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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 51 - Témoignages du 21 novembre 2018


OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour étudier la teneur des sections 8, 15, 16 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no  2 portant à exécution certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures (sujet : section 8, 15 et 16).

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Merci à tous d’être arrivés en temps opportun. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Français]

Je m’appelle Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec. C’est avec plaisir que je préside la réunion aujourd’hui.

[Traduction]

Avant que je cède la parole à nos témoins, j’invite mes collègues à bien vouloir se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Québec. Je suis vice-présidente du comité.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Ontario.

Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Munson : Jim Munson, Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

La présidente : Nous poursuivons notre étude de la teneur des éléments des sections 8, 15, 16 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Hier, avec les fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada, notre comité a porté son attention sur les sections 8, 15 et 16. Nos échanges avec les témoins d’aujourd’hui et de demain porteront également sur ces trois sections.

[Traduction]

Je voudrais présenter nos témoins. Nous accueillons Derrick Hynes, président et chef de la direction de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Nous accueillons également Sandy Stephens, avocate générale adjointe, et Tasmin Waley, avocate-conseil principale, de l’Association des banquiers canadiens. Bienvenue à nos témoins. Je vous remercie de votre présence et vous demande de bien vouloir vous en tenir à sept minutes pour chaque déclaration préliminaire. Ensuite, nous vous poserons des questions.

Nous allons commencer par M. Hynes.

Derrick Hynes, président et chef de la direction, Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale : Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis heureux d’être là. Je pense que la dernière fois que j’ai comparu devant vous, c’était pour parler du cannabis. Je suis ravi de ne pas avoir à en parler parce que j’estime avoir passé bien trop de temps sur ce sujet au cours des deux dernières années. Pas qu’il ne soit pas intéressant, mais je pense que ce changement pourrait être le bienvenu.

Je suis là aujourd’hui au nom de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, qui est composée principalement d’entreprises des domaines du transport et des communications. Nous existons en tant qu’association depuis plus de 30 ans. Nos membres sont généralement de grands employeurs dans le secteur fédéral. Ils emploient quelque 500 000 des près de 1 million de travailleurs du secteur privé fédéral.

La question que je veux aborder est propre à la section 15 du projet de loi C-86. Je veux commencer par deux messages préliminaires principaux.

Le premier tient au fait que notre organisation a été à la fois surprise et déçue de voir ces modifications du Code canadien du travail être intégrées dans un projet de loi budgétaire omnibus. Nous avons critiqué des gouvernements précédents parce que c’est exactement ce qu’ils avaient fait, et c’est la même chose aujourd’hui. Comme vous le savez, le projet de loi est long de près de 900 pages et comprend des dispositions très diverses. Il est difficile de l’examiner en moins de deux semaines et de présenter une rétroaction significative.

Nous intervenons auprès du gouvernement dans le cadre de consultations portant sur la teneur d’éléments de la partie III depuis près de deux ans. Le point culminant de ce processus — l’adoption du projet de loi — semble maintenant un peu précipité aux yeux de nos membres. Il importe également de souligner que nous n’arrivons à trouver dans le budget de 2018 aucune mention des modifications proposées au titre de la partie III du code. Nous nous demandons s’il est approprié d’en discuter dans le cadre du projet de loi budgétaire.

Le deuxième élément clé touche la question des coûts d’exploitation et de leurs conséquences. Au cours des trois dernières années, d’énormes changements ont été apportés aux lieux de travail par le processus législatif et réglementaire, lesquels se soldent par de nouvelles pressions majeures sur les entreprises au chapitre des coûts. Depuis trois ans, les éléments suivants ont été instaurés ou sont actuellement envisagés : le congé personnel payé, le congé pour obligations familiales, les congés annuels prolongés, le congé pour aidants naturels, le congé pour pratiques autochtones, le congé pour les victimes de violence familiale, le congé de maladie, des modifications touchant le régime de l’assurance-emploi, des lois régissant l’accessibilité, des modalités de travail flexibles, l’équité en matière d’emploi, des indemnités de départ et l’élimination des délais de carence pour certaines indemnisations. En outre, nous avons récemment amorcé une discussion relativement à un possible nouveau jour férié.

Si nous examinons chacun de ces éléments de façon isolée, je pense qu’il serait raisonnable de voir une justification dans chaque cas. Le problème tient à l’effet cumulatif sur les coûts associé à un grand nombre de ces changements parce qu’ils ont, lorsqu’on les additionne, des conséquences sur le milieu des affaires. Aux yeux de notre organisation, il semble quelque peu contradictoire que, d’une part, le gouvernement participe à un dialogue national sur des notions comme les investissements commerciaux, la productivité au travail et la compétitivité économique alors que, d’autre part, il fait simultanément augmenter les coûts liés au fait de faire des affaires.

Sur ce, laissez-moi formuler des commentaires portant précisément sur le projet de loi. L’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale est fondamentalement préoccupée par les récentes consultations du gouvernement sur les normes du travail modernes. Voici ce qu’elle craint : nous croyons que le gouvernement a appliqué un point de vue provincial au secteur fédéral. Nos arguments dans ces secteurs ne sont pas les mêmes. Ainsi, nous croyons que le gouvernement règle un problème qui, en grande partie, n’existe pas. Le gouvernement parle beaucoup des travailleurs vulnérables et des travailleurs en situation précaire; pourtant, ses propres données racontent une tout autre histoire. Le secteur fédéral est principalement composé d’employés permanents, à temps plein et syndiqués bénéficiant de pensions et d’avantages sociaux, la plupart dans le contexte de relations de négociations collectives matures.

Le projet de loi C-86 instaure une série de modifications qui seront apportées au Code canadien du travail dans le but de hausser les normes pour une petite minorité de travailleurs dans le secteur. Nous croyons que cela a été fait sans que soit établi l’équilibre habituel qui est recherché lorsque l’on envisage d’apporter des modifications au code. Voici deux problèmes clés qui, selon nous, apparaîtront : premièrement, nous croyons que ces modifications vont créer des conflits à l’égard des conventions collectives qui contiennent déjà des dispositions semblables. Deuxièmement, nous croyons qu’elles créeront des tensions inflationnistes à la table de négociation et dans l’ensemble des organisations. Ces deux problèmes feront augmenter de façon importante les coûts pour les employeurs.

Je crois comprendre que cette décision a probablement déjà été prise, étant donné que les modifications proposées sont contenues dans un projet de loi budgétaire et qu’elles seront probablement adoptées, mais nous voudrions présenter certaines recommandations particulières concernant le projet de loi C-86 afin que vous envisagiez des amendements particuliers. Nous voudrions être constructifs, afin de nous assurer que le projet de loi sera adopté le plus harmonieusement possible. J’ai huit propositions à faire. Je vous les présente également par écrit afin que vous les ayez à votre disposition quand vous envisagerez le changement.

Premièrement, nous recommanderions que les libellés concernant l’application de l’exception... le projet de loi contient un passage ainsi libellé : « une menace d’atteinte grave au fonctionnement normal de l’établissement de l’employeur. » Il s’agit d’un libellé qui permet à des organisations d’être exemptées de certaines dispositions du projet de loi. Nous croyons que ce libellé devrait être élargi afin de permettre une plus grande marge de manœuvre opérationnelle. Nous croyons qu’il est trop contraignant. On voit ce libellé à divers endroits dans l’ensemble du projet de loi.

Deuxièmement, nous proposons qu’une disposition soit ajoutée au projet de loi afin de tenir compte des situations rares où les normes du travail prévues dans la convention collective seraient inférieures aux normes du travail prévues dans la nouvelle partie III, de sorte que le libellé de la convention collective reste en place jusqu’à la prochaine ronde de négociations collectives afin que les organisations aient le temps de se rattraper dans le cadre des négociations avec leur syndicat.

Troisièmement, qu’une disposition soit ajoutée au projet de loi afin de tenir compte des situations où certains employeurs ou certaines classifications sont actuellement exemptés, par l’entremise d’autres dispositions réglementaires, de l’application des dispositions actuelles du code auxquelles des modifications ou des ajouts sont apportés.

Quatrièmement, que l’on ajoute un libellé selon lequel, en cas de conflits entre ces modifications et les conventions collectives actuelles, la convention collective l’emporte, et ces modifications ne viennent pas s’ajouter aux dispositions qui existent déjà dans le libellé des conventions collectives.

Cinquièmement, que les mentions d’un salaire égal pour un travail égal soient retirées. Si c’est impossible, qu’un libellé qualificatif soit ajouté afin de permettre des différences de salaire en fonction de l’expérience, des compétences, du mandat et d’autres facteurs.

Sixièmement, que les mentions des cinq jours de congé personnels, dont trois sont payés, soient retirées. Si c’est impossible, que l’on ajoute une disposition qui permet aux employeurs ou aux organisations de se soustraire à l’application de ce congé, s’il existe des dispositions semblables au sein de l’organisation en question, ou bien que les critères relatifs à l’utilisation de ce congé soient resserrés considérablement. Autrement, nous aurons essentiellement créé trois nouveaux jours de vacances pour les employés.

Septièmement, que l’article 502 du projet de loi C-86 soit modifié de manière à permettre précisément l’affichage électronique du Code canadien du travail et de son règlement d’application.

Huitièmement, que les modifications apportées au paragraphe 239(2) du code soient annulées. Ce changement permettra qu’un professionnel de la santé plutôt qu’un médecin qualifié fournisse un certificat justifiant une maladie. Je pourrais donner d’autres détails dans le cadre de la période de questions et de réponses, si vous le souhaitez. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Tasmin Waley, avocate-conseil principale, Association des banquiers canadiens : Merci. L’Association des banquiers canadiens est heureuse de présenter au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie son point de vue sur les sections 8, 15 et 16 du projet de loi C-86, Loi no  2 portant exécution de certaines dispositions du budget. L’ABC est la voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères exerçant des activités au Canada qui contribuent à l’essor et à la prospérité économiques du pays.

L’ABC préconise l’adoption de politiques publiques favorisant le maintien d’un système bancaire solide et dynamique, capable d’aider les Canadiens à atteindre leurs objectifs financiers.

Les banques emploient plus de 275 000 personnes au Canada et contribuent ainsi, avec leurs filiales, à la création d’emplois et à la croissance du marché du travail au pays. Le secteur bancaire est une industrie du savoir qui offre des postes de grande qualité, hautement rémunérés. Plus de 80 p. 100 des emplois du secteur bancaire sont à temps plein. En 2017, les banques ont versé à leurs employés 27,5 milliards de dollars en salaire et en avantages sociaux.

Bon nombre des politiques et pratiques de ressources humaines adoptées par les banques, y compris celles liées à la diversité et à l’équité salariale, dépassent les exigences législatives.

Les banques du Canada soutiennent et favorisent activement la diversité et l’inclusion au sein de leurs effectifs. Elles sont vite devenues des chefs de file dans le cadre des efforts visant à bâtir une main-d’œuvre représentative et ont pris les devants afin de présenter des arguments clairs pour l’équité et la diversité dans le milieu du travail. En 2017, la main-d’œuvre féminine comptait pour 58 p. 100 de l’effectif des six plus grandes banques du Canada, soit un taux largement supérieur à celui de n’importe quel autre secteur sous réglementation fédérale.

Le secteur bancaire dépasse les seuils établis par le gouvernement pour la représentation des femmes chez les membres de la direction, les professionnels et les cadres intermédiaires, et les femmes y occupaient 37,6 p. 100 des postes de cadres supérieurs en 2017.

Dans le but de veiller à ce que la rémunération ne tienne pas compte du genre, les banques ont établi des régimes internes de parité salariale et ont mis en œuvre un nombre de politiques et de procédures visant l’atteinte d’une rémunération équitable, tant pour les hommes que pour les femmes. Les banques du Canada croient fermement à un salaire égal pour un travail d’une valeur égale et vont demeurer en tête du peloton dans ce domaine.

Les banques du Canada sont des chefs de file en perfectionnement du personnel. Elles offrent à leurs employés toute une gamme de programmes de formation par des voies traditionnelles ou électroniques. Par ailleurs, elles encouragent activement le recrutement de jeunes Canadiens en participant à des programmes qui favorisent l’emploi chez les jeunes ou en parrainant de tels programmes, comme des programmes de formation coopérative et d’entrepreneuriat, ainsi que des programmes destinés aux jeunes décrocheurs, ou encore en octroyant des bourses d’études.

Nous saluons les efforts déployés par le gouvernement fédéral en vue de moderniser le Code canadien du travail afin qu’il reflète mieux la réalité du marché de l’emploi actuel. Les normes du travail fédérales ont été établies dans les années 1960 et n’ont pas subi de changements substantiels depuis, même si bien des choses ont changé dans le milieu de travail. Le secteur bancaire a pris part à des consultations relatives à certaines propositions présentées dans le projet de loi C-86. Nous continuerons de collaborer avec le gouvernement à ce sujet, dans l’avenir.

Il vaut la peine de souligner que certains des changements proposés dans le projet de loi sont déjà appliqués par le secteur bancaire canadien, notamment les droits relatifs aux congés et aux périodes de repos, les préavis touchant l’horaire de travail et le droit aux vacances, ce qui confirme de nouveau la volonté des entreprises de ce secteur de maintenir leur position de meilleurs employeurs.

Encore une fois, je vous remercie d’avoir invité l’ABC à participer aux travaux du comité sur le projet de loi C-86. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Je tiens à remercier les témoins. Je rappelle à mes collègues qu’ils disposent de cinq minutes pour poser des questions. Je vous demande d’être bref si vous avez de nombreuses questions à poser. Nous essaierons d’avoir suffisamment de temps pour une deuxième série de questions.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie tous les deux de vos exposés et je remercie tout le monde d’être présent aujourd’hui.

Je vais commencer, monsieur Hynes, par examiner certains des enjeux que vous avez présentés. Tout d’abord, je ne suis pas certaine si je n’ai pas entendu ce renseignement, mais, au bénéfice du public qui nous écoute, pourriez-vous s’il vous plaît nommer l’organisation que vous représentez? Qu’est-ce que l’ETCOF?

M. Hynes : Les membres de l’ETCOF sont tous des organismes des secteurs du transport et des communications assujettis à la législation fédérale. L’association compte 28 membres. Il s’agit d’organisations dont le nom est connu, comme Air Canada, Bell, Postes Canada, CN, CP, FedEx, Jazz Aviation et NAV CANADA. La liste complète des membres est accessible sur notre site web.

La sénatrice Seidman : C’est utile pour les membres du public qui nous écoutent d’avoir une idée de la taille des organisations dont nous recevons des représentants.

M. Hynes : Mis à part le secteur des banques, nous représentons la plupart des employeurs d’importance parmi les entreprises assujetties à la législation fédérale.

La sénatrice Seidman : Très bien. C’est vraiment utile. Merci.

Vous avez soulevé beaucoup de points rapidement, donc je n’aurai pas l’occasion de poser des questions sur tous ceux qui me sautent aux yeux en ce moment. Je vais tenter d’en aborder quelques-uns.

Vous avez dit que le gouvernement adopte un point de vue provincial à l’égard du secteur fédéral, et qu’il règle un problème qui n’existe pas. Pourriez-vous s’il vous plaît nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Hynes : Oui. Nous avons fourni beaucoup de détails à propos de cette question dans notre mémoire présenté pendant les consultations. Un des principaux points que nous avons soulevés dès le début, en réponse au document de consultation du gouvernement à ce sujet, c’est qu’un bon nombre des propositions présentées visaient véritablement les travailleurs vulnérables, les travailleurs en situation précaire, ceux qui occupent un poste à temps partiel de façon involontaire et d’autres travailleurs dans des situations semblables.

Ce que nous avons souligné — et vous pouvez examiner les données du gouvernement pour appuyer ces dires —, c’est que la majorité des employés des entreprises du secteur fédéral ne font pas partie de ce groupe. Par ailleurs, vous pouvez constater, si vous examinez les données pour chaque province, que les emplois précaires et vulnérables sont beaucoup plus fréquents dans le secteur provincial. Les entreprises assujetties à la réglementation fédérale offrent, en majeure partie, si on examine les secteurs du transport, des communications et des banques, des emplois permanents, à temps plein, bien souvent syndiqués, qui sont de plus assortis de régimes de pension complets et d’avantages sociaux.

Je pourrais vous fournir des données tirées du document de discussion du gouvernement à ce sujet, mais je ne veux pas gaspiller votre temps. En ce qui concerne les données, si nous voulons parler par exemple du travail à temps partiel involontaire, selon le document de discussion du gouvernement, 17 700 emplois correspondent à cette description. Il s’agit de 1,8 p. 100 des emplois du secteur des entreprises assujetties à la réglementation fédérale. Nous ne disons pas que ce n’est pas préoccupant, parce que, de toute évidence, ces personnes sont aussi importantes que les autres. Cependant, quand on commence à apporter des modifications qui s’appliquent à l’entièreté du Code du travail pour régler un problème qui touche peut-être 2 ou 3 p. 100 des travailleurs, on crée des problèmes dans d’autres secteurs.

La sénatrice Seidman : Très bien. L’autre point que vous avez soulevé concerne les répercussions sur la communauté d’affaires et les coûts importants que ces modifications entraîneront. Pouvez-vous nous donner plus d’explications à cet égard, s’il vous plaît?

M. Hynes : Je ne suis pas en mesure de les quantifier, mais je crois qu’une personne sensée peut examiner nombre des changements que le gouvernement a apportés dans le dossier du travail au cours des trois dernières années et conclure qu’ils sont en grande partie raisonnables, si on les prend séparément. Je vous ai fourni dans mes notes d’allocution une longue liste de certaines modifications qui nous touchent. Je ne les passerai pas en revue.

Dans l’ensemble, ces modifications entraînent d’importantes augmentations des coûts d’exploitation pour la communauté des employeurs, ce qui pose un problème. Il s’agit de commentaires que je reçois de la part de nos membres, parce que nous avons participé, au cours des trois dernières années, sous le gouvernement actuel, à de nombreuses consultations portant sur une panoplie d’enjeux. Dans bien des cas, nous avons souligné que certains des changements semblent être appuyés par des justifications fondées sur des données probantes. Dans d’autres cas, il nous est difficile de comprendre la justification de modifications qui ont entraîné des coûts importants, quand on les considère dans leur ensemble.

La sénatrice Seidman : Très bien. Me reste-t-il du temps?

La présidente : Oui.

La sénatrice Seidman : Excellent. Je vais poursuivre.

L’une de vos recommandations — que nous n’avons pas encore reçues par écrit et que j’espère que nous recevrons le plus tôt possible —, porte sur un point que vous avez soulevé dans votre exposé. Vous avez dit qu’il y avait des conflits avec des clauses semblables qui existaient déjà dans des conventions collectives. Ensuite, vous avez formulé une recommandation. Pourriez-vous nous donner un peu plus d’explications pour nous permettre de mieux comprendre? Merci.

M. Hynes : La partie III du code vise à établir des normes du travail minimales. Tous s’entendent pour dire que c’est une bonne idée. Les problèmes qui surviennent en raison de certaines de ces modifications tiennent au fait que le gouvernement ajoute de nouvelles dispositions dont l’objet, au sein de certaines organisations, est déjà abordé dans une convention collective. Des exemples de cette situation touchent les dispositions relatives aux congés personnels, c’est-à-dire le congé personnel payé de trois jours pour des motifs précis, figurant dans une liste. De nombreuses organisations ont déjà des dispositions qui visent ce type de congé pouvant être pris par un employé.

Le congé pour victimes de violence familiale est, de toute évidence, une question importante pour les personnes qui doivent composer avec cette terrible situation. Dans bien des organisations, il existe déjà un type de congé qui peut être utilisé pour cette raison. Cela crée donc un conflit. On peut se demander si ces congés sont cumulatifs. À mon sens, le projet de loi ne contient aucune disposition qui exempte les organisations ayant déjà des mesures en place relativement à ces situations importantes. C’est la préoccupation que nous soulevons.

Nous demandons d’ajouter des conditions dans le projet de loi pour que certaines de ces nouvelles dispositions ne s’appliquent pas s’il existe déjà dans une organisation des mesures qui ont été négociées librement entre la direction et les employés. Nous sommes d’avis que ces mesures négociées devraient avoir préséance.

La sénatrice Eaton : Je cherche à connaître votre opinion. Croyez-vous que, vu la situation des membres de l’ETCOF et le fait que la plupart des membres du personnel de ces employeurs occupent de bons emplois, bien rémunérés et à temps plein, cette mesure législative est vraiment nécessaire ou qu’il s’agit plutôt d’une mesure de nature plutôt politique?

M. Hynes : C’est une question très tendancieuse.

La sénatrice Eaton : Bien évidemment.

M. Hynes : Je ne vais pas invoquer le cinquième amendement pour ne pas répondre à la question. Il y a des dispositions dans ce projet de loi dont nous avons de la difficulté à justifier l’adoption au moyen d’analyses fondées sur des données probantes.

Si le gouvernement est d’avis qu’il y a des travailleurs vulnérables dans le secteur qui nécessitent plus de protection, je crois que cela est légitime. Je ne suis pas d’avis que le document de discussion et les consultations menées jusqu’à maintenant ont mis en lumière beaucoup d’exemples qui montrent clairement qu’il existe un problème devant être réglé.

La sénatrice Eaton : Quand les fonctionnaires du gouvernement sont venus témoigner devant notre comité, il n’ont pas réussi à justifier, que ce soit avec des données ou des résultats de recherche, certaines de ces modifications. Je trouve intéressant que vous soyez de cet avis.

Vous avez mentionné le fait que le Code canadien du travail sera modifié pour permettre que soit accepté un certificat d’un professionnel de la santé plutôt que d’un médecin qualifié afin de motiver un congé pour raisons médicales. Que signifie le terme professionnel de la santé? Selon vous, quels problèmes ce changement créera-t-il?

M. Hynes : À notre avis, on tente, par ce projet de loi, de rendre plus rapide et facile l’obtention « d’un billet du médecin » pour justifier une maladie. Nous comprenons ce qui pourrait motiver cette modification. Le problème soulevé par certains de nos membres tient au fait que l’élargissement de la portée du terme « professionnel de la santé» » permettra à des professionnels qui ne possèdent peut-être pas les qualifications ni l’expertise nécessaires pour poser un diagnostic de le faire quand même dans certaines situations. Nous sommes préoccupés par l’accès accru à ces types de billets, lesquels s’appuieront sur une justification moins solide.

La sénatrice Eaton : Bon nombre de conventions collectives ne contiennent-elles pas des dispositions précisant le nombre de jours de congé de maladie permis?

M. Hynes : Oui. Je ne peux parler de cas en particulier, parce que chaque convention est différente. Dans certains cas, on a délaissé les « congés de maladie » au profit de régimes d’invalidité à court terme, mais, dans l’ensemble, la réponse courte est « oui ».

La sénatrice Eaton : Les employés doivent-ils fournir un billet? S’il y avait une telle clause dans ma convention collective et que je m’absentais quelques jours, comme le permet ma convention collective, en raison d’une grippe, devrais-je apporter une note?

M. Hynes : Cela varie d’une convention collective à une autre. Habituellement, dans un tel cas, le congé devrait dépasser un certain nombre de jours avant que cette exigence s’applique.

La présidente : Merci.

Madame Waley, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

Mme Waley : Rien pour le moment. Merci.

Le sénateur Munson : Merci à tous.

Vous avez remis votre rapport et fait votre exposé. Je ne suis pas certain de la position de l’Association des banquiers canadiens. Vous saluez les changements, vous affirmez que beaucoup de choses sont déjà en place et que les banques ont fait preuve d’innovation et ont fait beaucoup de choses à l’égard de leurs employés. Nous sommes ici pour entendre des recommandations. M. Hynes a dit qu’il est trop tard, mais nous pouvons quand même essayer de convaincre le gouvernement d’en faire davantage, ou moins, selon le cas.

Quelle est la position des banquiers? J’aimerais le savoir et je vous invite à formuler des recommandations, si vous en avez.

Mme Waley : J’ai mentionné dans mon exposé que les normes du travail fédérales au Canada n’ont pas été mises à jour depuis les années 1960. On a mené un examen, dont a émané le rapport Arthurs, en 2006. Les modifications proposées n’ont pas été mises en œuvre à l’époque.

Nous félicitons le gouvernement d’avoir entrepris la mise à jour du code, pour tenir compte des changements survenus dans le monde du travail, du fait que l’économie s’est beaucoup plus mondialisée et que les technologies ont changé. Nous reconnaissons que beaucoup d’efforts ont été consentis pour apporter ces modifications.

Le sénateur Munson : Vous êtes d’avis que le gouvernement ne devrait pas dicter aux banques ce qu’elles doivent faire? Vous nous avez énuméré tout ce que les banques ont mis en place. J’essaie de comprendre...

Mme Waley : Un certain nombre de ces modifications sont déjà en place dans certaines banques. Nous ne disons pas que le gouvernement ne devrait pas nous dicter ce que nous devons faire. Nous respectons les normes du travail fédérales et nous y conformons. Peu importe les mesures législatives qui seront adoptées au bout du compte, nous nous y conformerons.

Le sénateur Munson : Merci.

Monsieur Hynes, au début de vos recommandations, vous n’avez pas précisé qui était exempté. Certaines organisations sont visées par des exemptions. Ensuite, vous avez dit qu’on devrait allonger la liste.

Qui est visé par des exemptions? Qui d’autre devrait l’être?

M. Hynes : Je crois que vous faites référence à...

Le sénateur Munson : C’est la première chose que vous avez dite dans vos recommandations, je crois. Vous avez mentionné le chiffre huit, et c’est la première chose dont vous avez parlé.

M. Hynes : Il n’y a pas de liste des organisations visées par des exemptions. Il y a des exemples. Dans le troisième point de mon exposé, j’ai relevé la réglementation actuelle. Par exemple, dans le secteur du transport ferroviaire, il existe une réglementation qui vise le personnel itinérant et qui précise le nombre d’heures de travail et les conditions de travail de ce secteur d’activités. Tout cela fait l’objet d’un processus d’approbation par le ministre.

Dans certaines situations, il y aura des incohérences entre ce que le ministre a approuvé pour cet environnement réglementé et les nouvelles dispositions de la partie III. Nous demandons de modifier le libellé du projet de loi pour préciser ces exemptions et les permettre. Sinon, il y aura des contradictions juridiques entre différents ensembles de règles.

Le sénateur Munson : Les entreprises dont vous avez parlé sont plutôt prospères. Elles ont l’air de réaliser des profits la plupart du temps; elles ont l’air de bien s’en sortir. Il a été question précédemment d’un problème qui n’existe pas et des coûts qui grimpent. Selon vous, la situation est-elle si grave que les dépenses supplémentaires pour les travailleurs et les avantages qu’on leur offre pourraient mettre en péril ces entreprises et même mener à la faillite certaines des petites entreprises que vous représentez? Avec les nouvelles dispositions proposées dans le projet de loi d’exécution du budget, le risque est-il si grand?

D’un côté, nous nous préoccupons du sort des travailleurs et de tous les autres intéressés, et de l’autre côté, vous dites dans votre témoignage que les employeurs ont fait de très bonnes choses pour aider les travailleurs à travailler dans un milieu sain.

M. Hynes : Je peux vous répondre selon deux points de vue. Premièrement, en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, je suis convaincu que les modifications reliées au portefeuille du travail qui ont été faites au cours des trois dernières années ont un effet cumulatif majeur sur l’ensemble de la structure de coût des petites et moyennes entreprises. Voilà pour mon premier point.

Mon second point concerne les grandes organisations. Le message que je voulais faire passer dans mon témoignage était que, dans les grandes organisations modernes de la fonction publique, souvent syndiquées, bon nombre des conditions d’emploi sont le fruit d’une relation de négociation collective de longue date. Quand les concessions sont faites librement et par voie de négociation entre les parties, il est alors juste de dire que le résultat est un environnement de travail et des normes de travail qui conviennent aux deux parties.

Notre position est que, avec les modifications proposées, le gouvernement va probablement créer deux sortes de problèmes. Premièrement, il y a le risque de créer des conflits avec les dispositions qui ont déjà été négociées librement. Deuxièmement, il crée des pressions inflationnistes injustifiées pour ceux qui négocient.

Est-ce que cela veut dire que des entreprises vont mettre la clé sous la porte en conséquence? Je n’irai pas plus loin, mais il demeure que les coûts opérationnels ont de l’importance si nos entreprises veulent demeurer concurrentielles sur la scène internationale. Les organisations sont toujours vigilantes lorsqu’il est question de rentabilité. Les entreprises font des concessions relativement aux normes en milieu de travail et, lorsque le gouvernement vient changer la donne en créant de nouvelles normes, cela peut avoir un effet inflationniste.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question à poser à chacun de nos témoins. Avant tout, merci d’être parmi nous.

Je m’adresserai à Mme Waley en premier. J’ai lu votre mémoire. Je dois avouer qu’on voit rarement des documents présentés avec autant d’élégance. Je dois cependant me faire l’écho du sénateur Munson; je ne suis vraiment pas sûre moi non plus de savoir comment interpréter ce que vous dites. Laissez-moi vous poser une question terre à terre. Je suis d’accord avec une chose que vous avez dite, à savoir que c’est l’industrie des services financiers — notamment les banques — qui a vraiment relevé la barre pour nombre d’enjeux liés à la diversité et à l’équité. Vos membres méritent mes félicitations.

Quelles sont les dispositions de ce projet de loi qui vont au-delà des politiques présentement appliquées par vos membres? Y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui obligerait vos membres à redoubler d’efforts?

Mme Waley : Certaines de nos banques font déjà une partie de ce qu’il y a dans le projet de loi. Par exemple : les congés pour fonctions judiciaires, les congés de maladie, les congés payés pour raisons médicales, les congés pour réservistes et les droits de congé annuel.

Il y a aussi des dispositions prévoyant des procédures différentes pour le traitement des plaintes. Il y a des dispositions touchant aux nouveaux appels d’offres et d’autres choses du genre. On prévoit aussi un nouveau chef de la conformité et de l’application. Certaines de ces obligations sont complètement nouvelles.

La sénatrice Omidvar : Avez-vous des commentaires à ce sujet? Croyez-vous que c’est la bonne chose à faire, ou avez-vous des recommandations à nous faire?

Mme Waley : Nous n’avons pas de modifications précises à vous proposer. Il y a beaucoup de modifications proposées dans le projet de loi C-86. Nos membres sont en train de les analyser afin de cerner leurs effets sur leur entreprise.

La sénatrice Omidvar : Jusqu’ici, y a-t-il une opposition véhémente à une mesure en particulier?

Mme Waley : Non.

La sénatrice Omidvar : Du soutien, alors?

Mme Waley : Non.

La sénatrice Omidvar : Vous êtes donc ni pour ni contre, du moins pour l’instant.

Monsieur Hynes, merci d’être venu témoigner à nouveau devant notre comité. Je me souviens de vous, c’était pendant notre étude sur le cannabis... nous ne fumions pas à l’époque.

J’ai consulté votre site web. J’ai remarqué que vous aviez environ 500 000 employés. Vous avez dit dans votre exposé que la plupart de vos employés sont bien rémunérés et sont syndiqués, et que par conséquent, ils jouissent déjà de mesures de protection, et que ce projet de loi s’appliquerait à au plus 2 p. 100 d’entre eux. Je n’ai pas votre mémoire sous les yeux, alors j’essaie de bien me souvenir. Si je ne me trompe, 2 p. 100 de 500 000 employés, cela fait 10 000, et 10 000 personnes, c’est quand même 10 000 personnes. Que pouvez-vous nous dire sur eux? S’agit-il principalement de femmes ou de nouveaux venus sur le marché du travail? Pouvez-vous nous dire, en gros, quel est le profil démographique de ces 10 000 personnes qui représentent 2 p. 100 de vos employés?

M. Hynes : En fait, je dirais qu’il s’agit de plus de 10 000 employés. Lorsque j’ai parlé des 2 p. 100, je voulais mettre ce point de pourcentage en relief, une donnée simple pour illustrer qu’environ 2 p. 100 des emplois relevant de la fonction publique fédérale sont à temps partiel, et pas par choix. On parle de 900 ou de 1 000... Donc, il y a des employés qui travaillent à temps partiel, et cela, indépendamment de leur volonté.

À mes yeux, il s’agit probablement d’un groupe qui affirmerait être en situation d’emploi précaire ou dans une position vulnérable. Je ne sais pas de qui il s’agit. Je ne crois cependant pas me tromper en disant que la plupart d’entre eux ne sont pas à l’emploi des organismes que nous représentons, étant donné que nous représentons de grands employeurs qui offrent le genre d’emplois dont j’ai parlé plus tôt.

Lorsque j’ai donné ce chiffre, je voulais dire que le gouvernement prend des mesures pour régler un problème qui concerne un tout petit groupe de gens. Loin de moi l’idée de dire que ces 20 000 ou 17 000 personnes ne sont pas importantes, parce qu’elles le sont. Le message que je veux faire passer, c’est qu’il y a peut-être une autre façon de régler le problème, par exemple au moyen de consultations visant à déterminer de qui il s’agit et à cerner les dispositions à mettre en place pour veiller à ce que ces personnes bénéficient de normes du travail minimales appropriées. Tout cela étant dit, si les modifications proposées sont adoptées telles quelles et qu’elles s’appliquent aux personnes en situation de vulnérabilité, nous vous demandons, dans ce cas, de prévoir une exception ou d’ajouter au projet de loi une disposition faisant en sorte que les personnes qui ne font pas partie de ce groupe soient exemptées de l’application de certaines de ces dispositions. Les organisations que nous représentons surpassent très souvent les normes. Ces nouvelles règles vont créer des conflits, parce que les gens vont tenir pour acquis que la nouvelle disposition de la partie III et la disposition prévue dans la convention collective sont cumulatives.

La sénatrice Omidvar : Pouvez-vous nous donner un peu de contexte? Donnez-moi un exemple d’une disposition du projet de loi qui créerait un conflit entre la majorité des employeurs que vous représentez et leurs employés, parce que l’organisation leur accorde le même avantage ou un avantage supplémentaire?

M. Hynes : Oui. Je peux vous en donner beaucoup. Le projet de loi comprend deux nouvelles dispositions touchant les congés payés. La première concerne les congés personnels. Il y a des exigences par rapport à cela : on accorde trois jours de congé payé, et cinq jours pour les victimes de violence familiale. Les deux ont beaucoup d’importance. Maintenant, disons qu’il y a déjà des congés prévus pour ces deux problèmes dans la convention collective, qu’arrive-t-il si un employé se dit qu’il peut piger dans les deux banques de congé? Vous venez de créer un nouveau coût pour les employeurs, et nous croyons que c’est injuste.

La sénatrice Omidvar : En résumé, vous ne voulez pas que les gens puissent se servir deux fois.

M. Hynes : Oui.

La sénatrice Omidvar : Vos syndicats ne pourraient-ils pas régler cela dans leur convention collective?

M. Hynes : C’est impossible, pas si la loi va clairement dans l’autre sens; cela va mener à des situations de conflit, et les employés qui réclament leurs trois jours de congés personnels vont déposer des griefs. Je pourrais répondre : « Notre convention collective prévoit déjà des congés personnels. » Nous essayons d’être constructifs. Ce qui serait constructif, ce serait d’ajouter quelque chose au libellé du projet de loi pour régler les cas où des dispositions du même genre sont déjà en place.

La sénatrice Omidvar : Vous avez dit que vous alliez nous faire parvenir vos commentaires, probablement assortis des modifications que vous aimeriez voir dans le libellé.

M. Hynes : Je le ferai.

La présidente : Nous avons le temps pour un deuxième tour.

Le sénateur Ravalia : Ma première question s’adresse à M. Hynes. Certaines des entreprises que vous avez mentionnées exercent aussi leurs activités à l’extérieur du Canada; elles ont certainement un rayonnement international. Si vous aviez à comparer les avantages proposés dans le projet de loi à ce qui se fait à l’étranger, diriez-vous que nous sommes en train de nuire à notre compétitivité?

M. Hynes : Je ne sais pas. Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question. Je n’ai pas de données sur lesquelles m’appuyer.

Le sénateur Ravalia : Vous n’en savez pas assez sur ce qui se fait à l’étranger, d’accord. Pour en revenir à vos huit recommandations, si vous aviez à en choisir trois, lesquelles seraient le mieux à même de répondre aux besoins des gens que vous représentez? Quels sont les trois domaines auxquels il faudrait accorder la priorité?

M. Hynes : Premièrement, il faudrait adoucir le libellé du projet de loi afin de laisser une plus grande flexibilité pour les cas où il y a un risque grave d’incompatibilité avec les conditions de travail habituelles prévues par l’employeur; il faut accorder aux employeurs suffisamment de flexibilité pour qu’ils puissent introduire des exceptions.

La règle des 96 heures relativement aux changements de quart est un bon exemple. Dans une entreprise opérationnelle 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et qui doit suivre un certain horaire, un préavis de quatre jours n’est peut-être pas suffisant, en particulier lorsque d’autres dispositions entrent en ligne de compte, par exemple en ce qui a trait aux horaires de travail flexibles ou aux congés de maladie. Quand un employé ne peut pas se présenter à son quart de travail, l’employeur doit trouver d’autres employés pour le remplacer. C’est pourquoi nous vous serions reconnaissants d’adoucir un peu le libellé.

J’ai déjà mentionné qu’il faudrait ajouter quelque chose au libellé du projet de loi pour tenir compte des cas où il y a un dédoublement des dispositions, en réponse à une question du sénateur Munson.

Pour ce qui est des dispositions concernant les congés, il faudrait s’assurer par un moyen ou un autre que les dispositions sur les congés d’une organisation et celles du projet de loi ne sont pas cumulatives. Si vous pouviez prendre des mesures à cette fin, ce serait constructif et utile.

Le sénateur Ravalia : J’ai une autre question. Vous avez dit que vous êtes préoccupé de la possibilité qu’un autre praticien de la santé fournisse des certificats médicaux. Selon moi, en raison du manque de médecins de première ligne et de médecins de famille — et des problèmes d’accès aux soins de santé —, les infirmières et infirmiers praticiens ont fini par remplir leur rôle, et ils sont tout aussi qualifiés. Ils sont tout aussi capables d’évaluer le degré de gravité ou le caractère chronique d’une maladie. Si vous étiez certain que le praticien de la santé est quelqu’un de crédible qui se conforme aux normes canadiennes en matière d’évaluation, pour vos divers groupes d’employés, seriez-vous satisfait?

M. Hynes : Oui, de la façon dont vous le décrivez, je crois que oui. S’il y avait des normes encadrant les diagnostics, je crois que ce serait raisonnable.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à M. Hynes. Pour en arriver à ce budget, il y a eu beaucoup de consultations. J’aimerais savoir si, lors des consultations, vous étiez déjà devant un fait accompli avec toutes les dispositions ou si vous aviez des questions plus larges auxquelles vous répondiez. Vous auriez pu faire des recommandations comme celles que vous faites maintenant. Ces recommandations auraient été faites plus tôt, avant même la rédaction du projet de loi. Comment s’est déroulé le mode de consultation?

[Traduction]

M. Hynes : C’est une bonne question, et c’est effectivement ce qui s’est passé. Nous nous sommes impliqués très activement dans tout ce qui a mené au processus de consultation. Nous avons envoyé notre mémoire officiel au gouvernement en mars de l’année dernière.

Je vous résume le déroulement du processus de consultation : un document de consultation comprenant tout un ensemble de thèmes, d’idées et de concepts qui pourraient être envisagés est envoyé aux intervenants. Le gouvernement envoie un appel général en ligne dans la communauté d’intervenants pour recevoir les commentaires des citoyens ordinaires du Canada, puis envoie une demande officielle aux groupes d’intervenants avec qui il a déjà des liens, par exemple les employeurs ou les syndicats.

Le niveau de détail, dans le document de consultation, est rarement très élevé. Le gouvernement cherche surtout à avoir une discussion et à obtenir des commentaires à propos de thèmes, de tendances, d’idées et de concepts généraux. Nous n’avons pas accès à l’ébauche du projet de loi, nous n’en connaissons pas les détails, du moins pas avant qu’il ne soit publié. Et si cela avait été le cas, nous aurions pu présenter un mémoire très exhaustif qui soulèverait un grand nombre des préoccupations dont j’ai parlé aujourd’hui. À dire vrai, nous avons soulevé de nombreuses fois nos préoccupations fondamentales par rapport aux conflits potentiels qui pourraient survenir à l’intérieur d’une organisation; nous avons même pu le faire dans le cadre d’une rencontre individuelle avec la ministre. Nous n’avons pas l’occasion d’examiner le projet de loi. C’est un secret ministériel. Nous pouvons l’examiner seulement après sa publication.

Pour répondre à votre question, dans le cadre de consultations, nous aurions fait des commentaires sur un grand nombre de ces dispositions, mais pas nécessairement avec autant de détail que quand il s’agit d’un projet de loi.

La sénatrice Dasko : Ma question est très similaire à celle de la sénatrice Mégie.

Je m’excuse d’être arrivée en retard à la séance d’aujourd’hui. D’après ce que vous dites, il est tout à fait logique que vous utilisiez le concept de cumul, peu importe comment on le décrit; si l’entreprise offre cinq jours de congé à une personne en raison de violence familiale et que la loi prévoit six jours, il semblerait logique que l’employé n’ait pas 11 jours de congé.

Cela semble être un concept très simple. Comment le gouvernement a-t-il réagi à ce qui, selon moi, semble, une préoccupation très normale à soulever et qui semblerait se régler très simplement?

M. Hynes : Il y a des provisions spécifiques dans le projet de loi qui précisent que, quand c’est inclus dans le libellé de la convention collective, celle-ci prévaudra. Comme dans le préavis de 96 heures nécessaire en cas de changements de quart, par exemple. Il y a d’autres dispositions. Les questions que nous soulevons ne concernent pas le projet de loi en entier.

La sénatrice Dasko : Je comprends. Le problème semble simple à résoudre. Le gouvernement vous écoutera-t-il? C’est dans certaines parties du projet de loi. Le gouvernement comprend évidemment le concept. En fait, il était dans certaines parties. Ne peut-il pas régler le problème dans les autres parties du projet de loi? J’ai peut-être un avis externe. Cela semble assez facile.

M. Hynes : Je suis d’accord avec vous. C’est un problème qui peut être réglé.

La sénatrice Dasko : Très bien. Cela semble très bien.

La présidente : Merci beaucoup. Nous avons assez de temps pour d’autres questions. Avant de passer à la sénatrice Seidman... Je comprends que certaines de ces mesures existent déjà, à divers degrés, dans différentes organisations. J’ai également entendu parler du dédoublement de ces mesures, comme nous avons dit. Je veux vous entendre là-dessus, car nous avons également entendu dire que le code n’a pas été modifié depuis les années 1960.

Êtes-vous d’accord sur le fait que des mesures et des changements de base sont nécessaires partout, peu importe l’activité de votre organisation? Cela suppose de discuter avec le gouvernement pour s’assurer que la mesure n’est pas double. Sommes-nous en train de dire que ces mesures sont bonnes parce qu’elles nous assurent que tout le monde a certains services de base?

M. Hynes : La réponse courte est oui, je suis d’accord avec vous. J’aimerais soulever deux points : le premier, c’est que nous pensons que les changements envisagés devraient refléter des analyses fondées sur des données probantes démontrant qu’ils régleront le problème. Le second point que nous avons abordé dans de nombreuses questions qu’on m’a posées aujourd’hui, c’est que les changements devront s’adapter aux pratiques qui existent actuellement dans les organisations et au libellé des conventions collectives actuelles.

La présidente : Merci.

Mme Waley : En ce qui concerne votre commentaire selon lequel tout le monde dispose d’un certain niveau de droits de base, oui. Les banques nous voient comme des employeurs de choix. Nous nous efforçons de recruter et de garder les meilleurs talents. Nous voulons surpasser les normes.

La présidente : Merci.

La sénatrice Seidman : J’aimerais revenir brièvement sur la question des consultations. J’ai une question pour M. Hynes, mais j’aimerais demander une chose à Mme Waley : avez-vous présenté au gouvernement un mémoire sur la consultation? Est-ce que l’Association des banquiers canadiens l’a fait?

Mme Waley : Nous avons participé aux consultations. Nous avons présenté un mémoire écrit en 2017.

La sénatrice Seidman : Avez-vous formulé des recommandations?

Mme Waley : Notre mémoire était un mémoire assez général. Nous avons abordé trois thèmes fondamentaux. Le premier concernait la clarté, et nous voulions nous assurer que la loi est claire de sorte que les intervenants puissent comprendre leurs obligations. Nous avons également parlé de la rationalisation. Par exemple, le processus des plaintes. Nous avons parlé du besoin de flexibilité, étant donné la nature changeante du travail, en particulier des modalités de travail flexibles, que le gouvernement a adoptées avec le projet de loi C-63.

La sénatrice Seidman : D’accord. Êtes-vous satisfaits, et sentez-vous qu’on a tenu compte de vos recommandations d’une manière ou d’une autre?

Mme Waley : Eh bien, on a en effet tenu compte de nos recommandations sur la flexibilité du travail. Les banques font déjà beaucoup de ces choses. Nous examinons encore bien d’autres dispositions.

La sénatrice Seidman : D’accord. Merci.

Monsieur Hynes, j’aimerais revenir sur le processus de consultation. Vous en avez parlé dès le début de votre exposé. Vous avez manifestement présenté un important mémoire. Est-ce qu’un grand nombre de vos recommandations ont été approuvées ou mises en œuvre dans ce projet de loi?

M. Hynes : J’ai notre mémoire sous les yeux. Nous l’avons présenté en mars 2018, à la fin de la consultation sur les modifications potentielles de la partie III. La structure de la consultation et le document de discussion avaient été conçus de façon à réunir des points de vue sur une série de questions, plutôt que d’obtenir des recommandations spécifiques. Les questions concernaient les congés annuels, les congés payés pour raisons personnelles, les pauses repas et les périodes de repos, le temps libre, le droit à la déconnexion, les prestations transférables et le salaire égal à travail égal.

Nous avons examiné chacune de ces questions, une par une et nous avons formulé notre point de vue sur chaque question en particulier. La façon dont cela est repris dans le projet de loi est tout à l’honneur du gouvernement.

Un certain nombre de dispositions dont on a discuté pendant les consultations n’ont pas pu être ajoutées au projet de loi, car le gouvernement a admis — et je crois qu’il nous a entendus à ce sujet — que ces dispositions étaient assez compliquées et qu’elles nécessiteraient probablement une étude plus approfondie. Elles comprennent, par exemple le droit à la déconnexion de votre milieu de travail quand vous n’êtes pas en poste, le concept des prestations transférables quand vous changez d’employeurs, et le salaire minimum. Il a été décidé de mettre de côté certains exemples et de créer un comité technique d’experts qui étudiera ces cas au cours des prochains mois.

La sénatrice Seidman : D’accord. C’est utile. J’aimerais changer de sujet et avoir votre avis. Hier, nous avons discuté avec des représentants du ministère. Nous avons parlé de ce poste de chef de la conformité et de l’application nouvellement créé. Nous comprenons mal pourquoi il a fallu supprimer des groupes de postes spécifiques, et inclure tout cela dans ce poste de chef de la surveillance de la conformité, sans avoir une réelle définition de ce qui sera orienté vers les besoins particuliers sur le terrain. Je me demande si l’ETCOF a une opinion ou un conseil à formuler sur le poste de chef de la conformité et de l’application nouvellement créé ?

M. Hynes : Nous n’avons pas réellement approfondi cette question. À première vue, cela semble être un changement raisonnable : l’ETCOF centralisera l’administration de la conformité au titre du code et donnera à un sous-ministre adjoint du ministère la capacité de déléguer ce pouvoir, de s’assurer que la conformité est gérée de manière plus efficace. Cela me semble raisonnable. Il n’y a pas de raison de douter du caractère raisonnable de cette approche.

La sénatrice Seidman : Je vais réitérer ma question, monsieur Hynes : actuellement, il y a beaucoup de dispositions complexes et de changements dans le Code du travail, et il faut se demander comment les entreprises vont s’y conformer. J’aimerais savoir quel fardeau, selon vous, cela imposera aux entreprises pour faire le suivi de ces choses? Quel fardeau cet apprentissage imposera-t-il aux employés?

Les employés devront savoir que tous ces nouveaux aspects ont été ajoutés au Code du travail. Comment pensez-vous que cela se passera?

M. Hynes : En ce qui concerne l’éducation, l’une des choses très positives que nous pouvons dire au sujet du secteur fédéral, c’est que le Code canadien du travail est géré selon une relation tripartite très productive. C’est un partenariat entre le gouvernement, à savoir Emploi et Développement social Canada, le mouvement ouvrier, largement dirigé par le Congrès du travail du Canada et ses syndicats affiliés, et la communauté des employeurs, à savoir l’ETCOF, l’ABC et diverses autres organisations. En ce qui concerne la partie communication, je pense que nous travaillons assez bien ensemble pour nous assurer que nous allons tous dans la même direction.

Quant aux changements, pris séparément, il n’y a pas de quoi déchirer sa chemise. Comme nous en avons discuté aujourd’hui, il s’agit des répercussions potentielles, des problèmes qui seraient cachés derrière les changements. C’est ce genre de libellé que nous cherchons.

Je pense que si nous pouvons régler certaines des préoccupations que nous avons soulevées, et dont je parlerai plus spécifiquement dans les commentaires écrits que je vous ferai parvenir, ça devrait bien aller pour nous.

La sénatrice Seidman : Excellent, merci.

La présidente : Merci. Madame Waley, aviez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Waley : Non, merci.

La sénatrice Omidvar : Madame Waley, je vais revenir à vous. Comme vous êtes des chefs de file dans ce genre de contexte, y a-t-il quelque chose que vous auriez aimé retrouver dans ce projet de loi, une mesure — selon vos membres et les nombreux employés qui font partie de votre association — qui a bien fonctionné, une pratique prometteuse, que vous voudriez bien nous recommander?

Mme Waley : Nous pensons que l’un des aspects que le projet de loi aurait pu approfondir concerne les heures de travail. Actuellement, dans le Code, la limite est fixée à 48 heures de travail par semaine. Nous pensons qu’il pourrait être bénéfique d’augmenter ce nombre d’heures afin de tenir compte des personnes qui ont un intérêt légitime à travailler plus longtemps pour toucher un revenu supplémentaire, pour suivre une formation en cours d’emploi ou pour leur perfectionnement professionnel. Mais, les employés pourraient refuser de travailler plus de 48 heures. Nous pensons que cela concorde bien avec cette notion de flexibilité en milieu de travail.

La sénatrice Omidvar : C’est utile; merci. Monsieur Hynes, vous avez dit que — et cela a en quelque sorte piqué ma curiosité — vous voudriez supprimer la mention de salaire égal pour un travail de valeur égale. Avez-vous dit cela?

M. Hynes : Non.

La sénatrice Omidvar : Qu’avez-vous dit?

M. Hynes : Nous aimerions supprimer la mention à travail égal, salaire égal. Le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale est l’équité salariale. Nous soutenons ce principe. C’est un autre débat. La disposition sur le salaire égal à travail égal limitera la capacité de l’employeur de payer différemment les employés selon le statut qu’ils ont dans l’organisation, c’est-à-dire les employés à temps plein, à temps partiel ou saisonniers. De nos jours, c’est une pratique courante, il peut y avoir des taux de salaire variables selon l’expérience de la personne, l’ensemble des compétences qu’elle apporte au poste, son ancienneté au sein de l’organisation. Ce projet de loi interdira tout cela et créera une disposition pour que les mêmes taux de salaire s’appliquent aux emplois qui sont essentiellement les mêmes.

La sénatrice Omidvar : Une fois encore, cela revient aux 2 p. 100. Cela ne les aidera-t-ils pas? Je suppose que les employés temporaires, saisonniers et à temps partiel seront payés moins que les employés permanents. Ai-je raison de supposer cela?

M. Hynes : Je ne pourrai pas l’affirmer. Je pense que c’est probablement vrai. Il y aura des taux de salaire variables selon le statut de la personne dans l’organisation.

La sénatrice Omidvar : Mais ce projet de loi touche au cœur de l’inégalité en uniformisant les règles.

M. Hynes : Ce que la communauté des employeurs dirait à ce sujet, c’est qu’elle préfère la flexibilité et, quand elle est impossible, qu’il faudrait élargir le critère qui permet de prévoir certaines exceptions à la règle. Actuellement, il y a quelques critères dans le projet de loi. C’est très court. Notre argument serait qu’il pourrait y avoir certaines variations, fondées sur le niveau d’expérience de l’employé, de l’ensemble des compétences apportées au poste et de son ancienneté au sein de l’organisation, ce genre de choses.

La sénatrice Omidvar : Je vais y réfléchir, merci.

La présidente : Il n’y a plus de questions pour cette seconde série. Nous allons manquer de temps. Sur ce, je vous remercie beaucoup. Je remercie les témoins. Cela nous a été très utile.

Chers collègues, nous sommes prêts à accueillir notre prochain témoin, M. Chris Roberts, directeur national, Politiques sociales et économiques du Congrès du travail du Canada. Bienvenue, monsieur Roberts. Je vous rappelle que vous avez sept minutes pour votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions. Je vous invite à commencer.

Chris Roberts, directeur national, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs. C’est un véritable plaisir d’être avec vous aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissant. Notre président, Hassan Yussuff, qui devait être ici, vous demande d’excuser son absence. Il désirait également comparaître devant vous.

Dans ma déclaration liminaire, je m’en tiendrai aux sections 8, 15, 16 et 21 de la partie 4.

Toutefois, je veux d’abord féliciter le gouvernement pour plusieurs mesures qui se trouvent ailleurs dans le projet de loi. Le CTC est particulièrement heureux de voir que la Loi sur l’équité salariale du gouvernement fédéral a enfin été présentée. Les travailleuses réclament cette loi depuis des décennies. Ce projet de loi de portée historique placera les femmes du secteur fédéral sur la voie du salaire égal pour un travail de valeur égale. Je félicite également le gouvernement d’avoir abrogé la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public.

Permettez-moi d’aborder la section 15 du projet de loi. Le CTC accueille les mesures du gouvernement qui renforcent les normes du travail fédérales. Le projet de loi C-86 apporte à la partie III du Code canadien du travail des modifications qui sont, à notre avis, tout à fait nécessaires et fort attendues.

Depuis la publication en 2006 du rapport exhaustif du commissaire Arthurs, les normes du travail fédérales sont à la remorque des améliorations provinciales. Plus important encore, elles n’ont pas suivi le rythme des changements importants dans le monde du travail et de l’emploi.

Nous saluons l’interdiction de la discrimination salariale fondée sur la situation d’emploi. Je me réjouis d’avoir l’occasion, peut-être pendant la période de questions, de corriger certaines erreurs commises par le témoin précédent à cet égard.

Les employés d’une agence de placement temporaire auront droit à un traitement égal dans le projet de loi. À notre avis, les nouvelles protections de l’égalité de traitement dans le code compléteront et renforceront la nouvelle Loi sur l’équité salariale. L’interdiction de la discrimination salariale fondée sur la situation d’emploi profitera aux travailleurs à faible revenu, aux femmes, aux travailleurs de couleur et aux nouveaux arrivants au Canada. Ces travailleurs sont plus susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel ou un emploi temporaire, occasionnel ou saisonnier.

Selon nous, ces protections devraient être élargies pour comporter une interdiction de la discrimination fondée sur la date d’embauche, semblable aux dispositions du Québec dans sa Loi sur les normes du travail. Cela ne nuirait pas aux dispositions sur l’ancienneté à titre de motif justifiable pour les inégalités salariales. Je serai heureux de fournir au comité un libellé et des recommandations concrètes à cet égard.

Nous sommes ravis que les victimes de violence familiale aient maintenant droit à cinq jours de congé payé. Cependant, nous ne comprenons pas l’ajout d’une période d’admissibilité de trois mois afin d’accéder au congé payé pour violence familiale.

Le congé payé est essentiel pour les travailleuses qui sont victimes de violence familiale. Pour les femmes qui ont besoin de ce congé, le rétablissement d’obstacles à l’accès à ce congé est insensé. Nous recommandons que le comité élimine cette exigence.

Le projet de loi C-86 fournit des protections importantes pour les travailleurs non syndiqués dans le cadre d’un appel d’offres. Cela dit, nous croyons que le gouvernement a raté l’occasion d’empêcher les employeurs de mettre fin aux droits de négociation et de réduire les salaires et les avantages sociaux de travailleurs syndiqués en rétrocédant des contrats. Nous exhortons le gouvernement à prendre des mesures pour s’assurer que tous les travailleurs sont traités équitablement dans de telles situations.

Nous avons des recommandations précises à fournir au comité en vue d’améliorer ces dispositions dans le projet de loi C-86.

Le projet de loi C-86 améliore encore davantage le Programme de protection des salariés. Nous sommes heureux de l’augmentation du paiement maximal pour qu’il atteigne l’équivalent de sept semaines du maximum de la rémunération assurable sous le régime du Programme d’assurance-emploi. Le nouveau paiement maximal s’appliquera aux faillites ou aux séquestres remontant jusqu’au 27 février 2018, date du budget fédéral de 2018. Plus important encore, le Programme de protection des salariés s’appliquera aux liquidations en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACD, ou aux propositions concordataires sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, sans une faillite ou un séquestre. Cela veut dire que, dans les cas comme la liquidation de Sears Canada, les travailleurs recevraient une certaine protection grâce au Programme de protection des salariés.

Le CTC appuie la prestation parentale partagée de l’assurance-emploi édictée à la section 8 du projet de loi. Nous soutenons le congé parental « à utiliser ou à perdre » destiné au parent qui n’a pas donné naissance. La recherche montre que les congés attribués aux pères, en plus des taux de remplacement du salaire plus élevés, augmentent l’utilisation du congé parental par les pères. Malheureusement, le taux de remplacement du salaire pour les prestations parentales prévu par le Programme d’assurance-emploi est trop faible. Avec un taux de 55 p. 100, ou de 33 p. 100 si la famille choisit de prolonger le congé partagé jusqu’à 18 mois, nous craignons que nombre de familles n’aient pas les moyens de prendre ce congé, ce qui pourrait entraîner un faible recours à la prestation.

Enfin, la section 21 de la partie 4 légifère les cibles fixées par la Loi sur la réduction de la pauvreté. Il est important d’établir une cible concrète en matière de réduction de la pauvreté, à partir de laquelle les progrès peuvent être mesurés. Il convient également de préciser qu’un pays aussi riche que le Canada a les moyens d’éliminer la pauvreté, non pas seulement de la réduire. À notre avis, le Canada devrait poursuivre l’objectif audacieux, mais réalisable d’enrayer le fléau de la pauvreté. Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l’occasion de vous parler aujourd’hui. J’ai hâte de répondre à vos questions.

La présidente : Merci. Nous allons commencer par la vice-présidente, la sénatrice Seidman.

La sénatrice Seidman : Merci, monsieur Roberts, de votre exposé. Vous avez commencé par dire que le témoin précédent avait commis des erreurs. J’aimerais vous parler de conventions collectives et de conflits potentiels avec les conventions collectives actuelles et les facteurs cumulatifs.

Je m’intéresse particulièrement à ce que vous avez à dire là-dessus — cela nous intéresse tous —, mais s’il existe d’autres problèmes, pourriez-vous nous en faire part?

M. Roberts : Il y a d’abord les dispositions sur l’égalité de traitement dans le projet de loi C-86 qui s’appliquent de façon générale et également aux agences de placement temporaire.

On s’attend maintenant à l’égalité de traitement pour les travailleurs ayant différentes situations d’emploi — à temps partiel, saisonniers, occasionnels et autres —, pourvu qu’ils travaillent dans le même établissement, qu’ils exécutent un travail qui est essentiellement le même, que les exigences du travail sont essentiellement les mêmes sur le plan des compétences, de l’effort et des responsabilités et que le travail est exécuté dans des conditions de travail comparables. Il ne s’agit pas d’une disposition qui fait fi des différences salariales attribuables à l’ancienneté, à une distinction basée sur le mérite, à la quantité ou à la qualité de la production de l’employé et à tout autre critère prévu par règlement. Elle interdit simplement de verser à un travailleur un salaire moindre pour le même travail qui suppose les mêmes compétences et la même quantité ou qualité dans le même milieu de travail simplement parce qu’il travaille à temps partiel plutôt qu’à temps plein. Nous croyons que cela amène une équité très nécessaire et qui est la bienvenue dans le milieu de travail, particulièrement lorsqu’on tient compte du fait que les femmes sont beaucoup plus susceptibles d’occuper des postes à temps partiel et d’être des travailleuses à faible revenu et des travailleuses de couleur, selon la recherche, et moins susceptibles d’occuper un emploi à temps plein pendant toute l’année. Nous croyons que ces dispositions renforceront certaines des autres mesures de renforcement de l’équité que ce gouvernement a prises.

Quant aux conventions collectives, une disposition du paragraphe 168(1.1) du code — elle ne figure pas dans le projet de loi C-86, mais dans la partie III du Code canadien du travail — précise que les sections 2, 4, 5 et 8 de la loi ne s’appliquent pas dans des conditions où il y a une convention collective en place, pourvu que les dispositions de la convention collective soient au moins aussi favorables que ce qui est prévu par la partie III du code. L’intention est précisément celle qui a été décrite. La partie III du Code canadien du travail établit des normes minimales dans ce qui a été par le passé un pays relativement très syndicalisé avec de grands employeurs syndiqués et dispositions de conventions collectives qui dépassent les normes minimales de la partie III du code.

Ce qui change, c’est que ces normes minimales deviennent plus importantes, puisque la nature du travail et de l’emploi évolue, la syndicalisation diminue et le travail précaire est de plus en plus répandu — et j’inclus ici les emplois à temps plein qui peuvent être précaires et offrir un faible salaire. Ces changements sont plus que jamais pertinents. Ils sous-tendent simplement les conditions de la convention collective. Ces dispositions ne l’emportent pas sur la convention collective ni ne l’amplifient.

La sénatrice Seidman : J’aimerais apporter une précision; vous avez dit les sections 2, 4, 5 et 8. ETCOF nous a dit que c’était acceptable. Le code du travail précise à certains endroits — je crois que c’est ce que nous avons entendu — qu’il n’y aura pas d’effet cumulatif; les conflits seront traités. Les ajouts ou les changements qui sont apportés dans d’autres parties du code du travail ne sont pas traités de la même façon. Ce que j’ai cru comprendre de l’organisme, c’est qu’il aimerait qu’on adopte une disposition de dérogation qui prévoirait que, dans le cas où la convention collective actuelle régit déjà la question, il ne devrait pas y avoir d’effet cumulatif, du moment qu’elle fait au moins l’objet du même traitement.

M. Roberts : Il a donné deux exemples : le congé pour violence familiale et le congé personnel payé.

Dans le cadre des conventions collectives, les syndicats viennent seulement de commencer à négocier de façon généralisée des dispositions relatives au congé pour violence familiale. Dans la mesure où ces dispositions font partie d’une convention collective et qu’elles prévoient au moins cinq jours de congé payé et dix jours au total, les modifications de la partie III du code figurant dans le projet de loi C-86 relatives au congé pour violence familiale n’ont pas d’importance. Elles ne sont pas ajoutées aux autres. C’est clair.

C’est la disposition de la convention collective qui s’applique. Elle précise cinq jours de congé payé et dix jours de congé non payé. C’est la même chose avec le congé personnel payé. À la suite de négociations, si une disposition est ajoutée à la convention collective et prévoit au moins cinq jours de congé, dont les trois premiers sont payés, ce sera la disposition.

Si elle prévoit moins de jours, alors les dispositions de la partie III du Code canadien du travail s’appliqueraient. Il s’agit simplement d’une question de « si » et de « ou ».

Également, on n’a pas mentionné que, selon les dispositions de l’égalité de traitement dans le projet de loi C-86 — les deux —, des dispositions maintiennent les droits acquis pour deux ans de toutes les dispositions de convention collective qui ne se conforment pas aux nouvelles exigences. Le projet de loi tient compte des complexités de l’adoption progressive d’importantes nouvelles protections des travailleurs dans le cadre de négociations collectives.

La sénatrice Seidman : Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai noté que vous avez félicité le gouvernement à l’égard de certains points, comme celui de la régularisation en ce qui a trait aux salaires au sein des agences de placement temporaire. Ai-je bien compris?

M. Roberts : Oui.

La sénatrice Mégie : D’accord.

Dans le monde de la santé, les infirmières et les infirmières auxiliaires font fréquemment appel à ces agences. C’est une approche qui est très ancrée dans les mœurs et qui permet d’accommoder la famille, et cetera. Elles travaillent les heures qu’elles veulent travailler, et c’est pourquoi elles préfèrent offrir leur disponibilité à ces agences.

Une fois que tout cela sera régularisé, qu’arrivera-t-il de ce genre de travail underground? Les infirmières ne pourront peut-être plus travailler pour ces agences, puisque ces dernières pourraient disparaître étant donné qu’elles font des profits avec cette différence de salaire. Selon vous, quel impact cela aura-t-il sur l’avenir de ces agences de placement?

[Traduction]

M. Roberts : Pouvez-vous préciser la nature des agences que vous décrivez? S’agit-il d’agences de placement temporaire?

[Français]

La sénatrice Mégie : Je parle des agences de placement temporaire.

[Traduction]

M. Roberts : C’est une bonne question. Les dispositions du projet de loi C-86 comptent deux volets. D’abord, elles empêchent les agences de placement temporaire d’exploiter les travailleurs qu’elles envoient aux clients. Elles leur interdisent d’imposer des frais et essentiellement d’en percevoir de l’employé pour son placement ou la possibilité de travailler avec le client, et ainsi de suite. C’est une bonne chose. Je ne crois pas que cela nuira aux travailleurs qui se trouvent dans ces situations.

Quant aux dispositions sur l’égalité de traitement qui obligent les agences de placement temporaire à s’assurer que leurs employés reçoivent le même salaire que celui que le client verse aux travailleurs de son entreprise pour le même travail, et avec tous ces critères, cela mettra en lumière le type d’exploitation et d’inégalité qui existait dans nombre d’ententes d’emploi tripartites conclues par une agence de placement temporaire.

Dans un milieu non syndiqué, il incombe à l’employé de déposer une plainte. Nous pensons que ce sera un véritable défi pour les travailleurs non syndiqués. Il revient au travailleur dans ces situations de présenter une plainte à son employeur s’il croit qu’il y a un déséquilibre. C’est un contexte très difficile dans lequel les travailleurs formuleront des plaintes. Il s’agit d’un rapport de force asymétrique.

On ne sait pas ce que seront les répercussions possibles. L’application et l’évaluation de la conformité joueront un grand rôle à savoir si ces nouvelles normes de travail améliorent efficacement les conditions des travailleurs. J’espère que les travailleurs seront en mesure de conserver l’emploi qu’ils occupent s’ils désirent continuer à travailler, mais dans une situation où ils reçoivent un salaire équivalent à celui des autres travailleurs qui accomplissent le même travail au lieu d’être forcés à trouver un autre emploi ou à travailler au noir.

[Français]

La sénatrice Mégie : Comment s’assurer que les agences respectent la loi à cet égard? Quelle instance pourra s’occuper de la mise en vigueur de cette loi?

[Traduction]

M. Roberts : C’est une bonne question. Le rapport de la Commission Arthurs de 2006, intitulé Équité au travail, a accordé une attention considérable à la question de la conformité. Il a fait valoir, de façon convaincante à mon avis, que le niveau de conformité aux normes du travail fédérales ne sera pas élevé tant qu’il n’y aura pas d’importantes pénalités imposées pour les violations des normes du travail, d’une part, et un investissement important dans l’inspection et l’amplification de la conformité au Programme du travail du gouvernement.

Il s’agit d’une question clé qui n’est pas réglée figurant dans les parties du projet de loi C-86 qui portent sur le nouveau chef de la conformité et de l’application. Une considération principale sera la dotation et l’investissement dans un service d’inspection qui peut s’assurer que les employeurs savent qu’il y a des conséquences s’ils violent les normes du travail.

Il y a beaucoup à faire pour éduquer les employeurs et travailler avec eux pour s’assurer qu’ils sont au courant de leurs obligations. Il existe des données probantes permettant d’évaluer si la conformité donne de bons résultats. À intervalles de quelques années, Statistique Canada réalise un sondage sur les milieux de travail de compétence fédérale. Ce sondage permet de vérifier la conformité à toute une série de lois et d’obligations dans le contexte fédéral — le secteur fédéral et le secteur privé. Cela montre ce à quoi vous pouvez vous attendre : les grands milieux de travail du genre de l’ETCOF — les télécommunications, le transport — sont plus susceptibles de respecter les normes du travail fédérales.

Ce sont les petites entreprises avec lesquelles ces grandes entreprises concluent souvent des contrats qui sont moins susceptibles d’avoir une politique sur le harcèlement sexuel en milieu de travail, ce que tous les milieux de travail sont censés avoir. Elles sont moins susceptibles de se conformer aux exigences des normes du travail fédérales.

Nous disposons d’une base de données probante. À mon avis, nous avons simplement besoin d’un investissement accru pour que l’on puisse s’assurer d’avoir le personnel et les ressources nécessaires pour appliquer les nouvelles normes du travail fédérales de façon efficace.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Merci d’être avec nous.

J’ai remarqué que vous étiez dans la salle pendant que nous entendions les témoignages des deux autres témoins. J’aimerais savoir ce que vous pensez du point de vue formulé concernant la discrimination salariale fondée sur la situation d’emploi. L’ETCOF a parlé de compétence. C’est logique, mais, en même temps, vous voulez vous assurer qu’il y a des chances égales pour tous.

Ce projet de loi trouve-t-il le bon équilibre, ou pensez-vous qu’il en fait trop des deux côtés?

M. Roberts : Il protège les différences salariales attribuables à l’ancienneté, au mérite et à des critères que l’on peut considérer comme étant légitimes, des motifs justifiant de bonne foi les différences salariales, dont bon nombre sont inscrites dans les conventions collectives, comme l’ancienneté.

Nous pensons que les dispositions relatives à l’égalité de traitement auraient pu aller plus loin et inclure non seulement les taux de salaire, mais également les avantages sociaux et la rémunération totale.

En Saskatchewan, les employeurs dont l’entreprise dépasse une certaine taille doivent s’assurer que les avantages sociaux s’appliquent également aux travailleurs à temps partiel, s’ils s’appliquent aux travailleurs à temps plein. Ce n’est pas inclus dans ces dispositions sur l’égalité de traitement et c’est aussi un problème dans la Loi sur l’équité salariale. Ce n’est pas une question de rémunération totale. C’est une question de salaire. Nous pensons qu’on aurait pu aller plus loin à cet égard.

En ce qui concerne la permanence, si cela veut dire la date d’embauche, nous croyons qu’il y a lieu de ne pas permettre de différences salariales en fonction de celle-ci, comme cela a été interdit au Québec, étant donné que cela permet aux employeurs de mettre en œuvre des systèmes à deux vitesses selon lesquels les nouveaux employés qui arrivent, généralement des employés plus jeunes, ne pourront jamais atteindre le même taux de salaire qu’ont les employés actuels bénéficiant d’une certaine ancienneté. Il existe deux catégories différentes et permanentes de taux de rémunération. Si les employés exécutent le même travail dans le même établissement industriel, dans les mêmes conditions et ainsi de suite, ils devraient recevoir la même rémunération. Les jeunes ne devraient pas être moins payés simplement parce qu’ils sont jeunes et simplement en raison de la dynamique du milieu de travail. Nous pensons qu’on aurait pu aller plus loin à certains égards.

La sénatrice Omidvar : Peut-être pouvez-vous m’aider à y voir plus clair. Vous avez dit que l’ancienneté était protégée dans la plupart des conventions collectives. Vous parlez ensuite de permanence. Ne s’agit-il pas de la même chose, la permanence et l’ancienneté?

M. Roberts : L’ancienneté est explicitement protégée dans le projet de loi C-86, dans les dispositions sur l’égalité de traitement. C’est établi clairement et explicitement dans la loi. Ce n’est pas un problème en l’occurrence. Les employeurs qui justifient les différences salariales uniquement en fonction de l’ancienneté n’ont aucun problème.

Si, selon l’ETCOF, la permanence est simplement lorsque quelqu’un commence à travailler quelque part, je ne sais pas si c’est le cas, mais je fais simplement une distinction entre l’ancienneté et la date d’embauche. L’ancienneté est protégée; la date d’embauche n’est pas incluse.

La sénatrice Omidvar : Nous avons besoin d’éclaircissement. Je me demande si mes collègues sont d’accord, mais je ne comprends pas trop la différence entre la permanence et l’ancienneté. N’est-ce pas la même chose?

La présidente : Pourriez-vous donner un exemple?

La sénatrice Eaton : Je croyais que la permanence était un terme universitaire signifiant qu’on est employé à vie, alors que l’ancienneté est une question de temps passé à occuper un poste et du niveau dans la hiérarchie.

M. Roberts : Je pense que les deux catégories significatives sont celles que j’ai présentées. Celles de l’égalité de traitement sont celles qui sont incluses dans le projet de loi C-86 : l’ancienneté, qui a un sens précis dans les conventions collectives, mais également en droit du travail; et la question des systèmes à deux vitesses ou des clauses de disparité de traitement, comme on les appelle dans le cadre de l’entente que le Québec a conclue, qui créent deux catégories différentes de travailleurs, sans compréhension commune de l’ancienneté dans ces catégories d’employés. Est-ce que cela a du sens?

La sénatrice Omidvar : Je vais y réfléchir.

La présidente : Nous pourrions peut-être aller plus loin à la deuxième série de questions.

Nous avons le temps pour une deuxième série de questions.

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie, monsieur Roberts. Ma question n’est peut-être pas dans le même ordre d’idée. Le Code du travail ou les normes du travail contiennent-ils des dispositions pour les travailleurs migrants saisonniers, qui peuvent constituer un groupe particulièrement vulnérable?

M. Roberts : C’est une excellente question. À ma connaissance, les travailleurs migrants ne sont pas expressément mentionnés dans la partie III du Code canadien du travail ni ailleurs dans le code. Il existe des lois provinciales sur les normes du travail qui protègent spécifiquement les travailleurs migrants. Le Code canadien du travail ne prévoit rien à cet égard. Il pourrait très bien être modifié en vue de préciser les mesures de protection dont peut se prévaloir ce groupe de travailleurs particulièrement vulnérable, et il devrait l’être.

Le sénateur Ravalia : Je pense à la démographie de ma propre province, où nous avons eu un afflux non seulement de migrants, mais également de personnes en attente quant à leur demande d’asile et à leur statut de réfugié, entre autres. Ces personnes sont souvent la cible de divers groupes de travailleurs, et fournissent souvent des services à un salaire bien inférieur au salaire minimum, mais elles craignent d’en parler parce qu’elles viennent de sociétés où elles sont complètement terrifiées par tout ce qui touche à la loi. Je pense que cela s’étend également à ce domaine. C’est un peu déconcertant.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, sénateur Ravalia, vous avez éveillé mon intérêt. Ce n’est peut-être pas dans le projet de loi, mais ce dernier propose des modifications à la Loi sur l’assurance-emploi. Mes renseignements sur les prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs migrants — et je crois qu’il y a eu un changement il y a quelque temps — sont que les travailleurs migrants et leurs employeurs cotisent à l’assurance-emploi, mais comme ils sont des travailleurs migrants saisonniers, ils ne reçoivent aucune prestation, ce qui revient à cotiser de l’argent pour une autre personne. Je trouve cela incroyablement injuste. Pouvez-vous nous dire si cette disposition a été modifiée?

M. Roberts : Non, cela n’a pas été modifié. Les prestations parentales de l’assurance-emploi ont été refusées aux travailleurs migrants sous l’administration précédente et n’ont pas été rétablies. Le Congrès du travail du Canada a demandé que cette injustice soit réparée.

Il y a aussi un problème plus vaste dans le programme d’assurance-emploi en ce qui concerne les prestations régulières. Il est très difficile pour les travailleurs migrants dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, par exemple, d’avoir accès aux prestations pour lesquelles ils cotisent. Vous avez tout à fait raison.

C’est un grief de longue date. Il s’agit d’une subvention de la part des travailleurs migrants, certains des travailleurs les plus pauvres et les plus vulnérables de la société canadienne, et il faudrait s’y attaquer dans le cadre de la crise générale de l’accès aux prestations régulières d’assurance-emploi qui a cours au Canada.

La sénatrice Omidvar : J’ai travaillé sur ce dossier il y a quelques années dans le cadre d’une commission à l’extérieur de l’Ontario. Lorsque nous avons exploré la question, la solution était que les travailleurs migrants et leurs employeurs, s’ils ne peuvent pas recevoir de prestations, ne devraient pas cotiser au fonds commun. Ils devraient en être exemptés. En outre, l’argument contraire, qui a prévalu, était que cela incite indûment les employeurs à embaucher des travailleurs migrants. C’est la raison pour laquelle ils cotisent au fonds commun : pour rester sur un pied d’égalité afin que les travailleurs migrants ne soient pas indûment préférés aux autres travailleurs parce que cela coûte moins cher à l’employeur.

Est-ce que ma mémoire est bonne?

M. Roberts : Oui. Nous sommes d’avis que tous les travailleurs, et de plus en plus à une époque d’incertitude croissante et de probabilité de chocs de revenu à un moment donné de leur vie active, ont besoin d’un programme d’assurance-emploi, comme celui que nous avons. Plutôt que de démanteler cela, nous devons nous attaquer au problème de l’accès et du niveau de prestations qui empêche de plus en plus de chômeurs de bénéficier d’une sécurité du revenu s’ils perdent leur emploi.

Au lieu de créer ces contradictions et ces incitatifs malavisés en mettant en place des catégories de travailleurs qui entraîneraient toutes sortes de résultats négatifs, nous préférerions de loin que les travailleurs qui cotisent maintenant au système retirent les prestations pour lesquelles ils paient.

La concurrence et les effets pervers que vous venez de décrire sont également abordés dans le projet de loi C-86 en ce qui concerne la classification inappropriée. Dans les modifications au code, il y a une mesure qui interdirait explicitement aux employeurs de classer les employés comme travailleurs autonomes ou entrepreneurs indépendants dans le but de se soustraire à leurs obligations en vertu des normes du travail fédérales. Un tel agissement entraîne également des répercussions fiscales.

Lorsque les entreprises de télécommunications du secteur fédéral appellent leurs employés des entrepreneurs indépendants, elles réalisent d’énormes économies d’impôt à l’égard des cotisations au RPC, à l’assurance-emploi, à la santé et à la sécurité, et ce genre de chose. Le projet de loi va jusqu’à imposer à l’employeur le fardeau de démontrer que l’employé n’est pas un employé, mais un entrepreneur indépendant. Il aurait pu aller beaucoup plus loin. On aurait pu ajouter une définition du terme « employé » à la partie III du code. Il n’y a pas de définition de ce qu’est ou n’est pas un employé dans cette partie du code. Il y a une ambiguïté inhérente. Nous aurions aimé qu’il y ait une reconnaissance formelle des employés qu’on qualifie théoriquement d’indépendants ou d’entrepreneurs, mais qui dépendent en fait de l’employeur et qui sont, tout compte fait, des employés.

La présidente : Je vous remercie. Avant que vous ne partiez, j’aimerais poser une question pour m’aider, ainsi que peut-être mes collègues, à mettre les choses en perspective. Nos témoins précédents ont tous deux mentionné que bon nombre de ces mesures étaient déjà en place dans les organisations qu’ils représentaient, et peut-être même à un meilleur degré. Cela donnait l’impression que ces mesures n’allaient pas toucher un groupe aussi important.

J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Roberts : Je pense que l’une des raisons pour lesquelles les normes du travail du Code canadien du travail n’ont pas été modernisées de façon significative depuis les années 1960 est précisément parce que les industries sous réglementation fédérale ont toujours été fortement syndiquées et disposaient de conventions collectives solides. Les normes minimales pour les travailleurs non syndiqués étaient plus ou moins le fruit d’une réflexion après coup.

Ce monde a changé. Ce que nous voyons aujourd’hui, ce ne sont pas seulement ces mêmes employeurs qui sous-traitent et profitent des faiblesses de la réglementation du marché du travail pour profiter des travailleurs en situation précaire et vulnérables, mais ce sont également les emplois syndiqués eux-mêmes qui subissent des pressions. Nous constatons une baisse des taux de représentation syndicale. Nous voyons également de plus en plus les caractéristiques de l’emploi précaire dans les emplois à temps plein dans les grandes entreprises. Il est grand temps de commencer à renforcer ces normes minimales qui aideront tous les travailleurs, c’est primordial. Il ne fait aucun doute qu’il y aura beaucoup de travail précaire qui se fera dans le secteur fédéral. Il suffit de regarder l’industrie du cinéma, de la télévision, des écrans, des médias et des nouveaux médias pour constater que l’emploi est aussi précaire que dans toute industrie ou secteur à l’échelle provinciale. Ce n’est qu’une industrie parmi tant d’autres. Regardez les milieux de travail, regardez dans l’industrie des services financiers, dans les services administratifs et le travail de bureau. Vous trouverez de plus en plus d’emplois précaires dans le secteur fédéral. Il s’agit d’une mesure législative importante. C’est nécessaire. Cela aurait dû être fait depuis longtemps, et c’est le bon moment.

La présidente : Merci beaucoup. Vous avez été d’une grande aide aujourd’hui. Je vous remercie d’être ici. Je vous rappelle que le comité se réunira deux fois demain, à 10 h 30 et à 14 h 30. Nos entendrons demain les représentants des organisations suivantes : la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le Conseil du patronat du Québec, le syndicat des Teamsters et l’Institut Vanier de la famille.

(La séance est levée.)

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