas nécessaire de réinventer les cadres, car ils sont déjà mis en place. Nous proposons plutôt de mettre en œuvre le cadre national de l’Association canadienne de soins palliatifs. Comme celui de pays reconnus pour leur accès élargi aux soins palliatifs, ce cadre souligne l’importance d’avoir un système de soins de santé capable de fournir des soins palliatifs de première ligne ou généraux ainsi que des soins palliatifs spécialisés. C’est l’affaire et la responsabilité de tout le monde.

Pallium Canada est fier des efforts déployés par ses membres de partout au pays pour accroître la capacité de première ligne et l’accès aux soins dans la collectivité et d’autres lieux, comme les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. Nous aimerions ajouter que l’objectif initial de Pallium Canada était la sensibilisation aux soins palliatifs dans les collectivités rurales et éloignées. C’est ainsi que nous avons commencé.

Outre le modèle d’éducation de Pallium et trois ou quatre excellents services de soins palliatifs en région rurale au pays, certaines régions rurales appliquent d’excellents modèles qui peuvent être modifiés pour être mis en œuvre à plus grande échelle. Les projets pilotes et les outils novateurs foisonnent au pays. Nous en sommes fiers, et notre expertise est reconnue mondialement. Par contre, certains de ces projets pilotes doivent être améliorés.

De 2003 à 2007, nous avons commencé à explorer avec des dirigeants autochtones la façon de répondre aux besoins de leurs collectivités en matière de soins palliatifs. Nous avons élaboré les segments vidéo In Our Own Voices : Aboriginal Perspectives in Hospice Palliative Care. Nous avons contribué à l’adaptation du Guide des proches aidants aux réalités du Nord en langue inuktitute. En 2015 et 2016, nous avons consulté certaines collectivités des Premières Nations de l’Ontario en vue d’intégrer leur sagesse à nos programmes.

M. Savoie : J’aimerais faire quelques réflexions supplémentaires. La Commission de la santé mentale du Canada pourrait peut-être fournir quelques éléments pertinents pour le cadre stratégique. Les efforts déployés actuellement pour sensibiliser le public canadien à l’égard des soins palliatifs doivent être considérablement renforcés. Le temps est venu d’adopter une approche systémique qui encourage la coordination. Nous serons heureux d’approfondir le sujet avec des exemples tirés de nos expériences respectives pendant la période de questions.

Le président : Merci à tous nos témoins. Nous allons passer à la période de questions.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup de nous avoir présenté vos exposés. Comme vous vous en êtes probablement rendu compte, il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour préparer ce projet de loi, et le faire adopter à la Chambre et ensuite au Sénat n’est pas une mince affaire. Nous avons mené une petite étude avec l’ancien premier ministre Bernard Lord, et nous avons conclu de façon incontestable qu’il ne serait peut-être pas possible d’appliquer une solution universelle, vu le profil démographique très différent de chaque province au Canada. Avez-vous été en mesure de cerner ce qu’il faut faire pour les populations de chaque province et territoire pour améliorer l’accès?

Dr Pereira : C’est vrai que c’est très différent d’une province à l’autre. Je tiens à souligner le fait que certaines provinces, selon moi, sont en avance sur les autres et ont été en mesure de mettre en œuvre des modèles et des cadres stratégiques qui assurent un très haut niveau d’accessibilité aux soins palliatifs pour leur population. L’Alberta est un exemple patent, au même titre que Fraser Health en Colombie-Britannique. Cela se fait aussi dans certaines régions de la Nouvelle-Écosse, et certaines régions de l’Ontario commencent à réaliser des progrès.

Malgré les différences, je crois qu’il existe un bon point commun à l’ensemble du pays : un modèle qui assure aux gens un niveau robuste de soins de santé primaires. Par « niveau primaire », je ne parle pas uniquement des médecins de famille et des soins infirmiers à domicile. Je parle aussi des cardiologues, des néphrologues ainsi que ceux qui ont des compétences de base et qui prennent en charge des patients avec des maladies graves. Dans les provinces qui ont des programmes offrant un excellent accès, le niveau des soins de santé primaires est efficace parce qu’ils sont appuyés par des spécialistes compétents. Des résultats ont été obtenus dans les régions urbaines, les régions rurales, et dans une certaine mesure, dans les régions éloignées. Je crois que ce modèle serait applicable à l’ensemble du pays. Cela se fait aussi dans d’autres pays du monde. Dans certaines provinces, nous pouvons corriger des lacunes et améliorer quelques éléments. Nous pouvons ajuster la marche à suivre en fonction des provinces et du contexte local, mais je crois qu’il y a davantage de points communs qu’on pourrait penser.

Mme Baxter : L’une des initiatives de l’approche Aller de l’avant concernait une étude des modèles de soins. Nous avons un document de portée nationale qui étudie 10 modèles de soins provenant d’un bout à l’autre du pays et qui sont réputés être exceptionnels.

J’aimerais aussi ajouter quelque chose concernant le document que j’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, à propos du sondage mené auprès des gouvernements provinciaux et territoriaux en février. Chaque province a décrit le genre d’efforts qu’elle comptait déployer pour faire progresser son approche à l’égard des soins palliatifs, et les similitudes l’emportaient sur les différences. Chaque province envisageait la situation d’une façon légèrement différente, mais les objectifs visés se recoupaient beaucoup. Il n’y avait pas de solution universelle. Peut-être qu’il faudrait envisager un ensemble de services, si je puis dire.

J’appuie cependant ce qu’a dit Jose à propos des niveaux de soins primaires, secondaires et spécialisés. Nous savons que certains de ces programmes représentent ce qu’il y a de mieux. Nous devons seulement améliorer l’accessibilité pour pouvoir les mettre en œuvre. Nous avons d’excellentes relations de collaboration avec un grand nombre de provinces qui ont commencé à déployer des efforts dans ce domaine. Cinq des provinces ont adopté un cadre national pour une approche sur les soins palliatifs; elles ont déjà commencé le travail. Tout ce dont elles ont besoin pour que cela se concrétise, c’est d’esprit d’initiative et de fonds.

Je veux finir en disant qu’ici à Terre-Neuve, on a élaboré une approche incroyable pour intégrer les soins palliatifs aux programmes de soins à domicile, et ce, dans l’ensemble de la province. Cela n’a pas été mis en œuvre pour l’instant, on en est encore à l’étape de la conception. Mais c’est très enthousiasmant. Les provinces commencent enfin à s’attaquer à ce genre de problèmes.

La sénatrice Cordy : Je tiens à remercier nos trois témoins d’être avec nous aujourd’hui. Vos témoignages nous seront très utiles.

J’aimerais que nous nous penchions sur l’alinéa (1)a) du projet de loi, où il est indiqué que nous devons établir en quoi consistent les « soins palliatifs ». Madame Baxter, dans votre témoignage, vous avez dit que nous avons déjà des définitions et qu’il n’est pas nécessaire qu’elles figurent au projet de loi. Docteur Pereira, vous avez dit qu’il existe déjà une définition des « soins palliatifs » reconnue à l’échelle nationale et mondiale.

Devrions-nous ajouter cet élément au projet de loi, ou allons-nous simplement gaspiller notre temps en essayant d’élaborer une définition? Au lieu de progresser, le comité réfléchirait à des définitions alors qu’il en a une qui existe déjà. L’initiative Aller de l’avant a réussi de grandes choses, et c’est pourquoi j’aimerais savoir si, selon vous, nous devrions supprimer cette partie du projet de loi?

Mme Baxter : Pour vous répondre de façon pragmatique, nous voulons évidemment que le projet de loi soit le moins compliqué possible quand il sera mis aux voix, et c’est pourquoi je crois que vous devriez poser la question aux experts. Selon moi, ce n’est pas une composante nécessaire. Mais si vous la laissez là, vous devez vous assurer de ne pas gaspiller votre temps et votre énergie à élaborer quelque chose qui existe déjà. Je crois que vous devriez vous montrer pragmatique.

L’un des problèmes concernant la définition tient au fait que les gens qui travaillent aux soins palliatifs en établissement ou dans notre secteur du système de soins de santé ont une compréhension globale du concept, mais ce n’est pas le cas des gens dans les autres parties du système de soins de santé. Il faut déployer des efforts afin de faire connaître les définitions et de veiller à ce que les gens comprennent ce dont nous parlons. Il faut éviter de réinventer chaque fois la roue.

Dr Pereira : Les définitions existent effectivement. Je suis d’accord moi aussi sur ce point. Je crois que nous pouvons prendre une approche pragmatique et régler la question à partir de là. Que vous décidiez de laisser les choses telles quelles ou de les changer, je crois que ce sera possible de se débrouiller.

Je crois qu’il est aussi important de reconnaître qu’il est accepté de façon générale dans le monde que les soins palliatifs peuvent commencer beaucoup plus tôt; cela ne se limite pas aux derniers jours ou aux dernières semaines de la vie. En tant qu’administrateur de services de santé, j’ai dû composer avec certaines pressions liées à cet aspect, et il est maintenant avéré que ces genres de soins doivent commencer beaucoup plus tôt. Par exemple, disons que vous avez des services de soins à domicile et un montant X d’argent pour rendre ces services accessibles à la collectivité. Parfois, il y a des intérêts concurrents : d’un côté, il y a la grande portée des soins palliatifs et la façon dont on peut les rendre accessibles plus tôt. D’un autre côté, les fonds pour offrir ces soins sont limités. Je peux comprendre que cela soulève des difficultés.

M. Savoie : J’aimerais faire une précision. Nous avons dit que l’Association canadienne de soins palliatifs a déjà une définition reconnue à l’échelle nationale et mondiale. Nous n’essayons pas de réinventer la roue ici.

Je dirais aussi que tout ce dont nous avons parlé aujourd’hui serait probablement des choses qui devraient normalement être abordées dans le règlement d’application de la loi. Je ne sais pas s’il faut modifier la loi; il faut plutôt veiller à ce que tous les éléments soient présents, et ce genre d’éléments figure généralement dans le règlement connexe.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : J’aimerais que vous nous donniez davantage de précisions sur l’importance du secrétariat. Le projet de loi nous dit d’examiner la perspective de rétablir ce secrétariat, et je lis que vous y étiez de 2002 à 2005.Vous en avez parlé un petit peu. Pouvez-vous nous éclaircir sur l’importance ou non de rétablir le rôle du secrétariat, si c’est la même chose, si c’est différent ou si cela a évolué?

M. Savoie : Je vais répondre dans un autre sens. Je vais céder la parole au Dr Pereira dans un instant.

J’ai mentionné quelque chose à la fin de ma présentation, lorsqu’on parlait de la Commission de la santé mentale du Canada. Lorsque j’ai commencé, il y a 40 ans, dans le milieu hospitalier, 80 p. 100 de toutes les dépenses en santé mentale étaient destinées aux hôpitaux; on y admettait les patients. 20 p. 100 des dépenses étaient destinées aux ressources dites communautaires. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 80 p. 100 des dépenses vont vers les communautés. On utilise des modèles innovateurs et l’on a brisé plusieurs tabous en cours de route. Il y a eu d’énormes progrès.

On est en train d’investir un autre 5 milliards de dollars en santé mentale. Le 3 milliards de dollars pour les soins à domicile, c’est le plus gros investissement en matière de soins palliatifs. On est capable de faire un virage important avec ces sommes. C’est le moment où le gouvernement fédéral investit vers les provinces. On ne pourrait pas avoir une meilleure occasion aujourd’hui de mettre les deux ensemble, c’est-à-dire l’argent avec la structure nécessaire, la pensée, le design. Il ne faut pas s’arrêter simplement à faire de la mise en œuvre. Il faut prendre un peu de recul. Je suis très en faveur de la création d’un tel secrétariat.

[Traduction]

Dr Pereira : Je crois que je vais essayer de répondre à votre question en vous parlant de ma propre expérience. Au secrétariat, si je me souviens bien — on vieillit tous, j’avais moins de cheveux blancs à l’époque —, nous avions cinq groupes de travail, et j’étais coprésident du groupe de travail sur l’éducation. Ce groupe était composé de gens venant des quatre coins du pays. Avant tout, j’aimerais souligner à quel point il est formidable de pouvoir nouer des liens avec des gens qui viennent d’un bout à l’autre du pays, de pouvoir voir ce qui se passe ailleurs et commencer à diffuser leurs pratiques et leurs connaissances.

Notre groupe, qui était composé de divers professionnels venant de partout au pays, a été le premier à cerner, dans l’ensemble, ce qui était selon nous les compétences nécessaires au niveau de soins primaires. Le niveau du médecin généraliste. C’était une étape clé, parce que grâce à cela, nous avons été en mesure d’orienter plusieurs autres activités, y compris notre propre programme, celui de Pallium Canada, qui avait été lancé environ trois ans auparavant. Le fait de pouvoir discuter entre professionnels de partout au pays nous a permis d’orienter nos travaux; nous avons pu cerner les points communs et avons pu commencer à élaborer une vision commune.

Nous avons cerné les compétences, et ensuite nous avons utilisé cet ensemble de compétences dans le cadre d’un autre effort auquel je participais. Nous élaborions des programmes d’éducation pour les écoles de médecine, et nous avons su en tirer parti.

Le travail accompli par le groupe de travail du secrétariat en matière d’éducation a ensuite abouti au projet Former les futurs médecins dans les soins palliatifs et de fin de vie, financé par Santé Canada, orienté et éclairé par le travail que nous avons fait au secrétariat. Dans le cadre du projet, on a mis sur pied des équipes dans chacune des 17 écoles de médecine d’un bout à l’autre du pays afin d’accroître la sensibilisation aux soins palliatifs. Certaines équipes ont fait un travail formidable et ont obtenu de très bons résultats, d’autres équipes ont été moins satisfaisantes, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Des choses similaires étaient faites dans les autres groupes de travail.

Mme Baxter : À dire vrai, j’étais coprésidente pour la stratégie nationale dans sa première version, et jusqu’à un certain point, nous avons fait du bon travail.

Ce qui est différent aujourd’hui, c’est la relation qui existe entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les collectivités. Je trouve particulièrement intéressante l’idée que le secrétariat soit un organisme indépendant de Santé Canada, par exemple une commission comme la Commission de la santé mentale du Canada. Je crois que c’est quelque chose à prendre en considération. Je crois que cela aiderait beaucoup à établir et à renforcer les relations entre les partenaires pour cette initiative.

Le sénateur Eggleton : Ma question s’adresse à Mme Baxter. Les autres témoins peuvent également émettre des commentaires s’ils le souhaitent.

Madame Baxter, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du financement gouvernemental accordé à l’initiative triennale Aller de l’avant, une feuille de route pour une approche intégrée en matière de soins palliatifs. L’initiative a mené à l’élaboration d’un cadre national et à la diffusion de ressources et d’outils pratiques afin d’aider les gouvernements, les décideurs politiques, les planificateurs régionaux, les organisations de services de santé et les fournisseurs de soins de santé à adopter une approche pour la prestation de soins palliatifs.

Encore une fois, nous sommes ici aujourd’hui pour discuter d’un projet de loi qui a des points communs avec le cadre national. Je veux savoir : qu’est-il arrivé à ce cadre national, qu’est-il arrivé au secrétariat? Pourquoi y a-t-on mis un terme?

Mme Baxter : L’ACSP, mon association, est en réalité l’organisation qui a obtenu des fonds au cours de ces trois années. L’initiative a été financée de façon ponctuelle, on nous a dit que c’était une initiative ponctuelle. On nous a accordé 3 millions de dollars sur trois ans à raison de 1 million de dollars par année, et c’est tout le temps dont nous disposions pour faire le travail que nous avons accompli.

Ce projet a été un catalyseur. Nous avons abattu une quantité phénoménale de travail, et au bout de ces trois années, nous avons présenté un cadre national qui a très bien été accueilli. Un grand nombre d’associations de soins de santé et de gouvernements provinciaux l’ont soutenu, et certains l’utilisent même comme base. Nous avons semé les graines de la discussion sur l’approche à adopter pour la prestation de soins palliatifs. À cette époque, c’était une toute nouvelle philosophie au Canada.

Nous avons terminé l’étape 1, mais nous n’avons plus eu de financement par la suite. L’effort s’est poursuivi dans une certaine mesure par la suite; les provinces l’utilisent encore, nous recevons fréquemment des appels, et le site web est toujours très actif. Nous n’avons pas terminé ce que nous avions à faire, mais nous n’avions plus de fonds à l’époque. C’est pourquoi nous faisons tous maintenant des pieds et des mains pour veiller à ce que cela continue. Le fait que Mme Marilyn Gladu en fasse mention par rapport au projet de loi et qu’on juge que c’était un excellent travail nous a émus, mais cela ne reste que la première étape.

Dr Pereira : J’aimerais donner deux exemples de la façon dont c’est mis en œuvre. Dans cette même région, la région de Champlain, nous avons été en mesure de mettre en œuvre, en 2009, le premier programme régional de soins palliatifs de l’Ontario.

De nouveau, en ce qui a trait à un ensemble disparate partout au pays, un programme régional de soins palliatifs a été mis en œuvre à Edmonton lorsque j’y travaillais en 1995. En 2009, nous avons pu mettre en œuvre le premier programme ici, en Ontario. Nous avons en réalité utilisé le travail accompli au moment de la création de ce cadre pour réfléchir à la façon dont nous allions élaborer le programme; il a donc guidé le travail qui s’est produit ici.

En ce moment, en Ontario, nous avons le Réseau ontarien des soins palliatifs, qui est le secrétariat provincial. Ce cadre et certains de ses éléments sont étudiés de manière à ce qu’ils puissent aussi guider l’élaboration d’une stratégie provinciale davantage coordonnée.

La sénatrice Seidman : Merci à nos témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai, en fait, une question différente pour chacun des témoins, si vous me le permettez, donc une question qui est différente pour le Dr Pereira.

Le président : Vous avez droit à une question pour ce tour-ci.

La sénatrice Seidman : Je vais donc revenir au prochain tour, si vous me le permettez.

Ce projet de loi va examiner un cadre qui cerne les besoins en matière de formation et d’éducation touchant les soins palliatifs; c’est donc évidemment une grande question. Docteur Pereira, Pallium Canada se concentre sur l’éducation.

Le Dr Bernard Lapointe, qui est directeur des soins palliatifs à McGill et directeur de la Division des soins palliatifs de l’Hôpital général juif, a dit ceci au sujet de l’importance de l’éducation :

La mort n’est pas une option, nous y sommes tous confrontés un jour; le soutien et la formation à cet égard ne devraient pas être facultatifs. Chaque fournisseur de soins devrait posséder les connaissances de base en matière de soins palliatifs.

Ce que j’aimerais vous demander, c’est quelle est la participation de vos fournisseurs de soins de santé à vos programmes d’enseignement?

Dr Pereira : Si je retourne en arrière, nous avons commencé à partir de 2001-2002 et de 2003, et nous mettions à l’essai des concepts. À l’époque, la chose que nous faisions, c’était réellement de rassembler les médecins, les infirmiers et les pharmaciens, en somme les différentes disciplines. Cela ne s’était jamais vraiment fait à un échelon de perfectionnement professionnel continu.

Lorsque nous parlons d’éducation, aux fins d’organisation, nous pensons aux études de premier cycle; et, de fait, j’ajouterais les écoles, parce que je pense que c’est tout à fait opportun que nous commencions à introduire dans nos systèmes scolaires des compétences de vie à ce sujet pour que nous puissions commencer à tenir ces discussions, avec des étudiants de premier cycle et des étudiants des cycles supérieurs, par exemple les résidents qui suivent une formation dans des domaines de spécialité, puis dans le cadre de ce que nous appelons le perfectionnement professionnel continu, ou le PPC, pour les professionnels de la santé qui exercent déjà.

La formation interprofessionnelle était quelque chose de nouveau. Nous en avons été les pionniers. Nous l’avons fait avancer. Nous avons fait des tournées et sommes allés dans de petites collectivités rurales où nous avons apporté notre enseignement. Nous l’avons mise au point au fil des ans.

Au cours des trois dernières années, nous avons étendu cette formation, pas seulement à des équipes communautaires, mais dans des établissements de soins de longue durée et des services d’urgence. Nous avons travaillé avec nos collègues de la Nouvelle-Écosse et avec les ambulanciers paramédicaux.

J’ai passé le dernier mois à travailler et à analyser les données. Toutes les 36 heures au Canada, il y a un cours de Pallium qui est donné, et chaque cours regroupe en moyenne 25 apprenants. Au cours des deux derniers exercices, plus de 400 cours de niveau PPC ont été fournis partout au pays, à des professionnels de la santé qui pratiquent déjà. Nous avons formé plus de 9 000 apprenants dans l’ensemble du pays. Je dis « nous » : c’est toute la communauté canadienne. Ce n’est pas nous qui prenons l’avion pour aller fournir l’enseignement. Notre modèle est axé sur la croissance locale, le développement local, les organisations et l’expansion locales.

Je crois que nous devons atteindre le point tournant. Dans quelques domaines, c’est le cas. Nous avons maintenant besoin des ressources, de l’impulsion et de l’adhésion des ministères provinciaux pour qu’ils disent que c'est important, qu’ils l’appuient et mettent en place les conditions qui permettent cette expansion.

Cet après-midi, j’ai prononcé un discours principal à Toronto avant de venir ici et j’ai montré quelques données sur les écoles de médecine. Je travaille aussi auprès d’une organisation fantastique qui s’appelle le Collège des médecins de famille du Canada et j’y suis directeur de la recherche. Nous examinions récemment les données. Dans l’ensemble des 17 programmes de résidence en médecine familiale au pays, de 65 à 70 p. 100 des résidents disent maintenant que, lorsqu’ils pratiqueront, ils le feront. Nous progressons. Nous devons maintenant y donner de l’expansion et passer à la prochaine étape.

Le sénateur Dean : Merci à vous tous. Rien ne vaut l’expérience et la présence d’experts dans la salle. Je sais gré à mon collègue de la réponse à la question au sujet des variations régionales et de la façon dont nous pouvons apprendre des projets pilotes. Je vais maintenant parler d’un sujet qui n’a pas été beaucoup abordé.

Un des éléments de la stratégie globale concerne les mesures nécessaires à l’appui des fournisseurs de soins palliatifs. Peut-être que la meilleure façon de poser la question serait la suivante : dans ces projets pilotes réussis que vous avez recensés, sur lesquels vous travaillez et desquels nous tirons des enseignements, que pouvons-nous apprendre de ces réussites au sujet du type de mesures nécessaires à l’appui des fournisseurs de soins qui étaient en place? Nous avons entendu parler du soutien aux personnes endeuillées. Je pense à ce moment qui précède le deuil. De façon générale, que pouvons-nous nous attendre à voir pour ce qui est du soutien fourni aux aidants?

M. Savoie : C’est quelque chose à quoi Pallium Canada s’intéresse depuis très longtemps. Lorsque nous parlons d’aidants ou de fournisseurs de soins, nous pensons souvent aux fournisseurs de soins de santé. Nous tenons déjà bien compte d’eux dans notre programme LEAP. L’aidant familial ou l’ami qui est là a besoin d’une quantité énorme de soutien.

Nous avons un programme LEAP destiné aux aidants, que nous avons élaboré et mis à l’essai. Nous l’avons testé à l’échelle internationale avant de l’appliquer ici au Canada. L’aidant prend soin de la personne qui fait face à un problème grave ou mortel. Il s’occupe de 90 p. 100 des soins qui sont offerts. Dans le cadre du système de soins officiel, nous prenons soin du patient. Nous dirigeons. Nous ne demandons pas nécessairement au patient quels sont tous les soins dont il a besoin. Nous ne tenons même pas nécessairement compte de l’aidant. Ce que nous voyons, c’est que le patient et l’aidant forment une équipe et que, si vous unissez cette équipe et l’appuyez, vous vous retrouvez avec un soutien de « type juste-à-temps » qui peut être fourni à l’aidant de façon évolutive et novatrice.

Il y a des programmes. Il y a de l’apprentissage. Si nous élargissons cela jusqu’au programme scolaire, les compétences de vie en font partie intégrante. Mais il y a un autre volet important. C’est la communauté bienveillante. C’est une chose pour laquelle nous essayons d’être un catalyseur partout au pays. La conférence internationale sur ce sujet vient de se tenir ici, à Ottawa. L’ACSP, Pallium et d’autres excellents services de soutien ont permis la tenue de cette conférence. Il y a ici une occasion exceptionnelle pour ce qui est de savoir comment activer la collectivité.

À titre d’exemple, nous avons à ce jour plus de 15 000 apprenants formés. Nous disposons aussi d’animateurs. Ce sont des praticiens qui disent : « Je veux en faire plus, je veux former d’autres personnes. » Nous avons une certification où les gens participent et signent un document disant qu’ils vont mettre cela en pratique. Nous faisons un suivi auprès d’eux six mois plus tard pour voir ce qui est fait. Imaginez que nous puissions inverser les choses, les modifier, inviter la communauté au moyen du développement communautaire, soutenir le bénévolat et soutenir l’aidant. Les communautés bienveillantes d’autres endroits du monde sont là pour soutenir l’aidant, en totalité. Nous avons déjà un intérêt de la part de plusieurs provinces. La Nouvelle-Écosse et d’autres provinces examinent déjà cela. La Colombie-Britannique est très avancée; elle a un document d’orientation.

Je vais m’arrêter ici, mais il y a beaucoup de choses à faire. Ce cadre, la création de ce que vous tentez de faire maintenant, permettrait de soutenir ces types de mise en œuvre.

Mme Baxter : Nous n’avons pas fait un excellent travail pour ce qui est de soutenir les aidants dans le cadre de cette expérience de soins de fin de vie. Les amis et la famille des proches qui meurent sont ceux qui rendent possible une bonne mort. Nous avons plus de 35 000 bénévoles formés en soins palliatifs au pays. Il y a beaucoup de choses que nous pourrions faire. Malheureusement, la prestation de soins ne fait pas partie des programmes classiques de soins de santé qui sont financés, et nous n’y avons pas vraiment réfléchi sérieusement. Même pour ce qui est du programme de prestations de compassion qui a récemment été reconduit il y a deux ans, l’intérêt à son égard n’est pas aussi grand qu’il pourrait l’être, parce que nous n’en faisons pas la promotion ou n’en parlons pas beaucoup aux Canadiens. Nous avons beaucoup de pain sur la planche.

Le sénateur a parlé du deuil. C’est un des aspects du continuum de soins de fin de vie qui ne sont jamais financés dans le cadre de n’importe lequel des programmes de soins de santé. C’est une des choses qui ont échoué. Le 21 novembre de cette année sera le tout premier jour national du deuil au Canada. Nous devons y accorder plus d’attention.

Beaucoup de ces programmes que nous examinons, et M. Savoie a parlé des communautés bienveillantes, doivent se trouver sur le terrain et être dispensés par des groupes locaux. Nous sommes aux premières étapes d’une partie de cela, mais nous devons déployer plus d’efforts quant à la façon de soutenir les fournisseurs de soins du pays.

[Français]

La sénatrice Mégie : Vous avez fait partie du Secrétariat national des soins palliatifs. Croyez-vous qu’il pourrait chapeauter la formation en soins palliatifs ou en soins de fin de vie dans toutes les provinces? Il ne s’agit pas de s’ingérer dans les affaires de chacune des provinces étant donné que leur plan de formation est conçu en fonction de leurs réalités. Il y a beaucoup de lacunes en matière de formation. Certains n’y ont pas accès et font leur possible. Certains employés sont bien formés, alors que d’autres le sont moins. Y a-t-il une façon de normaliser la formation et croyez-vous que le secrétariat pourrait jouer ce rôle?

Dr Pereira : C’est très difficile d’élaborer un programme normalisé pour tout le Canada. Pourquoi? Parce que chaque curriculum est différent. Il faut mettre en oeuvre un dispositif flexible qu’on pourra utiliser dans différentes situations.

[Traduction]

Même dans le domaine de la médecine, chaque programme est différent. Dans les 17 écoles de médecine, les programmes de cours sont différents. Certains sont axés sur des problèmes, d’autres sur des cas, et cetera. Ce que nous pouvons faire, c’est définir les normes.

Par exemple, j’ai vécu pendant quelques années en Suisse, et nous avons fait une étude des cinq facultés de médecine là-bas. Nous avons non pas dit : « Voici ce que doit être le programme », mais plutôt : « À tout le moins, ce nombre d’heures de cours doit être dispensé. » Dans les faits, nous avons présenté aux patients l’apprentissage fondé sur l’expérience, parce que c’est extrêmement important, puis le reste appartient à chaque faculté de médecine, et nous avons fait la même chose au Canada. Au Collège des médecins de famille, par exemple, nous avons indiqué quelles sont les normes, mais nous ne disons pas à chaque programme ce que le programme d’études doit être.

Un secrétariat peut très bien dire : « Écoutez, nous avons besoin de ce nombre d’heures. » Dans les écoles de médecine, par exemple, n’attendez pas jusqu’à la dernière année du programme de médecine, et intégrez-le tout au long des études et dans les programmes de soins infirmiers. Il devrait y avoir des normes concernant les pharmaciens et les travailleurs sociaux. Ce sont les normes qu’un secrétariat peut mettre en place, et, parce que c’est pancanadien, vous pouvez réunir une incroyable richesse. Je ne crois pas qu’il soit possible d’élaborer un programme d’études normalisé, et je ne suis pas sûre que ce soit la bonne chose à faire, mais pour ce qui est de la mise en place des normes et de l’accréditation, tout à fait.

Mme Baxter : J’aimerais juste présenter la question sous un angle légèrement différent. La raison pour laquelle je me trouve à Terre-Neuve en ce moment, c’est que j’assiste à la réunion du Partenariat canadien contre le cancer et qu’on y fait beaucoup de travail dans le domaine des soins palliatifs, parmi d’autres domaines des soins contre le cancer. C’est un secrétariat qui s’occupe de l’argent servant au traitement du cancer, et il est indépendant, comme l’a mentionné M. Savoie, au même titre que la Commission de la santé mentale. Ce sont tous deux d’excellents modèles à examiner lorsque nous parlons d’un secrétariat.

La sénatrice Omidvar : Je suis curieuse de connaître votre réponse à cette question, si vous en avez une. Est-ce que l’un d’entre vous, en tant qu’experts, pourrait dire ce qu’il en coûterait en moyenne pour fournir des soins palliatifs, peu importe qui paie pour ces soins?

M. Savoie : Cela coûte énormément d’argent. Permettez-moi de mettre cela en perspective. Nous nous empêtrons souvent dans ce mécanisme d’établissement des coûts. Il y a beaucoup de possibilités à examiner. Vous devez y réfléchir de façon différente pour ce qui est de savoir où nos patients qui ont des problèmes liés aux soins de fin de vie finissent par se retrouver. Ils se retrouvent dans des services d’urgence et occupent des places, et ce sont des admissions évitables. Nous dépensons une somme d’argent énorme dans la partie la plus coûteuse du système, tandis que la plupart des soins pourraient être fournis au sein de la collectivité.

Je ne m’arrête pas nécessairement à la question des coûts, parce que nous dépensons déjà plusieurs fois plus que ce qu’il faut dépenser dans le système, et nous sommes rendus à un tournant puisque, étant donné le vieillissement de la population et le traitement des maladies chroniques, le volume de cas est déjà en train d’écraser notre système. S’il y a quelque chose qui a toujours réveillé notre système de santé, c’est une bonne crise financière, et c’est justement ce qui arrive. Pensez à la courbe exponentielle qui va se dessiner, au cours des deux ou trois prochaines années, et à son incidence sur notre système hospitalier; vous voyez que les urgences sont déjà débordées, que nous n’avons pas de lits en nombre suffisant et que les lits sont occupés par des patients qui ne reçoivent pas des soins appropriés pendant que d’autres gens meurent dans les urgences.

Dans l’exemple touchant les ambulanciers paramédicaux de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard, qui pouvaient intervenir, on a réussi en fait à réduire le nombre de visites aux services d’urgence. Nous réduisons l’utilisation des lits, et ainsi de suite.

Je retournerais la question, en répondant que nous dépensons déjà des sommes énormes sur des cadres et des soutiens inappropriés. Imaginez si nous investissions une partie de ces sommes. Ajoutez à cela que de l’argent frais sera disponible, grâce à l’accord en matière de santé, qui constitue un financement supplémentaire pour ce nouvel accès, l’accès aux soins à domicile, et un meilleur accès aux soins palliatifs.

On peut calculer les coûts de toutes sortes de manières. La question est de savoir quels moyens vous allez prendre, si vous cherchez l’évitement ou pas. Ça sera beaucoup moins cher si c’est fait dans la collectivité.

Le président : J’ai l’impression que ce n’est pas exactement la réponse que vous voulez entendre.

La sénatrice Omidvar : J’ai eu le contexte, ce que j’apprécie, mais j’aimerais quand même avoir une réponse, si quelqu’un en a une.

Dr Pereira : Si nous pouvions utiliser l’argent que nous avons de manière plus avisée, je crois que nous pourrions faire mieux.

On a mené des études sur les coûts. Il y en a une — je ne l’ai pas sous les yeux, je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais je pourrais vous la communiquer — d’un collègue de l’Alberta, Konrad Fassbender, lequel travaille avec des collègues de tout le pays. Ensemble, ils ont examiné les coûts des soins prodigués dans les derniers mois de la vie, et ces coûts étaient très élevés. Ils n’ont pas seulement calculé les coûts des soins ou du système de santé que nous utilisons; ils ont également calculé les heures de travail perdues par les membres de la famille, et cetera. Ils ont établi que les coûts s’élevaient à 25 000 $ par mois, dans les derniers mois. Bien sûr, il y a des écarts. C’est une moyenne. Les coûts sont plus élevés ou moins élevés selon l’endroit, et c’est très varié d’une région à une autre du pays.

Par exemple, dans certaines provinces, comme l’Ontario, les centres de soins palliatifs ne sont pas entièrement couverts par le système de santé intégré. Si une personne subit un infarctus et aboutit à l’Institut de cardiologie, ici, personne ne va venir me dire : « Nous allons couvrir de 30 à 40 p. 100 des coûts grâce au financement, et le reste viendra des campagnes de financement et des dons de charité. » Pourquoi est-ce que c’est ce qui se passe dans tous les centres de soins palliatifs du pays?

Dans un centre de soins palliatifs, nous savons qu’il en coûte 430 $ par jour, en Ontario, par exemple, pour prendre soin d’un patient. Dans les unités de soins palliatifs, il en coûte entre 800 et 850 $ par jour. Je tiens à souligner que nous avons besoin à la fois des centres de soins palliatifs et des unités de soins palliatifs et que c’est pour une raison importante. Dans le secteur des soins de courte durée, comme mon collègue le disait, il en coûte en moyenne 1 100 $ par jour, mais les coûts peuvent être bien plus élevés, par exemple dans le cas d’un patient qui se retrouve à l’unité des soins intensifs, et personne ne remet en question ce qui est important pour un patient à la fin de sa vie.

Il se fait des choses extraordinaires, en Alberta, où on a mis sur pied un programme régional de soins palliatifs. Il comprend plusieurs composantes, et prévoit notamment suffisamment de lits pour les patients en fin de vie qui n’ont pas besoin de soins complexes, mais qui ne peuvent pas être soignés à domicile. Il s’appuie sur une bonne équipe d’omnipraticiens et sur une équipe de spécialistes qui vont soutenir les omnipraticiens ainsi que les foyers de soins de longue durée. Il prévoit une unité de soins palliatifs spécialisés pour les cas très difficiles, en milieu hospitalier. Le programme comprend donc toutes ces composantes et il intègre des équipes de soins palliatifs aux hôpitaux.

Les responsables ont prouvé qu’après un certain nombre d’années, ils avaient pu économiser un peu plus de 1 000 $ pour chaque patient. Ça ne semble pas une très grosse somme, mais ils ont investi ces sommes, étant donné que, avant 1995, il n’y avait à Edmonton ni lits de soins palliatifs, ni stratégie, ni équipes de consultation dans les hôpitaux. C’était une petite unité de soins palliatifs. Ils ont donc réalisé des économies, investi ces économies et se retrouvent au bout du compte aujourd’hui avec un système de soins palliatifs bien meilleur, des niveaux d’accès extraordinaires aux soins palliatifs et des économies qui, s’accumulant au fil des ans, représentent des millions de dollars. Il existe de bonnes données à ce sujet.

Le président : Madame Baxter, avez-vous un bref commentaire à faire?

Mme Baxter : Non, je crois que nos deux témoins ont fait un excellent travail, je vais donc en rester là.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour vos présentations et pour le travail que vous faites dans le domaine de la santé. Monsieur Savoie, je vous félicite pour votre travail à l’Hôpital Montfort et, si ma mémoire est bonne, à l’hôpital de Campbellton également, à une autre époque.

Vous avez bien saisi, j’imagine, l’importance qu’on accorde au fameux secrétariat. On a l’impression que ce secrétariat est le mécanisme principal pour mettre en œuvre ce projet de loi.

En fait, je me pose des questions sur comment cela se fera, concrètement. Dans le projet de loi, on parle de faciliter l’égal accès des Canadiens aux soins palliatifs. On parle d’égalité d’accès. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que la traduction « consistent access » soit équivalente à une égalité d’accès.

Si vous étiez embauché à la tête de ce secrétariat — qui j’espère se composera de plus d’une personne —, quels seraient les principaux moyens que vous tenteriez de mettre en place avec les provinces pour assurer l’égalité d’accès, sachant que les régions sont très différentes et que les systèmes de santé s’articulent de façon très différente?

M. Savoie : Très brièvement, je crois que cela commence avec un changement culturel. Il faut penser différemment. Si on doit diriger les soins vers la communauté, il s’agit d’établir les meilleures pratiques validées empiriquement. Comme le docteur Pereira le mentionnait, là où nous prendrions un virage important, c’est si nous formions suffisamment de professionnels de la santé de cette façon, avec les meilleures pratiques, et qu’on les amenait à un point où ils n’oseront pas offrir quoi que ce soit d’autre que ces meilleures pratiques.

L’important, ce sont les normes d’éducation, de formation et aussi comment on transfère les connaissances. Nous faisons la mise en œuvre, comme vous l’avez dit, de façon à ce que tout le monde ne fasse que cela.

[Traduction]

Le président : Madame Baxter, avez-vous des commentaires à faire? J’imagine que cela veut dire non. Nous allons maintenant commencer la deuxième série de questions. Bon, notre séance prendra fin à 18 h 15, et j’aimerais que l’on puisse poser le plus grand nombre de questions possible. Des questions brèves, bien ciblées, et des réponses à l’avenant. Je propose que vous posiez vos questions à un témoin précis. Nous allons rester là, et nous poursuivrons de la même manière.

La sénatrice Seidman : Madame Baxter, le projet de loi que nous étudions aujourd’hui précise que les soins à domicile sont un point d’accès pour les soins palliatifs, et nous savons que les Canadiens préfèrent être soignés à domicile. Nous avons également parlé du fait que les soins à domicile permettraient de réduire les coûts pour le système de santé. Nous avons aussi entendu dire, et nous le savions déjà, que le budget fédéral de 2017 consacrait une somme de 6 milliards de dollars sur 10 ans pour les soins à domicile, ce qui comprend des services de soins palliatifs. Voici la question que je vous pose : est-ce que votre association a obtenu plus de détails sur la façon dont cet argent sera dépensé?

Mme Baxter : Je ne suis pas une experte de ces questions, et nous en avons justement discuté pendant notre réunion, aujourd’hui. Pour le moment, les gouvernements provinciaux négocient avec le gouvernement fédéral pour savoir ce qui sera compris dans chacun des cadres.

Jusqu’ici, outre Terre-Neuve, qui a intégré les soins palliatifs à son cadre, je le sais, aucune province n’a appris grand-chose de plus. Je ne sais vraiment donc pas où le gouvernement s’en va avec ça. Bien sûr, nous encourageons les gouvernements des provinces et des territoires à documenter les soins palliatifs qu’ils intègrent aux cadres de soins à domicile, pour obtenir des fonds supplémentaires. Nous ne sommes pas dans le secret de ces discussions, mais c’est que nous essayons de faire valoir.

Je voulais seulement ajouter que le gouvernement fédéral, en fait, gère le cinquième système de santé en importance au pays, après les systèmes de l’Ontario, du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta; nous parlons des provinces et des territoires, mais il ne faudrait pas oublier de parler du gouvernement fédéral, qui est lui aussi un fournisseur de soins de santé, parce qu’il assure en effet différents services de qualité aux Autochtones, aux anciens combattants ou aux prisonniers. Nous devons aussi en tenir compte.

La sénatrice Eaton : Si vous aviez un messager à transmettre au ministre de la Santé, qu’est-ce qu’il dirait? Une seule chose.

Mme Baxter : Vous vous adressez à moi?

La sénatrice Eaton : Non, je pose la question au monsieur assis au bout.

M. Savoie : Commencez la mise en œuvre.

La sénatrice Eaton : Docteur Pereira?

Dr Pereira : Je suis tout à fait d’accord. C’est une affaire qui concerne tout le monde.

M. Savoie : C’est une affaire qui concerne tout le monde. Commençons la mise en œuvre. Il est temps, nous en savons assez.

Le président : La sénatrice Cordy va laisser le sénateur Eggleton poser sa question.

Le sénateur Eggleton : Moi aussi, j’ai une question.

Le président : Pas encore.

Le sénateur Eggleton : Cela concerne l’éducation du public. Le projet de loi mentionne les besoins en éducation et en formation sur les soins palliatifs des fournisseurs de soins de santé et des autres fournisseurs de soins, mais il ne dit rien en ce qui a trait à l’éducation du public sur des questions liées aux soins palliatifs et à la planification des soins. Pourquoi cette lacune; est-elle justifiée? J’aimerais commencer par Sharon Baxter.

Mme Baxter : Je suis ravie que vous posiez la question. Nous avons toujours insisté sur la nécessité d’organiser une campagne de sensibilisation ou d’éducation du public, et j’en ai parlé dans ma déclaration d’ouverture. Il n’en est pas question dans la version actuelle du projet de loi et, s’il fallait modifier ce projet de loi, ce serait peut-être une bonne chose à y ajouter. Je ne crois pas non plus que le fait que le projet de loi n’en parle pas signifie qu’il n’y en aura pas. Je crois que nous sommes tous d’accord sur le fait que nous devons étudier la question de la planification des soins. Nous devons étudier la question de la sensibilisation du public et la façon dont on présentera les choses aux Canadiens, et c’est très important. Je suis ravie que vous ayez soulevé cette question.

La sénatrice Petitclerc : Le projet de loi suppose l’élaboration d’un cadre, mais plus je vous écoute, plus j’ai l’impression qu’il ne s’agit plus d’élaboration et qu’il s’est déjà fait beaucoup de travail. Combien de travail a déjà été fait? Devons-nous commencer à zéro ou bien, comme vous l’avez dit, en sommes-nous déjà rendus à la mise en œuvre? Comment vont-ils s’y prendre? Rapidement.

Dr Pereira : Il y a des exemples un peu partout au Canada, où la mise en œuvre en œuvre est déjà commencée. Nous pourrions parcourir le pays et demander à gauche et à droite : « Comment avez-vous fait cela? »; nous pourrions le faire rapidement et progresser. En fait, il y a dans chaque province des exemples d’une grande richesse, qui jettent une magnifique lumière. Si nous pouvions réunir toutes ces lumières, nous aurions un pays brillant, que notre gouverneure générale pourra admirer, la prochaine fois qu’elle ira dans l’espace.

Le sénateur Eggleton : Ma question à moi, maintenant. J’aimerais savoir quel est le fardeau financier que doivent assumer les patients et les fournisseurs de soins. Un patient qui obtient des soins palliatifs en milieu hospitalier est couvert, en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Il s’agit des services hospitaliers. Mais si ce patient se trouve dans un centre de soins palliatifs, un centre de soins de longue durée ou à domicile, il n’est pas couvert. Il se peut que d’autres programmes dans les provinces l’aident à assumer une partie des coûts, dans ces autres installations, mais ce que je veux savoir, c’est quel est le fardeau financier que cela représente, combien cette personne devra payer de sa poche. Certains patients ont une assurance, et de nombreux autres pourraient ne pas en avoir. Ils pourraient devoir payer de leur propre poche ou demander à leur famille de le faire.

Serait-il possible, dans ce contexte — je me le demande, puisque nous savons que certains hôpitaux aujourd’hui semblent offrir des services satellites —, qu’un centre de soins palliatifs, par exemple, soit rattaché à un hôpital? Il serait tout aussi efficient, au chapitre de la portée et des services, mais il couvrirait les patients en vertu de la Loi canadienne sur la santé. J’aimerais que les deux messieurs répondent en premier. Oh! Peut-être que je commencerais par Sharon Baxter? Oui, c’est ça.

Le président : À vous de choisir.

Le sénateur Eggleton : Le Dr Pereira semblait vouloir répondre, il pourrait donc commencer.

Dr Pereira : Vous venez de mettre le doigt sur une lacune importante et flagrante. Existe-t-il des modèles qui permettent un accès plus étendu? Absolument. Encore une fois, je vais retourner à Edmonton et à Calgary, où j’ai travaillé un assez bon nombre d’années. Nous avons pu ouvrir des centres de soins palliatifs dans des établissements de soins de longue durée en respectant les normes qui s’appliquent dans ces centres et aux soins palliatifs; nous avons pu assurer des ratios de personnel appropriés à un centre de soins palliatifs. Mais nous n’avons pas eu à ériger ce centre brique par brique. Nous n’avons pas eu à chercher des fonds pour acheter ces briques et entretenir un immeuble. Il existe des modèles selon lesquels vous pouvez utiliser les ressources existantes et réduire les coûts.

Mais n’oubliez pas non plus que, quand il n’existe pas de centres de soins palliatifs, bon nombre de nos patients se retrouvent sur une civière à l’urgence ou sur une chaise dans un corridor d’hôpital. Je travaille à l’hôpital de Brampton. J’y étais avant-hier soir. Les gens attendent.

Il existe des modèles selon lesquels nous pouvons utiliser des installations existantes. Dans certaines régions du pays, ces installations n’existent pas, et il faut les bâtir à partir de rien. Mais ce que vous avez dit à propos des économies d’échelle a aussi son importance, et je crois que nous devons en tirer une leçon — je parle du milieu des soins palliatifs — et apprendre que nous devons également penser aux économies d’échelle.

Le président : Madame Baxter, retenez ce que vous avez à dire. Je vais donner la parole à la sénatrice Omidvar et je reviendrai à vous si j’en ai le temps.

La sénatrice Omidvar : Je comprends le contexte, le besoin, l’urgence, en fait. Mais je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi il faut une loi pour régler le problème. Monsieur Savoie, vous pourriez peut-être m’aider à comprendre ce qui se passerait si nous n’adoptions aucune loi de ce type.

M. Savoie : Quand il n’y a pas de loi, il n’y a pas beaucoup d’orientation. Il y a dans le secteur de la santé des poches d’excellence un peu partout au pays, peu importe sous quel angle vous envisagez la question. Qu’est-ce qui nous réunit et nous aide à rester fixés sur notre objectif? C’est important ce que vous tentez de faire aujourd’hui. Les partis sont tous présents. Il s’agit tout simplement de savoir dans quelle direction nous nous dirigerons. Si tout le monde veut partir de son côté, nous ne pourrons pas être uniformes. Les choses avancent quand même, d’une certaine manière. Il n’y a pas de normes minimales de base au chapitre des soins, de l’éducation ou de quoi que ce soit. Je crois que cela répond en quelques mots à votre question.

Le président : Madame Baxter, aviez-vous une petite observation à faire en ce qui concerne cette question financière?

Mme Baxter : Oui, je voulais dire quelque chose à propos du fardeau financier. L’hebdomadaire The Economist a publié une étude en 2010 et en 2015. En 2010, le Canada arrivait 27e sur les 40 pays de l’OCDE en ce qui concerne le coût financier des soins à domicile. C’était un résultat plutôt médiocre compte tenu du fait que, sur d’autres échelles, nous nous en tirions plutôt bien. L’une des choses qui m’ont frappée, c’est d’apprendre que tous les pays d’Europe étaient mieux cotés que le Canada, et nous devons donc chercher à savoir comment nous pourrions arriver à de meilleurs résultats que ceux-là pour ce qui est du coût financier que doivent assumer les Canadiens. Il faut entre autres chercher à réaliser un certain équilibre entre les divers établissements de soins. Nous devrions étudier ces questions. Nous en avons suffisamment discuté, cet après-midi, à mon avis, mais j’aimerais que tout le monde sache que nous avons un grand écart à combler à ce chapitre. Il existe toutes sortes de modèles que nous pourrions étudier. Cela nous ramène à la Loi canadienne sur la santé, à ce qu’elle couvre et ne couvre pas et aux écarts entre les provinces. Mais je crois que nous pouvons y arriver.

Le président : Merci beaucoup. Nous avons abordé un éventail de questions importantes et nous avons bien discuté. Tout cela met clairement en relief la nécessité d’amener toutes les régions du pays à accepter la collaboration entre les administrations. Je crois que le projet de loi dont nous parlons pourrait très bien être un déclencheur qui nous poussera dans cette direction.

Docteur Pereira, au début de votre déclaration, vous avez parlé des magnifiques projets pilotes qui ont été exécutés, mais qui n’ont pas donné de suite, et cela m’a frappé. Les nombreuses études que nous avons menées m’ont permis d’apprendre que le Canada était un pays de projets pilotes et que nous avons toujours beaucoup de difficulté à passer à la mise en œuvre. Encore une fois, je crois qu’il est important que les provinces, le gouvernement fédéral et les autres intervenants s’engagent et adoptent un mécanisme grâce auquel les résultats pourront être répétés. J’espère même qu’au bout du compte les projets pourront être mis en œuvre, puisque l’on aura reconnu leur valeur pour l’ensemble du système de santé.

Enfin, nos deux groupes de témoins ont souligné que les soins palliatifs sont bien définis. Selon mon expérience du comité qui s’est penché sur l’aide médicale à mourir, en effet, tout le monde s’est fait sa propre idée quant à la façon de définir les soins palliatifs. Et l’interprétation de cette définition varie énormément. Voilà, à mon avis, le cœur du problème. Par exemple, sur la question de savoir à quel moment les soins palliatifs doivent être offerts et pour quelles maladies, et ainsi de suite, nous avons entendu des opinions très diversifiées. Je crois que les connaissances que vous possédez, à partir de cette définition, sont susceptibles de constituer un bon fondement et de vous permettre de répondre aux questions concernant le cadre. Nous savons de quoi il s’agit. Comment pouvons-nous l’appliquer dans un système pour que ce soit efficace dans toutes les administrations?

Je tiens à remercier les témoins. De toute évidence, vous avez tous les trois une expérience extraordinaire, une expérience pratique et étendue. Vous pourrez toujours apporter une immense contribution à ce dossier, à mesure que nous avancerons. C’est pour cette raison que le projet de loi, à mon avis, mentionne que tous les intervenants doivent participer à la discussion. Nous le voyons de plus en plus lorsqu’il faut débattre d’enjeux clés qui ont une incidence, disons nationale. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier des réponses que vous avez données à nos questions.

Chers collègues, encore une fois, je vous remercie de vos questions. Sur ce, je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)

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